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Intervention de Vuk Jeremić

Réunion du 15 novembre 2011 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Vuk Jeremić, ministre des affaires étrangères de la République de Serbie :

Ces questions montrent combien vous connaissez la situation au Kosovo, ce dont je me réjouis, car ce n'est pas le cas dans tous les autres pays ou parlements de l'Union européenne.

La situation du Kosovo en termes de sécurité est très mauvaise. Le 29 novembre prochain, aura lieu la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, qui se tient tous les quatre mois : le secrétaire général de cette organisation devrait être très critique à cet égard, notamment sur la sécurité des Serbes du Kosovo. Depuis le 25 juillet, nous vivons une grande crise au nord de ce territoire, peuplée à 99 % de Serbes, en raison de la décision unilatérale de Pristina d'y envoyer des unités armées. Cela s'est produit au moment où le dialogue entre Belgrade et Pristina commençait pour la première fois à porter des fruits.

Les progrès que nous avions réalisés dans ce domaine ont tout de suite été stoppés. Nous continuons néanmoins à remédier aux tensions provoquées par cette décision.

La réaction de la mission EULEX a été totalement inappropriée : lorsque les unités militaires sont arrivées sur place, les membres de cette mission se sont enfuis, pour ne revenir que plusieurs semaines après ! Les seuls à être restés sont les membres de la Force de maintien de la paix dirigée par l'OTAN au Kosovo (KFOR).

Cela a terni l'image de cette mission aux yeux des Serbes comme de la communauté internationale. Par la suite, la mission s'est attaquée à la question des postes-frontières et à la ligne de démarcation entre la Serbie et le Kosovo occupée par les forces albanaises, ce qui ne faisait pas partie de son mandat : tous les pays européens qui n'avaient pas reconnu le Kosovo s'étaient opposés à cette mesure, de même que certains des pays qui l'avaient fait, estimant que la mission EULEX ne devait pas prendre parti.

Malheureusement, les décisions prises par cette mission sont peu transparentes : les États membres de l'Union exercent un droit de regard limité à cet égard. Les structures qui la dirigent à Bruxelles ont une logique et une manière de décider tout à fait erronées. Cela n'est bon ni pour la démocratie, ni pour la Serbie, ni pour les Balkans occidentaux.

Selon le Haut Commissariat pour les réfugiés, quelque 200 000 Serbes ont été chassés du Kosovo depuis 1999 ; seule une infime partie de ceux-ci a pu rentrer chez soi, pour la plupart tout au nord du Kosovo.

Il est difficile d'imaginer que les autres pourront faire de même, compte tenu des conditions de sécurité que j'évoquais.

Monsieur Bacquet, la police du Kosovo est en effet constituée à 99 % d'anciens membres de l'UCK. Cela a son importance en termes de confiance !

N'a pas non plus été résolue la question du trafic d'organes humains soulevée il y a un an par le rapport du député suisse Dick Marty, adopté par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, évoquant des centaines de civils serbes kidnappés par l'UCK en 1999 auxquels des organes auraient été prélevés pour être vendus au marché noir.

Je regrette profondément que la Serbie n'ait pas réussi à obtenir qu'une enquête crédible, avec un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, soit engagée. La mission EULEX en a commencé une, mais elle a mis un an pour constituer une équipe européenne et, sur cette question concernant l'Europe, elle en a confié la direction à un Américain ! Cela n'a pas aidé à renforcer la confiance !

Les faits évoqués dans le rapport, s'ils étaient avérés, constitueraient les pires crimes commis dans la guerre en ex-Yougoslavie. Or, quand des Serbes ont été mis en cause, le Conseil de sécurité est intervenu, comme pour tous les crimes perpétrés au cours de cette guerre, et un tribunal a été constitué, mais ce n'est pas le cas lorsqu'ils sont victimes ! Pourquoi ?

Par ailleurs, Dick Marty indique que la clinique concernée était en Albanie, que les médecins étaient turcs et que les organes ont été vendus dans un grand nombre de pays du Proche-Orient et du Moyen-Orient. Les enquêteurs devraient se rendre dans tous ces pays, ce qui ne peut se faire sans une décision du Conseil de sécurité.

Si une telle décision n'a pas été prise, peut-être est-ce parce que le rapport de Dick Marty indique que Hashim Thaçi, qui est aujourd'hui le soi-disant premier ministre du Kosovo, était à la tête de ce trafic d'organes !

Concernant la déclaration d'Angela Merkel, les structures dont elle a demandé le démantèlement sont les seules existant au Kosovo, le seul système permettant notamment le fonctionnement des écoles et des hôpitaux, ainsi que la distribution de nourriture.

Un tel démantèlement serait contraire à la volonté de 99 % de la population du Nord du Kosovo. De plus, il créerait un tel chaos, que ses habitants en partiraient. Cela n'est donc pas possible sans provoquer des conséquences dramatiques.

Je regrette une telle déclaration, qui ne nous a laissé aucune marge de discussion possible. Nous sommes prêts à faire tout ce qui est possible, mais une telle demande ne l'est pas ! Nous ne pouvons agir contre la volonté des Serbes du Kosovo !

S'agissant de notre adhésion à l'Union européenne, 90 % de la population serbe y serait favorable car elle estime qu'elle pourrait lui apporter davantage de prospérité.

Une telle adhésion est difficile aujourd'hui au vu de ce qui se passe au sein de l'Union. Mais nous sommes en train de créer un nouvel élan et une nouvelle perspective pour les Balkans occidentaux. Nous avons besoin pour ce faire de la compréhension et de l'aide des pays de l'Union. Celle-ci ne pourra nous apporter une meilleure vie du jour au lendemain, comme cela a été le cas pour des pays l'ayant rejointe à l'époque de l'âge d'or – lequel ne devrait pas revenir à court terme.

L'européisation de la Serbie est importante, même si l'adhésion à l'Union est encore lointaine. Celle-ci pourrait nous apporter avant tout la stabilité : notre actuel gouvernement est pro-européen, peut-être le plus pro-européen de tous les gouvernements d'Europe, surtout dans les Balkans occidentaux.

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