COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA MANIÈRE DONT A ÉTÉ PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE LA CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA GRIPPE A(H1N1)
Mercredi 9 juin 2010
La séance est ouverte à seize heures vingt-cinq.
(Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la commission d'enquête)
La Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) entend M. Pierre Boissier, chef de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).
Nous accueillons M. Pierre Boissier, chef de l'Inspection générale des affaires sociales.
M. Pierre Boissier prête serment.
Pourriez-vous nous exposer le rôle joué par l'Inspection générale des affaires sociales tout au long de la campagne de vaccination ?
Nous avons été relativement peu impliqués dans le dispositif, qui était essentiellement opérationnel alors que notre rôle est avant tout un rôle de contrôle ex post. Cependant, nous avons mis deux personnes à la disposition de la Direction générale de la santé pour renforcer les équipes en début de campagne, et un de nos inspecteurs généraux a assuré l'intérim du directeur départemental de l'action sanitaire et sociale de Paris dans la deuxième partie de la campagne, mais sous la responsabilité du ministère et non de l'IGAS.
Nous avons rédigé des rapports ponctuels, à différentes étapes de la gestion de la pandémie. Nous sommes intervenus d'abord en début de campagne, au début de décembre, sur la gestion des stocks, sur saisine du ministère de la santé. On avait en effet constaté un écart entre le nombre de vaccinations et les quantités de vaccins livrées. Nous avons procédé par sondage. L'écart entre le nombre de bons de vaccination décomptés à la CNAM et celui des vaccinations effectuées s'expliquait par un retard dans le traitement des premiers bons, qui s'accumulaient dans les centres de vaccination, et par la constitution de stocks importants. Nous avons donc conclu qu'il n'y avait pas de détournement de vaccins, comme les chiffres pouvaient le laisser craindre. Sur les stocks physiques, nous n'avons rien remarqué d'essentiel, sinon quelques pertes liées à des accidents ou à des difficultés de manipulation des vaccins.
Nous avons également effectué trois audits ponctuels dans des zones où le ministère avait détecté des tensions. Chaque fois, ce fut sur saisine conjointe du ministre de l'intérieur et du ministre de la santé, et de concert avec l'Inspection générale de l'administration.
Notre première intervention, au début de décembre 2009, concernait l'Île-de-France. Nous n'avons pas constaté de dysfonctionnement majeur dans les huit centres de vaccination que nous avons visités à Paris, dans le Val-de-Marne et en Seine-Saint-Denis. Les schémas d'organisation étaient connus et globalement respectés. Toutefois, nous avons souligné deux facteurs de risque par rapport à la conduite de la campagne.
Premièrement, l'efficacité des centres de vaccination était fonction de celle du maillon le plus faible de la chaîne des intervenants administratifs, médicaux et infirmiers, et il était difficile de maintenir un équilibre entre ces trois composantes, compte tenu d'un turn-over extrêmement important. Un certain nombre d'engorgements s'expliquaient par le fait qu'une des catégories n'était plus, ou pas, au niveau des autres.
Deuxièmement, dans un certain nombre de centres, en ce début de campagne, l'archivage et l'envoi des documents visant à assurer la traçabilité de la vaccination n'étaient pas traités avec suffisamment de rigueur ; nous avons donc fait des observations pour que ce problème soit corrigé.
Nous avons pu constater quelques dysfonctionnements affectant la montée en charge, principalement une certaine faiblesse de pilotage due à ce que la responsabilité des équipes opérationnelles départementales (EOD) avait été confiée, officiellement ou non, aux seules directions départementales des affaires sanitaires et sociales. Or, alors que les EOD manquaient un peu d'autorité pour mobiliser l'ensemble des services de l'État, les directions départementales, elles, se trouvaient parfois sous-dimensionnées du fait du bouleversement administratif entraîné par la mise en place des ARS (agences régionales de santé) et par les différentes réorganisations liées à la révision générale des politiques publiques.
Nous avons également demandé que ces équipes opérationnelles ne se contentent pas de transmettre aux centres de vaccination les circulaires et instructions ministérielles, mais qu'elles jouent un rôle d'accompagnement et élaborent des procédures simplifiées au bénéfice des centres.
Je m'arrêterai sur le cas de Paris. À ce stade, les résultats nous sont apparus à peu près convenables : le 30 novembre, la proportion de personnes vaccinées y était de 2,08 %, contre 1,58 % en moyenne nationale. Nous avons cependant constaté certaines difficultés liées au fait que les choix de pilotage entre autorités préfectorales – préfecture de police et préfecture de Paris – et directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) ont varié dans le temps, le partage des rôles et des responsabilités n'ayant pas été clairement défini dès le début de la campagne de vaccination. De ce fait, la DDASS de Paris s'est trouvée relativement isolée pour gérer la crise. Nous avons préconisé, là encore, un renforcement du pilotage. Une telle situation peut sans doute expliquer que la DDASS de Paris ait un peu résisté, en début de campagne de vaccination, à ouvrir de nouveaux centres, pour en porter le nombre à 22 comme initialement prévu.
Deuxièmement, à la fin de décembre 2009, nous sommes intervenus dans le département du Pas-de-Calais, toujours donc sur saisine conjointe des deux ministères, en raison de l'attente qui était nécessaire pour accéder aux centres de vaccination.
Nous avons constaté qu'il n'y avait pas de problème particulier d'approvisionnement, que les plannings étaient bien organisés et que, dans l'ensemble, le stockage des vaccins se faisait dans de bonnes conditions – sauf dans un des centres d'Arras, en raison de pannes de réfrigérateurs. Nous avons observé cependant que les approvisionnements des équipes mobiles de vaccination en kits d'urgence n'étaient pas très satisfaisants, notamment pour ce qui est des établissements scolaires. Nous avons donc recommandé de revoir cette organisation. En conclusion, nous n'avons rien signalé de dramatique.
Troisième et dernière intervention : en janvier 2010, dans les Hauts-de-Seine, nous avons été saisis à propos de l'adéquation quantitative de l'offre de vaccination, ainsi que des modalités d'accès à la vaccination pour les populations les plus démunies.
Nous avons constaté une chute très forte du nombre de vaccinations à partir de Noël, liée, selon nos interlocuteurs, au reflux de l'épidémie et aux annonces d'annulation des commandes de vaccin. Cela se traduisait par la sous-occupation des personnels réquisitionnés. Nous avons préconisé d'alléger et d'assouplir le dispositif.
Nous pouvons sans doute tirer de notre enquête sur l'accès à la vaccination des populations des quartiers défavorisés quelques enseignements pour l'avenir. Nous avons constaté une corrélation significative entre les taux de vaccination et le profil sociologique des communes des Hauts-de-Seine. Cette corrélation a été corroborée par l'ensemble des entretiens que nous avons eus avec les acteurs de terrain : ceux-ci nous ont indiqué que les doutes sur l'innocuité du vaccin et sur l'utilité de la vaccination étaient très profondément enracinés dans les milieux défavorisés. Notre mission a estimé que ce ne serait sans doute pas par des approches administratives classiques que la situation pourrait être corrigée, mais plutôt par un message médical de proximité, en impliquant notamment la médecine de ville.
Voilà les quelques interventions qui ont été les nôtres pendant la conduite de cette campagne.
D'après mes informations, l'IGAS aurait produit sur la grippe saisonnière un rapport qui n'aurait pas été rendu public. Est-ce que, dans les mois passés, l'IGAS a travaillé sur ce sujet ? Est-ce qu'un tel rapport existe ? Si oui, sera-t-il rendu public un jour ? À qui devons-nous le demander ?
Je n'ai pris mes fonctions qu'en octobre 2009. Depuis, nous n'avons pas fait de rapport sur la grippe saisonnière. Je vais évidemment faire des recherches pour voir si, antérieurement, on en avait fait. Si c'est le cas, j'en informerai la commission d'enquête.
Nos rapports étant généralement de nature confidentielle, la commission d'enquête devra adresser une demande formelle au cabinet de la ministre si elle en souhaite la transmission.
Que pensez-vous de la façon dont ont été réparties les responsabilités entre les deux ministères de la santé et de l'intérieur ? Pensez-vous qu'il faudrait, à l'avenir, revoir le pilotage ?
Nous n'avons pas contrôlé l'organisation du dispositif au niveau national. Comme je l'ai dit, nous ne sommes intervenus que trois fois, examinant le fonctionnement de tout au plus une dizaine de centres de vaccination. Je ne pourrai donc pas en tirer des conclusions générales. Nous avons pu néanmoins observer que la diversité des personnels à mobiliser, dans ce type de situation, impliquait que l'autorité la plus établie dans le département ait la main sur le pilotage. En l'occurrence, les rapports que nous avons rendus, notamment sur l'Île-de-France, soulignaient la nécessité d'y impliquer fortement l'autorité préfectorale, et de l'amener à soutenir l'action des équipes opérationnelles.
Plutôt donc le ministère de l'intérieur que les autorités sanitaires – directeur de l'agence régionale de santé et ministère de la santé ?
Il m'est difficile de dire comment il faudrait procéder maintenant que les agences régionales de santé sont en place. Mais en l'espèce, sur la période que nous avons examinée et sachant que les directions départementales des affaires sanitaires et sociales étaient « en fin de vie », je visais effectivement les préfets, donc le ministère de l'intérieur.
Si l'IGAS a fait un audit sur la grippe saisonnière, je vous demande de nous en informer. Nous saisirons alors officiellement la ministre pour en avoir connaissance.
Vous avez parlé des difficultés propres à Paris. Vous n'ignorez pas que c'est le seul endroit où un directeur départemental des affaires sanitaires et sociales a été « remercié », puisque c'est un membre de l'IGAS qui a assuré son intérim en attendant la mise en place des agences régionales de santé. Son audition et votre propos me laissent à penser que, dans ce cas spécifique, l'intervention de trois préfets a rendu extraordinairement compliquée la gestion du système et a abouti à marginaliser l'action du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, qui s'est trouvé isolé. Avez-vous réfléchi à une meilleure organisation pour Paris, qui permettrait de désigner clairement un chef de file ?
Nous avons effectivement constaté que la complexité de l'architecture institutionnelle de Paris ne permettait pas un partage clair des rôles entre la préfecture de police et la préfecture de Paris. Il n'était pas dans notre mandat de faire un choix ou un arbitrage, d'autant que la décision dépend beaucoup plus du ministère de l'intérieur que du ministère qui nous avait saisis.
Au début du mois de décembre, conjointement d'ailleurs avec l'Inspection générale de l'administration, nous avons demandé que, pour la suite des opérations, on clarifie les rôles entre ces deux préfectures. Après, nous ne sommes pas réintervenus.
Vous avez indiqué que les populations les plus défavorisées avaient été très réticentes vis-à-vis de la vaccination. Quels seraient, d'après vous, les meilleurs réseaux à utiliser pour leur permettre, dans l'avenir, de mieux apprécier la pertinence d'une vaccination éventuelle ? Pensez-vous que le recours aux réseaux habituels de santé – médecins généralistes, etc. – aurait permis d'améliorer la situation ?
Nous avons effectivement fait ce constat concernant les départements de l'Île-de-France. L'une de nos préconisations était d'avoir recours à la médecine de ville et à la médecine de proximité – probablement à toutes les formes d'intervention médicale ou sanitaire de proximité. Manifestement, le processus administratif classique – envoi de courrier au domicile – touche moins ce type de public. Qui plus est, comme nous l'ont indiqué les acteurs de l'opération que nous avons auditionnés, celui-ci s'est montré beaucoup plus sensible que d'autres aux informations plus ou moins objectives qui ont été publiées ici ou là sur l'utilité de la vaccination.
Que pense l'IGAS du fait que la médecine de ville n'ait pas été impliquée dans cette opération de vaccination ? Considérez-vous, en tant que contrôleur des actions sanitaires, qu'il y avait un risque à confier la vaccination aux médecins libéraux ? Si oui, pourquoi ?
Nous avons, depuis relativement peu, une compétence sur la médecine de ville. Toutefois, nous n'avons pas été saisis sur ce sujet et il m'est donc difficile de répondre à cette question.
Encore une fois, nous ne sommes intervenus que ponctuellement, sur la manière dont le dispositif fonctionnait. Nous n'avons pas eu à analyser la pertinence de son organisation, ni dans le cadre de notre programme de travail, ni sur saisine complémentaire des ministres.
Vous paraît-il logique qu'on ne vous l'ait pas demandé ? Il me semble que cela fait partie du travail habituel de l'IGAS.
Nous avons l'habitude de travailler très étroitement avec la Cour des comptes et de partager nos investigations. Nous pouvons intervenir à deux titres : soit parce que les ministres nous saisissent et, sur ce sujet, cela n'a pas été le cas jusqu'à présent ; soit dans le cadre de notre programme de travail, que nous élaborons en nous concertant avec la Cour.
Non. Et comme nous savions qu'elle se penchait sur la question, nous n'avons pas jugé opportun de réinscrire ce sujet à notre programme de travail.
Et vous nous confirmez que l'on ne vous a jamais demandé d'évaluer la pertinence du dispositif à ce jour ?
À ce jour, nous n'avons pas été saisis d'une demande d'évaluation ex post du dispositif.
À propos des personnes défavorisées des Hauts-de-Seine, vous avez précisé que le niveau du taux de vaccination de cette population pouvait s'expliquer par l'absence d'implication de la médecine de ville. Est-ce un avis personnel de votre part ?
Ce n'est pas tout à fait comme cela que je me suis exprimé. J'ai indiqué effectivement que nous avions remarqué une corrélation, sur la base de l'analyse des chiffres, entre les taux de vaccination et le profil social des communes.
En effet, pardonnez-moi : les quartiers les plus défavorisés sont les quartiers où le taux de vaccination a été le plus faible.
Plus précisément, nous avons étudié la corrélation entre taux de vaccination et profil social et nous en avons tiré certaines conclusions. À partir de là, nous avons fait un certain nombre d'interviews auprès de ceux qui mettaient localement en oeuvre le dispositif. Les acteurs de terrain nous ont indiqué que dans ces milieux plus défavorisés, les doutes sur l'innocuité et l'utilité du vaccin étaient manifestement enracinés. Par ailleurs la mission qui est intervenue, constatant que les procédures administratives classiques – courriers, etc. – touchaient relativement mal ces populations, a suggéré qu'il serait peut-être préférable de privilégier des messages médicaux de proximité.
Est-ce à dire que, pour ces populations, trop de communication tue la communication, ou brouille le message ? Ou qu'elles sont particulièrement influencées par les débats télévisés, notamment, plus que par la presse écrite et les messages sanitaires ?
Je vais vous livrer ma vision personnelle. On n'a pas fait d'étude à proprement parler sur la question, mais la communication sur la vaccination a été variée, parfois divergente, et de sources diverses. Il est assez probable que cette multiplicité aura eu des effets déstabilisants.
Au cours de nos auditions, il nous est apparu assez souvent que les directives nationales avaient donné lieu à des interprétations très variées de la part des préfectures, et que cela avait pu influer sur l'efficacité ou sur la compréhension de la campagne de vaccination. L'avez-vous constaté dans les trois départements où vous avez mené des inspections ? En avez-vous entendu parler s'agissant d'autres départements ?
Non, nous ne l'avons constaté dans aucun des trois cas examinés. À chaque fois, l'une des tâches des missions était de vérifier que les instructions ministérielles avaient été correctement comprises et appliquées. Les rapports n'ont pas fait état d'interprétations divergentes.
Avez-vous eu l'impression que des informations contradictoires avaient été délivrées en début de campagne, s'agissant notamment des publics qui devaient être accueillis dans les centres ?
Cela me paraît très surprenant. Chacun a pu constater que, dans tous les centres, y compris en province, on avait commencé par dire qu'on accueillerait telle catégorie de population, puis tout le monde ; puis on avait restreint l'accueil des centres, qu'on avait fini par ouvrir à tous. C'étaient des instructions « à géométrie variable ». L'inspection ne l'a-t-elle pas remarqué ?
Nous sommes intervenus uniquement sur l'organisation de la chaîne de fonctionnement. Et sur la chaîne de fonctionnement, nous avons constaté une homogénéité.
La chaîne de fonctionnement, cela n'incluait pas les gens susceptibles d'être admis à être vaccinés ?
Notre mandat ne portait pas sur les conditions d'envoi, par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAM), des bons de vaccination aux différentes populations. Nous sommes intervenus sur la manière dont la chaîne de vaccination fonctionnait, à l'intérieur des centres.
Je ne parle pas de l'envoi des bons par la CNAM, mais de l'accueil ciblé des différents publics dans les centres. Ces derniers, qui avaient été ouverts pour accueillir les publics prioritaires munis de bons de vaccination, ont ensuite accueilli tout le monde, puis certaines personnes qui avaient ou non des bons de vaccination, lesquels étaient pour moitié édités sur place, etc. Un tel dysfonctionnement n'est-il pas apparu lors de l'une ou l'autre de vos inspections ?
Les personnes à risque hospitalisées, pensionnaires dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou dans des maisons de retraite et les personnes âgées qui ne pouvaient pas se déplacer ont-elles été concernées par la vaccination ? À ma connaissance, ni les établissements ni les médecins ou infirmières intervenant à domicile ne disposaient du vaccin. J'ai contribué bénévolement à la campagne de vaccination. De temps en temps, mon centre a organisé officieusement le transport de vaccins dans des glacières pour permettre aux équipes mobiles d'aller vacciner ces personnes qui étaient considérées comme des personnes à risque. Avez-vous eu vent de ce problème ?
Si j'ai bien compris, on vous a demandé de contrôler le pilotage des centres, la relation entre la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et les centres, mais pas ce qui s'est passé à l'intérieur de ces derniers.
Sauf pour la première mission qui portait sur la question spécifique des stocks, on nous a demandé d'intervenir sur des sites où l'on constatait des files d'attente ou des difficultés d'accès – et de déterminer si ces problèmes provenaient du pilotage ou du fonctionnement des centres. Nos missions, que ce soit dans le Pas-de-Calais ou en Île-de-France, ont porté sur ce point particulier, et nous avons été saisis de manière limitative.
Les bons ont été une source de dysfonctionnement dans les centres. Lorsque les gens n'en avaient pas, il fallait en éditer, ou les renvoyer. Cela ne faisait-il pas partie des difficultés constatées par vos services ?
Comme je vous le disais tout à l'heure, nous n'avons pas fait d'audit sur ce point. Je ne peux qu'avoir une opinion personnelle, que je ne livrerai pas à la commission.
Vous n'avez pas été sollicités pour inspecter l'ensemble du processus de vaccination, depuis l'arrivée des produits, en passant par l'attribution des bons, par le choix des populations à vacciner et par l'organisation des centres ?
Très clairement, non. C'est ce que je disais au début de mon audition : nous avons été peu impliqués et de manière extrêmement ponctuelle.
Exceptionnellement, et bien que vous ayez juré de dire la vérité, toute la vérité, je vais vous poser une question à laquelle j'accepte que vous ne répondiez pas. À titre personnel, jugez-vous logique que l'IGAS, qui est un rouage essentiel de l'administration sanitaire, n'ait pas été réellement associée à une opération d'une telle ampleur et ait dû se contenter de mener des inspections que je qualifierai de « très marginales » ?
Je partage votre avis sur le fait que notre intervention a été marginale. Quant à savoir qui devait faire l'évaluation, je reprendrai ce que je vous disais tout à l'heure : ce pouvait être nous ou la Cour des comptes. À partir du moment où la Cour des comptes était impliquée, il ne me paraissait pas nécessaire de nous impliquer aussi. Mais c'est une opinion personnelle et il est tout à fait possible que, demain, la ministre nous demande une évaluation ex post du dispositif.
Avez-vous connaissance d'un autre cas où, sous prétexte que la Cour des comptes viendrait s'intéresser à ce qui se passe dans le domaine de la santé, on n'aurait pas saisi l'IGAS ?
Le dysfonctionnement d'un hôpital peut être de nature financière ou de nature sanitaire. Ce n'est pas parce que la Cour des comptes s'intéresserait au fonctionnement de l'hôpital que vous vous interdiriez d'intervenir ?
Je vous l'ai dit, l'Inspection intervient soit sur saisine ministérielle, soit dans le cadre de son programme de travail. Dans ce dernier cas, nous nous coordonnons avec la Cour des comptes.
Éclairez-moi : la Cour des comptes s'occupe plutôt du versant financier, et l'IGAS du versant sanitaire ?
On conçoit très bien que la Cour des comptes soit saisie en cas de dérive financière d'un établissement hospitalier. On a plus de mal à concevoir qu'elle juge du fonctionnement sanitaire d'un centre hospitalier ou d'une campagne de vaccination. Si une autre épidémie survenait, il serait utile de connaître le rôle que l'IGAS pourrait éventuellement jouer dans la surveillance de la mise en place de cette campagne. Je pense que c'est le sens de la question du président Lagarde.
D'autant plus, cher collègue, qu'à ma connaissance, la Cour des comptes s'intéresse plutôt à la gestion de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, et pas à l'ensemble de la campagne de vaccination.
Quoi qu'il en soit, il me paraît assez incohérent de ne pas utiliser votre compétence et votre connaissance de l'administration. À l'avenir, il me paraîtrait logique que vous soyez totalement impliqués dans le contrôle du dispositif, non pas parce qu'il y aurait des files d'attente, mais parce que l'on a besoin d'évaluer en permanence les politiques publiques. Cela me paraît logique. Cela vous paraît peut-être logique à vous aussi. En tout cas, je le souhaite, monsieur l'inspecteur.
Aller plus loin ne nous édifierait pas davantage. Je vous remercie.
La séance est levée à dix-sept heures dix.