Commission des affaires économiques
La Commission a entendu M. Chrisian Estrosi, ministre auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, chargé de l'industrie.
Je me réjouis d'accueillir Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie, qui a ses habitudes au sein de notre commission.
Nous abordons aujourd'hui l'examen du texte relatif au statut de La Poste, qui va nous occuper pendant plusieurs séances cette semaine et, s'il le faut, la semaine prochaine.
Je me présente aujourd'hui devant vous avec un texte sensiblement modifié lors des soixante-dix heures de son examen au Sénat, du 2 au 9 novembre dernier.
J'insisterai tout d'abord sur l'esprit et sur les raisons d'être de ce projet.
La Poste est aujourd'hui confrontée à deux défis majeurs, que nul ne peut ignorer. Le premier est celui de l'ouverture à la concurrence au 1erjanvier 2011 : dans un an tout juste, La Poste sera concurrencée non seulement par les grands opérateurs européens de courrier comme la Deutsche Post ou la TNT néerlandaise, mais aussi par les petits opérateurs alternatifs de courrier, réunis au sein d'une fédération.
Or, on a bien vu, par exemple en Suède où le marché a été libéralisé dès 1993, ce que pouvait donner une ouverture à la concurrence mal maîtrisée.
Le second défi tient à la montée en puissance d'internet : les volumes de courrier de La Poste ont déjà diminué de 10 % depuis deux ans et, dans quelques années, la baisse pourrait atteindre 30 ou 50 % ! C'est un choc rapide et violent, qui en plus, et c'est là le plus inquiétant, concerne le « réacteur » de La Poste, son métier « courrier », celui qui a alimenté sa croissance depuis des années !
Dans ce cadre, le Gouvernement ne pouvait pas rester inactif et attendre de voir comment La Poste résisterait toute seule – si elle résistait – à ces évolutions. Nous nous sommes donc dit qu'il fallait lui donner sa chance.
Et d'abord lui donner sa chance de faire face à ces évolutions majeures que sont la disparition totale du monopole et l'essor du courrier électronique. C'est d'ailleurs la raison qui a poussé le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, à présenter au Gouvernement, dès l'été 2008, un projet d'évolution de l'entreprise destiné à anticiper et à adapter celle-ci pour qu'elle continue à être un opérateur de référence.
Lui donner ensuite sa chance de montrer qu'un modèle postal 100 % public, au service de tous, présent sur l'ensemble du territoire, et en même temps rentable, cela fonctionne ! Beaucoup ont agité le spectre de la privatisation, mais tous ceux qui ont pris le temps de lire le texte admettront que rien ne permet désormais d'en parler, à moins de nous faire un mauvais procès d'intention.
Lui donner enfin sa chance de continuer ce qu'elle fait aujourd'hui et en le faisant même encore mieux. Les 2,7 milliards d'euros annoncés ne sont pas un chèque en blanc : il faudra que La Poste améliore le service rendu et rende des comptes. Certains laissent entendre que l'entreprise utiliserait cette somme uniquement pour se désendetter, c'est faux, même si je suis le premier à reconnaître que sa dette est élevée – près de 6 milliards d'euros. Ces 2,7 milliards serviront bien serviront à financer la croissance de La Poste dans l'ensemble de ses métiers.
Ainsi, pour le métier courrier, il conviendra en particulier de développer le courrier électronique, en utilisant la compétence et le capital de confiance de La Poste en matière de courrier classique.
Pour le métier colis, il lui faudra continuer à développer le réseau d'envoi de colis dans l'ensemble de l'Europe et devenir une grande entreprise de logistique.
Dans le domaine bancaire, il importera de donner à La Banque Postale les moyens de son développement, pour que, parallèlement à sa mission essentielle d'accessibilité bancaire, elle continue à devenir une banque « comme les autres ».
Enfin, il faudra permettre une rénovation et une modernisation régulière des bureaux de poste.
Mais avant de donner ces moyens financiers à La Poste, il faut passer par la case « changement de statut ».
Vous le savez, l'augmentation de capital n'est pas possible pour un établissement public. Il est donc préalablement nécessaire de transformer La Poste en société anonyme, avant que celle-ci ne réalise une augmentation de capital à laquelle souscriront l'État et la Caisse des dépôts et consignations.
Le projet du Gouvernement est donc équilibré, il vise à donner à La Poste les moyens financiers d'affronter un nouvel environnement beaucoup plus concurrentiel, sans rien toucher à ce qui fait sa force ou son identité.
Cet équilibre a été encore renforcé par la Haute assemblée, qui a procédé à six modifications essentielles du texte du Gouvernement.
Avec la première, il est désormais expressément prévu que le capital de La Poste sera uniquement détenu « par l'État et par des personnes morales de droit public ». À l'exception des salariés qui pourront être actionnaires, il n'y aura pas un seul euro de capitaux privés à La Poste ! Le texte est ainsi aussi clair que l'intention du Gouvernement. D'ailleurs quel État mettrait 2,7 milliards d'euros dans une entreprise pour la privatiser ?
Deuxième modification, La Poste est expressément qualifiée de « service public à caractère national » ce qui, en application du Préambule de la Constitution de 1946, la rend « imprivatisable » puisque tout bien qui a ou acquiert les caractères d'un service public à caractère national doit rester la propriété de la collectivité. Certes, ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire, mais cela serait d'autant plus difficile que le texte comporte cette référence au Préambule de 1946 et qu'il précise quelles sont les quatre missions de service public de l'entreprise. Pour la privatiser, il faudrait donc supprimer ces missions, et ce n'est certes pas la majorité qui les inscrit aujourd'hui dans la loi qui le fera ! Je souhaite d'ailleurs bon courage à ceux qui, pour privatiser La Poste, devraient au préalable supprimer la mission de distribution du courrier six jours sur sept, la mission d'aménagement du territoire, la mission d'accessibilité bancaire et le Livret A, ou encore la mission de transport de la presse à des conditions préférentielles.
Les sénateurs ont par ailleurs décidé de garantir par la loi les 17 000 points de contact. Je sais que certains disent qu'on parle de points de contact et pas de bureaux de poste et pensent que cela n'empêchera pas La Poste de fermer certains bureaux et d'en ouvrir d'autres ailleurs. Mais, outre que je pense qu'il faut laisser une certaine souplesse au réseau, il me semble que la garantie sera plus forte qu'elle ne l'est aujourd'hui dès lors qu'elle sera inscrite dans la loi.
La quatrième modification, qui garantit le financement pérenne de la mission d'aménagement du territoire, sur la base d'une évaluation préalable de son coût de la mission a été adoptée par pas moins de 315 sénateurs, de gauche comme de droite, qui ont parfaitement compris qu'il fallait éviter que Bruxelles ne nous condamne à rembourser.
Bien des estimations circulant à propos de la suppression de la taxe professionnelle, il nous a paru judicieux que l'État s'engage à apporter chaque année à l'entreprise le montant qui aura été préalablement mis en évidence par l'audit. Cela garantira en particulier que le coût ne sera pas excessif pour le contribuable.
Nous avons par ailleurs accédé à la demande des syndicats que les salariés actuels de La Poste puissent continuer à rester affiliés à leur régime de retraite complémentaire actuel, qui est celui de l'IRCANTEC. Cela évitera que les salariés actuels de La Poste ne soient « lésés » et cela montre que, bien qu'ayant désormais le statut de société anonyme, l'entreprise restera totalement publique.
Les fonctionnaires de La Poste bénéficieront d'ailleurs d'un nouveau droit, celui de bénéficier d'une complémentaire santé payée par leur employeur. Cette mesure, qui répond à une revendication ancienne des salariés, représentera une charge de 50 millions d'euros pour La Poste, qui va payer à ses fonctionnaires leur prévoyance santé ! C'est pour eux une véritable avancée.
Le travail au Sénat a donc été riche et nourri et il a permis d'améliorer le texte du Gouvernement. Pour autant, je suis persuadé que nous pouvons aller encore plus loin ensemble. Maintenant qu'il a été très clairement indiqué que le caractère public de La Poste ne serait pas remis en cause, le moment me semble venu de préciser ce que le législateur est en droit d'attendre de l'entreprise, en particulier pour un meilleur service rendu aux usagers, en contrepartie des 2,7 milliards de capitaux public qui lui seront apportés. Je juge en effet très important que l'entreprise prenne un certain nombre d'engagements qui auront une traduction concrète pour les usagers.
Le premier devrait porter sur les horaires d'ouverture des bureaux. À chaque fois que je me déplace, j'entends des gens se plaindre de ces horaires. À la campagne, ils déplorent que les bureaux ne soient pas ouverts à temps complet et soient parfois fermés deux, voire trois jours d'affilée. Dans les grandes villes, ils regrettent que les bureaux ne soient pas ouverts le samedi après-midi ou le soir, lorsqu'ils rentrent du travail. L'objectif n'est évidemment pas de demander à La Poste d'ouvrir tous ses bureaux, tout le temps, tous les jours, ni de lui imposer tellement de contraintes qu'elle ne pourrait plus réduire ses horaires lorsque ce serait vraiment nécessaire. L'idée est de trouver des dispositifs souples, garantissant que les horaires d'ouverture des bureaux et des points de contact correspondent aux attentes et aux besoins des Français.
Le Gouvernement examinera avec la plus grande attention les amendements qui garantiraient que les Français en ont « pour leur argent » avec les horaires d'ouverture.
Le deuxième engagement devrait porter sur la qualité du service rendu aux usagers. La Poste déploie toute une série de mesures pour améliorer ce dernier. Ainsi, le plan « contre toute attente » vise à réduire à moins de cinq minutes d'ici à 2012 le temps moyen d'attente. La Poste rénove également les files d'attente dans les bureaux, en séparant les opérations (opérations bancaires, retrait de colis, dépôt de recommandé) afin de faire gagner du temps.
Mais on n'en fera jamais assez en faveur de la qualité du service rendu aux usagers et le Gouvernement examinera également de façon favorable toutes les propositions pragmatiques et réalistes en ce sens.
Sans doute y a-t-il d'autres exemples, et tout ce qui permettra que les 2,7 milliards d'euros améliorent effectivement le service rendu sera pris en compte.
C'est dans cet esprit que j'aborde le débat qui devrait commencer le 15 décembre en séance publique à l'Assemblée nationale. Je crois sincèrement qu'à l'issue d'une longue discussion qui a permis à chacun des groupes de s'exprimer, toutes les garanties ont été données au Sénat quant au caractère intégralement public de La Poste, au maintien de ses missions, aux droits et au statut de ses agents.
Il est de notre responsabilité de montrer aux Français que l'investissement de 2,7 milliards servira concrètement à faire bouger les choses. C'est à vous qu'il appartient de proposer les dispositions qui permettront de le garantir dans la loi.
Je vous remercie, monsieur le ministre, et j'ouvre la discussion générale en donnant la parole à notre rapporteur M. Jean Proriol.
Les enjeux de ce projet ont déjà été clairement exposés devant cette commission. La semaine dernière, le président Jean-Paul Bailly nous a présenté sa vision de l'avenir de La Poste et a largement insisté sur la nécessité de moderniser ses infrastructures. Dans ce domaine comme dans les autres, l'alternative est simple : il faut soit rechercher la progression, soit accepter la stagnation. Et dans un marché national désormais ouvert à la concurrence, dans une Europe où les opérateurs se livrent un combat acharné pour des parts de marché, stagner signifie à court terme disparaître.
La commission Ailleret a posé un diagnostic incontestable : l'activité postale historique, la distribution de courrier, subit une forte régression, dont les nouvelles technologies sont seules responsables : le pli affronte la concurrence du fax, du mail et du téléphone. Cette révolution rend dérisoire les querelles sur l'extinction du monopole sur la lettre de cinquante grammes, qui ne représente pas un enjeu concurrentiel réel. Les exemples européens sont d'ailleurs frappants : même en Suède, pays où la libéralisation du secteur postal a été décidée au début des années quatre-vingt-dix, le plus gros opérateur alternatif contrôle à peine plus de 5 % du marché. Nous ne sommes pas dans une situation comparable aux marchés de l'énergie et des télécommunications, à la croissance dopée par le progrès technologique. Le secteur postal est en crise et il y a toutes les chances qu'il le reste. Nous ne devons donc pas succomber aux complaintes de ceux qui réclament le retour de la « poste de papa », parce que la « poste de papa » est morte !
La concurrence sera négligeable sur l'activité de courrier de La Poste, c'est un pari que nous pouvons prendre sans risque. En revanche, et parce que nous tenons à l'unité du groupe, il faut entrer dans une lutte âpre dans le secteur des colis, de l'express et, évidemment, dans le champ d'action de la Banque postale. Pour cela, il faut apporter de l'argent et pour apporter de l'argent, le statut de société est le plus adapté. J'entends, à gauche, crier à la privatisation. Mais chers collègues, la SNCF chère au coeur du président Ollier a été une société anonyme privée entre sa création en 1938 par le Front populaire et sa conversion en établissement public par François Mitterrand en 1983. En quarante-cinq ans d'histoire, qui a. douté de son appartenance à la collectivité ? Ni vous ni moi !
Nous sommes tous attachés à la détention de La Poste par l'État. Le Gouvernement s'est engagé à de multiples reprises en ce sens. Le Sénat a apporté tant de précautions à l'article 1er que j'ai rarement vu autant de redondances dans un texte. Vous devez être satisfaits : il y a trois ceintures, quatre paires de bretelles et même un airbag !
La plus importante garantie est un écho au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » Ce texte affirme le caractère de service public national. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la loi réaffirme l'attribution à La Poste de quatre missions de service public. Elle est, suivant le néologisme du ministre, « imprivatisable » en l'état. Il faudrait une autre loi pour la transférer au secteur privé et, je peux l'affirmer au nom du groupe UMP, ce n'est pas cette majorité qui la voterait !
Ces missions de service public, précisées à l'article 2 du projet de loi, sont réaffirmées et correctement financées, dans le respect tant des prescriptions du droit communautaire que des intérêts de l'entreprise et de la population. L'aménagement du territoire reste une ligne de force fondamentale, assise sur la fameuse loi du 20 mai 2005 et renforcée par l'inscription dans le texte d'un minimum de 17 000 points de contact sur le territoire national. Son financement est rendu transparent, avec un coût évalué par l'ARCEP et compensé par un allégement fiscal. J'ai reçu les représentants des sociétés de presse, qui n'ont émis strictement aucune critique sur le projet. Enfin, l'accessibilité bancaire à travers le Livret A continue à bien fonctionner, en dépit des prévisions apocalyptiques, dignes de Paco Rabanne annonçant que la station Mir allait s'écraser sur Paris...
Le changement de statut de l'entreprise, une fois décidé, nécessite des transformations et des adaptations. La forme du conseil d'administration du groupe est appelée à évoluer, les mécanismes de retraite complémentaire des personnels également. Il reste quelques problèmes en suspens et je vous proposerai des amendements pour les résoudre.
Voila pour le premier titre du projet, qui a mobilisé l'attention des médias et qui a suscité les plus rapides raccourcis dans les analyses. Le texte comprend un second titre nettement moins polémique, relatif à la transposition en droit français des dernières modifications apportées par l'Union européenne à la directive postale. Il en résulte notamment la disparition du monopole public sur le courrier de moins de cinquante grammes à compter de 2011. La Poste conserve en pratique sa mission puisqu'elle reçoit pour quinze années l'exercice des prestations du service universel. Les opérateurs alternatifs, dont l'activité est soumise à l'autorisation de l'Autorité de régulation, seront mis à contribution pour compenser les montants engagés dans ce cadre à travers un fonds de compensation du service universel dont la mise en oeuvre n'a jamais été demandée par La Poste.
Nous devons faire en sorte que ces transferts financiers soient les plus transparents possibles pour éviter une sanction bruxelloise. Personne ne veut que La Poste connaisse dans dix ans le sort qui a frappé France Télécom, condamnée à rembourser un milliard d'euros d'aides d'État perçues entre 1994 et 2002. La régulation doit être fine, mais elle ne peut pour autant être un retour de la tutelle de l'État sur des activités commerciales situées hors du service universel. Là encore, je vous proposerai des amendements de clarification pour donner à l'ARCEP les moyens dont elle a besoin, et seulement ceux-là.
Comme l'a dit le président Ollier, « cette loi sert à asseoir davantage La Poste dans le secteur public, dans le service public, dans le service du public ». Pour que le citoyen y trouve son compte, il faut qu'il y ait un progrès à ses yeux. La pérennité de La Poste en est bien sûr un. Plus concrètement et plus immédiatement, le Sénat a inscrit que les bureaux de Poste fournissent un accès à internet, ce qui est une bonne idée. Le texte du Gouvernement et le droit en vigueur comportent de nombreuses règles d'aménagement du territoire au bénéfice des campagnes ; le président Ollier et moi-même souhaitons, par un amendement commun, favoriser une amélioration du service pour les centres urbains. Je suis ouvert à toute proposition qui irait dans ce sens, celui d'une meilleure prestation au citoyen.
C'est l'objectif du Gouvernement, j'en suis sûr. C'est l'objectif du Parlement, je le sais. C'est l'objectif de La Poste et cela le restera, quel que soit son statut, j'en ai la conviction.
Nous entamons un débat très important, mais nous ne sommes pas dans les mêmes conditions que le Sénat, ni même que l'Assemblée lors des précédentes discussions à ce propos : au bout de trente heures de débat, on sifflera la fin des débats et on passera au vote.
Il est vrai que nous faisons un procès d'intention, non pas à vous, monsieur le ministre, qui avez repris le dossier en cours et dont les combats que vous avez menés sur le terrain empêchent de mettre l'honnêteté en doute, mais au Gouvernement. De fait, l'histoire et l'expérience nous empêchent d'accorder beaucoup de crédit aux arguments que vous avez développés.
Je rappelle que, contrairement à ce qui a parfois été dit, la Commission européenne n'a jamais formulé d'injonction relative à un changement de statut.
Partout où le statut de la poste a changé, on a observé une diminution du nombre de bureaux de poste et des effectifs, ainsi qu'une augmentation des tarifs. L'exemple de la Suède n'est donc pas forcément bon à suivre.
En France, chaque fois que le statut des entreprises publiques a changé, la participation de l'État a toujours fini par être inférieure à 50 %. M. Proriol a été celui qui, en 2005, a commencé l'assassinat. Le Gouvernement a d'abord choisi, alors que cela n'avait rien de nécessaire, de supprimer le secteur réservé pour les lettres de moins de 50 grammes. Certains, comme M. Mariani, avaient alors critiqué d'une façon honteuse l'efficacité de La Poste, pour demander la mise en concurrence pour les lettres recommandées. On sapait là – la consultation du compte rendu des débats le prouve – l'éthique, l'identité et la réputation de La Poste.
En banalisant le Livret A, le gouvernement actuel a privé La Poste de ressources. La régulation du secteur postal n'impose en revanche aucune obligation aux concurrents de La Poste, qui doit en outre assumer les conséquences de leurs défaillances. On aurait pu envisager autrement la transposition de la directive postale – que vous n'avez d'ailleurs guère évoquée, monsieur le ministre.
Quant aux aides de l'État, elles ne sont nullement impossibles dès lors qu'un établissement assure des missions de service public.
Pour lever tous les doutes, il conviendrait d'inscrire dans la Constitution que La Poste est une entreprise publique. De fait, si les missions de service public inscrites dans le Préambule de la Constitution ne sont pas exercées au titre d'un monopole, la garantie que leur confère ce préambule ne jouera pas, comme l'a démontré M. Bailly. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit pour France Télécom, malgré la présence de très nombreux fonctionnaires parmi le personnel de cette entreprise. Les redondances mêmes de l'article 1er, qui montrent votre souci de prouver votre bonne foi, suggèrent que vous n'êtes pas sûr de vous. Si donc votre bonne foi n'est pas mise en cause, le procès d'intention n'en est pas moins justifié. Après vous, un autre ministre qui n'aurait pas votre éthique pourrait, par un amendement adopté à la hâte en séance publique, en finir avec les missions de service public.
Je poserai trois questions.
Combien des filiales de La Poste sont-elles des sociétés anonymes ? Pourquoi, alors que La Poste a tant besoin d'argent, l'État a-t-il commencé à ponctionner des dividendes ? Enfin, comment se fait-il que tous les amendements que nous avions déposés lors du débat de 2005 et qui avaient été rejetés figurent dans le texte qui nous est proposé ? S'agit-il d'un aggiornamento, ou de redondances destinées à masquer la supercherie d'une privatisation qui sera décidée demain à Bruxelles ?
Je réaffirmerai ici la position de notre groupe. Pour poursuivre sa modernisation, La Poste doit accroître ses capitaux propres, ce que ne lui permet pas son statut actuel d'établissement public. Le texte que nous examinons est donc nécessaire et propose de bonnes réponses. Il a en outre été enrichi par le Sénat et apporte des garanties indiscutables. Prétendre le contraire n'est pas sérieux.
Le texte conforte La Poste en tant qu'établissement public présent sur l'ensemble de notre territoire. Nous réaffirmons avec force que La Poste ne sera pas privatisée. L'article 1er rappelle qu'elle prendra la forme d'une société anonyme, tout en demeurant une entreprise publique. Ce changement de statut permettra à l'État et à la Caisse des dépôts et consignations de souscrire une augmentation de capital de 2,7 milliards d'euros, nécessaire à la modernisation du groupe La Poste et à l'amélioration de la qualité du service. La totalité du capital social sera donc détenue par l'État.
Le Sénat a apporté deux précisions majeures : l'État sera actionnaire majoritaire et le capital ne sera plus ouvert aux personnes morales appartenant au secteur public, comme prévu initialement, mais seulement aux personnes morales de droit public. Notre majorité s'opposera à toute privatisation de La Poste – que le texte ne permet d'ailleurs pas. Votre procès d'intention est donc infondé, monsieur Brottes. Souvenez-vous en outre que la fin du monopole a été signée par M. Jospin !
L'article 2 inscrit dans la loi les quatre missions de service public qu'assurent La Poste et ses filiales sur tout le territoire : le service universel postal, qui comprend la levée et la distribution du courrier six jours sur sept et le prix unique du timbre, l'animation du territoire par les points de contact, le transport et la distribution de la presse et l'accessibilité bancaire. Le Sénat a précisé que le réseau doit compter au moins 17 000 points de présence.
La situation des personnels de La Poste est confortée par des garanties sur les statuts, les retraites et la participation. De fait, les agents de La Poste qui sont fonctionnaires conservent leur statut et les garanties d'emploi et de retraite associées. Le nier s'apparenterait à faire de la désinformation.
Le Sénat a adopté des dispositions supplémentaires qui confortent la situation des fonctionnaires. La Poste peut ainsi instaurer un régime collectif obligatoire de complémentaire santé. Il est également procédé à la reconstitution de la carrière d'une partie des fonctionnaires, privés depuis 1993 de leurs droits à la promotion interne. Les contractuels préservent leurs acquis en matière de retraite et les personnels pourront avantageusement contribuer au capital de La Poste.
Le texte étend à l'ensemble des personnels de La Poste, y compris aux fonctionnaires, le champ d'application des mécanismes d'épargne salariale prévus par le code du travail et de l'attribution gratuite d'actions prévus par le code de commerce. Afin de préserver le caractère d'entreprise publique de La Poste, seule une part minoritaire pourra être détenue par les personnels, car l'État est actionnaire majoritaire.
L'ouverture du marché postal à la concurrence au 1er janvier 2011, le développement de concurrents puissants en Europe, les nouvelles formes de concurrence avec internet et la baisse du volume du courrier sont de nouveaux défis pour le groupe La Poste, a qui ce texte donnera les moyens indispensables pour faire face aux enjeux de demain tout en confortant La Poste dans ses missions de service public et en préservant – en renforçant même – la situation de ses personnels.
Il est faux de dire que La Poste sera privatisée, qu'elle se retirera des territoires ou que ses salariés verront leur situation se dégrader. J'espère que l'opposition sortira de ses postures archaïques.
Les manoeuvres d'obstruction ne servent pas l'avenir de cette belle entreprise. Nous sommes attachés à notre service public postal et soutiendrons donc le texte présenté par le Gouvernement.
Monsieur le ministre, nous assumons nous aussi le procès d'intention que nous vous faisons. L'exemple de certains de vos prédécesseurs justifie en effet que nous n'ayons guère confiance en vos déclarations. L'objectif central de votre politique est d'adapter La Poste en mettant en oeuvre les dispositions ouvrant la voie à sa privatisation. Vous n'avez pas hésité à demander au Sénat un nouveau vote sur certains articles, certains membres de la majorité ayant été sensibles à certains de nos arguments.
Nous sommes tous d'accord pour dire que La Poste a besoin de moyens pour se moderniser. Il conviendra toutefois d'éclaircir l'utilisation qui sera faite des 2,7 milliards d'euros pour sa croissance externe. En effet, plusieurs entreprises publiques ont tendance, une fois sur le marché, à « faire leur marché », avec les risques que cela comporte.
Nous évoquerons certainement à nouveau, dans notre réflexion sur les principes guidant l'évolution de La Poste, l'alinéa 4 de l'article 13, qui dispose que « les prix sont orientés sur les coûts et incitent à une prestation efficace, tout en tenant compte des caractéristiques des marchés sur lesquels ils s'appliquent ».
La concurrence elle aussi appelle réflexion. Dans une autre vie, je serai postier – certes pas dans le Cantal, mais au centre de Paris ou d'une grande ville, où j'exploiterai des niches très rentables. De fait, distribuer le courrier en ville est loin de coûter 56 centimes d'euro. Ainsi, il est probable que la plupart des concurrents de La Poste interviendront là où cela rapporte – à l'instar de ce qui se produit pour le transport ferroviaire ou aérien. L'argent va là où la rentabilité est la plus importante et la plus rapide.
Monsieur le ministre, je vous poserai deux questions. Pourriez-vous tout d'abord éclaircir le sens de l'expression « à l'exception des transports de personnes et télécommunications », qui figure à l'article 12 ter ? Il semble par ailleurs que l'article 6 exclue que le président de La Poste puisse siéger au conseil d'administration des filiales. Si tel est le cas, pourquoi refusez-vous à M. Bailly ce que vous avez accepté pour M. Proglio ?
Monsieur le rapporteur, vous soulignez à juste titre que, si La Poste ne se modernise pas, elle risque de stagner, voire de disparaître. La Poste doit rester un opérateur de référence dans les secteurs des colis express, du courrier et de la banque postale. Vous avez rappelé toutes les garanties qui font de La Poste une entreprise à 100 % publique et les assurances données sur les quatre missions de service public. Les précautions que nous prenons visent à éviter que La Poste ne connaisse la même situation que France Télécom, condamnée hier par Bruxelles à rembourser 1 milliard d'euros d'aides illégales. Le dispositif d'aménagement du territoire doit être pleinement compatible avec les exigences européennes.
Monsieur Brottes, nous avons longtemps siégé ensemble à la commission des élus de la montagne, où nous avons souvent mené des combats communs pour l'aménagement du territoire, et je vous remercie d'avoir précisé que votre procès d'intention n'est pas directement intenté contre moi. Je suis néanmoins déçu aujourd'hui qu'un homme aussi attaché que vous à l'intérêt général et à l'engagement pour des valeurs liées à la place de l'homme dans la société puisse engager un débat par ces mots mêmes de « procès d'intention ». Cela correspond bien peu à ce que je connais de votre personnalité.
Alors que les députés devraient contribuer à définir l'usage que nous ferons de 2,7 milliards d'euros d'argent public pour moderniser La Poste, vous n'avez à aucun moment évoqué l'avenir de l'entreprise. C'est là encore décevant, et sans doute révélateur de la manière idéologique et politicienne dont vous entendez aborder le débat, sans guère vous préoccuper des usagers de La Poste.
Vous citez à l'envi l'exemple de GDF – peut-être pour vous refaire une santé morale après la privatisation de France Télécom, d'Air France, d'Autoroutes du Sud de la France et d'EADS. Ce qui importe serait plutôt de faire un travail constructif, fondé sur l'expérience que vous avez de territoires où la présence postale est cruciale.
Jamais un texte de loi présenté au Parlement n'a apporté autant de garanties sur le caractère public de La Poste. Le fait que vous évoquiez peu cette question – a fortiori par comparaison avec les débats qui ont eu lieu ces derniers mois – montre bien que vous êtes convaincu que ces garanties sont suffisantes. La Poste est et reste à 100 % publique. C'est plus que jamais inscrit dans la loi.
Pour ce qui est de la transposition, je précise que, contrairement à ce que vous affirmez, la régulation impose des obligations aux concurrents de La Poste, qui contribueront au financement de la mission universelle postale par le biais d'une taxe à l'objet et doivent être agréés par l'ARCEP. Enfin, La Poste est désignée par la loi pour assurer le service postal universel pendant quinze ans, ainsi que la délivrance du Livret A et le transport de la presse.
J'en viens à vos questions. Je rappelle tout d'abord que toutes les filiales de La Poste sont des sociétés anonymes. Pourquoi donc, alors que ces sociétés anonymes fonctionnent bien – comme la Banque postale, que vous défendez – faudrait-il que La Poste ne le devienne pas ?
Votre troisième question porte une contradiction : pourquoi vous plaindre que les amendements que vous aviez déposés en 2005 figurent aujourd'hui dans le projet du Gouvernement ? Votez donc ce texte !
Quant au fait que l'État, qui est actionnaire de La Poste, prélève des dividendes, n'est-ce pas normal ? N'est-ce pas le cas pour toutes les entreprises publiques, comme la SNCF, EDF ou AREVA ?
Monsieur Reynier, vous avez bien souligné l'équilibre de ce texte, en en faisant ressortir les points saillants, comme le prix unique du timbre, la pérennité des missions et l'actionnariat salarié. J'observe à cet égard qu'au Sénat les formations de l'opposition se sont opposées à ce que les salariés de La Poste, qui pourtant le demandent et en seraient fiers, puissent en devenir actionnaires gratuitement.
Monsieur Paul, vous intentez aussi un procès d'intention, mais vous avez au moins le mérite de parler d'avenir, évoquant l'utilisation de 2,7 milliards d'euros. Ces investissements serviront bien à financer la croissance externe. Pour le métier courrier, il s'agira de faire face à l'essor d'internet en se lançant dans l'activité de gestion du courrier électronique, pour laquelle La Poste pourrait utiliser son capital confiance. Pour le métier de banque, la Banque postale doit rester une banque pas comme les autres, car elle est la banque des plus modestes, et doit proposer l'ensemble des services qu'une banque de détail peut proposer. Pour le métier express, elle doit continuer à développer son réseau en Europe et dans le monde et devenir une grande entreprise logistique.
La problématique est simple : avec l'ouverture à la concurrence et la diminution du courrier traditionnel, nous avons la responsabilité de permettre à La Poste de devenir une grande entreprise de courrier électronique. Il faut conquérir des parts de marché. Si nous ne faisons rien fait pour conforter les métiers et les diversifier sur le territoire national, ni pour aller conquérir des parts de marché et créer des emplois, ce seront la Deutsche Post ou la TNT qui viendront le faire chez nous. Ce serait une erreur considérable de ne pas utiliser les infrastructures de transport et les plates-formes logistiques que possède la France pour moderniser le métier de logistique de La Poste.
Les 2,7 milliards d'euros serviront aussi à financer les investissements internes de modernisation. Nous avons la volonté politique de donner à La Poste les moyens de rester une grande entreprise.
Toutefois, les Français expriment aussi – notamment dans vos permanences, mesdames et messieurs les députés – des revendications quant à la qualité des services de La Poste. Il serait constructif de formuler, au cours de ce débat, des propositions pour utiliser les 2,7 milliards d'euros à l'amélioration de ces prestations.
J'ai demandé à La Poste de s'engager à rénover 1 000 bureaux de poste par an et de réduire ses émissions de CO2. La Poste a entrepris de rénover ses immeubles pour répondre aux nouvelles normes environnementales, mais, avec 6 milliards de dettes, elle n'a plus les moyens de le faire. Il faut donc les lui donner. La Poste doit aussi pouvoir poursuivre ses engagements envers ses personnels en développant la formation interne.
Ces 2,7 milliards d'euros ne doivent pas être un « chèque en blanc »…
Si, en parlant de logistique – mais nous pourrons y revenir lors du débat en séance publique.
J'en viens à vos deux dernières questions.
Pour ce qui est de l'article 12 ter relatif au régime de TVA, nous reprenons textuellement les dispositions de la directive européenne sur la TVA, concernant notamment le transport des personnes.
S'agissant de l'article 6, le Sénat a limité drastiquement les responsabilités que pourrait détenir le président du conseil d'administration de La Poste dans une autre entreprise. Nous n'envisageons bien sûr pas que celui-ci puisse cumuler d'autres fonctions exécutives dans d'autres entreprises mais souhaitons qu'il lui soit possible d'en être administrateur, afin d'enrichir son expérience de la gouvernance d'autres grands groupes industriels ou de services, et réciproquement de mettre utilement à profit son expérience de dirigeant d'une grande entreprise publique au service du conseil d'administration d'entreprises où il représenterait l'État. La gouvernance de La Poste a tout à y gagner en efficacité, et il serait dommage de s'en priver. Si la disposition votée par le Sénat était maintenue en l'état, le président de La Poste ne pourrait même pas siéger au conseil d'administration de filiales comme la Banque postale ou Géopost, ce qui irait à l'encontre même de l'unité et de la cohérence du groupe.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que le débat parlementaire était très important pour l'avenir de La Poste. Pourquoi alors avoir choisi la procédure accélérée pour l'examen de ce texte, qui, de fait, restreindra le débat ? Pourquoi cette précipitation qui nuit au fonctionnement démocratique de nos institutions ? Pourquoi bafouer les droits du Parlement sur un sujet aussi important ?
Vous avez déploré que si peu aient parlé de l'avenir de La Poste. J'évoquerai, pour ma part, l'avenir mais aussi la situation actuelle, notamment la fracture postale dont souffre notre territoire avec une Poste à deux vitesses. Des usagers ont la chance de disposer de bureaux de poste de plein exercice près de chez eux, tandis que d'autres, notamment en zone rurale, doivent se contenter d'agences postales communales ou de points de contact, sanctuarisés par ce projet de loi, ce qui, en un sens, ne laisse pas d'inquiéter pour l'avenir. Le changement de statut envisagé garantira-t-il une égalité de traitement des usagers sur l'ensemble du territoire ? Les bureaux de plein exercice vont-ils continuer de disparaître, remplacés par d'autres « outils » qui, à l'évidence, ne peuvent remplir les mêmes fonctions ?
Vous avez par ailleurs déclaré, monsieur le ministre, qu'il convenait de stopper les suppressions d'emplois à La Poste – il y en a eu 7 720 en 2008 et 11 500 en 2009 – et que vous vous engageriez à oeuvrer en sens inverse. Maintenez-vous cet engagement, sachant que dans les territoires ruraux, la distribution du courrier ne s'effectue pas à J+1, ni même à J+2, mais parfois seulement à J+7, les facteurs en vacances ou en congé maladie n'étant pas remplacés ?
Monsieur le ministre, il faut, avez-vous dit, « donner sa chance à La Poste ». Mais permettez-moi de vous le dire, vous ne donnez pas leur chance à nos territoires. Au moment même où se tiennent des assises des territoires ruraux, quel décalage entre le discours et la réalité ! Les témoignages abondent de la part des élus et des acteurs locaux pour dénoncer la disparition de nombreux bureaux de poste, comme d'ailleurs le projet de changement de statut ! Toutes ces inquiétudes sont d'autant plus légitimes que les réponses des représentants de l'État, en tout cas dans ma région, sont assez indigentes. On y parle bel et bien de « réaliser des économies » et de procéder à des « mutualisations ». Si nous n'en sommes pas restés à la Poste de papa évoquée par le rapporteur, nous ne croyons pas à la Poste du Père Noël à laquelle vous voudriez nous faire croire, surtout au vu de ce qui s'est passé à France Télécom ou à EDF ! Comment parler d'avenir à des territoires où les services publics, parmi lesquels La Poste, disparaissent les uns après les autres ?
Ce projet de loi a le mérite d'être clair et de définir avec précision les missions de ce que sera demain La Poste dans un système concurrentiel. Je suis de ceux qui pensent qu'elle joue un rôle capital en matière d'aménagement du territoire. Comme j'ai pu le constater dans ma circonscription, les partenariats avec les communes pour les agences postales et avec des entreprises privées pour les relais Poste, constituent généralement un succès. Cela étant, le dispositif pourrait marcher encore mieux, notamment si La Poste pouvait accroître son effort financier en direction des petits commerces locaux – bar, épicerie, dépôt de pain… Les élus et tous les acteurs du monde rural attendent un effort de sa part en ce sens. Il y a encore un écart important entre l'aide financière qu'elle apporte aux communes rurales pour le maintien d'un poste à temps partiel d'agent des collectivités locales pour tenir une agence postale communale et celle apportée dans le cadre d'un relais Poste dans un commerce privé. Il faudrait harmoniser ces aides et, en tout cas, ne pas négliger cette dimension d'aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, La Poste, avec son statut actuel, a pu se moderniser, investir, entrer au capital d'autres sociétés. Le choix actuel du Gouvernement est donc bien un choix de société. Vous ne m'avez pas convaincu que vous ne privatiserez pas La Poste un jour. Je n'ai pas le temps de m'y attarder ici, mais il y a vraiment matière à débat, et nous démontrerons durant les trente heures de débat – seulement, hélas !– prévues en séance publique qu'il y a bel et bien une volonté de privatiser La Poste – même si je ne mets pas en doute votre honnêteté intellectuelle.
Deux millions et demi de Français se sont exprimés lors d'une votation citoyenne. C'est en raison de ce vote que notre groupe a demandé l'application de l'article 11 de la Constitution, que vous avez refusée. Que pouvez-vous nous dire sur ce point ? Par ailleurs, La Poste est aujourd'hui prestataire du service universel, pour une durée de quinze ans. Pouvez-vous garantir qu'au terme de ces quinze ans, les quatre missions d'intérêt général seront maintenues ?
Parlons donc de l'avenir de La Poste puisque tel est votre souhait, monsieur le ministre. Si nous nous interrogeons aujourd'hui à ce sujet, c'est que nous avons pu constater qu'en matière de réseaux, le marché ne pouvait assurer la régulation nécessaire. Le libre jeu du marché permet que soient desservies les zones densément peuplées, donc rentables, mais pas les zones faiblement peuplées ou isolées, nécessairement moins rentables. Nous examinions hier en séance publique le texte relatif à la fracture numérique, laquelle est loin d'être résorbée. L'ADSL haut débit pour tous n'est pas pour demain ! Donc le e-courrier de La Poste dans les zones rurales non plus ! La fracture territoriale et sociale ne cesse de se creuser. La réforme de la carte judiciaire comme toutes celles résultant de la RGPP l'ont accentuée. Le bureau de poste — et sans doute est-ce là ce qu'ont voulu dire nos concitoyens lors de la récente votation – constitue pour eux comme un dernier rempart. C'est souvent le dernier service public de proximité à demeurer – même s'ils doivent se rendre au chef-lieu de canton à la Banque postale.
Ma crainte est que le fonds de péréquation ne suffise plus, surtout après la réforme de la taxe professionnelle, pour garantir la présence postale sur l'ensemble du territoire, notamment en milieu rural, péri-urbain et dans les quartiers défavorisés, le libre jeu du marché ne le permettant pas.
L'alinéa 4 de l'article 1er dispose que la transformation de l'établissement public La Poste en société anonyme n'emporte pas création d'une personne juridique nouvelle. L'ensemble du patrimoine de l'établissement public deviendra propriété de la société anonyme. Comment garantir que les biens immobiliers de La Poste ne feront pas l'objet d'opérations spéculatives ? Quels garde-fous comptez-vous mettre en place pour éviter la dilapidation du capital immobilier de La Poste et au contraire en affecter les biens à un usage social ?
Dans l'Aveyron, pour 200 points de contact, il n'y a plus que 83 bureaux de plein exercice. On se fonde sur une fréquentation insuffisante des bureaux pour décider de les transformer en agences postales. Mais lorsqu'on réduit l'amplitude de leurs horaires d'ouverture au point que nos concitoyens ne peuvent plus s'y rendre, il est inévitable que la fréquentation diminue !
Madame Massat, il est nécessaire de modifier au plus vite le statut de La Poste. L'ouverture du marché à la concurrence en 2011 rend indispensable de donner dès 2010 les moyens à l'établissement de s'y préparer. L'égalité de traitement entre les usagers est d'ores et déjà garantie avec les critères d'accessibilité fixés dans la loi de 2005. Il faut poursuivre l'effort afin que le courrier soit effectivement distribué à J+1. Ce projet de loi est l'occasion d'exiger encore davantage de La Poste, et, sur ce point, je suis preneur de toute suggestion.
Pour ce qui est de l'emploi, les effectifs de La Poste, tournant autour de 300 000, sont stables depuis vingt ans. Quelle autre entreprise publique dans notre pays peut en dire autant ?
Certes, l'effectif a pu fluctuer d'une année sur l'autre. Il y a six ou sept ans, La Poste ne comptait-elle que 250 000 ou 260 000 agents contre 290 000 aujourd'hui, et, en 1997, elle en comptait 10 000 de moins qu'aujourd'hui. Mais l'effectif est globalement resté stable, sous réserve des départs annuels en retraite. Par ailleurs, La Poste continue de recruter. Certes, des départs en retraite n'ont pas été remplacés,…
…mais, en 2008, elle a recruté 8 000 personnes. Quelle autre entreprise en a fait autant cette année-là dans notre pays ? La Poste met en outre un point d'honneur à recruter des jeunes des quartiers, d'horizons variés, et en contrat d'apprentissage. Enfin, c'est une entreprise exemplaire sur le plan social. La moitié de ses 300 000 employés sont des fonctionnaires de l'État, assurés donc de ne jamais subir de plan social, l'autre moitié travaille dans de très bonnes conditions, avec notamment moins de 3 % de contrats à durée déterminée. Je ne connais aucune autre entreprise qui fasse aussi bien.
Madame Got, apporter 2,7 milliards d'euros à La Poste est le meilleur moyen d'assurer son avenir. Aucun gouvernement ne lui a jamais donné autant de gages ni de moyens.
Monsieur Anciaux, vous avez souligné l'importance du lien entre La Poste et les petits commerces locaux. Pour avoir sillonné beaucoup de circonscriptions par le passé et avoir été moi-même l'élu d'une circonscription rurale, je sais combien la situation peut varier d'un canton à l'autre, d'une commune à l'autre. J'ai vu autant de bureaux de poste devenir des agences postales communales que d'agences postales devenir des bureaux de plein exercice ou fermer au bénéfice de l'ouverture d'un commerce – épicerie, station-service… – servant aussi de point Poste. Dans un chef-lieu de canton de ma circonscription, où l'agence postale communale était remontée en puissance grâce notamment à l'action de la municipalité, le maire a demandé qu'elle redevienne un bureau de poste de plein exercice. « Chiche », a répondu le directeur départemental de la Poste, exprimant toutefois le souhait que les habitants de ce canton et cette commune soient prêts à jouer le jeu et ouvrent un compte à la Banque postale. Beaucoup de nos concitoyens, prompts à réclamer un bureau de poste près de chez eux, sont clients d'une autre banque, là où ils travaillent ou bien là où leurs enfants sont scolarisés.
Rien n'est simple et, nous l'avons vu ces dernières années, il faut s'adapter au cas par cas. Cela étant, comme beaucoup d'entre vous j'en suis sûr, je connais des communes où depuis des décennies il n'y avait plus ni bureau de poste ni épicerie, et où le maire a réussi à faire rouvrir un commerce de proximité assurant également un service postal — où un courrier recommandé peut donc être envoyé sept jours sur sept. Des commerçants réticents à s'installer, craignant de ne pas réaliser un chiffre d'affaires suffisant, franchissent le pas grâce au complément de rémunération que leur apporte le service postal. On fait ainsi d'une pierre deux coups au service des usagers : on rouvre un commerce et on assure un service postal.
Cela étant, il n'existe pas de solution-type. La solution pertinente doit à chaque fois être appréciée au cas par cas. Mais sachez que je suis ouvert à toute proposition d'amendement permettant d'améliorer les liens entre La Poste et les petites entreprises locales.
Monsieur Jibrayel, deux millions et demi de nos concitoyens, nous dites-vous, se sont exprimés lors d'une votation citoyenne. Pour ma part, je n'en sais rien.
Les témoignages ne manquent pas de personnes revenues chez elles le soir avec une urne sous le bras, ce qui laisse augurer de toutes les possibilités.
Je l'ai dit au Sénat. Pourquoi ne le dirais-je pas à l'Assemblée nationale ? Oui, certaines personnes sont allées voter dix fois à Paris… les témoignages à ce sujet ne manquent pas. Cela étant, je respecte nos concitoyens qui se sont exprimés. Et si la question avait été : « Êtes-vous pour ou contre la privatisation de La Poste ? », j'aurais été le premier à me précipiter pour faire savoir que j'étais contre. Mais la question était tout autre : « Êtes-vous pour ou contre le projet de loi gouvernemental qui vise à privatiser La Poste ? » Cela dit, j'observe que, deux mois plus tard, l'initiateur de cette votation, qui avait formulé la question initiale, demande désormais un référendum sur le changement de statut de La Poste. Il a de lui-même compris qu'il y avait assez de garanties que La Poste ne serait pas privatisée pour ne même plus poser la question !
Monsieur le ministre, certains amendements de collègues UMP demandent expressément qu'un référendum soit organisé en cas de privatisation.
Peut-être sollicitera-t-on un jour un référendum sur un éventuel changement de couleur des véhicules de La Poste ! Dans notre pays, un référendum a une autre valeur. Tous ceux qui ont été organisés jusqu'à présent l'ont été sur des sujets d'importance…
… touchant aux institutions et à l'avenir de la République.
Après la réforme constitutionnelle qu'a fait voter cette majorité, une loi organique va être prochainement déposée instituant le référendum d'initiative populaire – vous en parliez depuis des années, mais c'est cette majorité qui l'a rendu possible. Si vous rassemblez les signatures d'un cinquième des parlementaires et de 10% du corps électoral, vous pourrez demander un référendum. Et un an après l'entrée en vigueur de la loi, si vous pensez que les objectifs n'ont pas été remplis et que La Poste s'en est trouvée affaiblie, vous pourrez « défaire » le texte. Mais je fais ici le pari que vous ne trouverez jamais les soutiens nécessaires pour demander que soit abrogée une loi qui aura permis à La Poste de relever avec succès le défi de l'ouverture du marché à la concurrence. Nos concitoyens auront compris qu'il ne faut surtout pas revenir en arrière.
Pour ce qui est de votre deuxième question, monsieur Jibrayel, oui, La Poste n'est prestataire du service universel que pour quinze ans. Nous aurions aimé pouvoir prévoir une durée plus longue, mais les autorités communautaires ne l'ont pas permis.
Madame Coutelle, la fracture territoriale ne se creuse pas, bien au contraire. Je relève d'ailleurs que ce sont les mêmes parlementaires qui me demandaient, lorsque j'étais ministre de l'aménagement du territoire, que leur territoire soit équipé en téléphonie mobile et en ADSL pour y résorber les zones blanches, ce qui y a allégé le poids du sac du facteur, qui se plaignent aujourd'hui de la diminution du volume du courrier. Quoi qu'il en soit, nul ne peut nier que le territoire est aujourd'hui beaucoup mieux couvert qu'il y a trois ans par tous ces nouveaux moyens de communication.
S'agissant de la taxe professionnelle, La Poste a longtemps souffert d'une sous-compensation. Le projet de loi permet précisément d'y remédier puisque l'allégement de taxe sera déterminé sur la base de l'évaluation de l'ARCEP, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Madame Marcel, je vous rassure, le ministre a droit de veto sur les cessions immobilières les plus importantes de La Poste. Ce droit constitue un garde-fou, et sachez que j'ai plaidé pour qu'il soit maintenu dans le projet de loi, car j'y suis attaché.
S'agissant de l'aménagement du territoire et de l'évolution des bureaux de poste, La Poste organise d'ores et déjà une concertation avec les élus locaux, notamment dans le cadre des commissions départementales de la présence postale – peut-être insuffisante, je veux bien le reconnaître. J'ai fait savoir à l'ensemble des cadres de La Poste que les élus étaient trop souvent mis devant le fait accompli et que cela n'était pas acceptable. Profitez de ce débat pour renforcer les dispositions à ce sujet. J'accepterais bien volontiers des amendements prévoyant par exemple que les centres de tri départementaux fassent partie des sujets dont les élus puissent débattre et émettre un avis. Et je suis même prêt à aller au-delà. Je vous invite d'ailleurs, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, à vous rallier à des amendements comme le CE 206 de MM. Ollier et Proriol demandant que les horaires d'ouverture des bureaux de poste soient adaptés aux modes de vie de nos concitoyens. Que le Parlement n'hésite pas à se saisir encore davantage de tous ces sujets.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 1er décembre 2009 à 17 heures
Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. Gabriel Biancheri, M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Claude Lenoir, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Patrick Ollier, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Michel Raison, M. Franck Reynier, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Vautrin, M. Jean-Michel Villaumé
Excusés. - M. Jean-Pierre Abelin, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Déaut
Assistaient également à la réunion. - Mme Gisèle Biémouret, M. Pascal Deguilhem, M. Christian Eckert, Mme Catherine Génisson, M. Daniel Paul, M. Christophe Priou