Nous avons été relativement peu impliqués dans le dispositif, qui était essentiellement opérationnel alors que notre rôle est avant tout un rôle de contrôle ex post. Cependant, nous avons mis deux personnes à la disposition de la Direction générale de la santé pour renforcer les équipes en début de campagne, et un de nos inspecteurs généraux a assuré l'intérim du directeur départemental de l'action sanitaire et sociale de Paris dans la deuxième partie de la campagne, mais sous la responsabilité du ministère et non de l'IGAS.
Nous avons rédigé des rapports ponctuels, à différentes étapes de la gestion de la pandémie. Nous sommes intervenus d'abord en début de campagne, au début de décembre, sur la gestion des stocks, sur saisine du ministère de la santé. On avait en effet constaté un écart entre le nombre de vaccinations et les quantités de vaccins livrées. Nous avons procédé par sondage. L'écart entre le nombre de bons de vaccination décomptés à la CNAM et celui des vaccinations effectuées s'expliquait par un retard dans le traitement des premiers bons, qui s'accumulaient dans les centres de vaccination, et par la constitution de stocks importants. Nous avons donc conclu qu'il n'y avait pas de détournement de vaccins, comme les chiffres pouvaient le laisser craindre. Sur les stocks physiques, nous n'avons rien remarqué d'essentiel, sinon quelques pertes liées à des accidents ou à des difficultés de manipulation des vaccins.
Nous avons également effectué trois audits ponctuels dans des zones où le ministère avait détecté des tensions. Chaque fois, ce fut sur saisine conjointe du ministre de l'intérieur et du ministre de la santé, et de concert avec l'Inspection générale de l'administration.
Notre première intervention, au début de décembre 2009, concernait l'Île-de-France. Nous n'avons pas constaté de dysfonctionnement majeur dans les huit centres de vaccination que nous avons visités à Paris, dans le Val-de-Marne et en Seine-Saint-Denis. Les schémas d'organisation étaient connus et globalement respectés. Toutefois, nous avons souligné deux facteurs de risque par rapport à la conduite de la campagne.
Premièrement, l'efficacité des centres de vaccination était fonction de celle du maillon le plus faible de la chaîne des intervenants administratifs, médicaux et infirmiers, et il était difficile de maintenir un équilibre entre ces trois composantes, compte tenu d'un turn-over extrêmement important. Un certain nombre d'engorgements s'expliquaient par le fait qu'une des catégories n'était plus, ou pas, au niveau des autres.
Deuxièmement, dans un certain nombre de centres, en ce début de campagne, l'archivage et l'envoi des documents visant à assurer la traçabilité de la vaccination n'étaient pas traités avec suffisamment de rigueur ; nous avons donc fait des observations pour que ce problème soit corrigé.
Nous avons pu constater quelques dysfonctionnements affectant la montée en charge, principalement une certaine faiblesse de pilotage due à ce que la responsabilité des équipes opérationnelles départementales (EOD) avait été confiée, officiellement ou non, aux seules directions départementales des affaires sanitaires et sociales. Or, alors que les EOD manquaient un peu d'autorité pour mobiliser l'ensemble des services de l'État, les directions départementales, elles, se trouvaient parfois sous-dimensionnées du fait du bouleversement administratif entraîné par la mise en place des ARS (agences régionales de santé) et par les différentes réorganisations liées à la révision générale des politiques publiques.
Nous avons également demandé que ces équipes opérationnelles ne se contentent pas de transmettre aux centres de vaccination les circulaires et instructions ministérielles, mais qu'elles jouent un rôle d'accompagnement et élaborent des procédures simplifiées au bénéfice des centres.
Je m'arrêterai sur le cas de Paris. À ce stade, les résultats nous sont apparus à peu près convenables : le 30 novembre, la proportion de personnes vaccinées y était de 2,08 %, contre 1,58 % en moyenne nationale. Nous avons cependant constaté certaines difficultés liées au fait que les choix de pilotage entre autorités préfectorales – préfecture de police et préfecture de Paris – et directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) ont varié dans le temps, le partage des rôles et des responsabilités n'ayant pas été clairement défini dès le début de la campagne de vaccination. De ce fait, la DDASS de Paris s'est trouvée relativement isolée pour gérer la crise. Nous avons préconisé, là encore, un renforcement du pilotage. Une telle situation peut sans doute expliquer que la DDASS de Paris ait un peu résisté, en début de campagne de vaccination, à ouvrir de nouveaux centres, pour en porter le nombre à 22 comme initialement prévu.
Deuxièmement, à la fin de décembre 2009, nous sommes intervenus dans le département du Pas-de-Calais, toujours donc sur saisine conjointe des deux ministères, en raison de l'attente qui était nécessaire pour accéder aux centres de vaccination.
Nous avons constaté qu'il n'y avait pas de problème particulier d'approvisionnement, que les plannings étaient bien organisés et que, dans l'ensemble, le stockage des vaccins se faisait dans de bonnes conditions – sauf dans un des centres d'Arras, en raison de pannes de réfrigérateurs. Nous avons observé cependant que les approvisionnements des équipes mobiles de vaccination en kits d'urgence n'étaient pas très satisfaisants, notamment pour ce qui est des établissements scolaires. Nous avons donc recommandé de revoir cette organisation. En conclusion, nous n'avons rien signalé de dramatique.
Troisième et dernière intervention : en janvier 2010, dans les Hauts-de-Seine, nous avons été saisis à propos de l'adéquation quantitative de l'offre de vaccination, ainsi que des modalités d'accès à la vaccination pour les populations les plus démunies.
Nous avons constaté une chute très forte du nombre de vaccinations à partir de Noël, liée, selon nos interlocuteurs, au reflux de l'épidémie et aux annonces d'annulation des commandes de vaccin. Cela se traduisait par la sous-occupation des personnels réquisitionnés. Nous avons préconisé d'alléger et d'assouplir le dispositif.
Nous pouvons sans doute tirer de notre enquête sur l'accès à la vaccination des populations des quartiers défavorisés quelques enseignements pour l'avenir. Nous avons constaté une corrélation significative entre les taux de vaccination et le profil sociologique des communes des Hauts-de-Seine. Cette corrélation a été corroborée par l'ensemble des entretiens que nous avons eus avec les acteurs de terrain : ceux-ci nous ont indiqué que les doutes sur l'innocuité du vaccin et sur l'utilité de la vaccination étaient très profondément enracinés dans les milieux défavorisés. Notre mission a estimé que ce ne serait sans doute pas par des approches administratives classiques que la situation pourrait être corrigée, mais plutôt par un message médical de proximité, en impliquant notamment la médecine de ville.
Voilà les quelques interventions qui ont été les nôtres pendant la conduite de cette campagne.