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Intervention de Jean-François Mancel

Réunion du 22 juillet 2008 à 10h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Mancel, Rapporteur spécial :

, a indiqué qu'il présentait ce matin des réflexions et des propositions issues de plusieurs missions et auditions à Paris comme à l'étranger, dans le champ de l'Action extérieure de l'État. Le moment est important pour le ministère puisqu'a été remis il y a une dizaine de jours, par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France. En outre, les trois Conseils de modernisation des politiques publiques, qui sont l'instance décisionnaire de la RGPP, ont pris des décisions concernant le ministère des Affaires étrangères et européennes. Le rapport d'information présenté ce matin formule dix-sept propositions destinées à faire entendre la voix de la commission des Finances dans ce débat sur la réforme.

Parmi elles, quelques points saillants méritent d'être relevés. En premier lieu, concernant le niveau des crédits du ministère, le rapport reprend et analyse certaines comparaisons internationales contenues dans le Livre blanc, dont l'attention portée aux moyens du Quai d'Orsay est la marque de la forte implication personnelle de M. Alain Juppé sur cette question. Depuis une dizaine d'années, le ministère a connu un traitement budgétaire plutôt sévère, l'évolution des dotations s'effectuant toujours à un rythme modéré par rapport à l'ensemble du budget de l'État ; pourtant, encore aujourd'hui, on demande au Quai d'Orsay de nouveaux efforts en la matière. Dans l'intervalle, les crédits destinés à financer les contributions internationales sont passés de 10 % à 40 % du total du budget des Affaires étrangères. Parmi ces contributions, celles qui sont obligatoires s'imposent par définition à notre pays ; doter ce poste de dépenses de façon sincère en loi de finances initiale est donc indispensable, en particulier pour financer les opérations de maintien de la paix, dont on sait que, chaque année, elles doivent faire l'objet d'un abondement en gestion. Quant aux contributions volontaires, elles ne sont absolument pas honorées au niveau requis : au lieu de 90 millions d'euros, il faudrait y consacrer 450 millions d'euros pour que nos positions soient crédibles. Rappelons par ailleurs que ces contributions volontaires représentent plus de la moitié du budget de l'ONU. Par conséquent, il est urgent de faire des choix en concentrant les moyens disponibles sur les contributions réellement indispensables à la défense de nos positions.

La question du service public d'enseignement français à l'étranger a été longuement abordée en commission élargie le 17 juin dernier à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et du rapport de gestion pour 2007. La France dispose en la matière du premier réseau mondial, qui est cependant confronté à trois problèmes : l'état déplorable du patrimoine immobilier scolaire, l'incapacité de certains lycées français – tel le lycée Charles de Gaulle de Londres – à faire face aux demandes d'inscription, et l'impossibilité de scolariser dans certains établissements un nombre suffisant d'élèves du pays d'accueil. Quatre solutions sont envisageables : demander au ministère et à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger – son opérateur dans ce domaine – de proposer un plan de rattrapage pour la mise à niveau des moyens immobiliers, encourager les recours aux partenariats public-privé, favoriser l'implication des collectivités territoriales et des entreprises – à l'exemple de Total en Angola –, qui pourraient contribuer au développement des capacités d'accueil des établissements, et revenir sur l'octroi systématique de la gratuité de la scolarité aux élèves français en privilégiant plutôt la seule augmentation des bourses, lorsque cela est nécessaire. Ce dernier point est crucial car, si l'on en croit le Livre blanc, la généralisation de la gratuité coûterait à terme 300 millions d'euros par an.

Après la scolarité en lycée, viennent les études supérieures ; à cet égard, l'attractivité de la France est très insuffisante. Notre pays accueille beaucoup d'étudiants étrangers mais ils viennent, pour beaucoup, de pays de notre zone d'influence historique en Afrique, et trop peu des pays émergents comme la Chine ou l'Inde. Un rapporteur spécial de la commission des Finances avait déjà travaillé sur ce sujet il y a une dizaine d'années. Pourquoi ne pas créer une mission d'information commune aux commissions des Finances, des Affaires étrangères et des Affaires culturelles pour relancer la réflexion ?

En matière de communication, le ministère des Affaires étrangères et européennes et ses remarquables personnels, qui travaillent dans des conditions parfois difficiles, ont beaucoup progressé. Mais le Quai d'Orsay continue à évoquer dans l'imagerie populaire « la tasse de thé à 17 heures ». Vis-à-vis du grand public en particulier, un ambitieux plan de communication s'impose donc. Il ne suffit pas d'envoyer une fois l'an les ambassadeurs déjeuner en préfecture pour régler le problème.

S'agissant de la politique immobilière conduite par le ministère, le regroupement des sites parisiens a déjà fait couler beaucoup d'encre. L'opération sera achevée en 2009 ; ne subsisteront alors que trois implantations : le Quai d'Orsay, la rue de la Convention et le centre des archives à La Courneuve. À l'étranger, la situation est à la fois plus variée et plus complexe : la proposition du Livre blanc consistant à créer pour la gestion de ce parc une « foncière de l'État à l'étranger » ne doit pas être envisagée sans réticence. Une approche plus pragmatique et certainement plus efficace doit consister à mobiliser les ambassadeurs sur ce sujet en leur demandant un plan d'action à l'horizon de trois ans. La politique immobilière peut avoir des effets très bénéfiques sur l'organisation du travail dans les postes, notamment en favorisant l'interministérialité grâce au regroupement dans un même immeuble, comme à Berlin et peut-être bientôt à Londres, des services extérieurs de l'ensemble des ministères.

Un autre sujet emblématique concerne les préoccupations croissantes de sécurité, traitées avec l'attention qu'elles méritent depuis 2006 – ce qui est certes étonnamment tardif – par le service de la Sécurité diplomatique. Compétent et diligent, ce service s'occupe essentiellement des ambassades et des consulats et n'étend son expertise au-delà que s'il est consulté ; cela n'est pas satisfaisant. En la matière cependant, la France cumule deux « défauts » : un manque de moyens à consacrer à la sécurité et une tradition de grande ouverture à l'égard des populations des pays d'accueil, qui tranche avec l'attitude des États-Unis par exemple, dont les implantations sont davantage « bunkérisées ». Nous devons donc nous attacher à trouver le juste équilibre.

Un certain nombre de critiques se sont fait entendre récemment au sujet du désoeuvrement de quelques hauts fonctionnaires au Quai d'Orsay, qui a fait l'objet d'un référé de la Cour des comptes commenté dans la presse. Des chiffres très exagérés ont circulé ; une vingtaine de diplomates étaient en effet dépourvus d'affectation et un dispositif de fin d'activité a été institué par décret pour y remédier, sur le modèle du congé spécial de l'administration préfectorale. Ce dispositif temporaire gagnerait à être pérennisé. Au-delà, il convient de prévoir des départs en milieu de carrière, à l'image de la pratique britannique, et de développer, à tous les niveaux et pour toutes les catégories, la politique d'envoi de renforts à l'étranger, pour remplacer ponctuellement tel agent parti en formation ou pour étoffer une équipe devant faire face à une crise. D'une façon générale, l'appropriation par les personnels du ministère des éléments fondamentaux de la réforme est aujourd'hui indispensable, d'autant qu'ils ont été insuffisamment associés en amont à la réflexion dans le cadre du Livre blanc et de la RGPP. La pédagogie de la réforme par le dialogue avec le personnel doit être désormais une priorité du ministère.

Enfin, concernant le réseau culturel à l'étranger, qui a beaucoup évolué en s'éloignant parfois de ses missions originelles, le rapport d'information propose, non sans audace, un rapprochement généralisé avec les alliances françaises. Ces dernières sont plus de mille, réparties dans le monde entier, largement autofinancées ; elles fonctionnent bien et jouissent d'une notoriété remarquable. Un tel rapprochement devra, pour se faire, surmonter de fortes réticences, mais il est cohérent avec l'évolution de la direction générale de la Coopération internationale et du développement vers le format allégé décidé dans le cadre de la RGPP. La nouvelle direction devra se recentrer sur son rôle de tutelle stratégique, en dotant par exemple l'ensemble des opérateurs de la coopération culturelle des contrats d'objectifs et de moyens qui font pour l'instant défaut, à l'exception d'un seul.

Le Président Didier Migaud a salué la qualité du travail du Rapporteur spécial, qui illustre bien ce que doit être le suivi continu des crédits et de l'activité d'un ministère. Les suites à donner aux préconisations du Rapporteur spécial doivent être suivies avec d'autant plus d'attention qu'elles interviennent à un moment stratégique, marqué par la révision générale des politiques publiques et le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne.

Félicitant également le Rapporteur spécial pour la qualité de son travail, M. Marc Le Fur a souhaité connaître le calendrier dans lequel les services actuellement logés au Quai d'Orsay seraient scindés en deux. Comment remédier à l'inégale répartition des diplomates français en poste ? Des pôles peuvent-ils être constitués ?

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