La Commission procède d'abord à l'examen des crédits de la mission Défense.
Nous entendrons successivement M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial sur les crédits relatifs à la préparation de l'avenir et M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial sur ceux relevant du budget opérationnel de la défense.
Préparation de l'avenir. J'informe en préambule la commission que les vingt dernières réponses au questionnaire budgétaire, parmi les plus importantes, ne me sont parvenues que samedi 10 octobre vers 20 heures, soit hors des délais fixés par la LOLF et seulement 72 heures avant la présentation de ce soir. J'insiste pour que nos conditions de travail s'améliorent.
En 2010, année particulière pour notre défense, le budget de la mission Défense s'établira à 39,3 milliards en autorisations d'engagement et à 37,1 milliards en crédits de paiement. En pleine conformité avec la trajectoire définie par la loi de programmation militaire, qui prévoyait un pic de dotations en 2009 correspondant au pic des besoins en équipements et à l'impact du plan de relance, ce budget est en baisse par rapport à 2009, mais supérieur de près de 2 milliards d'euros, soit de 6 %, à celui de 2008.
La priorité demeure aux équipements, dont les crédits de paiement s'élèveront à 17 milliards d'euros, soit 900 millions de moins qu'en 2009 mais 1,7 milliard de plus qu'en 2008.
À ce jour, la mission a été relativement épargnée par les annulations de crédits. Le niveau des reports de charges, même s'il reste particulièrement élevé, devrait diminuer de plus de 100 millions en 2010.
Parmi les éléments positifs, il faut noter les efforts importants consentis en faveur du renseignement, ce qui témoigne du volontarisme du chef de l'État en ce domaine. Ainsi, les moyens de l'action Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France augmenteront de 8,3 % en crédits de paiement, et le renseignement sera d'ailleurs le seul domaine de la mission Défense qui, loin de perdre des emplois, en gagnera.
La maîtrise des technologies clés est essentielle au développement d'une industrie de défense et de sécurité autonome et compétitive, capable de répondre durablement aux besoins des forces. En 2010, le ministère de la défense, premier acheteur et investisseur public, consacrera 3,6 milliards d'euros à la recherche-développement : 652 millions iront aux études amont, 813 millions subventionneront des projets de recherche et technologie et 1,6 milliard ira à des études de défense, dont une partie, duale, relève du programme 191. La modernisation de notre armée dépend de sa capacité d'innovation. Celle-ci alimentant souvent la recherche civile, la défense contribue à la croissance. La défense, c'est en effet la sécurité, un très gros marché sur lequel nos entreprises sont excellentes ; en soutenant la recherche-développement militaire, nous soutenons donc indirectement l'ensemble de notre économie.
Pour répondre à la demande que certains d'entre vous m'ont faite lors de l'examen du budget précédent, je publierai cette année, en annexe à mon rapport spécial, la liste des études prospectives et stratégiques réalisées en 2008 et 2009, classées par organisme.
Le renseignement est essentiel, car rien ne servirait d'avoir la meilleure armée du monde si l'état-major est incapable de savoir ce qui se passe de l'autre côté de la montagne. Nous avons constaté dans le passé que l'absence de renseignement pouvait être lourde de conséquences, notamment en opérations extérieures – les OPEX. Le déploiement de drones en Afghanistan et les bons renseignements qu'ils semblent fournir aux forces ne doivent pas occulter le retard pris par l'industrie française et européenne dans ce secteur. Notre pays doit se montrer volontariste et inciter les industriels concernés à investir dans ce domaine essentiel. Chacun des vecteurs technologiques du renseignement – satellites, drones et avions – est nécessaire ; j'insiste donc sur la complémentarité des programmes, qui doivent tous être menés rapidement à terme. C'est d'autant plus nécessaire que le renseignement n'est pas seulement une composante essentielle de la stratégie militaire : c'est également la meilleure arme contre le terrorisme.
Je rappelle enfin l'importance de l'intelligence économique. La guerre économique mondiale nous impose d'assurer la sécurité et la protection de nos entreprises. Ne soyons pas dupes : les contrats internationaux ne s'obtiennent jamais sans l'aide des services de l'intelligence économique. Autant, donc, être à la hauteur de nos concurrents tout en respectant les règles éthiques. Qui sait livrer l'information stratégique au bon moment et à la bonne personne obtient un avantage compétitif décisif. Or les moyens de la France en ce domaine sont peu développés par rapport à ceux de ses grands rivaux économiques. Ainsi, alors qu'aux États-Unis, plus de 100 000 personnes au sein de dix-sept agences travaillent pour le renseignement militaire et économique, il n'y en a qu'une dizaine de milliers en France. Il revient aussi à nos entreprises d'augmenter impérativement leurs services dans ce domaine pour affronter dans de bonnes conditions le marché économique mondial « post-guerre froide ».
J'en viens au programme Équipement des forces. Les autorisations d'engagement, en baisse sensible, s'établiront à 12,2 milliards en 2010, la plupart des matériels majeurs ayant bénéficié d'une commande globale en 2009, dans le cadre de la loi de finances ou dans celui du plan de relance.
Le système de forces Dissuasion recevra une enveloppe de 3 milliards qui permettra de poursuivre la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire. Le dernier SNLE de nouvelle génération, Le Terrible, qui pourra directement utiliser le missile M51, sera livré à la marine nationale, de même que le premier lot de missiles M51 destiné à être utilisé sur ce bâtiment. En 2010 sera également entreprise l'adaptation d'un SNLE-NG de type Triomphant au missile M51.
Le système de forces Engagement et combat sera doté de 3,6 milliards d'euros de crédits de paiement. Dans le domaine aérien, la montée en puissance des escadrons Rafale se poursuivra avec la livraison de onze appareils supplémentaires, et 274 armements air-sol modulaires seront fournis.
Dans le domaine naval, outre le SNLE déjà évoqué, nos forces recevront quatre missiles mer-mer 40 transformés et 75 torpilles MU90. Je rappelle que, dans le cadre du plan de relance de l'économie, un bâtiment de projection et de commandement de 21 000 tonnes a été commandé par anticipation en avril 2009.
Dans le domaine terrestre, nos forces recevront sept hélicoptères de combat Tigre, 34 canons automoteurs Caesar, 99 véhicules blindés de combat VBCI, 44 véhicules blindés légers VBL et 5 045 équipements du fantassin Félin.
En 2010 seront commandés 168 armements air-sol modulaires, 22 systèmes lance-roquettes LRU ainsi qu'un premier lot de postes de tir et de munitions du missile moyenne portée destiné au théâtre afghan. D'autre part, la première phase de rénovation à mi-vie des Atlantique-2 sera lancée.
Le système de forces Commandement et maîtrise de l'information bénéficiera d'une enveloppe de 774 millions.
La priorité accordée à la fonction stratégique Connaissance et anticipation se traduit par le renforcement des moyens d'observation aérienne avec la réception du premier Transall C-160 « Gabriel » d'écoute entièrement rénové, ainsi que de six nacelles de reconnaissance de nouvelle génération, de deux avions Awacs de surveillance rénovés et d'un satellite d'observation optique Hélios IIB. À ces équipements s'ajouteront 45 stations d'exploitation des données de géographie numérique, 33 systèmes d'information et de commandement pour la marine, 37 systèmes d'information régimentaires de l'armée de terre, deux systèmes d'observation spatiale et 88 stations de communications par satellite pour le système Syracuse III.
Par ailleurs, le ministère commandera un satellite de communication Athéna, six stations navales de communications par satellite Telcomarsat, trois satellites d'observation optique Musis, et encore 18 systèmes d'information et de communication de la marine.
Le système de forces Projection mobilité soutien recevra 1,1 milliard de crédits. Le financement du programme A400M, malheureusement en retard, se poursuivra ; deux avions à usage gouvernemental seront livrés ainsi que quatre hélicoptères NH90 en version navale, 340 petits véhicules protégés et deux systèmes de franchissement.
En 2010 seront par ailleurs commandés 200 porteurs polyvalents terrestres et 187 petits véhicules protégés. Quatre hélicoptères Cougar seront rénovés.
Enfin, le système de forces Protection sauvegarde bénéficiera d'une enveloppe de 687 millions. En 2010, les forces recevront 110 missiles air-air MICA, deux systèmes sol-air moyenne portée terrestres et 80 missiles antiaériens Aster 30. Seront en outre commandés 200 missiles air-air d'interception Mide, un lot de brouilleurs contre les engins explosifs improvisés destinés à être utilisés en Afghanistan et 135 missiles Mistral rénovés. Le développement de la rénovation à mi-vie du Mirage 2000D sera lancé.
La liste des équipements qui devraient être commandés ou livrés en 2010 est donc fort longue. La vigilance s'impose toutefois à propos de la date de livraison de l'Airbus A400M, encore inconnue. Si son premier vol pouvait avoir lieu en décembre de cette année, comme cela est envisagé, ce serait un bon signe pour un programme qui a déjà subi de bien trop nombreux retards.
Ce budget va dans le bon sens. Dans la droite ligne de celui de l'année dernière, il contribuera à améliorer l'équipement de nos forces et à renforcer la compétitivité de nos industries de défense et de sécurité. Le marché mondial annuel de la sécurité représente 250 milliards d'euros et il augmente de 10 % par an. Si nous aidons les entreprises françaises à accroître leurs parts de marché, l'emploi et la richesse nationale y gagneront.
En conclusion, le budget de la mission Défense permettra à notre armée de conserver son rang, ses savoir-faire largement reconnus et ses capacités d'intervention. Je vous propose donc de l'adopter.
Pour faire écho à la remarque préliminaire de M. Fourgous, je souligne que les réponses aux questions posées par les rapporteurs spéciaux doivent leur être transmises par les ministères dans des délais leur permettant de présenter dans de bonnes conditions leur rapport à leurs collègues.
Je constate que le rapport exhaustif qui vient de nous être fait ne suscite ni questions ni commentaires. La commission se prononcera sur les crédits de la mission après avoir entendu M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial pour le budget opérationnel de la défense.
Budget opérationnel de la défense. Le programme 178, Préparation et emploi des forces, est le plus important de la mission Défense, puisqu'il recouvre tous ses aspects humains : le recrutement, les rémunérations et les charges sociales, mais aussi l'entraînement, la projection, la disponibilité des forces et les opérations extérieures.
Après la hausse substantielle enregistrée en 2009, les crédits du programme Préparation et emploi des forces connaîtront, en 2010, une phase de stabilisation. Les autorisations d'engagement s'élèveront à 22,8 milliards d'euros, en hausse de 2 %. Les crédits de paiement seront de 21,5 milliards, en baisse de 1,3 %.
Le plan de modernisation inscrit dans la loi de programmation militaire 2009-2014, que nous avons adoptée le 29 juillet dernier, se poursuit de manière « nominale » du point de vue militaire. Je vous rappelle que d'ici à 2014, 82 unités seront supprimées et 33 transférées. L'armée de terre sera la première concernée : ses effectifs se réduiront de 26 500 hommes, et 20 régiments ou bataillons devront disparaître. L'armée de l'air a commencé à fermer onze bases aériennes. La marine, enfin, perdra 6 000 hommes. Ces restructurations devraient aboutir à la suppression de 54 000 postes, soit environ 9 000 par an, ce qui est loin d'être négligeable. La reconversion est un élément essentiel de ces réductions d'effectif. Les armées ne peuvent se séparer d'autant de leurs agents sans consentir un effort particulier en cette matière. À cette fin, le ministère de la défense a installé le 10 juin 2009 l'agence Défense mobilité qui regroupe les moyens jusqu'à présent dispersés entre les différentes armées.
Sur les 70 à 80 bases de défense qui doivent être créées, sept l'ont déjà été. Elles seront 18 fin 2010, l'année 2011 étant celle de la généralisation de ce concept. Selon les chefs d'état-major que nous avons rencontrés, de premières économies de fonctionnement se font déjà sentir sur les bases créées.
La place de Paris n'échappe pas à la réforme puisque l'administration centrale doit se regrouper en 2014 sur un site unique. Balard, qui deviendra la base de défense de la capitale – le « Balardgone » en quelque sorte –, rassemblera 10 000 agents du ministère, civils et militaires. Cette opération, facteur éminent de la réussite de la réforme, permettra de gagner 24 % de surface, les locaux que la défense va libérer étant parfois très anciens et fort peu fonctionnels. Des économies substantielles sont attendues en frais d'entretien, de restauration et de transports, que le contrôle général des armées évalue dans une fourchette comprise entre 2,5 et 3,5 milliards sur trente ans.
Le projet est mené en partenariat avec un opérateur privé qui sera propriétaire des immeubles et auquel le ministère de la défense versera un loyer. Cette solution a été préférée à une opération strictement patrimoniale qui aurait été beaucoup plus difficile à financer et qui n'aurait pas forcément été réalisée dans les délais que le partenaire privé s'engage à respecter de manière contractuelle. Je compléterai l'analyse du regroupement à Balard lors de l'examen du projet de budget en séance publique.
Je souhaite maintenant appeler l'attention de la Commission sur les deux sujets essentiels de ce programme : les opérations extérieures – les OPEX - menées par la France et le maintien en condition opérationnelle du matériel.
Depuis près de deux décennies, la France doit gérer en permanence la participation de plus de 10 000 militaires à des OPEX et aussi le pré-positionnement d'environ 4 500 soldats dans des pays amis.
Comme vous le savez, la mission d'évaluation et de contrôle de notre commission – la MEC - a publié en juillet sur le coût et le financement des OPEX un rapport d'information que j'ai co-rédigé avec notre collègue Françoise Olivier-Coupeau, de la commission de la Défense. Nous avons mis en évidence l'inflation croissante des coûts des OPEX, pourtant largement sous-estimés. Officiellement évalué à 830 millions en 2008, ce coût est estimé à 873 millions d'euros environ pour 2009, soit moins que le milliard initialement envisagé. Mais si les crédits inscrits en loi de finances à ce titre ont augmenté, ce que je salue, ils ne couvrent toujours pas plus de 55 à 60 % du montant réel des opérations : 460 millions en 2008, 510 millions en 2009. Le projet de budget pour 2010 inscrit 570 millions d'euros au titre des OPEX, soit 60 millions de plus qu'en 2009, ce qui est une bonne chose. Toutefois, en 2010 comme en 2009, le financement résiduel des surcoûts de ces opérations ne reposera pas sur les crédits d'équipement de la défense mais sur la réserve de précaution interministérielle.
L'évolution du financement des opérations extérieures ne dispense pas de chercher à en réduire le coût. Des préconisations figurent à cet effet dans le rapport de la MEC ; j'en citerai trois. En Côte d'Ivoire, il est grand temps d'impliquer davantage les pays de l'Union africaine, que nous devons placer face à leurs responsabilités. Des troupes africaines participent déjà à l'ONUCI, l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, mais l'essentiel est assuré par le dispositif militaire français, qui a vocation à se désengager progressivement. En effet, le pays se prépare à des élections, et la situation n'est plus celle du maintien de la paix.
Au Tchad, où les Nations unies prennent le relais de l'Union européenne, il est également nécessaire de trouver d'autres relais. Pour des raisons d'efficacité, la France assure aujourd'hui la plus grande partie d'une logistique aérienne extrêmement coûteuse, sans toujours être dédommagée au juste prix.
Enfin, d'une manière générale, il faudra mieux appréhender les possibilités de remboursement des opérations sous mandat international, qu'il s'agisse des Nations unies ou de l'Union européenne.
Un mot sur l'Afghanistan, où je me suis rendu au printemps dans le cadre de l'élaboration du rapport de la MEC : 3 700 militaires français sont engagés dans les opérations de stabilisation du pays depuis le territoire afghan, le Tadjikistan, le Kirghizstan ou l'océan Indien. Ces opérations visent à sécuriser les zones placées sous la responsabilité de notre pays et, surtout, à accompagner la montée en puissance de l'armée afghane pour lui permettre de prendre en charge les missions de sécurisation. J'ai constaté les difficultés auxquelles sont confrontées nos forces dans un combat asymétrique qui prend la forme d'un harcèlement, avec un risque omniprésent d'escarmouches et d'attentats. J'ai également mesuré l'action significative de l'état-major des armées pour améliorer l'équipement de nos militaires, qu'il s'agisse d'effets personnels plus adaptés à la réalité du terrain ou de matériels lourds destinés à mieux protéger les hommes – y compris les nouveaux véhicules haute mobilité mieux adaptés au terrain et trois hélicoptères d'assaut Tigre, dont nos alliés américains ont reconnu tout l'apport en appui lors de missions délicates.
Mais l'Afghanistan n'est pas le seul endroit où nos forces se trouvent déployées. Outre qu'elles sont stationnées sur des théâtres d'opération plus calmes mais où la plus grande vigilance reste nécessaire – Kosovo, Liban, Côte d'Ivoire et Tchad –, elles participent désormais à l'opération internationale Atalante de lutte contre la piraterie au large de la Somalie, avec les succès dont la presse s'est fait l'écho tout récemment encore : patrouilles, accompagnement de convois dans le golfe d'Aden, libération d'otages, protection de chalutiers opérant dans l'océan Indien...
J'en arrive aux forces prépositionnées. Notre dispositif à l'étranger est l'objet d'un profond remaniement dicté par des raisons stratégiques et d'économie. Les implantations françaises en Allemagne sont en cours de réduction sensible ; seules subsisteront bientôt outre-Rhin les unités de la brigade franco-allemande, ce dont il faudra tirer des conséquences budgétaires.
La présence militaire française en Afrique, qui s'appuyait traditionnellement sur quatre bases situées au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Gabon et à Djibouti, n'en compte plus que trois, le 43e BIMa d'Abidjan ayant été dissous. À terme, la base pourra être réduite ou rendue. Le débat sur la possible fermeture d'une des deux implantations de la façade atlantique, Dakar ou Libreville, n'est pas clos, même si cette éventualité semble aujourd'hui moins urgente. Nous avons vu, lors de la tragique disparition de l'avion qui assurait le vol Rio-Paris, toute l'utilité, pas seulement militaire, qu'il peut y avoir à conserver ces bases : les recherches pour retrouver l'appareil disparu ont été lancées depuis celle de Dakar.
En revanche, après l'implantation cette année d'une nouvelle base interarmées à Abou Dhabi, la question de la présence permanente de près de 3 000 soldats français à Djibouti mérite d'être posée, même si l'utilité de cette plateforme semble réelle, notamment dans le cadre de la lutte contre la piraterie maritime.
Je ne conclurai pas sans vous dire quelques mots à propos de la disponibilité des matériels, sujet de préoccupation permanente.
Comme les années précédentes, la marine enregistre le meilleur taux de disponibilité, globalement compris entre 70 et 90 %. On notera cependant deux exceptions : le parc vieillissant des sous-marins nucléaires d'attaque, dont la disponibilité n'excède pas 52 %, une proportion toutefois supérieure aux 40 % constatés en 2008 ; le porte-avions Charles-de-Gaulle qui, à peine sorti de son immobilisation de longue durée, fin 2008, a connu des difficultés techniques l'ayant à nouveau immobilisé pendant plusieurs mois au début de 2009. Le dramatique accident qui a affecté deux Rafale de l'aéronavale, coûtant la vie à l'un des pilotes, nous a rappelé que le navire avait repris la mer et devrait être prochainement déclaré opérationnel.
La situation est plus diverse pour l'armée de terre, dont certains matériels rénovés, tels l'AMX-10 RC ou l'AMX-10 P, ont désormais un taux de disponibilité satisfaisant, compris entre 62 % et 77 %. En revanche, la disponibilité d'autres matériels diminue régulièrement. C'est le cas des blindés légers ERC-90 Sagaie, dont le taux de disponibilité s'établit à 46 %, ou encore des canons Au F1, pour lesquels il est de 53 %.
Les efforts consentis par l'ALAT – l'aviation légère de l'armée de terre – ont permis d'améliorer significativement la disponibilité des hélicoptères Gazelle, désormais comprise entre 55 et 75 %, tandis que celle des hélicoptères de manoeuvre Cougar, Puma et Caracal augmente aussi, mais plus lentement, pour se situer entre 43 à 54 % selon que les modèles sont en fin de cycle – les Puma – ou qu'il s'agit de matériel nouveau – les Caracal. En revanche, la disponibilité du moderne et coûteux hélicoptère d'assaut Tigre ne dépasse pas 44 %.
Dans l'armée de l'air, la disponibilité du Rafale, qui s'était sensiblement améliorée l'année dernière, s'est à nouveau dégradée au cours du premier semestre 2009, ce qui n'est pas très heureux à la veille de la signature d'un important contrat à l'exportation. Supérieure à 60 % l'an dernier, cette disponibilité s'est réduite à 50 % pour les appareils de l'armée de l'air et à 53 % pour ceux de la marine. C'est le faible nombre de moteurs de rechange qui est en cause ; la société Safran a promis, au cours de l'été 2009, de faire un effort pour accélérer le rythme des livraisons.
Par ailleurs, la situation demeure très critique en matière de transport et de ravitaillement, pourtant l'un et l'autre indispensables au soutien de nos forces sur des théâtres d'opérations éloignés comme l'Afghanistan ou le Tchad. Ainsi les Hercules C-130 ne sont-ils disponibles qu'à 54 % et le taux de disponibilité des Transall fluctue-t-il quant à lui entre 50 et 60 %. L'entretien de ces flottes vieillissantes – dont le retrait a commencé – devenant de plus en plus coûteux, l'arrivée de l'A 400M est particulièrement attendue.
Ce projet de budget opérationnel vise à relever trois défis : poursuivre l'indispensable réforme des armées, conserver à nos forces un niveau d'entraînement satisfaisant en améliorant la disponibilité des matériels et, enfin, donner la possibilité aux unités projetées en OPEX de mener leurs missions dans le meilleur environnement matériel et humain possible. Compte tenu du niveau de ressources proposé – pleinement conforme à la loi de programmation –, ces objectifs devraient être atteints. Je formule donc un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Je m'interroge sur les sites militaires abandonnés : l'un d'entre eux sera ainsi libéré à Guéret, en 2013, et un courrier du ministère de la défense m'informe que sa dépollution éventuelle sera à la charge de la collectivité qui l'acceptera. Qu'en est-il vraiment, dès lors que le Président de la République a affirmé voilà deux jours que cette charge incomberait à l'État ? Deux millions ont en l'occurrence été débloqués au niveau local, mais qu'adviendra-t-il en cas de dépassement de ce budget ? Si les communes doivent assumer cette dépollution, peu accepteront de telles cessions, fût-ce pour l'euro symbolique…
M. le rapporteur spécial Giscard d'Estaing dispose-t-il d'informations supplémentaires quant à la réorganisation de la brigade franco-allemande ? Qu'en sera-t-il de l'affectation des différents régiments qui la composeront, en France et en Allemagne ? Vous comprendrez que compte tenu du nombre d'emplois militaires supprimés en Lorraine, l'implantation d'une unité s'ajoutant à celle de Bitche suscite un fort intérêt dans la région.
L'entraînement de l'armée somalienne par nos troupes relève-t-il financièrement des OPEX ?
La réorganisation militaire en cours entraîne l'abandon d'un certain nombre de sites d'essais – dont celui de l'Établissement technique d'Angers (ETAS), dédié à l'essai des matériels roulants – au profit de sites étrangers, en particulier dans les ex-pays de l'Est. Outre que cela ne permettra pas de réaliser des économies, n'est-ce pas également fâcheux du point de vue de notre indépendance nationale ?
Des dispositions sont-elles prises – notamment en matière de DGF – en faveur des communes qui accueilleront des régiments et devront dès lors satisfaire de nouveaux besoins collectifs ?
M. le rapporteur spécial a fait état, s'agissant de l'armée de l'air, du renouvellement d'un certain nombre d'équipements. Une rupture de capacité est-elle possible – notamment en ce qui concerne les hélicoptères, sachant que les appareils Puma sont vieillissants ?
Les négociations se poursuivent-elles avec la Grande-Bretagne pour la construction d'un second porte-avions nucléaire ?
Je note que nous devons nous réjouir d'un certain nombre d'évolutions positives en ce qui concerne l'équipement individuel de nos militaires, dont s'était préoccupée notre mission d'évaluation et de contrôle.
La dépollution des sites militaires constitue en effet un dossier complexe sur lequel j'avais fait adopter un amendement à la loi de programmation aux termes duquel le ministère de la défense devait se conformer aux règles générales s'appliquant à la dépollution des sites industriels. Il est vrai que le ministère ne se montre pas toujours extrêmement actif, le coût de la dépollution étant parfois supérieur au prix de cession. Quoi qu'il en soit, nous devrons réfléchir à cette question d'ici à l'examen du projet en séance publique.
L'arrivée d'un régiment, le regroupement d'états-majors ou la création de bases de défense sont certes perçus positivement, mais je ne sais si cela peut justifier la création d'un nouveau critère de DGF. Une péréquation est-elle par ailleurs envisageable avec les collectivités dont les ressources baisseront en raison, cette fois, d'un départ ? Sans doute les services de M. le ministre Michel Mercier se saisiront-ils de ce problème.
La France, monsieur Hénart, a souhaité que la réorganisation de la brigade franco-allemande soit l'occasion d'un rééquilibrage des implantations au profit de nos territoires. Le 16ème bataillon de chasseurs, actuellement basé en Allemagne, à Sarrebruck, sera ainsi installé à Bitche en 2010 – ce qui représente un effectif de 1 100 militaires et de 40 civils. Cela sera également bénéfique du point de vue budgétaire puisque le statut indemnitaire des forces jusqu'ici basées en Allemagne changera. Une négociation est par ailleurs en cours s'agissant de l'installation d'une unité allemande en Alsace, après que le Président de la République et la Chancelière en ont annoncé le principe. Enfin, les Allemands prévoient de créer le 291ème bataillon de reconnaissance, unité d'infanterie mécanisée forte de 640 personnes et dotée de véhicules blindés, qui constitue une véritable vitrine technologique de la Bundeswehr et dont l'installation aura lieu à Illkirch- Graffenstaden.
À ma connaissance et sous réserve de vérification, le financement des troupes qui entraînent l'armée somalienne relève de crédits classiques relatifs à la coopération entre armées et aux accords de défense.
Concernant l'ETAS, monsieur Goua, j'aurai l'occasion dès demain d'interroger le chef d'état-major des armées.
L'hélicoptère Puma a été très utilisé au Tchad et en Côte d'Ivoire, théâtre d'opérations où nous sommes moins impliqués aujourd'hui qu'autrefois, ce qui rend donc son vieillissement moins problématique que celui du Transall. Quoi qu'il en soit, il est vrai que nous connaissons des difficultés capacitaires en ce qui concerne les courts déplacements, les déplacements à longue distance étant assurés en Afghanistan, pour la relève des troupes, par les Airbus A340 et A310 de l'escadron Esterel. Par ailleurs, l'ALAT rénove des hélicoptères Cougar et assure leur maintien en condition opérationnelle. Il n'en reste pas moins que le NH90 est très attendu.
Enfin, le Président de la République a indiqué que la question de la construction du deuxième porte-avions ne se pose pas à court terme puisque ce dernier ne pourra pas voir le jour avant la prochaine grande révision du Charles-de-Gaulle qui immobilisera le bâtiment pendant 18 mois. La Grande-Bretagne elle-même, compte tenu de la situation financière et de son calendrier politique, semble plus circonspecte quant à ce projet.
Le Président de la République a en effet déclaré que la construction de ce deuxième porte-avions était gelée, mais non annulée. Le rapprochement avec la Grande-Bretagne, compte tenu de la situation budgétaire, pourrait être quant à lui à nouveau d'actualité mais aucune décision n'a été prise.
Pourriez-vous préciser le coût du renouvellement de la flotte aérienne présidentielle – un Airbus A330 et deux Falcon 7X –, lequel n'est pas inscrit sur le budget de l'Élysée mais, semble-t-il, sur celui du ministère de la défense ? Quelle sera, plus précisément, la part respective des coûts liés à la sécurité et au confort dans le réaménagement de l'A330, à Bordeaux ?
Les drones, monsieur Fourgous, continueront-t-ils à être achetés « sur étagères » à l'étranger ou aidera-t-on nos industriels à en fabriquer qui soient compétitifs ?
La flotte de l'ETEC est dédiée à l'usage gouvernemental et celle de l'Esterel à la relève de nos troupes en OPEX, avec les Airbus A340 et A310. Depuis 2008, le ministère de la défense facture l'utilisation de la première à la Présidence de la République – ce qui n'était pas le cas auparavant – et le directeur de cabinet du Président de la République a indiqué tout à l'heure que cela se faisait sur la base d'un coût global incluant l'amortissement de l'appareil, le carburant, l'alimentation, les coûts salariaux des équipages, etc.
Aujourd'hui, la France ne dispose que de deux Airbus A319, petits appareils long courrier permettant au Président de la République, au Premier ministre ou aux ministres des affaires étrangères et de la défense de traverser l'Atlantique sans escale. Or, outre que la piste de Villacoublay est un peu courte pour ces avions, l'un d'eux a connu récemment un problème de moteur. Il a donc été décidé que le ministère de la défense acquerrait un Airbus A 330 d'occasion, une refacturation de l'ensemble des prestations étant ensuite adressée à la présidence de la République.
J'ajoute, enfin, que c'est aussi l'image de notre pays qui est en jeu. Quand le Président de la République se rend aux États-Unis ou au Brésil avec un A319, cela ne donne pas la même représentation de nos capacités aéronautiques que si c'était avec un A330.
Le renouvellement des autres appareils, notamment des Falcon, s'effectue quant à lui de la manière habituelle, sachant que les Falcon 50 arrivent en fin de vie.
Quatre industriels français, EADS, Thales, Dassault et SAGEM, fabriquent des drones. Tous quatre sont soutenus dans ce domaine par le budget de la défense, l'État leur passant régulièrement commande. Nul doute que si l'on pouvait simplifier les procédures et permettre qu'ils nouent des partenariats de proximité, cela faciliterait leur présence sur les marchés. Quant à l'information selon laquelle des drones seraient achetés à l'étranger, je n'en ai pas eu confirmation.
Pour ce qui est de l'avion d'affaires Falcon 7X, premier avion entièrement conçu par ordinateur, deux ont été achetés et un déjà livré, que le Président de la République utilise lors de certains de ses déplacements, pour le plus grand bénéfice de notre pays. En effet, chaque fois que la France, leader mondial en matière d'aviation d'affaires et d'ailleurs d'aviation en général avec EADS et Dassault, met en avant son savoir-faire en ce domaine, tout particulièrement en matière d'ingénierie du logiciel et de numérique, elle y gagne. Vu le poids de l'aéronautique dans notre balance commerciale et la concurrence que se livrent les industriels dans ce secteur, cela ne peut être que bénéfique pour notre croissance et nos emplois futurs, et donc pour nos recettes fiscales et sociales.
Pour justifier le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, on a prétexté qu'en résulterait un renforcement de la défense européenne. Or, dans un quotidien ce matin même, Javier Solana explique que la défense européenne consiste essentiellement en des opérations extérieures. Si certaines sont des opérations de sécurité, dans d'autres, la France ne fait que joue les supplétifs de son allié principal, les États-Unis. J'aimerais savoir ce qui correspond exactement dans ce budget à l'objectif de création d'une Europe de la défense intégrée et autonome, avec notamment un quartier général européen.
Quel est le coût de l'aménagement de l'A330 à Bordeaux ? Le rapporteur spécial pourra me l'indiquer plus tard.
Sur ce point précis, je vous communiquerai en effet les chiffres ultérieurement.
Je confirme à Marc Francina que deux types de drones sont actuellement utilisés en Afghanistan. Nous avions un problème avec ceux de technologie et de fabrication française, l'industriel, qui avait à honorer d'autres commandes, n'étant pas toujours en mesure de fournir tout l'équipement nécessaire à notre armée. Mais ce problème a été réglé après que les arbitrages nécessaires ont été pris chez cet industriel, et les informations fournies par ces drones à nos troupes sont maintenant tout à fait satisfaisantes.
Pour ce qui est du retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, le général Abrial, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air française, a d'ores et déjà pris ses fonctions comme numéro deux de l'OTAN…
Nous nous interrogions tout de même, à juste titre, sur les contreparties au retour de la France dans l'OTAN. Le général Abrial a récemment indiqué dans Paris Match comment il vivait les choses depuis sa prise de fonctions à Norfolk…
L'OTAN mène depuis Norfolk certaines opérations sur le territoire européen, notamment au Kosovo - si l'on considère que ce pays fait bien partie de l'Europe. Il faut en prendre acte.
C'est moins à nous qu'aux autres pays de l'Union qu'il faut demander ce que peut apporter le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN à l'Europe de la défense. Continuent-ils de faire totale confiance au « parapluie » américain ou acceptent-ils de contribuer de façon plus active à une sécurité strictement européenne ?
Entre ici en ligne de compte la récente décision du président Obama de ne pas installer des éléments de bouclier anti-missiles en Pologne et en République tchèque, contrairement à ce qu'avaient initialement prévu les États-Unis. Placés dans cette situation nouvelle, les dirigeants polonais et tchèques peuvent porter un regard différent sur la contribution que l'Europe peut apporter à leur propre défense. Il y a peu encore, l'un de ces pays s'était tourné vers les États-Unis pour acheter certains matériels, estimant que l'Europe n'était pas en mesure d'assurer sa sécurité.
Il faut aussi se souvenir des événements de l'été dernier en Géorgie. C'est l'Union européenne, sous présidence française, qui est intervenue en lieu et place des États-Unis pour engager une médiation avec la Russie.
Tous ces éléments concrets, cher Daniel Garrigue, ont modifié la donne européenne, laquelle a encore évolué depuis le vote irlandais permettant, si le président tchèque le veut bien à son tour, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
L'Irlande a bien dit que, pour elle, la défense était en-dehors du champ d'application du traité de Lisbonne. Le oui irlandais n'a rien à voir avec l'idée d'une défense européenne !
Les articles 42 et 222 du traité de Lisbonne ont bel et bien trait à la défense. L'Irlande a certes demandé à continuer de bénéficier d'une dérogation pour préserver sa neutralité. L'Europe de la défense s'est toujours construite sans elle. Pour autant, c'est un général irlandais qui commandait l'EUFOR au Darfour, avant que les Nations unies ne se substituent à l'Union européenne.
Incontestablement, des perspectives nouvelles s'ouvrent aujourd'hui pour une Europe de la défense, plus positives que celles qu'on pouvait envisager il y a quelques mois encore.
Sur avis favorable des deux rapporteurs spéciaux, Jean-Michel Fourgous et Louis Giscard d'Estaing, la Commission adopte les crédits de la mission Défense, le groupe SRC et M. Daniel Garrigue ayant voté contre.
Puis la Commission examine les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et le compte d'affectation spéciale Pensions.
Je dois tout d'abord regretter les délais impartis pour la présentation de ce rapport spécial, qui ne m'ont pas permis d'obtenir toutes les réponses aux questions adressées aux ministères, m'empêchant de mener à bien toutes les analyses nécessaires. L'an dernier, j'avais présenté les crédits de cette mission le 7 novembre, contre le 13 octobre cette année.
Les crédits consacrés par l'État au financement des retraites pour 2010 – compte d'affection spéciale Pensions et mission Régimes sociaux et de retraite – s'élèvent à 56,8 milliards d'euros.
Le compte d'affectation spéciale Pensions centralise et présente de façon synthétique l'ensemble des crédits que l'État consacre au service des pensions et des allocations viagères. Les prévisions de dépenses sur ce compte s'élèvent à 51,1 milliards d'euros en 2010, en augmentation de 1,64 % par rapport à 2009.
Les réformes opérées en 2003 ont contraint l'administration à s'adapter, notamment en raison de la nouvelle collaboration inter-régimes ; de la mise en place du droit à l'information sur la retraite qui conduit à gérer les droits à pension des personnels en activité par un compte individuel de retraite ; et de la mise en oeuvre du compte d'affectation spéciale Pensions en application de la LOLF, qui a institué une identité financière du régime de retraite des fonctionnaires de l'État.
Des gains de productivité significatifs ont déjà été réalisés : avec des moyens en sensible réduction, on a néanmoins pu faire face, sans accroissement de délais ni défaillance technique, à un accroissement d'environ 30 % du nombre des départs en retraite depuis 2005.
Dans le cadre de la RGPP, il est prévu de réformer l'ensemble des administrations gestionnaires de ressources humaines. À l'horizon 2011-2012, le passage à un processus informatisé de liquidation des pensions reposant sur le compte individuel retraite – CIR-, doit permettre de supprimer 1 200 équivalents temps plein travaillé dans l'ensemble des administrations concernées.
Deux décrets du 26 août 2009 ont créé un service à compétence nationale au sein de la direction générale des finances publiques, le Service des retraites de l'État, issu de la fusion du service des pensions et des centres régionaux des pensions. Ce service est chargé d'assurer progressivement, au fur et à mesure de l'avancement du projet informatique et de la ré-ingénierie, l'ensemble de la gestion et du paiement des retraites de la fonction publique de l'État, ainsi que d'en moderniser la gestion.
Le coût unitaire d'une primo-liquidation passera de 648 euros en 2008 à 750 euros en 2011. Cette augmentation serait due principalement à la réforme de la gestion des pensions, avec notamment la mise en place du droit à l'information sur les retraites. En effet, l'augmentation de 10 % des coûts de gestion du Service des retraites de l'État s'explique par celle des dépenses de personnel et de fonctionnement, sur les postes marchés informatiques, loyers et affranchissement essentiellement. Le coût de gestion administrative des pensions, supporté par le programme 156, est estimé à 82,2 millions d'euros pour 2009.
J'en viens aux crédits du compte d'affectation spéciale. Les pensions civiles et militaires de retraite en représentent plus de 90 % - ces crédits figurent dans le programme 741. Les charges des pensions civiles et militaires devraient s'élever respectivement à 36,3 et à 8,9 milliards d'euros. Les transferts vers les autres régimes seront d'environ 1,3 milliard d'euros. Les prévisions sont fondées sur une augmentation de 3 % du nombre de bénéficiaires de pensions civiles et de 0,4 % de celui des titulaires de pensions militaires de retraite. L'État est tenu de fixer annuellement par décret les taux de contribution employeur, laquelle, ajoutée aux autres recettes propres - cotisations salariales et divers transferts-, permet de couvrir les dépenses. Pour 2010, le taux de cette contribution passera de 60,44 % à 62,14 %, au titre des personnels civils, et restera quasiment stable à 108,63 % pour les personnels militaires. Ces deux contributions doivent procurer plus de 34 milliards d'euros de recettes. Pour les deux autres programmes, qui représentent 4,4 milliards d'euros, je vous renvoie à la note de présentation qui vous a été remise.
La mission Régimes sociaux et de retraite regroupe les différentes subventions versées par l'État à des régimes spéciaux de retraite ou à des dispositifs de pré-retraite. Ses crédits s'élèvent à 5,7 milliards, en hausse de plus de 10 %. En 2010, les subventions d'équilibre versées par l'État aux régimes de retraite concernent principalement la SNCF, pour 3,12 milliards d'euros - en hausse de 2,5 % – ; la RATP pour 526,7 millions d'euros - en hausse de 5,1 % – ; l'ENIM, Établissement national des invalides de la marine, pour 792,5 millions d'euros - en hausse de 6 % – , le fonds de retraite des mineurs pour 971,5 millions d'euros - en hausse de plus de 65 % – et le régime de retraite de la Seita pour 132,4 millions d'euros - en hausse de 9,4 %.
Les dotations de ces missions augmentent régulièrement compte tenu du rapide déclin démographique dans certains régimes. Par ailleurs, la réforme des retraites de 2003 prévoit une baisse progressive du taux d'application de la surcompensation entre régimes spéciaux jusqu'à sa disparition au 1er janvier 2012. Le taux devait être de 9 % en 2009, de 6 % en 2010 et de 3 % en 2011. Les contributeurs à cette compensation, au premier rang desquels la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, en seront soulagés d'autant. Dès lors, cette baisse doit être entièrement compensée par l'État.
Pour autant, l'an dernier, le secrétaire d'État chargé de la fonction publique nous avait annoncé en commission élargie que le taux de 12 % serait maintenu en 2009. Le ministère de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer a indiqué en réponse à une de mes questions qu'un taux de 8 % sera appliqué en 2010. Aucun texte pour le moment n'entérine cette modification des taux. On ignore donc quelle est la fiabilité des prévisions de ressources pour ces régimes.
La hausse de 65 % de la subvention du régime des mines tient à deux facteurs : la baisse du taux de surcompensation entre régimes, qui devrait ramener la ressource d'environ 525 millions d'euros en 2009 à 170 millions d'euros en 2011 et la révision à la baisse du produit des ventes de l'actif immobilier parisien de la caisse des mines. Estimé à 420 millions d'euros en loi de finances pour 2009, ce qui diminuait d'autant la subvention d'équilibre, il n'est plus estimé en 2010 qu'à 140 millions d'euros, ce qui pose problème.
S'agissant de la mesure de la performance, le dispositif a été actualisé. Pour certains programmes ont été adoptés les indicateurs communs des organismes de sécurité sociale, dits de benchmark, développés par la direction de la sécurité sociale. Si cela a introduit une rupture, cela facilitera à terme les comparaisons entre les résultats des différents gestionnaires de régimes de retraite.
Il serait intéressant d'élaborer des indicateurs permettant de mesurer les effets de la réforme des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP, engagée à l'automne 2008, à l'instar de ceux qui sont présentés avec le programme 741 du CAS Pensions, qui donnent l'âge moyen de départ à la retraite, la durée moyenne de cotisation et évaluent les effets du dispositif de décote et de surcote.
Les crédits de ce compte d'affectation spéciale et de cette mission couvrent des dépenses obligatoires qu'il convient d'honorer. Cependant, la mission souffre de sous-budgétisations récurrentes qui altèrent la sincérité des prévisions faites en loi de finances initiale et conduisent à constituer des dettes à l'égard de certains opérateurs, comme la SNCF. Pourquoi ne pas élaborer un indicateur mesurant les écarts entre dotations et exécutions afin d'évaluer la capacité du responsable de programme à calibrer correctement les dotations inscrites en loi de finances initiale ?
Par ailleurs, le niveau du fonds de roulement du CAS n'est pas garanti à hauteur suffisante. Les projets annuels de performances ne le mentionnent pas. Pourtant, la loi de finances pour 2007 a prévu qu'il doit atteindre 800 millions d'euros pour le bon fonctionnement du compte. Heureusement, celui-ci a pu être porté à 744 millions d'euros fin 2008 grâce à des produits exceptionnels en provenance des établissements publics. Le secrétaire d'État à la fonction publique avait estimé l'an dernier que 600 millions d'euros étaient suffisants, ce dont on peut douter.
Compte tenu de toutes ces incertitudes, je ne peux donner un avis favorable aux crédits de cette mission et de ce compte d'affectation spéciale, mais m'en remets bien entendu à la sagesse de la commission.
S'agissant du cas particulier de la caisse des mines des ardoisières, une négociation est en cours depuis plusieurs années avec les pouvoirs publics sur un rattrapage de 17 % des retraites. Ces négociations sont-elles enfin terminées et les sommes en question sont-elles intégrées dans les crédits présentés ?
Je me demande qui s'occupe de l'estimation des biens immobiliers pour qu'il puisse y avoir une telle différence d'une année sur l'autre !
Quelle traduction trouve dans ce budget le régime complémentaire additionnel de retraite des fonctionnaires ? De même, comment s'y traduit la réforme de l'indemnité temporaire de retraite votée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 sur le plafonnement et la réduction des avantages dont bénéficient certains pensionnés civils et militaires dans six collectivités d'outre-mer.
L'évaluation des biens immobiliers est effectuée par les gestionnaires des différents régimes eux-mêmes. Je sais qu'il y a eu des problèmes avec le régime des marins qui a, de surcroît, déménagé à La Rochelle. Il existe une différence substantielle entre le montant des transactions et les sommes nécessaires pour équilibrer les régimes. Lorsque j'ai posé la question sur l'origine de tels écarts, aucune réponse précise ne m'a été apportée. On a seulement invoqué la mauvaise situation du marché immobilier, ce qui n'était pas totalement satisfaisant. Si je me puis me permettre une interprétation personnelle, je crois que l'on avait trouvé par ce biais un moyen de parvenir à l'équilibre artificiellement.
Le régime des ardoisières fait partie du régime des mines, dont les effectifs sont modestes et en décroissance progressive : le rapport entre cotisants et ayants droit est tombé à 0,9 pour 2,7. S'il reste une différence à régler, je ferai en sorte de vous apporter une réponse.
Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de répondre à toutes vos questions car les tableaux dont je dispose sont assez imparfaits et incomplets, mais nous avons fait ce que nous pouvions dans les délais qui nous ont été imposés.
La commission adopte les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite, puis le compte d'affectation spéciale Pensions, le groupe SRC ayant voté contre.
Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 13 octobre 2009 à 22 heures
Présents. - M. Gérard Bapt, M. Jérôme Cahuzac, M. Olivier Carré, M. Jean-Yves Cousin, M. Jean-Michel Fourgous, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Marc Goua, M. Laurent Hénart, M. Jean-François Mancel, M. Didier Migaud, M. Camille de Rocca Serra, M. Michel Vergnier, M. Gaël Yanno
Excusé. - M. Victorin Lurel