Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Brice Lalonde, ambassadeur chargé des négociations internationales sur le changement climatique.
Comme chacun le sait, Christian Jacob a quitté la présidence de notre commission suite à son élection à la tête du groupe UMP de l'Assemblée nationale. Il me revient donc de souhaiter la bienvenue à M. Brice Lalonde, que nous avions déjà reçu, le 14 octobre 2009, dans la perspective du sommet de Copenhague de décembre.
Nous préparons aujourd'hui la conférence de Cancún, qui se tiendra à compter du 29 novembre. II nous a semblé important de recueillir votre sentiment sur l'état actuel des négociations. Quelles sont les positions respectives des différents pays ? Comment surmonter les principaux points d'achoppement ? L'adoption d'objectifs d'émission plus réduits, la détermination de surplus de quotas, la mise en place de nouveaux mécanismes financiers, tout cela est-il envisageable ? Votre éclairage nous sera précieux.
Par le passé, nous avons abordé les négociations sur le changement climatique avec l'espoir de forger un instrument juridique complet, de répartir l'effort à consentir globalement entre les différents États. Nous n'y sommes pas parvenus. Nous savons désormais qu'il est très difficile d'élaborer un traité engageant près de deux cents parties pour réorienter l'économie mondiale et substituer aux ressources fossiles de nouvelles sources d'énergie. Il faudra du temps pour que chaque pays adopte une politique climatique et se dote de technologies propres.
En dépit de la désorganisation qui a caractérisé le sommet de Copenhague, les chefs d'État avaient finalement réussi à rédiger une déclaration faisant consensus. Bien qu'il n'ait pas été adopté par la conférence des parties, ce texte a servi de base aux négociations qui ont suivi.
Quelle est, alors, la situation à la veille du sommet de Cancún ? La présidence mexicaine a déployé d'importants efforts pour tempérer les positions les plus extrêmes. Je fais notamment référence aux options défendues par l'ALBA, l'Alliance bolivarienne pour les peuples d'Amérique créée à l'initiative de Cuba et du Venezuela, auxquels se sont joints le Nicaragua, l'Équateur ou encore la Bolivie. Mexico juge qu'un accord minimal est possible, ne serait-ce qu'en raison de la volonté commune de ne pas affaiblir la crédibilité des Nations unies par un nouvel échec.
Certains sujets sont parvenus à maturité : la lutte contre la déforestation, la coopération technique, et – faute de pouvoir stopper le phénomène – l'adaptation au changement climatique. Les États non émetteurs, qui subiront les premiers les conséquences du réchauffement, sont très sensibles à cette dernière problématique.
L'ambition d'un texte général, qui exigerait l'accord de tous sur l'ensemble des mesures, a été abandonnée après Copenhague. Plus pragmatique, la communauté internationale accepte désormais l'idée d'adopter seulement quelques décisions, à la condition que celles-ci soient équilibrées et que chacun y trouve son compte. Cet équilibre hautement politique, qui sera apprécié comme tel par les représentants, constitue le défi de la rencontre de Cancún.
Comme vous le savez, deux instruments juridiques se trouvent en négociation. La convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC), adoptée en 1992 à Rio et ratifiée depuis par 192 pays, a fixé un objectif de concentration des gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère « à un niveau qui évite toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ». Elle ne donne aucune indication précise sur les moyens à mettre en oeuvre en ce sens, mails elle répartit les nations en deux catégories en fonction de la situation géopolitique de l'époque : les pays industrialisés, dits de l'annexe I, qui subissent des obligations, et les autres auxquels on ne demande que de la bonne volonté. Cette classification est maintenant dépassée. La Chine, l'Inde et le Brésil sont ainsi considérés comme des pays en développement, ce qui est manifestement inexact dans les faits.
Le premier protocole d'application de cette convention, le protocole de Kyoto de 1997, n'impose de mesures contraignantes qu'aux pays industrialisés. Ceux-ci s'engagent à réduire leurs émissions de 5 % par rapport à 1990, au cours d'une première période s'étendant de 2008 à 2012. Toutefois, la Chine et les États-Unis, responsables de 40 % des émissions mondiales, échappent à toute obligation en la matière. Kyoto ne concerne finalement qu'un tiers des volumes de GES libérés dans l'atmosphère.
Nous devrions assister à Cancún à une sorte de marchandage. En échange de l'application par tous des dispositions de l'accord de Copenhague – qu'il faudra sans doute appeler autrement pour ne heurter personne – les États parties à Kyoto pourraient accepter une seconde période d'engagement, au-delà de 2012. La convention et le protocole s'effaceraient alors devant un seul traité historique, dont la conclusion serait reportée vers 2020.
Quels sont les points essentiels de l'accord de Copenhague ? Il y a d'abord les dispositifs MRV – mesurer, rendre compte et vérifier en français – qui permettent de suivre les efforts de chaque pays. Les États-Unis et la Chine se sont montrés attachés à cette transparence de l'information, Washington n'acceptant de s'engager qu'à condition d'une application du même cadre juridique à Pékin.
L'accord prévoit aussi, à partir de 2020, un transfert financier annuel de cent milliards de dollars des pays industrialisés vers les pays en développement. Cette aide sera affectée à la lutte contre le changement climatique. Le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-Moon, a confié à un groupe de conseil l'étude des sources possibles de financement innovant. Le rapport remis récemment par MM. Stoltenberg et Zenawi, premiers ministres de Suède et d'Ethiopie, conclut au réalisme d'une telle ambition.
Plusieurs pays se sont engagés après Copenhague à diminuer leurs émissions. L'Union européenne avait déjà adopté, sous présidence française, le paquet climat-énergie et l'objectif de réduction de 20% pour 2020. La discussion de Cancún portera notamment sur la réaffirmation des engagements de la Chine, des États-Unis et des pays en développement. Il faudra les rendre opposables, voire aussi contraignants que ceux du protocole de Kyoto, qui a force juridique bien que son non-respect, par le Canada par exemple, n'entraîne aucune sanction effective. Les pays qui accepteront une seconde période Kyoto exigeront cette formalisation de la participation des grands pollueurs à l'effort collectif. L'accord minimal pourrait se limiter à l'instruction aux négociateurs d'élaborer un accord plus complet en vue du sommet de l'année prochaine, prévu à Durban. En effet, il faut auparavant régler un certain nombre de difficultés liées au protocole de Kyoto de 1997.
Que faire de l'immense surplus de droits à polluer, ou « air chaud », né de l'effondrement industriel du bloc de l'Est ? Les objectifs assignés à l'Union soviétique étaient en rapport avec sa puissance économique. Cette masse équivaut à 70 % des objectifs mondiaux de réduction. Elle découragerait tout effort si elle venait à être vendue.
Comment comptabiliser les émissions et les puits carbone d'origine forestière ? La France souhaite que la mesure soit aussi rigoureuse que pour l'industrie et que 1990 demeure l'année de référence. Elle s'oppose aux grands pays forestiers d'Europe, qui exploitent largement le bois, et qui auraient tout à perdre de cette évolution. En dépit de cette légère tension, on devrait raisonnablement parvenir à un accord.
Enfin, comment améliorer l'efficacité du mécanisme de développement propre (MDP) ? Cet instrument permet à un pays industrialisé de recevoir des crédits d'émission s'il investit dans un territoire en développement afin d'y éviter des émissions de gaz à effet de serre. Mais les procédures sont longues car chaque projet fait l'objet d'une validation. Peut-être faudrait-il appliquer le MDP à des secteurs d'activités entiers – le transport urbain en Chine par exemple – afin de renforcer son impact.
Il faudra aussi préciser un certain nombre de points de l'accord de Copenhague. Comment organiser les visites et présenter les rapports d'experts afin que les MRV ne soient pas considérées, surtout par la Chine, comme une atteinte à la souveraineté nationale ?
Où trouver les cent milliards de dollars annuels destinés aux pays en développement ? La France a défendu le principe d'une taxe sur les transactions financières. On pourrait instaurer également une contribution sur le carburant des navires et des avions. La difficulté est de nature politique car il s'agit de créer des impôts mondiaux. En outre, le transfert ne répondra pas seulement aux besoins des pays pauvres liés au changement climatique, mais aussi à des politiques de développement. Des arbitrages rendus au plus haut niveau procèderont à la répartition de la manne.
Le Mexique promeut l'idée d'un « fonds vert ». La France, ainsi que les États-Unis, le conçoivent comme un complément aux tours de table ou un moyen de bonifier les prêts. Les flux financiers, bilatéraux ou multilatéraux, sont déjà assez nombreux. Faudrait-il le placer sous l'égide de la conférence des parties ? Certains pays n'hésitent pas à réclamer un comité central pour gérer les crédits, ce qui est totalement utopique.
Comment présenter et organiser le suivi des financements précoces ? En gage de bonne volonté, certains mobilisent des ressources nouvelles entre 2010 et 2012 au profit des pays pauvres. La France a annoncé vouloir contribuer à hauteur de 420 millions d'euros par an. Mais la mise en oeuvre et la distribution de ces financements diffèrent d'un État à l'autre. Il est pourtant essentiel de savoir à quoi seront affectés les fonds.
Il faut aussi en finir avec le double langage et l'ambiguïté. Le scénario retenu pour la négociation prévoit une hausse de la température globale limitée à 2 °C à la fin du siècle, ce qui suppose une concentration atmosphérique de GES inférieure à 450 parties par million (ppm). Mais pendant que nous négocions, les émissions continuent et nous atteignons déjà 379 ppm. L'opinion publique peut légitimement se demander à quoi servent les négociations, et ce que valent les promesses. Nous sommes sur une pente dangereuse qui pourrait se traduire par 5 °C supplémentaires en 2100. La Chine, qui a déclaré réduire son intensité énergétique par unité de PIB plutôt qu'en pourcentage, verra ses émissions augmenter de 60 % d'ici à 2020. Une banque multilatérale, qui prétend lutter contre l'effet de serre, accorde des prêts pour la construction de centrales à charbon !
Parviendra-t-on à un accord à Cancún ? Un groupe de travail, dit du Dialogue de Carthagène, rassemble une quarantaine de pays – européens, Australie et certains pays en développement – soucieux de faciliter les négociations.
Qui est susceptible de compliquer les discussions ? Il y a l'ALBA : Hugo Chávez et Evo Morales n'ont pas été invités à la table des chefs d'État à Copenhague, il faudra compter avec leur vif mécontentement. L'Arabie saoudite et d'autres producteurs de pétrole pensent, à tort, qu'un accord porterait atteinte à leurs exportations. Riyad exige une aide pour convertir ses puits épuisés en lieux de stockage de carbone.
Enfin, les deux plus grands pays émetteurs, les États-Unis et la Chine, pourraient se satisfaire d'un statu quo. Toutefois, Pékin exprime sa volonté de devenir une locomotive de l'économie verte. Si ses innombrables centrales à charbon en font le premier pollueur du monde, la Chine lance de gigantesques programmes de production d'énergie décarbonée. Les éoliennes s'érigent en si grand nombre que le temps manque pour les raccorder au réseau. Une quarantaine de centrales nucléaires sont en construction ou en projet. La production photovoltaïque domine le marché international. La Chine envisage de créer un marché interne de quotas d'émissions de CO2, ce qui pourrait d'ailleurs la conduire à un accord avec l'Europe. Cela ne signifie pas que le gouvernement chinois est prêt à admettre des mesures contraignantes ; il estime, comme l'Inde, agir mieux de son propre chef.
La situation est plus préoccupante du côté américain, où les croyances religieuses l'emportent quelquefois sur les constats scientifiques. Beaucoup, y compris parmi les élus, rejettent l'idée du changement climatique parce que la Bible n'en fait pas mention après l'épisode du Déluge. L'administration Obama croit à la nécessité de réduire les émissions, mais l'opposition républicaine l'empêche d'avancer. La découverte de gisements de gaz laisse toutefois espérer un remplacement progressif des usines à charbon par des centrales à gaz.
Les négociations climatiques mettent en lumière une nouvelle donne géopolitique. Les îles, premières victimes du réchauffement et de la montée des eaux, ont de vives discussions avec les pays émetteurs. Le continent africain joue un rôle grandissant et parle désormais d'une seule voix. Le G77 a disparu avec la création, à la suite de Copenhague, du BASIC rassemblant le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Inde et la Chine. La question du développement se pose avec acuité et la critique sous-jacente demeure : les pays industrialisés ont une responsabilité historique dans le changement climatique ; ils ne doivent pas entraver aujourd'hui le développement des pays du Sud en les empêchant de polluer, mais au contraire réduire leurs propres émissions en deçà du seuil fatal à la planète.
Il semble donc qu'au lieu d'un traité contraignant, opposable à tous les pays, tel que l'aurait souhaité l'Union européenne, nous nous acheminions vers un système pragmatique où chacun s'engage à hauteur de ses capacités. Les efforts consisteront à formaliser ces engagements, pour aller au-delà à l'avenir. Les obstacles technologiques sont nombreux, mais nous continuons à rechercher la voie d'un développement propre.
Permettez-moi de vous remercier pour cette présentation qui va à l'essentiel. J'ai l'impression que les ambiguïtés déjà présentes à Rio, il y a vingt ans, persistent. Elles tiennent, je crois, à deux problèmes.
Le premier a trait à la méthode et à l'organisation des discussions. Il est pour le moins étonnant que ces rendez-vous réguliers soient complètement déconnectés de la diplomatie classique. La question du développement durable, pourtant essentielle et transversale, n'est pas considérée comme un paramètre majeur de la politique étrangère. Je souhaiterais d'ailleurs savoir quel ministère la France a chargé des négociations de Cancún.
Le second s'attache à la valeur accordée au droit international issu de ces sommets. L'ambiguïté est souvent de mise. Les textes de valeur déclarative peuvent contenir des dispositions contraignantes, tandis qu'un traité, qui est une norme juridique incontestable, renvoie aux nations en prévoyant que les États s'engagent à une réduction ou qu'ils fixent eux-mêmes leurs objectifs.
Ce sens de l'équivoque s'explique par une ligne de fracture internationale qui tend à se creuser. D'un côté, quelques pays intègrent le souci du changement climatique dans leurs politiques, y compris au détriment de leur souveraineté nationale. De l'autre, certains jugent que cette problématique doit trouver sa réponse dans le cadre national et refusent toute contrainte extérieure. L'Inde et la Chine se sont rangées derrière cette bannière à Copenhague, Delhi freinant toute perspective de règlement contraignant. La position des États-Unis était, à mon sens, plus pondérée.
Je crains que cette division ne s'accentue encore à Cancún, rendant impossible tout accord. Les intérêts sont si divergents que les conflits futurs semblent en germe dans les discussions. L'Union européenne se montrera-t-elle plus forte et plus soudée qu'à Copenhague ? La France, au-delà de ces grands rendez-vous politico-médiatiques, est-elle prête à intégrer dans sa politique étrangère ce facteur déterminant que constitue le climat ?
Christiana Figueres, nouvelle secrétaire exécutive de la convention-cadre des Nations unies sur le changements climatiques, a déclaré avec prudence qu'elle chercherait à Cancún un socle commun pour les négociations futures.
Restaurer la confiance, l'objectif est modeste. Il n'en est pas moins essentiel : à Copenhague, elle a fait défaut parce que nous n'avons pas honoré nos promesses de financement. A Cancún, il faudra être clair. Quand la Commissaire européenne chargée de l'action en faveur du climat, Mme Connie Hedegaard, indique que ces crédits proviendront en grande partie de fonds recyclés, nous n'allons pas dans le bon sens.
Les Européens se sont illustrés en 2009 par la cacophonie qui régnait dans leurs rangs. Certes, la France avait eu raison de se joindre au Brésil et d'entamer une tournée mondiale pour rallier des soutiens, notamment en Afrique, mais elle a donné l'impression d'oeuvrer en marge de l'Union. Que fera-t-elle à Cancún ? Négociera-t-elle seule ou au profit de l'Union européenne ?
Quel sera alors exactement votre rôle, monsieur l'ambassadeur ? Il se murmure que vous obtiendriez prochainement une promotion. Ne craignez-vous pas que l'annonce de cette nomination n'ôte à vos propos de leur force et de leur crédibilité dans la négociation ?
L'Union européenne parlera-t-elle d'une seule et même voix ? Sera-ce celle de la commissaire au changement climatique, de la présidence belge ou de la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères, totalement absente des débats ?
En amont du sommet de Copenhague, j'avais demandé à Jean-Louis Borloo, sans succès, le texte négocié par la Commission. Serait-il possible de l'obtenir cette fois, afin que nous ayons connaissance de tous les éléments de discussion ?
Se contentera-t-on de déclarer que l'adaptation au changement climatique est devenue aussi importante que son atténuation, compte tenu de l'inefficacité des mesures passées, ou peut-on espérer des décisions concrètes ? De la même façon, la discussion sur les transferts technologiques se réduira-t-elle à la création de centres régionaux de technologie pour réfléchir aux modalités d'action ?
S'agissant de la forêt, jusqu'où pourra-t-on aller ? Le concept de forêt naturelle sera-t-il à nouveau discuté ou conservera-t-on la définition établie par les accords de Marrakech, qui assimile les plantations aux forêts ? Dans ce dernier cas, le risque serait grand de financer des monocultures – de palmiers à huile par exemple – responsables en partie de la déforestation. La comptabilité carbone se fera-t-elle par nation, pour responsabiliser les États, ou sera-t-elle globale, comme dans le bassin du Congo ? Quelle sera l'année de référence ? Va-t-on pénaliser les pays qui ont préservé leurs forêts, et favoriser ceux qui ont replanté après avoir déboisé ? Quel est le calendrier envisagé ? On dit que la négociation sur le sujet est proche d'aboutir ; je n'en suis pas si sûr.
En matière de fonds vert, l'Europe doit donner l'exemple. La Commission européenne est désormais favorable à l'instauration d'une taxe mondiale de 0,01 % sur les mouvements financiers, qui permettrait de lever 20 milliards par an, et de gagner le double combat du développement et du climat. L'Union européenne pourrait au moins instituer une taxe sur les transactions de change, initiative qui serait bienvenue dans le contexte actuel de guerre des monnaies. Le Président Sarkozy a déclaré, le 16 novembre, que la France devait « montrer l'exemple sur la taxation des transactions financières pour financer le développement de l'Afrique ». Je n'ai rien lu qui indique une telle orientation dans le projet de loi de finances. Auriez-vous des informations sur les suites de cette promesse ? Vous avez évoqué la forme juridique et la gouvernance du fonds. Quel sera le poids des pays en développement dans sa gestion ?
Que les sanctions prévues à Kyoto ne soient pas effectives importe peu, du moment que ce symbole perdure et que des signataires, comme l'Union européenne, poursuivent cette voie avec le paquet climat. Il faudrait au moins avancer sur les MRV. L'ONU a élaboré un corpus précis de normes qui pourrait être proposé aux pays volontaires pour effectuer leurs propres analyses.
D'aucuns considèrent les engagements volontaires pris après Copenhague comme une avancée. Ils sont, hélas, en recul par rapport aux objectifs du protocole de Kyoto – une hausse maximale de la température moyenne de 2 degrés Celsius – puisque l'addition des efforts n'empêcherait pas une augmentation minimale de 3,5 degrés Celsius !
Nous sommes heureux de vous entendre à quelques jours du sommet de Cancún. Copenhague nous a laissé un goût amer. Comme tous ceux qui y ont participé, j'en suis sorti déçu et frustré, avec le sentiment d'un incroyable décalage entre les convictions affirmées et le contenu de l'accord présenté. Malgré deux ans de négociations préalables et les intenses efforts diplomatiques de la France et de l'Union, il n'est apparu aucun engagement chiffré contraignant. On a dû se contenter d'un accord politique de principe – et encore ! Retenons tout de même que l'on a réuni 192 pays et 119 chefs d'État et de gouvernement, ce qui en a fait le plus grand rassemblement de l'histoire des Nations unies, et que des décisions d'importance y ont été annoncées, relatives au fonds de solidarité et à la lutte contre la déforestation.
Pour le reste, ni la rencontre intermédiaire du printemps à Bonn, ni celle organisée en Chine le mois dernier, n'ont permis de progresser. Seule la récente conférence de Nagoya sur la biodiversité a permis de redonner espoir. La ministre mexicaine des affaires étrangères, Patricia Espinosa, reste très pessimiste. Elle a récemment déclaré que les conditions de l'adoption d'un nouveau protocole à Cancún n'étaient pas réunies. Le Secrétaire général des Nations unies lui-même s'avoue prudent. C'est inquiétant quand on se donne pour objectif de restaurer la confiance et d'insuffler une nouvelle dynamique aux négociations.
Le contexte mondial aussi a beaucoup changé depuis un an. L'attention s'est focalisée sur l'économie et, aux États-Unis, la nouvelle majorité républicaine est plutôt sensible aux arguments climato-sceptiques.
Pouvez-vous faire le point sur l'état d'avancement des quelques progrès obtenus à Copenhague ? Où en est le fonds de solidarité pour les pays les plus vulnérables, qui devait être doté de dix milliards de dollars en 2012 puis de cent milliards par an en 2020 ? Où en est la mise en oeuvre du mécanisme de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REED) ? Vous craignez que l'opinion publique ne finisse par se demander à quoi tout cela sert. Permettez-moi de dire que les parlementaires aussi, si on ne parvient pas à mettre en application le peu obtenu à Copenhague !
Sachant le fond indissociable de la forme, des améliorations ont-elles été apportées dans l'organisation de Cancún ? La cacophonie de 2009 n'a pas facilité l'obtention d'un accord. Il est vraiment dommage que l'Union européenne n'y ait que rarement parlé d'une seule voix. Les pays membres se sont-ils cette fois mieux concertés ?
Comment, selon vous, éviter que le multilatéralismene soit court-circuité par des négociations parallèles, plus restreintes, comme à Copenhague avec les États-Unis et la Chine ? Les déclarations unanimes des membres du G 20 en faveur de la lutte contre le changement climatique lors du récent sommet de Séoul peuvent-elles changer la donne, et la nouvelle présidence française donner une nouvelle impulsion ?
Je ne me livrerai pas à une analyse géopolitique. Je dirai simplement que je suis plus pessimiste que vous, monsieur Lalonde, et que mes collègues qui se sont exprimés, alors même qu'aucun d'entre vous ne s'est montré vraiment optimiste.
Le changement climatique est incontestablement un thème dont la mode est passée. La raison n'en est pas seulement l'année de la biodiversité ou le net regain du climato-scepticisme outre-Atlantique. Des forces politiques et économiques sont à l'oeuvre. De grands groupes, comme Exxon, ont versé des sommes considérables à des scientifiques – ou prétendus tel – pour qu'ils expliquent que le changement climatique n'était pas si grave, pour qu'ils mettent même en doute son origine anthropique. Là où elle existe, en Europe et aux Amériques, l'opinion publique peut être manipulée. Elle l'a été. Que pensez-vous du contre-feu allumé par des industriels qui n'ont aucun intérêt à un accord international juridiquement contraignant sur le climat ?
Le cadre onusien, non sans opacité et d'un juridisme extrême, vous semble-t-il toujours approprié quand certains pays, comme la Chine et les États-Unis, sont tentés de négocier de façon bilatérale ? Il faut agir sans attendre indéfiniment leur accord, d'autant qu'aux États-Unis, après l'échec du projet de loi Kerry-Boxer, le revers subi par le président Obama aux élections de mi-mandat ne peut que retarder les progrès. Pionnière, l'Europe doit faire preuve d'audace et s'imposer comme locomotive dans la lutte contre le changement climatique en prenant des engagements concrets de réduction de ses émissions de GES.
Que faire pour mettre fin aux échappatoires constatées dans la comptabilisation de la contribution des forêts à la réduction des émissions de CO2 ? La négociation est assez avancée pour le programme REED, mais les choses sont moins claires avec l'UCF, le mécanisme carbone polyvalent, dans lequel il est difficile de connaître l'affectation des terres.
L'écart grandit entre les prévisions du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et les engagements des États. La convention-cadre de Rio était satisfaisante par rapport aux prévisions du GIEC à l'époque, mais les experts alertent aujourd'hui sur le caractère non linéaire des évolutions, qui interdit une extrapolation proportionnelle. Ils appellent à réduire les émissions de 40% à l'horizon de 2020, alors que les pays de l'annexe 1 ne sont engagés qu'à hauteur de 20%. La France et l'Union européenne sont-elles prêtes à affirmer un objectif de 30% pour 2020, comme l'a fait la Norvège ? La possibilité avait été envisagée à Copenhague sans recevoir de suite.
La France a une position forte dans les négociations internationales sur le climat, d'une part parce que son Gouvernement est très engagé sur le sujet, d'autre part parce qu'elle possède un réseau diplomatique fort et influent. Elle peut également s'appuyer sur des organismes reconnus, appréciés et très actifs, comme l'Institut de recherche pour le développement ou l'Agence française de développement.
Pour ce qui est des attributions ministérielles, c'est Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre chargée de l'écologie et du développement durable, qui a la responsabilité des négociations sur le climat et c'est à elle que je me réfère.
La France a fait des propositions innovantes, lançant notamment avec la Norvège un partenariat mondial pour la forêt, dans le cadre du processus Paris-Oslo, qui permet d'éviter la déforestation. C'est elle encore qui, lors de la conférence de Bali, a introduit la notion de déforestation évitée, afin d'empêcher la récompense des pays les moins vertueux par le critère de la réduction de la déforestation : les pays ayant déjà sacrifié leur forêt pouvaient bien sûr plus facilement limiter le déboisement supplémentaire. La France travaille également avec le Kenya à un projet, qu'elle essaie de faire partager, de contribution volontaire des entreprises d'électricité au financement de l'électrification des zones rurales en Afrique.
Une question suscite toujours le débat au sein de l'Union européenne. Faut-il attendre que tous acceptent des obligations gravées dans le marbre d'un texte international ou, par pragmatisme, ne peut-on se satisfaire d'engagements au niveau domestique ? La France fait confiance aux nations ; il n'est pas indispensable que tout figure dans un accord international, sauf à attendre encore des décennies. Les pays les plus rétifs de l'Union sont les nouveaux membres d'Europe centrale et orientale, parmi lesquels la Hongrie et la Pologne, qui assureront la présidence tournante en 2011.
Une autre difficulté est apparue dans la représentation de l'Union dans les négociations. Il est arrivé qu'on se demande qui devait parler au nom de l'Europe. Mais là n'est pas le plus important. Le véritable problème est que l'Union européenne a du mal à exister politiquement sur la scène internationale. Si elle instaurait un mécanisme d'ajustement aux frontières sur ses importations, nul doute que son poids serait mieux reconnu. Les diplomates européens, très au fait des sujets pour avoir consacré beaucoup de temps à des négociations internes aux Vingt-Sept, arrivent exténués dans les sommets internationaux.
Il existe effectivement des groupes de pression hostiles à tout accord, contre lesquels il faut livrer bataille. Beaucoup d'associations, aux États-Unis notamment, qui considéraient qu'on pouvait coopérer avec les entreprises, commencent à revoir leur position. Si certaines sociétés, celles qui pensent tirer profit de l'économie verte surtout, sont favorables à la lutte contre le changement climatique, d'autres sont résolument opposées à toute action. Les choses évoluent cependant : en Californie, grâce à l'action sans relâche des gouverneurs successifs, on consomme déjà en moyenne 40% de moins d'énergie par tête que dans les autres États américains. Les électeurs californiens ont repoussé la proposition référendaire qui leur était soumise de quitter le Western Climate Initiative, futur marché du carbone.
S'agissant de ma modeste personne, si j'ai été désigné auprès des Nations-Unies pour organiser le prochain Sommet de la Terre à Rio en 2012, cela n'a rien à voir avec le remaniement ministériel. La décision a été prise depuis longtemps. Au-delà de la question du climat, seront également abordées à cette occasion les relations Nord-Sud ou la gouvernance mondiale en matière d'environnement.
Les crédits promis à Copenhague sont bien additionnels. Je reconnais qu'il peut y avoir des difficultés de traçabilité. D'une part, le label « financement d'actions précoces » a été donné à des crédits dont le principe avait déjà été décidé. En outre, lorsque ces crédits vont au Fonds mondial pour l'environnement, on ne sait pas exactement à quels projets précis celui-ci les affectera. Mais soyez assurés qu'ils sont bien engagés.
J'ignore quelle suite donnera l'Union aux propositions de financements innovants. Elle doit de donner l'exemple. Même si les États-Unis et la Chine ne la respectent pas en tant que puissance politique, chacun se tourne vers elle lorsqu'il s'agit d'avancer sur le climat. Le projet de réduire les émissions de plus de 20% n'est pas encore partagé. En revanche, l'idée d'une deuxième période d'engagement, au-delà de 2012, au titre du protocole de Kyoto, fait son chemin. Gagne-t-on davantage, dans la compétition mondiale, à s'engager plus que les autres dans l'économie verte et les énergies alternatives ? La question est à la fois politique et économique.
Je suis surprise qu'on ne parle pas du lien avéré entre changement climatique et catastrophes naturelles.
Chacun se donnera bonne conscience en allant à Cancún, comme auparavant à Copenhague, mais quand essaiera-t-on d'aboutir à des résultats concrets ? Il est dommage que la France, l'Union européenne et le Conseil de l'Europe travaillent isolément. Ce dernier mène de son côté une action importante sur le changement climatique. Il aura un représentant à Cancún qui tentera de faire entendre la voix de l'organisation.
Je m'étonne également qu'on ne parle pas des flux migratoires que va provoquer le réchauffement. On se concentre sur les aspects scientifiques en oubliant que ces évolutions affecteront des hommes. Qui traitera ces aspects ?
L'accord de Copenhague prévoit un transfert de 30 milliards de dollars sur la période 2010-2012 des pays industrialisés vers les pays en développement pour leurs actions d'atténuation, d'adaptation et de lutte contre la déforestation. L'Europe devait contribuer pour 2,4 milliards d'euros, la France 420 millions d'euros. Vous nous assurez que ces crédits seront additionnels. Or, d'après les réponses de Jean-Louis Borloo et Bernard Kouchner, tel ne me semble pas être le cas.
Á Bonn au printemps, la France a présenté plusieurs projets emblématiques de son action. Pourriez-vous nous décrire quelques-uns de ces projets, autres que la construction d'un golf au Maroc classée, à ma surprise, parmi les aides à la lutte contre le changement climatique ?
Le développement économique, notamment par l'utilisation d'énergies fossiles, a une forte incidence sur le changement climatique. Les activités agricoles ne sont pas neutres non plus. La biomasse est composée pour l'essentiel de matières d'origine agricole. La déforestation est largement motivée, au Brésil par la culture de la canne à sucre, et en Asie par la production d'huile de palme. Quels liens entretenez-vous avec les représentants des organisations agricoles ? Que pensez-vous des dossiers agricoles pendants devant l'OMC, et de la PAC qui doit être révisée en 2013 ?
Est-il envisagé d'aboutir à Cancún à une convention relative aux transferts technologiques ? Quelles en seraient les grandes lignes et quels pays seraient susceptibles de la signer ? C'est un domaine où des contraintes fortes pourraient être imposées.
Les dotations vouées aux transferts du Nord vers le Sud sont bien constituées de crédits additionnels. Je n'ai pas entendu parler de projet de golf au Maroc, mais je puis vous dire que, dans le cadre des actions précoces, l'AFD va accorder au Mexique et à l'Indonésie des avances importantes dont l'utilisation sera contrôlée a posteriori. Autre exemple qui me tient à coeur : nous construisons une station de réception d'images satellite à Libreville, à la disposition de tous les pays du bassin du Congo, pour lutter contre la déforestation. Ce sont bien des financements nouveaux, je ne peux simplement pas dire à quels projets précis ils seront affectés.
Les catastrophes naturelles sont traitées dans le cadre de l'adaptation au changement climatique. Les actions sont triples : intégrer cette dimension dans les politiques de développement ; établir des indicateurs de vulnérabilité et concentrer l'aide sur les pays les plus exposés ; enfin, et nous espérons aboutir à Cancún sur ce point, mettre au point un mécanisme de solidarité, peut-être assurantiel, afin de réparer le plus vite possible les dégâts.
Pourquoi n'y a-t-il pas une cohérence au niveau mondial dans la lutte contre le changement climatique ? On m'a dit un jour que c'était la conséquence même de la complexité de notre monde. Ce foisonnement d'initiatives, cette effervescence, source parfois de doublons et d'incohérences, c'est la vie même.
L'agriculture constitue désormais un nouveau pan des négociations. Il est difficile d'évaluer les émissions et les captures respectives du secteur. Un programme de recherche a été lancé avec plusieurs pays, dont la Nouvelle-Zélande, dont les principales émissions sont d'origine agricole.
S'agissant des transferts de technologie, il semble qu'on puisse parvenir à un accord de coopération technique créant un groupe d'experts et un réseau de centres techniques. Sa conclusion sera toutefois subordonnée à la mise à l'écart des questions de propriété intellectuelle, loin de faire l'unanimité.
Il est indispensable que les États-Unis participent activement au processus de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Quelles perspectives, après les élections de mi-mandat, pour le projet de loi Waxman-Markey qui risque d'être bloqué au Sénat ?
Le dispositif d'échanges de quotas d'émissions imaginé à Kyoto n'a-t-il pas atteint ses limites ? La Russie dispose d'un excédent de 400 milliards de quotas tandis que la France aurait épuisé les siens, conséquence d'une sous-estimation initiale. Ne serait-il pas, certes moins ambitieux mais plus réaliste, d'essayer d'instituer une taxe carbone mondiale, comme le souhaite la France et comme y travaille l'Union européenne ? Est-ce totalement utopique ?
Je pense aussi que le système des quotas a atteint ses limites. La taxe carbone a été retoquée en France par le Conseil constitutionnel au nom de l'égalité devant l'impôt. En effet, ce principe aurait voulu que notre industrie y soit assujettie comme les particuliers, alors qu'elle est soumise au dispositif des quotas et qu'elle subit la rude concurrence de pays auxquels ne s'imposent pas les mêmes obligations. Où en sont les discussions au niveau européen sur la mise en place d'un mécanisme d'ajustement aux frontières, auquel l'OMC semblerait plus ouverte ?
On peut légitimement s'inquiéter de l'issue du sommet de Cancún devant le refus de certains pays de voir la communauté internationale s'immiscer dans leurs affaires internes, la méfiance manifestée quant à l'utilisation des crédits d'émission, et le regain du climato-scepticisme aux États-Unis. Cette idéologie s'étend-elle dans le monde et peut-elle avoir une incidence sur le résultat des négociations ?
Le sommet de Copenhague a été marqué par la cacophonie. L'Union européenne y est apparue divisée, les petits États vulnérables ne sont pas parvenus à se fédérer. Le point d'orgue de la désorganisation a été cette dernière réunion proprement surréaliste, dans une salle exiguë et manquant d'interprètes, entre les principaux chefs d'État. Tout cela ne fait que souligner l'urgente nécessité d'une nouvelle gouvernance mondiale, pour répondre au défi climatique mais aussi aux crises économiques et sanitaires. Par le traité de Lisbonne, l'Union européenne apparaît désormais soudée. Les grands États du monde semblent mieux s'organiser dans le cadre du G 20. Pensez-vous que ces deux structures puissent générer un effet d'entraînement L'urgence n'est-elle pas qu'une Europe politique parle d'une seule voix et négocie directement avec les États-Unis, l'Inde et la Chine ?
L'Union européenne se serait engagée à abonder le fonds d'actions précoces à hauteur de 7,2 milliards d'euros sur la période 2010-2012. Est-ce crédible ? La France a dit qu'elle apporterait 420 millions d'euros. Mais le réseau Action Climat se plaint d'un manque de transparence. Je m'interroge sur la réalité de ces engagements.
Enfin, que pensez-vous du rôle des médias ? Si la France et l'Union ont tant fait l'an passé avant Copenhague, c'est aussi que les médias y accordaient une grande importance. Ils paraissent beaucoup plus indifférents au sommet de Cancún. Ne faudrait-il pas les sensibiliser de nouveau ? Une rencontre comme la nôtre mériterait plus d'écho.
On propose aux différents pays d'appliquer les protocoles de comptage des Nations unies pour mesurer leurs émissions de gaz à effet de serre. Quelle est la position de la Chine sur la mise en place d'un système de comptabilité interne ? Quelles informations fournit-elle et accepte-elle de voir vérifiées ?
De plus, nous raisonnons par pays. Il faut l'avouer, cela nous arrange. Si on raisonne par habitant, la Chine et l'Inde sont de très bons élèves…
Lors des travaux préparatoires du Grenelle de l'environnement, je demandais quel bénéfice réel on pouvait escompter d'une diminution de 20% des émissions de gaz à effet de serre, à horizon de vingt ou trente ans, si la population mondiale doublait dans le même temps. L'un des principaux problèmes n'est-il pas celui de la surpopulation ? La Chine et l'Inde ont chacune fait beaucoup d'efforts pour limiter l'expansion de leur population. Ces deux pays, confrontés à une pyramide des âges bien particulière, aspirent aujourd'hui à élever le niveau de vie de leurs habitants.
Cette dernière question dépasse largement le champ climatique. Elle sera abordée au prochain sommet de la Terre de 2012. L'urgence des problèmes liés au climat, et l'importance accordée par les médias, ont eu tendance à faire passer à l'arrière-plan d'autres défis cruciaux pour notre écosystème, comme celui de l'accès à l'eau. Il est vrai que la surpopulation n'a pas été abordée. On espère que l'amélioration du niveau de vie et de la condition des femmes permettra d'infléchir la tendance. La seule question est de savoir s'il serait possible d'aller plus vite, et comment.
Les négociations ne se limitent pas au cadre de la CCNUCC. L'impulsion n'est pas donnée dans les instances onusiennes, mais par les initiatives et les partenariats locaux. Les Nations unies devraient d'ailleurs faire preuve de modestie : elles ne sont que le lieu où se légitime tout ce qui est entrepris ici et là.
Que va-t-il se passer aux États-Unis après le revers subi par les démocrates ? L'administration Obama va recourir au vecteur réglementaire, qui n'aura pas la même portée qu'une loi. La question climatique se trouve malheureusement l'otage de l'affrontement entre républicains et démocrates. Alors que tous s'accordent en Europe à reconnaître l'importance du problème, les désaccords éventuels ne portant que sur leur traitement, le constat lui-même ne fait pas l'unanimité outre-Atlantique. Heureusement, beaucoup d'États y prennent les choses en mains ;.certaines villes sont parvenues à réduire leurs émissions au niveau de 1990 ; les initiatives de la société civile, des autorités locales et même d'entreprises y foisonnent.
Taxe carbone ou marché du carbone, l'alternative n'est pas nouvelle. Les deux peuvent avantageusement coexister. La taxe présente l'avantage de donner un prix à l'émission de carbone, voire de pénaliser son rejet dans l'atmosphère ; elle ne permet pas en revanche de connaître le résultat. Le système des quotas fixe, lui, un plafond d'émissions. On débat en Europe de l'institution d'une taxe carbone. Le projet au niveau mondial n'est pas plus réaliste – ou plus irréaliste – que celui de relier l'ensemble des marchés du carbone en une place internationale unique. La Chine elle-même réfléchit à la mise en place d'une taxe carbone intérieure, peut-être d'ailleurs pour éviter que des pays tiers, notamment l'Union européenne, ne mettent en place un mécanisme d'ajustement aux frontières.
L'état d'esprit général est crucial. Il n'est pas facile de faire s'accorder 190 pays, et avec eux, le paysan andin, le pêcheur mauritanien, le commerçant chinois. Rien ne sera possible sans une volonté des peuples. Un sondage a montré que le changement climatique est une préoccupation pour la jeunesse française, beaucoup moins pour la jeunesse américaine. Un effort de communication est nécessaire, de même qu'une diffusion des données scientifiques, afin d'inciter chacun à participer par des gestes quotidiens. Les collectivités locales aussi jouent un rôle très important. L'un des objectifs de Cancún est précisément de mieux associer tous les partenaires à la discussion.
S'agissant des MRV, l'expérience nous a appris que le mécanisme fonctionne. La Chine serait la moins encline à s'engager, mais le Brésil et l'Inde ont formulé des propositions auxquelles elle devrait se rallier : elle ne peut pas s'isoler. Elle demande d'ailleurs de l'aide sur ce point, ne sachant pas ce qui se passe dans ses provinces les plus reculées où les pouvoirs locaux ne rapportent pas au pouvoir central. L'ambassadeur de Chine en France résume bien la situation dans son pays où s'opposent d'un côté des conservateurs nationalistes, de l'autre des modernistes plus ouverts. Ceux-ci, disposés à s'engager dans la lutte contre le changement climatique, expliquent qu'il est contre-productif de se montrer trop pointilleux avec la Chine, les conservateurs excipant alors des obligations imposées pour tout bloquer. Mieux vaut jouer la carte de l'incitation que celle de la contrainte. En visite à Shanghaï, j'ai pu constater l'enthousiasme des modernistes. La grande qualité des ingénieurs urbanistes et leur véritable passion pour les bâtiments verts m'ont impressionné.
De l'assistance particulièrement nombreuse comme de la qualité des questions qui vous ont été posées, vous aurez compris, monsieur l'ambassadeur, combien le changement climatique passionne les membres de notre commission. Je vous remercie du soin que vous avez apporté à vos réponses.
Madame la Présidente, vous avez indiqué que la proposition de résolution visant la création d'une commission d'enquête sur l'industrie ferroviaire venait d'être renvoyée à la commission des affaires économiques. Au nom du groupe SRC, je souhaiterais vous faire part de notre demande pour que la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire dispose d'un co-rapporteur.
Effectivement, la commission du développement durable devait procéder aujourd'hui à la nomination d'un rapporteur sur la proposition de résolution de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française (n°2978). Cette proposition de résolution, qui sera inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le mercredi 8 décembre, a été renvoyée dans un premier temps à notre commission, puis dans un second à la commission des affaires économiques. Mais il convient de distinguer entre la phase d'examen de cette proposition de résolution par une commission au fond – en application de l'article 140 du Règlement –, le débat en séance publique qui aboutira ou non à l'adoption de la proposition de résolution et la création elle-même de la commission d'enquête de trente membres. Si cette commission d'enquête est créée, il appartiendra alors à chaque groupe politique de nommer ses membres et de demander l'institution de deux co-rapporteurs dont l'un pourrait appartenir à notre commission.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 24 novembre 2010 à 9 h 30
Présents. - M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Yves Cochet, Mme Claude Darciaux, M. Stéphane Demilly, M. Raymond Durand, Mme Odette Duriez, M. Philippe Duron, M. Albert Facon, M. Yannick Favennec, M. Daniel Fidelin, M. André Flajolet, M. Jean-Claude Fruteau, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Jean-Pierre Giran, M. Joël Giraud, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. François Grosdidier, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Jacques Houssin, M. Armand Jung, Mme Fabienne Labrette-Ménager, Mme Conchita Lacuey, M. Pierre Lang, M. Jean Lassalle, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Nay, Mme Annick Lepetit, M. Bernard Lesterlin, M. Gérard Lorgeoux, M. Jean-Pierre Marcon, Mme Christine Marin, M. Philippe Martin, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Jean-Claude Thomas, M. Philippe Tourtelier, M. André Vézinhet
Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, M. Lucien Degauchy, M. Christian Jacob, M. Arnaud Montebourg, M. Christian Patria, Mme Sophie Primas
Assistait également à la réunion. - M. Francis Saint-Léger