Auditions sur l'accès des femmes aux responsabilités sociales et professionnelles :
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'audition de Mme Myriam Bernard, sous-directrice des carrière et des rémunérations à la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et Mme Stéphanie Marquet, adjoint du bureau des personnels d'encadrement.
Je vous remercie, Mesdames d'avoir répondu à notre invitation. Quand on traite de l'accès de s femmes aux responsabilités, on ne peut ignorer la fonction publique. Or, comme l'a montré le rapport « Vouloir l'égalité » conduit par Anicet Lepors et Françoise Milewski, alors que dans la fonction publique, il ne devrait pas y avoir de différence entre le s hommes et les femmes, la réalité est tout autre. Il va falloir prendre ce problème à bras le corps pour avancer en matière d'accès des femmes aux postes de responsabilité.
Je vais d'abord brièvement rappeler quelques données. Les femmes représentent 59 % des effectifs des trois fonctions publiques. Leur part est bien plus importante au sein de la seule fonction publique hospitalière (77 %) en raison de la nature des emplois occupés. Au sein de la fonction publique de l'Etat, on compte 56 % de femmes ; 51 % si on y intègre les effectifs du ministère de la défense.
Les femmes sont majoritaires dans la catégorie A, ce qui s'explique par le poids relatifs des enseignants, population très majoritairement féminine. Il y a également plus de femmes que d'hommes qui sortent des Instituts Régionaux d'Administration et de l'ENA. La conclusion qui s'impose est donc que le « vivier » de femmes existe.
Par ailleurs, par définition, il n'y a pas dans la fonction publique, de mécanismes discriminatoires entre les femmes et les hommes : ni d'inégalité dans le recrutement puisque les femmes réussissent plutôt mieux les concours que les hommes, ni dans le déroulement des carrières, dans l'avancement ou la promotion de corps. Ce n'est pas le sacs non plus en matière de rémunération qui répond à des grilles indiciaires et des régimes indemnitaires qui sont les mêmes.
Dès lors, quels sont les éléments qui font la différence ?
Un facteur essentiel tient aux difficultés de conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée et la répartition différent des charges de famille entre les hommes et les femmes. Les écarts de rémunération ne résultent pas des textes mais de comportements différenciés entre les femmes et les hommes. Les femmes privilégient leur vie de famille : elles interrompent notamment leur carrière en prenant des congés parentaux ou même en se plaçant en disponibilité – période qui peut aller jusqu'à 8 ans - pour élever leurs enfants ou pour suivre leur conjoint appelé à déménager pour des raisons professionnelles. Ce sont plutôt toujours les femmes qui suivent leur mari que l'inverse ! Elles ont également bien plus recours au temps partiel : 2,2 % des hommes sont à temps partiel dans la fonction publique contre 16,3 % des femmes. Même si le temps partiel préjudicie moins à la carrière, il freine cependant les promotions.
Ensuite, les femmes s'autocensurent. Il ne faut pas oublier que les postes de responsabilités dans l'administration, comme ceux de directeur d'administration centrale sont extrêmement lourds. D'autres, comme ceux de sous-préfet par exemple, supposent une mobilité géographique importante.
En conséquence, volontairement, des femmes ne s'inscrivent pas dans des processus de sélection professionnelle. C'est le cas pour l'accès au grade d'attaché principal, premier niveau de responsabilité, ou ensuite pour la nomination au tour extérieur comme administrateur civil. Ces derniers sont environ une trentaine par an. Cela suppose ensuite une formation de six mois qui se déroule à l'ENA, à Strasbourg. Les fonctionnaires de l'administration centrale essentiellement concernés par cette voie d'accès, sont à Paris où ils ont leur famille. Pour une femme se sera très difficile de s'organiser, pour six mois.
Je suis très contente de la clarté de vos propos. Alors comment pourrait-on résoudre ces difficultés?
Après le groupe de travail Lepors-Milewski, des ministères avaient mis en place des plans triennaux de gestion des temps. Celui du ministère des affaires étrangères, toujours très engagé sur ce sujet, est exemplaire. Il comporte des mesures très concrètes comme l'interdiction des réunions après dix-sept heures.
Le transfert du cycle de perfectionnement à Strasbourg en 2005, a fait chuter le taux de femmes parmi les administrateurs nommés au tour extérieur à 25 % en 2006. Il y a eu des aménagements. Le stage administratif, de deux mois, peut désormais se faire près du domicile et la répartition des horaires de cours dans la semaine a été revue. Ces mesures ont porté leurs fruits : on est revenu à 50 % de femmes en 2007 et 53% en 2008.
Nous réfléchissons à la possibilité que cette formation se déroule à Paris.
Pour apporter une réponse aux questions qui nous ont été adressées : il n'y a pas de précarité dans la fonction publique. Le temps partiel est toujours choisi et l'on peut reprendre un temps plein. Les contrats à durée déterminée font l'objet d'une gestion parcimonieuse. En outre, aux termes de la loi, ils doivent donner lieu à une titularisation au bout de six ans. Il est vrai qu'il y a toujours beaucoup de CDD dans la fonction publique hospitalière dans le secteur sanitaire et social – et que ce sont systématiquement des femmes, recrutées comme aides soignantes ou infirmières – et dans la fonction publique territoriale avec les assistantes maternelles.
Pascale Crozon. Des femmes des catégories C, quand elles sont seules, avec un salaire très modeste et compte tenu des difficultés de logement existantes, rencontrent d'importants problèmes financiers.
En début de carrière, le traitement principal est au niveau du SMIC, mais la progression s'opère à l'ancienneté et le traitement augmente régulièrement à la différence du privé. S'y ajoutent les régimes indemnitaires dont le régime est actuellement à l'étude. On travaille à une meilleure prise en compte du mérite et à des formes d'intéressement collectif dans le cadre de ces régimes. Cela ouvrirait la possibilité d'accroître - même de façon modeste - la rémunération des catégories C.
Sur la question de la part des femmes dans les instances de représentation, la disposition de la loi de 2001 qui prévoyait une représentation équilibrée des femmes dans un certain nombre de commissions, a donné lieu à un décret qui a fixé un seuil minimal de représentant de chaque sexe de 30 %. De même, la loi a prévu une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des jurys de concours et des comités de sélection.
Les jurys de concours comprennent aujourd'hui 47 % de femmes, c'est-à-dire une proportion allant au-delà de l'obligation, même s'il reste un effort à faire pour les présidents de jury qui sont encore à 70 % des hommes.
Dans les instances paritaires, les organismes consultatifs de la fonction publique, le seuil d'un tiers est totalement respecté dans la fonction publique de l'Etat, c'est moins vrai dans la fonction publique territoriale qui reste un milieu d'hommes. Il faut noter que dans la fonction publique de l'Etat, alors que la loi ne s'appliquait qu'aux représentants de l'administration, un effort considérable a été fait pour les représentants du personnel. Il y a équilibre ou même plus de femmes que d'hommes parmi ces représentants aux Commissions Administratives Paritaires, Comités Techniques Paritaires ou dans les conseils supérieurs. La part des femmes y avoisine les 40 %. C'est également le cas au sein du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat. Les syndicats se sont saisis du sujet et n'ont pas voulu être en reste par rapport aux dispositions de la loi. Celle-ci a donc eu un effet moteur important.
Pour les jurys et les organes consultatifs, les statistiques sexuées sont systématiquement faites, mais la fixation d'objectifs chiffrés de féminisation au niveau interministériel n'a pas été retenue. Le choix de se fixer des objectifs chiffrés a, en effet, été laissé à la discrétion de chaque ministère. Lors de l'élaboration des plans triannuels de féminisation, à partir de 2001, certains ministères l'avaient fait, par type de métier.
Il n'y a pas aujourd'hui de politique ministérielle nouvelle qui tendrait à fixer de tels objectifs. Par contre, le Secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, André Santini, a la volonté de relancer le sujet dans l'encadrement supérieur de la fonction publique. Après le comité de pilotage pour l'égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs de la fonction publique, il faut bien dire que la parité n'a plus été un sujet réellement porté. Le ministre a animé un groupe de travail réunissant des directeurs des ressources humaines du secteur public et du secteur privé qui a analysé les bonnes pratiques existant à l'étranger, dont la fixation d'objectifs chiffrés pour l'accès aux postes d'encadrement supérieur et des dispositifs d'aménagement du temps de travail. La dynamique va être relancée et il va être demandé aux ministères de se saisir de cette question.
Elle devrait également s'inscrire dans le travail en cours sur les cadres dirigeants, c'est-à-dire en pratique sur les modalités de nomination aux postes à la discrétion du gouvernement : directeurs d'administration centrale, préfets, ambassadeurs. La démarche consiste à constituer des viviers de candidats potentiels de façon interministérielle, afin de proposer au Président de la République une liste de candidats comprenant à la fois des personnes issues du secteur privé et du secteur public. Le ministre souhaite y introduire une dimension prise en compte des femmes.
On devrait donc avoir un plan pour l'accès des femmes aux postes d'encadrement et une dynamique particulière pour l'encadrement dirigeant. On peut imaginer que pour la nomination des cadres dirigeants, sur trois propositions il y ait à chaque fois une candidature de femme.
Quant à la mise en oeuvre des préconisations du rapport du comité de pilotage, il est vrai que la dynamique qui avait été lancée est quelque peu retombée depuis 2007.
Les plans pluriannuels de féminisation ont seulement été poursuivis au Ministère des affaires étrangères et au Ministère de l'intérieur avec des tableaux de bord statistiques qui montrent des résultats variables. Par exemple, le nombre de préfets femmes ne progresse pas depuis une dizaine d'années ; il n'est toujours que de 8 % malgré le volontarisme de son ancienne secrétaire Générale Bernadette Malgorne qui avait institué un comité égalité des chances, au sein du ministère de l'Intérieur avec un volet très important relatif aux femmes. Le nombre de sous-préfets femmes reste également relativement faible, de l'ordre de 19 %, alors qu'ils sont issus pour l'essentiel du corps des administrateurs civils qui contient 40 % de femmes.
On note cependant des progrès : le nombre de directeurs d'Administration femmes évolue faiblement ; il est passé de 17 % à 18,3 % entre 2001 et 2008, mais pendant la même période, le nombre d'emplois de sous-directeurs occupé par des femmes est passé de 21 à 32 %. Pour les emplois à la discrétion du gouvernement, la situation n'est globalement pas satisfaisante. En 2001, 11,6 % de ces emplois étaient occupés par des femmes, en 2008, elles ne sont toujours que 14 %.
Une des raisons tient au fait qu'on ne pense pas aux femmes. Les secrétaires généraux des ministères qui font les propositions de nomination sont très majoritairement des hommes.
Le ministère de la défense, par exemple, est un ministère extrêmement masculin, dans lequel la tradition militaire a conduit à ce que les postes de direction militaire soient occupés par des hommes. Par effet de miroir, les postes de cadre dirigeant civils le sont encore aussi.
Pour continuer à répondre à vos questions, l'administration ne conduit pas, à proprement parler, d'actions positives. Les jurys de concours reçoivent une formation portant sur la non-discrimination.
Sur le plan statutaire, la réforme du contenu des concours par la mise en place d'épreuves très professionnelles dans les concours internes devrait profiter des femmes qui ont interrompu leur carrière. Va jouer dans le même sens, le développement de la formation professionnelle avec le Droit individuel à la formation qui pourra permettre à des femmes ayant interrompu leur activité de reconstruire un projet professionnel. De même, les règles statutaires ont été modifiées pour diminuer le nombre d'années de service effectif permettant d'accéder à des grades comme le principalat ; alors qu'il fallait avoir accompli huit années de service effectif, cette durée a été réduite à quatre ans et demi.
Pour faciliter la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, l'administration a étendu le bénéfice du CESU pour la garde des enfants jusqu'à l'age de six ans. Les ministères réservent des logement pour des femmes qui se retrouveraient seules .Des crèches ont été créées par de nombreux ministères ou bien des places sont réservées dans les crèches municipales.
La question de l'organisation du temps de travail, par contre, ne fait pas l'objet d'une réflexion très volontariste. On pourrait trouver des marges de progression mais il faut bien reconnaître que tant que l'appréciation d'un agent portera sur « la durée effective de sa vie au travail », on reste sur des schémas machistes.
Pascale Crozon. Il s'agit d'une spécificité bien française qui vaut aussi pour le secteur privé.
Enfin, vous souhaitiez savoir si le poste de secrétaire général à l'administration dont la création avait été décidée en 2006 et qui a parmi ses compétences celle de veiller au respect de l'égalité entre les hommes et femmes dans la fonction publique a été pourvu. Il ne l'est pas encore à ce jour.
Pour conclure, je voudrais attirer votre attention sur les conséquences potentielles de la réorganisation des services déconcentrés de l'État. Les femmes occupent déjà une place modeste dans les postes de responsabilité de ces services (14 %). La réorganisation va conduire à la constitution de grandes directions comme celle de la cohésion sociale, et par conséquent, à la suppression d'un certains nombre de postes de responsabilité. Il faudra être extrêmement vigilant sur le sort réservé aux femmes dans les nominations qui vont intervenir.
Je vous remercie de la clarté de votre intervention et des éléments d'information que vous nous avez apportés.
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'audition de M. Daniel Lebègue, Président de l'Institut des Administrateurs (IFA) et de Mme Agnès Touraine, administrateur de société et membre du conseil d'administration de l'IFA.
Merci, Monsieur et Madame d'avoir répondu à notre invitation.
Monsieur Lebègue, vous êtes Président de l'Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE) depuis 2008, et également Président de l'IFA. Cet institut s'est penché dès 2005 sur la question de la participation des femmes aux conseils d'administration des entreprises. Quelle a été votre approche et à quelles conclusions êtes vous parvenus ?
L'IFA qui réunit aujourd'hui 1500 administrateurs, a été créé en 2003. Dès 2005, l'institut a pris position en faveur de la participation d'un plus grand nombre de femmes dans les conseils d'administration des sociétés cotées et avait recommandé de viser un objectif de 20 % de femmes en leur sein, dans un délai de cinq ans. On était alors à environ 7,5 %.
Cette position était guidée par l'impératif d'égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi par la conviction, tirée de notre expérience professionnelle, que la capacité d'un conseil d'administration à répondre au mieux aux intérêts de l'entreprise dépendait de son degré d'ouverture.
Il n'existe, en France, que peu de travaux de recherche évaluant le lien entre la mixité et les performances de l'entreprise. Ceux-ci sont beaucoup plus développés dans le monde anglo-saxon. Une étude de doctorant menée par Nathalie Del Vecchio et Moez Joudi sur les sociétés de CAC 40 a apporté une réponse très nuancée : quantitativement, la base de sociétés suivie sur le moyen terme ne permet pas de conclure, mais qualitativement, de nombreux arguments permettent d'établir un lien entre bonne gouvernance et diversité des administrateurs. La diversité est entendue au sens large, c'est-à-dire au regard de la nationalité, du sexe, de l'âge, de la formation et des fonctions exercées…
L'essentiel du problème vient d'une faiblesse fondamentale du management à la française que l'on pourrait appeler « le phénomène du petit monde ». La classe dirigeante française est composée d'hommes qui ont suivi le même parcours, se reconnaissent entre eux et vivent en milieu fermé. Ce sont ces hommes qui constituent l'essentiel des conseils d'administration. Or, un monde endogame est un monde moins efficace qu'un monde ouvert et diversifié. Par exemple, la nomination d'un administrateur écossais au conseil d'administration d'Areva a complètement modifié les méthodes de travail de cet organe.
Quant à la méthode que nous préconisions, il est clair que l'IFA préfère des démarches incitatives à une évolution qui résulterait de la loi et c'est pourquoi nous avions formulé une série de recommandations. Toutefois, saisi de nouveau de cette question la semaine dernière, et ayant constaté que l'on faisait du sur place depuis cinq ans, le conseil d'administration de l'IFA, a cette fois répondu oui à la question de savoir s'il fallait en passer par la loi pour opérer un changement. J'ai mandat de vous faire part de cette décision. Pour sortir du blocage, il faut passer par la loi.
On dit souvent qu'avoir des femmes dans un conseil d'administration est une bonne idée mais que l'on manque de candidates. Deux postes devaient être renouvelés au conseil d'administration de l'IFA. Le comité de nomination a proposé cinq candidates qui toutes avaient parfaitement les qualités nécessaires et il n'a eu aucun mal à les trouver. Au sein du club des présidents de comité d'audit des grandes sociétés européennes auquel j'appartiens, je ne suis pas fier des résultats de la France en matière de mixité. À part en Italie, dans les autres pays européens, il existe une dynamique sur ce sujet et des résultats positifs. La France prend du retard.
Avec le recul, je ne peux que déplorer le fait que notre rapport de 2006 s'est révélé dramatiquement inefficace, alors que l'hypothèse de 20 % de femmes nous apparaissait atteignable en quatre ans. Les chiffres sont accablants, on en est toujours autour de 8 %. L'étude de Capital Com sur les sociétés du CAC 40 montre en outre le très faible volontarisme des entreprises en matière d'égalité professionnelle, en dépit d'un discours fort en 2007, mais qui s'est interrompu ensuite. En réalité, les deux vont de pair.
Par ailleurs, on peut craindre que la crise économique n'ait des conséquences très négatives, les femmes constituant dans ces situations une variable d'ajustement. La place des femmes n'est pas une priorité dans un monde extrêmement instable.
Sur le manque d'études établissant le lien entre diversité et performance, j'ai envie de dire qu'il ne faut pas renverser la charge de la preuve : faisons entrer des femmes dans les conseils d'administration, et ensuite on verra bien si cela produit des effets bénéfiques ou non.
La fonction d'administrateur est devenue aujourd'hui un vrai métier que l'on ne peut exercer véritablement en occupant, par ailleurs des postes exécutifs. Le problème de la mixité est étroitement lié à celui de la gouvernance. Si l'on veut des administrateurs non exécutifs, indépendants et professionnels, il ne faut pas les choisir parmi les patrons du CAC 40. La mixité sera réalisée quand on acceptera que les administrateurs ne soient pas choisis parmi les dirigeants de groupes similaires.
Il faut donc élargir le vivier et pour cela il faut mener des actions de formation auprès des femmes et des consultants, obliger les comités de nomination à proposer une moitié de femmes dans leurs listes de candidats et identifier ces femmes dans les entreprises.
Surtout, il ne faut pas perdre de vue que faire siéger 20 % de femmes dans les conseils d'administration des 100 premières sociétés françaises signifie trouver au maximum 70 femmes ! Si chaque femme détient deux mandats, il ne faudrait plus que 35 candidates. Ce n'est tout de même pas insurmontable!
Quel est le seuil qui vous parait le plus adéquat. En 2006 on s'était arrêté sur 20 %. Je pense maintenant qu'il faut aller au-delà, ne serait-ce que parce que dans un conseil de 5 personnes, il n'y aurait qu'une femme, ce qui ne permet pas d'agir réellement
La situation n'évoluant pas, il faut en passer par la fixation de quotas. Un seuil minimal de 40 %, à condition que cet objectif soit étalé dans le temps, sur cinq ans par exemple, parait réaliste. Les conseils d'administration ont souvent 15 membres, cela signifierait donc qu'ils devraient compter 6 femmes, 5 femmes pour un conseil de 12 membres.
Pour parvenir à de réels progrès, il faudrait aussi que soit publié chaque année un baromètre des femmes dans les conseils d'administration et que la presse lui donne un large écho.
Il existe des observatoires comme le cabinet KornFerry qui fait paraître un indicateur sur les pratiques de gouvernance des grandes entreprises dans le monde. Ernst and Young a introduit un indicateur sur les femmes dans les conseils d'administration. Effectivement, pour que ces données aient un impact il faut qu'elles soient relayées par les medias.
Relayées et médiatisées par la remise de prix aux entreprises les plus performantes sur ce sujet… mais aussi peut-être à celles qui le sont le moins… Il faut préciser, cependant, qu'imposer la présence de femmes dans les conseils d'administration, même si cela répond au principe d'égalité n'est pas un objectif en soi. Cela n'a de sens que si cela influence la politique de l'entreprise. Or la présence de femmes dans les conseils d'administration modifie les données du débat sur l'égalité entre les hommes et les femmes dans les entreprises.
Il faudrait traiter en parallèle les conseils d'administration et les comités exécutifs. Ceux-ci n'étant pas des organes juridiques, il est par contre difficile de les réglementer.
Nous avons déjà abordé cette question. La présence de femmes dans les comités exécutifs passe en effet par une politique volontariste de l'entreprise pour faire « progresser » des femmes vers les postes de direction.
Il est navrant qu'un journal féminin titre l'un de ses articles « progression des femmes dans les exécutifs » au vu d'une augmentation de leur part de 0,1 % ! A ce rythme, cela signifie qu'il faudra cent ans pour atteindre 10 %. Il faut absolument que les medias s'engagent de façon très forte sur ces questions.
Avoir une place ce n'est pas avoir toute sa place. Sur ces questions, les hommes devraient faire leur auto-critique. Les résultats obtenus par la Norvège tiennent aussi à une autre culture de la place de la femme dans la société.
Le dirigeant d'une grande société française n'ayant aucune femme dans son conseil d'administration me disait récemment qu'il préférait n'avoir aucune femme plutôt qu'une femme alibi. Il y aura des femmes quand les règles auront changé, mais justement, si on nomme des femmes, les règles changent.
Pour que les femmes aient toute leur place, il faut aussi les former ne serait-ce que à la prise de parole. Il y a actuellement une vulnérabilité des femmes dont les hommes jouent, consciemment ou non.
Je vous remercie et, encore une fois, je suis frappée des évolutions qui ont eu lieu sur ces questions.
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'audition de M. Marc Veyron, Directeur des ressources humaines du groupe CSF France et de Mme Estelle Champenois.
Je vous remercie d'avoir bien voulu être entendu par la Délégation. Nous avions déjà eu l'occasion de vous rencontrer au moment des travaux que nous avons effectués sur le temps partiel. Nous avions pu constater que l'égalité hommes femmes était une priorité importante de votre groupe. Nous avons l'occasion aujourd'hui de faire un nouveau point de cette question.
Je voudrais préciser en préalable que le groupe CSF France vient de signer la charte de la parentalité qui prévoit un certain nombre de mesures destinées à améliorer la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle.
Nous avions effectivement signé un premier accord sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes qui a pris fin en 2008. Il a été décidé avec les partenaires sociaux de s'engager dans un nouvel accord, le 30 décembre 2008 avec quatre organisations syndicales. Seule la CGT n'a pas signé en raison des dispositions relatives à la polyactivité, mais nous avons été très proches d'un accord.
Le premier axe de cet accord consiste dans le renforcement de la politique de recrutement.
Les femmes et les hommes doivent être recrutés dans les mêmes conditions et selon les mêmes critères de sélection. Une clause de respect de la diversité figure dans tous les contrats passés avec des cabinets de recrutement extérieurs. Un suivi statistique du nombre de candidats hommes femmes et du nombre d'embauches est mis en place. Aucune photo n'est demandée aux candidats lors de leur recrutement et leur situation familiale ne doit pas être prise en compte. Pour favoriser le recrutement de femmes dans l'encadrement, des opérations de promotion sont organisées auprès des écoles de commerce pour inciter à ce qu'elles présentent leur candidature.
Catherine Coutelle. Le nombre inférieur de femmes parmi les cadres tient-il à leur manque d'ambition ou au fait que les hommes les recrutent moins.
Il est vrai que les femmes sont réticentes à l'exercice de certains métiers considérés comme des métiers d'hommes. Il faut montrer des exemples réussis de fonctions exercées par des femmes pour faire évoluer les représentations. Un véritable obstacle réside aussi dans les obligations de mobilité. Postuler pour être directeur de magasin implique souvent d'être nommé dans une autre région.
Un autre axe est donc le renforcement de la politique de mixité des emplois.
L'accord s'attache également à garantir un accès identique à la formation professionnelle. Une prime de garde d'enfants de 10 € par jour et par enfant a été créée pour les salariés ayant des contraintes familiales qui freineraient leur accès à des fonctions de formation.
Pour garantir les mêmes possibilités d'évolution de carrière et d'accès aux postes à responsabilités, la promotion interne sera favorisée. Les employés sont à 77 % des femmes. La parité est pratiquement réalisée au sein des agents de maîtrise, mais il y a toujours que 25 % de femmes parmi les cadres. L'accroissement de leur recrutement est donc un objectif. Pour pallier les difficultés liées à la mobilité géographique, la situation familiale de la postulante sera prise en compte, ainsi que l'accompagnement de son conjoint dans la recherche d'un nouvel emploi.
L'accord contient une clause nouvelle relative à l'égalité salariale et à la suppression progressive d'éventuels écarts non justifiés de rémunération entre les femmes et les hommes.
Catherine Coutelle. Fondamentalement, les différences de salaire s'expliquent toujours par le fait que la rémunération de la femme est considérée comme un salaire d'appoint au sein du couple ; S'y ajoute l'impact des interruptions de carrière.
L'écart de rémunération s'explique en partie par le fait que ce ne sont pas les mêmes emplois qui sont occupés. Cela nécessite une analyse très fine, niveau par niveau et métier par métier. Par exemple, au sein du niveau 3, qui sont des emplois professionnels, l'écart de 5,3 % entre les hommes et les femmes s'explique en partie par le fait que cette catégorie d'emploi compte des employés de boucherie qui sont des postes qualifiés, pour lesquels le marché de l'emploi est relativement tendu. Ils sont donc mieux rémunérés ; or, ce sont des postes très majoritairement occupés par des hommes. Un diagnostic sur les rémunérations est en cours pour prendre les mesures adéquates. Un test a été mis en place sur neuf magasins.
Estelle Champenois. Le fait que globalement les femmes aient une ancienneté moindre joue également.
Le poids du temps partiel est aussi réel. C'est pourquoi le groupe cherche à favoriser le passage à temps complet.
Catherine Coutelle. Le problème ne se limite pas au temps partiel, mais aussi à la fluctuation des horaires. Les délais de prévenance sont très courts dans la grande distribution et par conséquent la polyactivité est difficile.
Des dispositions visant à ne pas modifier les horaires de travail des salariés qui exercent par ailleurs un deuxième emploi figuraient dans le premier accord du groupe. Elles ont été reprises dans l'accord de branche.
Catherine Coutelle. Comment ont été choisis les magasins tests ?
Ils sont représentatifs de la diversité des magasins.
Je voudrais préciser que la polyactivité est un facteur très important pour développer les perspectives de carrières. En effet, les possibilités d'évolution des hôtesses de caisses sont limitées et elles sont souvent très peu mobiles.
L'accord comprend aussi des dispositions visant à garantir l'égalité de traitement lors des absences liées aux congés de maternité, de paternité, et aux congés parentaux. Des mesures visent à aider les salariés à consolider au mieux vie familiale et vie professionnelle dans la continuité de la charte de la parentalité. Pour éviter le risque d'accouchement prématuré, des mesures de surveillance et d'aménagement ont été mises en place pour les femmes enceintes. Enfin, il a été décidé de faire participer l'entreprise à l'information et à la sensibilisation à la lutte contre les violences faites aux femmes. Nous avons en effet constaté des situations très difficiles vécues par nos salariées.
Estelle Champenois. Lors des dernières négociations annuelles obligatoires sur les salaires, il a été décidé d'étendre le dispositif du CESU à la garde d'enfants.
Plus généralement, des progrès supposent une direction motivée et un travail effectué avec les partenaires sociaux. Il faut se fixer des objectifs échelonnés dans le temps. Le nouvel accord aborde désormais la question de l'écart salarial qui est une des plus délicates.
Catherine Coutelle. Réservez-vous des places dans des crèches ou participez-vous à des crèches d'entreprise ? Avez-vous pensé à la mise en place de services de conciergerie comme cela se fait dans certains pays ?
Nous avons des places de crèche sur des sites importants comme celui du siège à Levallois. C'est une solution très onéreuse qui n'est pas généralisable. Il existe effectivement au siège un service de conciergerie.
Catherine Coutelle. Quelle est l'amplitude horaire de travail ?
En général, les magasins ferment vers 20 heures – 20 heures 30, mais cela dépend de leur implantation géographique. Un seul magasin, situé dans le centre de Paris ferme à 23 heures. Par contre, dans les zones rurales, ils ferment parfois entre midi et deux heures. La mise en rayons se fait vers six heures du matin.
Catherine Coutelle. Les partenaires sociaux sont-ils impliqués sur ces sujets d'égalité hommes – femmes.
De façon variable, certains ont mis en place des mécanismes de représentation équilibrée des hommes et des femmes en leur sein.
Informations relatives à la Délégation
La délégation a désigné Guenhäel Huet rapporteur pour information au nom de la Délégation sur le projet de loi pénitentiaire.