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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 22 juillet 2008 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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PermalienPhoto de Michel Bouvard

a rappelé, avant de donner la parole à M. Jean-François Mancel, Rapporteur spécial de la mission Action extérieure de l'État, sur ses réflexions et propositions formulées en contrepoint de la Révision générale des politiques publiques – RGPP - d'une part, et du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, d'autre part, que le ministère des Affaires étrangères se trouvait en quelque sorte à la croisée des chemins en matière de réforme : cet exercice parallèle de la RGPP et du Livre blanc intervient en effet au terme d'une décennie de rationalisation budgétaire qui a laissé aux personnels du Quai d'Orsay une impression assez désagréable de tunnel dont on ne verrait pas la fin.

Les analyses et recommandations contenues dans ce rapport d'information ont été inspirées par une série de missions à l'étranger et d'auditions effectuées par le Rapporteur spécial. Partout où il s'est rendu, à Istanbul, à Moscou, à Novossibirsk, à Islamabad, à Kaboul, et en dernier lieu dans trois capitales européennes – Dublin, Berlin et Londres –, mais aussi en région parisienne sur les différents chantiers immobiliers du ministère des Affaires étrangères, il s'est efforcé de glaner les informations susceptibles de nourrir des comparaisons pertinentes sur le fonctionnement de notre réseau diplomatique, consulaire, culturel et éducatif à l'étranger, ainsi que sur l'action de l'administration du Quai d'Orsay.

Le résultat livré ce matin est une forme de bilan d'étape d'un travail de contrôle sans cesse recommencé. C'est heureux car il est important, non seulement pour la Commission mais également à l'égard de l'Exécutif, de témoigner d'une certaine constance dans le contrôle, y compris en dehors des « passages obligés » que représentent le débat budgétaire de l'automne et désormais, le débat sur le projet de loi de règlement. Le Rapporteur spécial doit donc être remercié d'avoir pris cette initiative.

PermalienPhoto de Jean-François Mancel

, a indiqué qu'il présentait ce matin des réflexions et des propositions issues de plusieurs missions et auditions à Paris comme à l'étranger, dans le champ de l'Action extérieure de l'État. Le moment est important pour le ministère puisqu'a été remis il y a une dizaine de jours, par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France. En outre, les trois Conseils de modernisation des politiques publiques, qui sont l'instance décisionnaire de la RGPP, ont pris des décisions concernant le ministère des Affaires étrangères et européennes. Le rapport d'information présenté ce matin formule dix-sept propositions destinées à faire entendre la voix de la commission des Finances dans ce débat sur la réforme.

Parmi elles, quelques points saillants méritent d'être relevés. En premier lieu, concernant le niveau des crédits du ministère, le rapport reprend et analyse certaines comparaisons internationales contenues dans le Livre blanc, dont l'attention portée aux moyens du Quai d'Orsay est la marque de la forte implication personnelle de M. Alain Juppé sur cette question. Depuis une dizaine d'années, le ministère a connu un traitement budgétaire plutôt sévère, l'évolution des dotations s'effectuant toujours à un rythme modéré par rapport à l'ensemble du budget de l'État ; pourtant, encore aujourd'hui, on demande au Quai d'Orsay de nouveaux efforts en la matière. Dans l'intervalle, les crédits destinés à financer les contributions internationales sont passés de 10 % à 40 % du total du budget des Affaires étrangères. Parmi ces contributions, celles qui sont obligatoires s'imposent par définition à notre pays ; doter ce poste de dépenses de façon sincère en loi de finances initiale est donc indispensable, en particulier pour financer les opérations de maintien de la paix, dont on sait que, chaque année, elles doivent faire l'objet d'un abondement en gestion. Quant aux contributions volontaires, elles ne sont absolument pas honorées au niveau requis : au lieu de 90 millions d'euros, il faudrait y consacrer 450 millions d'euros pour que nos positions soient crédibles. Rappelons par ailleurs que ces contributions volontaires représentent plus de la moitié du budget de l'ONU. Par conséquent, il est urgent de faire des choix en concentrant les moyens disponibles sur les contributions réellement indispensables à la défense de nos positions.

La question du service public d'enseignement français à l'étranger a été longuement abordée en commission élargie le 17 juin dernier à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et du rapport de gestion pour 2007. La France dispose en la matière du premier réseau mondial, qui est cependant confronté à trois problèmes : l'état déplorable du patrimoine immobilier scolaire, l'incapacité de certains lycées français – tel le lycée Charles de Gaulle de Londres – à faire face aux demandes d'inscription, et l'impossibilité de scolariser dans certains établissements un nombre suffisant d'élèves du pays d'accueil. Quatre solutions sont envisageables : demander au ministère et à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger – son opérateur dans ce domaine – de proposer un plan de rattrapage pour la mise à niveau des moyens immobiliers, encourager les recours aux partenariats public-privé, favoriser l'implication des collectivités territoriales et des entreprises – à l'exemple de Total en Angola –, qui pourraient contribuer au développement des capacités d'accueil des établissements, et revenir sur l'octroi systématique de la gratuité de la scolarité aux élèves français en privilégiant plutôt la seule augmentation des bourses, lorsque cela est nécessaire. Ce dernier point est crucial car, si l'on en croit le Livre blanc, la généralisation de la gratuité coûterait à terme 300 millions d'euros par an.

Après la scolarité en lycée, viennent les études supérieures ; à cet égard, l'attractivité de la France est très insuffisante. Notre pays accueille beaucoup d'étudiants étrangers mais ils viennent, pour beaucoup, de pays de notre zone d'influence historique en Afrique, et trop peu des pays émergents comme la Chine ou l'Inde. Un rapporteur spécial de la commission des Finances avait déjà travaillé sur ce sujet il y a une dizaine d'années. Pourquoi ne pas créer une mission d'information commune aux commissions des Finances, des Affaires étrangères et des Affaires culturelles pour relancer la réflexion ?

En matière de communication, le ministère des Affaires étrangères et européennes et ses remarquables personnels, qui travaillent dans des conditions parfois difficiles, ont beaucoup progressé. Mais le Quai d'Orsay continue à évoquer dans l'imagerie populaire « la tasse de thé à 17 heures ». Vis-à-vis du grand public en particulier, un ambitieux plan de communication s'impose donc. Il ne suffit pas d'envoyer une fois l'an les ambassadeurs déjeuner en préfecture pour régler le problème.

S'agissant de la politique immobilière conduite par le ministère, le regroupement des sites parisiens a déjà fait couler beaucoup d'encre. L'opération sera achevée en 2009 ; ne subsisteront alors que trois implantations : le Quai d'Orsay, la rue de la Convention et le centre des archives à La Courneuve. À l'étranger, la situation est à la fois plus variée et plus complexe : la proposition du Livre blanc consistant à créer pour la gestion de ce parc une « foncière de l'État à l'étranger » ne doit pas être envisagée sans réticence. Une approche plus pragmatique et certainement plus efficace doit consister à mobiliser les ambassadeurs sur ce sujet en leur demandant un plan d'action à l'horizon de trois ans. La politique immobilière peut avoir des effets très bénéfiques sur l'organisation du travail dans les postes, notamment en favorisant l'interministérialité grâce au regroupement dans un même immeuble, comme à Berlin et peut-être bientôt à Londres, des services extérieurs de l'ensemble des ministères.

Un autre sujet emblématique concerne les préoccupations croissantes de sécurité, traitées avec l'attention qu'elles méritent depuis 2006 – ce qui est certes étonnamment tardif – par le service de la Sécurité diplomatique. Compétent et diligent, ce service s'occupe essentiellement des ambassades et des consulats et n'étend son expertise au-delà que s'il est consulté ; cela n'est pas satisfaisant. En la matière cependant, la France cumule deux « défauts » : un manque de moyens à consacrer à la sécurité et une tradition de grande ouverture à l'égard des populations des pays d'accueil, qui tranche avec l'attitude des États-Unis par exemple, dont les implantations sont davantage « bunkérisées ». Nous devons donc nous attacher à trouver le juste équilibre.

Un certain nombre de critiques se sont fait entendre récemment au sujet du désoeuvrement de quelques hauts fonctionnaires au Quai d'Orsay, qui a fait l'objet d'un référé de la Cour des comptes commenté dans la presse. Des chiffres très exagérés ont circulé ; une vingtaine de diplomates étaient en effet dépourvus d'affectation et un dispositif de fin d'activité a été institué par décret pour y remédier, sur le modèle du congé spécial de l'administration préfectorale. Ce dispositif temporaire gagnerait à être pérennisé. Au-delà, il convient de prévoir des départs en milieu de carrière, à l'image de la pratique britannique, et de développer, à tous les niveaux et pour toutes les catégories, la politique d'envoi de renforts à l'étranger, pour remplacer ponctuellement tel agent parti en formation ou pour étoffer une équipe devant faire face à une crise. D'une façon générale, l'appropriation par les personnels du ministère des éléments fondamentaux de la réforme est aujourd'hui indispensable, d'autant qu'ils ont été insuffisamment associés en amont à la réflexion dans le cadre du Livre blanc et de la RGPP. La pédagogie de la réforme par le dialogue avec le personnel doit être désormais une priorité du ministère.

Enfin, concernant le réseau culturel à l'étranger, qui a beaucoup évolué en s'éloignant parfois de ses missions originelles, le rapport d'information propose, non sans audace, un rapprochement généralisé avec les alliances françaises. Ces dernières sont plus de mille, réparties dans le monde entier, largement autofinancées ; elles fonctionnent bien et jouissent d'une notoriété remarquable. Un tel rapprochement devra, pour se faire, surmonter de fortes réticences, mais il est cohérent avec l'évolution de la direction générale de la Coopération internationale et du développement vers le format allégé décidé dans le cadre de la RGPP. La nouvelle direction devra se recentrer sur son rôle de tutelle stratégique, en dotant par exemple l'ensemble des opérateurs de la coopération culturelle des contrats d'objectifs et de moyens qui font pour l'instant défaut, à l'exception d'un seul.

Le Président Didier Migaud a salué la qualité du travail du Rapporteur spécial, qui illustre bien ce que doit être le suivi continu des crédits et de l'activité d'un ministère. Les suites à donner aux préconisations du Rapporteur spécial doivent être suivies avec d'autant plus d'attention qu'elles interviennent à un moment stratégique, marqué par la révision générale des politiques publiques et le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne.

Félicitant également le Rapporteur spécial pour la qualité de son travail, M. Marc Le Fur a souhaité connaître le calendrier dans lequel les services actuellement logés au Quai d'Orsay seraient scindés en deux. Comment remédier à l'inégale répartition des diplomates français en poste ? Des pôles peuvent-ils être constitués ?

PermalienPhoto de Jean Launay

s'est interrogé sur le bien-fondé de la proposition n° 6 : le dépoussiérage de l'image du réseau diplomatique français ne passe-t-il pas davantage par une modification du comportement des agents de l'État plutôt que par un plan de communication ? Les députés constatent souvent, dans leur groupe d'amitié, qu'il peut être difficile d'obtenir ne serait-ce qu'un rendez-vous avec les fonctionnaires du Quai d'Orsay.

Il a souscrit aux préconisations du Rapporteur spécial, tendant à une meilleure connaissance du patrimoine immobilier de l'État à l'étranger. Enfin, dans certains pays, est-il possible de mettre en place des bureaux communs avec les représentations diplomatiques de certains de nos partenaires européens ?

PermalienPhoto de Jean-François Mancel

, a apporté les précisions suivantes :

– les services affectés dans l'immeuble de la rue de la Convention devraient y emménager à la fin de l'année, l'ensemble des services n'ayant pas vocation à y résider. Ce déménagement permettra de lancer des travaux de rénovation des bâtiments du Quai d'Orsay entre la fin 2009 et le début 2010 ;

– la révision générale des politiques publiques envisage de distinguer selon trois types d'ambassades : des ambassades de plein exercice, des ambassades dotées de certaines missions seulement dans les pays moins stratégiques pour notre action extérieure, et une simple veille diplomatique de trois à quatre personnes dans une trentaine de postes. Si le passage à des « budgets pays » dans le pilotage financier du ministère des Affaires étrangères est un facteur de moindre lisibilité des actions et des politiques – en contradiction avec les principes de la LOLF tant qu'une réelle comptabilité analytique n'est pas en place –, un document de synthèse pourrait être mis au point afin de donner une lecture des crédits en termes de « budgets pays » ;

– les inégalités d'affectation de diplomates entre les postes sont réelles. Le ministère des Affaires étrangères doit apporter la preuve qu'il est en mesure de se réformer. L'absence de filière internationale parmi celles préconisées par le rapport Silicani est peut-être une erreur ;

– la gestion du site Internet du ministère est parfois défaillante, souffrant notamment d'une absence de mise à jour régulière des « fiches pays » ;

– mettre en place des bureaux communs avec certains de nos partenaires européens n'est pas une chose aisée, une réticence culturelle de la part des diplomates se conjuguant à des problèmes de positionnement stratégique par rapport à des pays qui peuvent parfois être des concurrents. Des synergies ont pourtant été réalisées avec succès dans certaines alliances françaises.

Retrouvant dans les problèmes de communication et de sélection des moyens d'influence une dimension proche de celle figurant dans le rapport d'information sur l'audiovisuel extérieur de la France dont il présente les conclusions en Commission ce jour même, M. Patrice Martin-Lalande s'est interrogé sur l'efficacité comparée des politiques d'influence de notre pays. Des études existent-elles pour mesurer l'impact respectif de l'enseignement du français, de l'action culturelle extérieure, de l'accueil des étrangers en France et de la politique audiovisuelle extérieure ?

Les alliances françaises sont des lieux d'interface très vivants et efficaces, notamment pour les jeunes. Ce vecteur d'influence peut-il être davantage valorisé afin de permettre à la France d'être plus présente ?

PermalienPhoto de Jean-François Mancel

, a admis que le réseau des alliances françaises pouvait être valorisé. Relevant, au sens de la LOLF, de la mission Médias, l'audiovisuel extérieur semble parfois traité à part par les diplomates dans leurs réflexions sur les moyens d'action culturelle extérieure. C'est d'autant plus regrettable que des synergies existent entre ces différentes politiques publiques.

PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

a déploré le manque de sérieux du ministère des Affaires étrangères dans la conduite de certains projets immobiliers, en particulier celui du centre de conférences internationales dont la Révision générale des politiques publiques envisage un recalibrage. Où en est le projet d'extension du ministère des Affaires étrangères sous l'esplanade des Invalides ? La distance qui existe souvent entre les diplomates et la réalité du pays dans lequel ils se trouvent est problématique. Lors d'une cérémonie nationale d'importance au Sénégal, l'ambassadeur de France était absent car en vacances. Les services en charge de l'action économique dans les postes diplomatiques font l'objet de vives critiques relayées en particulier par les organisations non gouvernementales anglo-saxonnes.

PermalienPhoto de Jean-François Mancel

, a apporté les précisions suivantes :

– l'appui aux entreprises françaises est, de façon croissante, réalisé par le biais d'Ubifrance. Le Livre blanc pose la question de la fusion des services économiques présents à l'étranger avec ceux du ministère des Affaires étrangères ;

– on ne souligne pas assez l'excellence de la France dans la prise en charge de ses ressortissants à l'étranger. Pour preuve, l'évacuation en 2006 de 14 000 personnes – pas toutes françaises – du Liban, s'est déroulée dans des conditions admirables ;

– la faute du ministère des Affaires étrangères dans le pilotage des opérations immobilières précédemment évoquées réside davantage dans le prix de vente de l'immeuble de la rue de la Convention – trop faible – que dans le prix de son rachat et on ne peut pas imputer au Quai d'Orsay la responsabilité du défaut d'une convention fiscale avec le Luxembourg ne soumettant pas à l'impôt la plus-value réalisée. Les problèmes de gestion dans l'installation rue de la Convention sont indéniables même si ce projet reste pertinent. La future salle de conférences internationales ne permettra pas d'organiser des événements diplomatiques de très haut niveau, pour des raisons de sécurité et de capacité d'accueil. L'idée d'une extension du Quai d'Orsay sous l'esplanade des Invalides n'a fait l'objet d'aucune proposition concrète ;

– l'exemple, décrit dans le rapport, du projet immobilier piloté par les services diplomatiques français présents à Dublin, est symptomatique des « usines à gaz » qui sont parfois inventées.

PermalienPhoto de François Scellier

a fait part de son expérience de député et de président d'un conseil général, qui révèle que la qualité de l'action diplomatique française dépend principalement du choix des personnes affectées dans les postes diplomatiques. Des marges de progression existent en matière de gestion des politiques d'influence diplomatique, notamment en matière commerciale.

La Commission a alors, en application de l'article 146 du Règlement, autorisé la publication du rapport d'information.