Examen du rapport sur
« les conséquences éventuelles pour la santé de la téléphonie mobile »
, rappelant le cadre dans lequel s'inscrit le rapport de M. Alain Gest, a indiqué que, dans sa réunion du 21 juin 2008, le Bureau de l'Assemblée nationale avait saisi l'OPECST d'une étude sur les incidences éventuelles sur la santé de la téléphonie mobile.
Au titre de cette étude, dont l'un des objets est de réactualiser le rapport de l'OPECST des sénateurs Lorrain et Raoul publié en 2002 sur le même sujet, le rapporteur a organisé deux auditions publiques, l'une le 6 avril 2009 sur les antennes relais, l'autre le 10 juin 2009 sur la téléphonie mobile.
Ultérieurement, l'OPECST a organisé, le 1er octobre 2009 une audition publique au Sénat sur le principe de précaution.
Enfin, le rapporteur a été également désigné comme rapporteur du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la mise en oeuvre de l'article 5 de la Charte de l'environnement relatif à l'application du principe de précaution.
, tout en évoquant les conditions dans lesquelles il a conduit ses travaux, a souligné que les différents événements intervenus parallèlement avaient confirmé l'utilité d'une réactualisation du rapport « Lorrain-Raoul » ainsi que la nécessité de distinguer entre l'exposition au téléphone mobile et l'exposition aux antennes relais sur laquelle il avait insisté. La focalisation du débat sur les antennes relais et les décisions judiciaires ayant ordonné le démantèlement de certaines d'entre elles ont fait perdre de vue que les rayonnements des antennes relais sont faibles, diminuent à mesure qu'on s'en éloigne et se diffusent suivant un effet « parapluie ».
La décision du Gouvernement de convoquer les parties prenantes – hormis les scientifiques – à une table ronde, à la suite de l'arrêt de la Cour d'Appel de Versailles du 12 février 2009 a contribué à la transparence du débat, que la constitution d'un comité de suivi a renforcée.
S'agissant du rapport que l'Agence française de securité sanitaire, de l'environnement et du travail (AFSSET) a présenté le 15 octobre 2009, M. Alain Gest a relevé, que du fait de la présentation de l'avis qu'il a qualifiée de politique, la presse n'en a retenu que l'idée d'une réduction des niveaux d'exposition, ce qui ne pouvait, selon lui, que susciter des interprétations médiatiques.
Présentant les grandes lignes de son rapport, il a indiqué que, conformément au souhait exprimé par les membres de l'OPECST, le chapitre premier revêt une dimension pédagogique, rendue nécessaire par la redoutable complexité d'une matière pluridisciplinaire. Le rapporteur a ainsi rappelé trois séries de notions qui illustent les interactions entre le corps humain et les ondes électromagnétiques : la distinction entre effets biologiques et effets sanitaires, la distinction entre effets thermiques et effets non thermiques et le DAS (Débit d'absorption spécifique) qui indique la quantité d'énergie absorbée par le corps.
Abordant l'état des connaissances scientifiques, il a notamment fait observer que, en ce qui concerne les effets du téléphone mobile, la méta-analyse d'Ahlbom sur les liens entre téléphonie mobile et tumeurs cérébrales avait indiqué l'absence d'effet avéré, en cas d'usage du téléphone mobile pour une durée inférieure à 10 ans. En revanche, au-delà de cette durée, les données disponibles ne permettent pas encore de formuler un diagnostic avec certitude. En outre, d'importantes divergences existent entre les résultats indiqués par l'étude Interphone et les conclusions du groupe Hardell.
A l'inverse, c'est un quasi consensus qui prévaut en ce qui concerne l'étude des effets des antennes relais et l'électrohypersensibilité (EHS). La majorité des recherches ont ainsi confirmé la position adoptée, en 2004, par l'Organisation mondiale de la santé, dans laquelle elle a conclu, d'une part à l'innocuité des antennes relais et des technologies sans fil et, d'autre part, à l'absence de lien de causalité entre l'électrohypersensibilité et l'exposition aux champs électromagnétiques.
Examinant les différentes controverses soulevées par les études scientifiques, le rapporteur a déclaré que les critiques formulées à l'encontre des valeurs limites d'exposition recommandées par l'ICNIRP (Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants) et par la recommandation européenne du Conseil de l'Union européenne du 12 juillet 1999 ne tenaient pas compte du fait que les valeurs mesurées se situaient très en-deça de ces valeurs limites. D'autre part, elles sont dépourvues de toute base scientifique, la référence au rapport Bioinitiative, du fait des vices dont il est entaché, ne pouvant fournir de justification scientifique à la proposition d'un abaissement à 0,6 Vm de la valeur limite d'exposition.
Evoquant les controverses sur la perception et la gestion des risques, le rapporteur a souligné l'absence d'augmentation de l'incidence des risques cancérigènes. Par ailleurs, il a insisté sur les difficultés d'une gestion optimale des risques résultant des divergences d'interprétations du principe de précaution entre les différents acteurs, d'une part, et, d'autre part, entre tribunaux administratifs et judiciaires, y voyant une exception française par comparaison avec les pays dans lesquels il s'est déplacé.
Présentant ses recommandations, le rapporteur a notamment insisté sur la réelle souffrance éprouvée par les personnes se déclarant électrohypersensibles ainsi que sur l'exigence de transparence, qui doit être au coeur de la communication sur les risques.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
, a estimé qu'il serait intéressant de procéder à une étude des effets de l'exposition aux rayonnements des téléviseurs sur les personnes qui, enfants, regardaient la télévision durant plusieurs heures par jour.
Il a constaté par ailleurs que, dans le débat sur les antennes relais, outre le principe ALARA (As low as reasonably adchievable – Aussi bas qu'il est raisonnablement possible de faire), étaient invoqués le principe NIMBY (Not in my back yard – Pas près de chez moi) et le principe BANANA (Build absolutely nothing anywhere near anybody – ne rien construire auprès de qui que ce soit).
S'agissant du principe de précaution, il a noté que le juge avait pris en compte le trouble de ressenti des riverains de l'antenne relais pour en ordonner le démantèlement.
, a déclaré avoir apprécié que le rapport ait souligné que l'électrohypersensibilité (EHS) ne procédait pas de la démarche diagnostique exigée en la matière, puisque c'est le patient lui-même qui se déclare électrohypersensible. Il a insisté sur le fait que les signes fonctionnels constatés ne pouvaient être regardés comme des syndromes mais seulement comme des symptômes décrits par les malades. C'est la raison pour laquelle il a jugé nécessaire de mieux encadrer l'idée d'octroyer des subventions, afin d'éviter tout excès.
, a jugé le rapport fouillé. Evoquant la question de l'électrohypersensibilité, il a considéré qu'elle devait pouvoir être résolue, car si aucune expérience en double aveugle n'a montré des effets, on ne peut toutefois en conclure que la souffrance des personnes concernées n'existe pas. Si un effort reste à faire, cela doit être facilement démontrable au niveau clinique.
Evoquant le coût des mesures, il a indiqué qu'en application de la charte signée dans l'agglomération d'Angers avec les opérateurs, il incombe à ces derniers de les financer, le principe de la gratuité devant s'appliquer lorsque la mesure est demandée par les communes.
En ce qui concerne la problématique de la transparence, M. Daniel Raoul, sénateur, a rappelé que la proposition formulée dans son rapport d'instaurer un Plan d'occupation des toits (POT) devait permettre aux maires d'en connaître réellement l'emplacement sur le territoire de leur commune, alors qu'elles ne figurent pas toutes sur le site de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) ou n'y sont pas correctement référencées.
Il a déclaré approuver l'idée du rapporteur d'assujettir la demande d'installation de l'antenne relais à la procédure du permis de construire.
Il a exprimé le souhait que le principe de l'inscription du DAS sur le téléphone mobile soit consacré à l'occasion de la discussion du Grenelle II de l'environnement.
Enfin, il s'est déclaré sceptique quant à l'acceptation par les fabricants de l'idée du téléphone mobile sans haut parleur.
, a estimé qu'il était difficile de faire des démonstrations à l'opinion, devant l'irrationnalité qui semble prévaloir. On ne peut ignorer l'offensive antirationnaliste menée actuellement, qui est telle qu'il ne suffit pas d'avoir raison pour que son opinion soit partagée, du fait d'un climat ultra-réactionnaire dirigé contre l'esprit des Lumières. Dès lors, il importe de résister, comme dans le combat en faveur de la laïcité.
Evoquant la question de l'EHS, il a estimé que les scientifiques, se sentant humiliés, ont renoncé à prendre la parole et a jugé utile qu'ils interviennent davantage devant l'opinion publique.
Il a approuvé l'idée d'étendre la procédure du permis de construire à la demande d'installation des antennes relais, déplorant, en outre, l'attitude irresponsable de certains parents qui, tout en étant équipés de plusieurs téléphones mobiles, s'élèvent contre les antennes relais.
Enfin, il a tenu à appeler l'attention sur le déficit d'information sur les travaux de l'OPECST, que, selon lui, l'opinion ignore totalement. Ce déficit qu'il a imputé à la modestie de l'OPECST ne permet pas de revaloriser ses travaux.
, a constaté que le débat sur le téléphone mobile lui rappelait le débat sur les OGM, du fait des dérives auxquelles a donné lieu l'application du principe de précaution. Dans ce contexte, on se heurte à la difficulté de convaincre les scientifiques à intervenir dans le débat public, alors que, parallèlement, la société n'accepte pas l'absence de transparence. Sur ce point, comme le montre la proposition du rapporteur relative au permis de construire, il apparaît que les maires sont les acteurs indispensables pour rassurer la population.
En outre, il a déclaré s'associer aux propos de M. Jean-Pierre Brard sur la nécessité d'une meilleure diffusion de la parole des scientifiques et des travaux de l'OPECST.
, a déclaré approuvé les propos de M. Jean-Pierre Brard, député, et ceux de M. Jean-Marc Pastor, sénateur, sur la nécessité d'une intervention accrue des scientifiques dans le débat public, tout en relevant que le site de l'OPECST est l'un des plus consultés de ceux du Parlement.
, a rappelé avoir suggéré l'idée d'une réflexion sur la médiation scientifique, qui, selon lui, gagnerait à être mise en oeuvre. D'une part, les chaînes parlementaires LCP et Public Sénat sont de plus en plus regardées, d'autre part l'émission spéciale de Bibliothèque Médicis consacrée aux nanotechnologies a été un réel succès et devrait servir de modèle à de nouvelles émissions qu'il serait possible de réaliser.
Le rapporteur a alors apporté les précisions suivantes :
- il a tenté, de façon infructueuse, de faire venir le Professeur Hardell à l'audition publique qu'il a organisée le 10 juin 2009 sur le téléphone mobile, alors qu'il avait accepté de venir à un colloque organisé au Sénat au mois de février ;
- la baisse en Italie du niveau d'exposition à 6 Vm n'a pas apaisé les inquiétudes de la population ;
- les personnes se déclarant électrohypersensibles souffrent réellement, même si leurs maux sont différents des cancers ;
- l'idée d'un versement de subventions aux associations d'EHS se justifie par le fait qu'on ne peut se limiter à la seule poursuite des recherches, même s'il faut convenir que, faute de symptômes, les personnes se déclarant EHS ne peuvent être regardées comme des malades ;
- l'application du permis de construire à la demande d'installation d'une antenne relais doit pouvoir contribuer à apaiser le débat. En outre, il n'est pas anormal d'étendre aux opérateurs, une procédure applicable aux particuliers ;
- l'inscription du DAS sur le téléphone est une mesure à prévoir dans les recommandations car l'affichage dans les notices ou les lieux de vente est insuffisant.
- il est nécessaire d'avoir un discours clair et cohérent, même si cela ne suffit pas pour combattre l'irrationnalisme.
Après que M. Claude Birraux, député, président, eut informé les membres de l'Office de la demande d'excuse que lui a adressée Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, qui a dû représenter l'Office à une réunion du Comité d'orientation stratégique de la Fondation pour la Recherche sur la biodiversité et qui, de ce fait, n'a pu prendre part au vote, les recommandations proposées par le rapporteur, sous réserve d'une modification, ont été adoptées et la publication du rapport a été autorisée.