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Séance en hémicycle du 29 mai 2008 à 10h45

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (nos 820, 892, 881, 890, 883).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 23.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 23.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, la Constitution de 1958 comporte trois instruments régaliens et aléatoires dans leur utilisation. Je les qualifie de régaliens parce qu'ils correspondent à des pouvoirs forts, entièrement dans la main de l'exécutif, et d'aléatoires parce que personne ne sait dans quelles circonstances on en aura besoin.

Le premier d'entre eux est le droit de dissolution. Dans l'esprit de la Constitution, c'est une réponse à la motion de censure dont peut faire usage l'Assemblée nationale, mais chacun sait qu'il a été utilisé dans d'autres circonstances, notamment après l'élection présidentielle, lorsque la majorité parlementaire n'était pas favorable à l'exécutif.

Le second est l'article 16. Souvent critiqué, il a donné lieu à de multiples débats sur la question de sa suppression – en particulier il y a une trentaine d'années –, mais si, rituellement, quelques amendements sont encore déposés en ce sens, personne ne peut, dans le contexte actuel de terrorisme international, envisager raisonnablement de le supprimer.

Le troisième enfin est le 49-3, c'est-à-dire l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur l'adoption d'un texte.

Contrairement à ce que l'on dit, le 49-3 n'est pas une invention de la Ve République ; il remonte à la IVe République.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Edgar Faure a eu recours au droit de dissolution le 2 décembre 1955, alors qu'il n'avait plus été utilisé depuis le 16 mai 1877.

Le 49-3 a été imaginé par Coste-Floret et Félix Gaillard dans leur projet de réforme constitutionnelle de mars 1958, pour compenser l'absence de majorité à l'Assemblée nationale, mais ils ne faisaient qu'entériner une procédure déjà utilisée sous la IVe République.

Le 49-3 est le type même d'instrument destiné à faire face à des situations aléatoires. Son objet initial était de restaurer la cohésion de la majorité parlementaire, lorsque celle-ci avait tendance à se disperser. Il a été très utilisé dans les débuts de la Ve République, puis de nouveau vingt ans plus tard par le gouvernement Rocard, qui en a fait usage à vingt-sept reprises. Ce n'est donc pas une question d'idéologie, mais de fonctionnement efficace des relations entre le Gouvernement et le Parlement. À ce titre, le 49-3 a souvent été utilisé – ce qui n'était pas prévu à l'origine – pour faire face aux situations d'obstruction.

Il est dangereux de se prononcer sur un outil aussi essentiel de la Constitution en fonction de la situation du moment, surtout lorsqu'il s'agit, comme c'est le cas en l'occurrence, d'un dispositif conçu non pas pour être utilisé tous les jours mais pour répondre aux situations critiques.

Je ne souhaite pas que, dans cinq, dix ou quinze ans, un gouvernement qui ne bénéficierait que de quelques voix d'avance à l'Assemblée se trouve dans une situation impossible parce que, en encadrant le 49-3, nous avons créé la possibilité d'une crise institutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Le 49-3 est un élément essentiel de l'équilibre de nos institutions, et il est évident qu'on ne peut y toucher sans avoir un tant soit peu réfléchi et médité sur les conséquences de nos actes.

De ce point de vue, même si je ne fais pas miennes les conclusions auxquelles parvient Daniel Garrigues, il est vrai que l'article 49-3 reste le symbole d'une République qui a toujours préférer faire prévaloir la force de l'exécutif plutôt que de donner le dernier mot au pouvoir législatif.

Nous avons fait les comptes : si le dispositif proposé par le Gouvernement avait été en vigueur depuis 1958, sur quatre-vingt neuf utilisations de l'article 49-3, le Gouvernement n'eût été empêché d'en faire usage qu'à quatre reprises. C'est si peut considérable que l'on ne peut que s'interroger sur la portée véritable de la réforme proposée et se demander s'il ne s'agit pas uniquement d'un changement d'apparence.

Ces quatre occasions correspondent à des moments où le Gouvernement dut faire face à une crise de sa majorité, comme ce fut le cas entre 1979 et 1981, lorsque M. Raymond Barre était confronté à des défections au sein de l'un des partis partenaires de la majorité du président Giscard d'Estaing.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

J'y étais !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Dans la version allégée et encadrée qui nous est proposée, le dispositif appliqué aux mêmes circonstances conserverait son efficacité et continuerait d'être cet outil par lequel un gouvernement peut contraindre sa majorité s'il n'arrive pas à la convaincre.

En fait le 49-3 est un outil non pas contre l'opposition mais contre la majorité. Or nous estimons que, en cas de conflit entre le Gouvernement et la majorité, la seule solution dans un régime parlementaire, ce n'est pas le passage en force grâce au recours artificiel au 49-3, mais le retour devant les électeurs.

Lorsque, entre 1988 et 1991, M. Rocard s'est trouvé dans la même situation que M. Barre, obligé de composer avec une majorité insuffisante qu'il lui fallait sans cesse élargir vers le centre, là encore le Gouvernement a eu recours au 49-3.

Nous estimons que, dans des circonstances normales, nous n'avons pas besoin du 49-3 et qu'en cas de crise, mieux vaut la régler devant les électeurs. Nous proposons donc la suppression du 49-3, sauf pour les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, car il est indispensable d'assurer la continuité financière de l'État. Pour le reste, nous jugeons que c'est un article inutile : un gouvernement doit accepter la discussion ; il doit écouter sa majorité et tenir compte de ses propositions, car il est dans son intérêt que les décisions qu'il prend soient conformes aux aspirations des électeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'article 49-3 est un élément-clef de ce que l'on a appelé le parlementarisme rationalisé, quoiqu'il s'agisse plus exactement d'un parlementarisme arraisonné par le gouvernement, par tous les gouvernements.

Avec le mode de scrutin, le 49-3 constitue, depuis les débuts de la Ve République, le second pilier de la stabilité gouvernementale. Comme l'a souligné Arnaud Montebourg, il s'apparente à un passage en force, destiné à contrer moins l'opposition que la majorité. Chaque fois, d'ailleurs, qu'il a été utilisé contre l'opposition, il a été dévoyé puisqu'il existe – nous en avons longuement discuté cette nuit – d'autres moyens d'empêcher l'obstruction parlementaire, par exemple le vote bloqué.

Le 49-3 est donc une façon pour le Gouvernement de faire passer un texte en engageant sa responsabilité, alors même que sa majorité ne souhaite pas le voter. Son usage répété a induit une dérive perverse dans l'opinion publique en laissant croire, depuis un demi-siècle, qu'en cas de conflit entre le Gouvernement et sa majorité, c'est nécessairement cette dernière qui doit céder et rarement le Gouvernement. Tant et si bien qu'on en est arrivé, sous la dernière législature, à faire usage du 49-3 sur des projets de lois qui ne le méritaient pas, en tout cas pas dans l'esprit des rédacteurs de la Constitution : utiliser l'article 49-3 sur un projet concernant le téléchargement sur Internet était, de notre point de vue, profondément ridicule !

Désormais, le 49-3 revient, pour le Gouvernement, à demander à sa majorité réticente soit d'accepter son projet de loi soit de changer de gouvernement. Or, à moins de considérer que la politique gouvernementale c'est du « tout ou rien » – position qui affaiblit considérablement le rôle du Parlement –, on peut parfaitement vouloir modifier un projet de loi, voire le rejeter, sans pour autant souhaiter changer de gouvernement.

Deux textes néanmoins échappent à cette logique et rendent légitime l'usage du 49-3 : le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ils sont en effet constitutifs de la politique d'ensemble du Gouvernement et, par définition, ne pas les approuver revient à ne pas approuver l'action globale du Gouvernement.

La question est de savoir s'il faut ajouter un texte supplémentaire à ces deux projets de lois. À notre avis, ce n'est pas nécessaire dans la mesure où, par nature, les autres textes doivent rester ouverts à la négociation.

Nous proposons donc un dispositif similaire à celui existant en Allemagne et qui permettrait au Gouvernement de poser cette « question de confiance » qu'est le 49-3 sans empêcher les députés de mener le débat jusqu'à son terme s'ils le souhaitent. C'est l'objet d'un amendement que je vous présenterai tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en venons aux amendements à l'article 23.

Je suis d'abord saisi de deux amendements, nos 128 et 409 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Annick Girardin, pour soutenir l'amendement n° 128 .

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Les auteurs de cet amendement sont, vous le savez, en faveur du régime présidentiel, position rappelée ici même lors de la défense des amendements de suppression de la fonction de Premier ministre et du droit de dissolution du Parlement par le Président de la République.

Participant de la même logique, l'amendement n° 128 permet d'instaurer le régime présidentiel, le seul à garantir les droits du Parlement, en proposant de supprimer l'article 49 de la Constitution, celui-là même qui prévoit et organise la motion de censure et l'engagement de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Daniel Garrigue, contre l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

M. Montebourg nous a expliqué que si le 49-3 était un outil pour régler les crises, il valait mieux régler la crise à l'extérieur en retournant devant les électeurs. Je suis tout à fait d'accord, mais une question se pose : qui prend l'initiative de faire résoudre la crise à l'extérieur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Le Président de la République, avec la dissolution ! Comme en mai 1968 !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

S'il n'y a plus de 49-3, la prérogative de faire résoudre la crise à l'extérieur tombe entièrement dans les mains du gouvernement ! Avec le 49-3, les parlementaires ayant la possibilité de déposer et de voter une motion de censure, c'est le Parlement qui a l'initiative de faire résoudre la crise à l'extérieur. Voilà la grande différence.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 128 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Je tiens à dire quelques mots, ce qui me permettra de ne pas intervenir sur chacun des amendements.

J'indique d'abord, aussi bien à M. Garrigue qu'à celles et ceux qui souhaitent la suppression de l'article 49, que, avec cette révision constitutionnelle, nous recherchons l'équilibre.

Je rassure M. Garrigue : il n'est pas question de priver le gouvernement de sa capacité d'agir ni de remettre en cause l'efficacité et la stabilité, la régularité de la Ve République. Bien évidemment, le Gouvernement ne souhaite pas supprimer le 49-3. De la même manière que nous avons encadré l'article 16, nous voulons aménager le 49-3 par un usage plus restreint qu'auparavant, tout en le conservant. Pour le reste – et vous le savez bien, monsieur Garrigue, vous qui êtes un spécialiste de la Constitution –, le gouvernement dispose d'autres armes pour agir, pour faire avancer les choses sur des textes, des réformes en cas de problème de vote.

Bref, une fois par session, donc aussi une fois par session extraordinaire, nous voulons simplement avoir la capacité d'utiliser, si nécessaire, le 49-3 sur le PLF et le PLFSS. Cet article n'a d'ailleurs pas été utilisé depuis longtemps.

En échange, et je m'adresse maintenant à M. Montebourg et à M. Sandrier, nous voulons renforcer le dialogue à l'intérieur de l'Assemblée pour régler les problèmes, ce qui explique les avancées obtenues sur l'ordre du jour, le travail en commission et les droits de l'opposition.

Voilà pourquoi je parle d'équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 128 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l'amendement n° 409 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Notre amendement vise à supprimer le troisième alinéa de l'article 49, une suppression à laquelle, je crois, le Président lui-même s'était déclaré favorable.

Quelle est en effet la raison d'être de cet article ? Elle est de permettre au gouvernement de disposer d'une arme qui représente l'absolu du passage en force, puisqu'il met fin au débat parlementaire par le seul jeu de la discipline majoritaire.

Certes, votre réforme semble tirer les conséquences de l'existence du fait majoritaire, en proposant de limiter les usages possibles de l'article 49-3, qui ne pourrait plus être utilisé que pour les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale. C'est d'ailleurs déjà considérable. Cependant, et c'est là que le bât blesse, le texte précise que le Premier ministre pourra néanmoins user d'un « joker » et recourir à cette procédure pour un autre texte par session.

Cela pose un sérieux problème de cohérence, car de deux choses l'une : soit l'on considère que l'article 49-3 demeure utile en cas de majorité relative ou instable, et il ne faut alors absolument pas restreindre les utilisations de cet article – ce que souhaite apparemment notre collègue Garrigue – ; soit l'on considère, et c'est notre point de vue, que cet article est inutile et, surtout, porte atteinte aux droits du Parlement. Je dirais même que peu importe de savoir à qui il s'adresse, à une majorité ou à une opposition : il est tout simplement une atteinte au libre choix de l'Assemblée nationale et du Parlement dans son ensemble.

La voie médiane que vous proposez n'a aucun sens parce qu'elle ne limite rien : depuis dix ans, en effet, cet article n'a été utilisé que trois fois et par des gouvernements assurés d'une majorité totalement hégémonique à l'Assemblée nationale.

Autrement dit, dans sa formulation actuelle, la réforme ne change rien. Nous pourrions même aller jusqu'à dire que nous avons, avec cette mesure, un témoignage particulièrement flagrant du caractère, au fond, assez cosmétique de votre réforme.

Pour résumer : cette limitation factice ne concerne pas les textes fondamentaux ; la moyenne d'utilisation sera la moyenne habituelle – donc, rien ne change – ; de plus, et nous avons eu hier un long débat à ce propos, ce 49-3 qui continuera à exister sera renforcé par une sorte de 49-3 fixé par la conférence des présidents pour limiter l'examen d'un texte, avec le fameux article 18.

Nous vous invitons donc à faire preuve d'un vrai acte de progrès démocratique en supprimant le 49-3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Le chiffre cité tout à l'heure sur le nombre d'utilisations du 49-3 émane d'une personne auditionnée par la commission. Nous avons refait les statistiques et nous ne sommes pas d'accord : depuis le début de la Ve République, treize textes ont fait l'objet d'un recours à l'article 49-3. D'ailleurs, ce type de statistiques est biaisé, car le 49-3 a aussi servi d'instrument de dissuasion ; ne compter que le nombre d'utilisations ne reflète donc pas la réalité historique.

En tout état de cause, la commission soutient le maintien de l'article 49-3 sous la forme équilibrée proposée par le Gouvernement. Nous sommes donc défavorables à l'amendement n° 409 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 409 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l'amendement n° 408 .

le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

J'ai un doute : si j'ai bien entendu notre rapporteur, treize textes ont fait l'objet du 49-3 depuis 1958. À mon avis, c'est beaucoup plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Très bien !

J'en viens à notre amendement.

Outre le fait que la réforme du 49-3 que vous proposez ne change rien, comme je l'ai démontré précédemment, vous ne revenez pas sur des mesures qui auraient ouvert à l'opposition des droits plus larges pour s'exprimer. Qu'est-ce que le Parlement, sinon une chambre où des voix dissonantes peuvent réellement porter, d'autant plus quand il s'agit de sujets graves nécessitant le recours à une telle procédure ? En espérant qu'ils en vaillent réellement la peine.

Cet amendement vise donc à encadrer un peu plus, voire, pourquoi pas, à restreindre le recours au 49-3, en offrant la possibilité aux groupes parlementaires de l'Assemblée nationale de déposer une motion de censure.

Cette solution médiane n'a absolument rien d'extraordinaire. Elle entend simplement reconnaître l'existence des groupes parlementaires, quelle que soit leur taille au sein de l'hémicycle, et à introduire plus de pluralisme dans le fonctionnement des institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La commission et le Gouvernement ont un avis défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 408 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 83 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 83 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 129 , 330 , 477 et 501 .

La parole est à Mme Annick Girardin, pour soutenir l'amendement n° 129 .

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Vous l'aurez compris, il s'agit pour nous d'un amendement de repli, après le rejet de l'amendement n° 128 .

À défaut de suppression de l'article 49-3, nous souhaitons encadrer l'usage qui est fait de l'article 49-3 par le Premier ministre, en le limitant strictement aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit, pour nous, d'aller au bout de la logique de revalorisation du Parlement, sans avoir recours à des mesures intermédiaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l'amendement n° 330 .

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Cette question du 49-3 est récurrente.

Facteur de déséquilibre des relations institutionnelles au profit du gouvernement et au détriment du Parlement, l'article 49-3 pourrait, à la limite, se concevoir si nous avions un mode de scrutin proportionnel. Je suis donc toujours étonné de constater que les défenseurs du scrutin majoritaire sont aussi les défenseurs du 49-3 ; puisque cet article, qui existe dans d'autres pays, se comprend lorsqu'il n'y a pas forcément une majorité stable. En cas de majorité stable, on ne voit plus du tout son intérêt.

En cas de coalition issue d'un scrutin majoritaire, elle pourrait être utile. Or je rappelle qu'entre 1997 et 2002, alors que Lionel Jospin était à la tête d'un gouvernement de coalition – dit de la « gauche plurielle » –, jamais le 49-3 n'a été utilisé. Finalement, cet article a davantage été utilisé quand un parti avait, à lui seul, la majorité mais qu'il connaissait des tensions en son sein.

Voilà pourquoi nous considérons que cet article pourrait être abrogé, en tout cas strictement limité aux projets de lois de finances ou de financement de la sécurité sociale. Cet amendement reprend en l'état une des propositions du comité Balladur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 477

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Que les choses soient claires : pour nous, le 49-3 est nécessaire lorsque l'ensemble de la politique du gouvernement est engagé, c'est-à-dire sur les PLF et les PLFSS. En revanche, cette faculté ne saurait être offerte pour aucun autre projet de loi puisque aucun ne met en cause l'ensemble de la politique générale du gouvernement.

Sur un projet de loi qui n'engage pas sa politique générale, un gouvernement peut ne pas parvenir – et là est l'utilité du 49-3 – à réunir sa majorité parlementaire pour aménager ce texte lors de la discussion des amendements ou des négociations qui peuvent exister. Cela signifie que ce projet loi n'est ni urgent, ni nécessaire, ni bien rédigé. Nous voulons donc supprimer les alinéas 3 et 4 de l'article 23, pour permettre au gouvernement et au Parlement de réapprendre la discussion et la négociation, comme c'est le cas dans tous les autres pays européens.

La politique générale, c'est le PLF et le PLFSS ; le reste doit faire l'objet d'une discussion beaucoup plus ouverte entre la majorité et le gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christophe Caresche, pour défendre l'amendement n° 501 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Nous comprenons évidemment la logique de M. Garrigue. Il est vrai que la pratique du 49-3 a été largement dévoyée, banalisée même ; on l'a vu lors de la dernière mandature.

En revanche il est faux d'affirmer que tous les gouvernements ont eu recours au 49-3. Entre 1997 et 2002, Lionel Jospin avait clairement dit qu'il ne l'utiliserait pas, et il ne l'a pas utilisé malgré une majorité très largement composite. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Cela étant dit, avec cet amendement, nous proposons non pas de renoncer purement et simplement au 49-3, mais de limiter son utilisation aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Il me semble que, pour le reste, le Gouvernement dispose de bien d'autres arguments dans la discussion parlementaire. C'est à lui, s'il rencontre des difficultés auprès de sa majorité, de trouver les voies et moyens d'un compromis.

Cet amendement vise donc à réserver l'usage de l'article 49-3 pour les projets de loi de finances et pour les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La commission et le Gouvernement ont un avis défavorable.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 129 , 330 , 477 et 501 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'amendement n° 84 rectifié est rédactionnel et recueille un avis favorable du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde pour soutenir l'amendement n° 478 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Chers collègues, je veux appeler votre attention sur la suggestion que nous a présentée le professeur Guy Carcassonne lors des auditions, car cela existe dans d'autres pays.

Aujourd'hui, le 49-3 a deux effets. Le premier est de faire adopter la loi et nous venons de décider que, après tout, c'était une chose normale. En revanche le second effet me paraît plus contestable, puisqu'il interrompt le débat. On peut considérer que le Gouvernement a le droit de faire passer en force un projet de loi, au moins une fois par session – nous venons, en tout cas, d'en décider ainsi – mais il est beaucoup plus contestable que le texte ne donne pas lieu à discussion. L'utilisation prématurée d'un 49-3 implique que, non seulement les parlementaires sont contraints de voir une loi adoptée sans voter, mais qu'ils ne peuvent même pas en débattre.

Nous proposons de faire en sorte que, dès lors qu'un gouvernement engage sa responsabilité à travers l'article 49-3, nous puissions décider, sans que cela soit obligatoire, de la poursuite du débat. Il pourrait ainsi aller à son terme, après quoi, conformément à la procédure du 49-3, si une motion de censure n'était pas adoptée, le texte le serait. Il nous paraît excessif à la fois de ne pas voter et de ne pas discuter. Ce système fonctionne ; il laisse à l'Assemblée nationale et à la majorité la liberté de dire qu'elles souhaitent prolonger le débat, malgré le 49-3, si elles tiennent à expliquer leurs positions sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'avis du Gouvernement est également défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 478 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'article 23, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 23, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 85 , qui tend à insérer un article additionnel après l'article 23 et qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 85 et présenter le sous-amendement n° 598 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Il s'agit de donner un nouveau droit au Parlement. En effet, le Gouvernement peut vouloir que le Parlement s'exprime sur un sujet qui ne soit pas de nature purement législative. Par exemple, si, en matière d'éducation nationale, le Gouvernement souhaite faire une déclaration et engager un débat, ce n'est généralement pas de manière législative. Or, aujourd'hui, la Constitution ne prévoit qu'une possibilité : la déclaration de politique générale, après laquelle le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement.

Cet amendement ouvre une nouvelle possibilité : à l'avenir, s'il le souhaite, un gouvernement pourra faire une déclaration à caractère thématique devant notre assemblée. Elle donnera lieu à débat et pourra faire l'objet d'un vote sans engager la responsabilité du gouvernement.

Sur cet amendement plusieurs sous-amendements ont été déposés. Je suis tout à fait ouvert à la demande de l'opposition, qui souhaite que le gouvernement puisse faire cette déclaration de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire. Ce serait un moyen nouveau de s'exprimer et de lutter contre des lois bavardes. Si un gouvernement veut faire valider une politique de l'éducation nationale, qu'il le fasse par une déclaration, mais qu'il ne nous demande pas de voter des déclarations de principe dans des articles de loi un peu creux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir les sous-amendements, nos 530 et 529 .

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Cette question a quelque peu évolué depuis la discussion que nous avons eue en commission des lois sur l'article 12. Le projet de loi comportait un des points importants sur lesquels nous avions noté des progrès : l'Assemblée nationale pouvait voter des résolutions, et l'on renvoyait au règlement le soin d'organiser les conditions de ce vote.

La question des résolutions n'est pas négligeable. Elle permet d'abord, comme le dit le rapporteur, d'éviter que la loi se mêle de questions qui n'ont pas de conséquences juridiques : vous avez pu remarquer les conséquences parfois funestes de certaines déclarations sur les aspects positifs de la colonisation ou sur le génocide de tel ou tel peuple. Cela ne doit pas encombrer l'ordonnancement juridique. Il est indispensable que le Parlement puisse, comme le font les conseils généraux, régionaux ou les collectivités locales, prendre des résolutions à caractère de proclamation, de manière à faire connaître l'opinion d'une majorité, à laquelle, d'ailleurs, peuvent s'agréger d'autres parlementaires, voire tous les autres. Là où la loi divise, la résolution peut rassembler.

Nous avions, en commission des lois, défendu l'article 12, alors que M. le rapporteur proposait de le supprimer, ce qui nous paraissait un affront au sens progressiste du texte – je le dis avec beaucoup de force et de sincérité, même si Mme Aurillac semble en douter, car nous considérions que la possibilité de voter les résolutions était un point positif –, mais je ne voudrais pas employer l'imparfait. Embarrassé par la vigueur de nos protestations, M. le rapporteur a fait travailler la machine à réfléchir et a déposé cet amendement de mi-parcours, par lequel il propose que le Gouvernement puisse, sur une déclaration à caractère thématique, provoquer lui-même un débat et, peut-être, un vote qui n'aurait aucune conséquence.

Nous étions fâchés de voir que, si l'ensemble des groupes pouvait avoir l'initiative de la résolution, seul le Gouvernement avait celle de la déclaration à caractère thématique. Ce qui est important, c'est que le Parlement puisse se réunir, en toute liberté et solennellement, pour décider de prendre telle ou telle position résolutoire.

Le rapporteur pourrait-il nous indiquer s'il maintient son projet de suppression de l'article 12, puisque celui-ci a été réservé ? J'ai noté que, lorsque je parlais à la tribune, dans la discussion générale, le Premier ministre a acquiescé au moment où j'ai défendu le maintien des résolutions dans le texte. J'interroge M. Karoutchi pour savoir où en est le Gouvernement à ce sujet.

Si le rapporteur maintient son amendement de suppression de l'article 12, peut-il nous faire savoir s'il est prêt à accepter notre sous-amendement qui permet, à l'initiative de tous les groupes, de provoquer un débat de résolution ou à caractère thématique ? Il est fondamental que cette initiative puisse venir non seulement du Gouvernement, mais aussi des parlementaires. C'est pourquoi nous ne pouvons pas, à l'heure actuelle, approuver la suppression de l'article 12 du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 530 et 529 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Avis favorable au sous-amendement n° 530 , sous réserve que la virgule soit remplacée par le mot « ou ». C'est une question de grammaire.

Avis défavorable au sous-amendement n° 529 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Ce texte devient donc le sous-amendement n° 530 rectifié , si la suggestion du rapporteur était retenue, le texte de l'amendement n° 85 , alors rectifié, serait ainsi rédigé :

« Art. 50-1. – Devant l'une ou l'autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, faire une déclaration à caractère thématique qui donne lieu à débat et peut faire l'objet d'un vote sans engager sa responsabilité. »

La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, votre commission des lois a adopté le dispositif de l'amendement n° 85 , qui permet au Gouvernement de prendre l'initiative d'une déclaration sur un sujet particulier donnant lieu à débat et pouvant même déboucher sur un vote sans engagement de responsabilité. Cette proposition est intéressante et répond aux objectifs du Gouvernement. Il s'agit en effet, à nos yeux, de permettre aux assemblées de s'exprimer politiquement sur des sujets qui n'ont pas à être transcrits dans une loi.

Chacun comprend bien qu'il faut, en revanche, éviter deux écueils : d'une part la prolifération de résolutions qui ôterait de la valeur à ces initiatives elles-mêmes ; d'autre part la recherche, par cette procédure, d'une mise en jeu déguisée de la responsabilité du Gouvernement, comme ce fut le cas sous les précédentes Républiques. La procédure originale proposée par la commission des lois répond à ces deux difficultés.

Les deux sous-amendements de M. Montebourg entendent permettre aux groupes de demander au Gouvernement de prendre l'initiative de cette procédure sans qu'il y soit contraint. Je suis d'accord avec le rapporteur pour considérer que le sous-amendement n° 529 n'est pas utile. En revanche, le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 530 rectifié .

En résumé, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 85 , aux sous-amendements nos 598 et 530 rectifié , mais défavorable au sous-amendement n° 529 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le vote de l'amendement n° 85 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. René Dosière.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

La position de la commission et du Gouvernement, qui acceptent notre sous-amendement, est évidemment un geste positif, qui va d'ailleurs nous conduire à voter cet amendement.

Je tiens cependant à apporter une précision à M. le secrétaire d'État.

Je comprends pourquoi, lorsque Arnaud Montebourg parlait des résolutions, le Premier ministre manifestait son approbation de la tête, car on sait à quel point il est sur la même ligne que le Président de la République. Or, dans un ouvrage récent, celui-ci écrit à propos des résolutions : « Pour que ses pouvoirs soient renforcés, je pense que le Parlement devrait d'abord pouvoir débattre et prendre des résolutions dans le domaine de la défense, des affaires étrangères et des affaires européennes. Il devrait pouvoir voter des résolutions dans les domaines de la politique gouvernementale qui ne relève pas de la loi, ou trop peu, afin d'infléchir l'action de l'administration dans ces domaines. Même si c'est juridiquement conforme au texte constitutionnel actuel, il est politiquement incompréhensible que le Conseil constitutionnel ait dénié au Parlement la possibilité de fixer des orientations au Gouvernement sur la manière de diriger l'éducation nationale,...

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

..de mener la politique de l'aide au développement ou d'accueillir et de faciliter l'insertion des migrants. »

Ainsi, lorsque nous proposions la possibilité de prendre des résolutions, nous étions en parfait accord avec le Président de la République – sur ce point tout au moins. Par conséquent, monsieur le secrétaire d'État, la prolifération dont vous parliez n'est pas à craindre.

Cela dit, le texte de l'amendement, tel qu'il va être modifié, constitue un indéniable progrès.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix le sous-amendement n° 598 .

(Le sous-amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 530 rectifié .

(Le sous-amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 529 .

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 85 , modifié par les sous-amendements adoptés.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 78

Nombre de suffrages exprimés 78

Majorité absolue 40

Pour l'adoption 76

Contre 2

L'amendement n° 85 , ainsi modifié, est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Deux voix contre ? En tout cas, elles ne viennent pas de chez nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en revenons à l'article 12 précédemment réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Christian Vanneste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Nous sommes maintenant bien engagés dans la discussion de ce projet de réforme constitutionnelle. Toutefois, je m'interroge toujours sur les objectifs poursuivis.

Nous aurions pu, avec l'instauration du quinquennat, passer à un système présidentiel, ce qui supposait de supprimer le droit de dissolution et de redéfinir complètement le rôle du Premier ministre. Nous n'avons pas fait ce choix et nous nous trouvons dans une situation intermédiaire qui, parfois, paraît un peu floue.

Trois objectifs doivent être visés, de mon point de vue : le renforcement des pouvoirs de contrôle et d'évaluation des politiques publiques par le Parlement ; une respiration démocratique, que nous avons obtenue à travers l'instauration du référendum d'initiative populaire ; enfin, et nous venons de le voir avec l'article 49-3, le maintien de l'efficacité de la Ve République.

Ce qui fait naître chez moi un certain soupçon sur les objectifs de cette réforme, c'est précisément le type de mesures qui nous est proposé à travers l'article 12, c'est-à-dire les résolutions. Pour moi, cette proposition est un « village Potemkine », c'est-à-dire un jeu d'apparences destiné à cacher la réalité.

Cela constitue d'abord une occasion d'occuper de façon bavarde le temps qui sera laissé à l'initiative parlementaire, laquelle ne représentera pas 50 %, monsieur le rapporteur, si nous tenons compte notamment des lois de finances. Il faudra que l'on parle, que l'on s'occupe et, pendant ce temps, on ne se consacrera pas à la véritable mission nouvelle, c'est-à-dire le contrôle et l'évaluation.

Ensuite, certains y pensent sans doute, les résolutions risquent de mettre le Gouvernement en porte-à-faux. Ainsi que la commission l'a rappelé, avant 1958, les résolutions adoptées étaient un moyen détourné et parfois redoutable de mise en cause du gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Enfin, je veux revenir, si vous le permettez, monsieur le président, sur la justification avancée par le comité Balladur, à savoir la fonction tribunicienne, car elle mérite d'être précisée.

Celle qui nous est proposée dans ce texte est la fonction tribunicienne a minima. Nous aurions le droit de parler, mais uniquement dans cet hémicycle, parce que, entre nous soit dit, la fonction tribunicienne telle qu'elle est pratiquée actuellement n'est plus ce qu'elle était. La liberté de parole du parlementaire, j'en sais quelque chose, est gravement menacée. Surtout, nous allons introduire, avec le défenseur des droits fondamentaux comme disait le comité Balladur, une nouvelle mesure qui va supprimer ce qui nous restait, avec le médiateur de la République, c'est-à-dire le pouvoir d'intercessio du tribun, le pouvoir de défendre les droits du peuple.

Je suis inquiet et, pour cette raison, hostile à l'article 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je rappelle que cet article a d'abord été proposé, et cela a son importance, par le comité Balladur, avant d'être repris dans le projet de loi par le Gouvernement. Tous les membres du comité Balladur ont souligné qu'il s'agissait d'une grande avancée démocratique. Je serais pour ma part plus nuancé, mais je considère, malgré tout, que ces considérations méritent d'être prises en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Quelles sont les questions soulevées par cet article ?

« Les assemblées peuvent voter une résolution dans des conditions fixées par leur règlement. » Ces conditions seraient fixées ultérieurement et le flou artistique ainsi créé semble signifier, comme notre collègue vient de le souligner, que cet article, comme d'autres d'ailleurs, ne sert pas à grand chose. Nous sommes, comme avec plusieurs autres articles du projet de loi, dans le leurre et le faux-semblant ; je pourrais en faire facilement la démonstration.

La seule façon de rendre cet article 12 intéressant, utile, opérationnel, c'est de le rendre contraignant.

De quoi avons-nous peur ? De nous-mêmes apparemment ! Aurions-nous peur que l'Assemblée nationale s'exprime ?

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Elle n'arrête pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Nous sommes tout de même là pour cela.

Si nous avons des craintes sur l'utilisation qui pourrait être faite de cette disposition, rédigeons un règlement qui fixe un cadre. Les groupes politiques devront caser, dans le temps qui relèvera de leur initiative, des propositions de loi, l'évaluation et le contrôle du Gouvernement et, éventuellement, des résolutions. À chacun de faire son choix. Cela ne veut pas dire que, toutes les semaines ou même tous les mois, nous devrons débattre de résolutions.

Je me demande de quoi nous avons peur. En revanche, pour que cette disposition soit utile, il faut qu'elle soit contraignante. Nous sommes donc pour le maintien, et même le renforcement, de cet article 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

L'article 12 est un article important et son débat en commission des lois a sonné, pour nous, comme un mauvais présage sur l'ensemble de nos échanges.

L'affaire ne semblait pas complexe. Mon collègue René Dosière a lu un extrait d'un ouvrage du Président de la République. Pour ma part, je vais citer ce que ce même Président disait le 18 juillet, au moment où il mettait en place le comité Balladur : « Vous pourrez examiner l'opportunité de permettre au Parlement d'adopter des résolutions susceptibles d'influencer le travail gouvernemental. »

De fait, le comité Balladur en a longuement parlé et a conclu sans fioritures : « Soucieux à la fois d'éviter l'adoption de lois dénuées de portée normative et de permettre au Parlement d'exercer sa fonction “tribunitienne”, le comité recommande de lever l'interdit qui frappe les résolutions. »

Quelques semaines plus tard, dans sa lettre à François Fillon, Nicolas Sarkozy poursuivait dans la même cohérence : « Je propose que ces recommandations soient appliquées, qu'il s'agisse notamment de la possibilité, pour le Parlement, d'adopter des résolutions ». C'est donc très logiquement que le Premier ministre a inscrit cette orientation dans son projet de loi constitutionnelle.

Et puis, en commission des lois, nous avons découvert que le rapporteur proposait de supprimer cette avancée. Nous nous demandons encore pourquoi.

Pourquoi ces résolutions, qui ont été réintroduites par le biais des révisions constitutionnelles en 1992 et en 1999 pour ce qui touche aux questions européennes, devraient-elles être prohibées pour les questions qui relèvent de l'intérêt national ?

Est-ce en souvenir de leur détournement sous la IVe République ? Cela ne serait pas de saison, parce que nous ne sommes plus une assemblée sans majorité.

Est-ce la crainte de la nouveauté ? Mais la grande majorité des Parlements étrangers disposent de cette faculté d'adopter des résolutions non pourvues d'une valeur contraignante, et tout semble bien fonctionner.

Est-ce la crainte de l'inutilité de la réforme ? Mais pourquoi la condamner sans même l'avoir expérimentée ?

En réalité, nous le savons bien, ces résolutions existent de manière implicite. Ce sont les fameuses lois « mémorielles » qui remettent en cause les frontières entre histoire et mémoire et dont la seule vertu réside dans leur dimension déclarative.

En permettant le vote des résolutions, nous ramènerions la loi à sa vocation normative, ce qu'avait d'ailleurs souhaité le Conseil constitutionnel dans une décision du 21 avril 2005.

Un dernier mot pour rappeler que l'ancien Premier ministre Édouard Balladur avait regretté, lorsqu'il présidait la commission des affaires étrangères de cette assemblée, de ne pouvoir organiser un tel débat avec un vote sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Les craintes exprimées par M. le rapporteur de la commission des lois nous paraissent donc infondées.

Qu'il me soit permis, en conclusion, de lui rappeler une phrase, que vous connaissez sûrement, que nous devons à Georges Clemenceau s'exprimant à la tribune de cette assemblée, alors qu'il défendait, face au général Boulanger, le régime parlementaire :

« Vous avez raillé le Parlement ! Il est étrange, pour vous, que cinq cent quatre-vingts hommes se permettent de discuter des plus hautes idées qui ont cours dans l'humanité et ne résolvent pas d'un seul coup tous les problèmes économiques et sociaux qui sont posés devant les hommes. […] Eh bien, puisqu'il faut vous le dire, ces discussions sont notre honneur à tous. Elles prouvent surtout notre ardeur à défendre les idées que nous croyons justes et fécondes. Ces discussions ont leurs inconvénients, le silence en a davantage encore.

« Oui ! gloire aux pays où l'on parle, honte aux pays où l'on se tait. Si c'est le régime de discussion que vous croyez flétrir sous le nom de parlementarisme, sachez-le, […] c'est la République sur qui vous osez porter la main. » (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

La République laïque n'a pas besoin de voeux pieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Merci pour ce rappel historique en ces lieux qui ont entendu tant de grandes, belles et profondes interventions. (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur le président, malheureusement, la mienne ne sera pas à cette hauteur et ne sera pas répétée dans quelques siècles. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Lagarde, ne faites pas de complexe d'infériorité : d'abord, vous ne nous y avez pas habitué, ensuite, il faut faire avancer le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Rassurez-vous, monsieur le président, lorsque vous présidez, je n'ai aucun complexe. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Notre collègue René Dosière vient de rappeler certains écrits du Président de la République. Nous estimons que le droit de résolution constitue une avancée. Nous sommes cependant sensibles à un point de l'argumentation du rapporteur selon lequel le système des résolutions peut donner lieu à toutes sortes de dérives. Cependant, contrairement à lui qui a conclu qu'il fallait supprimer la mesure, je pense que nous pourrions trouver, à l'occasion des navettes – je crois que certains sénateurs y travaillent déjà – un compromis : nous pourrions être autorisés à voter un certain nombre de résolutions dans des domaines limités. Il serait en effet choquant, par exemple, qu'au moment où le Gouvernement engage telle ou telle réforme, le droit de résolution permette de voter quelque chose de contraire ; ce serait une forme de résolution totalement dénaturée.

Certes la possibilité de demander un débat, comme le prévoit la proposition du rapporteur, que nous venons d'adopter à l'unanimité, est utile. Néanmoins, le droit de résolution, s'il était encadré, limité très strictement à certains sujets et sous certaines conditions, pourrait être, nous semble-t-il, lui aussi utile parce que le texte que nous avons voté prévoit bien le débat, suivi éventuellement d'un vote, mais pas l'adoption d'un texte déclaratif.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

S'il y a un débat et un vote, c'est déjà pas mal !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Les abus de la IVe République sont condamnables, mais de tels débats peuvent être utiles ; l'histoire l'a montré.

Il faudrait trouver un mécanisme équilibré, qui permettent d'examiner quelques résolutions dans des domaines limités. Il ne s'agirait évidemment pas d'empiéter sur le domaine de la loi, ni sur ce qui est en train de se « dérouler » dans l'actualité, c'est-à-dire la réforme proposée par le Gouvernement. En revanche les parlementaires, comme le Gouvernement, devraient être en capacité de faire des déclarations solennelles, pourvu qu'elles ne soient pas à répétition et qu'elles ne soient pas détournées, comme par exemple le droit d'amendements a pu l'être par le passé. Pour cela, il faudrait que la rédaction soit affinée.

J'ai bien compris que le rapporteur souhaitait supprimer l'article. Je ne suis pas sûr que l'autre assemblée ne cherche pas une rédaction arbitrale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 63 , 161 et 443 , qui tendent à supprimer l'article 12.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 63 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La déclaration à caractère thématique dont nous venons d'adopter le principe devrait satisfaire le besoin auquel le droit de résolution entendait répondre, en donnant la possibilité au Gouvernement de venir faire une déclaration sur une politique et d'engager un débat avec l'Assemblée.

En revanche la possibilité, pour l'Assemblée, de voter des résolutions sur une multitude de thèmes pose beaucoup plus de problèmes. Je considère que, pour renforcer les droits du Parlement, il faut renforcer le Parlement dans ses domaines de compétences, qui sont : le vote des lois, le contrôle du Gouvernement, l'évaluation des politiques publiques.

Les résolutions ne sont que le moyen, pour le Parlement, de causer. Permettez-moi à cet égard de faire une citation de M. Habib-Deloncle, rapporteur du projet de règlement qui a d'ailleurs été censuré par le Conseil constitutionnel en 1959 : « il s'agit de donner au corps électoral l'impression que le Parlement fait quelque chose sur un point où il n'a pas pouvoir de décision ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Dans une société de plus en plus médiatisée, nous offririons le spectacle d'un parlement sans cesse amené à se prononcer sur des résolutions pour répondre à l'actualité.

Par exemple, si les résolutions avaient existé, nous en aurions eu une, deux, trois, quatre – une par groupe – pour réagir au passage de la flamme olympique et aux problèmes du Tibet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Quel aurait été alors le poids de la parole de la France lorsque le gouvernement chinois aurait demandé au ministre des affaires étrangères en visite en Chine quelle était sa position si l'Assemblée nationale s'était prononcée quinze jours avant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Deuxièmement, le pouvoir de résolution – qui a été en cela extrêmement pernicieux sous les précédents régimes – est un moyen d'engager la responsabilité d'un ministre du gouvernement par une nouvelle voie.

Concrètement, si un ministre engage une politique de réforme, ce qui, on le sait, n'est jamais immédiatement populaire, l'opposition pourra, en faisant adopter une résolution bien rédigée, saper toute la réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Si la résolution est mauvaise, elle ne sera pas votée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Pour la faire adopter, l'opposition trouvera toujours quarante ou cinquante députés de la majorité dans la circonscription desquels le ministre aura prévu de fermer une base aérienne, un hôpital ou que sais-je encore.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

M. Montebourg en a fourni un bon exemple au cours des débats de la commission. Il me permettra de citer ses propos : « Je suis extrêmement favorable aux résolutions. Le procédé nous aurait permis de nous débarrasser de Claude Allègre beaucoup plus tôt ! » (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Tout en gardant l'excellent Lionel Jospin ! (Rires sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

La phrase n'avait pas vocation à être répétée en séance publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous en prie, pas d'exemples personnels ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

« Au lieu d'attendre que nous perdions les élections ou que les manifestants obtiennent le départ de Claude Allègre, les députés socialistes n'auraient eu qu'à voter une résolution ! » Voilà qui illustre le caractère pernicieux de la résolution : même si le ministre reste en place, il perd toute faculté d'agir politiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Si un ministre veut entreprendre une réforme et que l'Assemblée nationale vote une résolution qui en sape les fondements, de quelle autorité disposera-t-il encore ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Pour toutes ces raisons, l'article 12 présente à mes yeux beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages. C'est pourquoi, puisque les dispositions que nous venons de voter nous donnent les moyens de nous exprimer et de débattre, je vous demande, avec une conviction égale, de voter l'amendement tendant à supprimer l'article 12. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l'amendement n° 161 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Cet article 12 est effectivement une boîte de Pandore !

Soit il en résultera un verbiage sans fin destiné à masquer l'essentiel, comme c'est le cas en matière européenne où les assemblées, véritables théâtres d'ombres, ne font que voter des résolutions ; et encore quand celles-ci passent le cap de la délégation pour l'Union européenne ! Elles sont devenues des simples donneurs d'avis sans suite.

Soit l'article permettra, ce qui est plus grave, la mise en cause de tel ou tel ministre par le biais d'une résolution. Nous en reviendrons pour ainsi dire à la veille de 1830. La mise en cause personnelle des ministres est une arme dangereuse qui, loin de revaloriser le Parlement, autorisera tout et n'importe quoi.

C'est pourquoi – une fois n'est pas coutume – je suis d'accord avec le président de la commission des lois, notre vénérable rapporteur. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le vote des amendements nos 63 et 161 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression ?

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Je m'en voudrais d'intervenir dans une éventuelle querelle entre M. Jospin et M. Allègre. (Sourires) En revanche je rappelle que l'Assemblée vient d'adopter l'amendement n° 85 , ainsi que le sous-amendement n°530 . Cela permettra désormais l'expression politique de l'Assemblée par des débats et par un vote qui n'engagera pas la responsabilité du Gouvernement. En conséquence, l'exigence de l'appel et du débat, nécessaires dans une assemblée démocratique, est satisfaite, sans qu'il soit besoin d'en revenir aux excès de la IVe République en autorisant le vote de résolutions non contrôlées.

Le Gouvernement émet donc le même avis favorable que la commission à ces amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements n°s 63 et 161 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 75

Nombre de suffrages exprimés 75

Majorité absolue 38

Pour l'adoption 52

Contre 23

Les amendements nos 63 et 161 sont adoptés.

L'article 12 est ainsi supprimé.

Nous reprenons le fil de l'examen du texte en en venant à l'article 24.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Vanneste, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Je m'inscris en faux contre le lien logique établi tout à l'heure par M. de Rugy entre le mode de scrutin et l'article 49, alinéa 3. Si celui-ci se justifie, à mon sens, c'est précisément en raison de notre mode de scrutin uninominal, qui veut qu'un parlementaire – une personne – soit élu par des électeurs – d'autres personnes, qui le chargent de les représenter –, ce qui implique que, par la suite, il ne doive obéir qu'à sa conscience lorsqu'il vote dans l'hémicycle.

C'est pourquoi l'appartenance à un groupe ne me paraît pas devoir être déterminante. Elle risque même de réduire la liberté des parlementaires. Sur un texte, les membres d'un groupe – lequel ne doit être qu'un outil technique servant au fonctionnement du Parlement – peuvent, même si le groupe appartient à la majorité, s'écarter de la position du Gouvernement. Ils doivent être très libres dans ce domaine.

Il en irait bien sûr très différemment s'ils étaient élus à la proportionnelle. Dans ce cas, en effet, un parti établit des listes et les parlementaires sont élus parce qu'ils figurent sur l'une d'elles, ce qui leur impose une certaine fidélité à ceux qui les ont désignés pour représenter leur parti. Mais nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure. Dès lors, pourquoi donner un rôle différent aux parlementaires de la majorité et de l'opposition ?

Je sais que la discrimination positive est à la mode, mais je n'y suis pas favorable. Je préfère me référer à Edgar Faure, qui plaidait pour une « majorité d'idées ». Si nous pouvons parfois nous retrouver sur tel ou tel thème, il faut que nous restions libres de le faire.

Enfin je me tourne vers les collègues de mon groupe : si, quand nous disposions d'une majorité très confortable – c'était le cas en 1993 –, on avait donné une sorte de plus-value à l'opposition, chacun des membres de la majorité aurait vu fondre son temps de parole. Je ne pense pas que cela aurait été conforme à l'équité.

Pour toutes ces raisons, je suis résolument hostile à l'article 24.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 166 tendant à supprimer l'article 24.

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Sur le plan formel, l'article 24 alourdit la Constitution en y introduisant des précisions qui devraient, à mon sens, figurer dans le règlement des assemblées.

De plus il y a pire : pour utiliser un concept nouveau, j'ai envie de dire que nous communautarisons la Constitution. N'est-ce pas le cas quand on y introduit une reconnaissance des groupes ? Ceux-ci sont à géométrie variable et, bien qu'ils soient nécessaires au fonctionnement interne, ils ne relèvent pas de l'économie de ces organes institutionnels que sont le Parlement, le Gouvernement ou le Président de la République. Je considère que c'est une faute que de vouloir faire figurer cette notion dans la Constitution.

Par ailleurs, je rappelle, après M. Vanneste, que l'Assemblée nationale est composée des 577 députés de la nation, dont la réunion fait la force de la représentation nationale. Certes, j'ai toujours eu la plus grande liberté de parole au sein du groupe UMP et j'entends bien la conserver,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

… mais je vois bien le risque d'une dérive vers une sorte de diktat des groupes, qui, s'ils ont un rôle à jouer dans l'organisation interne du pouvoir, ne doivent surtout pas peser sur la libre pensée et sur la libre expression des députés de la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'avis du Gouvernement est également défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 166 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Nous avons tout de même été deux à le voter ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi de quatre amendements, nos 410 , 86 rectifié , 130 et 412 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 86 rectifié fait l'objet des sous-amendements nos 600 et 613 .

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 410 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Cet amendement propose de revenir sur la définition de l'opposition. Ce mot appartient au langage courant, mais la réalité qu'il désigne n'a rien d'uni : elle est composite, ainsi que l'a indiqué tout à l'heure M. Caresche, elle porte des couleurs diverses et se compose de courants distincts. Enfin, sur le plan du règlement, l'opposition se compose de différents groupes, ce dont je me félicite, car je considère que c'est bon pour la vitalité de notre République.

Comme il est étrange que le Gouvernement oublie régulièrement de le signifier dans le texte ! La bonne santé d'une démocratie, surtout quand le fait majoritaire est si fort, passe justement par une opposition forte, qui peut exercer un contrôle approfondi sur le Gouvernement. Renforcer le Parlement, c'est aussi renforcer les droits de l'opposition parlementaire en lui donnant de véritables moyens de contrôle, ainsi que nous l'avons demandé précédemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 86 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La commission tient beaucoup à l'article 24, pour des raisons pragmatiques et juridiques.

Premièrement, nous avons essayé, au cours de la précédente législature, d'inscrire dans le règlement des droits supplémentaires pour l'opposition, mais le Conseil constitutionnel a invalidé tous les articles en ce sens, dénonçant leur absence d'ancrage constitutionnel. Il est donc indispensable d'y pourvoir.

Deuxièmement, au cours du débat, une majorité quasi unanime s'est dégagée, du moins parmi ceux qui soutiennent le texte, sur la notion de droits spécifiques.

Troisièmement, il faut savoir qui va bénéficier de ces droits. À force de débats et de réécritures, nous sommes parvenus à la conclusion que ce seront les groupes qui n'ont pas déclaré – la déclaration étant le critère le plus simple – participer de la majorité de l'assemblée concernée. La majorité pouvant en effet ne pas être la même dans les deux assemblées, la notion de majorité doit s'entendre non par rapport au Gouvernement, mais par rapport à une assemblée.

Il faut donc prévoir un ancrage pour des droits spécifiques, dont bénéficieront des groupes qui n'ont pas déclaré participer de la majorité de l'assemblée.

Après bien des rédactions, je suis finalement convaincu par celle que propose le sous-amendement n° 600 , laquelle prend en compte tous ces éléments. Je vous propose donc de voter l'amendement n° 86 rectifié ainsi sous-amendé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous reviendrons sur ce sous-amendement dans un instant.

La parole est à Mme Annick Girardin, pour soutenir l'amendement n° 130 .

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

L'amendement n° 130 va plus loin que l'amendement n° 86 rectifié prévoyant que tous les groupes parlementaires bénéficieront de droits reconnus et précisés dans le règlement des assemblées parlementaires. Il introduit en effet une nouvelle catégorie de groupes parlementaires, alors que l'amendement n° 86 rectifié n'en mentionne que deux, en distinguant les groupes déclarant participer à la majorité de l'assemblée concernée et les autres.

La réalité de la vie parlementaire n'est pas toujours aussi simple ni aussi manichéenne. C'est pourquoi notre amendement prévoit que les groupes parlementaires disposeront de certains droits selon qu'ils ont déclaré appartenir à la majorité de l'assemblée concernée, ne pas appartenir à cette majorité – et donc appartenir à l'opposition – ou encore n'ont pas déclaré appartenir à l'une ou à l'autre.

Il convient également d'introduire une nuance significative entre certains groupes qui ne déclareraient pas appartenir à la majorité de l'assemblée : certains d'entre eux peuvent en effet ne pas se reconnaître pour autant comme étant dans l'opposition. Ne pas appartenir à la majorité ne signifie pas nécessairement être dans l'opposition.

C'est pourquoi il convient de distinguer explicitement les groupes se situant dans l'opposition parlementaire de ceux ne souhaitant se déclarer ni dans la majorité ni dans l'opposition.

Les règlements intérieurs de nos assemblées doivent prévoir cette éventualité et tenir compte de cette réalité de notre vie parlementaire. Les groupes qui ne déclarent appartenir ni à la majorité ni à l'opposition de l'une des assemblées doivent pouvoir bénéficier de droits propres, reconnus par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 412 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Cet amendement est d'une simplicité enfantine : le fait de soutenir ou non le Gouvernement ne doit pas être un critère déterminant des droits des groupes parlementaires. Je ne comprends pas l'énervement que cette question suscite. Cela dit je veux bien retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 86 rectifié modifié par le sous-amendement n° 600 de M. Lagarde. Il constitue en effet une solution satisfaisante en prévoyant que les groupes parlementaires ont des droits fixés par les règlements des assemblées tout en imposant à ces derniers de reconnaître des droits spécifiques aux groupes de l'opposition.

En revanche, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 130 . Madame Girardin, nous comprenons parfaitement votre préoccupation de garantir les droits individuels des parlementaires, mais la rédaction de votre amendement rend techniquement difficile son intégration dans la Constitution. Cependant, nous sommes naturellement favorables à l'inscription de ces droits dans le règlement de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir le sous-amendement n° 600 à l'amendement n° 86 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Il a déjà été excellemment défendu par M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le sous-amendement n° 613 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 410 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix le sous-amendement n° 600 .

(Le sous-amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je mets aux voix l'amendement n° 86 rectifié , modifié par le sous-amendement n° 600 .

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

En conséquence, l'amendement nos 130 tombe.

Je mets aux voix l'article 24, modifié par l'amendement n° 86 rectifié .

(L'article 24, ainsi modifié, est adopté.)

(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 24.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 454 .

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Cet amendement vise à modifier l'article 52 de la Constitution, qui confie au Président de la République le soin de négocier et de ratifier les traités. Nous pensons en effet utile de confier cette compétence au Premier ministre. Il s'agit pas là, et nous le revendiquons, de tordre notre régime dans un sens primo-ministériel, plus fidèle à l'esprit parlementaire que le régime présidentiel tel qu'il résulte de la lettre et, plus encore, de la pratique de nos institutions.

Cet amendement nous permet aussi d'interroger le Gouvernement sur la place que sa réforme réserve au Premier ministre. La question a été soulevée, notamment au moment de l'examen de l'article 7 du projet de loi constitutionnelle, mais le Gouvernement est resté assez silencieux. Il ne serait clairement pas acceptable que le Président de la République devienne une sorte de « super Premier ministre » irresponsable, reléguant le Premier ministre, qui lui est responsable devant le Parlement, au rang d'exécutant ou de « fusible », à moins que la fonction de Premier ministre ne soit, tout simplement, supprimée comme le proposent malheureusement certains de nos collègues. La disparition du rôle du Premier ministre, telle qu'elle est organisée et confortée par ce projet de loi constitutionnelle, constitue à nos yeux une grave anomalie.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 454 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 455 .

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Il s'agit d'un amendement de conséquence de tous ceux que nous avons déjà déposés sur les droits de l'opposition. Il nous paraît ainsi essentiel qu'un groupe parlementaire, à l'instar d'un groupe de soixante députés ou soixante sénateurs, puisse saisir le Conseil constitutionnel en matière d'accords internationaux.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 455 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 174 .

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

La revalorisation du rôle du Parlement a beaucoup été évoquée lors de l'examen de ce projet de loi constitutionnelle, qui n'est pas une réformette puisque trente-cinq articles de la Constitution sont concernés. Voilà une bonne occasion de le faire avec cet amendement qui traite d'une question centrale pour les pouvoirs du Parlement au regard d'un certain nombre d'actes dont font partie les traités et les autres accords internationaux.

Une interprétation parfaitement contestable de l'actuel article 55 de la Constitution, d'abord défendue par la Cour de Cassation, puis par le Conseil d'État, confère aux traités une supériorité sur toutes les lois, y compris sur les lois postérieures. La pyramide des normes juridiques marche sur la tête !

Debut de section - PermalienPhoto de François Goulard

C'est vrai depuis le début de la Ve République !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Si le Parlement vote une loi en sachant que certaines de ses dispositions sont contraires à un engagement international de la France, si le Conseil constitutionnel valide cette loi et qu'elle est promulguée par le Président de la République, il n'est pas normal qu'un simple tribunal administratif puisse balayer d'un revers de main « l'expression de la volonté générale », comme aurait dit Carré de Malberg.

Avec l'amendement n° 174 , nous avons l'occasion de rétablir un ordonnancement responsable de nos normes juridiques. Je propose en effet que soit inséré dans l'article 55 de la Constitution, le mot « antérieures » après le mot « lois ». Toutes les lois auront ainsi une autorité supérieure aux traités et accords internationaux antérieurs, mais pas aux traités et accords postérieurs dont la ratification a été autorisée par le Parlement.

Chers collègues, si vous voulez revaloriser le rôle du Parlement et si vous souhaitez que celui-ci cesse d'être un théâtre d'ombres, votez cet amendement, au nom de la souveraineté nationale et du respect du Parlement, chargé par l'opinion publique d'exprimer la volonté générale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

À mon grand regret, monsieur Myard, l'avis de la commission est défavorable. En effet, le législateur doit respecter non seulement la Constitution, mais aussi les engagements internationaux souscrits par la France dont il a expressément connaissance dès lors qu'il en a autorisé la ratification.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Si vous autorisez le législateur à ne plus respecter les traités internationaux antérieurs, vous mettez en péril le droit international lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

C'est du monisme intégriste ayatollesque ! (Sourires)

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Monsieur Myard, il y a un petit problème dans votre raisonnement juridique. Vous évoquez une loi qui aurait été soumise au Conseil constitutionnel et qui, adoptée postérieurement à un traité, serait en contradiction avec ce dernier. Mais dans ce cas le Conseil constitutionnel aurait censuré la loi puisque les traités font partie du bloc de constitutionnalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Précisément, il ne le fait pas ! Consultez la jurisprudence du Conseil constitutionnel!

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 174 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. René Dosière, inscrit sur l'article 25.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Cet article concerne le Conseil constitutionnel et je voudrais, à cette occasion, souligner une double anomalie.

Tout d'abord, le fait que les anciens Président de la République soient membres de droit du Conseil constitutionnel me semble pour le moins surprenant. Cela revient, en quelque sorte, à faire du Conseil constitutionnel la maison de retraite des anciens Présidents de la République, ce qui n'est pas souhaitable. De plus, le quinquennat et une disposition que nous avons adoptée dans ce texte, limitant à deux le nombre de mandats successifs que peut exercer un Président de la République, vont accroître le nombre d'anciens Président de la République. La composition du Conseil constitutionnel serait alors d'autant plus curieuse que les Présidents de la République restent, à l'issue de leur mandat, des hommes politiques importants qui peuvent être amenés à s'exprimer. Compte tenu du rôle joué par le Conseil constitutionnel, ceux-ci n'y ont pas leur place. J'attire l'attention du Gouvernement sur ce point.

Par ailleurs, autre anomalie, les anciens Président de la République ne disposent d'aucun statut.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Un seul texte, datant d'avril 1955 prévoit le montant de leur retraite, par référence à celle des conseillers d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Tout ce qui concerne les moyens matériels dont ils disposent – locaux, voiture, personnels –ne repose que sur une lettre envoyée par le Premier ministre de l'époque, avec l'accord du Président de la République, M. Valéry Giscard d'Estaing.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Cela s'appelle la coutume républicaine : c'est parfaitement légitime !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

M. Giscard d'Estaing et ses successeurs, dont M. Chirac, ont donc pu bénéficier de moyens matériels en vertu de cette « jurisprudence » : une simple lettre qui n'a jamais été rendue publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Laissez tomber, monsieur Dosière ! De toute façon, vous ne serez jamais concerné !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Aujourd'hui, nous ne savons donc pas vraiment entre quelles mains repose le sort des anciens Président de la République. J'ai posé une question écrite au Premier ministre pour lui demander quel ministère, en vertu de quel texte, prenait en charge les dépenses en question.

La façon dont nous traitons les anciens chefs de l'État n'est pas digne de la République. Ces derniers jouent un rôle important dans le pays et doivent pouvoir disposer, en toute transparence, des moyens matériels et financiers leur permettant d'exercer leurs responsabilités. L'importance, nettement supérieure à celle du président du Conseil constitutionnel, que leur donne le protocole de la République ne suffit pas. Nous devons progresser sur cette question.

L'actuel Président de la République est à l'origine de quelques avancées concernant le budget de la présidence de la République. Je m'en suis d'autant plus réjoui qu'il s'est inspiré des travaux que j'ai menés, et que je mène toujours, sur ce sujet. Il reste qu'aujourd'hui, je le répète, la situation des anciens Présidents de la République n'est pas digne. Je voulais attirer l'attention sur ce sujet pour que le Gouvernement se saisisse de cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 167 , tendant à supprimer l'article 25.

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

L'article 25 est pour le moins extraordianaire ! Alors que le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat procéderont à la nomination de membres du Conseil constitutionnel en tant qu'autorités constitutionnelles – ils prendront leur décision dans cette solitude qu'évoquait le général de Gaulle dans Le Fil de l'épée et qui fait leur noblesse ! –, voilà qu'il faudrait encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République, lui qui est élu au suffrage universel, la meilleure légitimité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Imaginons, par ailleurs, que M. Dosière, qui en a les mérites, soit candidat au Conseil constitutionnel. (Sourires.) Pressenti par le Président de la République, il sera auditionné par la commission, dans laquelle il se trouvera bien quelques-uns de ses amis, surtout au sein du groupe socialiste, pour le juger trop rigide et s'opposer à sa nomination.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Néanmoins, le Président passe outre. Plus tard, le Conseil constitutionnel est saisi du contentieux relatif à l'élection de ces insolents qui ont osé mettre en cause les qualités de notre collègue. Gageons que M. Dosière n'aura pas la mémoire courte et qu'il mettra à profit ses qualités au-dessus de tout soupçon pour annuler leur élection ! (Rires.)

Un tel mélange des genres est contraire à la séparation des pouvoirs. C'est pourquoi l'article 25 doit être supprimé !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 167 .

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

L'article 25 est inspiré par un souci de transparence et d'exemplarité. Il ne s'agit pas de transférer une responsabilité de l'exécutif vers le législatif. Vous avez raison : le pouvoir, c'est la solitude. Nous proposons d'encadrer cette solitude en donnant un droit de regard au Parlement pour plus de transparence. Compte tenu de la mission du Conseil constitutionnel, il est extrêmement important de garantir l'impartialité de la nomination de ses membres. C'est pourquoi le Gouvernement a repris la proposition du comité Balladur.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais je tiens à vous rassurer : le projet du Gouvernement ne limite pas cette procédure d'avis aux nominations effectuées par le Président de la République ; les propositions faites par les présidents des deux assemblées seront également encadrées. Le Gouvernement est donc défavorable à la suppression de l'article 25.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 167 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements, nos 456 et 502 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 456 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Il s'agit d'élargir le collège du Conseil constitutionnel en portant le nombre de ses membres de neuf à quinze, dans le respect du pluralisme. Une telle réforme est justifiée par la place éminente qu'occupe désormais le Conseil constitutionnel dans le dispositif d'ensemble de l'organisation des pouvoirs publics. En effet, force est de constater que le Conseil constitutionnel s'est peu à peu doté, en dehors de toute source de légitimité, d'un pouvoir politique exorbitant, pratiquement celui de modifier la loi. Nous pourrions presque parler à son sujet d'une troisième chambre, à cela près que ses débats sont secrets et ses décisions sans appel.

Nous avons toujours émis les plus grandes réserves sur les pouvoirs dont dispose le Conseil, pouvoirs dont il s'est peu à peu doté au nom de la seule sagesse qu'il se reconnaît à lui-même. Il conviendrait, pour le moins, que sa composition réponde aux critères démocratiques et de pluralisme, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Voilà un amendement qui aura certainement le soutien du Sénat, monsieur Sandrier !

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 502 .

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Nous devons, tous ensemble, offrir aux Français la possibilité de reprendre confiance dans ces organes de la République – Conseil constitutionnel, autorités administratives indépendantes – qui, en raison du mode de nomination de leurs membres et de leurs modalités de fonctionnement, ont connu une certaine dérive, leur composition devenant excessivement partisane.

Certes, de plus en plus, le Conseil constitutionnel est une juridiction : le principe du contradictoire, par exemple, commence à s'imposer, et le président Debré n'est pas pour rien dans cette évolution positive.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel doit aussi examiner le contentieux électoral des parlementaires et des questions politiques sur lesquelles il doit trancher d'une façon non partisane. C'est pourquoi nous souhaitons remédier aux anomalies dont souffre sa composition. Les anciens Présidents de la République sont membres de droit à vie du Conseil constitutionnel. Or, avec l'instauration du quinquennat et l'allongement de la durée de vie, leur nombre ne manquera pas de croître, ce qui contribuera à jeter le soupçon sur sa composition, qui risque de devenir dangereusement partisane. Au reste, je ne suis pas certain que les anciens Présidents de la République aient le goût de participer aux délibérations de cette instance.

Il serait plutôt moderne d'abandonner la conception partisane des débuts de la Ve République au profit d'une juridictionnalisation plus objective qui garantira l'impartialité de cette institution, dans laquelle nous pourrions tous nous reconnaître.

Notre amendement a donc pour objet, d'une part, de supprimer ces nominations à vie et, d'autre part, de faire élire le président du Conseil par ses pairs, afin de laisser à cette juridiction le soin de s'administrer elle-même en s'affranchissant du choix présidentiel. Je précise que ces dispositions ne seraient pas rétroactives, car je ne voudrais pas qu'elles soient interprétées comme une mauvaise manière faite à l'un des anciens Présidents qui siègent actuellement au Conseil constitutionnel.

En tout état de cause, nous souhaitons progresser sur ce point et nous aimerions que le rapporteur nous entende. Avec le développement de la saisine par nos concitoyens, le Conseil constitutionnel jouera de plus en plus le rôle d'une Cour suprême…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Le gouvernement des juges ! C'est inadmissible !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

… et nous souhaitons que la modification de sa composition contribue à cette évolution. Je lance un appel au rapporteur et au Gouvernement pour qu'ils fassent preuve de compréhension sur les problèmes que soulève cet amendement, qui contribuerait à rénover le Conseil constitutionnel. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La commission est défavorable à l'amendement n° 456 , qui vise à porter à quinze le nombre des membres du Conseil constitutionnel.

Quant à l'amendement n° 502 , elle y est également défavorable en l'état actuel du débat. Nous nous sommes prononcés clairement contre un avis conforme de la commission, car nous avons trouvé un point d'équilibre avec le droit de veto aux trois cinquièmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je vous en donne acte, mais c'est celui de la majorité.

En outre, il ne me paraît pas opportun de faire élire le président du Conseil constitutionnel par ses pairs. Le mode actuel de désignation me semble plus justifié. Néanmoins, je suis tout prêt à continuer à travailler sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Vous ne nous avez pas répondu sur les membres à vie !

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

L'amendement n° 456 , qui vise à porter à quinze le nombre des membres du Conseil constitutionnel, nous paraît excessif, car il risque d'entraîner un blocage des délibérations, d'autant que, comme l'indiquait M. Montebourg, les saisines du Conseil constitutionnel vont certainement se multiplier en raison des nouveaux droits accordés à nos concitoyens. Le Gouvernement est opposé à l'augmentation du nombre des membres du Conseil constitutionnel.

Vous proposez également que le président de l'Assemblée nationale puisse nommer neuf membres, le Président de la République et le président du Sénat en désignant chacun trois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Non, l'Assemblée nationale et le Sénat, pas leurs présidents !

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Quoi qu'il en soit, cela entraînerait un déséquilibre. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 456 .

Les dispositions proposées par le Gouvernement renforcent les garanties qui entourent la nomination des membres du Conseil constitutionnel : les personnalités qui seront pressenties seront soumises à audition et l'avis de la commission sera rendu public. La transparence sera donc totale. On pourra ainsi juger de la capacité des personnes pressenties et auditionnées à occuper ces fonctions.

Par ailleurs, M. Montebourg propose que les nominations soient soumises à l'avis conforme de la commission. Ce mécanisme nous paraît plus contraignant et risque de provoquer des blocages.

Quant à la suppression des membres à vie du Conseil constitutionnel, le Gouvernement estime qu'elle ne se justifie pas. Il n'y en aura pas tant que cela...

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est une appréciation purement statistique, compte tenu de l'espérance de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Ils sont élus de plus en plus jeunes et vivent de plus en plus vieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Justement, ils finiront par être majoritaires !

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Par ailleurs, un ancien Président de la République n'est pas le plus mal placé pour apprécier la constitutionnalité et la portée d'une disposition législative. J'ajoute que lorsqu'il peut être concerné par un texte, il ne siège pas. Ainsi, sur la rétention de sûreté, les deux anciens Présidents de la République n'ont pas siégé. (Rires et exclamations sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements nos 456 et 502 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je ne crois pas, monsieur Sandrier, que la sagesse dépende du nombre : un Conseil de neuf membres me paraît suffisant.

S'agissant de l'amendement n° 502 , nous sommes hostiles à son 1°, qui reviendrait à donner la possibilité à l'opposition de bloquer toute nomination, ce qui serait évidemment regrettable. Dès lors que la commission vote, si elle estime à la majorité – même si celle-ci ne réunit pas les trois cinquièmes – que le candidat ne convient pas, l'autorité de nomination ne pourra pas ne pas en tenir compte. Juridiquement, elle ne sera pas contrainte par ce vote, mais elle le sera politiquement.

En revanche, l'amendement n° 502 comporte deux éléments qui paraissent intéressants et sur lesquels le rapporteur semble avoir fait preuve d'une certaine ouverture. Le premier, c'est l'élection du président du Conseil constitutionnel par ses pairs. Car si la femme de César doit être insoupçonnable, le juge suprême doit l'être encore davantage ! Bien souvent, le président du Conseil constitutionnel a été nommé parmi les compagnons de route du chef de l'État – cela a été le cas pour François Mitterrand et Jacques Chirac –, ce qui pose problème. Je ne remets pas en cause la respectabilité de Robert Badinter, Roland Dumas, Pierre Mazeaud ou Jean-Louis Debré – ce dernier, précédemment président de notre assemblée, avait d'ailleurs fait preuve de sa capacité à respecter l'opposition. Toutefois, ce mode de nomination peut entretenir dans l'opinion publique l'idée qu'il pourrait y avoir partialité d'impartialité, ce qui est regrettable.

Ensuite, je ne partage pas l'avis qui a été donné concernant la présence d'anciens chefs de l'État au sein du Conseil constitutionnel. Nous savons tous que cette disposition n'a été intégrée à la Constitution que pour assurer une retraite au dernier Président de la IVe République, et qu'elle n'a plus de justification aujourd'hui. Le passage au quinquennat a changé les choses, et s'il devait advenir que trois anciens Présidents de la République siègent au Conseil constitutionnel, ils représenteraient à eux seuls le quart des membres de celui-ci. S'agissant, par essence, de militants politiques très engagés, leur présence dans une telle proportion serait susceptible de jeter le discrédit sur les décisions des sages, en mettant en péril l'équilibre que constitue la présence de trois membres nommés par le président de la République, trois par le Président de l'Assemblée nationale et trois par le président du Sénat. Nous devons travailler sur cette question lors de la navette, car il n'est pas exclu que nous dépassions un jour cette proportion d'un quart de membres de droit, qui serait déjà de nature à semer le doute sur la nécessaire impartialité de la juridiction suprême. Les citoyens sont d'autant plus concernés qu'ils seront amenés à saisir eux-mêmes le Conseil constitutionnel par voie d'exception.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je veux bien me rallier à la sagesse du Gouvernement et du rapporteur et admettre que le nombre de quinze est trop élevé. Après tout, n'entend-on pas affirmer, parfois, que le nombre de 577 députés est trop élevé, et que du Président de la République et du Premier ministre, l'un est déjà de trop ? (Sourires.)

Je propose par conséquent de rectifier mon amendement n° 456 afin que le 1er alinéa de l'article 56 soir rédigé ainsi : « le Conseil constitutionnel est désigné par le Parlement dans le respect du pluralisme. Il comprend neuf membres : cinq désignés par l'Assemblée nationale, deux désignés par le Sénat et deux par le Président de la République. »

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 456 , tel qu'il vient d'être rectifié par M. Sandrier.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 502 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 87 .

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 87 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 88 .

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Les nominations au Conseil constitutionnel par les présidents de chaque assemblée doivent être soumises à la même procédure d'avis de la commission permanente compétente, avec un veto aux trois cinquièmes. Ainsi, lorsque le président de l'une des deux assemblées voudra proposer une nomination, il demandera l'avis de la commission de l'assemblée concernée, et non celui de la réunion des deux commissions de l'Assemblée et du Sénat.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Soumettre les projets de nomination du président d'une assemblée à une commission composée uniquement de membres de cette assemblée ne permettrait pas d'atteindre l'objectif de vraie transparence que nous poursuivons. Il nous semble préférable que la commission soit composée de parlementaires des deux assemblées. Vous semblez craindre la situation dans laquelle les majorités politiques des deux assemblées ne coïncideraient pas, mais le but de la commission est précisément de se dégager des clivages partisans pour se fonder uniquement sur des critères de compétence, d'autorité morale et d'expérience. Toutefois, sur ce point relatif aux relations entre les deux assemblées, je m'en remets à votre sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 88 .

(L'amendement est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 131 .

Sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Annick Girardin, pour soutenir l'amendement n° 131 .

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Cet amendement a pour objet de limiter la composition du Conseil constitutionnel aux neuf membres nommés par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

Aucune argumentation juridique ne semble justifier la présence à vie au sein du Conseil constitutionnel des anciens Présidents de la République. Bien au contraire, de par l'expérience et les dossiers qu'ils ont eu à connaître, cette présence ne peut que jeter le trouble sur certaines décisions rendues par cette institution de première importance. De même, il apparaît pour le moins étrange qu'un ancien Président de la République puisse se retrouver membre d'une institution dans laquelle figurent également des personnes qu'il a été amené à nommer lorsqu'il était chef de l'État, à commencer par le président du Conseil constitutionnel lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La demande de scrutin public est retirée.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 131 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'article 25, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 25, ainsi modifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 25.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de trois amendements, nos 482 , 481 et 457 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 482 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Cet amendement vise à permettre à un groupe parlementaire, dans la limite de deux fois par session, de déférer devant le Conseil constitutionnel un projet de loi en attente de promulgation. Lors des auditions de la commission des lois, il est apparu que toutes les grandes lois qui passent devant notre assemblée sont soumises à l'examen du Conseil constitutionnel. La limite fixée à soixante députés ou soixante sénateurs n'empêche donc en rien, actuellement, que le Conseil constitutionnel soit saisi quinze à vingt fois par an.

En revanche, cette disposition a pour effet d'interdire à certains groupes parlementaires de pouvoir saisir le Conseil constitutionnel, à moins – mais ce n'est pas la tradition de notre assemblée – de pouvoir associer des signatures provenant de différents groupes. Il est donc impossible à un groupe politique d'expliquer pourquoi il considère que telle ou telle mesure d'une loi est inconstitutionnelle. À ce stade du débat, on ne peut pourtant plus affirmer que les groupes politiques n'ont pas de droits en tant que tels. Ces groupes sont en effet constitutionnalisés depuis que nous avons adopté l'article 24 et doivent, à ce titre, jouir de certaines prérogatives telle la création de commissions d'enquête, comme l'a dit notre rapporteur il y a quelques jours. Il serait incohérent qu'un groupe politique ne puisse pas saisir le Conseil constitutionnel dans la limite de deux fois par an, afin de faire valoir, par cette forme d'expression politique, les raisons pour lesquelles il estime que telle ou telle disposition est entachée d'inconstitutionnalité. Au demeurant, cette mesure, qui ne changerait pas grand-chose au nombre annuel de saisines du Conseil constitutionnel, mais accorderait un droit d'expression minimum à un groupe politique dont la légitimité est consacrée par notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Puis-je considérer que vous avez également défendu l'amendement n° 481 , monsieur Lagarde ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 457 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Notre amendement est quasiment identique. Puisque les groupes politiques de l'Assemblée et du Sénat sont reconnus, puisqu'ils ont le droit de participer au débat, de déposer des motions de procédures et des amendements, pourquoi ne pourraient-ils pas de saisir le Conseil constitutionnel ? Cela me paraît constituer une anomalie qu'il convient de rectifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La commission est défavorable à ces trois amendements. Les groupes parlementaires sont des structures internes au Parlement et ont, à ce titre, des droits internes au Parlement. Il me paraît donc tout à fait normal qu'un groupe puisse, comme nous l'avons voté tout à l'heure, demander au Gouvernement de venir faire une déclaration thématique devant l'une ou l'autre des assemblées. Il en va tout autrement quand il s'agit des relations entre le Parlement et d'autres institutions publiques, tel le Conseil constitutionnel. Dans ce cas, il ne me paraît pas cohérent d'accorder à un groupe parlementaire, dont le nombre est fixé par le règlement, le pouvoir d'enclencher une procédure auprès d'une autre institution de la République.

La réforme de M. Giscard d'Estaing, donnant le droit à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel, a pleinement joué son rôle : comme l'a dit M. Lagarde, toutes les grandes lois sont aujourd'hui soumises au Conseil constitutionnel. Étendre ce droit aux groupes parlementaires serait inutile et constituerait un facteur d'instabilité et d'incohérence, puisqu'un simple règlement pourrait, du jour au lendemain, donner à cinq députés la faculté de constituer un groupe parlementaire. Il me semble donc très cohérent de ne donner une existence et un rôle aux groupes parlementaires que dans le cadre interne de chaque assemblée.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous avons déjà eu cette discussion à l'occasion du débat sur l'article 16 de la Constitution, et votre assemblée a considéré que l'on ne pouvait pas permettre aux groupes parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier la nécessité de maintenir les pouvoirs exceptionnels. En outre, le nombre minimal de membres formant un groupe n'est pas nécessairement identique dans les deux assemblées, et il est assez fluctuant. La saisine du Conseil constitutionnel est un élément essentiel d'équilibre de nos institutions, qu'il ne faut pas soumettre à des éléments susceptibles de varier, tel le nombre de membres des groupes parlementaires. Je suis donc défavorable à ces trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je ne conteste pas le fait que le Conseil constitutionnel soit actuellement saisi sur tous les grands textes. En revanche, les dispositions existantes empêchent qu'une partie des parlementaires de l'Assemblée nationale ou du Sénat procède à cette saisine…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

…à moins d'être obligés de s'associer pour la circonstance à d'autres parlementaires. Or, on peut être d'accord sur l'opportunité de former un recours, sans l'être pour autant sur les motifs d'inconstitutionnalité !

Par ailleurs, supposer que notre assemblée est irresponsable au point de pouvoir un jour décider qu'un groupe parlementaire puisse être constitué de cinq députés, soit moins de 1 % de ses membres, est aberrant. Le nombre de parlementaires requis pour former un groupe n'a d'ailleurs été modifié qu'une fois au cours des vingt dernières années. Un groupe parlementaire doit avoir, contrairement à ce que dit M. le rapporteur, le droit de s'exprimer vis-à-vis de l'extérieur, et éventuellement le droit de former un recours devant la plus haute juridiction française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Je me souviens d'une époque funeste, en 1993, où, au sein de notre assemblée, l'opposition était constituée de deux groupes dont le plus important ne dépassait guère la soixantaine de députés. C'est dire si nous avons frôlé à cette époque l'impossibilité pour le groupe le plus important de l'opposition de saisir le Conseil constitutionnel. Cela pourrait arriver demain à tout groupe politique, notamment à la majorité actuelle !

Dans un esprit républicain, et afin de donner des garanties à chacun d'entre nous, je suis donc favorable à l'amendement du groupe Nouveau Centre. Mes chers collègues, la barre des soixante sera constitutionnelle. Or, dans un avenir proche ou lointain, les groupes de l'opposition pourront ne pas atteindre – cela s'est quasiment produit dans un passé récent – ce seuil fatidique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Il est très important de rappeler que le droit de saisine du Conseil constitutionnel est un droit personnel, qui appartient donc en propre à chaque député.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Aucune décision du groupe ne peut entraîner la signature de tous les membres de ce groupe. Certains collègues nous écrivent parfois, souhaitant rassembler des signatures, et il appartient alors à chacun d'entre nous de décider de signer, ou pas, en notre âme et conscience. Les groupes ne donnent aucune consigne et n'ont aucun pouvoir en la matière. En l'occurrence, le pouvoir est personnel. Je suis donc défavorable à tous ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Nous ne sommes pas forcément unanimes au sein des groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Cela ne peut se faire que si le groupe est d'accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Imaginons qu'un groupe de quarante députés ait le droit de saisir le Conseil constitutionnel, mais que dix-neuf d'entre eux ne soient pas d'accord. Que se passera-t-il ? Ce cas de figure peut parfaitement se produire. Notons d'ailleurs sans polémiquer qu'il existe aujourd'hui à l'Assemblée nationale un groupe sans cohérence politique totale. Je serais donc, quant à moi, plutôt favorable à la baisse du nombre de députés requis pour la saisine, trente au lieu de soixante. Mais tel n'est malheureusement pas le point en débat. En tout cas, je suis hostile à la proposition concernant les groupes. Cela déboucherait sur une communautarisation groupusculaire de l'Assemblée à laquelle je suis tout à fait opposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Le groupe socialiste est défavorable à ces amendements pour les raisons rappelées il y a un instant par le rapporteur. Des parlementaires de différents groupes s'étaient d'ailleurs joints à la saisine du Conseil constitutionnel sur la rétention de sûreté présentée par le groupe socialiste. La disposition actuellement en vigueur qui fixe à soixante députés ou soixante sénateurs le seuil nécessaire nous semble équilibrée. Toute autre solution ouvrirait la voie à la dispersion de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 482 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 481 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 457 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 26, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Annick Girardin.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Je vais livrer à notre assemblée la réflexion de mon excellent collègue Paul Giacobbi sur cet article 26. Réflexion qui, je l'espère, amènera Mme la garde des sceaux à nous apporter quelques précisions.

Voici que les citoyens français pourraient obtenir devant un juge qu'une loi contraire à la Constitution ne puisse leur être opposée. Si la présente révision allait jusqu'à son terme – ce que personne ici ne saurait garantir –, ce droit fondamental, établi dès 1803 aux États-Unis, aurait donc mis plus de deux siècles à parvenir en France, après qu'il eut été depuis bien longtemps généralisé à la plupart des démocraties.

Ce droit nous arriverait donc enfin, mais dans quel état ! Question préjudicielle, renvoi éventuel réservé aux seules cours de dernier ressort, monopole du Conseil constitutionnel, exclusion des lois antérieures à 1958 et de toutes les dispositions législatives qui ne portent pas atteinte aux droits et libertés. Avec toutes ces restrictions, ce n'est pas un droit qui est ici accordé pleinement au citoyen ; c'est une lucarne presque inaccessible qui s'entrouvre.

En 1803, la Cour suprême des États-Unis, sous la présidence de John Marshall, établissait lumineusement dans la célèbre espèce Marbury versus Madison que tout juge avait la compétence et le devoir de dire ce qu'était la loi et d'écarter l'application d'une loi parlementaire contraire à la Constitution.

Ses arguments reposaient, non pas sur de subtils raisonnements juridiques, mais sur le simple exposé d'évidences telles que, selon sa formule, il serait extravagant de soutenir le contraire. « Un acte législatif qui serait contraire à la Constitution n'est pas une loi » dit-il, « et soutenir le contraire ferait des constitutions écrites d'absurdes tentatives, de la part du peuple, pour limiter un pouvoir législatif qui ne serait pas limitable de par sa nature même. Je ne vois pas très bien ce que l'on pourrait ajouter dans ce sens ni ce que l'on pourrait y opposer.

Si l'on veut ne se référer qu'à des précédents français et sans remonter jusqu'à la reconnaissance, dès l'ancien régime, de la suprématie de la loi fondamentale par rapport à la loi royale, il suffit de lire notre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 pour comprendre que le droit du citoyen de contrôler la constitutionnalité des lois est consubstantiel à notre République.

Cette déclaration est présentée en effet « afin que les actes du pouvoir législatif […] pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution... »

Le rapport de M. le président de la commission des lois nous présente longuement tous les risques d'engorgements, d'incohérences, d'abus que ferait courir à notre malheureux pays un contrôle de constitutionnalité des lois ouvert à tous les juges.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Pourtant, après deux siècles d'expérience, force est de constater qu'un contrôle de la constitutionnalité des lois aux États-Unis largement ouvert aux citoyens a permis de remarquables progrès du droit à travers de nombreuses décisions qui ont eu un effet considérable et très positif sur la société : l'arrêt Brown en 1954, qui a mis fin à la ségrégation scolaire ; l'arrêt Engel de 1962, qui a étendu aux écoles publiques le principe de laïcité ; l'arrêt Nixon de 1974, qui limite le privilège de l'exécutif.

Très récemment, une cour fédérale, la cour suprême de l'État de Californie, a reconnu le droit constitutionnel aux homosexuels de se marier légalement sans qu'une loi puisse s'y opposer. Le juge français contrôle la conformité des lois aux règles internationales et communautaires : Conseil d'État, depuis l'arrêt Nicolo de 1989, Cour de cassation depuis l'arrêt Jacques Vabre de 1975.

Quant au Conseil constitutionnel, il s'est arrogé un contrôle de conformité aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » qui me paraît s'apparenter à une sorte de common law constitutionnelle à la française.

Sans changer le texte proposé, il suffirait, pour ouvrir plus largement ce droit, que nos travaux précisent que les juges, du premier degré jusqu'au dernier ressort, disent tout le droit et peuvent écarter l'application d'une loi parlementaire contraire à une règle supérieure internationale, communautaire ou constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Ce qui se combinerait fort heureusement avec les dispositions proposées qui ne sont nullement contraires et qui permettent à nos cours de dernier ressort, en cas de doute, de saisir le Conseil constitutionnel si elles jugent indispensable d'abroger explicitement telle disposition inconstitutionnelle.

Je ne vois pas ce que la régulation, la cohérence et la suprématie du Conseil constitutionnel y perdraient. Je vois très bien, en revanche, en quoi la simplicité procédurière et l'évolution de notre droit y gagneraient.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je vous remercie de m'avoir écoutée et d'avoir entendu les propos de Paul Giacobbi.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

L'article 26 constitue une petite avancée dans le sens de l'extension des droits du citoyen. Malheureusement, comme souvent dans ce projet de loi, c'est extrêmement limité. C'est surtout très flou, ce qui est gênant s'agissant de la Constitution.

Comme je l'ai déjà dit, j'aurais souhaité que le Conseil constitutionnel fasse l'objet d'une réforme de plus grande ampleur – mode désignation de ses membres, droit de siéger à vie pour les anciens Présidents de la République. Tel ne sera pas le cas. Dès lors, et considérant que, sur la durée, il joue un rôle positif quant à la conformité de notre législation, attachons-nous au fond de l'article 26.

Notons d'abord que toute référence au justiciable a disparu du texte, alors qu'une précédente rédaction y faisait mention. Rappelons les termes de l'article 26 : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative […] porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question… » Bien malin celui qui dira comment s'appliquera ce nouveau droit ! Certes, les conditions seront fixées par une loi organique. Mais il est tout de même gênant que le principe sur lequel celle-ci s'appuiera ne soit pas plus clair.

Plus grave et plus incompréhensible, pourquoi avoir limité ce pouvoir de saisine aux lois votées et promulguées après 1958 ? Pourquoi avoir choisi cette date ? Mystère ! En tout cas, cela restreindra considérablement le nouveau droit, qui sera très peu applicable. Depuis la – bonne – réforme de 1974, qui a institué le droit de saisine par l'opposition du Conseil constitutionnel, quasiment toutes les lois ont été déférées.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ne reste donc que les rares lois n'ayant pas été soumises au Conseil constitutionnel depuis 1974 et celles votées et promulguées entre 1958 et 1974. L'idée de saisir le Conseil constitutionnel a posteriori avait été soulevée dès le début des années 80. L'objectif était de pouvoir passer au peigne fin notre arsenal législatif. Nous savons bien qu'il ne s'agissait pas d'abroger toutes les lois antérieures à telle ou telle date. Mais les dispositions législatives se sont empilées au fil des années et certaines d'entre elles peuvent être contraires aux principes fondamentaux proclamés dans notre Constitution, notamment les droits et les libertés fondamentales. C'est précisément sur ce point qu'un problème peut se poser.

À l'occasion de la discussion liminaire sur l'article 26, je souhaitais dénoncer ce choix d'avoir limité le champ d'application aux lois votées et promulguées après 1958. J'invite le Gouvernement et le rapporteur à supprimer cette restriction.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

L'innovation introduite à l'article 26 n'est pas aussi considérable qu'on le dit puisque le Conseil constitutionnel s'est d'ores et déjà arrogé le droit de vérifier la conformité à la Constitution de lois déjà promulguées depuis deux décisions du 25 janvier 1985 et du 15 mars 1999. Le Conseil a eu sans cesse tendance à étendre son champ de contrôle bien au-delà de celui que lui a donné la Constitution.

L'exception d'inconstitutionnalité soulève un vrai débat. Il ne serait pas très logique, en effet, que le Conseil constitutionnel soit en retrait par rapport à la Cour de justice européenne et à la Cour européenne des droits de l'homme qui, elles, peuvent être saisies directement par des particuliers. L'introduction de la présente procédure a donc un sens. Mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel risque, selon moi, de poser de sérieux problèmes. Jusqu'ici, en effet, celui se prononce en principe a priori, c'est-à-dire avant la promulgation de la loi. Dorénavant, il le fera a posteriori. En outre, il ne devrait normalement se prononcer que sur le principe des textes eux-mêmes. Or, il a développé le recours à ce qu'on appelle les réserves interprétatives, c'est-à-dire qu'il accompagne ses décisions d'un ensemble de commentaires portant sur les modalités d'application de la loi et qui vont très loin, jusque dans des détails très concrets. Il fait parler le législateur bien au-delà de ce que celui-ci souhaitait et limite ainsi considérablement le pouvoir d'interprétation du juge. Ce n'est pas normal. Je présenterai donc un amendement visant à exclure les réserves interprétatives.

En tout cas, cette intervention a priori ne pose pas de problème dans l'application des textes. En revanche, si l'on veut appliquer les réserves interprétatives a posteriori, on va se heurter à de grandes difficultés. Ce n'est pas simplement le principe des lois votées qui sera alors discuté. Le Conseil constitutionnel est tenu par sa jurisprudence.

Il ne peut pas, dans certains cas, être tenu par la jurisprudence antérieure et, dans d'autres cas, l'écarter, au risque d'incohérences. Pour des lois en vigueur depuis longtemps, la mise en oeuvre des réserves interprétatives conduira à des difficultés considérables, qui vont bien au-delà de la simple remise en cause de certains textes qui, de facto, seraient contraires à la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 168 et 458 , visant à supprimer l'article 26.

La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l'amendement n° 168 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Ce n'est pas une simple réforme qui nous est proposée. On peut d'ailleurs se demander si cet article n'a pas été rédigé par des avocats. Il est vrai qu'ils demandent du travail, et, en l'occurrence, ils n'en manqueront pas !

En effet, si cet article est adopté, la loi pourra être remise en cause par un tribunal. Je suis désolé de le dire, mais ce n'est pas dans la tradition française, même si cela se pratique dans certains pays étrangers ! Au regard de l'expression de la volonté générale, la loi est souveraine. On nous a cité tout à l'heure, par héraut interposé (Sourires), la jurisprudence de la Cour suprême américaine. Permettez-moi de vous dire que, moi, je ne veux pas de gouvernement des juges ! Il y a, du reste, une grande différence entre nos deux pays. Les membres de la Cour suprême américaine, bien que nommés, sont quasiment élus, suivant des processus de type électif découlant de choix émis par des juges chenus, ayant une autorité et qui ont été désignés à de maintes reprises, alors que chez nous, l'autorité judiciaire, y compris le Conseil constitutionnel dont les membres sont nommés, n'a pas de comptes à rendre au peuple.

Je trouve scandaleux que l'on nous propose lque la loi puisse être remise en cause. Ce n'est pas en procédant ainsi que l'on revalorisera le rôle du Parlement ! C'est l'antithèse de ce que doit être la force de la loi : Lex erga omnes. Dura lex sed lex ! Effectivement, il y a une différence entre un contrôle a priori de la conformité avec l'élection et la remise en cause de la loi. On s'achemine vers le système de la Cour suprême américaine, comme notre collègue Montebourg l'a dit tout à l'heure. C'est un choix, mais ce n'est pas le mien. Je le trouve dangereux car il va, une nouvelle fois, abaisser le rôle du Parlement, car des lois seront remises en cause après un long processus, pas mal d'embûches, et quelques frais d'avocat au passage. Franchement, c'est inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 458 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Au risque de briser un certain consensus qui se dégage autour de cet article, cet article vise à supprimer l'article 26 pour plusieurs motifs de fond. Le premier a trait au pouvoir reconnu au Conseil constitutionnel. À l'heure actuelle, celui-ci est un organe intégré au processus législatif. Le contrôle de constitutionnalité intervient, en effet, a priori avant la promulgation de la loi. De ce point de vue, son rôle est éminemment politique, ce que traduit d'ailleurs son mode de désignation.

Si le Conseil constitutionnel devient, de fait, parce qu'il est saisi à l'occasion de l'application concrète de la loi à un individu particulier, une cour constitutionnelle, il est impératif de repenser non seulement les qualités requises pour y siéger, mais aussi les modalités de la désignation de ses membres.

En Europe, rappelons-le, seule la France utilise un système de nomination par des autorités politiques. À l'instar de ce qui se passe dans d'autres pays européens, comme l'Allemagne, les membres du Conseil constitutionnel devraient être élus par les députés sur proposition des présidents des assemblées et du Conseil supérieur de la magistrature, mais avec la contrainte d'une majorité des deux tiers.

En outre, nous estimons – c'est la seconde considération qui nous conduit à demander la suppression de cet article – que le Conseil constitutionnel, quoiqu'on fasse, ne sera jamais une juridiction comme les autres. Ses décisions, même les plus techniques, relèvent en effet par nature du politique en ce qu'elles portent sur les règles communes de la cité.

De fait, et nous le regrettons, le Conseil constitutionnel s'apparente à une troisième chambre, dont les débats sont secrets et les décisions sans appel. Une troisième chambre qui servirait aussi, si nous devions adopter cet article, d'antichambre à la judiciarisation toujours accrue de notre vie publique et politique.

Nous avons toujours été plus que réservés sur le « gouvernement des juges » et toute forme d'empiétement des juridictions sur les pouvoirs exécutifs et législatifs, conformément du reste à la volonté des révolutionnaires de 1789, plus soucieux, semble-t-il, que nos contemporains du respect du principe de séparation des pouvoirs.

Votre article consacre cette dérive. Or, le droit a-t-il vocation à soumettre la loi ? C'est une vraie question. De notre côté, nous restons attachés aux principes fondateurs de notre République, à la conception républicaine de l'État de droit, qui n'est pas celle qui prévaut, en effet, dans les pays de tradition anglo-saxonne. Nous l'assumons, et nous sommes attachés au primat de la loi.

Cela ne signifie pas que nous soyons opposés au contrôle de constitutionnalité, à condition que son exercice aboutisse non pas à la suppression de la loi, mais à une nouvelle discussion. Nous sommes, en revanche, particulièrement réservés sur la disposition qui nous est proposée, qui n'est pas tant un nouveau pouvoir citoyen, qu'un nouveau pouvoir confié au Conseil constitutionnel, alors même que celui-ci n'est pas une juridiction.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

JM. Giacobbi, dont vous nous avez, madame Girardin, transmis les réflexions, propose que chaque juridiction puisse statuer sur la constitutionnalité d'une loi.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous y sommes opposés pour des raisons de sécurité juridique, la Constitution étant la loi fondamentale. Il y aurait un risque d'incohérence des jurisprudences et des interprétations. Pour des raisons de sécurité juridique, nous souhaitons réserver cette possibilité au seul juge constitutionnel.

À M. Myard et M. Sandrier, je dirai que la saisine du Conseil constitutionnel est une disposition importante de ce texte, qui correspond à un véritable renforcement des droits du citoyen. Lorsque vous dites, monsieur Myard, que le Conseil constitutionnel n'a pas de comptes à rendre aux citoyens, vous avez raison, mais il est là pour protéger leurs droits.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Cette mesure, déjà envisagée en 1993 n'avait pu aboutir. Nous souhaitons qu'elle le puisse aujourd'hui. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour considérer que le Conseil constitutionnel ne doit pas affaiblir l'autorité de la loi, mais rendre une décision sur la constitutionnalité de la loi renforce au contraire l'autorité de la loi.

Il y va aussi de l'autorité de notre Constitution par rapport aux traités internationaux, vous avez eu raison de le rappeler. Tout justiciable peut aujourd'hui demander, au cours du procès, qu'une loi ne soit pas appliquée parce qu'elle serait contraire à des textes internationaux, mais il ne peut le faire s'il la juge contraire à la Constitution française.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Il est important que chaque citoyen puisse être protégé dans ses droits, y compris au niveau national. Les normes internationales ne doivent pas avoir plus de poids que notre droit national.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est pourquoi nous souhaitons que le Conseil constitutionnel puisse être saisi, avec les filtres prévus bien entendu. Il est important que nous offrions ce droit aux citoyens, lequel est déjà prévu dans le cadre des textes internationaux qui peuvent être déclarés contraire à la Constitution.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvenement est donc évidemment défavorable à ces amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 168 et 458 .

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma