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Intervention de Philippe Boënnec

Réunion du 21 octobre 2008 à 17h00
Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Boënnec, rapporteur :

– Je me réjouis de la présence de Mme la ministre devant la Délégation sur un sujet si important pour l'aménagement du territoire. La permanence des soins constitue une mission de service public, le code de la santé publique en dispose ainsi. Le Président de la République a d'ailleurs considéré, dans son discours de Neufchâteau le 17 avril dernier, que chacun devait prendre ses responsabilités dans la rationalisation du dispositif.

On ne saurait ignorer les inquiétudes de la population, relayées par la presse, quant à cette permanence des soins. Cependant, même si le dispositif reste perfectible, il convient de garder à l'esprit que les ratios français de mortalité et de morbidité figurent parmi les meilleurs des pays développés. Les citoyens ne risquent guère que le désagrément d'avoir à se déplacer à l'hôpital pour une affection bénigne. Notre organisation soigne bien. La question demeure celle de son efficience, avec un coût approximatif de six cents millions d'euros si l'on agrège l'ensemble des dépenses sociales et fiscales.

La Délégation à l'aménagement du territoire est particulièrement attentive aux dissymétries territoriales dans la gestion des services publics. L'offre de soins en France n'y fait pas exception, et la mission d'information de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a eu l'occasion de présenter récemment ses observations. Sans reprendre les travaux de MM. Philippe Ritter et Yves Bur, on peut en observer le constat : il existe une inégalité dans la répartition des médecins généralistes libéraux sur le territoire, au bénéfice des ensembles urbains, ou centres urbains, et au détriment des zones rurales. Certains secteurs sont quasiment vides de praticiens, et ce déséquilibre a un impact dévastateur sur la permanence des soins dans les territoires. On les appelle parfois des zones blanches, je préfère parler de zones noires, et si l'expression m'est permise, il y a en France des zones noires de blouses blanches.

Il faut rappeler que la permanence des soins est désormais pour les médecins une obligation collective fondée sur le volontariat individuel. Dans les centres-villes, on trouve les services d'urgence et SOS Médecins qui prennent volontiers la relève des généralistes défaillant ; ainsi le service est-il assuré mais à un tarif prohibitif pour les finances sociales. Dans les campagnes et les zones suburbaines, les distances allongées s'ajoutent à la pénurie de médecins, les gardes sont fréquentes et elles découragent les rares généralistes présents. Le dispositif n'aboutit qu'à hâter le départ de ces derniers, en retraite pour les uns, vers les villes pour les autres. Cependant, je considère que les mesures désincitatives, les pénalités et les réquisitions sont à bannir de l'arsenal de l'action publique, sous peine d'aggraver l'exode rural, sauf exception justifiée par la sécurité publique.

La question est donc de savoir ce qu'il faut faire pour rééquilibrer la permanence des soins. J'ai constaté au cours de mes auditions que les propositions issues du rapport de M. Jean-Yves Grall font consensus. Il convient d'attribuer aux directeurs des agences régionales de santé la tâche de déterminer un schéma régional unique de permanence des soins, en coordination avec tous les acteurs concernés, pour unifier et simplifier le pilotage. A cet égard, je m'interroge sur le rôle de l'Ordre des médecins : ne doit-il pas se recentrer sur sa mission déontologique et laisser l'établissement des listes de gardes aux directeurs d'agences régionales de santé ?

Il me parait souhaitable que le schéma sanitaire régional puisse recevoir une déclinaison à l'échelon départemental en associant l'aide médicale urgente à la permanence des soins. Les directeurs des agences régionales de santé doivent aussi avoir la possibilité de combiner les divers modes de financement.

L'organisation de la permanence des soins entre les professionnels de santé pourrait prendre la forme d'une contractualisation pluriannuelle rémunérée à l'acte ou, mieux, au forfait. Des expérimentations et des mesures incitatives amélioreraient le dispositif.

Il pourrait être proposé aux médecins de ville, thésés ou non, de prendre des gardes en zone rurale, aux jeunes retraités de continuer à pratiquer quelques années dans le cadre de la permanence des soins, aux internes et aux médecins non installés de vivre une première expérience ambulatoire auprès des patients après avoir reçu une formation ad hoc.

Dans l'organisation de la permanence des soins, on peut séparer deux types de périodes. Le premier type court de vingt heures à minuit et englobe les fins de semaine. Pour celles-ci, on peut avoir recours aux maisons médicales de garde et s'appuyer sur les hôpitaux locaux, les maisons de retraite et SOS Médecins. La période restante, dite de nuit profonde, s'étend de minuit à huit heures. Elle ne concerne qu'un acte pour cent mille habitants. Elle emporte cependant pour les praticiens des sorties incompressibles, par exemple dans les maisons de retraites et pour accomplir divers actes médico-administratifs (certificats de décès, examens judiciaires). Face à la pénurie de médecins de garde à ce moment, il pourrait être fait appel à des « internes mobiles », pratique aujourd'hui impossible du fait du cadre règlementaire. Une cohérence s'impose avec les autres professionnels de santé afin de les englober dans le dispositif, toujours par voie contractuelle dans le cadre du schéma régional.

Par ailleurs, les pouvoirs publics, et donc les agences régionales de santé, doivent s'appuyer sur la régulation médicale, clef de voûte de la permanence des soins. Dans cette perspective, un seul numéro téléphonique – éventuellement inscrit dans une démarche européenne – doit permettre d'accéder immédiatement aux centres interconnectés de l'aide médicale à la population, donnant ainsi aux médecins régulateurs et aux permanenciers toute latitude de mobiliser les moyens nécessaires. Les réponses se limitant à des conseils, voire aux prescriptions médicales téléphoniques dans le respect de protocoles préétablis, semblent constituer une voie à explorer pour apaiser les craintes des patients sans obérer inutilement les finances sociales. Un rappel automatique une heure après la communication rassurerait efficacement une grande partie des personnes : les permanenciers pourront s'en charger s'ils reçoivent la formation adaptée.

En outre, j'ai constaté avec surprise une lacune dans la formation des étudiants en médecine générale. Ils n'acquièrent dans leur cursus aucune expérience de la garde ambulatoire, aucune notion de régulation téléphonique, et finalement la réalité de la médecine de premier recours se limite pour eux à de très brefs aperçus. Il conviendrait en deuxième cycle de les envoyer en stage hors des grandes villes et, en troisième cycle, de les former et de rendre obligatoire des exercices de garde ambulatoire et de régulation.

Enfin, il faut replacer le patient au coeur du dispositif et faire de lui un acteur responsable dans une approche pédagogique qui ne doit pas être pénalisante – sauf abus exceptionnel. Ainsi, les comportements coûteux pour la collectivité dans le rapport à l'utilisation des structures médicales devront être rectifiés, même s'ils sont justifiés par une inquiétude bien compréhensible. Les perspectives du prochain projet de loi Hôpital Patients Santé Territoires sont à cet égard prometteuses, d'autant plus qu'elles comportent dans le cadre de l'organisation régionale la création d'un observatoire de la santé que j'appelle de mes voeux.

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