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Intervention de Vuk Jeremić

Réunion du 15 novembre 2011 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Vuk Jeremić, ministre des affaires étrangères de la République de Serbie :

C'est un grand honneur pour moi d'être ici ce soir avec vous et de m'adresser à cette auguste assemblée du parlement français qui a une longue tradition d'amitié avec la Serbie.

D'abord, je vous remercie pour votre décision concernant l'accord de stabilisation et d'association. Cela est important pour la Serbie d'un point de vue institutionnel.

Au regard du processus d'adhésion à l'Union européenne, auquel nous sommes très attachés, la France constitue un pays clé.

Votre pays est un partenaire historique : nous avons signé les accords du partenariat stratégique formulé au cours de cette année, favorisant un avenir européen des Balkans et de la Serbie.

A un moment si complexe pour l'Europe, parler de cet avenir a un sens particulier ici à Paris.

J'ai eu l'occasion aujourd'hui de m'entretenir avec votre ministre des affaires étrangères : nous ne vivons pas des temps ordinaires et l'Europe doit faire face à des défis nouveaux. La crise économique a de plus en plus de répercussions politiques et stratégiques, notamment s'agissant de l'élargissement de l'Union européenne.

Nous sommes conscients qu'il y a d'autres priorités, mais les Balkans occidentaux – au sens historique, culturel et politique du terme – représentent une partie importante de l'histoire et de l'identité européenne. D'ailleurs, la Croatie devrait, de son côté, bientôt rejoindre l'Union. Le processus d'intégration de l'espace européen ne peut être terminé tant qu'ils n'en feront pas partie.

Nous sommes à un de ces moments historiques où les pays des Balkans occidentaux se trouvent dans un triangle entre l'ouest – autrefois l'Autriche, aujourd'hui l'Union européenne –, l'est – jadis incarné par la Russie, puis l'URSS et à nouveau la Russie – et le sud-est – hier l'empire ottoman, à présent la Turquie. Dans ce triangle, des influences différentes se sont chevauchées et fait face. L'histoire nous enseigne que lorsqu'une des pointes de ce triangle faiblit, les deux autres prennent le dessus.

L'actuel gouvernement serbe a défini de façon tout à fait claire ses priorités et son orientation stratégique vis-à-vis de l'Europe. Si celle-ci ne connaît pas le moment le plus heureux de son histoire, cette orientation n'en changera pas pour autant.

Depuis un an ou deux, notre gouvernement a énormément oeuvré pour rapprocher la Serbie de l'Europe. Les relations avec nos voisins n'ont jamais été meilleures, notamment depuis le début de la guerre qui a mis un terme à la Yougoslavie : la Serbie et le président Tadić ont beaucoup agi en ce sens, dans un contexte difficile, hérité des années 1990.

Le parlement de Serbie a adopté une déclaration sur Srebrenica : pour la première fois dans l'histoire de l'Europe, un parlement a ainsi présenté ses excuses pour des événements qui se sont produits sur son territoire.

Cela n'a pas été facile, mais notre parlement et la majorité au pouvoir ont eu le courage de le faire.

La question de la coopération avec le tribunal de La Haye appartient au passé. Nombreux étaient ceux qui croyaient qu'il y avait un manque de volonté de la part de nos autorités. Mais le gouvernement actuel est passé à l'acte et plus aucune personne recherchée par ce tribunal n'est actuellement en liberté. Cela a été très difficile à réaliser du point de vue politique, mais cela faisait partie d'un ensemble de mesures nécessaires pour que la Commission européenne rende son avis.

Elle l'a fait le 12 octobre. Notre gouvernement travaille pour remplir les critères de Copenhague : nous avons recueilli de meilleures notes à ce sujet. Le dernier rapport de la Commission laisse comme seul point en suspens les relations avec le Kosovo. Je vais m'y atteler, mais ce constat peut être interprété comme un satisfecit à l'égard des réformes conduites par notre gouvernement.

Dans les moments difficiles que nous vivons, il est important que nos partenaires européens nous comprennent, à commencer par nos partenaires stratégiques, notamment la France.

La question la plus compliquée et la plus difficile est celle du futur statut du Kosovo. Notre gouvernement a fait en sorte que, pour la première fois sur un sujet de ce type dans l'histoire des Balkans, une guerre n'éclate. Nous avons engagé un processus diplomatique.

D'aucuns peuvent estimer que nos efforts ne sont pas assez importants ou rapides, mais ils existent bel et bien et contribuent à la paix et à l'affirmation des valeurs européennes sur notre territoire et dans la région.

Il faut savoir que 85 à 95 % des habitants de Serbie sont foncièrement opposés à l'indépendance du Kosovo. Parmi les citoyens serbes vivant au Kosovo, cette proportion atteint 95 %. Nous sommes un pays démocratique : nous devons tenir compte de notre opinion publique !

Nous sommes tout à fait engagés pour que le processus diplomatique continue. Cela demandera temps et patience.

Mais il serait très nocif d'essayer d'arrêter le processus d'intégration européenne de la Serbie à cause du Kosovo. Nous sommes de toute façon encore très éloignés de la date de notre éventuelle adhésion. D'ici là, de nombreuses mesures doivent être prises pour adopter l'acquis communautaire. Or stopper ce processus mettrait un terme à l'européisation de notre géographie balkanique.

Nous devons continuer à aller de l'avant : après, au moment de la décision d'adhésion, si une condition politique est nécessaire, nous verrons. Mais à ce moment-là, cette question ne sera pas aussi importante parce que la Serbie fera partie intégrante de l'Europe, comme la Suisse, la Norvège ou l'Islande.

J'espère que notre adhésion sera possible, mais même si elle ne l'était pas, ce ne serait pas un problème. En revanche, si l'on stoppe le processus d'intégration actuel, qui est vraiment dans l'intérêt de notre pays, ce serait le cas.

Je me permets de parler au nom de l'Europe, même si je ne viens pas d'un pays de l'Union européenne, parce que je me sens profondément européen. L'Europe devrait aussi y trouver son intérêt. La France en est un des chefs de file : nous attendons son soutien.

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