Examen de la proposition de résolution européenne sur la réforme de la gouvernance de la politique extérieure de l'Union européenne
La séance est ouverte à dix heures trente.
La commission examine, sur le rapport de Mme Nicole Ameline et de M. Gaëtan Gorce, la proposition de résolution européenne sur la réforme de la gouvernance de la politique extérieure de l'Union européenne (n° 2632).
Nous nous réunissons à nouveau ce matin, après nos échanges de mardi dernier, pour nous prononcer sur le Service européen d'action extérieure, qui a fait hier l'objet d'une résolution adoptée par la commission des affaires européennes.
Je vais laisser la parole à la rapporteure Nicole Ameline pour exposer l'équilibre général de cette proposition de résolution et nous présenter les quelques modifications qui sont apportées par notre commission.
Je rappelle qu'à la fin de cette séance nous procéderons à un vote sur ce qui deviendra la proposition de résolution de la commission des affaires étrangères sur le Service européen d'action extérieure. Les rapporteurs de notre commission et les auteurs de la proposition soumise à la commission des affaires européennes, se sont entendus pour aboutir à une version qui recueille l'approbation de tous.
Je rappelle également qu'il s'agit là d'un sujet très important – le service diplomatique de l'Europe. Cette idée, à l'origine ardemment défendue par la France, constitue désormais une des innovations du Traité de Lisbonne. Nous sommes aujourd'hui à l'étape de la mise en place de ce service et j'estime que notre commission ne pouvait être absente de cette réflexion.
L'objectif de cette proposition de résolution que je souhaite que nous adoptions est d'exprimer le soutien de l'Assemblée nationale à la position française dans les négociations en cours. Le sujet est très institutionnel et assez technique mais je tenais à rappeler l'objectif politique de notre démarche. Si le texte était adopté ce matin, nous étudierions ensuite l'opportunité d'en débattre en séance publique.
Nous sommes saisis d'une proposition de résolution adoptée par la Commission des affaires européennes qui reprend l'intégralité des propositions que Gaëtan Gorce et moi-même avions formulées à titre personnel. Je rappellerai brièvement l'équilibre de ce texte.
Le premier point est un appel à la raison, pour dépasser le conflit idéologique entre fédéralisme et intergouvernementalisme, et pour avancer dans la mise en oeuvre du traité de Lisbonne. Nous apportons ensuite notre soutien à la position du Gouvernement dans les négociations en cours. Nous détaillons les éléments de proposition dans la résolution, qui rappelle notamment la position française attachée à l'équidistance du nouveau service entre la Commission européenne et le Conseil.
Le cinquième point doit retenir l'attention. La commission des affaires étrangères, comme la commission des affaires européennes, a exprimé le souhait d'intégrer d'autres politiques au champ de compétences reconnu à la haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, en y incluant notamment la politique de voisinage, mais également les questions d'élargissement et d'aide au développement. Notre but est d'avoir, pour la mise en place du service d'action extérieure, une démarche construite et cohérente.
Nous souhaitons que la convergence des stratégies s'accompagne d'une convergence des instruments financiers. La haute représentante doit donc être associée à toutes les discussions de la Commission européenne portant sur ces sujets.
Nous proposons, dans le neuvième point, d'éviter les doubles emplois et les dépenses redondantes, faisant par là écho aux inquiétudes exprimées lors de notre réunion de commission de mardi sur le service européen d'action extérieure.
Ainsi, le format du service pourrait, à moyen terme, osciller entre 7 000 et 8 000 postes. Ce chiffre correspond à un fonctionnement à pleine maturité, et intègre tous les personnels, y compris les employés locaux des délégations de l'Union dans le monde. La Commission européenne affecterait 2 150 personnes au nouveau service, dont 800 cadres A, et 1 000 personnels de support. Le secrétariat général du Conseil, pour sa part, fournirait 300 cadres A. Les Etats membres, en moyenne, pourraient détacher entre 300 et 350 cadres A, pour un total général, à terme, je le répète, d'environ 8 000 personnes.
Face à cet effort non négligeable, notre proposition de résolution insiste sur la nécessité d'éviter les doubles emplois et les dépenses redondantes pouvant affecter le budget européen. Nous demandons également, comme le président Poniatowski l'avait souhaité, que la mise en place du nouveau service soit l'occasion de lancer une réflexion sur la nécessaire rationalisation des réseaux consulaires européens.
Nous demandons également qu'un processus de convergence des politiques étrangères voie le jour, reprenant l'une des pistes avancées par la commission des affaires européennes.
Nous demandons enfin un renforcement des liens entre les Parlements nationaux afin que ceux-ci soient partie prenante de cette évolution, et, dans le même but, le développement de relations spécifiques entre la haute représentante et les parlements nationaux.
Enfin, nous nous prononçons en faveur de l'organisation d'une déclaration annuelle sur « l'état de l'Union européenne ».
Je salue le travail accompli par Mme Elisabeth Guigou, puisque la résolution est basée sur sa proposition, dont elle était rapporteure devant la commission des affaires européennes conjointement avec notre collègue Yves Bur. Ce texte a été enrichi par Mme Nicole Ameline et M. Gaëtan Gorce. La résolution, sans être révolutionnaire à proprement parler, permet d'apporter un soutien à la position française dans les négociations en cours. Il est donc crucial que nous puissions l'adopter.
Je remercie les rapporteurs d'avoir utilisé mon texte comme base de leur travail, et d'être arrivés à une version avec laquelle je suis entièrement d'accord, quelques corrections de forme venant d'être apportées.
Il est important de rappeler que le service européen d'action extérieure, prévu par le traité de Lisbonne, est un progrès, même s'il ne résout pas toutes les difficultés rencontrées lorsqu'il s'agit de définir une position commune pour l'Europe. Celle-ci est très diverse, composée d'Etats eux-mêmes divers, parmi lesquels quatre pays neutres, deux Etats dotés de la force nucléaire, deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies… De plus, certaines dimensions de l'action extérieure, notamment les questions militaires, restent étroitement liées à la souveraineté nationale.
Le progrès réside donc dans la capacité d'unifier la direction de l'action extérieure de l'Union, ce qui n'est pas la même chose que la mise au point d'une politique étrangère européenne unique, mais permettra de bâtir plus facilement des positions communes sur les sujets prioritaires comme l'évolution des Balkans ou la situation au Proche-Orient. Sur ce type de sujets, il est indispensable que la haute représentante puisse définir les priorités de l'Europe.
J'approuve les positions françaises dans la négociation, car elles permettent de soutenir une vision ambitieuse du nouveau service, quand M. Barroso faisait tout pour réduire son importance.
Le fait que la haute représentante ne dirige pas la politique de voisinage reste pour moi un véritable problème, qu'il est légitime de soulever et de critiquer. Que la haute représentante n'ait pas la main sur l'élargissement et l'aide au développement, qui sont des occupations à plein temps, me paraît moins choquant, mais elle devrait, dans ces domaines, disposer d'un pouvoir de coordination, y compris dans les matières commerciales.
Enfin, il me paraissait indispensable de prévoir le contrôle de ce nouveau service par les parlementaires, ce à quoi la résolution pourvoit, en demandant des pouvoirs à la fois pour le Parlement européen mais aussi pour les parlements nationaux.
J'avais quelques remarques formelles mais elles ont été prises en compte dans la version définitive de la proposition de résolution qui nous a été distribuée ce matin. Dès lors, tout en insistant sur le fait qu'il nous faille rester lucides sur les attentes que nous pouvons légitimement formuler concernant le futur service d'action extérieure, j'estime que nous devons apporter notre soutien au processus enclenché, sous peine de voir le Parlement européen réduire encore davantage les quelques acquis enregistrés.
Le texte présenté aujourd'hui est complètement nouveau, alors qu'il nous avait été dit que nous parlerions de celui discuté avant-hier !
Nous nous prononçons sur le texte de la commission des affaires européennes que nos rapporteurs proposent de modifier.
Nous avons discuté du sujet avant-hier en conclusion des travaux que M. Gaëtan Gorce et moi-même avons menés comme rapporteurs d'information sur le Service européen d'action extérieure. Le nouveau Règlement ne permettant pas à une commission permanente d'adopter proprio motu des propositions de résolution européennes, nous avons déposé une proposition résolution avec M. Gaëtan Gorce, à titre personnel, mais, saisis d'une proposition de résolution de la commission des affaires européennes allant dans le même sens, nous avons repris ce texte.
Si la commission des affaires étrangères ne peut se prononcer sur des questions de politique européenne, c'est très grave. Notre commission doit pouvoir déposer des propositions de résolution sur tous les sujets !
La commission des affaires étrangères est seule à se prononcer au fond sur les propositions de résolution européennes qui entrent dans son champ de compétence, et à décider de leur éventuel examen en séance publique. Les membres de notre commission peuvent également déposer des propositions de résolution à titre individuel.
Nous pouvons le demander, mais il n'est pas dit que la conférence des présidents l'inscrira à l'ordre du jour. Si nous adoptons ce texte aujourd'hui, soit nous demandons son inscription à l'ordre du jour et l'Assemblée nationale pourrait être amenée à se prononcer, soit nous ne demandons pas cette inscription et la résolution est réputée être adoptée.
Comme toute résolution, ce texte n'a pas force de loi, mais c'est un signe politique fort qui s'imposera. La résolution sera publiée et permettra de faire connaître la position de la commission des affaires étrangères ou, dans l'éventualité d'un débat en séance, celle de l'Assemblée nationale dans son ensemble.
Il me semble important que le Parlement français fasse connaître sa position au Parlement européen. On sait quelle est la position de ce dernier, qui ne cesse de vouloir augmenter son pouvoir de contrôle. On peut comprendre, du reste, cette logique institutionnelle. En parallèle, le même Parlement européen se fait gloire de rechercher des accords avec les parlements nationaux. Si nous ne sommes pas d'accord avec certains aspects de sa position, par exemple en ce qui concerne la haute représentante, cette résolution peut avoir un réel effet pour le signifier.
Je découvre aujourd'hui que la politique de voisinage n'appartient pas au portefeuille de la haute représentante. Je ne le comprends pas. La politique commerciale est une compétence traditionnelle de la Commission et il est compréhensible que ce ne soit pas du ressort de Mme Ashton. La question de l'élargissement n'est pas non plus choquante, c'est un processus qui est différent d'une politique extérieure, quasiment une politique interne, en fait. Mais en ce qui concerne l'aide publique au développement – que l'Union européenne mène à défaut d'avoir une politique étrangère – et la politique de voisinage, c'est un problème grave qu'elles ne soient pas toutes deux dans le champ de compétences de la haute représentante.
Nous sommes bien d'accord : c'est justement l'un des principaux éléments de la proposition de résolution, aux points 5 et 7.
Il existe beaucoup de formules pour exprimer son mécontentement. Vous avez hélas choisi les plus douces ici, je le regrette. Je suis notamment intervenu dans le débat de mardi dernier sur la question des effectifs. Mme Nicole Ameline a fait des efforts pour me rassurer, mais elle a échoué : on en reste à quelque 8 000 personnes. J'aurais voulu que la résolution soit marquée du souhait de la commission des affaires étrangères de voir le Gouvernement nous rendre compte régulièrement et de veiller à la maîtrise des effectifs du SEAE.
Ce n'est pas extraordinaire que d'arriver à cet effectif ! Le point 9 porte précisément sur la question de la maîtrise des emplois et des coûts. J'ajoute que 8 000 personnes, ce n'est jamais que la moitié de ce que des pays comme le nôtre ou le Royaume-Uni consacrent à leurs services diplomatiques.
Mais ce sont des pays qui ont des politiques étrangères ! Ce n'est pas le cas de l'Union européenne.
Cet échange a été très utile pour mon information. En cette veille de 18 juin, je préfère, comme Européen convaincu, que l'on soit aujourd'hui à la table des négociations avec nos amis européens. La mise en oeuvre des politiques européennes et de la gouvernance est difficile, mais pour y parvenir la méthode et l'organisation du SEAE sont complexes. Le texte que l'on nous propose aujourd'hui est nouveau. Nous avons eu des éclaircissements, qui restent partiels. Il ne faut pas que le SEAE se construise au détriment du ministère français des affaires étrangères et de notre appareil diplomatique. On parle beaucoup de redéploiement d'effectifs. Dans le cadre de nos délibérations budgétaires, ici même, nous disons souvent qu'il faut éviter de diminuer les moyens du ministère. Le fait que la haute représentante soit britannique doit également nous inciter à la vigilance, compte tenu du faible enthousiasme du Royaume-Uni pour la construction européenne.
Pour le reste, je suis d'accord avec le pas en avant qui a été fait. Le SEAE est certes un progrès, mais je partage la préoccupation de notre collègue Hervé de Charette et je souhaite qu'il y ait un débat à l'Assemblée nationale, qui soit l'occasion d'enrichir le texte. Si celui-ci constitue une avancée, j'insiste sur le fait que ce processus ne doit pas conduire à l'affaiblissement de la diplomatie française, dans la mesure où il n'y a pas de diplomatie européenne.
Lors de la prochaine réunion de la Conférence des présidents, je porterai cette demande pour qu'un débat soit inscrit à l'ordre du jour.
J'ai été perplexe lors de notre précédent débat mais je trouve aujourd'hui un texte bien meilleur et je suis d'accord avec les divers ajouts qui ont été apportés en réponse à nos préoccupations. Je partage l'avis de M. Lecou : il ne faut pas déshabiller la France pour habiller l'Union européenne qui n'est pas encore tout à fait mature en matière de politique étrangère.
Je souscris à cette proposition de résolution qui est un pas en avant vers plus d'Europe et qui répond au Traité de Lisbonne dont la France a été un promoteur. Le souci que le président de notre commission porte aux réseaux consulaires est très positif. Il faut une complémentarité entre la diplomatie française et celle de l'Union européenne car les enjeux sont multiples. L'Union européenne doit pouvoir être entendue. Quelle est sur ce sujet la position du Sénat ?
Toutes les précisions ont été données sur les changements insérés dans le texte, qui répondent aux préoccupations de tous. Quant à la question des effectifs, pour ce qui concerne le « contingent » français, elle est actuellement à l'étude entre Bercy et le Quai d'Orsay. Il y aura donc matière à examen lors du débat budgétaire. Le nombre de fonctionnaires français susceptibles d'être détachés est faible voire, selon la manière dont on analyse les choses, insuffisant. Deux lectures sont possibles en effet : on peut certes voir dans l'avènement de ce nouveau service un risque d'affaiblissement de notre diplomatie ; on peut aussi le considérer comme un renforcement de la capacité de faire prendre en compte nos préoccupations au sein de l'Union européenne. Je suis d'accord pour noter qu'il y a des insuffisances, mais je veux aussi relever la volonté politique partagée sur tous les bancs : aider progressivement à l'affirmation d'une politique étrangère de l'Union européenne. Il est important que le Parlement français dise son souci de faire de cette action extérieure une priorité. Ne nous laissons pas intimider par ceux qui à Bruxelles ont cherché à réduire le poids de la haute représentante et restons sur une position cohérente, quels que soient les gouvernements en place.
Je souhaite m'abstenir. J'étais réservé sur le précédent texte qu'il m'aurait été difficile de voter. Celui-ci est bien inspiré mais il est trop faible dans sa tonalité. Si le Gouvernement doit être prudent compte tenu du processus de négociation dans lequel il est engagé, nous-mêmes, parlementaires, avons les mains libres. Cette résolution ne dit pas assez clairement ses intentions et ses objectifs et ne va donc pas assez loin. Au-delà, il faudrait défendre une autre idée d'un ministre européen des affaires étrangères, et nous restons ici dans la logique de l'Union européenne traditionnelle, administrative. Enfin, je ne suis pas d'accord avec l'hostilité traditionnelle française vis-à-vis du Parlement européen. C'est une institution fondamentale et il n'est pas utile d'ajouter une voix contre lui, alors que nous devrions en faire un partenaire.
Je regrette cette abstention de la part d'un Européen historique comme vous. On peut n'être pas absolument satisfait de la proposition de résolution, mais je la trouve forte, au contraire. Je ne partage pas votre impression d'une critique stérile à l'endroit du Parlement européen, que la proposition de résolution associe étroitement. Ce texte va loin dans l'esprit du Traité de Lisbonne.
Je partage le sentiment de M. Hervé de Charette et je m'abstiendrai aussi. Les textes se contentant de former des voeux ne sont jamais très utiles.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
La commission adopte la proposition de résolution européenne ainsi modifiée.
La séance est levée à onze heures vingt.