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Intervention de Jean-François Dhainaut

Réunion du 3 mai 2011 à 17h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Jean-François Dhainaut, président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, AERES :

). Merci monsieur le président de me permettre de participer à une première. En réponse à votre demande, je me présenterai brièvement, avant de vous faire part de mon approche de la présidence du Haut Conseil des biotechnologies.

Je suis avant tout un médecin. Mon objectif a toujours été l'amélioration des soins prodigués aux malades par moi-même, mes élèves et mes collègues.

Persuadé que la confrontation des cultures est une source majeure d'enrichissement, j'ai choisi de faire débuter mon parcours par une formation aux soins, à l'éthique, à l'enseignement et à la recherche à l'Université René Descartes - Paris V (aujourd'hui dénommée Paris Descartes) puis à l'Université Johns Hopkins de Baltimore aux États-Unis.

Je suis cardiologue et réanimateur, professeur des universités à l'Université Paris Descartes en thérapeutique, puis en réanimation médicale, et également praticien hospitalier à l'AP-HP (Assistance publique hôpitaux de Paris) au centre hospitalo-universitaire Cochin depuis 1988. J'ai été chef du service de réanimation médicale de ce CHU de 1992 à 2007 et de son service d'accueil des urgences de 2003 à 2007.

Pendant cette période, poussé par la conviction que seules l'évaluation et la comparaison des pratiques permettent de progresser, j'ai été moteur dans la mise en place d'audits hospitalo-universitaires en France et dans le monde pour améliorer la qualité des soins et l'enseignement au lit du malade.

Dès 1986, j'ai été membre fondateur de la Fondation Maurice Rapin pour l'éthique médicale. J'ai réalisé de nombreux travaux pluridisciplinaires, associant juristes, psychologues, philosophes, sociologues et représentants des patients. J'ai aussi assuré de nombreux enseignements dans ce domaine.

A mes yeux, la recherche clinique n'a d'intérêt que si le patient peut en bénéficier en toute sécurité. Je me suis donc investi dans la loi bioéthique et dans l'enseignement de la pratique « raisonnée » de la recherche clinique et du rôle de la médecine dans la société.

C'est dans ce contexte de réflexion sociétale que s'est inscrit mon parcours d'enseignant, marqué par la présidence de la commission de pédagogie de l'Université de Paris-Descartes de 1989 à 1995, et celui de chercheur, directeur d'une unité de recherche associée à l'Institut Cochin de 1997 à 2003. Mon expertise scientifique concerne essentiellement les infections graves et leurs traitements ainsi que la prédisposition génétique à développer ce type d'infection. Je compte à mon actif 175 publications sur ce sujet.

La sécurité de la technologie que nécessite la réanimation ne peut faillir, je n'ai guère besoin de vous en convaincre ! Tout au long de ma carrière de médecin, j'ai vu cette technologie autour du patient devenir de plus en plus performante. Cette évolution a néanmoins suscité en moi deux préoccupations. La première porte sur le caractère de plus en plus invasif, c'est-à-dire agressif, de ces technologies pour le patient. Elle m'a amené à de nombreux travaux pour promouvoir des pratiques alternatives, telles que l'échocardiographie. La seconde est la disparition de la fabrication de matériel biomédical en France.

En 1997, après que je l'eus averti des risques que comportait cette double évolution, M. François d'Aubert, alors ministre chargé de la recherche, m'a confié une mission d'« étude des conditions d'implantation des entreprises de biotechnologies au sein des centres hospitalo-universitaires ». Dans le prolongement naturel de cette mission, j'ai porté en 1999 sur les fonts baptismaux le projet du bio-incubateur « Paris Biotech Santé » de l'Université Paris Descartes, en partenariat avec l'INSERM, l'ESSEC et l'École centrale de Paris, puis, en partenariat avec la Ville de Paris, celui de la pépinière d'entreprises « Cochin-Paris », dont l'objectif était de faire bénéficier rapidement et en toute sécurité le patient des nouveaux médicaments et des aides aux handicaps.

Dans le même esprit, après avoir été élu à la présidence du Comité médical consultatif de l'hôpital Cochin, j'ai présidé celui-ci de 1996 à 1999 ; j'ai ensuite exercé la responsabilité de doyen de la faculté de médecine Cochin Port-Royal, de 1999 à 2004, puis celle de président de l'Université Paris Descartes, de 2004 à 2007. J'ai enfin accepté la présidence de l'Agence de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES).

A la tête de cette agence, le premier défi était de vaincre la crainte de l'évaluation, répandue parmi les enseignants-chercheurs, et de travailler en toute transparence et indépendance vis-à-vis non seulement des administrations centrales des ministères, mais aussi des établissements et des organismes évalués par l'Agence. Le deuxième était de maîtriser les risques de conflits d'intérêts : l'Académie des sciences a loué le succès de l'Agence dans ce domaine.

La Conférence des présidents d'universités, mais aussi le président de la Conférence des directeurs d'écoles d'ingénieurs, se sont félicités de l'action positive de l'Agence sur les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Il en a été de même de l'Office Parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je remercie les parlementaires : par leur soutien ininterrompu au cours des quatre années écoulées, ils ont joué un rôle déterminant dans le succès de l'AERES.

Si je suis aujourd'hui devant vous dans la perspective d'une mission tout autre, la présidence du Haut Conseil des biotechnologies, cette mission ne s'inscrit pas moins de façon logique dans le parcours que je viens de décrire. D'abord, mes fonctions passées m'ont, je pense, donné la hauteur de vue nécessaire à la présidence de ce Haut Conseil. J''ai en particulier appris à travailler dans le respect de chacun, dans une optique d'écoute et en toute transparence et indépendance vis-à-vis de chaque partie prenante. Il s'agit là de points-clés dans le fonctionnement d'un Haut Conseil « bicaméral », comprenant à la fois un comité scientifique et un comité de parties prenantes.

D'autre part, nul besoin d'insister sur mon intérêt soutenu pour les missions du HCB : comme je l'ai dit, j'ai consacré une grande partie de ma vie professionnelle à m'intéresser aux technologies dévolues à la santé, aux bénéfices individuels et collectifs qui peuvent en être tirés ainsi qu'aux impacts socio-éthiques qu'elles peuvent engendrer ; tout cela vous assure de mon enthousiasme dans l'accomplissement de cette mission.

J'ai pris connaissance des termes de la loi et des premières réalisations du HCB. Je prends acte de l'important travail mené sous la présidence de Mme Catherine Bréchignac, avec Mme Christine Noiville, présidente du comité économique, éthique et social, et M. Jean-Christophe Pages, président du comité scientifique, dans des conditions difficiles : je fais allusion ici, non seulement au démarrage et à l'installation d'une instance nouvelle et atypique, mais aussi aux épisodes de tension – je pense notamment à l'arrachage des vignes transgéniques de l'INRA à Colmar – qui ont pu compliquer l'exercice d'analyse et de débat confié au HCB.

Pour moi, le rôle du président du HCB est pluriel. C'est d'abord un rôle de pilote, d'administrateur, et enfin de coordinateur entre les deux conseils. Il doit veiller à ce que les procédures soient clairement définies, appliquées dans la transparence et leurs résultats correctement suivis, que les conflits d'intérêts soient évités autant que possible, et que les dossiers soient traités dans les meilleurs délais.

Il lui faut aussi s'assurer que l'ensemble des aspects des questions soulevées a bien été envisagé et que chacune d'elles a reçu des réponses argumentées. Pour cela, le travail doit être étayé par les connaissances disponibles, et une démarche analytique préférée aux arguments d'autorité ; la difficulté est ici que les propositions soient applicables tout en restant efficaces.

Il lui revient aussi de consolider le dialogue entre les membres des deux comités et la mise en place des groupes de travail communs et des réunions thématiques éventuellement ouvertes à des experts extérieurs. Il lui appartient de faire état, selon les cas, de la concordance ou de la non-concordance des positions des deux comités sur une question donnée, sans préjuger de la décision du pouvoir politique, qui tranche.

Enfin, il doit aussi travailler avec les instances européennes. Pour moi qui me suis particulièrement intéressé, dans toutes mes fonctions antérieures, aux relations internationales, ce point est essentiel. Il s'agit tout d'abord de mieux dialoguer avec l'AESA (Autorité européenne de sécurité des aliments, ou encore EFSA, – European Food Safety Authority) et de clarifier les méthodes d'évaluation. Ensuite, il faut promouvoir l'originalité de l'approche du HCB à l'échelle européenne ; celle-ci, qui est triple, est fondée non seulement sur l'évaluation des risques mais aussi sur l'analyse des impacts et des enjeux socio-économiques ainsi que sur le débat sociétal.

J'en suis convaincu, l'objectif cardinal du HCB, et donc de son président, est d'instaurer un débat le plus constructif et transparent possible pour recueillir la confiance de l'ensemble des parties prenantes.

Ce n'est que dans un climat apaisé qu'il sera possible de faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain. Mon souhait est de permettre à notre pays de tenir à nouveau son rang dans la compétition scientifique et technologique en matière de biotechnologies.

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