Je ne ferai pas preuve du même enthousiasme.
Il est presque banal, de nos jours, d'associer dans la même phrase la recherche, l'innovation et le développement économique, tant leurs liens semblent en effet évidents : le but de la recherche n'est-il pas de développer l'innovation, cette dernière devant assurer la compétitivité et, donc, de formidables perspectives économiques ? Un tel discours, en outre, n'est pas nouveau puisqu'il a été au coeur de la stratégie de Lisbonne décidée au mois de mars 2002 avec les quinze États membres de l'Union européenne d'alors. Cette dernière visait à développer « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d'une croissance économique durable, accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi ainsi que d'une plus grande cohésion sociale. » Ainsi, la France s'était-elle engagée à apporter 1,8 milliard de plus par an à la recherche et à l'enseignement supérieur – 9 milliards en cinq ans –, l'objectif étant d'atteindre 3 % du PIB pour les activités de recherche en 2012.
En 2008, les dépenses de recherche et de développement (R&D) françaises représentaient 2,08 % de l'activité économique alors qu'en 1990 ce ratio était de 2,32 % ; en 2009, Mme Pécresse affirmait que l'effort s'élevait à 2,21 %, mais elle y intégrait ce cadeau fiscal qu'est le CIR, lequel avait explosé durant cette période. Pour atteindre 3 % du PIB en 2012, il aurait été nécessaire de passer, non de 2,07 % à 2,21 % entre 2007 et 2009, mais de 2,07 % à 2,44 %. Et pour ce faire, une croissance près de trois fois supérieure aurait été nécessaire.
En 2008 toujours, les entreprises et les administrations françaises ont dépensé plus de 40 milliards en faveur de leur R&D, les premières réalisant 63,5 % de ces dépenses contre 36,5 % pour les secondes, les entreprises n'en finançant que 54,3 %. La recherche industrielle représente 1,16 % du PIB, la France étant le premier pays de l'OCDE pour les aides fiscales et publiques apportées à la R&D des entreprises, mais notre pays se caractérise aussi par un faible niveau de dépenses privées – en la matière, notre effort est en effet inférieur d'un tiers à celui de l'Allemagne. Les dispositifs présentés jusqu'à présent comme puissamment incitatifs, tels que le CIR, n'ont finalement pas permis de redresser la situation parce qu'ils ont été trop souvent utilisés à de simples fins d'optimisation fiscale. Nous ne sommes certes pas favorables à sa suppression, mais tous les rapports présentés l'an dernier ont insisté sur la nécessité de réviser son mode de distribution et de revoir les modalités de son attribution ainsi que de son contrôle : comment les dépenses de fonctionnement sont-elles prises en compte dans son calcul ? Comment les grands groupes l'utilise-t-il à des fins d'optimisation fiscale via leurs différentes filiales ? Comment justifier qu'une entreprise bénéficie du CIR et que les résultats obtenus en matière de recherche soient produits ailleurs ?