– Audition, ouverte à la presse, de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, sur le thème de la permanence des soins
– Je souhaite la bienvenue à Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. La question de la permanence des soins dans la problématique de l'aménagement du territoire revêt une importance certaine pour la Délégation. Je voudrais d'ailleurs remercier notre rapporteur, Philippe Boennec, des travaux qu'il a accepté de réaliser pour notre information.
– Je me réjouis de la présence de Mme la ministre devant la Délégation sur un sujet si important pour l'aménagement du territoire. La permanence des soins constitue une mission de service public, le code de la santé publique en dispose ainsi. Le Président de la République a d'ailleurs considéré, dans son discours de Neufchâteau le 17 avril dernier, que chacun devait prendre ses responsabilités dans la rationalisation du dispositif.
On ne saurait ignorer les inquiétudes de la population, relayées par la presse, quant à cette permanence des soins. Cependant, même si le dispositif reste perfectible, il convient de garder à l'esprit que les ratios français de mortalité et de morbidité figurent parmi les meilleurs des pays développés. Les citoyens ne risquent guère que le désagrément d'avoir à se déplacer à l'hôpital pour une affection bénigne. Notre organisation soigne bien. La question demeure celle de son efficience, avec un coût approximatif de six cents millions d'euros si l'on agrège l'ensemble des dépenses sociales et fiscales.
La Délégation à l'aménagement du territoire est particulièrement attentive aux dissymétries territoriales dans la gestion des services publics. L'offre de soins en France n'y fait pas exception, et la mission d'information de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a eu l'occasion de présenter récemment ses observations. Sans reprendre les travaux de MM. Philippe Ritter et Yves Bur, on peut en observer le constat : il existe une inégalité dans la répartition des médecins généralistes libéraux sur le territoire, au bénéfice des ensembles urbains, ou centres urbains, et au détriment des zones rurales. Certains secteurs sont quasiment vides de praticiens, et ce déséquilibre a un impact dévastateur sur la permanence des soins dans les territoires. On les appelle parfois des zones blanches, je préfère parler de zones noires, et si l'expression m'est permise, il y a en France des zones noires de blouses blanches.
Il faut rappeler que la permanence des soins est désormais pour les médecins une obligation collective fondée sur le volontariat individuel. Dans les centres-villes, on trouve les services d'urgence et SOS Médecins qui prennent volontiers la relève des généralistes défaillant ; ainsi le service est-il assuré mais à un tarif prohibitif pour les finances sociales. Dans les campagnes et les zones suburbaines, les distances allongées s'ajoutent à la pénurie de médecins, les gardes sont fréquentes et elles découragent les rares généralistes présents. Le dispositif n'aboutit qu'à hâter le départ de ces derniers, en retraite pour les uns, vers les villes pour les autres. Cependant, je considère que les mesures désincitatives, les pénalités et les réquisitions sont à bannir de l'arsenal de l'action publique, sous peine d'aggraver l'exode rural, sauf exception justifiée par la sécurité publique.
La question est donc de savoir ce qu'il faut faire pour rééquilibrer la permanence des soins. J'ai constaté au cours de mes auditions que les propositions issues du rapport de M. Jean-Yves Grall font consensus. Il convient d'attribuer aux directeurs des agences régionales de santé la tâche de déterminer un schéma régional unique de permanence des soins, en coordination avec tous les acteurs concernés, pour unifier et simplifier le pilotage. A cet égard, je m'interroge sur le rôle de l'Ordre des médecins : ne doit-il pas se recentrer sur sa mission déontologique et laisser l'établissement des listes de gardes aux directeurs d'agences régionales de santé ?
Il me parait souhaitable que le schéma sanitaire régional puisse recevoir une déclinaison à l'échelon départemental en associant l'aide médicale urgente à la permanence des soins. Les directeurs des agences régionales de santé doivent aussi avoir la possibilité de combiner les divers modes de financement.
L'organisation de la permanence des soins entre les professionnels de santé pourrait prendre la forme d'une contractualisation pluriannuelle rémunérée à l'acte ou, mieux, au forfait. Des expérimentations et des mesures incitatives amélioreraient le dispositif.
Il pourrait être proposé aux médecins de ville, thésés ou non, de prendre des gardes en zone rurale, aux jeunes retraités de continuer à pratiquer quelques années dans le cadre de la permanence des soins, aux internes et aux médecins non installés de vivre une première expérience ambulatoire auprès des patients après avoir reçu une formation ad hoc.
Dans l'organisation de la permanence des soins, on peut séparer deux types de périodes. Le premier type court de vingt heures à minuit et englobe les fins de semaine. Pour celles-ci, on peut avoir recours aux maisons médicales de garde et s'appuyer sur les hôpitaux locaux, les maisons de retraite et SOS Médecins. La période restante, dite de nuit profonde, s'étend de minuit à huit heures. Elle ne concerne qu'un acte pour cent mille habitants. Elle emporte cependant pour les praticiens des sorties incompressibles, par exemple dans les maisons de retraites et pour accomplir divers actes médico-administratifs (certificats de décès, examens judiciaires). Face à la pénurie de médecins de garde à ce moment, il pourrait être fait appel à des « internes mobiles », pratique aujourd'hui impossible du fait du cadre règlementaire. Une cohérence s'impose avec les autres professionnels de santé afin de les englober dans le dispositif, toujours par voie contractuelle dans le cadre du schéma régional.
Par ailleurs, les pouvoirs publics, et donc les agences régionales de santé, doivent s'appuyer sur la régulation médicale, clef de voûte de la permanence des soins. Dans cette perspective, un seul numéro téléphonique – éventuellement inscrit dans une démarche européenne – doit permettre d'accéder immédiatement aux centres interconnectés de l'aide médicale à la population, donnant ainsi aux médecins régulateurs et aux permanenciers toute latitude de mobiliser les moyens nécessaires. Les réponses se limitant à des conseils, voire aux prescriptions médicales téléphoniques dans le respect de protocoles préétablis, semblent constituer une voie à explorer pour apaiser les craintes des patients sans obérer inutilement les finances sociales. Un rappel automatique une heure après la communication rassurerait efficacement une grande partie des personnes : les permanenciers pourront s'en charger s'ils reçoivent la formation adaptée.
En outre, j'ai constaté avec surprise une lacune dans la formation des étudiants en médecine générale. Ils n'acquièrent dans leur cursus aucune expérience de la garde ambulatoire, aucune notion de régulation téléphonique, et finalement la réalité de la médecine de premier recours se limite pour eux à de très brefs aperçus. Il conviendrait en deuxième cycle de les envoyer en stage hors des grandes villes et, en troisième cycle, de les former et de rendre obligatoire des exercices de garde ambulatoire et de régulation.
Enfin, il faut replacer le patient au coeur du dispositif et faire de lui un acteur responsable dans une approche pédagogique qui ne doit pas être pénalisante – sauf abus exceptionnel. Ainsi, les comportements coûteux pour la collectivité dans le rapport à l'utilisation des structures médicales devront être rectifiés, même s'ils sont justifiés par une inquiétude bien compréhensible. Les perspectives du prochain projet de loi Hôpital Patients Santé Territoires sont à cet égard prometteuses, d'autant plus qu'elles comportent dans le cadre de l'organisation régionale la création d'un observatoire de la santé que j'appelle de mes voeux.
– Le rapport de Philippe Boennec intervient à un moment opportun, celui de la présentation du projet de loi Hôpital Patients Santé Territoire. Il fait suite à plusieurs rapports, notamment de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale de l'administration de 2006, et du docteur Grall de 2007.
Toutes les réflexions concordent pour reconnaître à la permanence des soins le rang d'un service public de première importance et devant être géré par une autorité unique capable d'appréhender tous les aspects de la santé publique. Le projet de loi vise d'une part, à réformer la gouvernance de l'hôpital, d'autre part à mieux organiser la gradation des soins hospitaliers et entre hôpital et médecine ambulatoire, seul moyen de désengorger les services d'urgence.
Dans ce cadre, les agences régionales de santé (ARS) constitueront l'indispensable outil de coordination et de pilotage de la distribution des soins, réunissant pour cela les sept organismes régionaux compétents. Elles auront par exemple la charge de l'organisation et de la sécurité sanitaires, de la gestion du risque et, ce qui intéresse particulièrement la Délégation aujourd'hui, de la permanence des soins ambulatoire et hospitalière.
La nouvelle organisation de l'offre des soins ambulatoires, définie notamment suite aux états généraux de l'offre de soins, se décline en cinq mesures cohérentes :
– une meilleure répartition du numerus clausus des médecins par région et par spécialité ;
– une offre de soins structurée après concertation avec les patients, les élus locaux et les professionnels, permettant d'élaborer de véritables schémas régionaux de distribution des soins avec l'ARS comme guichet unique , le système actuel étant devenu totalement illisible ;
– un accompagnement de l'évolution des pratiques médicales qui tienne compte des exigences d'un minimum de plateau technique et de coopération locale entre les différentes professions de santé au sein de maisons médicales facilitant l'exercice collectif ;
– un renforcement de l'attrait de la médecine générale, désormais définie dans le code de la santé publique et bénéficiant d'un filière universitaire spécifique repensée en coopération avec les services de Mme Valérie Pecresse ;
– une organisation de la permanence des soins au niveau local dans le respect des spécificités territoriale, fondée sur le concours des médecins libéraux et des hôpitaux, gérée et financée par l'ARS, avec un mode de paiement à l'acte ou au forfait selon les préférences des acteurs de terrain. Les médecins de ville seront incités à participer à la permanence grâce à un numéro d'appel national commun mais pas forcément unique. La régulation médicale s'opérera sous la responsabilité de l'administration. Un accroissement des pénalités est prévu pour sanctionner les refus des réquisitions.
Je tiens maintenant à apporter certaines précisions en réponse aux propos liminaires du rapporteur. La fusion des centres de régulation du 15, du 18 et des centres privés semble moins nécessaire qu'une bonne interconnexion entre eux, concrétisée par un référentiel commun que j'ai présenté en juin dernier avec Michelle Alliot-Marie.
De même, l'idée de fusion entre la permanence des soins et l'aide médicale urgente en une unique aide médicale permanente à la population doit être considérée selon une démarche pragmatique, les deux organisations s'avérant complémentaires et non concurrentes, toutes deux à l'avenir gérées par l'ARS qui respectera leurs spécificités. Je n'ai pas de position de principe sur cette question. Les acteurs de terrain jugeront de ce qu'il convient de faire.
Les permanenciers auxiliaires de régulation médicale sont aujourd'hui 1 250 agents dans les SAMU (et s'y ajoutent des aides-soignants faisant fonction). Leur situation continuera d'être améliorée comme elle l'est depuis 2004 avec l'accroissement de leurs effectifs, de leur rémunération et de leur formation à l'emploi après leur recrutement. Leur passage de la catégorie C à la catégorie B de la fonction publique est à l'étude depuis quelques mois.
L'intervention des internes dans la permanence des soins n'est pas possible statutairement, sinon sous la forme d'un compagnonnage. L'appel à des médecins retraités doit être encouragé sur la base du volontariat. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 repousse à cet égard les limites du cumul d'emploi et de retraite.
L'Ordre des médecins demeure un partenaire important sur tous les sujets de la politique de santé, par exemple pour la mise en place du dossier médical personnel. C'est le seul organisme à représenter tous les médecins libéraux et hospitaliers. Il participe de façon déterminante à la permanence des soins et il serait contre-productif d'éluder son rôle dans le futur dispositif . Je l'ai déjà évoqué, mais je répète que le choix entre paiement de l'acte ou au forfait doit se faire sur le terrain, en choisissant la formule localement la plus efficace.
SOS Médecins, association indépendante qui intervient de sa propre initiative dans la permanence des soins, répond à une partie importante de la demande de soin dans des zones où l'établissement des tableaux d'astreinte est particulièrement délicat. Un décret encadre la régulation et l'interconnexion avec le 15 est toujours assurée.
S'agissant de la formation des jeunes médecins à la permanence des soins et à la régulation, les stages ambulatoires sont obligatoires pour valider le deuxième cycle. En ce moment, le ministère s'attache à les renforcer car on a constaté que ces formations étaient trop hétérogènes. Il reste que sur les 37 facultés de médecine, 28 ont mis en place ce type de stage, et un tiers des étudiants en a déjà bénéficié. Même si la permanence des soins et la régulation téléphonique proprement dite ne figurent pas dans la maquette de formation obligatoire de troisième cycle, le stage ambulatoire impératif permet une première approche. Il est souhaitable que SOS Médecins soit agréé comme terrain de stage pour l'obtention des diplômes et le ministère y travaille, en sachant que cela pose un problème de responsabilité civile professionnelle et d'identification de médecins maîtres de stage.
Je tiens à faire part de l'inquiétude de la plupart des élus locaux au sujet des gardes de nuit. Sans doute serait-il possible de généraliser un système de tiers payant pour prévenir les difficultés qui s'attachent à la collecte de fonds nocturne, un système forfaitaire pouvant aussi constituer une solution. En outre, le fait que les tableaux d'astreinte, toujours difficiles à utiliser, soient incomplets pose une question de fond : comment mobiliser les praticiens qui ne souhaitent pas assurer la permanence des soins ?
Autre difficulté, comment inciter un médecin à s'installer dans un bourg centre de 1 500 ou 2 000 habitants où il sera sans doute le seul praticien, avec toutes les contraintes que cela implique ? Certains ont astucieusement résolu le problème en créant des maisons médicales regroupant plusieurs professionnels – infirmiers libéraux, kinésithérapeutes, dentistes, etc. Mais il reste que la plupart des jeunes médecins n'ont pas envie d'exercer seuls et que les élus en sont réduits à passer des petites annonces pour attirer des généralistes en zone rurale.
Ces problèmes se posent désormais dans quasiment tous les départements. En Seine-et-Marne, forte pourtant d'1,2 million d'habitants, il est des zones où il est difficile de fidéliser un médecin. Naguère, ce type de phénomène ne valait que pour les zones rurales isolées : tel n'est plus le cas aujourd'hui.
Enfin, si la réaction spontanée est d'estimer qu'il n'y a pas assez de généralistes, il est permis de se demander si les mécanismes prévus pour équilibrer la démographie médicale sont suffisamment incitatifs.
- Pour avoir conduit la mission sur l'offre de soins sur l'ensemble du territoire, je ne suis pas surpris de constater de fortes convergences entre les problématiques que nous avions soulevées et celles que retrace le présent rapport. C'est une chance que ces travaux paraissent après les états généraux de l'offre de soins et avant la présentation du projet de loi.
L'enjeu central, c'est le volontariat. C'est bien, mais ne faudra-t-il pas à court terme obliger les médecins diplômés à assurer la permanence des soins ? Les médecins acupuncteurs, homéopathes et autres peuvent-ils continuer d'être dispensés d'y participer ? Même si elle est souvent choisie par défaut, la spécialité « médecine générale » correspond à un niveau de neuf années d'études supérieures. Cela crée certaines obligations.
Le même problème se pose au sujet de la liberté d'installation. Ne faut-il pas prendre des mesures plus coercitives si l'on veut prévenir l'avancée des déserts médicaux ?
L'expérience montre qu'il faut remédier aux anomalies qui compliquent la vie des gens, par exemple en harmonisant les gardes de médecins et de pharmaciens. Les patients ne comprennent pas que la pharmacie de garde soit située à quarante kilomètres du cabinet médical de permanence ! Il faut persévérer dans la mutualisation des moyens et la simplification, et inclure la permanence des soins dans le cursus des futurs médecins.
En conclusion, je tiens à saluer la qualité du travail de M. Boënnec sur ce sujet d'intérêt majeur.
Je constate dans ma circonscription un sentiment diffus de pénurie de médecins, dans tous les secteurs, en ville comme à l'hôpital. Au reste, s'il est économiquement viable pour un jeune de s'installer en zone déjà bien dotée, c'est qu'il y a du travail partout ! Il semble bien qu'il n'y aura pas assez de médecins à l'avenir. Les chiffres officiels, selon lesquels la France serait mieux équipée que les autres pays européens, et le ressenti de la population, y compris dans les zones prisées de la Méditerranée, divergent fortement. Le sentiment de manquer de médecins est aussi présent dans des quartiers urbains.
– Je m'inquiète de l'avancée des déserts médicaux. Plusieurs dispositifs ont déjà été conçus pour y remédier – exonérations, bourses d'études financées par les conseils généraux contre promesse d'installation. Il n'est pas démontré que ce sera suffisant.
Quel est le sentiment de Mme la ministre sur la liberté d'installation des médecins libéraux, sur laquelle il faudra probablement revenir un jour ? Devra-t-on la mettre en cause et selon quelles modalités ?
Partout où les hôpitaux disposent de services d'urgences, il convient d'être attentif à leur devenir car la permanence des soins peut s'organiser autour d'eux. C'est un élément de force dont il ne faut pas se priver.
Ayant accueilli la semaine dernière le congrès national des maires ruraux dans mon département de l'Allier, je puis témoigner de l'angoisse des élus face à la désertification médicale. Ce n'est plus un risque : c'est une réalité vécue.
Lors de l'examen du projet de loi Grenelle I, le concept de « proximité » a été mis en avant pour ses vertus écologiques : comment le projet de loi Hôpital Patients Santé Territoire intègre-t-il cette logique de proximité ? A-t-on conscience qu'elle est centrale dans la définition de l'offre de soins, compte tenu du vieillissement de la population et du souhait de nos anciens de demeurer à domicile ?
Peut-on préciser les différents mécanismes mis en oeuvres pour encourager les jeunes médecins à s'installer en zone rurale ? Comment les rendre plus incitatifs ?
Va-t-on répondre au fait que tous les hôpitaux ruraux implantés dans des villes moyennes connaissent un déficit systémique et un besoin de financement récurrent, dûs à la structure de financement retenue, non imputables à un quelconque gaspillage ? Comment articuler l'offre de soins en zone rurale avec l'action des hôpitaux de moyenne capacité ?
Bien qu'élue urbaine, je m'inquiète de la situation des zones rurales telle qu'elle m'est apparue lors des travaux de la mission sur l'offre de soins sur l'ensemble du territoire. Rien de ce qui a été fait ne fonctionne ! Pourra-t-on se dispenser de revenir sur la liberté d'installation ? Ne sera-t-on pas forcé d'être coercitif à l'avenir ? Il est certain qu'étant majoritairement des urbains, les étudiants en médecine n'envisagent pas de s'installer dans des campagnes qu'ils n'ont jamais connues. C'est cet état d'esprit qu'il faut essayer de faire évoluer.
– Je remercie les différents orateurs pour cette nouvelle série de questions à laquelle je vais tenter de répondre de manière synthétique.
S'ils sont convaincus de disposer de l'un des meilleurs systèmes de santé au monde, les Français constatent qu'il n'est pas exempt de fragilités. Il est parfois difficile de trouver un médecin et cela arrive aussi à cinq kilomètres de la place de l'Etoile, dans les quartiers sensibles de la proche banlieue parisienne. La carte médicale est en peau de léopard, avec une alternance de zones bien équipées et de territoires délaissés. Il n'est donc pas pertinent d'opposer les ruraux aux urbains.
Oui, les urgences sont souvent encombrées et l'offre de soins n'est pas uniforme sur le territoire. Oui, certains hôpitaux de proximité sont évités par la population qu'ils sont censés servir. Oui, il y a un écart injustifié entre le taux d'occupation de nos lits de court séjour –l'un des plus bas d'Europe – et la difficulté dans laquelle on se trouve lorsqu'il s'agit de faire admettre un parent dépendant en long séjour. Ce sont ces questions pratiques que le Gouvernement entend traiter. Il ne s'agit pas de bâtir une cathédrale technocratique mais d'apporter des réponses concrètes.
Depuis 2003, la permanence des soins est assurée sur la base du volontariat des praticiens. Soit, mais cela ne signifie pas que les médecins soient déchargés de toute obligation éthique. Lorsque vous êtes médecin et que l'on n'arrive pas à compléter le tableau d'astreinte dans votre ville, cela doit vous poser une question d'ordre déontologique. Tout médecin doit se soucier de savoir comment les choses s'organisent dans son secteur, d'autant que le système est financé par la solidarité nationale et que l'hospitalisation privée peut y participer.
Trois questions centrales restent posées : la permanence des soins, l'accueil des personnes en difficulté dans le cadre de la couverture maladie universelle ou de l'aide médicale d'Etat, la proportion de soins délivrés aux tarifs de la sécurité sociale.
Il faut trouver, dans le champ conventionnel, des réponses appropriées au déséquilibre de la démographie médicale, à la permanence des soins et aux dépassements d'honoraires. Notre pays souffre d'une triple inégalité d'accès aux soins, géographique, financière et d'accès à l'information Bien entendu, le préfet de département reste le responsable de la permanence des soins et il peut – bien que la procédure soit peu usitée – réquisitionner des médecins lorsqu'il y a pénurie de volontaires. Cette possibilité de coercition constitue la contrepartie naturelle du volontariat. Aux termes du projet de loi, dans le droit fil du rapport Grall et des conclusions de M. Boennec, le préfet conserve le pouvoir de réquisition sur l'avis de l'agence régionale de santé. Parallèlement, il est prévu d'augmenter les pénalités encourues pour refus de l'obligation de permanence des soins, en les portant de 3 500 euros à 7 500 euros.
La France est le pays de l'OCDE qui compte le nombre le plus élevé de médecins pour cent mille habitants. Toutefois leur répartition sur le territoire est déséquilibrée, notamment au détriment des zones rurales et périurbaines. Il convient de tout mettre en oeuvre pour éviter que se créent de véritables déserts médicaux, sans néanmoins porter atteinte à l'exercice libéral de la médecine auquel je tiens à rappeler mon attachement. Plutôt que sur des mesures contraignantes, l'action des pouvoirs publics doit se porter sur l'élaboration de leviers, décidés en concertation avec les professionnels de santé et les collectivités territoriales.
Différentes pistes peuvent être explorées. Il faut favoriser la formation des médecins dans les régions présentant un déficit médical en aménageant la règle du numerus clausus. Les projets de territoire qui organisent l'offre de soins en relation les élus, les professions de santé et les associations d'usagers, à l'instar des expérimentations conduites en région Basse-Normandie, sont des initiatives que j'encourage. La convergence des sources de financement par la rationalisation et le regroupement dans le guichet unique de l'ARS des trop nombreuses mesures d'aides à l'installation en renforcera l'efficacité. Les acteurs de terrains ont vocation à faire leur l'organisation de l'offre de santé. Les patients seront à même de trouver plusieurs professions de santé avec la création de maison médicale que le gouvernement promeut. Enfin, la revalorisation des professions médicales générera un supplément d'attractivité qui facilitera la répartition territoriale.
La lutte contre la désertification médicale passe par la rupture du cloisonnement entre l'hôpital, la ville et la ruralité. L'hôpital de proximité constitue la pierre angulaire du service médical à la population, avec des soins d'urgence de qualité. Pour ce faire, il importe de rassembler autour des plateaux techniques des professionnels complémentaires et qualifiés. L'organisation des services mobiles doit être pensée pour qu'aucun usager ne se trouve à plus de vingt minutes d'un service d'urgence. La préservation d'une médecine hospitalière de qualité passe également par l'instauration d'une véritable mixité de l'exercice de la profession de médecin entre activité libérale et service hospitalier.
Loin de réduire les moyens financiers des hôpitaux, la tarification à l'activité procède d'un mécanisme de redistribution des enveloppes financières en fonction des besoins. Elle est au service du malade, ne serait-ce que par le lissage des moyens budgétaires sur l'année, alors que les à-coups et les pénuries de fin d'année naissaient immanquablement du système antérieur de dotation. Sans doute conviendra-t-il à l'avenir d'introduire une modulation en fonction de la sévérité des cas traités et de la précarité de la condition des patients. Un malade en situation précaire nécessite souvent un séjour plus long pour recouvrer la santé. Comment expliquer que des hôpitaux en tous points semblables soit les uns en déficit, les autres en excédent ? Les déficits ne sont pas une fatalité et le gouvernement aidera à les résorber en s'attaquant aux incohérences manifestes. Je ne comprends toujours pas qu'on me sollicite encore pour ouvrir des lits de court séjour dont tout le monde sait pertinemment qu'ils resteront désespérément vides.
– Sans aucune intention polémique, je connais un service de maternité réalise aujourd'hui quatre cents naissances annuelles et qui n'atteindra jamais, en raison de la taille limitée du bassin de vie, les sept cents accouchements qui assureraient sa viabilité économique à travers la tarification à l'acte.
– On ne peut sectoriser la tarification à l'acte activité par activité. Il faut voir établissement par établissement. L'article 41 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la création d'une agence nationale d'appui pour venir en aide aux structures hospitalières afin de les accompagner à réorienter leurs priorités pour parvenir à un équilibre budgétaire. Par exemple, à côté de l'obstétrique déficitaire, ne peut on transformer des lits de court séjour en gériatrie ou en soins de court séjour et de réadaptation.
– Je remercie Mme la ministre d'avoir accepté de se prêter à cet exercice de questionsréponses devant la délégation, et je me réjouis de la qualité des échanges qui ont pu avoir lieu à cette occasion.
La Délégation réunie a ensuite procédé à l'adoption à l'unanimité du rapport d'information.