Audition de M. Dov Zerah, dont la nomination à la direction générale de l'Agence française de développement (AFD) est envisagée par M. le Président de la République.
La séance est ouverte à dix sept heures.
Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Dov Zerah, dont la nomination au poste de directeur général de l'Agence française de développement est envisagée par le Président de la République.
Je rappelle que la dernière réforme de la Constitution en juillet 2008 a encadré le pouvoir de nomination du Président de la République en prévoyant au dernier alinéa de l'article 13 une procédure d'avis public des commissions parlementaires compétentes.
La loi organique relative à l'application de cet article ne fera l'objet d'un vote définitif que dans quelques semaines. Toutefois, vous le savez, les commissions compétentes ont d'ores et déjà entendu des personnalités pressenties, pour occuper des emplois concernés par cette nouvelle procédure, avant leur nomination en conseil des ministres.
La nomination du directeur général de l'AFD est la seule pour laquelle la commission des affaires étrangères aura compétence pour donner son avis. Mais aujourd'hui cette audition publique ne donnera lieu à aucun vote.
Le troisième mandat de M. Jean-Michel Severino est arrivé à échéance à la fin du mois d'avril et je demanderai à M. Zerah de nous présenter les orientations et les projets qu'il entend définir pour l'AFD.
M. Zerah, l'AFD ne vous est pas inconnue, non plus que le monde du développement, puisque je rappelle que vous avez notamment été directeur du cabinet de Michel Roussin, ministre de la coopération et directeur général délégué de l'agence, à une époque où elle se dénommait encore Caisse française de développement.
Je vous cède la parole, M. Zerah, pour une brève intervention sur votre projet institutionnel et plus largement, sur le rôle de l'AFD qui est devenue en quelques années un acteur majeur de l'aide publique au développement. A la suite de quoi, mes collègues et moi-même aurons évidemment des questions complémentaires à vous poser.
Merci, M. le Président. Je vais d'abord présenter mon parcours professionnel en insistant tout particulièrement sur les points qui justifient aujourd'hui ma candidature au poste de directeur général de l'AFD.
J'ai 55 ans. Bien que né à Tunis, il me faudra attendre ma scolarité à l'ENA pour voyager en Afrique, en dehors de la Tunisie. Grâce à un séminaire sur l'urbanisation dans les pays en développement, je découvre, en 1979 et 1980, cette problématique, ainsi qu'Alger, Abidjan et Dakar. J'écris alors mes trois premiers articles sur l'urbanisation de ces trois capitales.
Avant de devenir conseiller maître à la Cour des Comptes en 2007, mon cursus professionnel s'est déroulé en trois temps :
– De 1981 à 1993, j'ai eu un parcours classique à la Direction du Trésor jusqu'à ma nomination comme sous directeur.
De 1984 à 1986, j'ai effectué ma mobilité comme attaché financier à la Représentation permanente de la France auprès des Communautés européennes. J'ai notamment été chargé des problèmes agricoles et de l'aide au développement. Cela m'a permis de découvrir les politiques et mécanismes du Fonds européen de développement, et de participer aux travaux de tous les comités et notamment des instances auxquelles participent les pays ACP.
De 1989 à 1991, comme chef du bureau de la zone franc, j'ai été impliqué dans la défense de la parité du franc CFA, dans les opérations de restructuration bancaire, ainsi que dans le lancement des processus d'intégration régionale. A l'époque, plus qu'aujourd'hui, ce poste constituait une fonction essentielle du dispositif français de la politique d'aide au développement.
De 1991 à 1993, comme sous directeur des affaires bilatérales à la direction du Trésor, je découvre la coopération hors champ et les protocoles financiers. Ces fonctions me conduisent à négocier des protocoles avec les trois pays du Maghreb, les trois pays de la péninsule indochinoise, mais également des pays d'Afrique sub-saharienne non francophones, le Yémen ou des pays latino-américains.
J'ai été la cheville ouvrière du règlement des différends nucléaires que nous avions, alors, avec l'Iran et le Pakistan.
– De 1993 à 1999, j'ai dirigé les cabinets du ministre de la Coopération, M. Michel Roussin, de Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement, et de Mme Edith Cresson, commissaire européen chargée de la recherche, de l'innovation, de l'éducation, de la formation et de la jeunesse.
Durant deux ans, entre 1993 et 1995, j'ai été directeur délégué à la Caisse française de développement. De ces deux ans, je retiens principalement mes négociations sur l'installation de PROPARCO au Maroc et au Vietnam, ainsi que les conseils d'administration des deux Banques de développement en Tunisie, auxquels j'ai participé comme administrateur.
– De 1999 à 2007, j'ai occupé des fonctions entrepreneuriales.
D'abord, de 1999 à 2002, comme président de la Compagnie cotonnière (COPACO), et président de DAGRIS (Développement des Agro-industries du Sud) ex Compagnie Française pour le Développement des Fibres Textiles (CFDT), holding de sociétés cotonnières implantées dans une trentaine de pays principalement africains.
De ces trois ans au cours desquels, j'ai parcouru les campagnes africaines, je retiendrai cinq éléments : le rétablissement de la situation financière et des comptes du groupe dont la valorisation est passée de 150 millions d'euros à 270 millions d'euros ; la nouvelle orientation stratégique du groupe, explicitée dans le nom de DAGRIS, visant à faire d'un groupe cotonnier un groupe agro-industriel, pour s'inscrire dans le développement agricole de l'Afrique qui constitue, c'est là mon intime conviction, un élément essentiel, incontournable du développement de ce continent ; l'aggiornamento des conditions d'intervention de « la vieille dame de la rue Monceau » ; le développement de certaines coopérations avec l'Algérie, le Maroc, l'Ouzbékistan, et la Syrie ; enfin, dernier élément, mon combat pour le coton africain, contre les subventions des pays riches à leurs cotonculteurs, subventions qui déstabilisent la filière africaine, combat explicité dans un article publié par le Monde en juin 2002 et intitulé Bono, le Farm bill et le coton africain.
J'ai aussi occupé des fonctions entrepreneuriales, durant cinq ans, de 2002 à 2007, comme directeur des Monnaies et Médailles.
Au delà de l'importante restructuration industrielle et économique que j'ai conduite, j'insisterai sur le développement des marchés à l'étranger, et plus particulièrement la frappe des monnaies du Yémen et d'Afghanistan et le regret d'avoir perdu certaines commandes de francs CFA, en Afrique occidentale, faute d'avoir réussi à contrecarrer la monnaie britannique.
Ces deux expériences entrepreneuriales vont me permettre, dans des contextes difficiles, d'apprendre la gestion de grandes structures.
Depuis trente ans, j'ai eu de nombreuses activités d'enseignement, à Sciences-Po Paris où j'ai animé un cours-séminaire sur « l'Afrique…Les Afriques… », ainsi qu'à HEC, et à l'Institut Supérieur du Commerce (ISC), principalement sur les grands risques économiques et financiers internationaux.
J'en viens aux raisons de ma candidature.
Au cours des dix dernières années, l'AFD a connu de profondes mutations ; ses interventions ont été multipliées par trois pour atteindre 6,5 milliards d'euros ; au-delà de la fin de la distinction entre le champ et le hors champ de la Coopération, son champ géographique s'est considérablement étendu, y compris à de nombreux pays émergents ; enfin, grâce à la compétence et au professionnalisme de ses équipes, elle a développé de nombreux financements innovants, en liaison et partenariat avec d'autres bailleurs de fonds.
Il convient de conforter ces acquis. Je souhaite néanmoins insister sur deux points. A la suite de transferts de compétences et de crédits, l'AFD est devenue le bras séculier des autorités de tutelle pour notre politique d'aide et de coopération. Il est essentiel de renforcer au maximum les liens avec les autorités de tutelle.
Par ailleurs, ma conviction profonde est qu'il conviendrait d'orienter nos interventions sur le développement, sur la création de valeur, et plus particulièrement sur le développement agricole. C'est probablement mon tropisme d'ancien responsable de la filière cotonnière. La recherche de l'autosuffisance alimentaire, de la sécurité alimentaire, et le développement de l'agriculture sont essentiels. Ils ont constitué pour nous en France, ou en Europe, un point de départ du développement économique, voire un préalable. Elle est une condition nécessaire à toute politique d'éducation ou de santé, quelle que soit l'importance de ces deux politiques publiques. Le développement agricole doit permettre de stabiliser les zones rurales, d'endiguer la désertification, de ralentir l'exode rural, l'émigration…
Enfin, je terminerai par un élément de mon équation personnelle, mon penchant pour le bénévolat. Aujourd'hui, je ne suis que pressenti. Si, demain, je venais à être nommé directeur général de l'AFD, je tenais, M. le Président à accorder à la représentation nationale la primeur de ma décision, dés mon éventuelle nomination rendue publique, de démissionner de la Présidence du Consistoire de Paris et d'Ile-de-France, pour me consacrer totalement à la responsabilité que le Président, en Conseil des ministres, viendrait à me confier.
Pourriez-vous nous présenter votre projet pour l'AFD ? Pensez-vous que des inflexions doivent être apportées à la manière dont elle travaille ? Si c'est le cas, lesquelles ?
Une mission d'information créée au sein de notre commission s'interroge actuellement sur l'équilibre entre les volets multilatéral et bilatéral de l'aide au développement française. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?
L'une des évolutions les plus marquantes intervenues au cours de ces dernières années s'est traduite par une diminution forte des subventions et parallèlement, une augmentation des prêts octroyés par l'AFD. Cela a une incidence sur les bénéficiaires de l'aide française dans la mesure où les pays solvables sont favorisés tandis que les plus pauvres ne peuvent y avoir accès. Quelle est votre position sur cette question ?
Je vous remercie de cette visite, qui n'est certainement que la première d'une longue série puisque votre nomination est d'ores et déjà acquise.
Je retiens de votre exposé liminaire votre expérience à la direction du Trésor, vos capacités de gestionnaire de sociétés et une allusion aux difficultés que rencontre notre pays pour maintenir sa présence sur les marchés africains.
L'aide au développement française est totalement illisible : la France n'apparaît pas à travers l'aide multilatérale qu'elle finance et son aide bilatérale privilégie les prêts sur les dons, ce qui se fait au détriment des pays qui ont le plus besoin d'aide et attendent beaucoup de la France.
La mission d'information que le Président Poniatowski a mentionnée, dont je suis le président, a entendu il y a quelques jours des responsables de la direction du Trésor, qui ont présenté avec beaucoup d'assurance les mécanismes des dispositifs d'aide qu'ils mettent en oeuvre. Pourtant, les parlementaires n'y comprennent rien ! Même les sénateurs se sont récemment plaints dans un rapport de l'illisibilité de ces dispositifs ! Les parlementaires en sont réduits à voter (ou à ne pas voter) des dispositifs sans savoir très bien en quoi ils consistent ! Il est clair que ce ne sont pas eux qui prennent les décisions et que ceux qui le font n'entendent pas leur en rendre compte et s'étonnent même que les élus cherchent à comprendre !
Souvent, l'aide publique française reste perçue comme une forme de charité. Les Britanniques et les Allemands ont en revanche pour leur part bien compris qu'il fallait entrer dans un processus de partenariat avec les pays du sud, qui auront éventuellement vocation à devenir un jour leurs concurrents.
Plus les travaux de la Mission avancent, plus nous constatons qu'il est nécessaire que la France accorde davantage d'aide bilatérale, afin qu'elle puisse faire des choix et que son action retrouve une visibilité. En effet, énormément d'argent français est consacré à l'aide multilatérale mais notre pays reste faiblement associé aux décisions prises dans ce domaine.
À moins que d'autres auditions ne soient envisagées, je crois hélas que la décision de nommer M. Zerah est déjà prise. Je regrette donc le caractère formel de notre réunion de ce jour.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la loi organique n'étant pas en vigueur, nous ne sommes officiellement saisis d'aucun projet de nomination. Par ailleurs, il n'existe pas, à ma connaissance, d'autre candidat à la direction générale de l'AFD.
Monsieur Zerah, je souhaiterais connaître l'état de vos relations avec M. Robert Bourgi : quand avez-vous travaillé avec lui ? Êtes-vous « son » candidat ? celui du secrétariat général de l'Élysée ?
J'adhère largement aux propos de mon collègue Jean-Paul Bacquet. Nous sommes quelques-uns ici à considérer que l'APD française doit être orientée en priorité vers les pays d'influence traditionnelle de la France en Afrique. Qu'en pensez-vous ?
Je remercie le président de la commission d'avoir organisé cette audition. En tant que membre du conseil d'administration de l'AFD, je salue le travail de votre prédécesseur, M. Jean-Michel Severino. Il existe désormais des réformes à mener ; nous aurons l'occasion d'en reparler. Un point me préoccupe particulièrement : il faut que « la maison France » soit rendue plus visible en matière d'aide au développement, qu'elle soit bi- ou multilatérale. Nous consacrons en effet des sommes importantes à ces politiques mais lorsque le canal multilatéral est emprunté, notre intervention est « noyée » dans l'ensemble ; et lorsque cette intervention est bilatérale, nous n'en faisons aucune publicité. Il y a une réelle carence de l'AFD à cet égard.
Cinq sujets ont été abordés :
– s'agissant des aires géographiques prioritaires de l'aide publique française au développement, il n'existe aujourd'hui aucune limite. Or les moyens budgétaires disponibles sont, eux, limités et par conséquent il convient d'éviter tout saupoudrage. Personnellement, je pencherais pour que soit donnée une priorité aux pays francophones d'Afrique subsaharienne, du Maghreb ou encore de la péninsule indochinoise. Nous devrions également intervenir en priorité là où nos armées sont engagées, y compris dans le maintien de la paix au Proche-Orient. Nous avons dans cette région une responsabilité historique à faire valoir et chacun sait que la paix a aussi besoin du développement économique pour prospérer. Énoncer de telles priorités nous obligerait, mais il y va de la crédibilité de l'AFD et ce pourrait être, d'ailleurs, l'un des éléments de notre communication ;
– les thèmes pouvant faire l'objet de notre politique de développement sont divers et aucun n'est à exclure a priori. Nous devons, par exemple, participer à la convention sur la lutte contre le changement climatique, mais aussi à la lutte contre la pauvreté, à la défense de la biodiversité… J'ai, je l'ai dit, un penchant pour le développement rural et pour l'Afrique sahélienne. Je suis convaincu que nous devons tout faire pour éviter l'exode rural dans cette région et éviter ainsi, demain, de trop forts flux migratoires. Il faut faire revivre nos succès passés dans ce domaine. Je rappellerai que l'Afrique sahélienne compte aujourd'hui 44 millions d'habitants et qu'en 2050 elle devrait en compter 120 à 130 millions. Nous devons sortir d'une attitude de compassion ; les projets que nous soutenons doivent être créateurs de valeur ;
– quant à la nature de nos instruments d'intervention, elle suscite à juste titre une certaine admiration à l'heure actuelle. L'AFD est l'un des quatre ou cinq grands opérateurs mondiaux dans son domaine d'activité, et rivalise avec la banque de développement allemande (KfW), voire avec la Banque européenne d'investissement ;
– dans la réflexion portant sur la place relative de l'aide bilatérale et multilatérale, je reconnais que la France a souscrit beaucoup d'engagements dans un cadre multilatéral et que les équipes de l'AFD ont fait du bon travail en la matière ; mais personnellement, je suis plutôt un partisan du bilatéral ;
– enfin, à aucun moment je n'ai eu l'occasion de travailler avec M. Robert Bourgi. Je découvre qu'il a été l'un de mes soutiens.
Si, bien sûr, mais ni plus ni moins qu'un autre acteur de nos relations avec l'Afrique.
Je souscris à mon tour aux propos de mes collègues. L'AFD, je le rappelle, est un établissement public financier. Il se présente d'ailleurs volontiers comme « le groupe AFD » lorsqu'il accorde des prêts – c'est là son métier principal. Mais l'AFD est aussi un opérateur de la coopération française ; or cet aspect de son action est trop souvent traité comme un « second rôle », dans tous les sens de l'expression. Les secours de base accordés aux populations dans le champ de la santé, de la nutrition ou encore de l'éducation ont pourtant toute leur importance. Que le rôle de banquier de l'AFD occulte totalement son rôle d'opérateur de la coopération pose un vrai problème de cohérence de l'action publique française. Il n'y a pas, d'un côté, l'AFD, et de l'autre, l'État français. Comment voyez-vous ce double rôle de l'AFD et comment comptez-vous remédier à cette distorsion dans la perception de l'AFD par ses interlocuteurs étrangers ?
Je souhaiterais savoir comment vous envisagez l'articulation entre l'action de l'AFD et celle des ONG là où elles sont impliquées en commun avec l'agence. Par ailleurs, si la répartition par produit des soutiens accordés par l'AFD nous est connue, comment son intervention se répartit-elle entre prêts et subventions ? quelle est par ailleurs la ventilation géographique de son action ?
L'AFD est le pivot de notre aide publique au développement. Or, bien que le Parlement vote chaque année les crédits qui lui sont alloués, il n'est aucunement associé à la définition des politiques que mène l'agence. Quelle place comptez-vous, dans l'exercice de votre mandat, réserver au Parlement ?
J'aimerais vous entendre développer votre analyse de la répartition de notre effort entre l'aide publique bilatérale et multilatérale, et étayer plus solidement votre tropisme pour l'aide bilatérale. Je plaiderai pour ma part en faveur du multilatéralisme. En effet, ce mode d'intervention permet de décupler les moyens alloués, de donner à l'aide un impact bien supérieur à n'importe quelle intervention bilatérale, et enfin de créer un effet d'entraînement très important. Que l'aide française soit pour partie incluse dans une aide européenne est une excellente chose, même si j'admets ce que cela peut avoir de frustrant. Par ailleurs, je ne crois pas qu'il soit pertinent de déplorer que l'action de l'AFD ne soit pas perçue comme celle, directe, de la France, car précisément il ne s'agit pas d'une seule et même intervention. Enfin, monsieur Zerah, je suis en désaccord avec vous sur la question du lien de cause à effet entre développement économique et paix : c'est la paix qui permet le développement ; dire l'inverse, c'est faire siennes des analyses surtout entendues à Tel Aviv. Je veux simplement susciter le débat sur ce point.
La vocation de l'AFD est d'être à la fois une banque, et un opérateur d'aide au développement. Chacun de ces aspects appelle un commentaire particulier.
L'augmentation relative des prêts par rapport aux aides directes a deux explications. Certes, les subventions ont diminué, mais l'extension du champ géographique de l'action de l'AFD, notamment dans les pays en développement, a également contribué à accélérer cette montée en puissance, tout en améliorant la présence française dans le monde.
Toutefois, les prêts ne peuvent être considérés en bloc. En effet, certains prêts sont accordés aux taux de marché, mais d'autres le sont à des taux bonifiés. Ce qui compte dans l'analyse, c'est le taux de marge que le pays prêteur réalise, et, surtout, les précautions prises pour éviter que les Etats bénéficiant de ces prêts ne tombent dans une spirale de l'endettement qui a beaucoup handicapé nos interventions pendant des années.
Concernant les liens entre l'AFD et la France, j'ai déjà dit que je considérais l'AFD comme le bras séculier de l'Etat pour sa politique de coopération. Il faut consolider ce lien et éviter toute distanciation entre les autorités françaises et l'AFD. Nous devons notamment travailler pour améliorer la cohérence de l'action de l'AFD et du réseau diplomatique, ce à quoi je m'engage si je devais être nommé.
Les liens avec les ONG sont essentiels. Ils renforcent notre efficacité et améliorent notre image de marque dans le monde. Nous devons également tisser des liens plus étroits avec les universités, afin d'améliorer la visibilité et la cohérence de notre action.
S'agissant du lien avec le Parlement, je serais, si je suis retenu, à votre entière disposition tout au long de mon mandat. L'amélioration de la notoriété et de la lisibilité de l'action de l'AFD passe nécessairement par une meilleure information des représentants de la Nation.
L'équilibre entre l'aide multilatérale et l'aide bilatérale doit être subtil. Vous avez raison de rappeler qu'une partie des fonds de l'AFD proviennent de l'aide multilatérale. Nous devons toutefois faire attention, lors des négociations internationales, pour éviter de rééditer certaines erreurs passées. Je me souviens des premières discussions sur le fonds européen de développement, lors desquelles la France avait accepté d'assumer une charge plus importante du budget de cette institution. Nous devons prendre des précautions pour que cette situation ne se renouvelle pas à l'avenir.
Enfin, sur le Proche-Orient, je pense que le développement économique est un élément essentiel pour la diminution des tensions.
Je souhaiterais vous poser trois questions. Vous avez dit que vous souhaitiez concentrer nos interventions. Je partage entièrement ce point de vue, mais que voulez-vous dire concrètement ? Pensez-vous à une diminution de l'aide multilatérale pour accroître l'aide bilatérale, ou à une augmentation des budgets bilatéraux prioritaires ?
La Grande-Bretagne a réussi à concentrer son aide car elle sait sortir des situations où l'aide n'est plus utile. La France, elle, continue d'aider la Chine, qui représente le 6ème poste de notre aide au développement bilatérale !
Dès lors, envisagez-vous de sortir de certains pays, et selon quels critères ?
De plus, nous avons entendu certaines propositions consistant à réduire le montant versé par la France au fonds ONUSIDA, auquel nous sommes le premier contributeur pour réorienter les fonds. Rendue publique, cette idée a suscité une véritable levée de boucliers. Dans ces conditions, comment faire pour améliorer la cohérence de notre action pour le développement dans le cadre multilatéral ?
Enfin, quel jugement portez-vous sur le principe de conditionnalité de l'aide au développement ?
Je reviens sur la question de la conditionnalité pour éviter tout malentendu : lorsque l'AFD intervient en Chine, c'est avec des produits de marché et non pas concessionnels. La question de la concentration de l'aide, me semble-t-il, ne doit se poser qu'en ce qui concerne les subventions. Si l'on veut garder une influence sur les pays francophones avec lesquels nous avons des liens historiques importants et des responsabilités, il faudra infléchir tout doucement la situation. C'est la même chose en ce qui concerne le multilatéral qui peut nous apporter beaucoup grâce à son effet démultiplicateur. L'AFD a un montant d'intervention de 6.5 Mds d'euros par an avec 1 Md de dotation budgétaire. Cet effet démultiplicateur de 1 à 6 est obtenu par le collationnement de ressources diverses obtenues de diverses sources internationales, fonds des Nations Unies, Banque mondiale ou autre. C'est là qu'il faut trouver un équilibre par rapport à nos engagements pluriannuels.
J'ai dit mon tropisme personnel en faveur du bilatéral. Le montant des contributions que nous apportons au Fonds mondial Sida relève des autorités de tutelle et du gouvernement qui décident, même si je peux m'interroger sur le fait que la taxe sur les billets d'avion qui rapporte 160 millions d'euros par an et que nous sommes le seul pays au monde à prélever soit confiée pour sa gestion et son utilisation à une agence des Nations Unies.
Quant à la conditionnalité, c'est un sujet important et c'est la raison pour laquelle la question du développement géographique de l'AFD est cruciale car elle peut devenir une sorte de locomotive pour les entreprises françaises. Il garder raison pour tenir compte de cet aspect des choses.
Je vous remercie. Nous avons compris vos restrictions de langage. Si votre nomination était confirmée, nous ne manquerions pas de vous recevoir de nouveau d'ici à quelques semaines.
La séance est levée à dix-huit heures.