Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Jean-François Dhainaut, président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), dont la nomination au poste de président du Haut Conseil des biotechnologies est envisagée par le Président de la République.
L'audition de M. Jean-François Dhainaut, candidat à la présidence du Haut Conseil des biotechnologies est pour la Commission une première : jamais elle n'avait entendu une personnalité en vue de sa nomination par le président de la République en application de l'article 13 de la Constitution.
La présidence du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) est vacante depuis la démission de Mme Catherine Bréchignac en décembre 2010, à la suite de sa nomination à l'Académie des Sciences.
Le professeur Jean-François Dhainaut, au parcours impressionnant, est actuellement, entre autres titres et distinctions, président de l'Agence d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche (AERES). Son audition sera suivie d'un scrutin.
). Merci monsieur le président de me permettre de participer à une première. En réponse à votre demande, je me présenterai brièvement, avant de vous faire part de mon approche de la présidence du Haut Conseil des biotechnologies.
Je suis avant tout un médecin. Mon objectif a toujours été l'amélioration des soins prodigués aux malades par moi-même, mes élèves et mes collègues.
Persuadé que la confrontation des cultures est une source majeure d'enrichissement, j'ai choisi de faire débuter mon parcours par une formation aux soins, à l'éthique, à l'enseignement et à la recherche à l'Université René Descartes - Paris V (aujourd'hui dénommée Paris Descartes) puis à l'Université Johns Hopkins de Baltimore aux États-Unis.
Je suis cardiologue et réanimateur, professeur des universités à l'Université Paris Descartes en thérapeutique, puis en réanimation médicale, et également praticien hospitalier à l'AP-HP (Assistance publique hôpitaux de Paris) au centre hospitalo-universitaire Cochin depuis 1988. J'ai été chef du service de réanimation médicale de ce CHU de 1992 à 2007 et de son service d'accueil des urgences de 2003 à 2007.
Pendant cette période, poussé par la conviction que seules l'évaluation et la comparaison des pratiques permettent de progresser, j'ai été moteur dans la mise en place d'audits hospitalo-universitaires en France et dans le monde pour améliorer la qualité des soins et l'enseignement au lit du malade.
Dès 1986, j'ai été membre fondateur de la Fondation Maurice Rapin pour l'éthique médicale. J'ai réalisé de nombreux travaux pluridisciplinaires, associant juristes, psychologues, philosophes, sociologues et représentants des patients. J'ai aussi assuré de nombreux enseignements dans ce domaine.
A mes yeux, la recherche clinique n'a d'intérêt que si le patient peut en bénéficier en toute sécurité. Je me suis donc investi dans la loi bioéthique et dans l'enseignement de la pratique « raisonnée » de la recherche clinique et du rôle de la médecine dans la société.
C'est dans ce contexte de réflexion sociétale que s'est inscrit mon parcours d'enseignant, marqué par la présidence de la commission de pédagogie de l'Université de Paris-Descartes de 1989 à 1995, et celui de chercheur, directeur d'une unité de recherche associée à l'Institut Cochin de 1997 à 2003. Mon expertise scientifique concerne essentiellement les infections graves et leurs traitements ainsi que la prédisposition génétique à développer ce type d'infection. Je compte à mon actif 175 publications sur ce sujet.
La sécurité de la technologie que nécessite la réanimation ne peut faillir, je n'ai guère besoin de vous en convaincre ! Tout au long de ma carrière de médecin, j'ai vu cette technologie autour du patient devenir de plus en plus performante. Cette évolution a néanmoins suscité en moi deux préoccupations. La première porte sur le caractère de plus en plus invasif, c'est-à-dire agressif, de ces technologies pour le patient. Elle m'a amené à de nombreux travaux pour promouvoir des pratiques alternatives, telles que l'échocardiographie. La seconde est la disparition de la fabrication de matériel biomédical en France.
En 1997, après que je l'eus averti des risques que comportait cette double évolution, M. François d'Aubert, alors ministre chargé de la recherche, m'a confié une mission d'« étude des conditions d'implantation des entreprises de biotechnologies au sein des centres hospitalo-universitaires ». Dans le prolongement naturel de cette mission, j'ai porté en 1999 sur les fonts baptismaux le projet du bio-incubateur « Paris Biotech Santé » de l'Université Paris Descartes, en partenariat avec l'INSERM, l'ESSEC et l'École centrale de Paris, puis, en partenariat avec la Ville de Paris, celui de la pépinière d'entreprises « Cochin-Paris », dont l'objectif était de faire bénéficier rapidement et en toute sécurité le patient des nouveaux médicaments et des aides aux handicaps.
Dans le même esprit, après avoir été élu à la présidence du Comité médical consultatif de l'hôpital Cochin, j'ai présidé celui-ci de 1996 à 1999 ; j'ai ensuite exercé la responsabilité de doyen de la faculté de médecine Cochin Port-Royal, de 1999 à 2004, puis celle de président de l'Université Paris Descartes, de 2004 à 2007. J'ai enfin accepté la présidence de l'Agence de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES).
A la tête de cette agence, le premier défi était de vaincre la crainte de l'évaluation, répandue parmi les enseignants-chercheurs, et de travailler en toute transparence et indépendance vis-à-vis non seulement des administrations centrales des ministères, mais aussi des établissements et des organismes évalués par l'Agence. Le deuxième était de maîtriser les risques de conflits d'intérêts : l'Académie des sciences a loué le succès de l'Agence dans ce domaine.
La Conférence des présidents d'universités, mais aussi le président de la Conférence des directeurs d'écoles d'ingénieurs, se sont félicités de l'action positive de l'Agence sur les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Il en a été de même de l'Office Parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je remercie les parlementaires : par leur soutien ininterrompu au cours des quatre années écoulées, ils ont joué un rôle déterminant dans le succès de l'AERES.
Si je suis aujourd'hui devant vous dans la perspective d'une mission tout autre, la présidence du Haut Conseil des biotechnologies, cette mission ne s'inscrit pas moins de façon logique dans le parcours que je viens de décrire. D'abord, mes fonctions passées m'ont, je pense, donné la hauteur de vue nécessaire à la présidence de ce Haut Conseil. J''ai en particulier appris à travailler dans le respect de chacun, dans une optique d'écoute et en toute transparence et indépendance vis-à-vis de chaque partie prenante. Il s'agit là de points-clés dans le fonctionnement d'un Haut Conseil « bicaméral », comprenant à la fois un comité scientifique et un comité de parties prenantes.
D'autre part, nul besoin d'insister sur mon intérêt soutenu pour les missions du HCB : comme je l'ai dit, j'ai consacré une grande partie de ma vie professionnelle à m'intéresser aux technologies dévolues à la santé, aux bénéfices individuels et collectifs qui peuvent en être tirés ainsi qu'aux impacts socio-éthiques qu'elles peuvent engendrer ; tout cela vous assure de mon enthousiasme dans l'accomplissement de cette mission.
J'ai pris connaissance des termes de la loi et des premières réalisations du HCB. Je prends acte de l'important travail mené sous la présidence de Mme Catherine Bréchignac, avec Mme Christine Noiville, présidente du comité économique, éthique et social, et M. Jean-Christophe Pages, président du comité scientifique, dans des conditions difficiles : je fais allusion ici, non seulement au démarrage et à l'installation d'une instance nouvelle et atypique, mais aussi aux épisodes de tension – je pense notamment à l'arrachage des vignes transgéniques de l'INRA à Colmar – qui ont pu compliquer l'exercice d'analyse et de débat confié au HCB.
Pour moi, le rôle du président du HCB est pluriel. C'est d'abord un rôle de pilote, d'administrateur, et enfin de coordinateur entre les deux conseils. Il doit veiller à ce que les procédures soient clairement définies, appliquées dans la transparence et leurs résultats correctement suivis, que les conflits d'intérêts soient évités autant que possible, et que les dossiers soient traités dans les meilleurs délais.
Il lui faut aussi s'assurer que l'ensemble des aspects des questions soulevées a bien été envisagé et que chacune d'elles a reçu des réponses argumentées. Pour cela, le travail doit être étayé par les connaissances disponibles, et une démarche analytique préférée aux arguments d'autorité ; la difficulté est ici que les propositions soient applicables tout en restant efficaces.
Il lui revient aussi de consolider le dialogue entre les membres des deux comités et la mise en place des groupes de travail communs et des réunions thématiques éventuellement ouvertes à des experts extérieurs. Il lui appartient de faire état, selon les cas, de la concordance ou de la non-concordance des positions des deux comités sur une question donnée, sans préjuger de la décision du pouvoir politique, qui tranche.
Enfin, il doit aussi travailler avec les instances européennes. Pour moi qui me suis particulièrement intéressé, dans toutes mes fonctions antérieures, aux relations internationales, ce point est essentiel. Il s'agit tout d'abord de mieux dialoguer avec l'AESA (Autorité européenne de sécurité des aliments, ou encore EFSA, – European Food Safety Authority) et de clarifier les méthodes d'évaluation. Ensuite, il faut promouvoir l'originalité de l'approche du HCB à l'échelle européenne ; celle-ci, qui est triple, est fondée non seulement sur l'évaluation des risques mais aussi sur l'analyse des impacts et des enjeux socio-économiques ainsi que sur le débat sociétal.
J'en suis convaincu, l'objectif cardinal du HCB, et donc de son président, est d'instaurer un débat le plus constructif et transparent possible pour recueillir la confiance de l'ensemble des parties prenantes.
Ce n'est que dans un climat apaisé qu'il sera possible de faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain. Mon souhait est de permettre à notre pays de tenir à nouveau son rang dans la compétition scientifique et technologique en matière de biotechnologies.
Monsieur le président, comment envisagez-vous la fin de votre mandat à la tête de l'AERES ?
Quels sont les éléments qui vous ont conduit à accepter la proposition du Président de la République de présider le HCB ? Lors de sa nomination, Mme Catherine Bréchignac avait déclaré avoir accepté le poste en tant que citoyenne, estimant qu'il était original d'associer expertise scientifique et acceptabilité sociale.
A votre avis, quels éléments de votre curriculum vitae – particulièrement dense – militent le plus en faveur de votre nomination à la tête de ce Haut Comité ?
Enfin, comment envisagez-vous l'interprétation du principe de précaution, inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement ?
La multiplicité des responsabilités que vous avez assumées impressionne, monsieur le professeur. La fonction à laquelle vous avez accepté d'être candidat ne vous obligera-t-elle pas à vous détacher de nombre d'activités, que vous exercez sur la durée avec un talent manifeste ? N'allez-vous pas vous sentir « orphelin » ?
Dans vos fonctions antérieures, vous avez beaucoup travaillé sur le sang et des dérivés humains. Quelle est votre analyse du projet de loi relatif à la bioéthique adopté en première lecture par le Parlement ?
Monsieur le président, le HCB, structure originale en Europe, ne pourrait-il pas relever d'une analyse aux termes de laquelle « qui trop embrasse mal étreint » ? Avec mon collègue Alain Gest, je suis le rapporteur, au nom du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, d'un rapport sur l'évaluation de la mise en oeuvre de l'article 5 de la Charte de l'environnement, relatif à l'application du principe de précaution. Or, au contraire de la présidente sortante du HCB, qui avait déclaré que l'intérêt de cet organisme était de joindre expertise scientifique et acceptabilité sociale, nous estimons que, notamment pour l'application du principe de précaution, l'expertise et la représentation doivent être clairement séparées. Un membre d'une association de défense de l'environnement, par ailleurs travaillant dans l'univers scientifique, siège-t-il comme expert scientifique ou comme représentant de l'association dont il est membre ? Ce n'est pas la même situation. N'est-il pas envisageable de réviser le fonctionnement du HCB pour assurer une expertise sociétale – l'expertise en matière de science humaine, est une expertise de plein exercice – séparée du débat public, qui lui, doit en effet se tenir avec les associations représentées au comité économique, éthique et social ?
Le débat sur les OGM symbolise bien les difficultés de la concertation dans notre pays. Nulle part ailleurs, on ne trouve de telles oppositions. Le HCB, avec ses deux comités, le comité scientifique et le comité économique, éthique et social, représentant la société civile, nous a paru un outil de dialogue intéressant pour y remédier à l'échelle nationale.
Des initiatives très intéressantes sont prises au niveau local. Ainsi, les expérimentations de l'INRA en matière d'OGM à Mulhouse ont fait l'objet, selon les interlocuteurs concernés eux-mêmes, d'un modèle de concertation. Les associations locales opposées aux OGM ont accepté de travailler sur les études de l'INRA. Les syndicats, notamment les syndicats agricoles minoritaires, ont aussi validé celles-ci.
Pourtant, les cultures de l'INRA ont été arrachées, et ce par des opposants non pas locaux mais nationaux. Dans ces conditions, comment envisagez vous la conduite du travail du HCB sur l'acceptabilité des OGM ? Pour permettre le développement des expérimentations dans de bonnes conditions d'acceptabilité, faut-il développer d'autres formes de débat ? Le HCB doit-il travailler à élargir les formes de concertation ?
En ma qualité d'ancien rapporteur pour avis sur le projet de loi constitutionnelle relative à la Charte de l'environnement, je souhaiterais moi aussi connaître votre analyse, avec le recul, de l'inscription de celle-ci dans la Constitution, ainsi que sur l'interprétation de son article 5 au regard de l'esprit dans lequel le Parlement l'a voté. Les OGM avaient fait l'objet d'un large débat lors de l'adoption de cette Charte.
Monsieur le professeur, comment envisagez-vous de travailler avec les agences des autres pays membres de l'Union européenne ? Pensez-vous que pour faire valider des conclusions par l'ensemble de la société, il faille forcément avancer en liaison et en accord avec elles ?
Je voudrais faire entendre sur les OGM une autre tonalité.
Je suis président du conseil général du Gers. Ce département a servi très longtemps aux grands groupes semenciers de terrain d'expérimentation pour de nouvelles cultures, contaminant nos efforts en matière d'agriculture biologique. Le conseil général et moi-même avons dû nous démener auprès des tribunaux. J'ai obtenu du Conseil d'État, le 30 décembre 2009, la reconnaissance des OGM comme « objet d'intérêt départemental », au regard de la violence que ceux-ci constituent pour les cultivateurs qui refusent d'en produire.
Aujourd'hui, nous avons lancé une procédure auprès de la Cour de justice de l'Union européenne pour tenter de faire annuler les autorisations données en catimini, en juillet 2010, par la Commission européenne pour la production de cinq nouvelles variétés d'OGM et le renouvellement d'une sur la seule base des avis de l'EFSA. Or l'EFSA est aujourd'hui très contestée, notamment en la personne de ses dirigeants, du fait de la multitude des conflits d'intérêts qui la minent. Les quelque 500 millions de citoyens européens sont totalement démunis face à ce dossier, où l'on retrouve les trois mêmes principes que dans celui des gaz de schiste : confidentialité des décisions, conflits d'intérêts et atteintes à l'environnement. Comment comptez-vous faire en sorte que vos futurs avis soient validés par les citoyens ? Ceux-ci ont en effet le sentiment que des choix leur sont imposés sans qu'ils aient la possibilité de dire leur mot.
Chacun est toujours un peu triste de quitter son enfant. Le travail de l'équipe de l'AERES a été excellent. Je suis très satisfait de ce qu'est devenue cette agence, que j'ai portée sur les fonts baptismaux, et sans inquiétude sur son avenir et le travail que pourra conduire mon successeur. Aujourd'hui, l'évaluation est passée dans les moeurs. Plus personne n'en a peur. Chacun a compris que les recommandations d'experts extérieurs qu'elle permet – l'Agence a même eu recours à hauteur de 20 % à des experts étrangers – constituent la meilleure voie de progrès, dans les domaines de la recherche comme de la pédagogie. Mon expérience à la tête de l'Agence me sera également utile dans la suite de mon cursus.
Les débuts de l'Agence ont été très difficiles. Nous avons dû affronter des oppositions très fortes à la montée en puissance de l'évaluation. L'action des deux parlementaires membres du conseil d'administration de l'Agence a été remarquable. Je compte donc aussi beaucoup sur vous, et notamment sur l'OPECST, pour conforter les décisions que l'organisme que je vais présider, si je suis nommé, devra prendre.
Je ne suis pas un spécialiste des OGM. Lorsque la présidence du HCB, que je connaissais alors mal, m'a été proposée, je me suis renseigné sur son rôle et son fonctionnement auprès de sa présidente, Mme Catherine Bréchignac, ainsi que de M. Jean-Christophe Pagès, président du comité scientifique, et de Mme Christine Noiville, présidente du comité économique, éthique et social. Le travail qu'ils ont réalisé, dans des conditions extrêmement difficiles, m'a fortement impressionné. Le poursuivre m'apparaît très intéressant.
J'ai déjà connu une expérience assez voisine dans ma vie professionnelle, avec la mise en place dans la recherche clinique du comité de protection des personnes. Nos débats ont été, pour le moins, extrêmement animés ! Pour autant, cette réflexion sociétale a considérablement amélioré non seulement la protection des personnes mais aussi la qualité du travail. J'en conclus que si, sur des sujets brûlants, la réflexion sociétale est toujours difficile, elle est aussi toujours extrêmement utile.
Présider le HCB me semble donc s'inscrire dans la suite de mon cursus. Par ailleurs, l'expérience emmagasinée à la fin d'une carrière me paraît utile pour aider à traiter de sujets de société.
Les éléments de mon curriculum vitae qui me semblent militer le plus en faveur de mon accès à cette présidence sont pour moi l'envie de faire passer des messages et des convictions auprès de la société, de convaincre les gens, et de faire mûrir les éléments dégagés par la réflexion.
Suis-je « orphelin » ? Lorsque j'ai pris la présidence de l'AERES, j'ai abandonné toute activité hospitalo-universitaire pour me consacrer à sa mise en place. Il n'y a pas eu d'arrachement. Mon cursus vous l'indique, le détachement a été progressif ; j'ai dirigé le comité médical consultatif de l'hôpital ; j'ai ensuite été doyen, puis président d'université. Il est vrai que j'ai gardé une petite activité hospitalière le vendredi et le samedi. Mes nouvelles activités, si je suis nommé, s'inscriront dans la suite de mon cursus. Je ne me sens donc pas orphelin ; j'ai vraiment le souhait d'appuyer les présidents des deux comités du HCB, dont le travail est remarquable et qui croient en leur action.
Si le traitement des questions de bioéthique dans le traitement des dérivés du sang rappelle aussi des souvenirs douloureux, il a constitué une avancée considérable pour la sécurité. La législation sur la bioéthique ne peut que continuer à évoluer. Le droit dans ce domaine ne sera jamais figé : non seulement les données scientifiques changent sans cesse, mais la réflexion sociétale se modifie en même temps qu'elles. Pour moi, l'évolution de cette législation se fait dans le bon sens.
Monsieur Tourtelier, votre question sur les relations entre expertise et société civile, notamment au regard du principe de précaution, est très difficile. Faut-il que le comité économique, éthique et social, se dote d'une expertise socio-économique ? Certes, aujourd'hui, dans ce domaine, il existe de vrais experts compétents. Cependant, mélanger réflexion sociétale et expertise socio-économique ou de sciences humaines est non seulement très difficile, mais sans doute non souhaitable. L'évolution du fonctionnement des comités ne peut se fonder que sur des arguments forts.
Pour moi, en revanche, l'institution de groupes de travail permettrait sans doute de compléter l'expertise du comité scientifique tout en éclairant le comité économique, éthique et social. Les types de cultures, avec ou sans OGM, devraient pouvoir être comparés d'un point de vue socio-économique. Lorsque, à l'AERES, j'ai évalué l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), j'ai pu constater que l'expertise existait.
Si les résultats de ces groupes de travail sont vraiment intéressants, nous devrons réfléchir à modifier l'organisation des conseils. Mais il nous faut d'abord disposer de retours d'expérience.
L'affaire des cultures OGM de l'INRA a été un tsunami pour le HCB. Alors que la situation semblait étale, tout a basculé. Mme Christine Noiville a réussi à remonter la pente. Je déduis de cette expérience que la seule méthode pour y arriver est de convaincre, et pour cela d'informer sans relâche et d'être extrêmement transparent. Il faut communiquer sur le travail réalisé ! Le site internet du HCB est à des années-lumière de celui de l'AERES ! Un travail très intéressant a été réalisé sur les cultures alternatives. Mais comme il n'est relaté que sur de petits cahiers, et qu'il n'en est pas rendu compte sur le site, personne n'en connaît rien ! Communiquer sur les OGM n'est pas plus compliqué que sur le médicament. Ce que nous découvrons avec l'affaire du Médiator, c'est finalement l'apparition d'effets adverses à long terme qui ne sont que l'accélération de processus physiologiques normaux ; or, de tels processus ne sont pas si faciles à découvrir ! Pour accéder à une certaine forme d'acceptabilité, il faut d'abord des études.
Le rôle du comité économique, éthique et social, c'est de développer une réflexion qui conduise à des études. Dans la réflexion éthique que nous avons menée sur la recherche clinique, des interlocuteurs nous ont demandé quels éléments nous permettaient d'être sûrs de ce que nous avancions. C'est dans cette direction qu'il faut progresser. Trouver un consensus entre les deux comités – au passage sans doute impossible – n'est pas le sujet.
La réflexion du comité scientifique doit absolument s'efforcer d'être à la pointe de la science et de fournir des avis scientifiques. Le travail du comité économique, éthique et social est en revanche plus un travail de réflexion tous azimuts, de critique, de questionnement du comité scientifique, à qui il revient de répondre, où d'admettre qu'il ne le peut pas ! C'est vers ce mode de fonctionnement que nous nous acheminons. La fonction sans doute la plus essentielle du président, c'est la mise en oeuvre de modalités de travail en commun entre les deux comités, non pas forcément en les regroupant – ils se réunissent ensemble quatre fois par an environ – mais d'abord en constituant des groupes de travail mixtes, capables chacun d'élaborer une réflexion commune.
Pour moi – même si ce n'est pas le point que je maîtrise le mieux – l'interprétation de la Charte de l'environnement, et notamment de son article 5 au regard des OGM, se relie à la réflexion globale sur les conséquences d'un certain nombre de biotechnologies. À ce propos, pourquoi, alors que nous voyons apparaître une toxicologie des nanotechnologies appliquées aux sciences du vivant, lesdites nanotechnologies ne sont-elles jamais évoquées ? Je le demanderai volontiers aux ministres ; cette question, qui se concrétise progressivement, s'inscrit parfaitement dans les compétences du Haut Comité.
Le HCB doit bien sûr travailler avec les agences européennes chargées des mêmes questions. En revanche, même si c'est toujours une chance, trouver un consensus global est à la fois extrêmement difficile et relativement secondaire. Ce qui est enrichissant, ma carrière me l'a prouvé, ce sont les expériences qu'ont vécues les autres et que nous n'avons pas connues, leurs idées, et enfin les solutions qu'ils ont trouvées et auxquelles nous n'avions pas pensé. C'est pour cette raison que le HCB doit travailler avec les autres agences.
L'EFSA a été beaucoup critiquée. Je veillerai à ce que le HCB soit irréprochable en matière de conflits d'intérêts. Le travail d'une agence qui ne le serait pas ne peut plus convaincre, et perd donc tout intérêt. Mais être irréprochable n'est pas si facile. L'AERES a conduit en quatre ans 10 000 évaluations. Des conflits d'intérêts ont été soulevés pour 33 d'entre elles, sur lesquelles 3 ont dû être reprises. Pourtant, nous avons été très prudents et transparents !
L'acceptabilité par les citoyens est essentielle. L'Agence va être saisie de nombreux dossiers. Ses recommandations vont devoir convaincre. Or, la portée de certaines des preuves scientifiques dont nous disposons peut être assez faible. Nous ne sommes donc pas devant une tâche facile. Il reste que les avis de nos experts devront être confortés par des argumentations aussi solides que possible. Il faut absolument écarter les arguments d'autorité. Un avis solidement argumenté est beaucoup mieux compris. Il nous faudra montrer ce que nous savons, et ce que nous ne savons pas. Travailler en ce sens fait partie des missions du HCB.
Merci, Monsieur le président, de vos réponses et de vos précisions.
Après le départ de M. Jean-François Dhainaut, il est procédé au vote sur la nomination à la présidence du Haut conseil des biotechnologies, par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les deux scrutateurs d'âge étant MM. Christophe Bouillon et Martial Saddier.
Les résultats du scrutin sont les suivants :
Nombre de votants
Bulletins blancs ou nuls
Suffrages exprimés
Pour
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 3 mai 2011 à 17 heures
Présents. - M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guy Delcourt, M. David Douillet, M. Paul Durieu, M. Albert Facon, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Pierre Lang, M. Jacques Le Nay, M. Jean-Pierre Marcon, M. Philippe Martin, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Philippe Tourtelier
Excusés. - M. Yves Albarello, M. Jean-Yves Besselat, M. Michel Havard, Mme Sophie Primas