Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775), la commission a auditionné M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits de la mission Recherche et Enseignement supérieur.
La Commission procède d'abord à l'audition de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Nous avons le plaisir d'accueillir M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre de l'examen pour avis des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2012, comme chaque année, à ceci près que nous examinons ces crédits au sein de la Commission des affaires économiques, et non plus en commission élargie, avec la Commission des finances.
Notre réunion portera plus particulièrement sur les crédits consacrés aux grands organismes de recherche et à la recherche industrielle, dont les rapporteurs respectifs sont M. Pierre Lasbordes et M. Daniel Paul. J'attache, en effet, une importance particulière à la recherche car je sais combien notre pays dispose d'atouts considérables qu'il nous appartient de consolider et de faire fructifier. De notre capacité à investir massivement dans la recherche et à valoriser ses applications dépendra la vitalité de la croissance française au cours des prochaines années. À cet égard, l'examen des crédits budgétaires doit nous permettre de dresser un premier bilan des réformes d'ampleurs engagées depuis cinq ans.
Je suis ravi de retrouver des parlementaires dont certains sont particulièrement au fait des questions liées au monde de la recherche, y compris dans le domaine spatial.
Même si vous êtes particulièrement attentifs aux crédits concernant la recherche au sein de cette mission, je tiens tout d'abord à souligner combien nous avons tenu à rapprocher ces deux domaines que sont l'enseignement supérieur et la recherche : ce sont en effet les pays capables de les concilier qui réussissent.
Si le budget de 2012 est marqué par une volonté de réduction des déficits publics, les gouvernements successifs, depuis le début du quinquennat, ont considéré l'enseignement supérieur et la recherche comme des secteurs prioritaires sur le long terme : il n'y a pas, en effet, de rigueur aveugle, pas plus qu'un rabotage indistinct des dépenses publiques. L'enseignement supérieur et la recherche constituent notre levier de croissance pour demain et une réponse aux doutes qui sont les nôtres. C'est d'eux que dépend notre capacité à construire notre compétitivité et à trouver notre place dans la société du XXIe siècle.
L'engagement qui avait été pris visant à accorder 9 milliards supplémentaires à notre politique de la recherche et de l'enseignement supérieur a été tenu : entre 2007 et 2012, 9,4 milliards auront été en fait investis, sans compter les dépenses d'investissements d'avenir, le plan de relance, l'opération Campus – ce qui revient à ajouter quasiment 17 milliards. La dépense intérieure d'éducation par habitant est quant à elle passée de 8 600 à 10 200 euros en cinq ans, ce qui représente une hausse de 18 % ; avec 43,6 milliards, l'augmentation de la dépense intérieure de recherche a été de 15 %.
Je ne prétends évidemment pas qu'aucun effort n'ait été demandé à l'enseignement supérieur et à la recherche et que nos universités et nos organismes de recherches n'aient pas dû réfléchir à une meilleure allocation de leurs moyens. Mais, comparativement à d'autres secteurs relevant des politiques publiques et à d'autres pays comme l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, l'Angleterre ou la Grèce, la priorité qui leur a été accordée sur le long terme a néanmoins été maintenue. Pour 2012, les crédits budgétaires progressent ainsi à hauteur de 428 millions et le crédit d'impôt recherche (CIR) poursuit quant à lui sa montée en puissance avec 194 millions dédiés. Enfin, des moyens sont consacrés à des financements extrêmement innovants dans le cadre du plan Campus – lequel irrigue l'ensemble de nos territoires – ou les investissements d'avenir dotés de 1,2 milliard de crédits pour la seule année 2012.
Cet accroissement des moyens n'est toutefois pas aveugle : nous ne sommes plus au temps où il était possible d'injecter de l'argent sans se soucier d'une quelconque efficience. En l'occurrence, la contrepartie d'une telle augmentation a été la véritable révolution culturelle qu'ont accomplie l'enseignement supérieur et la recherche dont, en cinq ans, le mode de fonctionnement a été entièrement métamorphosé. Ce n'est d'ailleurs pas là la réussite du Gouvernement, mais celle de l'ensemble des acteurs d'un secteur qui a su renouer avec la compétition mondiale et s'approprier ces nouveaux outils que sont l'autonomie, l'instauration de passerelles entre les disciplines ou les partenariats entre les secteurs public et privé (PPP), lesquels étaient jusqu'à présent relativement tabous.
En ce qui concerne l'enseignement supérieur, nous avons amélioré les conditions d'étude des étudiants, notamment de ceux issus des classes moyennes modestes : si les bourses, jusqu'ici, n'étaient accessibles qu'à des étudiants dont les famille gagnaient jusqu'à 1,5 SMIC, elles le sont aujourd'hui pour celles qui gagnent 3,3 SMIC.
En outre, avec les 237 millions supplémentaires qui lui sont dédiés, nous confortons l'autonomie des universités. La mise en place d'un programme de recherches, de dix heures d'enseignement supplémentaires, ou même un simple coup de peinture au plafond impliquaient de se rendre à Paris pour négocier avec l'administration centrale. Un tel système, absurde, avait conduit à la paralysie. Aujourd'hui, l'autonomie est devenue un bien commun, même s'il est toujours possible d'améliorer tel ou tel point de détail.
Parce que nous ne pouvons croire en l'avenir de notre système d'enseignement supérieur si nos campus se trouvent dans un état misérable, nous avons entrepris une politique de rénovation en multipliant les chantiers – je me suis ainsi rendu à Grenoble, où les nouvelles universités et les nouveaux organismes de recherche prennent forme.
En 2012, l'État consacrera 214 millions supplémentaires en faveur de la recherche – certains renvoient aux crédits budgétaires, d'autres au soutien de la recherche privée. Alors qu'en période de crise cette dernière a tendance à s'effondrer plus encore que la croissance, la réforme du CIR lui a permis de se maintenir à un niveau équivalent à celui de la croissance, voire de progresser, en particulier au sein de ce secteur déterminant que sont les PME. En la matière, même si nous pouvons investir encore plus fortement dans les PPP, le CIR a pleinement joué son rôle : aujourd'hui - c'est du jamais vu -, près de 10 000 PME en bénéficient. Notre objectif, toutefois, est d'aller encore plus loin en partant à la rencontre de nos PME afin de les aider et de les accompagner dans leurs investissements.
Ne nous y trompons pas : la différence de compétitivité résulte de la capacité à faire de la recherche, à traduire ses résultats sur un plan industriel, à protéger le produit industriel à travers la propriété intellectuelle et artistique et, enfin, à créer des emplois. De ce point de vue-là, nous avons encore beaucoup à faire, même si notre outil de benchmark compte parmi les plus performants. Cet après-midi, les responsables d'une entreprise canadienne envisageant d'investir en France, en Allemagne ou en Hongrie m'ont assuré que le CIR, atout compétitif par rapport à nos concurrents, constituait le principal facteur de décision.
Enfin, nous consacrons 20,6 milliards aux investissements d'avenir – lesquels ont été conçus au même moment par la France et l'Allemagne à travers les Zukunftprojekt – afin d'identifier les principaux secteurs dans lesquels nous sommes leaders. Le campus de recherche de Grenoble, grâce à eux, a ainsi été hissé à un niveau de compétitivité mondiale tel qu'il nous permet d'avoir une longueur d'avance. Si vous le souhaitez, je pourrai faire état de comparaisons dans les domaines agronomique, nanotechnologique ou médical. Plus précisément, cette année, 9,6 milliards ont été engagés dans 219 projets.
Au final, je considère donc que le budget de 2012 est responsable car il tient compte à la fois de la nécessité collective d'assainir les dépenses publiques et du maintien de l'enseignement supérieur et de la recherche comme secteurs hautement prioritaires : c'est en effet grâce à eux que la France sortira de la crise et renouera avec l'optimisme et la compétitivité.
Je vous remercie pour cette présentation dont je partagerai le constat et les objectifs en rappelant que les pôles de compétitivité avaient préfiguré les investissements d'avenir. L'innovation et, donc, notre avenir dépendent en effet de la mise en place de telles synergies.
Je m'étais félicité l'année dernière de la constance de l'effort financier engagé par l'État en faveur de la recherche. Le projet de budget que vous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, en constitue une nouvelle illustration. En effet, après une hausse de 470 millions dans le PLF pour 2011 et malgré un contexte budgétaire difficile, les crédits de paiement (CP) en faveur de la recherche et de l'enseignement supérieur progressent à hauteur de 200 millions, hors pensions. Si l'on prend en compte le seul périmètre « Recherche », pour la période 2007-2012, ils ont augmenté de 19 %. Je vous félicite pour avoir continué sur cette exceptionnelle lancée !
De surcroît, les auditions des représentants des organismes de recherche témoignent de la responsabilité dont ils font preuve face aux efforts demandés afin de réduire les dépenses de fonctionnement. Ils ont « joué le jeu » et j'espère que l'on en tiendra compte dans les budgets à venir.
Quelques points doivent être cependant améliorés et, tout d'abord, le programme des investissements d'avenir (PIA). Dispositif remarquable – tous les organismes se précipitent pour répondre aux appels à projets – auquel des sommes importantes sont consacrées, il n'en souffre pas moins d'une certaine complexité, illustrée par la création de structures redondantes dans le domaine des transferts technologiques et par la non-prise en compte des coûts complets au sein des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST). En effet, le règlement financier de l'Agence nationale de la recherche (ANR) prévoit la prise en charge de 4 % des seuls crédits de fonctionnement, ce qui oblige les organismes de recherche à puiser dans leur dotation de base.
Plus particulièrement, deux organismes importants rencontrent des difficultés.
Il s'agit, tout d'abord, du fleuron de notre informatique : l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Employant plus de 1 100 personnes, il a doublé de taille en dix ans – trois nouveaux centres ont été construits. Mais ce projet de budget ne risque rien de moins que d'en briser net l'élan : compte tenu de la baisse de la dotation de 0,8 million, de la mise en réserve de 6 % des crédits hors masse salariale et de la nouvelle tranche de remboursements de crédits accordée au titre du plan de relance, l'INRIA sera amené à geler près de 3,4 millions. Le secteur du numérique mérite mieux que cela !
Par ailleurs, la subvention pour charges de service public de l'IFP-Énergies-nouvelles est en recul de 6 M€ après une baisse de plus de 20 M€ en 2011. Je vous saurais gré de bien vouloir examiner sa situation ; comme l'année dernière, il conviendrait de l'aider.
Par ailleurs, les efforts accomplis par les organismes de recherche afin de réduire leurs dépenses de fonctionnement sont importants. Ainsi, le CEA a-t-il réduit ces dernières de 20 % par salarié entre 2007 et 2011 et a-t-il redéployé 237 emplois en cinq ans des fonctions support vers les programmes de recherche. Le CNES les a quant à lui réduites de 67 millions entre 2005 et 2010. Malgré cela, ces deux organismes ont subi en 2011 des annulations de crédits substantielles, s'élevant respectivement à 8 et 13 millions. Si l'impératif de réduction du déficit justifie pleinement les économies de fonctionnement demandées, il doit également être tenu compte de la spécificité des situations ainsi que des efforts de gestion déjà réalisés. Mieux encore : de tels efforts doivent être encouragés et récompensés par la modulation de la subvention de l'État.
De surcroît, plusieurs organismes ont été surpris de constater que les crédits accordés au titre du plan de relance constituaient en fait des avances remboursables, ce qui n'a pas manqué de les mettre en difficulté au point que leur dotation de base ait parfois baissé d'une année à l'autre. Ils ont donc besoin d'être rassurés.
Enfin, monsieur le ministre, je vous remercie pour la force de votre engagement dans le domaine spatial. Cela est très encourageant pour l'ensemble des acteurs concernés, ce secteur constituant l'un des fleurons de notre industrie, lequel, jusqu'à présent, ne bénéficiait d'ailleurs pas de toute la reconnaissance qu'il était en droit d'attendre – je signale, à ce propos, l'article remarquable que vous avez publié dans La Tribune de ce jour et la chance que j'aurai quant à moi, demain, de vous accompagner à Kourou pour le lancement du premier Soyouz.
Maintenez donc un tel engagement car la coopération avec nos partenaires européens, dans les prochaines années, sera difficile !
Je donnerai un avis favorable à l'adoption des crédits des grands organismes de recherche.
Je ne ferai pas preuve du même enthousiasme.
Il est presque banal, de nos jours, d'associer dans la même phrase la recherche, l'innovation et le développement économique, tant leurs liens semblent en effet évidents : le but de la recherche n'est-il pas de développer l'innovation, cette dernière devant assurer la compétitivité et, donc, de formidables perspectives économiques ? Un tel discours, en outre, n'est pas nouveau puisqu'il a été au coeur de la stratégie de Lisbonne décidée au mois de mars 2002 avec les quinze États membres de l'Union européenne d'alors. Cette dernière visait à développer « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d'une croissance économique durable, accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi ainsi que d'une plus grande cohésion sociale. » Ainsi, la France s'était-elle engagée à apporter 1,8 milliard de plus par an à la recherche et à l'enseignement supérieur – 9 milliards en cinq ans –, l'objectif étant d'atteindre 3 % du PIB pour les activités de recherche en 2012.
En 2008, les dépenses de recherche et de développement (R&D) françaises représentaient 2,08 % de l'activité économique alors qu'en 1990 ce ratio était de 2,32 % ; en 2009, Mme Pécresse affirmait que l'effort s'élevait à 2,21 %, mais elle y intégrait ce cadeau fiscal qu'est le CIR, lequel avait explosé durant cette période. Pour atteindre 3 % du PIB en 2012, il aurait été nécessaire de passer, non de 2,07 % à 2,21 % entre 2007 et 2009, mais de 2,07 % à 2,44 %. Et pour ce faire, une croissance près de trois fois supérieure aurait été nécessaire.
En 2008 toujours, les entreprises et les administrations françaises ont dépensé plus de 40 milliards en faveur de leur R&D, les premières réalisant 63,5 % de ces dépenses contre 36,5 % pour les secondes, les entreprises n'en finançant que 54,3 %. La recherche industrielle représente 1,16 % du PIB, la France étant le premier pays de l'OCDE pour les aides fiscales et publiques apportées à la R&D des entreprises, mais notre pays se caractérise aussi par un faible niveau de dépenses privées – en la matière, notre effort est en effet inférieur d'un tiers à celui de l'Allemagne. Les dispositifs présentés jusqu'à présent comme puissamment incitatifs, tels que le CIR, n'ont finalement pas permis de redresser la situation parce qu'ils ont été trop souvent utilisés à de simples fins d'optimisation fiscale. Nous ne sommes certes pas favorables à sa suppression, mais tous les rapports présentés l'an dernier ont insisté sur la nécessité de réviser son mode de distribution et de revoir les modalités de son attribution ainsi que de son contrôle : comment les dépenses de fonctionnement sont-elles prises en compte dans son calcul ? Comment les grands groupes l'utilise-t-il à des fins d'optimisation fiscale via leurs différentes filiales ? Comment justifier qu'une entreprise bénéficie du CIR et que les résultats obtenus en matière de recherche soient produits ailleurs ?
Je vous renvoie aux rapports auxquels je viens de faire allusion.
Un dirigeant d'entreprise a même affirmé que le CIR servait à abonder les recettes de son groupe alors que les PME et les PMI devraient bénéficier de l'essentiel de cet effort – même si nombre d'entre elles se situent aujourd'hui dans le giron de tels grands groupes, lesquels peuvent quant à eux profiter d'autres dispositifs. Quoi qu'il en soit, Bercy dispose des moyens permettant de séparer le bon grain de l'ivraie.
J'ajoute que Mmes Pécresse et Lagarde ont régulièrement insisté sur l'impact du CIR pour localiser ou relocaliser certains centres de recherches d'entreprises, dont j'ai essayé à plusieurs reprises et sans succès d'obtenir les noms. Pouvez-vous donc nous en communiquer la liste, Monsieur le ministre, car cela ne manquerait pas de donner du corps à vos propos ! Précisément, combien d'emplois ont-ils été créés grâce à ces localisations ou relocalisations et combien les entreprises bénéficiant du CIR ont-elles recruté de docteurs depuis 2008 ?
L'IFP, quant à lui, accomplit un très bon travail, mais sa dotation budgétaire a baissé de 40 % en euros constants par rapport à 2002. Une telle situation est d'autant plus incompréhensible que le Gouvernement martèle l'importance de la R&D et que les efforts déployés par l'IFP sont importants pour soutenir l'innovation technologique. Elle est de surcroît d'autant moins acceptable qu'elle implique l'arrêt de projets de recherches, en particulier de ceux qui sont à plus hauts risques et qui concernent le développement des énergies vertes. Plus encore : une telle réduction des crédits implique la suppression de 150 postes de chercheur en formation de doctorat et de post-doctorat en 2013 par rapport à 2010. Prendrez-vous donc en compte les protestations et les remarques de ceux qui suivent et soutiennent les efforts de cet organisme ?
Ce débat budgétaire doit être l'occasion de faire un point plus général sur la stratégie ou l'absence de stratégie du Gouvernement en matière de recherche.
À vous entendre, nous sommes au pays de Candy alors qu'en euros constants le budget que vous défendez, sur un même périmètre, est inférieur à celui de 2007 – il conviendrait d'ailleurs de ne pas évoquer en termes financiers des sujets aussi décisifs pour l'avenir.
Vous évoquez une « révolution culturelle » et, en un sens, vous avez raison : comme les Chinois d'alors, vous n'y avez pas été de main morte, à tel point que vous avez déstructuré ce secteur en privant les établissements de formation et de recherche de la sérénité qu'ils sont en droit d'attendre. Ces derniers répondent aux appels d'offres et aux différentes propositions qui leur sont faites afin d'être financés, mais comment auraient-ils le choix, à moins de cesser de fonctionner ? Je ne saurais quant à moi parler d'« effet d'aubaine » – ceux qui répondent à de tels appels sont capables de mobiliser assez rapidement les talents nécessaires pour acquérir les financements qui se présentent –, mais je note que la déstructuration à laquelle vous avez procédé a entraîné une modification sensible de la carte universitaire sans forcément que cela résulte d'un choix, et certains secteurs en profitent, d'autres non. Quelle sera donc la situation dans les années à venir ?
Il en est de même s'agissant de la formation des chercheurs, laquelle est souvent très longue sans qu'ils puissent pour autant bénéficier de perspectives de carrière et de salaires extraordinaires. Animés par leur vocation et leur passion, ils sont néanmoins parfois si désespérés que l'on peut nourrir quelques craintes pour l'avenir même de notre recherche.
Le benchmarking est sans doute nécessaire en matière d'innovation et de R&D, mais quid de la recherche en amont permettant de trouver des solutions d'avenir ? Au sein du pôle de compétitivité Grenoble-Crolles – qui fut d'ailleurs précurseur comme en atteste le rapport de M. Blanc – les liens entre recherche amont et R&D, laboratoires publics, entreprises privées et la production industrielle montrent que partenariat ne signifie pas mélange des genres. Or, aujourd'hui, tout le monde semble être logé à la même enseigne, la rémunération à l'activité se profilant, comme dans l'hôpital public !
La course au CIR, quant à elle, entraîne parfois des tricheries : outre que la multiplication des PME cache la présence de grands groupes, cet argent n'est pas toujours affecté à la recherche.
Enfin, vous souciez-vous de développer une approche par filières, en particulier s'agissant du secteur des énergies renouvelables et des réseaux de communication ?
Même si les sommes en jeu sont importantes – je ne prétends pas que la paupérisation s'installe à tous les étages – la déstructuration en cours suscite des angoisses qui risquent d'être extrêmement dommageables.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre exposé. Nous savons combien le contexte est contraint et à quel point il était difficile de boucler ce budget. Il est donc temps de privilégier la qualité sur la quantité, tant l'augmentation des crédits n'implique pas toujours une amélioration de la situation.
Sans doute cette période de crise est-elle l'occasion de s'interroger sur quelques paramètres fondamentaux à partir de comparaisons établies avec nos concurrents.
Le triptyque « université-recherche-entreprise », à l'image de celui qui existe aux États-Unis, est-il dans notre pays une réalité ?
La recherche allemande contribue-t-elle aux performances industrielles de l'Allemagne ?
Combien avons-nous de chercheurs et d'ingénieurs pour 1 000 ou 10 000 habitants – peu importe l'échelle – proportionnellement à la Chine ou à l'Inde ? Combien de brevets sont-ils déposés pour 1 000 ingénieurs comparativement aux États-Unis, à l'Allemagne, à la Chine et à l'Inde ?
La recherche publique profite-t-elle exclusivement aux grands groupes ou, également, aux PME indépendantes ?
Les domaines de recherches dans lesquels nous sommes « défaillants » – dont celui des énergies renouvelables, se superposent-ils à ceux dans lesquels notre industrie n'excelle guère ?
Une telle analyse qualitative se justifie parce que le progrès passe par la déclinaison de nos atouts et la résorption de nos handicaps.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour l'allusion que vous avez faite à Grenoble où, comme vous avez pu le voir, les collectivités territoriales sont très engagées.
Le nombre d'étudiants en licence me semble insuffisant dans notre pays puisque seule 25 % d'une classe d'âge est concernée chaque année, contre 44 % au Danemark.
Les jeunes issus de milieux modestes, de surcroît, ont de plus en plus de mal à faire des études universitaires. Sans doute des efforts doivent-ils être accomplis afin de développer des pédagogies personnalisées – ce devait être le cas grâce au Plan pour la réussite en licence, mais 17 % seulement des universités qui ont reçu des subsides à cette fin ont diminué le nombre d'heures de cours en amphithéâtre. Il convient également de réaliser des efforts importants en matière d'insertion et d'orientation, ce qui suppose un encadrement digne de ce nom, quand nous ne disposons que de 5 enseignants pour 1 000 étudiants – soit le taux le plus faible des pays membres de l'OCDE.
Les docteurs étant quant à eux aujourd'hui insuffisamment insérés dans notre économie, certaines aides – dans le cadre du CIR et des pôles de compétitivité – devraient sans doute être conditionnées à une évolution de la situation. Leur intégration dans les grands corps d'État, par exemple, permettrait de rendre ces derniers plus réceptifs aux progrès scientifiques et technologiques ainsi qu'à l'innovation.
S'agissant du CIR, certains grands groupes bénéficient d'un effet d'aubaine. Dans le secteur du pétrole, l'un d'entre eux ne paie ainsi pas d'impôt sur les sociétés, il a multiplié les sociétés par actions simplifiées (SAS) pour optimiser ce crédit d'impôt et, dans le cadre de sa diversification photovoltaïque, il s'est adressé à un laboratoire belge – directement concurrent d'un laboratoire public français –, lequel opère des transferts de technologie directs en Asie et a racheté une entreprise américaine alors que des entreprises françaises étaient tout aussi compétitives. De tels groupes ne devraient plus bénéficier du CIR !
Les investissements d'avenir, quant à eux, constituent une bonne initiative… pour l'avenir, mais ils s'accompagnent de baisses de crédits pour les organismes de recherche. De nécessaires et importants efforts de mutualisation ont été réalisés mais que leur reste-t-il, hors la gestion des ressources humaines, dès lors que c'est l'ANR qui détermine les programmes de recherches et que les investissements d'avenir abondent tous les projets structurants ? Le risque de déséquilibres est patent. Si la recherche fondamentale ne dispose pas de crédits pérennes et d'une vision à moyen et long termes afin de favoriser l'innovation, nous irons au devant de grandes difficultés.
Par ailleurs, j'insisterai sur les problèmes que rencontrent le CEA, la Direction de la recherche technologique (DRT) ou le CEMAGREF, lesquels sont contraints de multiplier les CDD et ne peuvent plus répondre aux expertises qui leur sont demandées : non seulement ils sont ainsi privés de financements extérieurs, mais ils ne disposent plus d'une vision à moyen et long termes.
Trente-cinq pôles de compétitivité sont en panne. Quand bénéficieront-ils d'une dynamisation à travers leur mise en réseau, notamment afin d'accroître leur visibilité et de favoriser les exportations ?
Enfin, en matière de culture scientifique et technique, Universcience est par trop centralisateur alors que les centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) travaillent remarquablement en région. Un rééquilibrage s'impose. De même convient-il d'améliorer ce type d'enseignement dès la maternelle et le primaire : en effet, les disciplines scientifiques ne doivent plus être considérées comme des instruments de sélection, mais comme un outil favorisant la curiosité et l'ouverture d'esprit.
Tout le monde souhaite que la recherche bénéficie de moyens supplémentaires – le CIR est de ce point de vue-là très efficace – mais les chercheurs ont-ils toute latitude pour travailler dès lors que certains prônent la décroissance et détruisent des travaux qui représentent des années de recherche ? Leur protection me semble indispensable.
Quid du financement des CCSTI, structures permettant de rapprocher la recherche, les entreprises et les citoyens ? Les financements de l'association bretonne pour la recherche technologique (ABRET) diminuent depuis 2009 puisqu'ils sont passés de 192 000 euros à 160 000 euros l'année suivante et qu'ils s'élèvent en 2011 à 75 000 euros. Le programme 186, quant à lui, fait état de 3,6 millions affectés au budget de l'opérateur Universcience pour financer les CCSTI, alors que le financement de ce dernier, créé en 2010, est en baisse par rapport à cette année. Comment expliquer l'évolution de cette enveloppe ? Quels sont les critères de distribution d'une telle somme ?
Enfin, s'agissant des investissements d'avenir, pourriez-vous faire le point sur les deux instituts de recherche technologique (IRT) dédiés au secteur du numérique – B-Com et System X – et qu'en est-il des problèmes liées à la propriété intellectuelle ?
Voilà quatre ou cinq ans, j'avais été frappé de constater qu'au sein d'un classement européen relatif à la recherche et à l'innovation la France se situait à l'intersection des pays innovateurs et suiveurs et qu'elle ne figurait donc pas à la place qu'elle aurait dû occuper. Même si, depuis lors, beaucoup a été fait pour stimuler la recherche publique et privée, qu'en est-il de notre position par rapport aux autres pays européens dans ces domaines ?
Les universités ont tendance à se regrouper – ce qui est plutôt positif – mais en marge de celles qui, parmi elles, sont les plus puissantes, les universités de proximité nourrissent des craintes quant à leur avenir. J'enseigne encore quelques heures par semaine dans un établissement comptant 11 000 étudiants et je perçois les inquiétudes qui se font jour. Pouvez-vous donc rassurer les différents acteurs ?
Qu'en est-il de la recherche dans les sciences humaines, secteur où la France peut exceller ?
Enfin, quels sont les résultats du Plan pour la réussite en licence engagé par Mme Pécresse afin de lutter contre l'échec pendant le premier cycle universitaire et quels sont les différents moyens qui ont été mobilisés à cette fin ?
Qu'en est-il du pôle de Saclay, dont il a été beaucoup question dans le cadre de la préparation du Grand Paris ? Le renforcement de ses centres de recherche, en l'occurrence, ne risque-t-il pas de s'effectuer au détriment d'autres centres français, certaines entreprises de Lannion, Sophia-Antipolis ou Mulhouse faisant état de leur volonté de « rapatrier » des activités vers ce pôle ?
De plus en plus de chercheurs travaillant dans le secteur public sont soumis à des appels d'offres, ce qui accroît la précarité de leurs conditions de travail. Ne seront-ils donc pas tentés de gagner le secteur privé, voire de partir à l'étranger, et n'est-ce pas, au fond, ce qui est recherché ?
Pourriez-vous dresser le bilan de l'autonomie des établissements trois ans après l'application de la loi ? Certains établissements importants demeurent-ils encore en marge de ce nouveau régime ?
En tant qu'élu rural de Lozère, je constate que l'autonomie des universités pose des problèmes quant à la pérennité des IUFM au sein de certains départements, la volonté de centralisation au siège universitaire étant patente. Qu'en pensez-vous ?
Une quarantaine de questions ont été posées, auxquelles je vais essayer de répondre de façon synthétique.
M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis pour les crédits des grands programmes de recherche, a souligné l'importance de la constance dans la politique de la recherche. Il a raison : ce domaine, comme on le voit avec le crédit d'impôt recherche, supporte mal les à-coups et les changements de cap d'une année à l'autre. C'est pourquoi nous avons choisi trois objectifs sur la durée: l'autonomie, l'investissement et le partenariat entre secteur public et secteur privé. En dépit du contexte de crise, nous avons maintenu cette ligne.
Comme lui, j'ai déploré la trop grande complexité des procédures régissant les investissements dans la recherche, qui en ralentissait la poursuite. J'ai donc demandé que l'on mette en place un suivi des différentes procédures, puis que l'on fasse sauter à la barre à mine l'excès de rapports exigés pour aboutir à la contractualisation d'un projet et au versement des fonds correspondants. Ainsi avons-nous pu labelliser 150 laboratoires d'excellence (labex) en trois semaines, quand aucun ne l'était auparavant, ainsi qu'une centaine d'instituts universitaires en deux mois, et mettre en place un mécanisme d'acomptes systématiques afin que tous les labex, les équipements d'excellence (equipex) et les pôles de recherche médicale puissent également bénéficier de versements d'acomptes. Rien n'est pire pour un chercheur que de déposer un dossier, de recevoir un accord de principe et d'attendre ensuite pendant deux ans. Notre politique a donc principalement consisté à fluidifier, accélérer et simplifier les procédures qui s'appliquent aux chercheurs. Nous pouvons encore progresser dans cette voie. Mais une première étape essentielle vient d'être franchie et nous continuerons de nous battre contre tous les inventeurs d'usines à gaz.
Il en va de même des partenariats entre secteur public et secteur privé, comme à l'intérieur du secteur public avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations.
L'Institut national de recherche en informatique et en automatique a bénéficié d'une augmentation relativement substantielle de ses moyens depuis 2007, pour un montant de 23,6 millions d'euros, ce qui a notamment permis la création de 205 emplois statutaires. Cet organisme constitue déjà une référence dans un domaine où nous avons tout intérêt à investir. Il lui faut cependant améliorer sa gestion. Et, comme plusieurs d'entre vous l'ont d'ailleurs indiqué, les organismes de recherche doivent, d'une manière générale, accomplir un effort de mutualisation. L'INRIA peut y procéder sans nuire à son efficacité.
Je vous remercie de votre engagement, en tant qu'élus, en faveur de la politique spatiale. Car l'accès autonome à l'espace fait aujourd'hui l'objet d'une compétition internationale très vive, qui conditionne une partie de la compétitivité de nos entreprises. Nous ne pouvons dépendre de la Chine ou des États-Unis pour la recherche dans des secteurs aussi déterminants que les télécommunications, le secteur agro-alimentaire ou la surveillance des changements climatiques. Nous en avons déjà fait les frais avec le programme « Symphonie » de satellites franco-allemands. Tirons-en la leçon !
Les propos de M. Daniel Paul ont fait apparaître plusieurs divergences entre nous, mais aussi un point commun : nous croyons ensemble à la nécessité de conserver des emplois industriels sur notre territoire. Cela fait partie des engagements constants de sa famille politique, y compris dans des domaines tels que celui de l'énergie nucléaire, où ses alliés ne l'ont pas toujours suivi. Et il faut, bien sûr, pour cela, investir massivement dans la recherche.
Vous vous interrogez sur les parts respectives de la recherche publique et de la recherche privée. Malgré la crise, le secteur privé a maintenu, et même légèrement accru, son effort. Mais la situation n'est pas encore totalement satisfaisante si nous voulons atteindre l'objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche et au développement. Le secteur public a parcouru un chemin considérable dans ce but : il revient maintenant au secteur privé de faire de même.
L'incidence du crédit d'impôt recherche sur la localisation d'activités et sur l'emploi ne saurait être mesurée sans tenir compte de la règle du secret fiscal. Je ne peux donc parler des entreprises bénéficiant de cet avantage, mais je peux mentionner les entreprises étrangères dont les activités de recherche ne se situaient pas en France avant 2007 et qui, depuis lors, les ont installées chez nous : Microsoft, Google, le laboratoires pharmaceutique Glaxo Smith Kline (GSK), auxquelles s'ajoute Michelin, qui en a rapatrié une partie. C'est aussi le cas d'entreprises de taille intermédiaire, telles que Linamar.
Grâce à ce dispositif, plus de 1 500 jeunes docteurs ont été embauchés par près de 780 entreprises. En 2007, 1 300 entreprises confiaient des travaux de recherche-développement à des institutions publiques ; elles sont aujourd'hui 2 300, et la part des PME ne cesse de croître. On pourrait aller plus loin et démarcher directement les entreprises pour leur exposer l'intérêt des dispositifs publics existants. Avec votre collègue M. Jean Proriol, nous avons récemment vu le cas d'une PME de Beauzac, en Haute-Loire, qui avait considérablement investi en R&D sans avoir sollicité les instituts publics de recherche installés non loin de là, à Saint-Étienne. Nous essayons donc actuellement de démultiplier notre effort et d'élaborer des offres clés en main pour ce genre d'entreprises dans ce genre de situation.
M. François Brottes, vous avez fait référence à Candy. Je m'attendais plutôt à ce que, en tant qu'élu de la montagne, vous citiez Heidi, en jouant le rôle du grand-père un peu bougon qui finit par s'apercevoir que sa petite-fille marche bien, comme l'enseignement supérieur et la recherche dans la France d'aujourd'hui.
Vous avez aussi fait part de vos interrogations concernant la recherche fondamentale. Celle-ci est nécessaire et avance grâce aux projets blancs, c'est-à-dire à ceux qui laissent aux chercheurs la liberté de choisir leurs objectifs. C'est pourquoi, nous avons maintenu près de 50 % des appels d'offres lancés par l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour des projets de ce type, et 80 % dans le cadre des investissements d'avenir. Maintenir une part de recherche fondamentale est une exigence absolue.
L'évolution du pôle de Grenoble résume à elle seule tout ce qui a changé dans la recherche française au cours des dernières années. Voulu par le Gouvernement, le changement est surtout porté par la communauté des chercheurs. Les instituts de recherche technologiques (IRT) étendent leurs activités à de nouveaux domaines, notamment la biologie. De nouveaux équipements et de très grandes infrastructures de recherche se mettent en place, comme le synchrotron de Grenoble et ses déclinaisons industrielles.
Certes, mais l'effet d'accélération des dernières années est incontestable. Il ne résulte pas seulement de l'action du Gouvernement, mais aussi d'un travail conjoint avec le monde de la recherche et de l'industrie.
Les alliances ont permis de reconfigurer notre recherche en lui assignant certaines priorités.
Comme l'a indiqué M. Alfred Trassy-Paillogues, les comparaisons européennes constituent la meilleure façon d'appréhender le niveau de notre recherche nationale : il est meilleur que ce que l'on croit couramment. Ainsi, la France compte-t-elle près de 7,7 chercheurs pour 1 000 actifs, ce qui la place au troisième rang mondial, après le Japon et les États-Unis, mais devant l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne.
Au cours des trois dernières années, le nombre de brevets déposés par le CEA et le CNRS a augmenté de 30 %. Le nombre total de brevets déposés en France s'est accru de 3 % par an depuis 2009.
Il faut encourager les partenariats entre recherche publique et privée, comme le montre le projet Green Wheat visant à nourrir la planète grâce à des recherches sur la diversification, hors OGM, des espèces de blé : il s'agit de les rendre plus résistantes à l'humidité comme à la sécheresse, et d'améliorer leurs rendements. Les investissements correspondants sont assurés par l'INRA, en partenariat avec des entreprises privées, notamment auvergnates. Voilà un bel exemple d'association entre la recherche fondamentale et ses déclinaisons rapides en faveur de l'emploi.
Vous nous avez encore montré, Mme Geneviève Fioraso, votre excellente connaissance de l'enseignement supérieur et de la recherche. Une société meurt quand elle n'est plus capable de faire fonctionner l'ascenseur social et quand ses élites entrent dans un processus de reproduction. Signe encourageant, le nombre d'enfants d'ouvriers dans l'enseignement supérieur s'est maintenu au cours des dernières années, voire a légèrement progressé, alors que le nombre d'ouvriers continue de régresser dans la population active. L'université a donc un rôle essentiel à jouer en la matière, plus particulièrement dans les disciplines scientifiques.
Je crois beaucoup aux formations en alternance, qui favorisent le brassage social. Nous devons également mieux aménager le sas entre enseignement secondaire et enseignement supérieur. Nous accompagnons plutôt bien les élèves entre l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire, mais insuffisamment du lycée à l'université, alors que le choc est alors plus important car il se double d'un choc familial. Le Plan pour la réussite en licence a mis en place des dispositifs d'accompagnement au cours des premiers mois à l'université, ce qui devrait diminuer le taux d'échec, aujourd'hui trop important.
Je vous approuve totalement en ce qui concerne les embauches de docteurs, ayant été très choqué par les propos de certains grands industriels, pourtant supposés intelligents, déclarant qu'ils n'avaient pas l'intention de recruter des ingénieurs docteurs. Cela témoigne d'un esprit à très courte vue : le modèle allemand nous montre au contraire l'utilité d'ingénieurs ayant suivi une formation de recherche car ils exercent une fonction de passerelle entre l'univers de la recherche et celui de l'entreprise. J'ai demandé que l'on examine les pratiques d'embauche et de gestion des ressources humaines afin, notamment au niveau des doctorats, de faciliter les passages entre la recherche privée et la recherche publique.
Je suis favorable à la préférence nationale et, plus encore, à la préférence européenne.
Mme Geneviève Fioraso, Mme Corinne Erhel et M. Jean-Charles Taugourdeau ont parlé de la culture scientifique et technique. En France, sur des sujets tels que les OGM, l'énergie nucléaire ou les énergies renouvelables, le débat public risque de tomber dans l'irrationnel. Or il est essentiel que celui-ci, en restant fondé sur la raison et sur le principe d'objectivité, laisse à la science le temps de faire son travail. Je ne crois pas à une société fondée sur les intuitions et les instincts. Je crois au principe de précaution, mais je ne crois pas à un principe de précaution tant galvaudé qu'il deviendrait un instrument de régression scientifique. Ce serait une erreur de civilisation.
À ce sujet, nous travaillons actuellement avec Universcience, dans le cadre d'une stratégie nationale, mais comportant aussi des déclinaisons territoriales. Car il convient d'associer à notre démarche les collectivités locales qui entendent s'investir dans les politiques de recherche et mieux allouer les différents moyens.
Les projets B-Com et System X, retenus dans le cadre des investissements d'avenir, répondent aux questions précises posées sur les IRT.
La part des sciences humaines constitue aujourd'hui un enjeu important de l'enseignement supérieur car il s'agit de concilier la spécialisation et la transdisciplinarité. Par le passé, les sciences humaines et les sciences « dures » vivaient isolément dans leurs domaines respectifs. Nous assistons maintenant à des brassages : dans un sens, la médecine fait de plus appel à la philosophie et à l'éthique, l'énergie atomique fait appel à la sociologie ; dans l'autre sens, l'histoire de l'art recourt aux techniques du synchrotron. Je crois, pour l'avenir, au modèle des fertilisations croisées. Il faut, pour cela, abandonner l'approche stéréotypée selon laquelle, en France, le terme de science est synonyme de science dure : les sciences humaines sont aussi des sciences, qu'il s'agisse de la recherche juridique ou de la recherche historique, pour lesquelles il faut manier des bases de données scientifiques. Notre pays a souvent rayonné dans les sciences humaines, et nos grands scientifiques furent souvent de grands humanistes : il faut réactiver ce modèle grâce à des chercheurs qui, travaillant ensemble, croisent leurs disciplines et leurs approches. C'est pourquoi je serai attentif à ce que la deuxième vague des investissements d'avenir donne toute sa place aux sciences humaines.
La question de M. Jean Gaubert sur le pôle de Saclay m'a un peu surpris. Je pensais qu'il me demanderait pourquoi Saclay n'était pas apparu parmi les premières initiatives d'excellence (idex), alors qu'on craignait que le pôle ne rafle tous les labex et les equipex. J'ai regardé comme une très bonne chose que, parmi les trois premier idex, deux ne soient pas parisiens : on n'attendait pas Bordeaux, non plus que Strasbourg. Je ne crois en effet ni à une recherche concentrée en région parisienne, ni appuyée sur quelques mégalopoles et désertant les territoires. Ceux-ci peuvent aussi porter l'excellence, avec des universités et des pôles de recherche appuyés sur les forces vives locales tout en possédant une compétitivité internationale. Ainsi, se trouve à Limoges le pôle d'excellence internationale dans le domaine de la céramique. L'université de Savoie profite à plein de sa situation afin de développer des politiques d'excellence sur les questions relatives à la montagne, ce qui la positionne, elle aussi, au niveau international. L'université de Clermont-Ferrand possède le laboratoire le plus performant du monde pour la recherche sur les questions volcaniques et sismiques, devant les laboratoires japonais.
Tel est le modèle auquel je crois : une université et une recherche sur tout le territoire de la République, chacune puisant sur place les ressources d'excellence lui permettant ensuite de tenir son rang dans la compétition internationale.
Merci, monsieur le ministre, de vos réponses, de votre engagement et de vos fermes convictions.
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Puis la commission a examiné pour avis les crédits pour 2012 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sur le rapport de M. Pierre Lasbordes et M. Daniel Paul.
Suivant l'avis de M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis, elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits des grands organismes de recherche (programmes 150, 172 et 193) pour 2012.
Contre l'avis de M. Daniel Paul, rapporteur pour avis, elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche industrielle (programme 192) pour 2012.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 18 octobre 2011 à 21 h 30
Présents. - M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Pierre Decool, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean Gaubert, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Louis Guédon, M. Pierre Lasbordes, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. Michel Raison, M. Bernard Reynès, M. Francis Saint-Léger, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, Mme Catherine Vautrin
Excusés. - M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Marc Lefranc, Mme Josette Pons