La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
Au vu de la situation à Gaza, suite à l'arraisonnement par la marine israélienne de plusieurs navires, il serait important que notre commission soit tenue informée de l'évolution de la situation et décide de ses actions à venir. Une mission devrait être créée, et nous devrions procéder à des auditions.
Je ne suis pas resté inactif sur ce dossier. Nous étions partis, autour du président Accoyer, en janvier 2009 pour nous rendre compte de la situation, et nous étions donnés rendez-vous l'année suivante pour constater l'évolution sur place. Depuis février 2010, nous n'avons pas réussi à organiser ce déplacement, faute d'avoir la certitude de pouvoir accéder à Gaza aux dates envisagées. J'ai à nouveau évoqué cette question avec le président Accoyer hier, et nous allons essayer de nous rendre sur place prochainement.
Concernant les auditions à venir, j'ai invité le vice-ministre israélien des affaires étrangères à être entendu par la commission lors de sa visite à Paris le 17 juin. Je souhaite vivement que cette audition puisse avoir lieu, si tel n'était pas le cas pour des problèmes d'agenda, la commission entendrait l'ambassadeur d'Israël la semaine prochaine.
Je voudrais que le ministère des affaires étrangères et européennes apporte quelques précisions au débat. Il est faux de dire que des navires de guerre n'ont pas le droit d'intervenir en haute mer. Nos bâtiments le font tous les jours dans le cadre de la lutte contre la piraterie. Il serait utile que nous ayons une note d'information faisant le point sur la situation juridique des interventions en haute mer.
Le gouvernement a été interrogé hier à quatre reprises au cours de la séance de questions. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution à l'unanimité qui condamne clairement les actions menées lundi par Israël, et demande la constitution d'une enquête internationale.
En tant que commission des affaires étrangères, nous ne saurions nous limiter à l'étude de cet événement particulier. Nous devons nous intéresser au contexte général, et notamment au blocus et à ses conséquences !
Je dois apporter une précision, même si ce n'est pas forcément le lieu et le moment d'avoir ce débat. La piraterie est le seul crime maritime reconnu internationalement, et la lutte contre ce fléau est le seul motif qui permet a priori l'intervention militaire en haute mer. Hors cette exception, la règle est que l'on ne saurait intervenir contre un bateau battant pavillon d'un autre pays.
Nous ne sommes pas réunis pour discuter de l'événement de lundi, qui a fait l'objet d'une condamnation internationale.
La situation a beaucoup évolué en 24 heures. Nous devons désormais évaluer les actions du gouvernement français, mais également être une force de proposition. Le groupe GDR demande donc l'organisation d'un débat, non pas seulement pour juger, mais aussi pour proposer et construire des solutions alternatives.
Je m'associe à la demande de mon collègue Lecoq relative à l'organisation d'un débat. Je voudrais soulever un autre problème.
Le ministre des affaires étrangères a repoussé la date de son audition par notre commission. Prévue le 16 juin, celle-ci devrait avoir lieu finalement le 29 juin. Il n'est pas possible de continuer ainsi à différer une audition quand l'actualité s'emballe ! Il nous faut entendre le ministre.
Le risque encouru par ces navires était connu de tous, bien avant l'intervention israélienne. Dans ces conditions, je ne comprends pas que l'on ait laissé faire.
On ne parle que du blocus israélien sur Gaza, et jamais du fait que l'Egypte impose elle aussi un blocus.
Le problème, c'est que le ministère des affaires étrangères ne nous tient pas informé. On ne va pas attendre que le ministre, après avoir repoussé l'audition de Pâques à l'Ascension, nous propose la Trinité !
Nous pourrions également entendre le Premier ministre, qui a l'air très au fait des évolutions de la situation.
Le Ministre est soumis, comme nous tous, à des impératifs d'agenda mais je lui ferai part de votre impatience.
Échange de renseignements en matière fiscale : accord avec Jersey, accord avec Gibraltar, accord avec Guernesey et accord avec l'Île de Man
La commission examine, sur le rapport de M. Alain Cousin, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Jersey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale et à l'imposition des pensions (n° 2320), le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Gibraltar relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (n° 2327), le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Guernesey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (n° 2333), et le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'île de Man relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (n° 2334).
Je ne reviendrai pas sur le contexte dans lequel ont été signés les accords sur lesquels portent ces projets de loi dans la mesure où il a été présenté la semaine dernière par notre collègue Jacques Remiller.
La signature de ces accords illustre très bien la volonté réaffirmée en 2009 par la communauté internationale de lutter contre ce que l'on appelle communément les « paradis fiscaux » : des négociations commencées depuis des années se sont soudainement accélérées, d'autres ont été menées à bien en quelques semaines. Ainsi, la négociation des accords avec Jersey, Guernesey et l'Île de Man, entamée en 2004, a été conclue en mars 2009 ; celle de l'accord avec Gibraltar, lancée mars 2009, a permis une signature fin septembre de la même année.
Dans la mesure où la négociation des accords avec Jersey, Guernesey et l'Île de Man a commencé bien avant que la crise financière ne conduise à exercer une forte pression contre les territoires non coopératifs, la marge de manoeuvre des négociateurs français était restreinte et ces accords, qui sont parmi les premiers de ce type signés par notre pays, restent très proches du modèle de l'OCDE. Celui conclu avec Jersey contient en outre un article relatif à l'imposition des pensions, inséré comme contrepartie à la demande de Jersey. Le rapport de force ayant changé, l'accord avec Gibraltar comporte en revanche des stipulations plus favorables à l'échange de renseignements fiscaux que le modèle originel.
En dépit de ces différences – d'une portée qui reste relative – la commission a choisi de consacrer un rapport unique à ces quatre accords dans la mesure où ils concernent des territoires situés en Europe liés d'une manière ou d'une autre au Royaume-Uni. Un autre rapport, que notre collègue Jean-Pierre Kucheida présentera dans quelques minutes, porte sur les quatre accords conclus entre la France et quatre territoires britanniques des Caraïbes.
Vous trouvez, dans mon rapport, la présentation du statut de chacun de ces territoires et des données sur leur situation économique. Je rappellerai seulement que Jersey, Guernesey et l'Île de Man sont des dépendances de la Couronne britannique qui ne dépendent du Royaume-Uni que pour leurs affaires extérieures. Ils ne font pas partie de l'Union européenne. Gibraltar, en revanche, est un territoire d'outre-mer du Royaume-Uni, et fait partie de l'Union européenne, mais pas de l'espace douanier communautaire ; il est aussi exempté de certaines politiques communautaires dont la politique agricole commune et les politiques fiscales. Chacun de ces territoires a son propre Parlement et peut, sur autorisation de Londres, signer des traités internationaux dans certaines matières, comme l'échange de renseignements fiscaux.
Même si certains d'entre eux (surtout Jersey et Gibraltar) vivent en partie du tourisme, ces territoires se singularisent par le fort développement du secteur financier, favorisé par une fiscalité légère et l'absence de coopération internationale de la part des administrations fiscales. Le secteur financier assure ainsi plus de la moitié du PIB de Jersey et de l'ordre du tiers de celui de Gibraltar ou de l'Île de Man. A Jersey, en 2008, quarante-sept banques hébergeaient 197 milliards de livres de dépôts et 1 452 fonds, d'un montant total de 240 milliards de livres, étaient administrés depuis l'île. Les quarante-quatre banques de Guernesey géraient des dépôts d'un montant total de 69,96 milliards de livres. A Gibraltar, on dénombre dix-neuf banques, vingt-neuf sociétés d'investissement, soixante-douze fiduciaires professionnels et environ cent vingt-six compagnies d'assurances. Les actifs financiers ont doublé entre 1998 et 2008, passant de 6,4 à 12,3 milliards de livres.
Considérés comme non coopératifs, ces territoires ont décidé de signer des accords permettant l'échange de renseignements fiscaux afin de sortir de cette catégorie. En effet, toute « juridiction » ayant signé douze accords de ce type n'est plus considéré comme non coopératifs. Ainsi, Guernesey, l'Île de Man et Jersey ont signé la plupart de leurs douze accords entre fin 2008 et mars 2009, ce qui leur permettait de figurer sur la liste blanche de l'OCDE lors de sa publication au 2 avril 2009. Gibraltar pour part est passé de la liste grise à la liste blanche après leur première publication.
Ces quatre accords présentent peu de différences. Les plus importantes se trouvent dans l'accord avec Gibraltar, qui contient des dispositions plus favorables au renforcement de la lutte contre les « paradis fiscaux ».
En concluant l'accord, les autorités compétentes des deux parties « s'accordent une assistance par l'échange de renseignements vraisemblablement pertinents pour l'application et l'exécution de la législation interne des Parties relative aux impôts visés par le présent accord ». Il est précisé que ces renseignements peuvent concerner n'importe quelle étape de la procédure fiscale.
Les accords conclus avec les Îles anglo-normandes et l'Île de Man comportent la liste des impôts sur lesquels les échanges de renseignement portent. Côté français, les deux premiers accords comportent la même liste sur laquelle figurent : l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, les taxes sur les salaires, l'impôt de solidarité sur la fortune, les impôts sur les successions et les donations, les droits de mutation à titre onéreux, la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que toute retenue à la source relative aux impôts susmentionnés. La liste retenue dans l'accord avec l'Île de Man est identique, à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée, qui relève d'un protocole faisant partie intégrante de l'accord.
Les listes des impôts de l'autre partie sont évidemment plus courtes dans la mesure où la fiscalité y est peu développée : pour Jersey, sont mentionnés l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les biens et services ; pour Guernesey, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les plus-values immobilières. Sur ces deux territoires, s'applique aussi un impôt sur les sociétés qui est donc exclu du champ d'application de l'accord. Pour l'Île de Man, sont visés les impôts sur les revenus ou les bénéfices, qui sont les seuls impôts recensés sur l'île.
Comme mentionné supra, l'accord avec l'Île de Man est complété par un protocole relatif à la taxe sur la valeur ajoutée. Il permet l'utilisation d'informations fournies en application de l'accord pour la détermination, l'établissement ou le recouvrement de cette taxe ou pour le contrôle ou les poursuites en cette matière, sous réserve du consentement de la partie requise.
L'accord avec Gibraltar ne présente pas d'énumération des impôts visés, mais une mention générale : il vise l'ensemble des impôts existants prévus par la législation interne de chacune des parties, ainsi que les impôts de même nature établis après la date de signature de l'accord. Cette disposition constitue une amélioration apportée au modèle d'accord puisque l'accord signé couvre tous les impôts, y compris ceux qui seraient créés à l'avenir.
Chaque accord indique quels renseignements l'Etat requis est tenu de fournir et quels éléments la demande doit contenir. Si l'Etat requis ne dispose pas des renseignements demandés, il doit prendre les mesures nécessaires pour les collecter. Doivent notamment être fournis des renseignements sur les propriétaires juridiques et les bénéficiaires effectifs des sociétés, sociétés de personnes, fondations et fiducies, à condition, pour les sociétés cotés et les dispositifs de placement collectif, que ces informations puissent être obtenues « sans soulever des difficultés disproportionnées ».
Une fois la demande formulée conformément à ces stipulations, l'autorité compétente de la partie requise « met tout en oeuvre pour transmettre dans les plus brefs délais les renseignements demandés à la partie requérante ». L'accord avec Gibraltar est le seul à fixer des délais précis : l'autorité requise a 60 jours pour aviser l'autorité requérante d'une éventuelle lacune de la demande ; elle dispose ensuite de 90 jours pour fournir les éléments demandés ; une fois ce délai passé, elle doit, le cas échéant, indiquer à la partie requérante les raisons pour lesquelles elle n'est pas en mesure de répondre à sa demande. Ces stipulations constituent un réel progrès par rapport aux accords conclus antérieurement.
Les accords prévoient aussi la possibilité pour une partie d'autoriser des agents du fisc de l'autre à entrer sur son territoire pour interroger des personnes, examiner et copier leurs documents, sous réserve d'avoir obtenu le consentement préalable de ces personnes. A l'exception de celui avec Jersey, les accords prévoient aussi que l'autorité d'une partie peut autoriser un agent du fisc de l'autre partie à assister à un contrôle fiscal conduit sur son territoire.
Seuls les articles sur l'échange de renseignements créent des obligations pour l'Etat requis, lesquelles sont limitées par plusieurs stipulations. Un article fixe en particulier les cas dans lesquels une demande peut être rejetée. Il s'agit d'abord de deux cas dans lesquels les stipulations relatives à l'échange de renseignements ne sont pas respectées : la demande n'est pas soumise conformément à l'accord ou la partie requérante n'a pas utilisé pour obtenir ces renseignements « tous les moyens disponibles sur son propre territoire, hormis ceux susceptibles de soulever des difficultés disproportionnées ».
Figure ensuite un cas de refus mentionné traditionnellement dans les accords internationaux organisant une coopération dans un domaine ou un autre : il s'agit de permettre à une partie de refuser de divulguer des informations lorsque cette divulgation serait contraire à l'ordre public. Une demande peut aussi être refusée si les principes de symétrie et de non-discrimination ne sont pas respectés, c'est-à-dire si une partie demande des informations que son droit ou sa pratique nationale ne lui permettrait pas d'obtenir sur son territoire ou si les renseignements demandés seront utilisés de manière discriminatoire au détriment d'un ressortissant de la partie requise par rapport à un ressortissant de la partie requérante. Le même article exclut qu'une demande puisse être rejetée au motif que la créance fiscale dont elle est l'objet est contestée, mais il précise que l'accord « n'oblige pas une partie à fournir des éléments couverts par le legal privilege ou des renseignements qui divulgueraient un secret commercial, industriel ou professionnel ou un procédé commercial », tout en indiquant que la communication de renseignements bancaires ou relatifs à la propriété ou aux bénéficiaires de structures plus ou moins complexes ne peut pas être refusée pour ce seul motif.
Pour ce qui est de la prise en charge des frais, la logique est celle retenue dans le modèle de l'OCDE : les coûts ordinaires (frais d'administration ordinaires et frais généraux) sont pris en charge par la partie requise, les frais extraordinaires « directement exposés aux fins d'assistance » le sont par la partie requérante. Il est à noter que, dans l'accord avec Gibraltar, le remboursement à la partie requise des frais extraordinaires n'est pas obligatoire ; la partie requise a simplement la faculté de le demander.
Les droits des contribuables ne sont naturellement pas oubliés dans ces accords. L'article 1er de chacun d'eux affirme ainsi : « Les droits et protections dont bénéficient les personnes en vertu des dispositions législatives ou réglementaires ou des pratiques administratives de la partie requise restent applicables dans la mesure où ils n'entravent ou ne retardent pas indûment un échange effectif de renseignements. » Les règles de confidentialité et d'entrée en vigueur des stipulations de l'accord sont aussi respectueuses des droits des contribuables.
L'accord avec Jersey comporte en outre, à la demande des autorités de l'archipel, un article régissant l'imposition des pensions versées par une partie à un résident de l'autre partie. Il s'agit éviter les situations de double imposition ou de double exonération des pensions et revenus assimilés en prévoyant que ces revenus soient imposés exclusivement dans le lieu de résidence du bénéficiaire, sous réserve que l'Etat de résidence exerce effectivement ce droit.
L'étude d'impact précise que ces stipulations devraient plutôt concerner les citoyens de Jersey résidant en France qui, aujourd'hui, s'acquittent des impôts français mais paient également des impôts à Jersey. En application de l'accord, ils ne paieront plus des impôts qu'en France. Mais la direction de finances publiques n'a aucune idée de leur nombre.
Selon les informations fournies par l'ambassade de France à Londres, sur les 850 Français résidant à Jersey inscrits sur le registre des Français à l'étranger, 230 auraient plus de 65 ans. On estime à environ 2 000 le nombre total de Français y résidant en permanence.
La conclusion de ces accords relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale avec des territoires encore considérés il y a peu comme non coopératifs est très importante pour eux, puisqu'elle leur a permis de sortir de cette catégorie et de retrouver une forme de respectabilité internationale. On observe à cet égard que l'accord avec Jersey signé le 19 mars 2009 a été ratifié par le Parlement du bailliage dès le 23 juillet suivant et que les autorités de l'Île de Man ont notifié le 18 juin 2009 l'achèvement des procédures internes nécessaires à l'entrée en vigueur d'un accord signé le 26 mars de la même année. Les autorités de Guernesey et celles de Gibraltar n'ont pas encore procédé à cette notification, mais il faut rappeler que l'accord avec le territoire d'outre-mer n'a été conclu que fin septembre 2009.
Pour la France, les enjeux ne sont pas du même ordre. Les bénéfices concrets – financiers – qu'elle peut en espérer sont impossibles à évaluer, aux dires mêmes du Gouvernement. Mais ces accords ont en tout état de cause valeur de symbole : toute la communauté internationale sera attentive à ce que les signataires respectent leurs engagements, ce qui suppose que les accords ne soient pas seulement signés mais aussi entrent en vigueur et soient appliqués le plus rapidement possible.
Un article des accords précise les cas où la partie requise peut refuser de donner des renseignements. A la lecture, il apparaît que ces cas sont nombreux et complexes. Ne craignez-vous pas que l'accord soit vidé de sa substance par ces stipulations ?
C'est la pression internationale sur ces territoires qui les amènera à évoluer. En cas de désaccord, il est possible de recourir à une procédure de règlement à l'amiable entre la France et ces territoires.
En tant que voisin des îles anglo-normandes, je sais que leurs autorités sont très attachées au maintien de leur secteur financier. Avant, c'était le tourisme et maintenant, c'est la finance qui représente le secteur le plus actif. Ils sont donc très soucieux de maintenir leur honorabilité.
Sur ces trois accords, comme sur tous les accords d'échanges de renseignements fiscaux, le groupe GDR a une position identique. Les intentions sont louables, mais on ne se donne pas les moyens de mettre en cause les paradis fiscaux et leurs comportements prédateurs.
La lutte engagée contre les paradis fiscaux lors du G20 de mars 2009 relève plus du simulacre que d'une réelle volonté politique.
La France a signé dans ce cadre 12 accords d'échange fiscal, dont 8 sont examinés ce matin, avec des micro-Etats prédateurs qui assoient leur richesse sur les pillage des finances publiques des pays riches mais aussi, ne l'oublions pas, des pays en développement. Le gouvernement français a choisi de blanchir les blanchisseurs de l'argent sale et de l'évasion fiscale sans obtenir de garantie réelle sur leur coopération.
Les listes de 2009, présentées comme une avancée par l'OCDE, existaient déjà en 2000, avec une efficacité nulle. La liste noire est aujourd'hui vide, la grise prend le même chemin. Pourtant, qui pourrait sérieusement prétendre que les paradis fiscaux ont disparu ?
Grâce à ces accords, la France a fait sortir les Îles Caïmans, les Bermudes, les Îles Vierges, Jersey et Guernesey des listes noire et grise de l'OCDE alors que leur économie conserve en tout point les caractéristiques d'un territoire non coopératif : 85 000 sociétés domiciliées aux Caïmans, 1 400 compagnies d'assurance aux Bermudes, 440 milliards d'actifs gérés à Jersey.
Les paradis fiscaux sont au coeur du fonctionnement actuel du capitalisme financier. La spéculation, les bonus sont la surface de la crise. Les paradis fiscaux sont la partie immergée de l'iceberg avec la moitié du commerce mondial qui y transite par le biais des prix de transfert et 10 000 milliards de capitaux par an.
En conclusion, nous voterons contre ces textes. Nous estimons que la moralisation du capitalisme est un objectif inatteignable. Malgré la bonne volonté des Etats, les paradis fiscaux ont un avenir radieux devant eux.
Je prends acte de la déclaration politique de François Asensi. Ses intentions sont louables, celles des accords le sont aussi : c'est le début d'une démarche qui a le mérite d'exister. Si ces accords ne sont pas suivis d'effet, les territoires risquent d'être de nouveau inscrits sur les listes grise et noire. Le pouvoir dissuasif des accords est par conséquent réel. Sans doute pourrait-on aller plus loin, mais à chaque jour suffit sa peine. C'est un pas important et la France qui, présidera le G20 prochainement, poursuivra son effort.
Il faut rappeler que jamais autant n'a été fait par un gouvernement français contre les paradis fiscaux. Cela dit, ces accords ne doivent pas seulement nous donner bonne conscience. Il faudra que nous ayons des rapports d'étape sur leur mise en application concrète.
Je prends bonne note de votre proposition, et je rappelle que, lors de notre réunion de la semaine dernière, nous avions décidé de suivre la mise en oeuvre de ces accords et de faire un rapport de suivi dans environ un an.
Je voudrais souligner le caractère très relatif de ces accords. Il s'agit d'informations sur demande, qui ne sont pas fournies automatiquement et dont la charge de la preuve appartient à la Partie qui en fait la demande. En d'autres termes, il faut déjà apporter la preuve d'informations étendues sur les soupçons que l'on peut avoir pour prétendre avoir des renseignements. C'est donc extrêmement limitatif quant à la possibilité d'effectuer des investigations. En deuxième lieu, un grand nombre de banques françaises se trouvent sur ces territoires. Dans quelle mesure ces établissements font-ils remonter les informations vers les autorités nationales ? Je propose qu'une mission d'information de l'Assemblée nationale soit constituée pour travailler prochainement sur ces aspects. Ensuite, je suis surpris de la lenteur des procédures de ratification de la part des territoires concernés et je m'interroge sur notre propre rapidité. Qu'en est-il enfin de la convention avec la Suisse ?
Il faut garder à l'esprit que l'on met actuellement en marche des dispositifs pour accompagner des bonnes volontés défaillantes. Quant à la présence des banques française, le focus est effectivement mis sur elles. La BNP de Jersey par exemple, a des liens très forts avec la France, qui a des exigences de réponses précises. J'ai peu d'inquiétudes. Sur la question des ratifications, ces textes datent de mars et septembre 2009 et le fait que l'on procède déjà à leur ratification de notre côté aura sans doute un effet incitatif sur les deux territoires qui n'ont pas achevé ce processus. Encore une fois, ces mécanismes ne sont pas parfaits mais constituent un pas en avant très positif et important sur ce qui se passe actuellement au niveau de la finance internationale.
C'est un premier pas, timide. Il ne faudrait pas oublier un troisième acteur, le Royaume-Uni, dont ces territoires sont des dépendances résultant du droit féodal et non des Etats souverains. Qu'en est-il précisément de la position du Royaume-Uni sur ces questions ?
Je voterai ces projets de loi visant à autoriser leur ratification avec un certain scepticisme quant à l'efficacité de ces accords. Ne se contente-t-on pas de se donner bonne conscience en jetant un voile pudique sur les mécanismes de la finance internationale ? Qu'en est-il de la Chine et de ses propres confettis ?
Le scepticisme est normal, et il permet d'avancer. Il me semble, encore une fois, que ces accords sont plus importants qu'on ne le dit et qu'ils vont dans le bon sens. Les territoires concernés les prennent d'ailleurs avec sérieux. Ils les attendaient, d'une certaine manière. Il faudra sans doute les améliorer, mais ils sont positifs.
Plusieurs accords ont été signés après le G20 de Londres. Quels seront les moyens de contrôle ?
Ils ont été évoqués. La pression internationale et l'évaluation de la mise en application de ces textes constituent des éléments très importants. C'est cette nouvelle attitude de la communauté internationale qui sera confortée par le G20.
On peut tout critiquer, à la fois l'absence d'accords et l'existence des accords. Il faut en tout cas se féliciter de ces textes. Il y a malgré tout un grand scepticisme, partagé, contre lequel il faudra lutter et les rapports d'étape seront à cet égard extrêmement utiles.
J'irai dans le même sens. C'est un tout petit progrès, pas très important, car on ne rattrape pas le retard qu'on a pris par rapport aux dispositions du début des années 2000. Par conséquent, si nous ne sommes pas extrêmement vigilants sur la manière dont ces textes seront appliqués, comme le disait à l'instant Daniel Garrigue, on n'avancera en rien et l'on reviendra même en arrière. On attend toujours que des mesures fortes soient prises au niveau européen. On attend toujours une directive sur l'épargne et la création d'une autorité de surveillance des marchés européens. On voit en parallèle s'esquisser une pression très forte de la part de tous les acteurs impliqués qui veulent ce retour en arrière. Ce sont donc de tous petits pas, qui ne concernent en rien la lutte contre le blanchiment de l'argent sale, par exemple. Il y a de grosses insuffisances dans ces accords. Il faudrait exiger un suivi sur les processus de ratification, sur la mise en place des mécanismes de contrôle et sur l'application qui en sera faite. Il faut maintenir une très forte vigilance. Depuis septembre 2008, nous avons entendu beaucoup de discours mais nous n'avons finalement pas vu beaucoup de réalisations concrètes.
Nous partageons tous le même point de vue quant à la nécessité d'avoir des rapports d'étape sur l'application de ces conventions. Le moment venu, nous apprécierons avec le bureau de la commission s'il est opportun de créer une mission d'information sur le sujet. J'y suis personnellement tout à fait favorable.
Nous pourrions utiliser aussi la possibilité qui nous est désormais offerte d'adopter des résolutions pour attirer l'attention du gouvernement sur cette indispensable vigilance.
Effectivement.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (nos 2320, 2327, 2333 et 2334).
La séance est levée à dix heures quarante.