La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Françoise Briand, députée de la septième circonscription de l'Essonne, et à M. Jean-Pierre Gorges, député de la première circonscription de l'Eure-et-Loir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, la crise financière brutale que nous traversons est partie du secteur immobilier, aux États-Unis, il y a deux ans. Beaucoup ont cru que l'Europe serait épargnée. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Plusieurs banques européennes sont en difficulté.
Hier, vous avez décidé, avec une grande rapidité et beaucoup d'efficacité, que l'État se porterait au secours de la banque Dexia, qui est, en France, la banque des collectivités locales. La Belgique et le Luxembourg ont participé à cette opération de recapitalisation.
Vous avez aussi indiqué que l'État, le Gouvernement, ne laisseront aucune banque française faire faillite.
Notre système bancaire, chers collègues, est l'un des plus solides au monde, grâce aux contrôles et aux règles de prudence et de bonne gestion qu'il applique. Mais, face à la violence de la crise, les Français sont inquiets pour leur épargne et pour leurs dépôts dans les banques.
Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a pris un engagement clair : les dépôts des Français seront protégés.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous faire part de votre analyse de la situation ? Pouvez-vous également nous confirmer la détermination de l'État à intervenir avec fermeté ? Enfin, pouvez-vous nous indiquer quelles propositions vous comptez faire à nos partenaires européens pour faire face à la crise de la façon la plus coordonnée et la plus efficace possible ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La crise financière que vous venez d'évoquer, monsieur le rapporteur général du budget, est née aux États-Unis, en août 2007.
Elle est née de la mise sur le marché de produits dont la sécurité n'était pas assurée. Elle est née, il faut bien le dire, du comportement irresponsable de certains acteurs financiers.
À cette crise financière s'est ajouté un choc pétrolier de la même puissance que celui de 1973. Les effets de cette crise et de ce choc pétrolier se sont fait sentir à partir du printemps dernier à la fois sur l'économie américaine, dont le ralentissement a été spectaculaire, et sur celle de l'ensemble des pays de la zone euro.
Mais c'est le 18 septembre que la crise a pris un tour nouveau, avec la faillite de la cinquième banque d'affaires américaine.
Avec cette faillite, c'est la confiance globale dans le système financier international qui, en un instant, a été réduite à néant.
Les gouvernements doivent évidemment, agir avec rapidité pour donner un coup d'arrêt à cette crise de confiance. C'est ce que fait le gouvernement américain avec le plan en cours de négociation au Congrès ; c'est le sens de l'initiative qu'a prise le Président de la République française en demandant la tenue, dans les meilleurs délais, d'un sommet du G8 élargi à l'ensemble des grandes puissances industrialisées, pour refonder les institutions financières de Bretton Woods.
C'est le sens de l'initiative de la présidence française de l'Union européenne, qui a demandé que les ministres des finances, la Commission, les régulateurs et les banques centrales fassent des propositions immédiates pour assurer la liquidité et la solvabilité des banques.
C'est le sens de l'initiative du Président de la République et du Gouvernement, que vous avez évoquée vous-même, monsieur le député, de garantir la sécurité de notre système bancaire. C'est ce que nous avons fait en intervenant pour sauver l'institution financière Dexia. Nous ne l'avons pas fait pour les actionnaires. Nous l'avons fait pour les épargnants…
…et pour les clients de cette banque – et, au premier rang d'entre eux, pour les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je veux le redire ici, après le Président de la République, de la façon la plus solennelle qui soit : nous ne permettrons pas que soit acculée à la faillite une institution bancaire française.
Et nous ne nous interdisons aucun moyen pour intervenir. L'adossement à d'autres établissements financiers, l'intervention, la prise de participation, de la Caisse des dépôts ou de l'État, l'intervention directe de l'État, rien n'est tabou. Et les spéculateurs doivent savoir que la France ne laissera pas une banque française aller vers la faillite. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Enfin, et c'est le sens du plan que nous sommes en train de préparer pour donner aux petites et moyennes entreprises une plus grande sécurité en matière de financement, nous avons demandé à la Banque européenne d'investissement d'intervenir massivement sur le financement des PME. Nous sommes en train de préparer de nouvelles règles d'intervention d'OSEO à l'égard des PME. Et comme je l'ai indiqué ce matin, nous envisageons, en lien avec la Caisse des dépôts, de regarder comment orienter une partie du surplus de collecte du Livret A,…
…qui est lié à la crise financière d'aujourd'hui, vers les petites et moyennes entreprises, en garantissant naturellement le financement du logement social – car je parle du surplus de collecte – et, bien entendu, en garantissant à 100 % les dépôts des déposants.
Telle est, mesdames et messieurs les députés, la politique que le Gouvernement a choisi de conduire face à cette crise. C'est une crise sans précédent ; elle exige du sang-froid, de la ténacité, mais il faut aussi de l'unité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Crise financière
La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, chacun ici mesure la gravité et l'ampleur de la crise financière que traverse le monde. Ce n'est pas un accident. C'est la crise d'un système, celui de la dérégulation voulue par des gouvernements libéraux, notamment aux États-Unis, mais pas seulement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cette crise ne date pas de la faillite, l'été dernier, d'un établissement financier : elle est née il y a un an de la crise des subprimes et, pendant un an, votre gouvernement a sous-estimé son impact sur l'économie réelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Combien de fois ne vous avons-nous entendus, monsieur le Premier ministre, madame la ministre de l'économie, nous dire qu'il n'y avait pas de danger, que cette crise ne toucherait pas la France, que le système financier européen, à la différence du système américain, était solide et qu'aucun établissement financier n'était menacé ? Or aujourd'hui, la situation commande de sécuriser le dépôt des épargnants ! Et, de ce point de vue, c'est moins la parole du Président de la République que la loi de 1999 qui en assure la garantie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À chaque fois qu'un établissement financier est menacé, il faudra, monsieur le Premier ministre – et nous vous soutiendrons pour cela –, une intervention de l'État, mais à la condition que l'État prenne, de façon à préserver les intérêts du contribuable, une contrepartie, c'est-à-dire un contrôle sur l'établissement financier concerné, ainsi sauvé.
Le problème majeur pour notre économie, déjà affectée par une faible croissance, par des déficits publics considérables ainsi que par un déficit du commerce extérieur record, est aujourd'hui l'accès des entreprises et des particuliers au crédit. La menace qui pèse sur notre économie, c'est que les établissements financiers et les banques resserrent la distribution des prêts, faute d'avoir une sécurité sur leurs propres engagements. D'où nos propositions. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La première proposition vise à faciliter l'accès des PME et des ménages au crédit, par la création d'un fonds de garantie des prêts permettant aux établissements financiers d'assurer leur rôle de distribution de liquidités à l'ensemble de l'économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La seconde, c'est de soutenir l'investissement, privé comme public. Je réitère, ici, la nécessité de moduler l'impôt sur les sociétés ; si le bénéfice est réinvesti, l'impôt doit, dans ces conditions, être abaissé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Hollande, veuillez conclure. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Quant à l'investissement public, si vous persistez dans le blocage des dotations de l'État aux collectivités locales au moment où celles-ci peuvent encore soutenir les efforts en faveur des équipements publics, alors vous mettrez gravement en cause la croissance.
Compte tenu de la gravité de la crise, je vous demande, monsieur le Premier ministre, un débat national, ici, au Parlement, afin que nous examinions ensemble les réponses à apporter à cette crise ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissement longuement ; plusieurs députés du groupe GDR applaudissent également.)
Oui, je crois, monsieur Hollande, qu'il est des moments dans la vie d'un pays où l'unité nationale est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) En disant cela, je ne vous demande pas d'approuver la politique économique et sociale du Gouvernement. (Rires et exclamations sur les bancs des groupe SRC et GDR.)
Vous n'avez pas été élus pour cela et, je vais vous faire une confidence, nous non plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe GDR.)
Il est nécessaire de faire bloc autour des mesures qui permettront à notre pays de traverser cette crise financière, dont vous avez eu l'honnêteté de rappeler qu'elle était née outre-Atlantique. Je relève d'ailleurs que telle est l'attitude adoptée par les forces politiques de la plupart des grands pays affectés par cette crise ! Aujourd'hui, républicains et démocrates négocient ensemble au Congrès des États-Unis, même si cela n'est pas facile. J'ai noté aussi que le chef du parti conservateur britannique vient d'apporter son soutien à la politique conduite par le Premier ministre du Royaume-Uni pour faire face à la crise.
Cette crise, mesdames, messieurs les députés, est mondiale. Et lorsque vous essayez de faire croire qu'elle est franco-française, …
…c'est évidemment oublier que l'ensemble des pays de la zone euro connaît un ralentissement équivalent de leur croissance ou que l'Espagne, dirigée par un gouvernement socialiste, vient de connaître une augmentation de 25 % de son chômage en douze mois.
Ce que nous vous demandons, monsieur Hollande, c'est de discuter ensemble de la refondation des institutions financières internationales.
Il me semble avoir lu que vous l'avez vous-mêmes demandé.
Je vous propose, monsieur Hollande, que nous discutions ensemble des conditions permettant la mise en oeuvre d'une régulation financière internationale plus stricte et plus efficace.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ici ! Au Parlement !
Je vous propose, monsieur Hollande, que nous discutions ensemble des conditions de l'intervention de l'État pour faire en sorte qu'aucune grande banque française ne soit acculée à la faillite. Enfin, monsieur Hollande, je vous propose que nous discutions ensemble des conditions d'un soutien financier aux petites et moyennes entreprises. Je tiens à vous dire également que le Premier ministre est à votre disposition pour discuter de ces sujets avec les représentants des groupes politiques de l'opposition.
Par ailleurs, le Gouvernement – et, au premier chef, Mme Lagarde – est en permanence à la disposition de l'Assemblée nationale pour débattre de ces sujets. Dès neuf heures, hier matin, j'ai appelé le président de la commission des finances de l'Assemblée ainsi que le président de la commission des finances du Sénat pour les informer en détail des décisions que nous avions prises dans la nuit pour sauver Dexia.
Telle est la proposition que nous vous faisons ; c'est à vous qu'il revient de prendre la responsabilité d'y donner suite.
Plusieurs choix s'offrent à vous. Vous pouvez, comme pour la réforme des institutions, dire non alors même que vous souhaitiez cette réforme et que vous êtes aujourd'hui les premiers à en réclamer l'application ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.– Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous pouvez agir, comme lors du débat sur l'Afghanistan en refusant de voter le soutien aux forces françaises que vous y aviez vous-mêmes envoyées en 2001 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
De telles attitudes seront peut-être payantes du côté de Reims, mais elles ne sont pas utiles à la France ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement.)
Crise financière
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Face à la crise grave qui nous frappe, le Président de la République et sa majorité tentent de nous expliquer que le système capitaliste n'y est pour rien, et votre politique non plus… Mais quand l'enrichissement de quelques-uns repose sur la détérioration des conditions d'existence du plus grand nombre – chômage, précarité, baisse du pouvoir d'achat, laminage de l'assurance-maladie et des retraites –, quand vous acceptez que des actions rapportent 10, 15, 20 % par an, alors que la croissance et les salaires n'augmentent que de 2 %, quand vous faites en sorte, par le bouclier fiscal et autres exonérations, que les 500 plus grandes fortunes de France se retrouvent à posséder aujourd'hui 14 % de la richesse nationale, contre 6 % seulement il y a dix ans, vous êtes coupables, comme tous les libéraux dans ce monde, d'avoir « soutenu », selon les termes de Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, « une doctrine politique au service d'intérêts privés » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR et du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ce système que vous avez porté aux nues, c'est celui de la libéralisation totale des marchés financiers, de l'inscription dans le traité européen de la liberté totale de circulation des capitaux, de la liberté totale des banques, de la liberté totale de déréglementer et d'anéantir les services publics. Cette liberté pour quelques-uns asservit tous les autres !
Il devient donc urgent de supprimer les paradis fiscaux et le bouclier fiscal, de taxer les transactions financières et les revenus financiers, d'augmenter les salaires, les retraites et les pensions pour relancer l'économie et l'emploi, de permettre un crédit à taux faible aux entreprises qui investissent et créent des emplois, en pénalisant ceux qui spéculent, de renoncer à privatiser la Poste, de constituer un pôle bancaire public.
C'est pourquoi nous vous demandons d'accepter la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la crise du capitalisme et d'organiser en urgence un débat à l'Assemblée nationale, comme nous l'avions réclamé dès le 17 septembre ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, permettez-moi d'abord de vous dire que cette crise d'une exceptionnelle gravité, comme l'a indiqué le Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC), n'est pas la crise du libéralisme ou du capitalisme (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) : elle résulte tout simplement d'une dérégulation du libéralisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
C'est précisément l'honneur et l'ambition du gouvernement, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, que de reconstruire les règles qui assurent le bon fonctionnement des marchés et permettent un libéralisme intelligent et favorable à l'entreprise et à l'emploi.
Vous avez énoncé toute une série d'éléments ; je voudrais simplement vous rappeler qu'en matière économique, il se produit parfois des choses quelque peu inattendues.
Ainsi, qui aurait imaginé qu'en l'espace de six semaines, le prix du baril de pétrole baisserait de 30 % ? Qui aurait imaginé, il y a seulement quelques mois, que l'inflation diminuerait et passerait probablement en dessous de 3 % à la fin de l'année ? Qui aurait imaginé, il y a seulement six mois, que la croissance serait ramenée à 1 % ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ni vous, ni moi, ni nous ! Tout simplement parce que la crise financière est venue bouleverser un certain nombre de prévisions et de mécanismes.
Notre détermination est de tout faire pour favoriser une meilleure réglementation, pour favoriser la transparence sur les marchés financiers, pour soutenir les PME et leur assurer l'accès au financement de leur développement, et pour que nos concitoyens ne souffrent pas trop de la crise internationale en ce qu'elle affecte l'économie française. Nous nous y emploierons, et nous nous y employons déjà tous les jours ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Crise financière
M. le Président de la République et vous-même, monsieur le Premier ministre, avez souligné à juste raison la gravité de la crise bancaire née aux États-Unis et avez défini des axes et des moyens pour y faire face.
L'opération dont la banque Dexia a fait l'objet a été le premier cas d'implication de l'argent public, celui des contribuables français, dans le redressement d'une banque.
Dans ce contexte, le groupe Nouveau Centre souhaite vous faire trois propositions.
En premier lieu, notre groupe, attaché aux droits du Parlement et à la nécessité de la cohésion nationale dans cette situation difficile, souhaite que le Parlement soit associé étroitement à la définition de la lutte contre la crise, notamment sous la forme d'un débat public dans les jours à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Nous vous demandons également, monsieur le Premier ministre, de réunir régulièrement l'ensemble des responsables des partis et des groupes parlementaires pour faire le point.
En deuxième lieu, les contribuables français s'inquiètent car ils estiment à juste raison que, parmi les contreparties à l'intervention des fonds publics dans une banque difficulté, il conviendrait d'exiger le départ des dirigeants fautifs…
…ainsi que la fixation de rémunérations raisonnables pour leurs successeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
En troisième lieu, le durcissement des règles d'octroi de crédit risque d'accentuer le ralentissement économique. Dès lors, ne serait-il pas urgent d'accroître les fonds de garantie au profit des PME et des ménages modestes ?
Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous indiquer la position du Gouvernement sur ces trois propositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord remercier la commission des finances et son président de m'avoir accueillie hier après-midi, exactement douze heures après la conclusion de l'accord passé entre les États belge, luxembourgeois et français, aux côtés de la Caisse des dépôts et consignations, pour participer à l'opération d'augmentation de capital de la banque Dexia et, ce faisant, sauver un établissement important en Europe, où elle est la septième banque d'affaires, d'un risque d'absence de liquidités mardi et, probablement, de faillite ce mercredi. Dans ce contexte, l'audition que vous m'avez réservée a été éclairante pour nous tous et pour ceux qui s'intéressent à ces matières. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
En ce qui concerne la régulation des marchés financiers, comme vous l'avez souligné, nous avons besoin d'une meilleure régulation sur le plan mondial et certainement d'une meilleure coordination de la régulation au plan européen. Mon expérience des deux opérations récentes concernant Fortis puis Dexia m'a montré que, lorsque la volonté politique est présente – et le Président de la République et le Premier ministre ont clairement pris l'initiative sur ces questions –...
… et que les gouvernements concernés coordonnent leurs efforts, alors cela fonctionne. Toutefois le socle réglementaire de la gouvernance mérite d'être amélioré.
En revanche, en ce qui concerne le système de régulation français, je dois vous dire qu'entre le gouverneur de la Banque de France, qui agit en qualité de président de la Commission des opérations bancaires, l'Autorité des marchés financiers et la direction du Trésor, la coordination est exemplaire. La manière dont la régulation s'exerce au sein des établissements financiers, qu'il s'agisse des banques ou des assurances, …
…nous permet de penser que notre système et nos acteurs financiers sont solides. Les dépôts et l'épargne des Français sont parfaitement sécurisés en l'état actuel des marchés.
Dans ces conditions, il est clair que l'initiative prise par le Président de la République pour rassembler les grands acteurs du G8 et de l'Union européenne afin d'améliorer le système est bienvenue. Elle permettra à la France de faire, dans le cadre de la présidence de l'Union européenne, des propositions de nature à ramener de l'ordre et de la régulation …
..dans des marchés qui souffrent aujourd'hui de dérégulation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, le Grenelle de l'insertion que vous aviez initié a permis à tous les acteurs de l'insertion de s'exprimer sur l'insuffisance des dispositifs actuels. Ils ont formulé des propositions pour améliorer la gouvernance des programmes – les contrats d'insertion – mais aussi les conditions de vie des salariés les moins rémunérés.
Votre projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion que nous examinons actuellement constitue sans doute la plus grande avancée dans le combat de notre société pour l'insertion depuis le RMI.
Il y a vingt ans, nous étions tous favorables au projet de Michel Rocard qui devait permettre aux Français les plus démunis de bénéficier d'un minimum vital apporté par l'État et d'actions d'insertion financées par les départements. Malheureusement, les objectifs en termes d'insertion n'ont pas toujours été atteints.
Vous nous soumettez aujourd'hui un projet devant permettre à ceux qui sont privés d'emploi ou aux salariés insuffisamment rémunérés de se placer au-dessus du seuil de pauvreté.
Nous sommes nombreux à regretter que ce projet fasse l'objet de polémiques et de critiques, par moments insidieuses, dont l'intensité n'a parfois d'égale que la mauvaise foi de ceux qui les expriment.
Je ne peux que déplorer des batailles de procédure qui retardent l'adoption de ce texte (Protestations sur les bancs du groupe SRC), mais aussi les polémiques autour de son financement alors que la question essentielle est de savoir dans quelle mesure le RSA permettra d'améliorer le quotidien de nos concitoyens.
Monsieur le haut-commissaire, ma question est simple : pouvez-vous nous rappeler quels Français bénéficieront du RSA, si celui-ci aura une incidence sur leur pouvoir d'achat et quel bénéfice notre pays peut espérer de cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
Monsieur le député, vous faites bien de poser la question en ces termes.
Le revenu de solidarité active est en effet une mesure extrêmement puissante de soutien du pouvoir d'achat. Il s'adresse à celles et ceux qui ne parviennent pas à reprendre pied sur le marché du travail ainsi qu'aux salariés modestes.
Quelques exemples simples : la personne isolée avec un enfant à charge qui travaille à mi-temps percevra 200 euros supplémentaires par mois à partir du mois de juin prochain, de même que la famille de deux enfants qui vit avec un SMIC.
Oui, le revenu de solidarité active complétera le revenu de ceux qui sont seuls et vivent jusqu'au niveau du SMIC et de ceux qui ont des charges de famille et perçoivent jusqu'à deux SMIC. Ce dispositif, qui vient s'ajouter à la prime pour l'emploi à laquelle vous avez tous ici marqué votre attachement, nous permettra de disposer de deux instruments complémentaires puissants pour soutenir les plus modestes dans notre pays.
Le revenu de solidarité active, c'est le pouvoir d'achat amélioré pour les plus modestes, c'est le pouvoir de travailler pour ceux qui ne parviennent pas à reprendre place dans l'emploi, c'est enfin le pouvoir d'une solidarité réaffirmée, renforcée, modernisée pour tenir compte des difficultés que nous rencontrons actuellement.
Les plus modestes doivent être soutenus dès maintenant. Voilà pourquoi nous avons décidé, cette semaine, de majorer la prime de Noël pour ceux qui touchent le RMI et qui pouvaient voir leur pouvoir d'achat rogné ; dès le mois prochain, nous pourrons ainsi compléter leur revenu.
Vous le voyez, tout cela procède d'une logique cohérente de soutien au bénéfice des plus modestes et d'incitation au travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Éric Diard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, les dégradations liées à l'état de la planète s'accélèrent, qu'il s'agisse de la crise énergétique, de la raréfaction des ressources naturelles, de la disparition des espèces, du déficit en eau douce ou de la fonte des glaces.
Face à l'urgence écologique, la France a un rôle majeur à jouer. Elle doit prendre les mesures nécessaires pour éviter les effets les plus catastrophiques liés au changement climatique et à la dégradation de la biodiversité. Le projet de loi de programme dit Grenelle 1, examiné la semaine prochaine dans notre hémicycle, a pour objectif de traduire les engagements pris par le Président de la République le 25 octobre 2007. Il définit un cadre global d'action en faveur du développement durable. En se fondant sur le consensus social qui s'est dégagé, ce texte entend favoriser et accélérer la prise en compte de nouveaux défis. Il doit se traduire par une véritable révolution sociale et une mutation vers une économie durable. Les 273 engagements adoptés à l'issue du processus de réflexion trouvent une traduction concrète dans les 49 articles du projet de loi. Tous les acteurs, et notamment toutes les associations de défense de l'environnement, s'accordent à dire que le texte est conforme aux engagements pris et répond à leurs attentes.
Monsieur le ministre d'État, les principes consacrés par ce projet de loi devront ensuite être mis en oeuvre. La préparation des mesures concrètes, qui seront proposées lors d'une seconde phase, mobilisent actuellement tous les acteurs du Grenelle de l'environnement. Pouvez-vous informer la représentation nationale des suites qui seront données au projet de loi Grenelle 1 ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, vous avez raison : nous avons connu une période de croissance fondée sur l'illusion que les ressources de la planète étaient illimitées, qu'il s'agisse des matières premières, des hydrocarbures, de la qualité de l'air ou de la stabilité du climat. Face à cette situation, le Président de la République a voulu un diagnostic de vérité. Ce diagnostic a été établi dans le cadre du Grenelle de l'environnement dans des conditions parfaitement transparentes et démocratiques. Vous n'ignorez pas les regards croisés, les milliers de débats, de diagnostics et de stratégies qui en ont découlé.
Aujourd'hui vient le temps du Parlement.
Le Président de la République et le Premier ministre ont choisi de faire de cette impérieuse nécessité une chance à saisir pour améliorer la qualité de vie des Français, pour augmenter leur pouvoir d'achat en réduisant les factures énergétiques, pour relancer notre compétitivité économique. En effet, 15 % des emplois des pays occidentaux seront liés, d'ici dix ans, aux économies d'énergie et à l'environnement. La bataille des économies d'énergie est lancée sur le plan mondial, comme en témoigne le secteur de l'automobile. Les activités sobres en carbone seront les activités de demain.
Le Grenelle 1 vient la semaine prochaine en séance publique. Permettez-moi au passage de remercier la commission des affaires économiques, son président et le rapporteur Christian Jacob pour la qualité de leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Quant aux moyens financiers, le projet de loi de finances qui a été présenté par Mme Christine Lagarde et M. Éric Woerth comporte des incitations fiscales et financières qui permettront d'accompagner ces mutations économiques. D'ultimes outils juridiques complémentaires feront l'objet d'une présentation en Conseil d'État le mois prochain, et j'espère qu'un débat pourra se tenir dans les trois mois qui viennent devant votre assemblée.
La mécanique est lancée. Dans les villes, les entreprises, au sein des syndicats et des associations, chez les consommateurs, se joue déjà le Grenelle de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, notre pays et le monde connaissent une crise terrible qui conduit les États à se substituer à des organismes financiers et bancaires privés avec de l'argent public – et pour des montants considérables dont l'unité de compte est, à ce jour du moins, le milliard d'euros.
Nous connaissons tous la cause de cette crise : des dérégulations massives intervenues dans tous les pays du monde, notamment en France, et que, jusqu'à une date récente, vous avez approuvées, au point de les mettre en oeuvre dans notre pays sous l'autorité du Président de la République Nicolas Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, vous n'avez pas vu venir cette crise – et les autres membres du Gouvernement ou le Président de la République pas davantage.
En témoignent vos propos publics dans cette enceinte ou dans les différents médias, visant toujours, en substance, à expliquer que cette crise, en toute hypothèse, ne traverserait pas l'Atlantique, serait cantonnée au territoire américain, limitée au secteur financier et qu'elle ne toucherait pas l'économie réelle.
Votre politique également atteste que vous n'avez pas vu venir la crise : la mesure relative aux heures supplémentaires le prouve.
Ainsi, au deuxième trimestre de cette année, vous vous êtes félicitée du succès des heures supplémentaires au moment même où notre économie détruisait plus d'emplois qu'elle n'en avait créés, et ce pour la première fois depuis dix ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Malheureusement, la situation que connaît notre pays conduit inéluctablement à une hausse du chômage dont Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, disait qu'il était l'indicateur économique le plus important dans un pays.
Votre loi avait une finalité : le pouvoir d'achat. Il se trouve que celui-ci stagne ou régresse, non seulement pour les salariés du privé mais également pour les fonctionnaires et davantage encore pour les retraités, grands oubliés de la politique gouvernementale.
Madame la ministre, quand reviendrez-vous sur cette mesure dont on peut discuter l'opportunité ou la légitimité en phase de croissance économique mais – c'est une évidence – qu'il ne faut surtout pas prendre lorsque la récession menace et sur laquelle, lorsqu'elle est avérée, il faut revenir d'urgence ?
Je vous remercie également de vous prononcer sur la question posée par des députés tant de l'opposition que de la majorité, quant à la tenue, dans cette enceinte, d'un débat sur la politique économique et financière du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, combien de fois avez-vous enfourché le cheval de la loi Travail, emploi, pouvoir d'achat,…
…pour vous fourvoyer où ? Nulle part ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Puisque vous avez parlé chiffres en évoquant des milliards d'euros, je reviendrai quant à moi sur le financement de la loi TEPA en rappelant que plus de 90 % des 7 milliards d'euros ainsi injectés dans l'économie française en 2008 vont aux salariés qui effectuent des heures supplémentaires – 6 milliards – ainsi qu'aux personnes bénéficiant d'un abattement sur les droits de succession ou qui, achetant une résidence principale, peuvent déduire les intérêts d'emprunt par le biais d'un crédit d'impôt. Cette loi a eu le mérite de répartir au profit de la plupart de nos concitoyens des bénéfices tirés de leur travail. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
L'intérêt majeur de cette loi a été, par ailleurs, de jouer un rôle d'amortisseur et de relance, alors même que tel n'était pas l'objectif initial que nous lui avions fixé, puisque notre intention principale était de valoriser le travail. (Mêmes exclamations sur les mêmes bancs) Elle est arrivée à point nommé, comme en Espagne, aux États-Unis ou au Japon. En temps réel, c'est-à-dire au moment où la relance produit un effet, l'économie française bénéficie de 7 milliards d'euros supplémentaires. L'année prochaine, ce seront 10 milliards d'euros qui seront injectés dans l'économie française, toujours dans le but de mieux rémunérer le travail et de faire bénéficier le conjoint survivant d'une exonération de droits de succession, et ceux qui font l'acquisition d'une résidence principale d'un crédit d'impôt.
Autant de raisons qui prouvent le bien fondé de la loi TEPA, que vous contestez parce qu'elle est fondée sur une autre logique que les méthodes archaïques que certains proposent. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Alors que votre méthode consiste à distribuer largement, la nôtre est fondée sur la rémunération du travail, l'esprit d'entreprise et l'amélioration, sur des fondements réels, du pouvoir d'achat de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Françoise de Panafieu, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez fait voter, le 16 juillet dernier, la loi sur le droit d'accueil de tous les enfants scolarisés dans les écoles primaires en cas de grève au sein de l'éducation nationale.
Cette loi était très attendue par une majorité de Français, par une majorité de parents d'élèves qui entendent faire respecter le droit à travailler y compris les jours de grève.
Le rôle des élus est bien sûr, d'abord,…
…de faire respecter le droit de chacun : celui de faire grève quand on l'estime nécessaire et celui de travailler quand on considère qu'on n'est pas concerné au premier chef par la grève. C'est ce que nous avons fait en votant cette loi le 16 juillet dernier. Elle va s'appliquer pour la première fois mardi prochain puisqu'une partie des personnels de l'éducation nationale appellent à la grève le 7 octobre.
Mais le rôle des élus consiste aussi à appliquer la loi, qu'elle les satisfasse ou non. C'est leur rôle ainsi que leur honneur.
C'est ainsi que M. Delanoë, le maire de Paris, a fini par considérer qu'il pouvait parfaitement accomplir mardi prochain ce qu'il estimait impensable il y a encore deux mois et demi. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pourtant, malheureusement, on entend encore certains élus, sur les bancs de l'opposition, affirmer qu'ils appliqueront la loi comme ils le pourront,...
Ils espèrent ainsi viser le Gouvernement, oubliant au passage qu'ils visent d'abord les parents d'élèves et les enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je vous remercie de bien vouloir poser votre question, madame de Panafieu.
Monsieur le ministre, vous avez édité une petite brochure à l'attention des maires. Elle est très bien faite mais nous voudrions que vous rappeliez dans quelles conditions les enfants pourront être accueillis correctement dans les écoles, mardi prochain, puisque, désormais, ce droit d'accueil est un dû. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Madame de Panafieu, il existe deux façons de faire de la politique.
La première consiste à renoncer à l'idéologie et aux points de vue partisans pour mieux servir l'intérêt général. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je suis heureux de constater que, dans cette perspective d'unité, le maire de Paris ait trouvé, avec tous les élus du conseil municipal, une solution, grâce à une loi nouvelle qui va apporter un service nouveau aux familles.
Mais il y a une autre façon de faire de la politique. Je ne parle évidemment pas des comédies musicales pour militants New Age (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Sourires sur plusieurs bancs du groupe SRC), mais du fait qu'un certain nombre d'élus considèrent que leur idéologie doit l'emporter sur l'application de la loi.
Je pose donc la question : est-il normal que le législateur affirme son intention de ne pas appliquer la loi ? (« C'est scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Qui faut-il croire : le maire de Paris lorsqu'il dit qu'il l'appliquera, ou bien le maire de Nantes lorsqu'il dit qu'il ne l'appliquera pas ? (Protestations continues sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Comment peut-on demander à des élus de ne pas appliquer la loi ? Les Français jugeront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
L'État prendra ses responsabilités et le Gouvernement indiquera aux communes le nombre de professeurs grévistes. Il versera 110 euros par groupe de quinze enfants accueillis, ce qui représente bien davantage que le SMIC que prétendent donner les socialistes. Il assurera la responsabilité administrative qu'on ne doit pas faire porter aux communes, et les familles bénéficieront d'un droit nouveau, d'un service nouveau. Familles qui, à mon avis, seront vigilantes et feront la différence entre les communes qui auront rendu ce service et celles qui l'auront refusé. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Françoise Briand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté sensiblement au mois d'août dernier, avec près de 40 000 personnes supplémentaires inscrites à l'ANPE. Même si cette augmentation ne remet pas en cause la baisse spectaculaire du chômage observée depuis 2006 – avec 350 000 demandeurs d'emploi en moins en un an –, qui nous a permis d'atteindre un taux de chômage de 7,2 %, soit le taux le plus bas depuis vingt-cinq ans, elle suscite évidemment des inquiétudes chez nos compatriotes qui constatent, dans de nombreux secteurs économiques, un net ralentissement de l'activité, et donc des embauches, en raison de la crise financière internationale que nous subissons.
Face à cette situation difficile, notre devoir est de mobiliser l'ensemble des leviers de la politique de l'emploi. Vous avez organisé lundi soir, avec Mme Christine Lagarde, une réunion de l'ensemble des acteurs de la politique de l'emploi – ANPE, ASSEDIC, AFPA, missions locales – pour établir un diagnostic précis de la situation et faire avec eux le point sur les perspectives en matière d'emploi.
Dans ce contexte, la réforme du service public de l'emploi, votée il y a quelques mois, trouve toute sa justification, car elle va permettre de fournir un meilleur service aux demandeurs d'emploi au travers d'un accompagnement plus personnalisé, mais également aux entreprises qui cherchent à recruter et qui, pour certaines, rencontrent des difficultés.
Pourriez-vous détailler les conclusions de la réunion de lundi, ainsi que les principaux axes d'action du Gouvernement pour répondre à cette dégradation du marché de l'emploi ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Vous l'avez dit, madame la députée, il faut être clair : les chiffres de l'emploi que nous avons eus au mois d'août ne sont pas bons.
Mais ce ne sont pas que des chiffres, ce sont surtout des familles qui se retrouvent aujourd'hui en difficulté. Le climat de crise internationale qui s'est instauré depuis un an finit par peser sur la situation de l'emploi dans notre pays. D'autres pays européens, comme l'Espagne, ont d'ailleurs connu une situation qui s'est aggravée bien plus rapidement que chez nous, avec une augmentation de 700 000 chômeurs en moins d'un an.
Nous avons donc souhaité, avec Christine Lagarde, faire face immédiatement à cette crise et assumer nos responsabilités. C'est pour cette raison que nous avons voulu travailler avec tous les acteurs du service public de l'emploi, afin d'étudier ensemble les pistes concrètes qui pouvaient être rapidement mises sur la table.
Nous nous sommes fixé trois directions de travail.
La première vise à mieux accompagner les demandeurs d'emploi. Vous avez évoqué la mise en place du nouveau service public de l'emploi ANPE-ASSEDIC. Nous souhaitons accélérer ce calendrier pour que les résultats concrets soient immédiatement ressentis par les demandeurs d'emploi, notamment à travers la généralisation du guichet unique et l'accompagnement personnalisé.
La deuxième consiste à mieux récupérer les offres d'emploi. Nous ne voulons pas nous contenter de les collecter passivement. Il faut aller les chercher avec des partenariats actifs. C'est ce que nous avons fait, par exemple, la semaine dernière, dans le cadre d'un partenariat avec la RATP, qui recrute chaque année 2 000 salariés.
La troisième direction de travail que nous nous sommes fixé a pour objectif de refondre la formation professionnelle – c'est, vous le savez, un outil fondamental pour l'accès à l'emploi. Nous avons fait un déplacement en Alsace, ce qui nous a permis de nous rendre compte à quel point la formation professionnelle bien utilisée facilitait l'accès à l'emploi.
Ces trois réformes de structure avaient été initiées. La crise nous amène à aller encore plus vite et à essayer de produire plus rapidement les résultats concrets qu'attendent nos compatriotes.
Par ailleurs, à court terme, trois leviers, les contrats d'autonomie pour l'accompagnement des jeunes, l'accompagnement des seniors et la mobilisation des contrats aidés, que nous avions relancée dès le mois de juillet, avant la crise du mois d'août, doivent nous permettre d'aider le plus grand nombre possible de nos compatriotes.
Face à une telle crise, la période est difficile et il ne faut pas se cacher la réalité. L'heure n'est pas aux querelles politiciennes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais à un travail concret ; c'est ensemble que nous devons nous battre pour faire face à une situation pénible avant tout pour nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme de Panafieu a raison : la loi doit s'appliquer à tous les élus et je ne doute pas qu'elle se fasse porte-parole de ce principe auprès de son collègue, maire de Neuilly, pour que soit appliquée la loi SRU, s'agissant de la création de logements sociaux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cela étant, je voudrais revenir sur la grave situation financière et économique décrite par mes collègues. Elle justifie un débat au sein de cet hémicycle, et je regrette que nous n'ayons pas obtenu de réponse précise à la demande formulée par François Hollande.
Le débat est important car, à la situation financière, s'ajoute une situation sociale particulièrement dégradée. Nous savons que cette crise frappera d'abord les plus fragiles de nos concitoyens, déjà particulièrement éprouvés. Elle exige que s'engage un effort de solidarité sans précédent, dont personne ne doit être exonéré. Dans cet esprit, le financement du revenu de solidarité active ne saurait exclure, par le biais du bouclier fiscal, les boursicoteurs, les bénéficiaires de parachutes dorés et les plus riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), et l'artifice du plafonnement des niches fiscales ne change rien à l'affaire. M. Hirsch, comme M. Devedjian et d'autres membres de votre majorité, monsieur le Premier ministre, ont souhaité que le bouclier ne joue pas. Au moment où vous nous parlez d'union nationale, voilà un principe qui peut tous nous rassembler au nom de la solidarité nationale !
Ma question est simple : renoncerez-vous enfin, face à la gravité de la situation financière et économique, au bouclier fiscal qui exempte les plus riches de l'effort demandé ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
Monsieur le député, vous avez raison (« Ah ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC) de dire qu'il faut faire un effort sans précédent vis-à-vis des plus démunis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le RMI a coûté 800 millions d'euros, la CMU, 900 millions d'euros.
Le RSA demande effectivement un effort sans précédent, puisque 1,5 milliard d'euros sera consacré aux plus démunis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je l'ai démontré tout à l'heure, le revenu de solidarité active est une prestation bien ciblée, puisqu'il bénéficie à celles et ceux qui en ont besoin !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n'est pas la question !
S'agissant de son financement, analysons les faits calmement, sereinement et directement. Sur qui sera prélevé ce milliard et demi d'euros ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pour 500 millions, sur les 1 % de ménages qui ont les revenus les plus élevés,…
…et, pour plus de la moitié, sur les 10 % de ménages les plus riches. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. C'est faux !
Quant au plafonnement des niches fiscales, c'est tout sauf un artifice ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous suivons les conclusions du rapport de MM. Migaud et Carrez. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le bouclier fiscal ne doit pas servir de parapluie à ceux qui ne veulent pas se mouiller ! Si vous votez ce texte, la justice sera double : de par la destination de la prestation et de par l'origine du prélèvement ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Daniel Fidelin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
L'industrie automobile procède depuis deux ans en Europe et outre-Atlantique à une très forte restructuration de ses activités. La direction de Renault, par la voix de son président Carlos Ghosn, a annoncé la suppression en France de 4 900 emplois : 3 000 chez Renault SAS, 1 000 à l'usine de Sandouville et 900 dans les filiales, dans le cadre d'un plan de départs volontaires.
Cette décision a bien évidemment fait l'effet d'une bombe et l'inquiétude se répand, bien au-delà des familles de salariés, chez les équipementiers, sociétés de services et autres, autrement dit dans une bonne partie des bassins d'emplois qui gravitent autour de l'activité automobile.
À Sandouville, 50 % des salariés ont plus de cinquante ans. Ces hommes et ces femmes sont donc riches d'un véritable savoir-faire. De plus, de très lourds investissements ont été consentis ces dernières années pour améliorer la compétitivité. On mesure dès lors l'immense incompréhension que peuvent susciter de telles annonces.
L'État – qui détient, je le rappelle, 15 % du capital de Renault – a-t-il les moyens de faire revenir la direction sur cette décision ?
Si, grâce à l'intervention du Président de la République, nous avons obtenu depuis hier des assurances sur la pérennité des usines Renault en France, et notamment du site de Sandouville, la production d'un nouveau véhicule utilitaire n'interviendra pas avant 2012 : cette échéance inquiète les salariés qui depuis plusieurs mois subissent des jours chômés et voient leur pouvoir d'achat diminuer.
Madame la ministre, vous avez reçu il y a trois semaines une délégation conduite par Antoine Rufenacht, maire du Havre. Pouvez-vous nous faire le point sur ce dossier et, plus largement, nous donner votre analyse sur l'évolution de l'industrie automobile dans notre pays ? Les familles comptent beaucoup sur vous, sur nous. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, l'industrie automobile subit actuellement une mutation en profondeur, liée, d'une part, à la crise économique que traversent l'ensemble des économies occidentales et, d'autre part, à une rupture technologique qui entraîne des révisions considérables des modèles.
Notre pays en subit évidemment les conséquences, mais celles-ci sont minorées du fait de la mise en oeuvre du mécanisme du bonus-malus, qui a permis à la France de ne pas subir de baisse d'activité alors que celle-ci a chuté de 20 % en Grande-Bretagne et de 36 % en Italie et que les marchés connaissaient un ralentissement général. Ce mécanisme a permis de stimuler le secteur industriel au mois de décembre et au mois de janvier, y compris les constructeurs français.
Renault a effectivement annoncé un plan de suppression touchant en particulier mille postes sur l'usine de Sandouville. Je vous ai reçu, monsieur Fidelin, avec l'ensemble des élus de Normandie, sous la houlette de M. Rufenacht, maire du Havre, afin que nous examinions ensemble les circonstances de ce plan et la manière dont deux objectifs principaux seraient poursuivis : premièrement, le maintien des emplois ou, à défaut, l'accompagnement dans les meilleures conditions des salariés amenés à partir ; deuxièmement, la pérennité du site.
En ce qui concerne le premier objectif, je serai extrêmement vigilante quant aux conditions des départs volontaires. J'ai demandé en particulier au préfet de vérifier de très près si les départs volontaires seront assortis de véritables contrats de travail. La moitié des personnels de Sandouville ayant plus de cinquante ans, j'ai demandé que des mesures particulières soient prises par Renault pour suivre le départ de ces personnels si tel devait être le cas.
J'ai également demandé au préfet d'examiner très attentivement les effets indirects d'une décision de ce type : lorsqu'une entreprise comme Renault, à Sandouville en particulier, laisse partir mille salariés, bon nombre d'emplois indirects, on le sait, peuvent être eux aussi menacés.
En ce qui concerne la pérennité du site, le Président de la République a reçu hier M. Carlos Ghosn, et il a obtenu à l'occasion de cette négociation deux assurances : premièrement, la localisation à Sandouville du nouveau véhicule utilitaire de Renault,…
C'est là une assurance très importante pour le personnel : le lancement d'un nouveau véhicule utilitaire signifie le maintien du site et la préservation des emplois.
Deuxième assurance, le développement d'un moteur électrique sur le site de Flins. Deux sites, Sandouville et Flins, sont ainsi sécurisés grâce à ces interventions. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Oui, la crise financière internationale est grave, les Français sont inquiets, et vous semblez refuser de nous répondre au sujet d'un débat de la représentation nationale sur cette situation.
Permettez-moi de vous le dire très simplement : vous n'avez plus, dans ce contexte, le droit à l'erreur. C'est pourtant une grave erreur que vous vous apprêtez à commettre en réduisant de façon drastique les marges de manoeuvre financières des collectivités territoriales. Oui, votre gouvernement organise bel et bien l'asphyxie financière de nos collectivités ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
À l'échelon local, l'horizon budgétaire s'assombrit de jour en jour, au fil des annonces imposées brutalement à la veille de l'examen du projet de loi de finances : réduction des dotations de l'État au sein d'une enveloppe normée, intégration du Fonds de compensation pour la TVA, disparition du critère des logements sociaux dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine, flou total sur l'avenir de la taxe professionnelle… Autant de coupes faites à la hache et à la hâte, autant de mesures prises sans concertation.
S'agissant de la DSU, 238 communes sont exclues du dispositif ! Ce sont 238 communes qui sont ainsi privées d'un système de péréquation solidaire, des communes qui de surcroît, vous le savez, ont des ressources insuffisantes, comme nos centres communaux d'action sociale peuvent en témoigner.
Monsieur le Premier Ministre, en prenant ces dispositions, vous niez le fait que les collectivités territoriales ont un rôle décisif dans le retour à la croissance, vous creusez les inégalités entre nos territoires, vous mettez en danger l'économie du pays tout entier.
Nos régions, nos départements, nos intercommunalités, nos communes réalisent aujourd'hui 73 % de l'investissement public de notre pays.
Elles créent, directement ou indirectement, des centaines de milliers d'emplois. Elles sont aujourd'hui le seul moteur de la croissance, ce qui justifie une priorité absolue : maintenir l'investissement public à un haut niveau.
Monsieur le Premier Ministre, je le redis, la gravité de la situation économique et financière internationale vous interdit toute erreur. Ne commettez pas celle d'assécher les ressources des collectivités territoriales : elles sont un allié dans la situation actuelle. Ne commettez pas celle d'avoir une vision simplement politicienne et partisane. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Engagez-vous à prendre des mesures dans le projet de loi de finances ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Madame la députée, vous n'avez pas le monopole de la défense des collectivités locales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La plupart d'entre nous sont en charge de collectivités ; nous savons comment elles fonctionnent, et nous sommes évidemment très attentifs à la qualité des services qu'elles rendent. Donc, je vous en prie : pas de leçons de cette nature ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous dites également que nous refuserions un débat sur la situation économique.
Or, nous allons avoir à peu près trois mois de débat sur le budget, entre le 15 octobre et la fin du mois de décembre. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Christine Lagarde et moi discuterons de la situation économique et budgétaire. Donc, ne dites pas qu'il ne va pas y avoir de débat ; ou alors c'est que vous avez oublié qu'il existait un débat budgétaire ! (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans le projet de budget, nous allons octroyer aux collectivités locales 1,1 milliard d'euros supplémentaires par rapport à l'année dernière. Ne nous dites pas qu'il s'agit d'une sanction – ou que sais-je encore ? – comme vous l'avez fait ! En outre, si nous prenons en considération non seulement les subventions de l'État, mais encore la compensation des dégrèvements d'impôts, c'est plus de 3,2 % de l'ensemble du budget que l'État consacrera aux collectivités locales. Il ne s'agit donc nullement de leur serrer la ceinture, comme vous semblez le croire.
Enfin, la dotation de solidarité urbaine augmente de 70 millions d'euros.
Simplement, cette dotation est répartie entre un nombre excessif de collectivités, puisque 75 % d'entre elles y ont accès. C'est évidemment trop, et il faut la concentrer sur les collectivités qui en ont le plus besoin. C'est ce que nous faisons.
Je ne crois donc pas que vous ayez raison de vous inquiéter de cette manière-là, et je ne doute pas que ma réponse vous aura rassurés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Prochaine séance, lundi 6 octobre à seize heures :
Suite de la discussion du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active.
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma