Audition de M. Danny Ayalon, vice-ministre israélien des affaires étrangères
La séance est ouverte à onze heures quarante.
Monsieur le Ministre, je vous remercie d'être devant nous ce matin : bien que votre séjour en France soit très court, j'ai tenu à ce que la commission vous reçoive, c'est pourquoi cette réunion se tient un jeudi matin, ce qui est inhabituel.
Notre commission suit très attentivement l'évolution de la situation au Proche-Orient et apprécie toujours d'avoir l'occasion de rencontrer des responsables politiques israéliens, comme palestiniens, d'ailleurs. Etant donné les circonstances – je fais allusion à l'interception violente par l'armée israélienne, le 31 mai dernier, de la « flottille pour Gaza » – et vos fonctions de vice-ministre des affaires étrangères, nous sommes tout particulièrement intéressés par cette rencontre.
Avant de vous laisser la parole, je rappelle à mes collègues que, diplomate de profession, vous avez notamment occupé les fonctions d'ambassadeur d'Israël aux Etats-Unis de 2002 à 2006, et que vous êtes vice-ministre des affaires étrangères depuis le 1er avril 2009. Vous remplissez ces fonctions auprès de M. Avigdor Lieberman, qui dirige le parti auquel vous appartenez, Israël Beiteinou.
Si vous en êtes d'accord, Monsieur le Ministre, après votre intervention liminaire portant à la fois sur les derniers événements que je viens d'évoquer et sur la situation au Proche-Orient, nous vous poserons des questions, dont je devine qu'elles seront nombreuses.
Je vous remercie pour ces propos aimables. C'est un honneur pour moi de prendre la parole devant les représentants du Peuple français, car nous les Israéliens, considérons notre pays comme la « petite France » du Moyen-Orient, sur le plan de la démocratie et de la vie politique, et nous admirons vos réalisations. Nous sommes un peuple très ancien qui a été longtemps coupé de sa terre et qui construit à nouveau son pays depuis 63 ans. C'est un pays jeune qui s'efforce de se conduire selon un modèle européen et français.
En ce qui concerne notre politique étrangère, Israël a toujours voulu la paix, non pas seulement par choix stratégique mais surtout par obligation morale. Pour preuve, vous n'avez qu'à regarder ces trente dernières années au cours desquelles nous avons fait la paix avec deux de nos grands voisins, l'Egypte et la Jordanie, avec lesquels nous sommes toujours en paix. Nous aimerions bien obtenir le même résultat avec nos autres voisins.
Nous sommes parfaitement conscients que chacun a droit à sa terre nationale et nous comprenons très bien qu'il y a près de nous un autre peuple qui a droit à la reconnaissance et à sa terre. Aujourd'hui, le consensus est total entre tous les partis israéliens sur la solution des deux Etats vivant côte à côte dans deux pays, en sécurité, où comme en Europe la libre circulation sera la règle.
C'est pour cela que nous avons lancé le processus d'Oslo en 1993. Il a connu des hauts et des bas, bien sûr, mais notre stratégie est toujours la même. Il ne tient qu'à vous d'étudier attentivement les différences entre 1993 et aujourd'hui et vous constaterez alors combien la position d'Israël a évolué.
En 1993, il n'était pas naturel de donner une terre à Yasser Arafat, comme il n'était pas naturel que l'armée israélienne évacue Gaza quelques années plus tard. Ensuite, les Intifada ont beaucoup ralenti le processus. Mais le peuple d'Israël a été éduqué par l'histoire et il a beaucoup évolué ; aujourd'hui il est plus disposé aux concessions car il sait que nous sommes condamnés à vivre aux côtés des Palestiniens.
En revanche, la position palestinienne n'a pas évolué. Toute leur stratégie est axée sur un refus de la paix. Nous sommes prêts à parler ensemble, directement, mais ils refusent les négociations directes. De notre côté, toutes les implantations sont arrêtées, nous avons fait d'importantes concessions sur le terrain mais le terrorisme n'a toujours pas été éliminé. Nous voulons pourtant continuer à prendre des risques pour négocier la paix.
Il y a hélas d'autres acteurs dans la région qui nous créent des difficultés. L'Iran a tout fait pour saboter la paix. Le Hamas, qui est l'ennemi de l'Autorité palestinienne, représente les intérêts de l'Iran dans la région et la Syrie se range également au côté de l'Iran.
Venons-en à cette affaire de la flottille dont on dit qu'elle cherchait seulement à briser le blocus de Gaza. Mais il faut savoir que ce blocus est légal sur le plan international, qu'il a été établi en conformité avec les règles des Nations Unies.
L'abandon de notre présence militaire à Gaza par Ariel Sharon a été à l'origine d'un débat très houleux en Israël, qui aurait même pu dégénérer en guerre civile. Nous espérions, en nous retirant de Gaza que se produirait un changement de paradigme énorme : que les Palestiniens mettrait en place un Gouvernement responsable qui ferait de Gaza une vitrine pour le monde entier et que l'on pourrait y faire les mêmes progrès qu'en Cisjordanie.
Mais c'est le Hamas qui en a pris le contrôle, par un coup d'Etat contre l'Autorité palestinienne. Or le Hamas est une organisation terroriste, reconnue comme telle partout dans le monde et particulièrement en Europe et en Amérique du Nord, qui a tiré plus de 12 000 roquettes et bombes contre Israël. Nous avons pourtant cherché à parler avec eux, avec l'aide du Quartet, et nous leur avons proposé de les considérer comme un interlocuteur légitime à condition qu'ils reconnaissent Israël, qu'ils acceptent le processus de paix et rejettent le terrorisme. Ils ont tout refusé en bloc.
Dans ces conditions nous n'avons fait qu'appliquer l'article 52 de la Charte des Nations unies et nous avons mis en place un blocus pour arrêter les armes. En contrepartie nous avons distribué ou laissé passer plus d'un million de tonnes d'aide humanitaire. Cette flottille n'avait donc aucune raison d'être puisqu'il n'existait pas de problème humanitaire particulier.
Nous étions pourtant prêts à recueillir le matériel et à l'acheminer nous-mêmes vers Gaza. Un navire irlandais qui est arrivé après la flottille a bien accepté notre contrôle et tout s'est bien passé. La flottille elle-même comprenait six navires, dont cinq ne posaient pas de problèmes. Seul un navire turc a posé problème ; il était affrété par l'organisation IHH, qui a des liens connus avec le Hamas et dont le juge Bruguière sait comment elle a encouragé le terrorisme. Aux côtés des 600 militants pour la paix, que nous qualifierons de bonne foi et qui occupaient les ponts inférieurs, se trouvaient 85 terroristes qui tous occupaient le pont supérieur.
On nous a accusé d'avoir eu recours à une force disproportionnée mais au départ nous avions seulement prévu des balles de peinture ! Ce n'est que parce qu'ils étaient confrontés à un accueil agressif et très violent que nos militaires ont eu une réaction naturelle d'autodéfense. Il est très regrettable qu'il y ait eu neuf morts, mais nous considérons qu'il s'agissait de voyous provocateurs.
Nous sommes confrontés à une politique qui vise à renforcer le Hamas et les extrémistes et à affaiblir les forces modérées. Je suis là pour entendre vos propositions afin d'isoler les extrémistes, de calmer le jeu et d'expliquer à tous que cette flottille n'était pas la meilleure façon d'obtenir la levée du blocus de Gaza.
Nous sommes prêts à laisser entrer davantage de produits à Gaza, mais nous voulons empêcher l'arrivée des armes et des matériaux illégaux. Gaza doit changer de politique, et cela ne se fera que sous la houlette de l'Autorité palestinienne.
Monsieur le ministre, vous venez de nous dire que la position israélienne à propos du blocus de la bande de Gaza allait s'assouplir dans les jours ou les semaines à venir. Pourriez-vous être plus précis quant aux propositions que le gouvernement auquel vous appartenez s'apprête à formuler ? L'Union européenne a, pour sa part, élaboré des propositions dans le cadre du Conseil des ministres des affaires étrangères. Les chefs d'État et de Gouvernement réunis aujourd'hui en Conseil européen voudront peut-être eux aussi se pencher sur la question. Dans quelle mesure le gouvernement israélien serait-il disposé à accepter une présence européenne plus importante aux points d'entrée dans la bande de Gaza, à des fins de surveillance, voire de contrôle ? Ne pensez-vous pas en effet que l'Union européenne ait sur place un rôle plus visible, plus politique à jouer ?
Par ailleurs, à l'instar des effets contre-productifs de l'arraisonnement au large de Gaza pour l'image d'Israël dans l'opinion publique internationale, cet événement grave a eu un impact délétère sur la relation israélo-turque. Proche partenaire d'Israël depuis de nombreuses années, la Turquie avait déjà pris quelque distance, à propos de Gaza, lors de l'intervention militaire du début de 2009. Aujourd'hui la relation bilatérale se dégrade de nouveau et de façon spectaculaire. Quelle est votre analyse sur ce point ?
En parlant d'« assouplissement important », je n'ai fait que répéter ce qui a toujours été la position du gouvernement israélien. Nous différencions les populations civiles des groupes terroristes. Le problème est que nous sommes confrontés à l'époque actuelle à ce que l'on nomme une guerre asymétrique, qui voit s'opposer un État et des organisations terroristes. Dans un tel contexte, il est difficile de se défendre efficacement contre des terroristes qui s'abritent derrière des populations civiles innocentes ; les dommages causés à ces populations sont fatalement plus importants que dans un conflit « classique ». S'agissant du blocus de Gaza, nous essayons de voir comment le territoire pourrait être mieux ravitaillé mais nous ne voulons pas dégrader le niveau de sécurité existant. Nous regarderons très favorablement les propositions de l'Union européenne à cet égard. Je note d'ailleurs que des patrouilles européennes ont déjà été présentes aux frontières, puis leurs opérations ont été suspendues depuis que le Hamas a pris le contrôle sur le terrain. Les deux messages sur lesquels je voudrais insister concernent, d'une part, la sécurité d'Israël, qui ne saurait faire l'objet d'un quelconque compromis alors que des millions d'Israéliens ont eu à subir des attaques terroristes, et d'autre part, le sort du soldat franco-israélien enlevé il y a quatre ans et à propos duquel toutes les conventions internationales en vigueur ont été violées. Je remercie le gouvernement français d'être intervenu en sa faveur ; nous devons poursuivre l'effort en vue de sa libération.
La question de nos relations avec la Turquie est complexe. Il est pour nous très important qu'elles demeurent bonnes. Le fait que des changements soient intervenus dans ce pays depuis que l'AKP a accédé au pouvoir n'est pas de la responsabilité d'Israël. C'est à la Turquie de dire quel rôle elle veut jouer dans la région, et de confirmer ou non son souhait d'adhérer à l'Union européenne. En tout état de cause, elle doit, selon nous, continuer à soutenir les acteurs responsables de la région, c'est-à-dire l'Autorité palestinienne, et non le Hamas, car ce dernier affaiblit les modérés et amoindrit les chances de la paix. Nous faisons passer des messages à la Turquie, notamment via nos ambassades. Nous estimons en particulier que ce pays devrait agir pour isoler l'ONG turque IHH (Fondation pour les droits de l'homme et pour l'aide humanitaire), qu'il faudrait qualifier officiellement d'organisation terroriste.
Monsieur le ministre, vous avez dit qu'Israël était la « petite France » du Moyen-Orient. Permettez-moi, à titre provisoire, de vous refuser cette appellation. J'appartiens à une génération qui a beaucoup aimé Israël, qui a approuvé le vote de la France à l'ONU en faveur de la reconnaissance de cet État en 1947, qui se souvient de l'Exodus, qui a admiré Golda Meir, Ben Gourion, les kibboutzim et les fleurs poussant dans le désert. Par contraste, la jeunesse d'aujourd'hui ne connaît Israël que comme une puissance occupante dans les territoires palestiniens, qui multiplie les contrôles humiliants aux points de contrôle. J'étais il y a trois semaines à Hébron où j'ai vu tant de rues fermées de façon abusive ; la situation y est intolérable. On pourrait dire la même chose de Gaza, totalement encerclée. Il y a là une terrible disproportion. Songez qu'en l'espace de dix ans, les tirs de roquettes depuis ce territoire ont causé une dizaine de morts israéliens, tandis que les actions militaires d'Israël ont fait 2 500 à 3 000 victimes gazaouies ! Nous souhaitons tous que la paix revienne et que revienne avec elle le désir d'aller en Israël ; ce n'est pas le cas aujourd'hui. À propos du rôle de l'Union européenne évoqué par le président de notre commission, je suis partagé entre le souhait de voir l'Union imposer la paix dans la zone et la crainte de donner l'impression que l'Europe participe au blocus de Gaza. Mais croyez, Monsieur le ministre, que mon voeu le plus cher est que bientôt Israël puisse de nouveau, en partageant les mêmes valeurs que les nôtres, retrouver l'appellation de « petite France » du Moyen-Orient.
Je vous remercie de vos observations, que je ne partage pas entièrement, même si je comprends votre profonde préoccupation et les voeux que vous formez pour Israël et la région. Nous manquons de temps pour entrer dans les détails. Comme dans une tragédie grecque, reconnaissons que le mal ne se trouve pas dans un seul camp ; tout le monde voudrait éviter l'issue funeste mais chacun la connaît.
À propos de Gaza, c'est l'efficacité qui doit primer. Les priorités sont la libération de Guilad Shalit et l'amélioration de la vie des Gazaouis, sans renforcer les extrémistes, comme le Hamas. Nous allons travailler en ce sens. Il est certain qu'un contrôle du territoire par M. Mahmoud Abbas faciliterait les choses. Tirant les leçons des dix-sept dernières années, nous voyons bien qu'il ne s'agit pas d'un jeu à somme nulle ; la paix profite à tout le monde. Je me félicite du rôle moteur joué par la France à l'égard de l'Iran pour isoler les extrémistes et diriger les sanctions non contre les populations mais contre le régime. Nous souhaiterions que la France nous aide à nouer un dialogue direct avec les Palestiniens.
La question de la place de l'Union européenne dans cette partie du monde se pose évidemment. Je m'interroge aussi sur les conditions d'allègement du blocus de Gaza. Nous sommes très préoccupés par le sort des populations civiles, particulièrement exposées, de façon inacceptable. Plusieurs États ont souhaité que soit diligentée une enquête internationale sur l'arraisonnement de la flottille. Nous avons entendu les éclaircissements que vous nous avez apportés. Qu'est-ce qui pourrait vous empêcher d'accepter une telle enquête ?
J'ai eu récemment l'occasion de m'entretenir avec des représentants de votre gouvernement et des parlementaires israéliens. Appartenant à une génération qui a lu le Journal d'Anne Frank et pleuré d'émotion en ce jour d'automne où le Mur de Berlin est tombé, j'avoue mon incompréhension devant le mur de séparation construit par Israël. Par ailleurs, je souhaiterais savoir quelles relations votre pays entretient avec les États-Unis de Barack Obama et quelles sont les perspectives actuelles quant au statut de Jérusalem.
Il est regrettable que les chances de paix et les espoirs de solutions raisonnables au conflit israélo-palestinien reculent régulièrement depuis la disparition de ce grand homme de paix qu'était Yitzhak Rabin. Concernant la Turquie, d'où je reviens, je n'ai pas le sentiment que la domination exercée par l'AKP doive être un sujet de préoccupation. Il s'agit d'un parti original, qui n'est pas exclusivement religieux et a su insuffler des éléments de modernité dans un pays que menaçait une dérive autoritaire. Il est regrettable qu'Israël ait perdu le contact avec ce grand pays méditerranéen à la position atypique dans le monde islamique ; or c'est bien des accents de rupture consommée que l'on a entendus dans la bouche du Président Gül.
Vous avez d'autre part souligné le poids en Israël des valeurs de la République française ; la laïcité en fait-elle partie ?
Même pour une vice-présidente du groupe d'amitié France-Israël, amie de toujours de votre pays, il est aujourd'hui très difficile d'expliquer la réalité de la situation au Proche-Orient. On connaît les réponses à apporter aux différentes questions soulevées mais elles ne sont pas audibles. Le monde a changé et les images sont partout, qui montrent la disproportion des moyens. Quelles que soient les explications, elles ne sont jamais aussi fortes que la violence des images. Même au milieu de nombreuses difficultés, même si des bombes tombent sur le territoire israélien – ce dont j'ai moi-même été témoin –, le gouvernement israélien doit proposer des solutions pour lever le blocus et permettre la renaissance des espoirs de paix. Il y a eu de tels espoirs en 1995, puis en 2000, puis lorsque les forces israéliennes ont quitté la bande de Gaza ; de tels espoirs n'existent plus aujourd'hui.
Je ne doute pas qu'il existe de part et d'autre une volonté de paix mais je constate qu'actuellement elle se traduit seulement par des incantations. Je me demande si une solution est possible sans changement du système électoral israélien qui fait de tout gouvernement l'otage des plus radicaux.
Je vous remercie pour ces questions profondes et qui prouvent non seulement votre intérêt pour la situation au Proche-Orient mais aussi votre grande connaissance de sa complexité.
Pour ce qui concerne l'enquête à mener sur l'arraisonnement de la flottille pour Gaza, le gouvernement israélien souhaite publier toutes les informations. Il n'a rien à cacher et cette enquête lui offre l'occasion d'expliquer précisément ce qui s'est passé. Il est vrai que les photos qui ont été diffusées donnent une image très négative et ces photos valent des milliers de mots. Il faudrait pouvoir en montrer d'autres qui leur fassent contrepoids. Israël est fier de sa démocratie, de son Etat de droit, de la liberté de sa presse, même si cette dernière fustige régulièrement des personnalités politiques. Il ne faut pas oublier que le pays a aussi un pouvoir judiciaire fort. La commission d'enquête qui va être mise en place aura à sa tête un ancien juge de notre Cour suprême dont personne ne doute de l'indépendance. La création d'une commission d'enquête internationale aurait constitué non seulement une atteinte à la souveraineté nationale israélienne mais aussi un affront à sa démocratie. Cette semaine, les autorités britanniques ont publié un rapport d'enquête sur le « bloody sunday », qui a eu lieu il y a plus de trente ans : il aura donc fallu attendre trente ans pour savoir ce qui s'est réellement passé ! Notre enquête sera évidemment beaucoup plus rapide ! Le gouvernement israélien a voulu à la fois créer lui-même l'organe chargé de l'enquête et répondre aux préoccupations de la communauté internationale pour sortir de l'isolement dans lequel il se trouvait : pour la première fois, deux observateurs internationaux participeront aux travaux de la commission et pourront témoigner du respect par celle-ci des normes internationales.
Pour ce qui est de la situation à Hébron, je rappellerai qu'il y a trois jours, un policier israélien a été tué et trois autres ont été blessés. Depuis la constitution du gouvernement auquel j'appartiens, le 1er avril 2009, les deux tiers des points de contrôle en Cisjordanie ont été supprimés. Le mouvement de réduction du nombre des points de contrôle se poursuit, parallèlement au processus visant à renforcer M. Mahmoud Abbas. La croissance a atteint 8 % pendant l'année 2009 en Cisjordanie et de nombreux projets sont sur le point d'y être lancés, avec une participation accrue des autorités israéliennes à leur financement. Certains d'entre eux sont par exemple cofinancés avec la France, l'Allemagne et le Japon. Il est vrai que l'Union européenne a été le plus gros investisseur dans les territoires palestiniens. Alors que le monde entier souffre de la crise économique, il est urgent que les pays arabes investissent davantage dans cette région du monde. Ce n'est pas seulement une question d'argent mais aussi une question stratégique. Ces investissements témoigneraient de leur engagement au Proche-Orient. En effet, que font-ils véritablement pour résoudre le conflit ? Dix milliards de dollars, ce n'est rien pour l'Arabie saoudite mais cela permettrait à M. Mahmoud Abbas de beaucoup développer l'économie palestinienne ! Dans le passé, l'argument était que le grand nombre de points de contrôle n'incitait pas aux investissements en Cisjordanie mais beaucoup ont aujourd'hui été levés. Il faudrait vraiment que les pays arabes s'investissent davantage.
Il est incontestable que Yitzhak Rabin, avec lequel j'ai travaillé peu avant son assassinat, avait beaucoup fait pour le règlement du conflit. Mais M. Ehud Barak a aussi fait en 2000 une offre très généreuse à Yasser Arafat, laquelle prévoyait notamment la division de Jérusalem et le retrait des implantations, offre qui a été rejetée et suivie par le lancement de la deuxième Intifada. En 2008 à nouveau, M. Ehud Olmert a formulé des propositions très avantageuses à M. Mahmoud Abbas, qui les a lui aussi refusées.
Israël ne veut pas perdre l'amitié de la Turquie et utilise la voie diplomatique pour maintenir de bonnes relations. Si les autorités turques ont décidé de changer leur orientation, c'est le résultat du choix de l'AKP. Soit le gouvernement décide d'être raisonnable, soit il préfère tenir un discours afin de plaire à la rue arabe. J'ai beaucoup de mal à comprendre le lien qui existe entre l'AKP et le Hamas alors que celui-ci s'oppose aux intérêts de l'Autorité palestinienne, de l'Egypte et de l'ensemble des Etats du Golfe. Il est évident qu'Israël ne peut pas à lui seul infléchir les choix diplomatiques turcs. Il serait intéressant de comprendre ce que veut le Premier ministre Erdogan ! Qu'est-ce que la Turquie fera si l'IHH décide d'affréter une nouvelle flottille pour Gaza ? Acceptera-t-elle de faire pression sur le Hamas, de concéder des gestes en direction de l'Autorité palestinienne et d'Israël ? Que penser du vote de la Turquie contre le nouveau train de sanctions décidées par le Conseil de sécurité ? Le Liban lui-même s'est abstenu car son vote reflète la position de la Ligue arabe pour laquelle l'Iran constitue une véritable menace. Pourquoi la Turquie a-t-elle fait un choix différent ? Il est bien difficile d'apporter des réponses à toutes ces questions.
La barrière de sécurité a été construite après que plus d'un millier d'Israéliens aient trouvé la mort et alors que les attentats suicides se multipliaient. Cette construction, qui n'est que partiellement maçonnée, pourra très facilement être détruite dès qu'une solution de paix sera mise en oeuvre. Elle a permis de faire disparaître les attaques suicides. Son objectif est purement sécuritaire ; il ne vise pas à séparer les peuples. La persistance des attentats rendait le processus de paix impossible. Une fois que celui-ci aura abouti, la clôture sera levée.
L'alliance stratégique entre Israël et les Etats-Unis est très importante pour la stabilité régionale, tout comme le sont de bonnes relations entre Israël et l'Union européenne. Quand les forces radicales de la région verront qu'Israël reçoit l'appui moral de l'Occident, elles seront moins tentées par des solutions extrêmes et davantage ouvertes à des compromis. Israël a une volonté réelle de parvenir à un accord global avec les Palestiniens, en rétablissant des négociations directes. Sur le terrain, la situation est simple : 80 % des colons israéliens vivent sur 8 % du territoire de la Cisjordanie. Pour résoudre la question des implantations, il suffit d'intégrer cette petite partie de territoire à Israël contre la cession de la même surface de territoire aux Palestiniens. Même le cas de Jérusalem peut être réglé selon diverses modalités.
Pour ce qui est des inconvénients du système électoral israélien, il convient de respecter le droit à l'autodétermination du peuple d'Israël, Etat démocratique et juif, comme il faut respecter celui des Palestiniens. Dès 1947, la résolution 181 de l'Assemblée générale des Nations unies parlait d'une division entre un Etat juif et un Etat arabe. Un Etat juif ne signifie pas un Etat religieux. Le judaïsme est en effet à la fois une nationalité, une ethnicité, une tradition et une civilisation vieille de 4000 ans. Il ne se réduit pas à l'observance de préceptes religieux. Mais il est vrai qu'il n'y a pas de séparation entre la religion et l'Etat en Israël.
Je suis moi-même entré en politique pour changer le système électoral afin que le gouvernement israélien puisse être responsable et plus efficace. Le fait qu'un large spectre politique participe à un gouvernement est un point positif pour la représentativité de ce dernier mais celle-ci ne doit pas faire obstacle à sa capacité à gouverner. En 63 ans, notre pays a connu 32 gouvernements, soit une durée moyenne inférieure à deux ans pour chacun d'entre eux ! Mais seule la Knesset peut décider de changer le système électoral ; or de nombreux petits partis y siègent actuellement et s'opposent à toute évolution. Seule la population, qui est aujourd'hui consciente des problèmes posés par ce système électoral, peut décider d'en changer en faisant en sorte de donner plus de voix aux principaux partis, dont celui auquel j'appartiens, afin que la coalition gouvernementale ne dépende plus des petits partis et puisse donc faire changer le système.
En conclusion, je ne peux que former des voeux pour que mon pays soit à nouveau considéré comme la « petite France » du Moyen-Orient !
La séance est levée à douze heures quarante-cinq.