Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Commission des affaires étrangères

Séance du 15 novembre 2011 à 17h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • adhésion
  • balkans
  • guerre
  • kosovo
  • serbe
  • serbie

La séance

Source

Audition de M. Vuk Jeremić, ministre des affaires étrangères de la République de Serbie

La séance est ouverte à dix sept heures trente.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Nous avons l'honneur d'accueillir M. Vuk Jeremić, ministre des Affaires étrangères de Serbie, que nous avons déjà reçu à deux reprises, notamment le 6 avril dernier, lors de l'audition du Président Boris Tadić. Mais l'actualité de cette année 2011 et notre volonté de conforter encore davantage la solidité de nos relations bilatérales nous ont semblé justifier de profiter de votre passage à Paris pour vous entendre.

La Commission des affaires étrangères a approuvé la semaine dernière la ratification de l'accord de stabilisation et d'association avec la Serbie, qui devrait être votée en séance publique la semaine prochaine. L'entrée en vigueur de cet accord constituera une étape importante, longtemps retardée par l'opposition de certains pays, notamment les Pays-Bas, qui demandaient des garanties fortes de coopération avec le Tribunal pénal international.

L'étape suivante, c'est évidemment l'ouverture des négociations d'adhésion à l'Union européenne. La Serbie a une vocation historique à intégrer l'Union, même si nous savons que cela prendra du temps. Sa candidature a été déposée le 22 décembre 2009 et la Commission européenne a tout récemment recommandé l'octroi à la Serbie du statut de « pays candidat ». La Commission assortit cependant cette recommandation de plusieurs conditions, notamment la normalisation des relations avec le Kosovo et une coopération active avec la mission EULEX afin qu'elle puisse exercer ses fonctions dans toutes les parties de ce territoire. Comment votre pays accueille-t-il l'avis de la Commission et comment envisage-t-il de répondre aux conditions posées ?

Un dialogue Belgrade-Pristina, sous l'égide de l'Union européenne, a débuté le 8 mars 2011 à Bruxelles. Il a obtenu quelques résultats positifs, notamment sur les questions de circulation, mais les incidents à la frontière administrative séparant la Serbie du Kosovo continuent et le dialogue a même été suspendu en septembre. Quels sont les derniers éléments que vous pouvez nous communiquer sur les conditions dans lesquelles ce dialogue se poursuit et quelles avancées concrètes en escomptez-vous dans les semaines à venir ?

PermalienVuk Jeremić, ministre des affaires étrangères de la République de Serbie

C'est un grand honneur pour moi d'être ici ce soir avec vous et de m'adresser à cette auguste assemblée du parlement français qui a une longue tradition d'amitié avec la Serbie.

D'abord, je vous remercie pour votre décision concernant l'accord de stabilisation et d'association. Cela est important pour la Serbie d'un point de vue institutionnel.

Au regard du processus d'adhésion à l'Union européenne, auquel nous sommes très attachés, la France constitue un pays clé.

Votre pays est un partenaire historique : nous avons signé les accords du partenariat stratégique formulé au cours de cette année, favorisant un avenir européen des Balkans et de la Serbie.

A un moment si complexe pour l'Europe, parler de cet avenir a un sens particulier ici à Paris.

J'ai eu l'occasion aujourd'hui de m'entretenir avec votre ministre des affaires étrangères : nous ne vivons pas des temps ordinaires et l'Europe doit faire face à des défis nouveaux. La crise économique a de plus en plus de répercussions politiques et stratégiques, notamment s'agissant de l'élargissement de l'Union européenne.

Nous sommes conscients qu'il y a d'autres priorités, mais les Balkans occidentaux – au sens historique, culturel et politique du terme – représentent une partie importante de l'histoire et de l'identité européenne. D'ailleurs, la Croatie devrait, de son côté, bientôt rejoindre l'Union. Le processus d'intégration de l'espace européen ne peut être terminé tant qu'ils n'en feront pas partie.

Nous sommes à un de ces moments historiques où les pays des Balkans occidentaux se trouvent dans un triangle entre l'ouest – autrefois l'Autriche, aujourd'hui l'Union européenne –, l'est – jadis incarné par la Russie, puis l'URSS et à nouveau la Russie – et le sud-est – hier l'empire ottoman, à présent la Turquie. Dans ce triangle, des influences différentes se sont chevauchées et fait face. L'histoire nous enseigne que lorsqu'une des pointes de ce triangle faiblit, les deux autres prennent le dessus.

L'actuel gouvernement serbe a défini de façon tout à fait claire ses priorités et son orientation stratégique vis-à-vis de l'Europe. Si celle-ci ne connaît pas le moment le plus heureux de son histoire, cette orientation n'en changera pas pour autant.

Depuis un an ou deux, notre gouvernement a énormément oeuvré pour rapprocher la Serbie de l'Europe. Les relations avec nos voisins n'ont jamais été meilleures, notamment depuis le début de la guerre qui a mis un terme à la Yougoslavie : la Serbie et le président Tadić ont beaucoup agi en ce sens, dans un contexte difficile, hérité des années 1990.

Le parlement de Serbie a adopté une déclaration sur Srebrenica : pour la première fois dans l'histoire de l'Europe, un parlement a ainsi présenté ses excuses pour des événements qui se sont produits sur son territoire.

Cela n'a pas été facile, mais notre parlement et la majorité au pouvoir ont eu le courage de le faire.

La question de la coopération avec le tribunal de La Haye appartient au passé. Nombreux étaient ceux qui croyaient qu'il y avait un manque de volonté de la part de nos autorités. Mais le gouvernement actuel est passé à l'acte et plus aucune personne recherchée par ce tribunal n'est actuellement en liberté. Cela a été très difficile à réaliser du point de vue politique, mais cela faisait partie d'un ensemble de mesures nécessaires pour que la Commission européenne rende son avis.

Elle l'a fait le 12 octobre. Notre gouvernement travaille pour remplir les critères de Copenhague : nous avons recueilli de meilleures notes à ce sujet. Le dernier rapport de la Commission laisse comme seul point en suspens les relations avec le Kosovo. Je vais m'y atteler, mais ce constat peut être interprété comme un satisfecit à l'égard des réformes conduites par notre gouvernement.

Dans les moments difficiles que nous vivons, il est important que nos partenaires européens nous comprennent, à commencer par nos partenaires stratégiques, notamment la France.

La question la plus compliquée et la plus difficile est celle du futur statut du Kosovo. Notre gouvernement a fait en sorte que, pour la première fois sur un sujet de ce type dans l'histoire des Balkans, une guerre n'éclate. Nous avons engagé un processus diplomatique.

D'aucuns peuvent estimer que nos efforts ne sont pas assez importants ou rapides, mais ils existent bel et bien et contribuent à la paix et à l'affirmation des valeurs européennes sur notre territoire et dans la région.

Il faut savoir que 85 à 95 % des habitants de Serbie sont foncièrement opposés à l'indépendance du Kosovo. Parmi les citoyens serbes vivant au Kosovo, cette proportion atteint 95 %. Nous sommes un pays démocratique : nous devons tenir compte de notre opinion publique !

Nous sommes tout à fait engagés pour que le processus diplomatique continue. Cela demandera temps et patience.

Mais il serait très nocif d'essayer d'arrêter le processus d'intégration européenne de la Serbie à cause du Kosovo. Nous sommes de toute façon encore très éloignés de la date de notre éventuelle adhésion. D'ici là, de nombreuses mesures doivent être prises pour adopter l'acquis communautaire. Or stopper ce processus mettrait un terme à l'européisation de notre géographie balkanique.

Nous devons continuer à aller de l'avant : après, au moment de la décision d'adhésion, si une condition politique est nécessaire, nous verrons. Mais à ce moment-là, cette question ne sera pas aussi importante parce que la Serbie fera partie intégrante de l'Europe, comme la Suisse, la Norvège ou l'Islande.

J'espère que notre adhésion sera possible, mais même si elle ne l'était pas, ce ne serait pas un problème. En revanche, si l'on stoppe le processus d'intégration actuel, qui est vraiment dans l'intérêt de notre pays, ce serait le cas.

Je me permets de parler au nom de l'Europe, même si je ne viens pas d'un pays de l'Union européenne, parce que je me sens profondément européen. L'Europe devrait aussi y trouver son intérêt. La France en est un des chefs de file : nous attendons son soutien.

PermalienPhoto de Michel Terrot

Un Serbe a été tué la semaine dernière lors d'une fusillade à Mitrovica, deux autres y ont été blessés lors d'un accrochage avec des Albanais ; la situation dans cette ville est particulièrement tendue depuis juillet dernier, où des policiers albanophones ont tenté de prendre le contrôle de deux postes-frontières dans le Nord du Kosovo : la mission EULEX menée par l'Union européenne dans le cadre de la politique de sécurité et de défense remplit-elle convenablement son rôle ?

PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Il me semble qu'avant la guerre, 10 % de la population du Kosovo était serbe, soit 200 000 habitants : combien y a-t-il actuellement de Serbes sur ce territoire ? La population serbe est-elle revenue dans les enclaves ?

Confirmez-vous que la police du Kosovo soit constituée essentiellement de membres de l'UCK ?

PermalienPhoto de Dominique Souchet

Certains d'entre nous ont été surpris par la brutalité des propos tenus par la chancelière allemande lors de sa dernière visite à Belgrade à la fin du mois d'août, notamment lorsqu'elle a insisté sur la nécessité, pour que la Serbie obtienne le statut de candidat à l'Union européenne, de démanteler les structures serbes existant dans le Nord du Kosovo, telles que les écoles ou les hôpitaux. Qu'en pense le gouvernement serbe : cette demande vous paraît-elle acceptable ?

PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

Qu'attendez-vous de votre entrée dans l'Union européenne ? Davantage de développement économique ou une stabilisation de l'ensemble des Balkans ?

PermalienVuk Jeremić, ministre des affaires étrangères de la République de Serbie

Ces questions montrent combien vous connaissez la situation au Kosovo, ce dont je me réjouis, car ce n'est pas le cas dans tous les autres pays ou parlements de l'Union européenne.

La situation du Kosovo en termes de sécurité est très mauvaise. Le 29 novembre prochain, aura lieu la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, qui se tient tous les quatre mois : le secrétaire général de cette organisation devrait être très critique à cet égard, notamment sur la sécurité des Serbes du Kosovo. Depuis le 25 juillet, nous vivons une grande crise au nord de ce territoire, peuplée à 99 % de Serbes, en raison de la décision unilatérale de Pristina d'y envoyer des unités armées. Cela s'est produit au moment où le dialogue entre Belgrade et Pristina commençait pour la première fois à porter des fruits.

Les progrès que nous avions réalisés dans ce domaine ont tout de suite été stoppés. Nous continuons néanmoins à remédier aux tensions provoquées par cette décision.

La réaction de la mission EULEX a été totalement inappropriée : lorsque les unités militaires sont arrivées sur place, les membres de cette mission se sont enfuis, pour ne revenir que plusieurs semaines après ! Les seuls à être restés sont les membres de la Force de maintien de la paix dirigée par l'OTAN au Kosovo (KFOR).

Cela a terni l'image de cette mission aux yeux des Serbes comme de la communauté internationale. Par la suite, la mission s'est attaquée à la question des postes-frontières et à la ligne de démarcation entre la Serbie et le Kosovo occupée par les forces albanaises, ce qui ne faisait pas partie de son mandat : tous les pays européens qui n'avaient pas reconnu le Kosovo s'étaient opposés à cette mesure, de même que certains des pays qui l'avaient fait, estimant que la mission EULEX ne devait pas prendre parti.

Malheureusement, les décisions prises par cette mission sont peu transparentes : les États membres de l'Union exercent un droit de regard limité à cet égard. Les structures qui la dirigent à Bruxelles ont une logique et une manière de décider tout à fait erronées. Cela n'est bon ni pour la démocratie, ni pour la Serbie, ni pour les Balkans occidentaux.

Selon le Haut Commissariat pour les réfugiés, quelque 200 000 Serbes ont été chassés du Kosovo depuis 1999 ; seule une infime partie de ceux-ci a pu rentrer chez soi, pour la plupart tout au nord du Kosovo.

Il est difficile d'imaginer que les autres pourront faire de même, compte tenu des conditions de sécurité que j'évoquais.

Monsieur Bacquet, la police du Kosovo est en effet constituée à 99 % d'anciens membres de l'UCK. Cela a son importance en termes de confiance !

N'a pas non plus été résolue la question du trafic d'organes humains soulevée il y a un an par le rapport du député suisse Dick Marty, adopté par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, évoquant des centaines de civils serbes kidnappés par l'UCK en 1999 auxquels des organes auraient été prélevés pour être vendus au marché noir.

Je regrette profondément que la Serbie n'ait pas réussi à obtenir qu'une enquête crédible, avec un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, soit engagée. La mission EULEX en a commencé une, mais elle a mis un an pour constituer une équipe européenne et, sur cette question concernant l'Europe, elle en a confié la direction à un Américain ! Cela n'a pas aidé à renforcer la confiance !

Les faits évoqués dans le rapport, s'ils étaient avérés, constitueraient les pires crimes commis dans la guerre en ex-Yougoslavie. Or, quand des Serbes ont été mis en cause, le Conseil de sécurité est intervenu, comme pour tous les crimes perpétrés au cours de cette guerre, et un tribunal a été constitué, mais ce n'est pas le cas lorsqu'ils sont victimes ! Pourquoi ?

Par ailleurs, Dick Marty indique que la clinique concernée était en Albanie, que les médecins étaient turcs et que les organes ont été vendus dans un grand nombre de pays du Proche-Orient et du Moyen-Orient. Les enquêteurs devraient se rendre dans tous ces pays, ce qui ne peut se faire sans une décision du Conseil de sécurité.

Si une telle décision n'a pas été prise, peut-être est-ce parce que le rapport de Dick Marty indique que Hashim Thaçi, qui est aujourd'hui le soi-disant premier ministre du Kosovo, était à la tête de ce trafic d'organes !

Concernant la déclaration d'Angela Merkel, les structures dont elle a demandé le démantèlement sont les seules existant au Kosovo, le seul système permettant notamment le fonctionnement des écoles et des hôpitaux, ainsi que la distribution de nourriture.

Un tel démantèlement serait contraire à la volonté de 99 % de la population du Nord du Kosovo. De plus, il créerait un tel chaos, que ses habitants en partiraient. Cela n'est donc pas possible sans provoquer des conséquences dramatiques.

Je regrette une telle déclaration, qui ne nous a laissé aucune marge de discussion possible. Nous sommes prêts à faire tout ce qui est possible, mais une telle demande ne l'est pas ! Nous ne pouvons agir contre la volonté des Serbes du Kosovo !

S'agissant de notre adhésion à l'Union européenne, 90 % de la population serbe y serait favorable car elle estime qu'elle pourrait lui apporter davantage de prospérité.

Une telle adhésion est difficile aujourd'hui au vu de ce qui se passe au sein de l'Union. Mais nous sommes en train de créer un nouvel élan et une nouvelle perspective pour les Balkans occidentaux. Nous avons besoin pour ce faire de la compréhension et de l'aide des pays de l'Union. Celle-ci ne pourra nous apporter une meilleure vie du jour au lendemain, comme cela a été le cas pour des pays l'ayant rejointe à l'époque de l'âge d'or – lequel ne devrait pas revenir à court terme.

L'européisation de la Serbie est importante, même si l'adhésion à l'Union est encore lointaine. Celle-ci pourrait nous apporter avant tout la stabilité : notre actuel gouvernement est pro-européen, peut-être le plus pro-européen de tous les gouvernements d'Europe, surtout dans les Balkans occidentaux.

PermalienPhoto de Jean-Michel Boucheron

Tout pays voulant intégrer l'Union européenne doit voir ses frontières juridiquement reconnues. Comment considérez-vous juridiquement le Kosovo : est-ce une partie de la Serbie sous le contrôle d'autres instances que les autorités serbes ou une région autonome ? Quelle est, à vos yeux, la nature de la frontière entre votre pays et ce territoire ?

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Vous avez fait état des bonnes relations entre la Serbie et la France : je m'étonne cependant de la faiblesse des relations économiques entre nos deux pays. Seriez-vous prêt à organiser une mission économique entre eux pour essayer de développer ces échanges ?

PermalienPhoto de François Loncle

J'ai voté avec toute la délégation française, présidée par Jean-Claude Mignon, le rapport Dick Marty. Nous sommes étonnés qu'il n'ait pas été suivi d'une enquête, du fait notamment de l'inertie du Conseil de sécurité de l'ONU. Nous allons faire en sorte d'alerter les décideurs compétents pour que ce rapport soit suivi d'effet.

La Serbie peut légitimement demander à adhérer à l'Union européenne, au même titre que d'autres pays l'ayant rejointe depuis quelques années. C'est l'avis de l'immense majorité des élus français et vous trouverez donc ici beaucoup d'appuis. Le principe ne peut pas être mis en cause à partir du moment où vous avez accompli ce qu'il fallait, notamment sur la question des droits de l'homme et des suites de la crise en ex-Yougoslavie – nous étions de ceux qui attachions la plus grande importance à l'arrestation des criminels de guerre, en particulier des deux principaux. Mais il faudra du temps, en raison de la conjoncture européenne et de l'histoire récente de l'Europe.

PermalienVuk Jeremić, ministre des affaires étrangères de la République de Serbie

La question des frontières est très importante et délicate. La constitution de la Serbie définit de façon claire le Kosovo comme partie intégrante de notre pays. La résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU, qui a mis fin à la guerre au Kosovo en 1999, confirme également clairement la souveraineté territoriale de la Serbie sur ce territoire. Donc juridiquement le Kosovo fait partie de la Serbie, qui bénéficie d'un régime spécial octroyé par cette résolution.

Le gouvernement du Kosovo a déclaré de façon unilatérale l'indépendance de ce territoire le 17 février 2008 : nous avons alors marqué notre opposition à cette démarche, qui n'a d'ailleurs pas eu le soutien du Conseil de sécurité.

Nous estimons qu'aucun territoire au monde ne peut décider unilatéralement de son indépendance, sans le soutien de cette instance. Si on le permettait, de nombreux pays pourraient être démantelés. Des États comme l'Espagne ou l'Argentine refusent de reconnaître l'indépendance du Kosovo, car cela pourrait constituer un danger pour eux. Comment la Serbie, qui pourrait être confrontée à d'autres revendications territoriales, pourrait-elle dès lors accepter de le faire ?

Reconnaître l'indépendance du Kosovo conduirait à encourager d'autres pays ou territoires à modifier leurs frontières. Si l'Espagne, membre de l'Union européenne et de l'OTAN, qui est un pays stable politiquement, s'y refuse, il serait irresponsable de notre part de le faire ! Non seulement nous nous opposerions à 90 % de la population serbe de ce territoire, mais nous pourrions créer des problèmes supplémentaires !

Cela ne nous empêche pas d'essayer de résoudre nos différends de façon diplomatique, d'avoir des relations économiques, d'organiser le transport des personnes et des biens et de faire en sorte que chacun se sente en sécurité au Kosovo. Mais nous attendons que Pristina fasse aussi de même et commence à mettre en oeuvre des normes standard de sécurité de même niveau que celles appliquées par la Serbie.

Nous avons déjà beaucoup fait pour la sécurité sur ce territoire et arrêté 46 criminels de guerre – encore récemment les deux plus importants en Serbie. Si vous voyagez dans la région, vous verrez que vous ne vous sentirez pas du tout dans les mêmes conditions de sécurité au Kosovo qu'en Serbie.

Monsieur Roubaud, les relations économiques entre nos deux pays pourraient en effet être meilleures. Mais nous allons bientôt signer un accord sur la construction d'un métro à Belgrade en coopération avec la France : il s'agit d'un projet important, qui devrait durer dix ans. Naturellement, nous n'allons pas nous arrêter là : je suis prêt à faire tout ce qui est possible pour améliorer ces relations et je vous serais reconnaissant de l'aide que vous pourriez nous apporter à cet effet. Nous avons encore beaucoup de choses à faire, notamment pour que les entreprises françaises s'investissent dans l'économie serbe.

Monsieur Loncle, nous n'avons pas assisté à une inertie du Conseil de sécurité, mais au fait que celui-ci ne souhaite pas être impliqué : cela est grave. À l'ONU, certains pays ont reconnu l'indépendance du Kosovo et ne souhaitent pas que certaines vérités éclatent…

Pour notre part, nous n'avons rien à cacher : nous avons déjà eu l'occasion d'extrader à La Haye d'anciens dirigeants ou généraux de l'armée serbe. Nous pensons que tous les criminels de guerre doivent être traités de la même manière, quelles qu'aient été leurs fonctions passées.

Nous avons payé un prix politique élevé pour cela : le Kosovo devrait faire de même.

Or une personnalité importante de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe m'a dit publiquement qu'un vote en faveur d'une enquête serait considéré comme un acte inamical…

Je vous remercie pour ces échanges, qui doivent se poursuivre. Nous comptons, encore une fois, sur votre soutien et votre compréhension. J'espère que la Serbie fera un pas en avant vers l'Europe au mois de décembre. Si ce n'était pas le cas, ce ne serait pas la fin du monde, mais cela nous coûterait beaucoup d'un point de vue politique. Je vous demande donc de l'éviter, comme j'ai eu l'occasion de le dire à votre ministre des affaires étrangères.

La séance est levée à dix-huit heures trente.