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Séance en hémicycle du 6 octobre 2011 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienM, président

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58 ; je vous laisse choisir l'alinéa le plus adapté.

Nous constatons que l'ordre du jour de la semaine prochaine n'a pas été modifié. Il est en effet toujours prévu que nous débattions dès mardi de l'énième proposition de loi dite de « simplification du droit » de M. Warsmann. Pourtant, ce texte, qui revisite des pans entiers de notre droit, dans toutes sortes de domaines – que je n'ose énumérer tant la liste est longue – vient à peine d'être examiné par la commission des lois. En outre, à ma connaissance, la commission des finances n'a pas encore étudié, comme nous l'avons demandé, la conformité de chacune de ses dispositions à l'article 40 de la Constitution.

Or, si l'inscription du texte à l'ordre du jour de mardi est maintenue, le délai de sept jours qui doit s'écouler entre la fin de l'examen d'un texte en commission et le début de sa discussion en séance publique ne sera pas respecté. Il est donc fort probable que le Gouvernement engagera la procédure accélérée, seul moyen pour lui d'échapper à l'obligation de respecter ce délai. Si tel est bien le cas, les droits du Parlement seront, une fois de plus, bafoués. Un texte qui concerne la quasi-totalité des commissions et n'a donné lieu à aucune étude d'impact, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi, ne peut, en effet, faire l'objet d'une seule lecture.

Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, je vous le dis avec gravité : on n'aura cessé, au cours de la législature, de bafouer les droits du Parlement. L'impossibilité de travailler dans la sérénité, d'analyser clairement l'impact des dispositions votées et l'improvisation permanente traduisent certainement la volonté de faire passer toute une série de mesures dont on n'a pas envie que les Français aient connaissance. Telle est, monsieur le président, la protestation que je voulais élever au nom du groupe SRC.

Debut de section - PermalienM, président

J'en prends acte.

La parole est à M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, je me sens interpellé par M. Brottes. Ainsi qu'il l'a constaté, l'ordre du jour arrêté par la conférence des présidents mardi dernier n'a pas été modifié. Il revient à M. le Premier ministre de décider s'il doit engager la procédure accélérée sur ce texte, puisque tel est le moyen constitutionnel qui permet que celui-ci soit examiné sans que soit respecté le délai de sept jours qui a été évoqué.

Il ne s'agit pas du tout de contraindre le Parlement, monsieur Brottes ; il ne faut pas utiliser ces mots. Je crois savoir que la commission des lois a adopté ce texte hier et qu'elle en a très longuement débattu. En tout état de cause, je ne souhaite pas m'immiscer dans une affaire qui concerne l'Assemblée nationale, la commission et les groupes. En ce qui concerne le Gouvernement, je puis vous dire qu'il respectera la Constitution dans son esprit et dans sa lettre. Le Premier ministre a jusqu'à lundi, treize heures, pour engager, s'il le souhaite, la procédure accélérée. Si, comme je crois le savoir, il a l'intention de le faire, elle sera engagée avant l'expiration de ce délai.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je voudrais témoigner de la qualité des débats qui se sont déroulés au sein de la commission des lois. Je ne ferai pas reproche à François Brottes de tenir des propos convenus à ce sujet, puisqu'il ne fait pas partie de la commission des lois, mais celles et ceux qui sont membres de celle-ci et qui étaient présents lors des trois séances qui ont été consacrées à l'examen de la proposition de loi ne me démentiront pas. Au reste, ces débats se sont tenus au terme d'un travail sérieux et de qualité que le président de la commission, Jean-Luc Warsmann, a mené pendant plus de six mois. Les avis les plus autorisés ont été sollicités, puisque le Conseil d'État a été saisi. Quant au rapporteur Étienne Blanc, qui a l'habitude d'animer, aux côtés du président Warsmann, ces réflexions et ces échanges sur l'ensemble des textes de simplification du droit, il a consacré une part très importante de son temps à la préparation de son rapport et au suivi du travail en commission. Personne ne peut mettre en cause cette réalité.

J'ajoute que ce texte a naturellement été transmis au président de la commission des finances, notre collègue Jérôme Cahuzac, qui, s'agissant de l'application de l'article 40, a usé de ses prérogatives de la manière la plus appropriée possible.

Je rappelle que le Gouvernement a la maîtrise de l'ordre du jour et qu'il ne me revient pas de porter, au nom de la commission des lois, un quelconque jugement sur la manière dont le Gouvernement suit cette question. Je tiens simplement à réaffirmer que cette commission a accompli, sur ce texte, un travail particulièrement approfondi, avec le concours des commissions saisies pour avis. J'ai d'ailleurs relevé la présence très assidue et très constructive des rapporteurs pour avis lors de nos débats.

Les travaux, menés dans le cadre des nouvelles prérogatives importantes confiées aux commissions dans le travail législatif, ne sauraient donc susciter aucune remarque désobligeante à l'égard des membres de la commission des lois, de son président, auteur de la proposition de loi, et de son rapporteur. M. Brottes a, bien entendu, le droit de formuler ses remarques, mais je me devais, au nom de la commission des lois, de rétablir l'équité et la vérité sur ce sujet.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur Geoffroy, représentant du président de la commission des lois, n'est nullement le détenteur de l'équité dans cet hémicycle. Par ailleurs, il est tout à fait inconvenant d'affirmer que j'ai tenu des propos « convenus ».

Tout d'abord, en tant que premier vice-président du groupe SRC, j'ai remplacé Jean-Marc Ayrault à la conférence des présidents, mardi dernier. Lors de cette réunion, qui s'est d'ailleurs tenue en l'absence du président de la commission des lois, j'ai indiqué que nous nous inquiétons de ce que le délai de sept jours, qui figure dans notre règlement, ne pourrait être respecté si la date d'examen de la proposition de loi en séance publique était maintenue. Notre inquiétude était fondée, puisque le ministre a reconnu que le Gouvernement allait engager la procédure accélérée. Nous en prenons acte.

Ensuite, monsieur Geoffroy, je suis membre de la commission des affaires économiques, qui a été saisie de la proposition de loi pour avis. J'ai donc moi-même participé à son examen pour la partie qui concernait cette commission. À ce sujet, je dois vous dire deux choses. Premièrement, le rapporteur pour avis de notre commission a été nommé trente secondes avant que nous commencions l'examen du texte ; le pauvre avait du mal à en avoir une vision globale, puisqu'il l'a découvert en séance. C'est dire à quel point tout cela s'est passé dans un climat de grande sérénité et de sérieux ! Deuxièmement, le Conseil d'État a, je crois, rendu ses conclusions après le début de l'examen du texte en commission. Là encore, on confond vitesse et précipitation. Cette façon de légiférer n'est pas convenable.

Que vous soyez gêné aux entournures parce que vous avez vous-même conscience qu'il n'est pas convenable d'utiliser de telles méthodes et que vous fassiez le job – pardonnez-moi l'expression – en défendant la commission des lois, je peux le comprendre. Mais si, un jour, vous êtes dans l'opposition et que l'on vous traite de la sorte, vous vous apercevrez combien c'est insupportable, et pas uniquement pour les députés de l'opposition.

Ce texte « touche-à-tout » aurait mérité que l'on prenne le temps de l'examiner et de l'amender à l'issue de son examen en commission. Ce temps va manquer. Ce n'est ni raisonnable ni sérieux. Monsieur le ministre, je prends acte que le Premier ministre va engager la procédure accélérée. Mais il n'a pas d'autre choix s'il veut respecter la Constitution.

Encore une fois, nous déplorons ces méthodes, et ce ne sont pas des propos « convenus » !

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois, pour une brève intervention, je vous prie.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Monsieur le président, je serai bref, mais je vous rappelle que le représentant de la commission a le droit de s'exprimer quand il le souhaite. La moindre des choses est donc que vous me donniez la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je veux, non pas polémiquer avec François Brottes, mais rectifier une erreur qu'il nous a présentée comme une vérité absolue : le Conseil d'État a rendu son avis le 19 septembre, c'est-à-dire avant le début de l'examen du texte en commission ; cela méritait d'être rappelé.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Monsieur le président, j'interviens en tant que président de la commission des affaires économiques, saisie pour avis de la proposition de loi de simplification du droit, afin de préciser et de corriger les propos de François Brottes : le rapporteur n'a pas découvert le texte en séance. La commission n'ayant pu se réunir auparavant, il a été désigné formellement lors de la réunion qui s'est tenue la semaine de la rentrée parlementaire en session extraordinaire, mais il avait évidemment travaillé sur le texte avant sa désignation formelle.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. François Brottes, pour une troisième intervention. (Sourires.)

Vous y prenez goût, monsieur Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je connais un député nommé Jean Mallot qui m'a donné de grandes leçons dans la manière d'utiliser les rappels au règlement (Sourires) ; j'essaie d'être à la hauteur de son enseignement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienM, président

Il ne siège pas sur ces bancs, cet après-midi. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Quoi qu'il en soit, chacun a bien compris qu'il s'agit du 19 septembre de cette année. Je conviens que le Conseil d'État a rendu ses conclusions quelques heures avant le début de l'examen du texte, et non après, mais cela ne change pas grand-chose. Quant à la désignation du rapporteur pour avis, M. le président de la commission des affaires économiques le sait bien, il est rarissime que cette désignation intervienne au début de l'examen du texte.

Je comprends bien que la majorité tente de se défendre. Je crois d'ailleurs qu'elle ne souhaitait pas que ce texte soit examiné selon la procédure accélérée, car chacun était conscient de l'ampleur du texte et du grand nombre d'amendements qui ont été déposés. Mais nous devons passer sous les fourches caudines d'un gouvernement qui, peut-être parce qu'il panique, veut se débarrasser des textes aussi vite que possible, comme il n'a du reste cessé de le faire tout au long de cette législature.

J'en ai terminé, monsieur le président, et je vous remercie pour votre mansuétude.

Debut de section - PermalienM, président

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit (nos 3693, 3776).

Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienM, président

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Folliot.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république, en proposant de modifier la réglementation relative à l'occupation du domaine public, nos collègues socialistes nous offrent l'occasion d'aborder le débat sur les modalités de mise en oeuvre d'un partage équilibré des usages des espaces publics.

L'aménagement de l'espace public est un sujet qui intéresse l'ensemble de nos concitoyens, car bon nombre de ceux qui vivent en ville sont concernés, dans leur vie quotidienne, par les problèmes que peut engendrer la cohabitation des différents acteurs de la ville.

En effet, la ville doit être un lieu de mixité où se côtoient différents acteurs et où s'articule une multiplicité d'usages : circulation piétonne, automobile, stationnement, activités de loisirs et de détente, entretien et maintenance des espaces publics, services publics, quartiers résidentiels, zones d'activité commerciales, touristiques et culturelles, etc.

Ce sont deux conceptions de la ville et de l'urbanité qui s'opposent. Le premier modèle, qui tend à devenir dominant, est celui d'une ville où se côtoient des quartiers homogènes – quartiers résidentiels, zones d'activités, zones de loisirs, zones industrielles, zones vertes –, avec toutes les difficultés que cela implique en termes de multiplication des déplacements nécessaires pour se rendre de son logement à son lieu de travail et aux lieux de loisirs. Le second modèle correspond davantage à une conception « historique » de la ville. Le meilleur exemple que je puisse en donner est celui de la bonne ville de Castres – que je vous incite à visiter, monsieur le ministre, madame la rapporteure…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

…en particulier le quartier historique des maisons sur l'Agout, qui représente un condensé de ce que pouvait être la ville à la fin du Moyen Âge. Ce quartier est composé d'immeubles reposant sur des caves en pierre qui s'ouvrent directement sur l'eau de l'Agout, et dont chaque étage était affecté à un usage particulier. Le sous-sol était occupé par des activités artisanales de nettoyage des peaux, cuirs et laines ; au niveau de la rue se trouvaient des échoppes abritant des commerces, des auberges et des restaurants ; au premier étage se trouvait le logement du maître artisan, et au deuxième étage celui des ouvriers.

Aujourd'hui, nous devons nous demander dans quelle direction nous voulons aller : soit vers le schéma « sectorisé » que j'ai décrit en premier, soit vers des modèles conçus sur le principe de la mixité – qu'il s'agisse de mixité sociale ou d'activités –, où la ville est un lieu de vie continue, d'échanges, de dialogue et non la simple juxtaposition de lieux qui vivront beaucoup à certaines heures du jour ou de la nuit, et resteront complètement déserts à d'autres moments.

La ville, c'est également un espace en permanente mutation, comme en témoigne, par exemple, l'évolution des habitudes liées à la modification de la réglementation sur l'usage du tabac, avec les problèmes que cela peut générer en termes d'occupation des trottoirs, des terrasses, des devants d'immeubles. C'est également tout ce qui a trait au développement des infrastructures de transport, lié à la sectorisation des villes, ainsi que l'émergence de nouveaux modes de vie et lieux de divertissement.

Au regard de ces éléments, la mise en oeuvre d'une urbanité réussie consiste à créer les conditions d'un savoir-vivre ensemble, en garantissant un partage équilibré de l'espace public pour tous. À ce titre, la proposition de loi soumise au débat de ce jour vise à modifier, d'une part, la réglementation relative à l'occupation du domaine public, d'autre part, le régime juridique applicable aux établissements à vocation nocturne.

Les intentions de l'auteure de la proposition de loi sont louables, puisque ce texte a vocation à accompagner les évolutions de nos villes et à établir des règles permettant la bonne cohabitation en ville, de jour comme de nuit, de l'habitat et des activités économiques et commerciales. Cependant, le groupe Nouveau Centre et apparentés n'est pas convaincu par les moyens proposés pour mettre en oeuvre une urbanité réussie.

En premier lieu, la proposition de loi vise à donner davantage de pouvoirs de sanction aux maires ainsi qu'au conseil municipal en cas d'infractions relatives aux autorisations de terrasses. Or, c'est nier la potentialité du dispositif existant. Certes, la multiplication des terrasses de café est un phénomène à prendre en compte, en ce qu'elle représente un facteur de « vivre ensemble », de lien social, de rencontres conviviales, voire festives, donc un moyen de lutte contre la solitude, qui est certainement le mal de notre monde moderne. Il ne faut non plus nier l'impact économique de ce secteur d'activité, qui génère plusieurs dizaines de milliers d'emplois.

Cependant, l'occupation commerciale illégale de la voie publique fait déjà l'objet d'une réglementation, d'ailleurs récemment renforcée par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. En l'état actuel du droit, l'occupation commerciale légale de la voie publique est soumise à autorisation. Le code général des collectivités territoriales donne compétence au maire pour attribuer des permis de stationnement, sous réserve que cette autorisation n'entraîne aucune gêne pour la circulation et la liberté du commerce.

Ces autorisations d'occupation du domaine public sont précaires et révocables. L'autorité municipale a donc compétence pour la retirer au titulaire d'une autorisation qui ne respecterait pas les conditions d'occupation. En l'absence d'autorisation ou en cas de méconnaissance de la réglementation, des dispositifs sont prévus : une contravention de police ou une condamnation au paiement d'une amende de cinquième classe peut être prononcée.

Un certain nombre de dispositions pénales peuvent être appliquées en cas d'atteinte à l'intégrité des voies publiques ou d'exercice illicite d'une profession. Le tribunal de police peut ensuite être saisi par le parquet, ou à la requête des directeurs départementaux de l'équipement. Au regard de ces mesures, le dispositif juridique existant semble tout à fait adapté et suffisant pour assurer le respect de la régulation du commerce sur la voie publique. J'ajouterai que le contenu de ce texte apparaît en contradiction avec les mesures de simplification du droit actuellement débattues à l'Assemblée.

Ensuite, l'article 2 de la proposition de loi prévoit que le conseil municipal pourra fixer un barème d'astreintes graduées, préalablement au prononcé de toute astreinte. Or, il nous semble que cette compétence doit rester sous la seule responsabilité des tribunaux. Il n'est pas du rôle du conseil municipal de définir le montant d'une astreinte.

Enfin, la proposition de loi vise à modifier les dispositions relatives aux établissements nocturnes, en se basant sur l'exemple des métropoles européennes, notamment Londres, Barcelone et Berlin. Le développement de la vie nocturne est, nous en convenons, un élément indispensable de la politique de la ville. En effet, les activités nocturnes sont, au même titre que les commerces et services de jour, le reflet du rayonnement d'une ville, et participent à son attractivité et à sa vitalité. Cependant, la mise en oeuvre d'une sanction en cas d'abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne nous semble inappropriée. Cette mesure risque de dissuader les habitants d'utiliser ces numéros d'urgence. Or, la tranquillité des riverains est un droit, et à cet égard, il nous paraît important de privilégier les moyens de conciliation au cas par cas, lorsque surviennent des conflits d'usage et de voisinage. Si cette mesure était adoptée, il ne faudrait pas qu'elle ait pour effet d'autoriser la tenue d'animations musicales et culturelles en tous genres, au profit d'une certaine population, mais au détriment des riverains. À ce titre, il nous semble que la proposition de loi insiste beaucoup sur les vertus des activités commerciales, ce qui est sans doute justifié. Toutefois, il faut également prendre en compte les nuisances auxquelles sont exposés les riverains.

Pour conclure, l'amélioration du cadre de vie, l'établissement d'un meilleur partage des espaces publics par les habitants et la dynamisation commerciale sont des données importantes qui nous concernent tous. Cependant, les moyens qui sont mis à notre disposition par la législation pour réguler le commerce sur la voie publique sont suffisants : il convient simplement de mieux utiliser le dispositif juridique existant. Pour nous, centristes, dans le contexte de crise actuel, il n'est pas nécessaire d'alourdir la réglementation relative à l'occupation de l'espace public. Il est préférable de privilégier les moyens de médiation, qu'il appartient aux élus locaux de développer – comme vous l'avez fait à Rueil-Malmaison, monsieur le ministre. Pour les raisons que j'ai exposées, le groupe Nouveau Centre et apparentés votera contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Jean Tiberi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Un Parisien ! Il va sans doute défendre notre proposition ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Tiberi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'idée d'étudier à fond les problèmes d'équilibre entre les riverains et les commerçants dans la ville est une bonne idée. À cet égard, l'initiative prise par Mme Mazetier recueille mon assentiment personnel – même si, je le précise, je ne voterai pas ce texte, pour les raisons que je vais exposer.

J'ai écouté avec intérêt les différents orateurs qui m'ont précédé, notamment Mme Mazetier, dont la bonne foi et la volonté de bien faire sont manifestes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Tiberi

J'ai également écouté avec intérêt l'exposé de M. le ministre, qui m'a convaincu – je relirai d'ailleurs son intervention, car l'exemple de ce qu'il a fait, en tant que maire, à Rueil-Malmaison, est très intéressant.

Si la grande majorité des commerçants sont respectueux de la loi et constituent un élément essentiel de la vie locale sur le plan de l'activité économique, mais aussi culturelle, il y a aussi parmi eux, disons-le, une infime minorité qui se comporte mal et qui, ce faisant, porte préjudice à la majorité, ainsi qu'aux riverains. Il faut rechercher des solutions à ce type de problèmes et, de ce point de vue, vous avez raison de proposer un texte.

Votre erreur, me semble-t-il, est d'avoir voulu assembler plusieurs dispositions relatives à l'urbanisme et à la qualité de vie, qui forment un ensemble très complexe. Il aurait mieux valu, dans un premier temps, essayer de résoudre uniquement le problème posé par la minorité de commerçants que j'ai évoqué. Il fallait, pour cela, un texte simple, proposant une sanction dissuasive, qui aurait suffi à créer les conditions de l'équilibre entre les commerçants et les habitants. Votre texte est trop large, trop imprécis, et parfois contradictoire : d'un côté il veut sanctionner, de l'autre, il vise à protéger certaines activités nocturnes. Vous voulez protéger les riverains, mais en même temps, vous proposez de restreindre le recours aux appels d'urgence.

Surtout, j'ai été sensible à l'aspect juridique de ce texte, en particulier au risque d'inconstitutionnalité qu'il présente. L'astreinte ne peut pas être décidée comme vous le faites : sur ce point, il faut prendre beaucoup de précautions sur le plan législatif, comme l'ont très bien dit M. Perben et M. Goasguen en commission.

Il y a également un problème – auquel vous êtes sûrement sensible, madame – d'égalité des habitants et des commerçants devant les textes, votre texte permettant des adaptations selon les communes. Il faut, au contraire, un texte national et général.

Il convient par conséquent de reprendre au plus vite ce dossier intéressant, afin de proposer éventuellement un texte – M. le ministre semble réticent, mais il faudra que nous en parlions –, sans doute plus court, mais incontestable sur le plan juridique, en liaison avec l'Association des maires des France.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Tiberi

Enfin, monsieur le ministre, vous avez proposé la mise en place d'un groupe de travail, ce que j'approuve totalement. Si tout le monde s'y met, indépendamment des appartenances politiques, nous pourrons certainement parvenir à une avancée dans un court délai.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Christophe Caresche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement ce matin.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Pas tant que ça.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je voudrais essayer d'expliquer pourquoi cette proposition de loi est pertinente et en quoi elle répond à un problème qui, malheureusement, se développe de manière importante, je veux parler des incivilités, notamment à Paris et dans les grandes villes, incivilités en matière de propreté, de stationnement et d'occupation du domaine public.

La vérité, peut-être cruelle pour l'État, c'est que la répression est pratiquement inexistante. En effet, si, monsieur le ministre, vous avez la chance, en tant que maire, de disposer d'une police municipale, vous savez que ce n'est pas le cas de Paris. C'est le préfet de police qui a ces pouvoirs. Or celui-ci a sans doute d'autres préoccupations. Mais, surtout, la répression est inexistante parce que le dispositif pénal, contrairement à ce que vous avez dit, n'est pas du tout dissuasif.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Lorsque les amendes sont fixées à quelques dizaines d'euros pour des infractions au stationnement payant ou pour les cafetiers dont les terrasses débordent…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

…les intéressés ont plus intérêt à payer de temps en temps une amende qu'à respecter la réglementation.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

C'est cela la réalité à laquelle nous sommes confrontés. En tant qu'élu du 18e arrondissement, où se trouvent Pigalle, Montmartre, mais M. Tiberi connaît aussi ces situations dans le 5e arrondissement, je puis vous assurer que le dispositif pénal ne marche pas. D'abord parce qu'il est national, et là je suis en désaccord avec M. Tiberi : il faut donner aux communes la possibilité d'adapter la répression, c'est-à-dire le montant des amendes, en fonction de leur situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Les amendes pourraient ainsi être, cela ne me choque pas, plus modiques dans telle ville que dans telle autre parce que les problèmes y seraient différents. Lorsque plusieurs millions de personnes passent sur un même territoire, comme à Montmartre, vous comprenez bien que la situation est particulière.

Ce que nous proposons, c'est d'avoir, à côté de la voie pénale, une voie administrative municipale. Nous avions fait la même proposition avec Christian Philip pour le stationnement payant, nous nous sommes battus pendant toute une législature, sans succès.

C'est la même problématique ici. Pourquoi n'arrive-t-on pas à vous convaincre ? Je ne comprends pas vos arguments juridiques parce que ces textes ont été étudiés et que je ne vois pas ce qui les empêche, pas même le principe d'égalité qui peut très bien, mais je ne vais pas entrer dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, être compatible avec ce type de disposition.

La vérité, c'est que dans cette affaire, et je l'avais constaté de manière très précise lorsque nous avions étudié la municipalisation de la répression en matière de stationnement payant, il y a un acteur qui bloque et qui continue manifestement à bloquer, je veux parler de Bercy. L'État ne veut pas donner aux communes la possibilité de percevoir ce type d'astreintes, l'État veut garder le produit des amendes et c'est pour cela que, depuis des années, nous n'arrivons pas à aboutir sur ce type de proposition. C'est exactement ce qui s'est passé avec le problème du stationnement payant. En définitive, Bercy a mis son veto en expliquant que si c'était les mairies qui demain percevaient les recettes de la répression, ce seraient des recettes en moins pour l'État.

Des solutions pourraient être trouvées. Tout cela pourrait se discuter et les obstacles pourraient, avec un peu de bonne volonté, être surmontés.

En refusant ce type de dispositif, vous laissez se développer de manière anarchique, désordonnée, des situations inacceptables dont les impacts, en termes de nuisances, sont extrêmement lourds pour nos concitoyens, notamment pour ceux qui vivent à Paris.

Je regrette profondément, monsieur le ministre, que vous n'acceptiez pas cette proposition, ou en tous les cas que vous n'acceptiez pas d'entrer dans la logique qui est la nôtre et qui, je crois, est la seule qui permette de mettre en oeuvre une répression effective et dissuasive pour ce qui concerne un certain nombre d'incivilités.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Vous pouvez penser cela, mais nous ne sommes pas d'accord.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Yves Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte de notre collègue Sandrine Mazetier vient répondre à deux enjeux, parfois antagonistes : améliorer le vivre ensemble et néanmoins permettre que la vie parisienne, notamment nocturne, continue. Nous nous félicitons de cette initiative et de la richesse de cette proposition.

Le mouvement qui s'appelle « Quand la nuit meurt en silence » n'avait pas hésité il y a quelque temps à qualifier Paris de « capitale du sommeil ». Les nuits de cette ville lumière sont-elles si moribondes ? Les terrasses font certes le charme et l'attractivité d'un quartier mais elles sont également, beaucoup l'ont dit, l'objet de frictions. C'est cette contradiction qu'il faut essayer de résoudre.

En novembre 2010, les états généraux de la nuit avaient organisé une concertation et une médiation officielles, entre toutes les parties prenantes. La cohabitation entre les riverains et le monde de la nuit, notamment à Paris mais dans d'autres villes également bien entendu, rencontre en effet de nombreuses difficultés.

Il existe trois catégories de personnes : celles qui travaillent, celles qui se reposent, celles qui font la fête. Malgré tout, nous croyons que la concertation est possible. Il convient par exemple de renforcer l'information des citadins qui s'installent à proximité d'activités commerciales qui engendrent des nuisances sonores. Il serait également pertinent de renforcer, comme vient de le demander M. Caresche, les sanctions en cas d'installation illicite sur la voie publique, car les sanctions existantes ne sont pas du tout dissuasives. On m'interpelle souvent, dans ma circonscription du 14e : comment se fait-il qu'on ne puisse pas passer avec des poussettes ? Comment se fait-il que des vélos roulent sur les trottoirs ? Comment se fait-il qu'autant de noctambules fassent tant de bruit, sans compter les gens qui se retrouvent à l'extérieur des boîtes pour fumer et qui provoquent des nuisances toute la nuit ? Tous les jours, des abus sont constatés et les riverains sont légitimes à protester contre ces abus.

Nous sommes d'accord avec la proposition d'autoriser le maire à décider une fermeture administrative, qui pourra durer jusqu'à un mois en cas d'infraction répétée et la mauvaise fois manifeste des contrevenants. Comme l'a dit M. Caresche, nombre de cafetiers préfèrent ne pas respecter la loi et payer l'amende.

Pour limiter les nuisances, il serait peut-être intéressant de mettre à disposition des lieux publics, pour y organiser des événements festifs qui ne seraient pas payants – si la nuit parisienne tombe en déshérence c'est aussi parce que son coût est toujours plus élevé. En utilisant des lieux patrimoniaux ou en supprimant la licence pour la vente de bière, il serait possible de déplacer la fête en dehors du privé. Il existe peu de lieux de ce type à Paris, à la différence de Berlin par exemple. Dans cette logique, il pourrait être intéressant de proposer la création d'un statut d'établissement temporaire pour l'usage des lieux qui ont vocation à être réhabilités.

Il est essentiel que tous les types de population, les familles, les enfants, les étudiants, les retraités, et évidemment un peu les fêtards, puissent vivre ensemble. pour participer à cette mixité sociale. Il faut que chacun puisse continuer de vivre dans tout type de quartiers, c'est cela la mixité. En réglementant mieux les activités lucratives de la nuit, en réinventant les pratiques, il est possible que la fête soit supportable par tous. Des aménagements végétalisés ont parfois donné de bons résultats pour limiter le bruit.

Mais, nous sommes d'accord, il faut d'abord donner aux maires le pouvoir réguler ce type de problème. Nous n'avons pas évoqué les bruits des motocyclettes et des scooters, qui peuvent être également extrêmement gênants, vous le savez. Cela a été montré dans un certain film, une motocyclette mal réglée peut réveiller 500 000 personnes à quatre heures du matin, simplement en traversant Paris ! Les bruits générés par certains engins sont tout à fait insupportables, de nuit comme de jour.

Les propositions de Mme Mazetier nous semblent légitimes. Bien sûr, les pouvoirs publics ne doivent pas négliger la vie nocturne – plus de 45 % des Parisiens travaillent encore après vingt heures, dont 25 % travaillent toute la nuit. Mais, avec la bonne volonté de tous et les propositions de cette PPL, nous pensons que le problème serait mieux appréhendé.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le vice-président de la commission des lois, mes chers collègues, penser l'urbanité moderne, la définir, la corriger dans ses excès – à Rueil-Malmaison ou ailleurs –, voilà qui a occupé nombre de penseurs, de sociologues, d'urbanistes depuis le siècle des Lumières.

Je me réjouis qu'aujourd'hui, à l'occasion de cette proposition de loi nourrie des problématiques constatées sur le terrain, nous ayons l'opportunité de contribuer, modestement certes mais il faut bien commencer un jour, à alimenter cette réflexion et, je l'espère, à apporter des solutions concrètes pour améliorer la vie de nos concitoyens, de jour comme de nuit.

Le sujet peut paraître étrange, il peut même faire sourire, mais la vie des villes est une vie en continu. Jean-Jacques Rousseau déjà reprochait à Paris, et au travers de la capitale à l'urbanité moderne, de trop éloigner l'homme du bien commun. Parce que la ville isole, parce qu'elle individualise les parcours, Rousseau accusait la ville de générer un certain dérèglement moral fondé sur l'égoïsme et la soif d'accaparement, au détriment du bien être collectif.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Il avait raison.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Autrement dit, on est moins seul dans son hameau de montagne parce que l'entraide nous oblige davantage dans la nature rustique que dans la ville, où l'encombrement nous sature et finalement nous isole.

Bien sûr, le Paris d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec le Paris du XVIIIe siècle. Mais il est frappant de constater que la promiscuité urbaine génère encore aujourd'hui des comportements non urbains, des dérives non policées, des conflits d'usage et de voisinage tendant à contrarier le bien commun. Mais comment ne pas être incivil lorsque l'on est incertain, lorsqu'on est incompris, que sa place sociale n'est pas acquise, que sa dignité n'est pas respectée, que sa singularité n'est pas reconnue ?

Réussir l'urbanité est un enjeu toujours actuel. Lieu d'échanges et de rencontres, la ville doit favoriser l'épanouissement de tous et permettre de mieux vivre ensemble. Et ce défi relève d'abord du politique, des élus bien sûr, mais également du législateur, garant de l'intérêt général, ou plutôt organisateur de la règle qui régit l'intérêt général.

Les usages de l'espace que l'on partage sont une question centrale.

Au premier chef, l'espace public, objet d'activités successives, imbriquées, longues ou temporaires, matérialise le vivre ensemble. Les maires, chargés de maintenir l'ordre public – bon ordre, sûreté, sécurité et salubrité publique – sont pourtant, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, dépourvus dès qu'il s'agit de sanctionner une occupation non autorisée de l'espace public. Parfois d'ailleurs, le non autorisé n'est que le non toléré, ou le non supporté. Il est dès lors pertinent de leur donner la faculté d'agir, lorsque la situation le justifie, et de prononcer des astreintes.

Ce texte de notre groupe, porté par Sandrine Mazetier, s'inscrit dans cette démarche. Cette faculté nouvelle dévolue aux maires est de bon sens. D'une part, parce qu'elle crédibilisera l'action des élus, garants de l'intérêt général, et qu'elle aura un réel effet dissuasif. D'autre part, parce qu'elle permettra d'accélérer l'effectivité de la sanction publique, à l'heure où le retard pris dans les affaires juridictionnelles pèse considérablement sur le contrat social. Loin de moi l'idée de blâmer les juges et les instances juridictionnelles, qui font ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'on leur donne, et nul n'ignore ici que, face à la charge, ces moyens sont insuffisants et en constante réduction. L'espace public doit être mieux policé, c'est une évidence.

Mais s'il faut garantir que les usages illégaux seront bel et bien sanctionnés, il faut également préserver les usages légaux, usages économiques, sociaux et culturels, qui font de la ville ce qu'elle est, un lieu de création, de vie et de mouvement. Essayons ensemble d'en faire un lieu pas totalement aseptisé et pas trop triste non plus.

C'est peut-être là que les défis à relever sont les plus importants. L'exposé des motifs de cette proposition de loi renvoie assez justement à la règle d'antériorité qui protège certaines activités du recours des riverains établis postérieurement à celles-ci. L'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation énumère ainsi les activités qui doivent être à l'origine des troubles pour pouvoir bénéficier de la règle d'antériorité, à savoir les activités agricoles – j'y reviendrai –, industrielles, artisanales et commerciales.

Mais ces dispositions ne règlent pas le cas où ces activités s'établissent dans un tissu urbain existant, ce qui est typiquement le cas des lieux de la nuit, des restaurants ou des lieux « hybrides » à multiples usages, comme il en existe de plus en plus, y compris dans les villes intermédiaires – le mot n'étant guère joli, je n'en citerai aucune. Bizarrement d'ailleurs, dans les villages, la tolérance est souvent beaucoup plus forte.

Comment protéger ces activités, qui créent de la richesse et un indispensable lien social, des recours abusifs, des plaintes successives, qui amènent souvent l'entrepreneur à fermer boutique ou à renoncer à une activité complémentaire qui déplaît aux riverains ? Cette proposition de loi suggère une mesure simple et efficace : sanctionner les abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne. Là encore, cette mesure semble de bon sens ; mais – j'en conviens – où commence l'abus, où se situe l'urgence ?

À l'inverse, comment éviter aux habitants la désagréable surprise de constater que leur logement est exposé à une source de bruit, une fois le bail ou le contrat de vente signé ? Où commence l'arnaque, à quelle heure s'arrête le bruit ?

L'amendement qui sera proposé par Mme la rapporteure, Sandrine Mazetier, visant à assurer la bonne information des riverains, constitue une première réponse. Personne ne doit être pris en traître, ni les commerçants ni les riverains. L'information préalable doit être assurée.

Mais il faut sans nul doute pousser la réflexion plus loin. L'expérimentation ici proposée, ainsi que le rapport demandé au Gouvernement sur les évolutions à apporter à la réglementation relative à la sécurité des établissements à vocation nocturne entament ce nécessaire mouvement.

Il en va de la vie de nos villes la nuit ; de celle de Paris, bien sûr, dont la jeunesse nous dit souvent, peut-être à tort, qu'il ne s'y passe plus assez de choses, « que ça se passe à Berlin, à Londres ou à Barcelone, maintenant ». Il en va de la survie de nos centres villes, où les opticiens et les banques, commerces discrets s'il en est, ont peu à peu grignoté tous les commerces « vivants ».

Établir les pubs, les restaurants et les boîtes de nuit dans les zones de bureaux ou d'activités, comme cela se fait de plus en plus, ne saurait favoriser réellement la mixité urbaine et la gaieté dans nos villes. Ce mouvement accélère au contraire l'éclatement urbain, et génère des déplacements automobiles, synonymes d'émissions de gaz à effet de serre inutiles et d'insécurité routière.

Le chantier que l'on rouvre aujourd'hui sur le terrain de l'espace public et des activités nocturnes témoigne de nos difficultés à vivre ensemble en milieu urbain, de nos difficultés à concilier notre propre confort avec la vie de la cité, qui, faute d'être elle aussi préservée, est menacée d'appauvrissement. Nous pouvons d'ores et déjà voter les mesures de bon sens proposées, mais rien ne nous exempte de poursuivre la réflexion et le débat sur l'urbanité actuelle et celle de demain.

À cet appel à l'urbanité réussie, j'aimerais simplement ajouter un appel à la ruralité réussie, car bien vivre ensemble est autant un enjeu pour la campagne que pour la ville. À ce titre, sans doute l'ancien président de la commission des affaires économiques s'en souvient-il, j'avais pris l'initiative, dans cette même assemblée, lors d'une loi agricole et rurale, de traiter la question du chant de coq que les néoruraux ne supportent pas venant de la ferme toute proche.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

J'en ai un fort bon souvenir !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le législateur a posé des règles de distance à respecter, mais a surtout posé le principe du respect de l'antériorité.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

À juste raison !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Il n'était en effet pas question que ceux qui se convertissaient à la campagne lui imposent de devenir un quartier résidentiel sans activité paysanne.

Alors, ne faisons pas comme ceux qui ne supportent pas les rires des enfants à la sortie des écoles ou à l'heure de la récréation. Soyons capables d'être plus urbains ensemble, à la ville comme à la campagne. Luttons contre les abus et les intolérances. Cette proposition de loi est un texte d'équilibre et d'harmonie, qui mérite d'être considéré comme tel et porté jusqu'à son aboutissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Éric Berdoati.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Berdoati

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, je voulais tout d'abord remercier la présidence et m'excuser pour le petit changement d'agenda qui s'est produit, mais il me fallait assister en début d'après-midi aux obsèques du conjoint d'un de mes collègues.

Je suis, comme beaucoup de nos collègues ici, maire d'une commune ; les questions d'urbanisme sont souvent techniques, complexes, passionnantes et parfois passionnées. Traiter de sujets relatifs à l'urbanisme, c'est en effet traiter de sujets sérieux, parfois graves, qui touchent au vivre-ensemble et méritent toute notre attention.

Mais dans le cas précis qui nous rassemble aujourd'hui, l'histoire est tout autre. Car, si je reconnais bien volontiers qu'il est nécessaire de redéfinir et de repenser le vivre-ensemble pour rendre nos villes plus attractives et plus dynamiques, il s'agit également le plus souvent de concilier entre eux des enjeux sociaux, culturels et économiques parfois contradictoires.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui concerne en premier lieu la régulation du commerce sur le domaine public. Elle part du constat que la multiplication des terrasses et des installations qui débordent sur les trottoirs crée ou peut créer des distorsions de concurrence et des nuisances, face auxquelles les maires peuvent se trouver démunis et impuissants.

Sur ce point, je tiens à le dire, nombre de députés du groupe UMP peuvent partager ce constat. Les montants des amendes sont faibles et les décisions du tribunal de police sont parfois trop tardives. Cependant, il y a beaucoup à redire sur la solution que propose le groupe socialiste et sur la cohérence générale de cette proposition de loi.

Sur la forme d'abord. Cette PPL a manifestement été rédigée dans la précipitation. J'en veux pour preuve, l'exposé des motifs, qui s'avère bien plus ambitieux que le contenu même du texte. En effet, il annonce des outils de lutte contre les « conséquences de la loi anti-tabac » – à savoir la présence de fumeurs sur les trottoirs –, mais la proposition de loi n'apporte aucune solution à ce sujet ! Il annonce également des actions en faveur de l'information des « citadins qui s'installent à proximité d'activités commerciales susceptibles d'engendrer des nuisances sonores », or rien n'est dit non plus à ce sujet !

De plus, les objectifs que poursuit cette PPL sont contradictoires : elle entend ainsi renforcer les pouvoirs de sanction envers les établissements à vocation nocturne, mais, dans le même temps, tend à protéger ces mêmes activités nocturnes. Protéger les riverains tout en créant une sanction d'abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne est-il réellement conciliable ?

Enfin, l'absence d'étude d'impact, à tout le moins de données fiables, chiffrées et précises pour légiférer est préjudiciable. La PPL exige la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur « les modifications de la réglementation relative aux conditions de sécurité des établissements à vocation nocturne », montrant bien par là que le texte est écrit sans prendre en compte cet enjeu crucial. Elle prétend enfin modifier la législation applicable aux établissements à vocation nocturne sans en avoir analysé la situation exacte.

Sur le fond ensuite. Cette PPL souffre de trop d'imprécisions, imprécisions qui contiennent des risques réels pour l'application effective de la loi. Cette PPL souhaite imposer le maire, en plus du préfet, comme autorité compétente dans l'application du dispositif de sanctions pour occupation abusive du domaine public. On peut légitimement redouter la confrontation de deux légitimités différentes, l'une administrative et l'autre politique. Cette dualité est source de conflits futurs car, nous le savons parfaitement, l'appréhension administrative d'un sujet n'est que trop rarement en adéquation avec son appréhension politique.

Plus encore, le groupe UMP est sceptique quant au fait donner aux maires le droit de prononcer une astreinte et d'en déterminer le montant. Il y a quelque chose de troublant, voire de choquant, à vouloir transformer le maire en justicier ; il y a quelque chose de troublant, voire de choquant, à vouloir transformer les conseils municipaux en tribunaux.

Enfin, le dispositif proposé fait courir le risque d'une inégalité devant la loi, puisque le maire aurait tout le loisir de fixer le montant de l'astreinte, montant que la PPL plafonne à 500 euros par jour et par mètre carré sans fixer de seuil minimal ! Comment, dès lors, ne pas imaginer qu'un maire et son conseil décident d'une astreinte dérisoire, pour satisfaire les professionnels de la nuit de leur commune ? Comment comprendre qu'une astreinte à 500 euros par jour et par mètre carré dans une commune tombe à 10 euros par jour dans la commune située quelques kilomètres plus loin ?

Tout ceci, nous le voyons bien, n'est pas raisonnable. La PPL nous ferait courir le risque de créer de trop graves disparités entre communes, selon le bon vouloir des maires – sans compter que la législation applicable pourrait changer à chaque renouvellement du maire et du conseil municipal !

Enfin, parlons de l'article 6 de cette PPL, à savoir la création d'une infraction d'abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne. Quelle étrange idée a bien pu avoir le groupe SRC de vouloir sanctionner ainsi les victimes de nuisances ! Sanctionner ceux qui se plaignent parce qu'ils souffrent de tapage nocturne est, en soi, sujet à caution. Et, quand bien même on voudrait créer cette sanction d'abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne, il serait judicieux de rappeler que les standards des commissariats de quartier ne sont pas considérés comme des numéros d'urgence ; or ce sont eux qui sont destinataires de la majorité des appels ! Quand on est maire, on sait parfaitement cela.

Pour en terminer sur cet article 6, sa rédaction est beaucoup trop approximative : aucune indication sur ce qui pourrait constituer cet abus de droit ne nous est donnée ; l'appréciation de l'abus apparaît plus que subjective, et donc dangereuse, juridiquement.

En conclusion, cette proposition de loi est loin d'apporter les réponses nécessaires aux enjeux soulevés par la rapporteure et l'exposé des motifs. En mélangeant tous les problèmes – occupation illégale du domaine public, vente à la sauvette, nuisances sonores –, elle ne parvient à en régler aucun. Sur certains points, elle pourrait même s'avérer contre-productive et n'apparaître que comme un gage donné aux professionnels et aux établissements nocturnes parisiens. Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe UMP ne votera pas ce texte.

Debut de section - PermalienM, président

La discussion générale est close.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je voulais d'abord m'étonner de la nature de votre intervention, monsieur le ministre, et soulever l'incohérence des prises de position de ce Gouvernement, s'agissant de la régulation du commerce sur la voie publique.

Un dispositif analogue a celui présenté dans cette proposition de loi au titre I a été adopté au Sénat, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010, avec un avis favorable du Gouvernement et du rapporteur. S'il a disparu du texte final, c'est simplement parce que la CMP a jugé qu'un PLFR n'était pas le véhicule approprié pour une telle disposition. Mais le Gouvernement était d'accord ! D'ailleurs, j'ai auditionné des associations d'élus, l'Association des maires de France a envoyé une contribution et notre collègue Marc Francina, engagé dans le soutien des communes à vocation touristique, s'est également exprimé : les maires souhaitent cette disposition !

Et pourquoi ? Nombre de mes collègues l'ont expliqué, M. Christophe Caresche bien sûr, mais aussi des députés de l'UMP, en commission, je pense en particulier à M. Christian Estrosi. Les maires réclament cette nouvelle compétence qui serait plus efficace qu'un dispositif très lourd et pas du tout dissuasif : une amende forfaitaire de 35 euros ne représente même pas une heure de consommation en terrasse dans certaines artères commerciales, et pas seulement à Paris.

Rappelons que cette proposition de loi n'est pas parisienne : elle a vocation à donner, sur tout le territoire national, de nouvelles compétences à l'ensemble des maires de France. M. le ministre mais aussi des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire nous ont objecté que notre proposition allait à l'encontre d'une démarche de simplification du droit, qu'il fallait arrêter d'ajouter du droit au droit, que trop de lois tuait la loi, etc. Sans doute avez-vous oublié que vous avez vous-mêmes, dans la LOPPSI 2, inventé une peine de six mois de prison et une amende de 3 750 euros pour la vente à la sauvette. Cette mesure s'est-elle révélée efficace ? Demandez aux maires d'arrondissement de Paris, notamment celui qui a la Tour Eiffel, ce qu'ils en pensent ! Je regrette que M. Goasguen ne soit pas là car il était l'un des promoteurs de cette peine formidable censée tout régler. Vous n'arrêtez pas d'inventer des lois supplémentaires, de pénaliser toujours davantage mais vous refusez d'entendre le concret, le réel, la demande, sur le terrain, des riverains, des commerçants eux-mêmes, des maires. Vous êtes sourds au pays profond. Vous n'assumez pas la responsabilité qui est la nôtre, celle du législateur, de donner aux élus, à tous les élus, les moyens de répondre enfin aux problèmes qui se posent aux Français, de ne pas se défausser, de ne pas se jucher sur un Aventin constitutionnel qui est faux, de ne pas dire : « Je voudrais bien faire quelque chose mais je ne peux pas car la loi ne m'y autorise pas. » Ne sentez-vous pas combien ce type de réponse exaspère nos concitoyens ? Et quand enfin l'on donne aux maires, aux élus, les moyens de dissuader les auteurs de ces incivilités, de dissuader la minorité d'exploitants indélicats de mener une concurrence déloyale à l'encontre d'une majorité d'exploitants qui respectent les droits de terrasse, vous vous défaussez et vous vous interrogez sur le caractère constitutionnel d'une telle mesure !

Mais cela fait trente ans que le code de l'environnement prévoit des astreintes. Trente ans que cela ne pose de problème à personne !

Il y a un an environ, lorsque notre collègue Huyghe a présenté une proposition de loi pour doter les maires du pouvoir d'astreinte, elle a été adoptée par cette assemblée et par la commission des lois et, mon cher collègue Geoffroy, vous n'avez absolument pas soulevé ce problème de constitutionnalité. Et pour cause ! Cette mesure ne pose aucun problème de constitutionnalité, ou alors vous devez vraiment corriger les fiches que l'on vous donne sur le texte de la Constitution ou la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État.

Il y a vraiment deux poids deux mesures : selon que le dispositif est proposé par un député UMP ou le groupe SRC, vous soulevez ou non la question de la constitutionnalité.

Examinons au fond cette question : un maire peut-il prononcer une astreinte.

Aucune norme constitutionnelle n'empêche de conférer le pouvoir de prononcer des astreintes à une autorité administrative et non à une autorité juridictionnelle. Je l'ai dit, cela se pratique déjà.

Je renvoie ceux que cela intéresse à un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 11 avril 2011, qui traite de cette procédure dans le cadre du code de l'environnement.

Rappelons également que l'astreinte est une décision administrative défavorable et qu'elle bénéficie, à ce titre, de l'ensemble des garanties de droit commun afférentes à ce régime, à commencer par le droit de recours juridictionnel.

L'astreinte, prévue dans le code de l'environnement, est de nature administrative. Ce n'est pas une sanction, c'est une mesure et nous essayons désespérément de vous faire comprendre notre démarche : il est préférable de prévenir les incivilités plutôt que d'inventer sans cesse, comme vous le faites, de nouvelles lois pour pénaliser et sanctionner. Résultat : il ne se passe rien.

Une astreinte est une mesure administrative visant à dissuader.

S'agissant du prononcé de l'astreinte par le maire sur le fondement d'un barème établi préalablement par le conseil municipal, certains y voient un désordre constitutionnel alors qu'aucune norme constitutionnelle ne s'oppose à ce que le maire prononce l'astreinte sur ce fondement. En tout état de cause, l'article 1er prévoit que le maire est compétent pour prononcer cette astreinte. La délibération du conseil municipal présente toutes les garanties : elle est collégiale, puisque toutes les formations politiques membres de ce conseil y siègent, publique, et soumise au contrôle de légalité comme toute délibération de conseil municipal.

Ce qui vous dérange, c'est que l'on puisse associer tous les acteurs d'une ville, y compris l'opposition municipale, à l'élaboration des règles d'une commune. C'est que l'on informe, avant même que les infractions ne soient commises, tous ceux qui interviennent dans la commune, les commerçants, les exploitants, que dans telle artère, particulièrement fréquentée, le non-respect des droits de terrasse est puni plus sévèrement que dans un quartier moins fréquenté où les chiffres d'affaires liés à l'infraction sont moins importants.

Je ne vois pas ce qui vous dérange. Je n'y vois qu'une tentative pour échapper à vos responsabilités, en tout cas celles du législateur.

J'entends parler d'atteinte au principe d'égalité parce que les sanctions varieraient selon les villes, voire selon les quartiers. Dans quel pays vivez-vous ? Cela existe déjà, et ni la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ni celle du Conseil d'État ne s'opposent à ce que des traitements différents soient appliqués à des situations différentes. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est bien connue : « Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. » CQFD.

Le juge veille à ce que les critères pris en compte soient objectifs et rationnels. De toutes manières, lorsque l'on pose des critères d'autorisation de terrasse, ils sont objectifs et rationnels dans la majeure partie des cas.

Je ne vois pas en quoi il serait irrationnel et non objectif de caler un barème de sanctions pour ceux qui ne respectent pas ces droits de terrasse objectifs et rationnels.

Pour ce qui est par ailleurs des différences par zone, Christophe Caresche évoquait le stationnement. C'est précisément en matière de droit de stationnement que les tarifs peuvent varier selon les zones dans une même commune, ce qui ne pose pas de problème majeur au regard de l'égalité de traitement face à la loi.

Je ne reviendrai pas sur l'intérêt général mais il commande cette différenciation puisque le préjudice subi par les uns et par les autres n'est pas exactement le même d'un endroit à l'autre d'une agglomération ou même au sein d'une même commune.

Enfin, le dispositif proposé qui prévoit l'intervention du conseil municipal apporte des garanties sur lesquelles je ne reviendrai pas mais je ne m'étonne pas que certains, dans cet hémicycle, aient peur de la transparence, de la délibération collective et ne croient pas en la possibilité, pour un conseil municipal pluraliste, de travailler intelligemment et de veiller au respect du principe d'équité.

Pour ceux qui imaginent que des difficultés subsistent et que la loi ne fixe pas un cadre suffisant, j'ai tenu compte de la nécessité de fixer un plafond mais aussi un plancher, ce qui m'a amenée à amender cette proposition. Je suis bien certaine à présent que cet amendement recevra un avis favorable.

Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit des bonnes pratiques et des médiations mais je rappellerai simplement qu'un certain nombre des amendements que j'ai déposés prévoient justement de les valoriser et de les encourager.

Quant à la sécurité des établissements, je ne peux pas laisser dire ce qui a été dit, parce que l'objectif de cette proposition de loi n'est en aucun cas de baisser la garde en la matière mais au contraire de prendre en compte l'évolution des usages et la protection de nos concitoyens.

Il y a aujourd'hui des normes, je l'ai dit hier lors de l'examen du projet de loi sur la protection des consommateurs. Le Gouvernement a renvoyé à aujourd'hui son avis sur cette question. Il est possible de faire évoluer la réglementation et de prévoir une norme plus adaptée aux pratiques et aux usages actuels.

Quant aux différents amendements que j'ai présentés, je ne comprends pas que ceux qui m'opposaient un certain nombre d'arguments en commission des lois n'aient pas rendu un avis favorable à ces amendements puisqu'ils répondaient en partie à leurs objections.

Je suis navrée que M. le ministre n'ait pas pu entendre cette réponse, mais je suis certaine que M. Bertrand, qui vient d'arriver, assurera la continuité et la cohérence de la parole de l'État entre l'avis rendu par le Gouvernement au Sénat l'an dernier et celui qu'il rendra aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je vous remercie de bien vouloir excuser M. Ollier, qui a dû quitter ce banc parce qu'il doit participer à la conférence des présidents qui débute en ce moment même au Sénat.

Je ne m'exprimerai pas longtemps et je ne ferai pas mine d'avoir suivi les débats puisque je viens d'arriver, mais ce sujet m'intéresse car je suis maire. Je n'aurais cependant pas forcément eu le même regard que vous.

Je dirai simplement qu'en application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.

Debut de section - PermalienM, président

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

En application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.

La réserve est de droit.

Debut de section - PermalienM, président

Sur l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à Mme la rapporteure, pour le défendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cet amendement, qui a été rejeté par la commission comme les autres, n'est que de précision, et peut-être l'avis des députés pourra-t-il donc changer. Il concerne l'autorité susceptible de mettre en oeuvre la nouvelle procédure. En effet, si la proposition de loi place sur un même plan le maire et le préfet, il semble plus cohérent, s'agissant d'une nouvelle compétence donnée au maire, de prévoir que c'est ce dernier qui agira en principe et que le préfet n'agira qu'en cas de carence.

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 1 est réservé.)

(Le vote sur l'article 1er est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le ministre ne veut pas que l'on vote ! Nous sommes bâillonnés !

Debut de section - PermalienM, président

Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 2 .

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Ayant évoqué cet amendement dans ma réponse aux orateurs, je serai brève.

Si j'avais prévu, concernant le nouveau pouvoir de sanction donné aux maires, un plafond pour le montant de l'astreinte administrative, je n'avais pas envisagé de plancher. Or, pour bien encadrer cette nouvelle compétence, il convient que le plafond soit complété par un plancher – ce serait de bonne politique. Je vois notre collègue M. Berdoati hocher la tête et j'imagine donc qu'il sera favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 2 est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 3 est réservé.)

(Le vote sur l'article 2 est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

Sur l'article 3, je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 4 est réservé.)

(Le vote sur l'article 3 est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

Sur l'article 8, je suis saisi d'un amendement n° 5 .

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 6 , qui porte sur le même article.

Debut de section - PermalienM, président

Je suis en effet également saisi, à l'article 8, d'un amendement n° 6 qui peut faire l'objet d'une présentation commune avec l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il s'agit d'amendements de précision qui concernent la procédure d'expérimentation du dispositif que je propose. Plutôt que de prévoir une première expérimentation à Paris, il semble préférable de cibler quelques départements où la durée de première autorisation est systématiquement inférieure à six mois. Tel est l'objet de l'amendement n° 5 , complété par l'amendement n° 6 qui renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer par décret ou par arrêté la liste de ces départements et qui fixe la date de fin de l'expérimentation.

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 5 et 6 ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

(Les votes sur les amendements nos 5 et 6 sont réservés.)

(Le vote sur l'article 8 est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

Je suis saisi d'un amendement n° 7 , portant article additionnel après l'article 8.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Là encore, je suis persuadée que, sur les bancs du groupe UMP, M. Berdoati sera favorable à cet amendement. Je pense même que le Gouvernement pourrait émettre un avis favorable. Il s'agit en effet de répondre à une réelle préoccupation due à l'environnement urbain – non seulement à Paris, mais partout – en améliorant l'information des acquéreurs ou des nouveaux locataires d'un logement.

François Brottes y a fait allusion dans son intervention, il n'existe pas de dispositif permettant à ces derniers d'être informés sur l'exposition au bruit du logement en question. Comme il n'y a pas non plus de protection contre les sources d'émission de bruits lorsqu'un établissement bénéficie de la clause d'antériorité rappelée par mon collègue, rien ne vient protéger les acquéreurs ou les locataires qui ont imprudemment signé et qui se retrouvent habiter, sans l'avoir su, au-dessus ou à proximité immédiate d'un lieu qui fait beaucoup de bruit.

Dans un premier temps, j'avais, à la faveur de l'examen du projet de loi sur la consommation, proposé par voie d'amendement un diagnostic bruit comme il y a un diagnostic amiante ou thermique. Le Gouvernement, après avoir aimablement examiné au fond cette proposition, y a répondu négativement par la voix de M. Lefebvre la semaine dernière au prétexte que cela serait trop contraignant et trop coûteux sans pour autant régler certains problèmes. M. le secrétaire d'État s'est cependant déclaré prêt à traiter cette question de l'information et de la protection des riverains. C'est dans ce contexte que mon amendement ne tend plus à un diagnostic bruit, mais à la remise d'un rapport par le Gouvernement « sur les moyens d'informer les personnes qui s'installent ou envisagent de s'installer dans un logement urbain de l'exposition aux bruits diurnes et nocturnes de ce logement ».

Très franchement, je ne vois pas comment, compte tenu de la position adoptée sur cette question par M. le secrétaire d'État tant avant l'été en commission que tout dernièrement au banc des ministres dans cet hémicycle, le Gouvernement pourrait s'opposer à l'adoption de cet amendement.

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

J'espérais, monsieur le ministre, que vous développeriez quelque peu votre argumentation car après le long débat que nous avons eu sur cette question avec M. le secrétaire d'État chargé de la consommation, j'avais bien compris que faute d'avoir de compétence en matière de santé publique, il n'était pas en situation d'apporter une réponse.

Le bruit est bien en effet – vous en conviendrez au poste de responsabilité qui est le vôtre – une question de santé publique. Par conséquent, l'idée assez simple qui consiste à prévenir ceux qui sont en phase d'acquisition d'un logement de l'existence d'une possible nuisance sonore importante concerne aussi la santé publique.

Je ne sais si mon intervention sera à même de vous convaincre de nous apporter une réponse sur le fond à une question qui relève de votre compétence, mais je le souhaite très vivement, sachant que nous n'avons eu ni la chance ni le bonheur de vous avoir sur ces bancs pendant les cinq jours qu'a duré l'examen du texte sur la consommation.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Éric Berdoati.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Berdoati

J'ai entendu l'exposé de Mme la rapporteure, et l'on ne peut que souscrire à son intention louable de trouver les moyens d'informer nos concitoyens avant qu'ils n'acquièrent un bien. L'amendement soulève cependant une problématique bien d'aujourd'hui, à savoir la tendance à prendre en charge chacun de nos concitoyens avant qu'il ne fasse quelque chose. Jusqu'où ira-t-on ?

Je prendrai un exemple tiré du droit de l'urbanisme. Souvent ce n'est qu'après avoir acheté un bien que l'acquéreur, venu déposer une déclaration préalable de travaux ou une demande de permis de construire, s'aperçoit alors que sinon le code de l'urbanisme du moins le plan d'occupation des sols ou le plan local d'urbanisme de la commune en question ne permet pas la transformation souhaitée. Quand vous êtes maire comme c'est mon cas, vous vous faites alors incendier. Certes, le notaire aurait pu faire son travail en donnant peut-être ce que l'on appelle par ailleurs le consentement éclairé, mais, surtout, nul n'est censé ignorer la loi. Lorsque l'on achète un bien – et Dieu sait combien la chose est difficile aujourd'hui car l'on s'engage souvent par le biais d'un prêt qui met parfois en cause l'équilibre économique même des foyers – il est pour le moins précautionneux de se renseigner sur la possibilité d'évolution de l'environnement en termes d'urbanisme. On n'achète pas un appartement ou un petit pavillon de banlieue sans jamais s'y rendre pour voir ce qu'il y a à proximité.

Anticiper, faire de la prévention, permettre aux gens d'avoir une vision plus éclairée est louable et souhaitable. Mais jusqu'où irons-nous – nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en rediscuter lors de l'examen d'autres propositions de loi cet après-midi – dans la prise en charge de la responsabilité individuelle de chacun ?

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

À partir du moment où la position du Gouvernement sur ce texte est connue, demander dans le même mouvement un rapport et un avis favorable montre pour le moins une légère contradiction.

Par ailleurs, si je suis bien le ministre en charge de la santé, les questions abordées ont un lien avec l'environnement et donc avec le ministère de Nathalie Kosciusko-Morizet.

Enfin, je rejoins l'argumentation de M. Berdoati s'agissant de savoir s'il faut vraiment des rapports sur des points qui, honnêtement, obéissent à de simples règles de bon sens. Faire une acquisition, c'est quelque chose sur lequel vous vous renseignez.

Nous n'allons pas, sur la base de la proposition de loi de M. Warsmann, jouer sur l'interprétation de l'article 40, mais faut-il vraiment demander à chaque fois un rapport alors que rien ne dit que la publication d'un tel document règle en quoi que ce soit les problèmes soulevés ?

(Le vote sur l'amendement n° 7 est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

Je suis saisi d'un amendement n° 8 .

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je me permettrai d'abord, en réponse à M. le ministre, de souligner une fois de plus le changement de pied permanent du Gouvernement sur une même question. Votre position, monsieur le ministre, ne correspond absolument pas à celle de votre collègue M. Lefebvre sur le même sujet.

Quel que soit le groupe dont elle émanait, aucune des interventions faites dans cet hémicycle n'a sous-estimé la souffrance en la matière et la nécessité d'une diffusion de l'information sur le bruit et sur les moyens de s'en prémunir pour prévenir les conflits. Je regrette donc vraiment votre réponse sur ce vrai sujet alors que l'on ne vous demande pas de légiférer, mais juste de faire le point sur ce qui fonctionne ou pas, voire sur ce qui demanderait des moyens de la part de l'exécutif. Je pense, par exemple, à la désignation dans chaque commissariat d'un correspondant bruit. Il faut en effet le savoir, mes chers collègues, il n'existe pas de numéro d'urgence en la matière. La préfecture de police a d'ailleurs elle-même lancé une campagne d'information pour dissuader les riverains d'appeler les numéros d'urgence et pour les orienter vers les commissariats de quartier. Il ne tient donc qu'au Gouvernement de donner les moyens aux commissariats d'avoir partout en France des correspondants bruit pour prendre en compte ce vrai sujet, qui, je le répète, constitue une vraie souffrance pour nombre de nos concitoyens.

Pour en venir à l'amendement n° 8 , le Gouvernement va probablement m'expliquer qu'il se trouve dans l'incapacité de remettre un rapport sur l'évaluation de la mise en oeuvre de l'article 15 du décret n° 2009-1652 du 23 décembre 2009 qui tend à autoriser, sans durée limitée dans le temps, l'ouverture jusqu'à sept heures du matin de certains établissements.

Certains collègues se sont interrogés sur l'égalité de traitement notamment entre Français, mais le fait que certains établissements qui reçoivent du public la nuit puissent ouvrir jusqu'à sept heures du matin sans que leur autorisation soit soumise à renouvellement tous les trois ou six mois ne semble pas leur poser de grandes difficultés.

Avant que l'on m'oppose une fin de non-recevoir sur l'ensemble du texte, je tiens tout de même à souligner que ce dont nous avons parlé aujourd'hui n'est pas un sujet de simple divertissement. Au-delà de notre rayonnement, il y a à la clef une compétition internationale, mais surtout des emplois, ce qui est une préoccupation qui devrait tous nous réunir sur ces bancs.

Ce matin même, le syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs nous a transmis des chiffres que je regrette de n'avoir pu faire figurer dans mon rapport. Il en ressort que 47 % des commerçants seraient prêts à embaucher de nouveaux salariés si une autorisation de principe non provisoire leur était délivrée – elle pourrait évidemment être remise en cause en cas de manquement. Ils sont encore 37 % à se prononcer dans ce sens dans l'hypothèse où l'autorisation ne serait accordée que pour une seule année. Pour 45 % de ceux qui embaucheraient, cela permettrait de créer deux postes supplémentaires.

Certains d'entre vous considèrent que le texte dont nous discutons est anecdotique ; ce n'est pas le cas. Cette proposition de loi parle de la vie en société, du vivre ensemble, de la reconnaissance d'un secteur d'activité, de l'instauration de médiation. Nous parlons de favoriser les bonnes pratiques, de réconcilier les Français avec la politique au sens noble du terme en permettant aux élus d'assumer les responsabilités qu'on leur donnerait enfin. Nous parlons de création d'emplois et de prise en compte d'activités qui ne sont absolument pas considérées aujourd'hui.

Mes chers collègues, je vous remercie d'examiner avec un regard attentif et bienveillant le dernier amendement que j'ai déposé sur ma proposition de loi.

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement.

Madame Mazetier, vous me pardonnerez cet aveu mais j'assume mes propos : chez moi, le maire n'est jamais très loin du ministre.

Vous avez raison, nous ne discutons pas d'un petit sujet. Il s'agit d'un vrai problème. Pour ma part, dans ma mairie de Saint-Quentin, je suis confronté régulièrement, peut-être pas tous les lundis mais cela est très fréquent, aux problèmes de voisinage qui se posent avec certains établissements le samedi soir – le cas s'est à nouveau produit le week-end dernier. Cependant, un rapport ne réglera rien. Ce n'est pas ainsi que vous provoquerez une prise de conscience.

Bien souvent, les problèmes se règlent plutôt grâce aux relations qui ont pu être établies avec les différentes autorités publiques.

Il ne s'agit pas de minorer cette question, mais je ne crois pas que la réponse se situe au niveau que propose votre amendement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je viens de dire le contraire !

(Le vote sur l'amendement n° 8 est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. le vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Mme Mazetier qui a rapporté sa proposition de loi devant la commission des lois et dans notre hémicycle avec la fougue qui la caractérise a signalé tout à l'heure très furtivement que la commission avait repoussé l'ensemble des amendements ; je veux également rappeler que la commission a repoussé la proposition de loi dans son ensemble.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de tout amendement, et sur l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienM, président

Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition, auront lieu le mardi 11 octobre, après les questions au Gouvernement.

Application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution

Debut de section - PermalienM, président

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante.)

Debut de section - PermalienM, président

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Victorin Lurel et plusieurs de ses collègues tendant à prohiber la différence de taux de sucre entre la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d'outre-mer et celle des mêmes produits vendus dans l' Hexagone (nos 3574, 3767).

La parole est à M. Victorin Lurel, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mes chers collègues, les dispositions de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, adoptées par une large majorité de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, visent à lutter contre ce fléau de l'obésité que l'Organisation mondiale de la santé n'hésite pas à qualifier d'épidémie et qui touche nos régions d'outre-mer avec une acuité particulière.

Cette proposition de loi nullement partisane s'appuie sur un double constat objectif et partagé.

Premier constat : les statistiques globales de la prévalence de l'obésité en France dissimulent des écarts importants entre la France hexagonale et l'outre-mer.

En décembre 2009, le rapport au Président de la République de la commission pour la prévention et la prise en charge de l'obésité soulignait déjà que la situation dans les collectivités d'outre-mer était « une source de préoccupation majeure ». Des données plus récentes confirment qu'elle touche tout particulièrement nos régions d'outre-mer. Une enquête dite PODIUM, pour prévalence de l'obésité, de sa diversité et de son image ultra-marine, menée à l'initiative de mon ami le docteur André Atallah, qui assiste à nos débats depuis les tribunes, a ainsi montré sans conteste que l'obésité et le surpoids demeurent à des niveaux significativement plus élevés dans les collectivités ultramarines qu'en France hexagonale, tant chez l'adulte que chez l'enfant.

Cette situation spécifique de l'outre-mer est d'autant plus préoccupante que l'obésité favorise nombre de pathologies associées comme la survenue de diabète, l'hypertension artérielle, des maladies cardiovasculaires et respiratoires ou encore les caries dentaires. Le lien entre sucre, obésité, caries, hypertension et maladies cardio-vasculaires et respiratoires est avéré.

Certes, l'obésité est un phénomène multifactoriel et il n'est donc pas exclu que des facteurs culturels, sociaux ou économiques expliquent en partie les différences territoriales enregistrées entre les régions d'outre-mer et 1' Hexagone. Toutefois, la responsabilité des groupes industriels de l'agroalimentaire dans la progression de l'obésité outre-mer et des autres pathologies ne doit pas pour autant être négligée.

En effet, et c'est le deuxième constat sur lequel s'appuie cette proposition de loi, certaines pratiques discutables de l'industrie agroalimentaire viennent encore accentuer ces problèmes d'obésité spécifiques à l'outre-mer.

En premier lieu, plusieurs produits de consommation courante distribués outre-mer, tout spécialement des spécialités laitières et des sodas, ont très souvent une concentration en sucre supérieure à celle des mêmes produits de marques identiques vendus en France hexagonale.

Lorsqu'on les interroge sur cette bizarrerie, les groupes nationaux concernés font valoir que la commercialisation outre-mer de leurs produits est le plus souvent sous-traitée par des groupes locaux. De ce fait, ils ne s'estiment pas responsables des différences de teneur en sucres. Ils expliquent les différences de teneur en glucides principalement par des différences de « process » de fabrication, l'absence de lait frais en outre-mer obligeant à recourir à des poudres de lait plus riches en lactose. Environ la moitié des écarts constatés proviendrait ainsi, disent-ils, du lactose, ce qui laisse donc subsister encore un écart résiduel significatif avec la France hexagonale.

Cet argument n'est, par ailleurs, pas pertinent pour les trois raisons suivantes.

Le lactose est un glucide qui ne fait pas partie des sucres dits « ajoutés », au sens où on l'entend dans le secteur alimentaire et dans les informations portées sur les emballages de yaourts : il n'est donc pas visé par ma proposition de loi.

Ensuite, il est absolument faux d'affirmer que l'utilisation de lait en poudre ne permet pas de fabriquer des yaourts moins chargés en matière – protéines, lipides et glucides –, donc en lactose : nos producteurs locaux sont donc tout à fait capables de produire des yaourts moins riches. D'ailleurs, ils le font déjà pour des marques de distributeur comme « comté de Lohéac » en Guadeloupe.

Mais, enfin, le problème porte surtout sur les yaourts sucrés ou aux fruits. Des analyses, qui seront présentées très prochainement, dans quelques heures, montreront qu'au-delà du lactose, dans les yaourts sucrés ou aux fruits, nos producteurs locaux ajoutent nettement plus de saccharose ou de sirop de glucose-fructose, donc de sucres, que dans les produits équivalents vendus dans l'Hexagone.

De façon indirecte, les industriels laissent parfois également penser que les consommateurs d'outre-mer préfèrent les produits les plus sucrés et que si leurs franchisés locaux baissaient la teneur en sucre de leurs produits, ce seraient leurs concurrents qui en bénéficieraient, alors même qu'il n'existe aucun argument scientifique pour étayer l'existence chez les populations de l'outre-mer d'un goût particulier pour les aliments riches en sucres.

À cet égard, on peut d'ailleurs évoquer un colloque qui se tiendra très bientôt sur le phénomène de l'empreinte nutritionnelle et celui de la transmission épigénétique : le goût se transmet, et parfois, hélas, s'inscrit dans les gènes, créant addiction. Et ces habitudes se prennent entre la naissance et l'âge de trois ans.

En second lieu, certaines boissons comme les sodas locaux, distribuées quasi exclusivement outre-mer, contiennent un taux de sucre très élevé. Ces teneurs très élevées en sucres sont d'autant plus critiquables que le consommateur, le plus souvent, n'en est pas informé, puisque l'étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires reste encore facultatif en Europe et en France.

Or, il est désormais bien établi qu'une consommation excessive de sucres est un des facteurs qui favorisent l'obésité.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES indique ainsi que « les effets délétères des glucides ont pu être établis avec certitude vis-à-vis du développement du surpoids et de l'obésité chez les enfants et les adolescents, dans les pays industrialisés. D'après des études menées en France, en Grande-Bretagne et aux États- Unis, une consommation excessive de glucides, et en particulier de glucides simples ajoutés, notamment sous forme de boissons (jus de fruits, sodas...) serait responsable du développement du surpoids et de l'obésité chez les enfants et les adolescents ».

Au regard de ce double constat, on ne peut que regretter que la nécessité d'une politique de santé publique spécifique à 1'outre-mer en matière d'obésité commence à peine à être prise en compte.

Le plan national obésité 2011-2013 insiste certes, pour la première fois, sur la nécessité de « prendre en compte les situations spécifiques de l'outre-mer », mais en se contentant trop souvent de recommandations et d'appels à de bonnes pratiques commerciales.

Je voudrais ici examiner rapidement les trois types d'arguments qui ont été avancés pour s'opposer à la présente proposition de loi. Ils ne résistent pas à une analyse sérieuse.

On a vanté, en premier lieu, les vertus des engagements volontaires. Lors des nombreux échanges que j'ai eus avec les principaux acteurs de l'industrie agroalimentaire outre-mer, ceux-ci se sont en effet montrés réservés sur la nécessité de recourir à la loi et ont indiqué préférer que des partenariats se nouent sur la base d'engagements volontaires.

Lors de votre déplacement à Fort-de-France en juillet 2011, monsieur le ministre, vous avez dit partager nos préoccupations, mais déclaré privilégier la voix de la concertation, en annonçant que vous alliez, à cet effet, mandater les directeurs des agences régionales de santé ultramarines pour engager des discussions avec les fabricants afin d'envisager ensemble les moyens permettant de diminuer rapidement la teneur en sucres des produits alimentaires transformés. Nous devions avoir quelques résultats, disiez-vous, à la rentrée. Nous sommes en pleine rentrée, et aucun changement concret n'a jusqu'ici eu lieu.

Je note néanmoins que tant le ministère de la santé que les industriels de l'agroalimentaire ont reconnu à cette occasion que des produits de consommation courante ont une concentration en sucre supérieure à celle des mêmes produits de même marque vendus en France hexagonale et que certaines boissons comme les sodas locaux, distribuées principalement outre-mer, contiennent un taux de sucre très élevé. Force est également de constater que le ministère de la santé comme les industriels de l'agroalimentaire ont admis qu'il est techniquement possible et souhaitable de faire diminuer la teneur en sucres de certains produits distribués outre-mer.

Il est vrai que, dans le cadre du programme national nutrition santé, des chartes d'engagement volontaire de progrès nutritionnel ont été proposées, depuis 2007 – et même depuis 2001, c'est-à-dire il y a déjà dix ans –, aux exploitants du secteur alimentaire. Cela n'a, jusqu'ici, rien donné.

Toutefois, la commercialisation outre-mer des produits des groupes nationaux étant le plus souvent sous-traitée par des groupes agroalimentaires locaux franchisés, les engagements volontaires des groupes nationaux n'engagent pas juridiquement les franchisés locaux.

Par ailleurs, l'engagement dans une démarche volontaire d'abaissement des teneurs en sucres par les franchisés se heurterait de toute façon à une limite évidente : si tous les opérateurs ne s'engagent pas, ceux qui acceptent volontairement de réduire les teneurs en sucres prennent le risque de perdre des parts de marchés.

La démarche purement volontaire trouve donc rapidement ses limites. Je note d'ailleurs, incidemment, que le projet du Gouvernement d'instaurer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, une taxation des boissons sucrées illustre de façon parfaite que la lutte contre l'abus de sucres fait partie intégrante d'une politique de santé publique qui doit trouver une traduction législative pour s'imposer à tous.

Pour ma part, je considère qu'il serait paradoxal de s'en remettre à la seule bonne volonté des acteurs économiques à un moment où chacun s'accorde pourtant sur les limites d'un libéralisme non régulé et encadré.

Deuxièmement, il a été avancé que la loi serait une méthode trop brutale, qui stigmatiserait injustement certains opérateurs économiques et les priverait de marges de manoeuvre. Je tiens à dire que j'ai entendu ces critiques et que la commission a, suivant mes propositions, assoupli le dispositif juridique sans pour autant le dénaturer.

Ainsi, de façon à permettre aux industriels de modifier leurs processus de fabrication et de disposer d'un délai avant l'entrée en vigueur de l'interdiction prévue à l'article 1er, celle-ci n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2013.

De plus, pour ne pas stigmatiser les industriels des deux seuls secteurs agroalimentaires des boissons sans alcool et des spécialités laitières, le dispositif de l'article 2 a été étendu aux principales denrées alimentaires distribuées dans les régions d'outre-mer : viennoiseries, pâtisseries, barres chocolatées, que sais-je encore.

En définitive, cette proposition de loi ne supprimera pas la possibilité de recourir à des chartes volontaires d'engagement nutritionnel pour l'outre-mer. La loi ne constitue en effet que le socle minimal d'une politique de santé publique, plus vaste, de lutte contre l'obésité. Cette politique doit impérativement se développer dans les collectivités ultramarines avec la collaboration de toutes les parties intéressées. Il sera, notamment, toujours loisible aux industriels d'aller plus loin que les exigences a minima de la loi pour prouver leur réelle volonté de diminuer les teneurs en sucres des produits qu'ils distribuent outre-mer.

En troisième et dernier lieu, il a été indiqué que ces mesures ne relevaient pas du domaine de la loi. La compétence du législateur est au contraire parfaitement fondée en droit. En effet, il s'agit ici d'apporter une garantie légale à des exigences constitutionnelles.

Je rappelle en effet que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui fait partie de notre « bloc de constitutionnalité », dispose que la Nation garantit à tous, notamment à l'enfant et à la mère, la protection de la santé. Je rappelle également que le Conseil constitutionnel a érigé en objectif de valeur constitutionnelle la protection de la santé publique.

Par ailleurs, l'interdiction édictée par cette proposition de loi limitera nécessairement, nous le reconnaissons, l'exercice de certaines libertés publiques, comme la liberté du commerce et de l'industrie et la liberté d'entreprendre, qui sont des principes constitutionnels. Or, l'article 34 de notre Constitution, qui définit le domaine de la loi, dispose explicitement que « la loi fixe les règles » concernant « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Si le Conseil constitutionnel a jugé que la liberté d'entreprendre n'est ni générale ni absolue et qu'il est toujours loisible d'y apporter des limitations exigées par l'intérêt général, il a rappelé que c'est « au législateur », et non au pouvoir réglementaire, d'apporter ces limitations. Celles-ci sont précisément l'objet de la présente proposition de loi.

Devrions-nous donc accepter, chers collègues, alors que la Constitution nous l'autorise et que le Gouvernement lui-même nous annonçait, il y a encore peu, une prochaine révision de la loi de santé publique du 9 août 2004, de considérer aujourd'hui que ce sujet n'est plus de la compétence du législateur ?

Je crois que c'est tout au contraire l'honneur de notre Parlement que d'intervenir aujourd'hui, par la loi, avec toute la force symbolique dont elle est entourée, dans ce sujet majeur de santé publique que constitue la lutte contre l'épidémie d'obésité qui touche les populations d'outre-mer et de rétablir ainsi une égalité de traitement entre ces dernières et la France hexagonale.

Les objections du secteur agroalimentaire ont été entendues, les arguments de la majorité parlementaire ont été intégrés et la forte attente des professionnels de santé et des opinions publiques satisfaites.

Je crois pouvoir dire que c'est une belle oeuvre, consensuelle, à n'en pas douter, que j'invite la représentation nationale à adopter. N'embarrassez ni votre raison ni votre coeur de considérations étrangères à la protection de la santé publique. Montrons que l'Assemblée nationale a su se mettre à hauteur d'espérance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi que nous allons examiner ensemble pose une vraie question de santé publique : la lutte contre le surpoids et l'obésité est un enjeu majeur pour tous les Français, dans l'Hexagone comme outre-mer. J'y insiste : dans l'Hexagone comme outre-mer.

Une alimentation équilibrée, c'est une meilleure prévention des maladies cardiovasculaires, des cancers, du diabète, de l'obésité.

Cette question, le Gouvernement y attache depuis longtemps la plus grande importance. La lutte contre l'obésité constitue une priorité nationale voulue par le Président de la République. Nous avons ainsi, en juillet dernier, lancé avec Nora Berra le plan obésité en même temps que la troisième édition du programme national nutrition santé.

La proposition de loi proposée repose sur un bon diagnostic, que nous partageons tous, sur tous les bancs. Le principe de diversification de l'offre alimentaire est louable, bien évidemment. Mais, et nous y reviendrons, sur un plan concret et pratique, sa faisabilité apparaît improbable, et son efficience réelle est discutable.

Je dis cela sans passion. Je le dis sans faire droit à aucune considération autre que celle de la santé publique, monsieur le rapporteur.

Je pense sincèrement que ce texte ne permet pas d'atteindre l'objectif final que nous poursuivons.

Je voudrais commencer par dire que s'attaquer au problème du surpoids et de l'obésité dans les régions d'outre-mer, c'est un objectif que nous partageons. Le diagnostic que vous faites outre-mer, nous le partageons partout sur le territoire.

J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire cet été, lors de mon déplacement avec Marie-Luce Penchard aux Antilles et en Guyane.

Bien que nous observions aujourd'hui une stabilisation du surpoids et de l'obésité chez l'enfant, je ne me satisfais pas, en tant que ministre de la santé, de la situation actuelle. On constate en effet, chez l'adulte, une progression depuis plusieurs années. Cette tendance s'observe partout en France. Elle s'observe particulièrement outre-mer.

Vous connaissez les chiffres tout comme moi : en Guadeloupe, la prévalence de l'obésité est de 10 % chez les hommes et de 25 % chez les femmes contre 16 % pour les hommes et les femmes en France métropolitaine. Chez l'enfant, elle est de 7 % contre 3,5 % en métropole. Le double ! Cette différence est inacceptable. Et elle ne constitue en rien une fatalité.

Même si je ne pense pas que le sujet soit propre aux Antilles, vous avez raison, monsieur le rapporteur, de souligner que la situation qui y prévaut exige une mobilisation renforcée des autorités sanitaires et des professionnels de l'alimentation.

Vous avez raison, M. le député, la situation dans les Antilles exige une mobilisation renforcée des autorités sanitaires et des professionnels de l'alimentation : il faut améliorer la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire et encourager nos concitoyens, y compris ultramarins, à adopter des comportements alimentaires plus favorables à leur santé.

Ce diagnostic étant partagé, venons-en maintenant à votre proposition de loi.

L'objectif est d'éviter qu'un produit de même marque soit plus sucré outre-mer qu'en France métropolitaine. Les produits concernés seraient notamment les yaourts, les sodas et jus de fruits, les confiseries, les viennoiseries, les pâtisseries, les barres chocolatées ainsi que les céréales du petit-déjeuner.

Cependant votre proposition de loi ne s'appliquerait pas aux produits locaux ou importés des États-Unis. Mais alors, comment faire ? Comment justifier cette différence de traitement ? Or, les Antilles sont dans la zone commerciale des États-Unis et de l'Amérique du sud. Cela veut dire concrètement que votre proposition n'atteint pas sa cible.

J'ai beau être également ministre du travail et de l'emploi, le seul critère qui vaille à mes yeux est celui de la santé. Je n'évoquerai donc pas la distorsion de concurrence dont pâtiraient les entreprises françaises par rapport à celles des Etats-Unis : mon seul souci est d'atteindre la cible, mais les consommateurs auront toujours accès à des produits qui ne subiront pas les mêmes contraintes, en provenance notamment des États-Unis.

L'objectif est également de fixer pour des produits distribués dans les seules régions d'outre-mer, une teneur maximale en sucres. Pour cela, il faudrait réglementer la composition ou la recette d'un produit, ce qui n'existe pas en métropole. Vous souhaitez légitimement une égalité de traitement entre métropolitains et ultramarins – nous y sommes évidemment tous favorables, et la ministre de l'outre-mer a été très claire sur ce point – mais pour y parvenir, vous proposez une loi d'exception. C'est contradictoire. On m'a expliqué aux Antilles que trouver une solution qui n'apparaisse pas comme une loi d'exception avait du sens aux yeux des ultramarins.

Certains me disent également que c'est contraire au droit européen, qui n'impose pas l'étiquetage d'une teneur limite en sucres dans les denrées alimentaires. On peut discuter de la validité de ce critère, mais pour moi, c'est surtout contraire au bon sens.

Pour autant, cela ne veut pas dire qu'il ne faille rien faire. Comme j'ai eu l'occasion de le dire cet été lors d'un déplacement outre-mer, je pense que l'on peut, que l'on doit agir autrement, et de manière adaptée, dans la mesure où nous disposons déjà d'un certain nombre de leviers.

Il faut d'abord savoir de quoi il est précisément question. L'état des lieux détaillé de la composition nutritionnelle des aliments vendus en régions d'outre-mer est un préalable nécessaire

Avec Frédéric Lefebvre, le secrétaire d'État chargé du commerce, nous avons demandé à ses services de recueillir des informations sur la composition des produits étudiés.

Ces données seront progressivement complétées par celles de l'Observatoire de la qualité de l'alimentation, l'OQALI, dont le périmètre a été élargi aux DOM, afin de disposer des données exhaustives de composition nutritionnelle transmises par les opérateurs économiques locaux.

Parallèlement à cet état des lieux, le Gouvernement a souhaité engager dès à présent des concertations avec les producteurs. Ce ne sont pas des concertations pour l'affichage, mais bien pour faire changer les choses. Nous allons agir pour diminuer rapidement la teneur en sucre des produits alimentaires transformés. Le fait même que nous débattions de ce texte démontre aux producteurs qui ne l'auraient pas encore compris que les choses changent, et que la question de la lutte contre l'obésité n'est pas une option pour les responsables publics et économiques. Il faut également valoriser les circuits courts de production et de distribution des produits locaux.

En plus des teneurs en sucre, cette démarche permettra d'avoir une action sur d'autres aspects importants de l'offre, comme la teneur en matières grasses ou en sel. Vous avez évoqué l'hypertension artérielle : c'est le sel qui en explique aussi la prévalence, notamment dans les DOM.

Monsieur le député, une autre limite de ce texte, c'est qu'il n'encadre que le sucre alors qu'on sait que l'obésité ne se résume pas à ce seul facteur.

Voilà pourquoi, en lien avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, j'ai demandé aux directeurs généraux des agences régionales de santé de réunir les pôles de l'offre alimentaire, qui associent déjà les producteurs, les industriels et les distributeurs locaux, pour accélérer la démarche du Programme national nutrition santé.

Nous demandons des engagements concrets aux fabricants pour améliorer la qualité des produits industriels et diversifier l'offre alimentaire.

Nous allons aussi travailler avec les associations de consommateurs, les associations de recherche et les médecins pour améliorer les comportements alimentaires.

J'ai évoqué le PNNS : il constitue, avec le Programme national de l'alimentation, le volet préventif du plan obésité. Après dix ans, les premiers résultats sont là, et ces résultats montrent une évolution des comportements alimentaires dans notre société. Il n'était que temps, il est vrai.

Par exemple, le nombre d'adultes consommant cinq fruits et légumes par jour, ce fameux slogan dont certains se sont gaussés à une époque, a augmenté de 16 %. La pratique de l'activité physique a également largement progressé dans la population.

Le secteur de l'alimentation a aussi fait des efforts : ainsi, vingt-huit chartes d'engagements volontaires de progrès nutritionnel ont été signées à ce jour, ce qui concerne des centaines de PME. C'est bien ; ce n'est pas assez ; c'est une base pour aller plus loin.

Ces chartes ont eu des conséquences importantes : pour les quinze premières chartes, les engagements ont conduit au retrait chaque année de 13 000 tonnes de sucre, 4 000 tonnes de lipides, 2 150 tonnes d'acides gras saturés et 230 tonnes de sel.

Ces évolutions de l'offre alimentaire et des comportements induits par le PNNS ont sans aucun doute contribué à infléchir la dynamique de l'épidémie, en stabilisant le nombre d'enfants en surpoids.

Dans les régions d'outre-mer, les producteurs et distributeurs de l'agroalimentaire ont commencé, mais seulement commencé, à améliorer la qualité des produits. En ce qui concerne les yaourts, les taux de sucres rajoutés ont évolué à la baisse depuis 2005 d'environ 15 %. Ce n'est pas suffisant.

Ces démarches sont reprises dans la nouvelle version du PNNS 2011-2015 ainsi que dans le Plan obésité. Il y aura aussi très prochainement un volet spécifique pour l'outre-mer, transversal à chacun de ces plans.

Ce volet outre-mer du PNNS poursuit plusieurs objectifs.

Tout d'abord, il vise à promouvoir des comportements alimentaires plus favorables à la santé, sachant que les produits sucrés ont la préférence des consommateurs, notamment des enfants : il faut changer les habitudes alimentaires.

Le deuxième grand objectif est de travailler en lien avec les recteurs, les associations et les collectivités locales afin de développer l'éducation nutritionnelle dans les écoles, d'améliorer la qualité nutritionnelle des repas scolaires et d'encourager la pratique de l'activité physique à l'école. Le sport, ce n'est pas simplement en jeu vidéo ! Il faut aussi dissuader la consommation de soda sucré à l'école et y favoriser l'implantation des fontaines d'eau. J'ai lancé ce débat lors d'une visite à l'agence régionale de santé afin de chercher comment modifier les comportements. Je connais les cultures locales, et la présence de camions situés devant la sortie de l'école pendant la récréation, et qui fournissent les enfants qui viennent y consommer, malheureusement pas des fruits et des légumes !

Il y a un poids des habitudes. Cela ne signifie pas qu'il ne soit pas possible de les changer.

Cette question des fontaines d'eau n'est pas anecdotique : l'objectif est de boire moins de boissons sucrées, et beaucoup plus d'eau. Combien y a-t-il de fontaines à eau dans toutes les écoles de la région ? Cette question, je la pose aux recteurs. Vous proposez une loi, pour ma part, je veux des actions concrètes. Elles peuvent être engagées sans attendre le vote d'une loi.

Cette démarche incitative du PNNS va être complétée par celle du Programme national de l'alimentation. Ce dernier prévoit que l'État incite les opérateurs du secteur agroalimentaire à mettre en oeuvre des accords collectifs par famille de produits, avec des objectifs en matière de qualité nutritionnelle. Nous serons particulièrement attentifs à ce que la question du sucre soit traitée avec efficacité. Mon ministère suit cette question, ainsi que le ministère de l'outre-mer, et Marie-Luce Penchard est totalement mobilisée sur ce dossier.

Sur le volet de l'offre, nous allons continuer à diversifier les productions agricoles locales en faveur de l'autosuffisance alimentaire pour répondre aux attentes des populations d'outre-mer.

Comme nous venons de le voir, cette proposition de loi repose sur un diagnostic que nous partageons, mais elle constitue une réponse partielle et difficile à mettre en oeuvre. Le seul fait qu'elle ne s'applique qu'aux produits élaborés en métropole et outre-mer en montre les limites. Nous n'avons pas la garantie que les comportements changeront. Certains diront que ce n'est qu'un début mais je sais pertinemment que si l'on n'engage pas une action locale, nous n'atteindrons pas l'objectif.

Je ne veux pas me donner bonne conscience ; j'ai pour habitude de chercher à régler les problèmes globalement, et non pas partiellement. Voilà pourquoi le Gouvernement juge préférable, aujourd'hui, de s'appuyer sur l'approche concertée et globale que nous avons lancée : non seulement nous agissons sur l'offre, mais nous faisons aussi travailler ensemble les acteurs concernés sur les comportements et les représentations des consommateurs.

Pour être pleinement efficace, la lutte contre l'obésité suppose d'agir simultanément sur l'ensemble des déterminants, qu'ils soient comportementaux ou environnementaux. Ce n'est pas le cas de ce texte ; le Gouvernement émettra donc un avis défavorable à cette proposition de loi. Mais une chose est certaine, toutes celles et ceux qui produisent et distribuent outre-mer doivent comprendre que les temps ont changé, et que nous voulons des accords couronnés de succès, et certainement pas que l'on s'éternise dans des débats sans fin pendant que l'obésité progresse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienM, président

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Christiane Taubira, pour cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Monsieur le président, monsieur le ministre, cinq minutes, c'est toujours très vite passé ; je vais tâcher de dire l'essentiel.

Comme le rapporteur et le ministre l'ont souligné, il s'agit bien d'un problème de santé publique. Par conséquent, il doit être pris en considération avec les critères d'exigence les plus élevés.

Je vais donner quelques indications concernant l'état des lieux en Guyane, en me référant à plusieurs études : l'une d'elles a été conduite sur des élèves de CE2 durant l'année 2009-2010 ; une autre, l'étude Carambole, donne des indications sur la consommation de fruits et de légumes ; l'enquête Podium porte sur une population d'enfants de cinq à quatorze ans ; une autre étude a permis d'étudier le comportement des adolescents concernant l'hygiène alimentaire, notamment dans le contexte immédiat de leurs établissements scolaires. Enfin, une étude d'odontologie a été conduite dans certaines zones particulières, notamment les communes et villages du Haut-Maroni et de l'Oyapok, qui sont les deux fleuves frontaliers de la Guyane.

Quelques chiffres permettront de donner une idée de la situation. La prévalence de surcharge pondérale est de 18,4 % en Guyane, soit un différentiel de 0,8 % par rapport à la moyenne nationale. Mais cette donnée est très trompeuse, comme on le voit lorsqu'on distingue le degré I, le surpoids, et le degré II, l'obésité : le surpoids n'est que de 12 %, comparé à une moyenne nationale de 14 %, mais l'obésité touche 6,8 % des Guyanais alors que la moyenne nationale est de 3,9 %. Le différentiel de 0,8 % est donc profondément trompeur, puisque la prévalence de l'obésité chez nous est inquiétante.

Il est important d'étudier les indicateurs et les comportements qui favorisent la surcharge pondérale. La consommation de sucre en fait partie, et le rapporteur a signalé la différence de teneur en sucre des produits consommés outre-mer par rapport à ceux consommés dans l' Hexagone. Je conviens avec vous, monsieur le ministre, que cela ne couvre pas la totalité du spectre de la consommation. Ceci étant, une proposition de loi, cela s'amende, et si vous aviez le souci d'élargir le spectre de consommation, il était possible d'y ajouter les graisses. L'une des études que j'ai citée fait apparaître que 84 % des enfants et adolescents sont conscients de la nécessité de consommer cinq fruits et légumes par jour, mais les prix sont à un tel niveau que les produits sucrés à faible valeur nutritionnelle, mais à fort niveau énergétique sont meilleur marché.

Nous nous souvenons du mouvement social qui, pendant quelques semaines en 2009, a paralysé les activités économiques et la vie sociale en outre-mer. Il portait des revendications parfaitement légitimes, notamment celle de mettre un terme à un coût de la vie inexplicablement élevé, et à des situations de rente et de monopole, à des abus de position dominante, qui font que sur les produits de première nécessité, les prix pouvaient être de 40 % à 200 % plus chers que dans l' Hexagone.

Tous les problèmes n'ont pas été résolus. Les négociations qui avaient abouti à des accords entre les distributeurs, les importateurs et les représentants des consommateurs avaient permis d'établir la liste d'une série de produits de première nécessité, qui feraient l'objet d'une baisse significative du prix de détail. On s'est assez rapidement rendu compte que ces produits avaient disparu des rayons. Par conséquent, lorsque le monde économique est en position dominante, il s'organise toujours, en fait, pour avoir une longueur d'avance et réagir, y compris aux luttes sociales.

Vous l'avez dit, il y a les sucres, les graisses, les fruits et légumes – on sait qu'il faut les consommer, mais on n'en a pas toujours les moyens –, l'hygiène alimentaire avec les marchands ambulants aux abords des écoles, des collèges et des lycées, qui incitent aussi à la consommation. Il y a aussi de grandes disparités géographiques en Guyane, je l'ai dit. Selon l'étude précitée, par ailleurs, on constate une situation catastrophique chez les enfants de moins de six ans du point de vue de l'hygiène bucco-dentaire. Il est donc nécessaire d'intervenir très directement dans ce domaine.

Il y a évidemment d'autres indicateurs, comme la sédentarisation, et notamment le temps passé devant la télévision ou les jeux vidéo. Vous disiez, monsieur le ministre, vouloir interroger les recteurs. Vous apprendrez que chez nous 55 % des écoles ne disposent d'aucun équipement sportif et qu'il n'y a pas de cantines dans 31 % des établissements. On sait bien que la cantine est souvent le seul lieu où les enfants peuvent prendre un repas équilibré. Il faut donc considérer tous ces aspects. Il y a urgence à intervenir. Vous avez raison, il ne faut pas seulement considérer les produits qui viennent de l' Hexagone. Le long du Maroni et de l'Oyapock, on trouve ainsi des « chéri bibi » : ce sont de jolies friandises extrêmement sucrées, qui ne subissent aucun contrôle, y compris douanier, et qui contiennent surtout des colorants, des conservateurs et du sucre.

Il n'y a pas lieu de considérer que nous avons du temps. La Conférence régionale de santé et d'autonomie peut être l'espace où l'avancée de l'exécutif en matière d'actions concrètes peut être mesurée, et les résultats devront être au rendez-vous : ceux que vous avez indiqués, après dix ans d'intervention, ne sont pas particulièrement rassurants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 1997, l'obésité est considérée comme une maladie par l'Organisation Mondiale de la Santé.

Elle peut provoquer l'hypertension, le diabète, certains cancers, à tel point que les obèses ont une espérance de vie bien plus faible que ceux qui n'ont pas de surcharge pondérale.

Les recherches ont montré qu'elle est en hausse dans le monde entier et a doublé depuis 1980. À cette date 5 % des hommes et 8 % des femmes étaient concernés. En 2008, 10 % des hommes et 14 % des femmes sont diagnostiqués obèses.

Selon les récentes statistiques internationales, les populations de quinze ans et plus les plus touchées en 2007 sont : les Etats-Unis avec 34 %, le Mexique avec 30 %, la Nouvelle Zélande avec 26,5 %, la Grande-Bretagne avec 24 %, l'Australie avec 21,7 %. Pour la même période, la France est atteinte à hauteur de 10,5 %.

Si l'on traduit ces pourcentages en chiffres de population, cela représente des millions et des millions de gens qui deviennent une perte sèche pour la consommation et une lourde charge pour la société tout entière. In fine, le bilan est triplement désastreux.

En Martinique, 22 % de la population sont considérés comme obèses, et 55,6 % en surpoids et obèses. Avec les outre-mer, nous faisons pratiquement partie du « top 10 ».

En conséquence, les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de mortalité et 65 % des Martiniquais de soixante-cinq ans et plus sont hypertendus. La prévalence du diabète traité est deux fois plus élevée qu'en France.

Selon l'observatoire de la santé de la Martinique : « L'obésité, l'hypertension artérielle et le diabète font désormais partie des problèmes de santé prioritaires des départements et territoires d'outre-mer ».

Notre mode de vie et de consommation a brutalement changé au point qu'un article du Bulletin épidémiologique hebdomadaire titrait déjà en 2002 : « Le diabète de type 2 dans les DOM-TOM, un effet pervers de la modernité ».

Vu l'ampleur des dégâts et le retard pris, à moins de vouloir se cacher derrière son petit doigt, la lutte contre l'obésité doit être menée avec beaucoup plus d'acuité et de célérité, et ce, d'autant plus qu'en Martinique, 25 % des enfants de cinq à quatorze ans, sont déjà en surpoids et obèses.

En ce sens la proposition de loi du député Victorin Lurel, visant ni plus ni moins à « prohiber la différence de taux de sucre entre la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d'outremer et celle des mêmes produits vendus dans l'Hexagone », met l'accent sur un problème de santé réel.

En effet, il est scientifiquement prouvé, que l'organisme humain peut devenir dépendant au sucre comme il devient dépendant à l'alcool ou à la drogue. Il ne s'agit nullement de supprimer le sucre dans notre alimentation, mais son usage excessif.

Rappelons qu'en France, par exemple, la consommation de sucre était de 2 kilos par an et par personne au début du XIXe siècle. Elle est aujourd'hui de plus de 35 kilos. Aux États-Unis elle est de plus de 50 kilos. Et ces chiffres peuvent doubler chez certains individus.

Comment une population « shootée » au sucre, tant elle en consomme, peut-elle s'en sortir si l'industrie agro-alimentaire ne se sent pas directement concernée ? Se pose alors la question de savoir de quelle manière concrète l'impliquer. Je m'en excuse auprès de notre rapporteur, c'est bien là le hic !

Pour être véritablement efficace, encore faudrait-il que la loi tienne compte de l'origine éparse des approvisionnements et de la taille des producteurs. Ce qui pour l'instant est matériellement impossible.

En effet, quelle attitude adopter envers les produits importés de l'étranger ? Quel sort réserver à la petite entreprise martiniquaise ? Lorsque j'étais président de région, j'ai personnellement favorisé la création de certaines petites entreprises dans le domaine de la fabrication des yaourts.

Et dans ce cas précis, il faudrait une concertation beaucoup plus approfondie avec les intéressés. Il faudrait une période de transition pour la modification des recettes de fabrication. Il faudrait une aide financière circonstanciée pour les petites entreprises.

Dans ces conditions, j'en conviens, cette proposition de loi est une amorce. Il faut savoir aussi que si l'excès de consommation des produits sucrés est une des causes de l'explosion de l'épidémie d'obésité et de surpoids, d'autres facteurs y contribuent également comme une alimentation riche en graisses, pauvre en vitamines et en minéraux. À cela s'ajoute un manque d'activité physique notoire.

À cet égard, des mesures ont déjà été édictées au travers de divers chartes, programmes et autres plans, émanant tant de l'Organisation Mondiale de la Santé que de l'Union Européenne et de la France.

Concernant la Martinique, une enquête datant de 1980-1981 portant sur l'état nutritionnel et les habitudes alimentaires des Martiniquais est restée sans lendemain.

Une deuxième enquête dite ESCAL est intervenue vingt-cinq ans après. Entre temps, et en l'absence de tout suivi, les habitudes alimentaires ont été forcément modifiées, ce qui explique en partie la dégradation de la situation actuelle.

Constatons aussi que le premier Programme national nutrition santé – 2001-2005 – élaboré pour la France est resté sans effet notable. Ce programme prévoyait parmi ses objectifs prioritaires l'augmentation de la consommation de fruits et de légumes, l'augmentation de la consommation de calcium, la réduction des apports lipidiques, la réduction de la consommation des sucres simples et l'augmentation de l'activité physique.

Le deuxième PNNS 2006-2010 s'est terminé, là encore, sans atteindre les objectifs fixés. Le manque de résultats probants a conduit le Président de la République à déclarer, dès 2009, l'équilibre nutritionnel et la lutte contre l'obésité et le surpoids grande cause nationale. D'où la mise sur pied d'un troisième Plan national nutrition santé 2011-2015 et la création d'un premier Plan obésité 2010-2013.

Cette fois-ci, est enfin officiellement prévue la prise en considération de ces problèmes en outre-mer.

En conclusion, si nous sommes tous d'accord sur l'urgence de traiter les problèmes de l'obésité et du surpoids, trop longtemps laissés en marge de nos préoccupations, cela implique l'engagement de tout un chacun et à tous les niveaux.

Il passe nécessairement par la qualité et les prix des produits alimentaires de base, et aussi par l'aide à nos petites entreprises pour leur permettre de se rénover et d'être au diapason.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Xavier Breton, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de M. Victorin Lurel est intéressante car elle soulève un véritable problème de santé publique sur lequel nous devons agir, et vite.

Alors que l'obésité est, selon de récentes études, en augmentation dans les régions d'outre-mer, les Français d'outre-mer consomment des produits plus riches en sucres et en graisse, avec les conséquences que l'on connaît, notamment en termes de maladies cardio-vasculaires et de diabète. En effet, selon une étude menée par l'Observatoire régional de la santé de Guadeloupe, la prévalence du surpoids chez l'enfant est de 25 % et de 7 % pour l'obésité. Il n'est donc pas tolérable, en effet, que la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d'outre-mer soit, comme on le constate, beaucoup plus riche en sucre que celle des mêmes produits vendus en métropole.

Vous aviez d'ailleurs déclaré, monsieur le ministre, lors d'un déplacement à Fort-de-France au début de l'été, l'importance que vous accordiez aux discussions sur le problème de l'obésité en outre-mer et votre intention d'inciter les agences régionales de santé ultramarines à prendre rapidement des dispositions.

Pour autant, si cette proposition de loi pose un problème réel sur lequel il convient d'agir, les solutions proposées ne nous semblent pas à la hauteur des enjeux. II est séduisant d'avoir recours à la loi, mais est-elle vraiment efficace ? Or, il est de notre devoir de viser la plus grande efficacité.

Favoriser et valoriser la production et la vente de produits alimentaires dont la teneur en sucre serait la même qu'en métropole est une des réponses à ce problème. Elle ne doit pas être la seule. Plusieurs facteurs doivent entrer en jeu et il est primordial, en la matière, de responsabiliser les industries agro-alimentaires sur cette problématique.

Le taux de sucre n'est en effet qu'une partie du problème car les facteurs conduisant à l'obésité sont multiples. Et s'il n'y a pas actuellement en métropole d'obligation réglementaire fixant la teneur en sucre des produits, il existe en revanche, dans le cadre du Programme national nutrition santé, des chartes d'engagements volontaires de progrès nutritionnel proposées aux entreprises du secteur alimentaire qui promeuvent une offre alimentaire allant dans le sens des objectifs du PNNS, et qui prennent en compte le problème dans toute sa complexité.

Dans ce cadre, de nombreux engagements ont été pris par diverses entreprises et filières, notamment dans l'Hexagone. Ces engagements visent notamment la réduction des apports en glucides simples, mais aussi en sel, lipides totaux, acides gras saturés ou l'augmentation de la consommation de glucides complexes et fibres, de fruits et de légumes. La signature de l'État au bas de ces chartes est la garantie de l'exigence en matière d'amélioration de la qualité nutritionnelle des aliments.

Ainsi, une réglementation coercitive ne serait pas cohérente ni efficace avec la démarche incitative et volontaire initiée par l'État depuis 2006 et qui a déclenché une dynamique qui doit s'étendre vers les régions ultra-marines.

Par ailleurs, le Programme national de l'alimentation lancé en 2010 par le ministère de l'agriculture incite les professionnels d'un secteur donné à formuler des propositions d'amélioration de la qualité de leurs produits via des contrats collectifs d'engagement de qualité.

Alors bien sûr, nous déplorons les retards pris dans le déploiement de ces programmes en outre-mer et nous pouvons nous interroger sur les raisons de cet état de fait. Y aurait-il une plus grande appétence des ultramarins pour des produits plus sucrés ? Est-ce à cause de la sous-traitance de la fabrication de produits avec des cahiers des charges imprécis ? Sans parler des produits spécifiques à l'outre-mer. Ces raisons sont certainement multiples et c'est pourquoi une interdiction sèche nous semble un peu simpliste si elle n'est pas accompagnée d'une prise de conscience et d'une information.

Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous puissiez redonner une impulsion aux programmes en cours et que vous puissiez nous tenir informés des résultats que vous obtiendrez.

Cette proposition de loi est en outre, et malgré les amendements du rapporteur, particulièrement floue et difficilement applicable concernant les produits spécifiques à l'outre-mer et non distribués en métropole. Fixer un taux de sucre par arrêté du ministre semble assez irréaliste et déresponsabilisant. En outre, qui viendra en contrôler l'application ? La question des produits importés n'est pas explicitée non plus. Il ne faudrait pas créer une distorsion de concurrence entre les industriels français et ceux notamment d'Amérique du Nord ou du Sud. Si l'on peut envisager de contraindre les industriels français, on pourra difficilement le faire auprès des industriels étrangers.

Devant l'importance de ce problème de santé publique, ce n'est pas d'une loi, qui ne serait au final qu'une loi d'affichage puisqu'elle manque en grande partie sa cible, que nous avons besoin, mais d'un véritable plan cohérent qui responsabilise tous les acteurs, en particulier les professionnels de l'agroalimentaire, mais aussi plus largement les populations. C'est la raison pour laquelle les députés du groupe UMP resteront très attentifs aux avancées annoncées sur ce sujet, mais ne voteront pas cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à interdire, à travers ses trois articles, la différence de taux de sucre entre produits vendus dans les régions d'outre-mer et dans l'Hexagone. Le texte présenté par notre collègue Victorin Lurel a le mérite de mettre en évidence un important problème de santé publique supplémentaire pour les outre-mer, à savoir l'obésité, en particulier celle des enfants.

En outre-mer, où le poids des maladies chroniques est très lourd, les conséquences liées à l'obésité intensifient de manière inquiétante la prévalence du diabète, de l'hypertension artérielle, des maladies cardiovasculaires, des troubles de la vésicule biliaire et des problèmes de croissance chez l'enfant.

Pour ces raisons, je dis oui à la volonté de notre collègue de mettre en débat devant la représentation nationale sa vision des moyens de lutte à mettre en oeuvre pour prévenir et combattre la forte prévalence des cas d'obésité qui touchent notamment la Guadeloupe.

J'ajouterai que le débat que nous ouvrons est salutaire car il traduit une question d'intérêt public dont est déjà saisie une bonne partie de l'opinion publique dans les outre-mer. J'en profite pour associer à mon propos ma collègue de Guyane, Mme Chantal Berthelot, retenue dans sa circonscription.

Mais, mes chers collègues, je suis tentée de tempérer quelque peu mon enthousiasme. Premièrement, plusieurs études, toutes plus sérieuses les unes que les autres, ont montré que le sucre n'est pas le seul facteur à l'origine de l'obésité, mais fait partie du groupe des deux grands facteurs que sont la consommation et la dépense énergétique, impliqués dans le développement de cette maladie multifactorielle.

En outre-mer et plus particulièrement en Guadeloupe, les causes de l'obésité sont principalement liées aux habitudes alimentaires – aliments très salés ou sucrés, graisses saturées –, à l'inactivité, à la consommation d'alcool, aux carences en matière d'éducation, de prévention alimentaire, et surtout, à la précarité.

Deuxièmement, les objectifs visés par la proposition de loi ont sans doute été mal compris par une partie de l'opinion publique. En effet, l'éventuelle mise en oeuvre des dispositions prévues dans ce texte, s'il était adopté en l'état, a fait naître une grande anxiété sur l'avenir des emplois concernés par l'interdiction de différences de taux de sucre entre les produits de même marque vendus en outre-mer et dans l'Hexagone.

Troisièmement, en contrepied au dernier communiqué de presse du groupe UMP annonçant les motifs de son vote, et même si je ne peux que regretter que cette proposition n'aille pas assez loin dans sa portée et ses modalités de mise en oeuvre, je ne pourrais me résigner à laisser au Gouvernement le soin de définir seul les modalités d'application de ce texte.

D'ailleurs, on ne peut pas dire que ce gouvernement ait été, au cours de cette législature, particulièrement clairvoyant et efficace en outre-mer dans ses politiques économiques – nous en voyons aujourd'hui les résultats – ni très réactif face aux urgences en matière de santé.

Je souhaite illustrer mon propos en prenant l'exemple du contrôle des denrées alimentaires en matière de sécurité sanitaire prévu pour lutter contre les effets de la chlordécone. Les aliments produits localement sont systématiquement contrôlés alors même que les produits importés qui concurrencent directement et fortement nos productions locales ne subissent aucun contrôle.

En définitive, s'il manque encore des dispositions législatives qui complèteraient ce texte, en revanche, il n'y a aucun antagonisme à vouloir porter ce débat devant la représentation nationale, car il s'agit d'un enjeu pour l'ensemble de la nation ; ce débat renvoie à l'application du principe d'équité, car les lois de la République doivent prendre en compte toutes les situations sur l'ensemble du territoire, y compris l'outre-mer.

Si votre majorité veut à tout prix réglementer au lieu de légiférer, nous attendons encore, sur la question qui nous concerne aujourd'hui, le rapport du Gouvernement déterminant les grandes orientations du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, spécifiques en outre-mer, qui doit préciser la déclinaison en outre-mer des actions du Programme national pour l'alimentation.

Par ailleurs, en Guadeloupe, j'ai noté que le plan régional de santé publique pour la période 2006-2010 a fixé un cadre général et des objectifs précis pour promouvoir une alimentation équilibrée et une activité physique favorables à une bonne santé. À cet effet, il est prévu une action de sensibilisation de l'État en direction des industries alimentaires en vue de diminuer les taux de sucre des yaourts de 12 à 9 %.

Pour l'instant, les résultats ne sont pas tangibles. Compte tenu de l'opposition annoncée de la majorité présidentielle à cette proposition de loi et puisque le cadre réglementaire existe déjà, je vous propose – et vous pouvez compter sur mon appui en Guadeloupe pour dissiper les malentendus –d'organiser dans des délais très brefs une large concertation avec les industriels, l'administration, les élus, les associations de consommateurs et les parents d'élèves de manière à fixer dans le temps, les objectifs à atteindre en matière d'équilibre et de qualité nutritionnels. Il s'agit là d'une proposition de bon sens qui nous permettrait d'assurer aux populations démunies un accès à une alimentation adaptée, en qualité et en quantité. De même, elle permettrait aux industriels de préparer leurs marchés aux évolutions qu'ils devront apporter à leur processus de production afin de répondre à cet objectif commun : faire reculer l'une des causes à l'origine de l'obésité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

La proposition dont nous discutons a pour objet d'interdire que les aliments sucrés vendus dans les régions d'outre-mer contiennent davantage de sucre que ceux commercialisés dans l'Hexagone.

Une législation contraignante doit impérativement être mise en oeuvre. Selon l'Organisation mondiale de la santé, l'obésité figure parmi les plus graves problèmes de santé publique de notre siècle. Sa prévalence a triplé dans de nombreux pays de la région européenne de l'OMS depuis les années 1980 et le nombre de personnes touchées continue d'augmenter à un rythme préoccupant, en particulier parmi les enfants. J'ai noté qu'il y avait de nombreux enfants présents aujourd'hui dans les tribunes.

De façon générale, les travaux scientifiques et politiques ont mis en avant la nécessité d'améliorer l'information et l'éducation nutritionnelles et l'utilité de miser sur la conscience des consommateurs pour faire des choix citoyens.

Force est de constater que les mesures évoquées ou recommandées sont restées limitées alors même que l'obésité constitue la plus grande maladie non transmissible au monde et qu'il y a urgence pour les pouvoirs politiques et les citoyens à réagir, notamment quand il s'agit de mettre fin à une épidémie.

On observe que les pratiques commerciales sont contraires à la responsabilité revendiquée par l'industrie.

Des études universitaires mettent en évidence l'absence d'actions concrètes de la part des vingt-cinq plus grandes entreprises du secteur de l'alimentation, y compris françaises, en vue de respecter des recommandations de l'OMS et visant notamment à limiter le recours dans leurs produits au sel, au sucre, aux matières grasses ; à agir sur la taille des portions individuelles ; à promouvoir les conseils aux personnes et à promouvoir les activités physiques.

Cette situation est anormale dans la mesure où les consommateurs sont soumis à de larges campagnes de publicité et n'ont pas le choix des aliments proposés. S'agissant du sucre dans les produits alimentaires manufacturés vendus dans les régions d'outre-mer, nous sommes précisément dans cette situation. Ces pratiques commerciales et de marketing – ciblant des produits, des populations-cible, pour accoutumer à un goût, habituer à un produit et en rendre la population dépendante – sont indignes de la responsabilité que ces groupes revendiquent.

J'en viens maintenant à la nécessité de mettre en oeuvre des mesures de transformations profondes de notre législation et de nos politiques publiques.

En effet, une politique de lutte globale contre le surpoids et l'obésité et d'accompagnement des personnes qui en souffrent devrait être définie.

Face au risque que courent les enfants d'être atteints de surpoids et d'obésité en Europe, il faut interdire la publicité concernant leur alimentation, en particulier à la télévision, et non pas la tolérer accompagnée de messages incompréhensibles pour eux.

Il faut prévenir dès l'école, dépister efficacement, donner et diversifier des conseils nutritionnels adaptés, non culpabilisants. Toute notre intelligence collective doit être mobilisée, notamment en direction des plus jeunes.

Je l'ai dit, il faut inviter, inciter et contraindre les industriels et les distributeurs de l'agroalimentaire à revoir tant la composition de certains de leurs produits – normes de qualité et de santé – que leurs actions d'incitation et de promotion de la consommation des produits jugés peu ou pas sains.

Il faut prendre des mesures pour garantir aux personnes présentant un risque d'obésité ou de complications diverses liées à cette pathologie un réel accès à des conseils médicaux et à des soins adaptés.

Il nous faut enfin encourager une réflexion d'ensemble pour que notre vie collective quotidienne incite à la pratique d'activités physiques « souples » et moins stressantes. Les transports, l'aménagement des voies urbaines, l'organisation des temps de travail doivent donner la possibilité aux citoyens et aux travailleurs de profiter de leurs déplacements, de leurs pauses et des moments de repos pour se détendre confortablement et se dépenser avec sécurité et confort.

C'est tout à l'honneur de cette proposition de loi de montrer comment le Parlement peut prendre en considération un ensemble d'éléments qui construisent notre vie quotidienne pour élaborer une législation plus contraignante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Edwige Antier.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Monsieur le Président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, appliquer dans les territoires d'outre-mer les mêmes normes qu'en métropole sera un signe de respect auquel la population ultramarine ne pourra qu'être sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes très attaché.

Les préoccupations sanitaires liées aux produits alimentaires s'accentuent chez les consommateurs. La vie moderne, marquée par l'accroissement du travail féminin et des familles monoparentales, conduit les ménages à adapter leur alimentation aux rythmes de vie : ils tendent à privilégier des plats déjà prêts, limitant ainsi le temps consacré à la préparation des repas.

Dans l'esprit de cette proposition de loi, je propose la création d'un label « alimentation infantile » pour la protection des consommateurs, notamment les plus fragiles d'entre nous : les enfants de 0 à 3 ans. Je remercie mes collègues d'avoir voté en majorité mon amendement en commission.

À l'heure où l'on essaie de prévenir l'obésité et l'hypertension, la « malbouffe » commence dans la poussette, conditionnant les enfants dont le goût se forme pour la vie à rechercher le sucre et le sel. Il faut savoir que le bébé a plus de papilles gustatives que l'adulte et qu'il les sélectionne pour sa vie entière dans les trois premières années de sa vie. Quand un enfant mange trop sucré ou trop salé trop tôt, il recherchera ensuite ce goût toute sa vie, ce qui le prédisposera à l'obésité et à l'hypertension.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 85 % des enfants de 19 à 24 mois et 91 % des 31 à 36 mois mangent régulièrement les mêmes produits que leurs parents alors que leurs besoins nutritionnels sont très particuliers. Il faudrait au contraire tenir compte de leur immaturité physiologique : les enzymes digestives sont immatures jusqu'à l'âge de trois à cinq ans et l'élimination rénale n'est mature qu'à seulement deux ans. Pour assurer sa croissance, un bébé mange six fois plus en volume par rapport à son poids qu'un adulte.

Une bonne alimentation est un facteur de bon développement psychomoteur. Tous les professionnels de la santé et le Plan national nutrition santé insistent sur la nécessité d'une alimentation spécifique jusqu'aux trois ans de l'enfant. Les directives européennes demandent de ne pas créer de confusion entre l'alimentation générale et les alimentations particulières comme celle des tout-petits. C'est pourquoi un label est indispensable pour les produits alimentaires destinés à la petite enfance.

Ce label sera apposé sur les aliments conformes à la réglementation pour cette tranche d'âge. Cela constituera une garantie permettant une identification rapide, qui n'est pas possible aujourd'hui. Dans une grande surface, il est proposé à la mère de famille quatre à cinq compotes dont la valeur nutritionnelle n'est pas adaptée à l'enfant sans qu'elle dispose d'éléments pour se déterminer. Ce label aura donc une valeur éducative auprès des familles.

Monsieur le ministre, vous voulez agir sur les comportements de façon précoce. Ce sera l'effet de ce label. Je sais que vous aurez à coeur de traiter ce problème de santé publique parce qu'il touche les enfants et leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Gérard Bapt.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Monsieur Mallot, je vais essayer d'aider le jeune président que vous êtes en respectant mon temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Victorin Lurel présente le mérite de poser à nouveau ce grand problème de santé publique qu'est l'obésité, problème dont la prise en compte est relativement récente. La constitution du groupe d'études sur l'obésité dans notre assemblée ne remonte qu'au début de la législature précédente. Les alertes lancées par les nutritionnistes ont été pendant trop longtemps ignorées. Les pouvoirs publics, avec la mise en place des Plans nationaux nutrition santé, ont tenté de répondre à ce défi de santé publique.

On connaît les conséquences néfastes du surpoids et de l'obésité, non seulement au niveau cardiovasculaire mais aussi locomoteur. Il semblerait aussi qu'elle joue un rôle dans le développement de certains cancers, notamment digestifs.

Cette proposition de loi nous a aussi fait découvrir la réalité de la situation pour ce qui est des apports caloriques dans les territoires d'outre-mer. L'obésité se caractérise par un déséquilibre entre les apports énergétiques et les dépenses, entre l'activité physique et ce qui la nourrit. Les chiffres de l'obésité infantile en Guadeloupe sont effrayants puisque elle affecte 9 % des cinq-quatorze ans. En France métropolitaine, grâce au programme EPODE d'expérimentation de prévention de l'obésité juvénile lancé il y a environ sept ans – auquel ma commune et celle du président Méhaignerie ont participé – nous avons pu constater que les cas d'obésité véritable étaient très peu nombreux.

Il est bien clair que nous avons compris la préoccupation de M. Victorin Lurel. Nous la comprenons d'autant plus que nous savons que les épidémies d'obésité entraînent des épidémies de diabète, qui affectent non seulement les pays développés mais aussi les zones de surpopulation urbaine des pays en voie de développement. Ce fléau commence à se manifester aux États-Unis par une diminution de l'espérance de vie alors qu'on présente souvent son évolution comme devant suivre une progression inéluctable : récemment encore, un grand biologiste affirmait que l'humanité pouvait espérer atteindre 120 à 125 ans. Comme les évolutions en France suivent souvent avec un temps de retard celles des États-Unis, il importe de nous préparer à éviter ce retournement de situation.

Les chiffres que vous avez mis en avant, monsieur le rapporteur, sont très éloquents sur l'irresponsabilité des industriels : un même yaourt de la marque Danone contient 15,8 grammes de glucides dans l'Hexagone et 20 grammes en Guadeloupe. Voilà pourquoi j'approuve Mme Antier quand elle dit qu'il faut traiter nos compatriotes ultra-marins comme nos compatriotes hexagonaux en matière de chances devant la santé.

M. le ministre, allant à l'inverse du vote de la commission, nous a expliqué que cette proposition de loi, si elle partait d'intentions louables, ne répondait pas à son objectif parce que dans les territoires d'outre-mer s'exerçait la concurrence de produits d'outre-atlantique. M. Lurel faisait toutefois remarquer à juste raison en commission que très peu de produits du type de celui qu'il cite dans sa proposition de loi proviennent d'outre-atlantique.

Est-il du reste impossible de s'opposer à ce que des produits manifestement nocifs pour la santé de nos compatriotes des territoires d'outre-mer puissent être consommés ? Monsieur le ministre, je vous rappelle les règles de l'OMC : le paragraphe b) de l'article XX du GATT prévoit qu'un pays peut faire jouer sa responsabilité pour protéger la santé de sa population. Cet article a d'ailleurs déjà été utilisé par la France pour justifier l'interdiction de l'importation de produits contenant de l'amiante en provenance du Canada quand elles étaient encore possibles. Ce qui a été fait pour l'amiante devrait donc pouvoir être fait pour le sucre.

La question des productions locales, qui ne peuvent être comparées aux produits hexagonaux, doit également être traitée. Nous vous ferions tout à fait confiance, monsieur le ministre, pour moduler progressivement les arrêtés et les règlements en fonction de la capacité d'adaptation des producteurs locaux.

Le groupe SRC votera pour cette proposition de loi. En matière de lutte contre l'obésité, monsieur le ministre, il vous faut faire preuve du même volontarisme que vous avez manifesté pour le médicament : vous avez montré que vous saviez protéger la santé des Français lorsque des produits médicamenteux dangereux sont autorisés dans l'espace européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gabrielle Louis-Carabin

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il est une réalité que nul ne peut mettre en doute : certains aliments vendus en outre-mer ont une teneur en sucre plus importante qu'en France hexagonale. À titre d'exemple un yaourt nature sucré d'une même marque vendu en métropole contient 2,5 sucres quand, vendu en Guadeloupe, il en contient 3,3, soit plus de 29,8 % de glucides.

Les professionnels de santé s'inquiètent car la Guadeloupe est le département français où le problème du surpoids et de l'obésité est le plus aigu : plus d'un Guadeloupéen sur deux a un poids supérieur à la norme et est donc considéré comme obèse, soit une proportion deux fois plus élevée qu'en métropole.

C'est une situation que l'on ne peut plus accepter quand on sait que le diabète et les maladies cardiovasculaires sont en nette augmentation. Justifiée pour certains par une fatalité culturelle, voire une fatalité génétique, comme je l'entends dire, elle ne peut plus perdurer. Elle est bien le fait de pratiques critiquables issues du marketing des producteurs de denrées alimentaires pour les marchés d'outre-mer.

Ajoutons que l'Organisation mondiale de la santé considère la consommation élevée de sucre comme facteur de risque d'obésité et qu'en douze ans, la prévalence de l'obésité a doublé en France.

Quant au Plan obésité 2010-2013, il préconise explicitement une prise en compte des situations spécifiques de l'outre-mer en raison d'une obésité plus fréquente dans les DOM. Ce constat a été confirmé par l'enquête locale dite Podium – Prévalence de l'obésité, de sa diversité, et de son image ultramarine – menée par des médecins en Guadeloupe : ils ont démontré que le niveau de surpoids et d'obésité chez l'adulte et l'enfant était plus élevé dans les collectivités ultramarines qu'en métropole.

Ce phénomène constitue avec certitude un problème majeur de santé publique sous nos latitudes.

Quelles solutions durables les pouvoirs publics doivent-ils apporter ? Quels engagements durables devons-nous prendre ?

La proposition de loi de mon collègue Victorin Lurel tendant à prohiber la différence de taux de sucre entre la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d'outre-mer et celle des mêmes produits vendus dans l' Hexagone a pour objectif d'améliorer la qualité nutritionnelle de l'alimentation des ultramarins, de réduire le taux de sucre de produits à forte consommation comme les yaourts ou les sodas – notons toutefois que pour le Coca-Cola, la teneur en sucre est la même en métropole et en outre-mer.

Il faut reconnaître que cette proposition de loi est en adéquation avec la volonté même du Président de la République de s'engager résolument dans la prévention de l'obésité et l'amélioration de sa prise en charge. Elle s'inscrit bien dans la mobilisation du Gouvernement en faveur de la modification des comportements nutritionnels à travers le troisième programme national nutrition santé et elle est conforme aux mesures préventives du projet de loi de finances pour 2012 comme la taxe sur les produits sucrés.

Certains, comme l'Association nationale des industries alimentaires, prétendent que le texte est incohérent, et qu'il créerait une distorsion de concurrence entre produits français et produits étrangers. Or le quotidien de nos compatriotes, mon quotidien, est marqué par le choix entre des produits alimentaires de provenance essentiellement hexagonale ou locale. Mes compatriotes ont le choix, sur les étals des centres commerciaux, entre différents yaourts qui viennent de l'Hexagone.

Je m'étonne de la réaction tardive d'industriels du secteur alimentaire, qui veulent de manière inattendue étendre à l'outre-mer les démarches d'optimisation de la qualité nutritionnelle qu'ils mettent en oeuvre depuis des années en métropole et qui ont entraîné une baisse de 16 % de la prévalence du surpoids et de l'obésité chez les enfants. Si les parlementaires n'avaient pas mis le doigt sur le sujet, aucune initiative n'aurait été prise en ce sens.

Aussi, en ma qualité d'élue, suis-je convaincue qu'il est important de répondre sans ambiguïté aux inquiétudes des professionnels de santé, qui ont judicieusement appelé sur ce sujet l'attention de mon collègue Lurel.

Chers collègues, notre action dans le domaine de la nutrition et des pathologies liées, en outre-mer, doit dépasser les clivages partisans ; nous devons nous retrouver sur des thématiques aussi républicaines que la santé publique, la santé des Français, qu'ils vivent dans l'Hexagone ou au sein de la France des trois océans.

La logique politicienne ne peut pas interférer dans cette discussion ; la lutte contre le fléau de l'obésité ne doit en aucun cas être sacrifiée sur l'autel d'intérêts financiers, ni sur l'autel d'intérêts politiciens.

Je le dis avec sérénité et fermeté : je voterai pour cette proposition de loi, déjà adoptée à une large majorité en commission des affaires sociales, grâce à certains de nos collègues de l'UMP et à l'ensemble de nos collègues socialistes.

Monsieur le ministre, est-il normal que certaine proposition de loi socialiste venant de l'outre-mer, portant sur l'habitat indigne, ait reçu un soutien de Mme la ministre de l'outre-mer avant même le débat – alors que nous bénéficions déjà d'actions de résorption de l'habitat insalubre – et qu'aujourd'hui ce texte, qui traite d'un sujet majeur de santé publique pour notre population, semble ne pas trouver un écho favorable ?

Je compte sur la sagesse de mes collègues. Toutefois, monsieur le ministre, vous avez laissé entendre que cette proposition de loi serait repoussée. Je vous proposerai alors, au nom de la population ultramarine, qu'un groupe de travail consensuel et républicain se penche sur les mesures d'urgence à mettre en oeuvre pour optimiser la qualité nutritionnelle des produits manufacturés dans les régions d'outre-mer, pour mobiliser tous les acteurs, et ainsi aboutir à de bonnes pratiques de consommation alimentaire et d'hygiène de vie.

Il serait juste que cette proposition de loi soit votée, au-delà des clivages partisans, par les députés de tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je voudrais brièvement rappeler la position de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Lurel, ainsi que sur celle de Mme Delaunay.

La commission a voté en faveur de ces deux propositions de loi.

D'abord, sur le bisphénol, dès lors que Mme Delaunay a accepté la fixation de la date au 1er janvier 2014, la quasi-totalité des membres de la commission a donné un avis favorable. Je sais, monsieur le ministre, que vous défendrez des amendements qui permettront même d'aller au-delà de la proposition de loi de Mme Delaunay.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Ce n'était pas la peine de faire repousser la date de 2013 à 2014, alors !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Tout le monde est d'accord sur la date de 2014 : cette date est confirmée, je peux vous le dire. Ce n'est pas sur ce point que portent les propositions du ministre.

Sur la proposition de loi de M. Lurel, nous connaissons le coût de l'obésité – le coût économique, mais aussi le mal-être qui en découle. J'ai moi-même expérimenté le programme EPODE – « Ensemble, prévenons l'obésité des enfants » – dans ma ville, et j'ai ainsi pu vérifier l'efficacité de politiques de prévention en matière de lutte contre certains excès.

Le Gouvernement a, je crois, d'autres suggestions et d'autres méthodes. Nous l'écouterons donc avec attention.

Je voulais dire que la commission avait examiné cette proposition de M. Lurel avec beaucoup d'attention. Au-delà, nous pensons, monsieur le ministre, que le Gouvernement doit agir de plus en plus fortement dans le domaine de la santé et de l'alimentation.

Je dirai même que, quand nous voyons la courbe des produits alimentaires et celle des prix agricoles, nous constatons que le poids du contenant est de plus en plus important par rapport à celui du contenu. N'y a-t-il pas, dans un souci de développement durable, des solutions à proposer pour l'avenir ?

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Simon Renucci, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l'épidémie d'obésité qui sévit dans nos pays n'épargne personne, et en tant que pédiatre, je ne peux que m'alarmer de ce phénomène qui touche les enfants comme les adultes.

Ce projet de loi peut étonner, mais nous devons tous garder à l'esprit qu'il ne doit pas exister d'inégalités territoriales aussi marquées ; notons que la tendance est au recul de l'obésité et de la surcharge pondérale dans l'Hexagone ces dernières années.

Le problème de l'obésité dans les collectivités ultramarines est, selon les enquêtes officielles, aggravé par certaines pratiques des industries. Plusieurs aliments distribués outre-mer, tout spécialement des yaourts ou spécialités laitières et des sodas, contiennent une dose excessive de glucides par rapport à ceux vendus dans l'Hexagone.

Le rapport remis au Président de la République en décembre 2009 par la Commission pour la prévention et la prise en charge de l'obésité soulignait déjà, par exemple, s'agissant de la prévalence du surpoids et de l'obésité chez les enfants que la situation dans les collectivités d'outremer était une « source de préoccupation majeure ».

La situation en outre-mer est d'autant plus préoccupante que l'obésité favorise la survenue de complications : diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires et respiratoires, atteintes articulaires, qui sont sources de handicaps et d'affections qui, comme le disait M. le rapporteur, grèvent lourdement les dépenses de santé.

L'étiquetage ne fait pas tout et l'exemple du bisphénol A l'a prouvé. Mais il s'agit là d'une question de santé publique avant tout, et la santé publique exige une information claire des consommateurs.

Cette information doit reposer sur un étiquetage des taux de sucre totaux mais doit aussi être compréhensible par tous. Les différences dans les procédés de fabrication invoquées par les groupes industriels ne sont pas des justifications légitimes ; les préférences gustatives locales ne doivent pas constituer un prétexte.

Nous devrions rendre obligatoire, en ce sens, l'étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires, à ce jour facultatif en Europe et en France.

Il n'existe par ailleurs aucun argument scientifique pour étayer l'existence d'un goût particulier pour les aliments riches en sucres ; on risque, en revanche, de favoriser des addictions chez les enfants de moins de trois ans.

L'épidémie d'obésité qui touche nombre de personnes n'est pas imputable en totalité au sucre mais on ne peut nier que celui-ci est bien un facteur de l'obésité.

Si aucun lien de cause à effet n'a été clairement établi, il convient tout de même d'être prudent. Et n'oublions pas l'adage : prévenir, c'est guérir.

Le taux de prévalence élevé doit appeler notre attention sur les raisons des différences entre l'outre-mer et l'Hexagone. C'est pourquoi je souhaite la mise en place d'une politique de santé publique prenant en compte toutes ces réalités.

Il faut sensibiliser la population tout en tenant compte des pratiques alimentaires et de modes de vie des populations d'outre-mer ; en tant qu'insulaire, je sais à quel point la prise en compte des particularités locales est nécessaire à l'adhésion de chacun.

La pédagogie et l'information sont essentielles, surtout au regard des indicateurs de morbidité. C'est seulement de cette façon que le combat contre l'obésité peut être gagné.

Ce texte est pour nous la première pierre d'un édifice encore à construire ; il montre le rôle du Parlement dans la définition des principes fondamentaux de santé publique – parmi eux, comme on dit en médecine, primum non nocere.

Certains doutent de la pertinence de la voie législative et lui préféreraient la voie réglementaire. Pour ma part, j'estime qu'il n'y a pas de petites lois, mais qu'il y a de vrais défis qui nécessitent un engagement pratique immédiat, mais aussi durable.

Si le vote de ce texte peut permettre de faire prendre conscience de ce problème et s'il peut amener les institutions, les populations et les industriels à réfléchir et à réagir, ce sera donc déjà une belle avancée. Mme Taubira évoque, dans l'un de ses amendements, un dispositif d'accompagnement de ce processus pour les industries locales. Cela permettrait de limiter et de vérifier le taux de sucre, en tout cas de modifier ce taux.

Monsieur le ministre, nous avons été très heureux de votre position sur le médicament ; votre projet de loi, quelles que soient ses limites, que nous avons pointées, représente une grande avancée. Votre détermination, votre volontarisme doivent permettre de prendre en compte ce problème de l'obésité, qui n'est pas seulement ultramarin. Vous savez que les problèmes de santé publique ne sont pas une fatalité, et vous avez agi dans le bon sens ; si vous allez plus loin sur ce chemin – car quand il y a une volonté, il y a un chemin –, vous pourrez agir sur l'ensemble des facteurs, nombreux, de l'obésité.

L'adoption de cette loi constituerait un message fort adressé à ces populations. Cet engagement pourrait fonder une grande politique de santé publique qui tiendrait compte de tous ces éléments. Vous aurez à coeur de le faire, monsieur le ministre, je n'en doute pas ; nous attendons donc votre réponse positive. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienM, président

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je remercie tous les orateurs de la qualité de leurs interventions, et de leurs propositions qui permettront d'améliorer encore ce texte.

Vous me permettrez de me réjouir de l'accord général qui se dégage sur le constat : certains auraient pu mettre en doute son caractère scientifique et la validité des liens de causalité ou de corrélation entre une surconsommation de sucre et l'obésité, les maladies cardiovasculaires, l'hypertension artérielle, les caries dentaires, et que sais-je encore.

Nous sommes donc presque tous d'accord sur ce lien-là, même si nous sommes également tous d'accord, parce que nous sommes réalistes, pour estimer que l'obésité est la conséquence de facteurs multiples : les sucres ne sont pas une cause unique. Je n'ai d'ailleurs jamais prétendu cela, et je ne l'ai pas écrit dans le texte qui vous est soumis aujourd'hui.

Vous me permettrez aussi de vous remercier d'avoir, si j'ose dire, changé de pied. Depuis les auditions et les débats en commission, il y a certains arguments que l'on n'entend plus. On me disait que l'adoption de ce texte déstructurerait la production locale, d'autant que, chez nous, il n'y a pas de lait frais – on utilise de la poudre de lait. Cet argument – venu du secteur agro-alimentaire – n'a été repris par aucun orateur aujourd'hui. Mais enfin, j'avais déjà répondu, comme par anticipation, à cet argument, et nous pourrons même y revenir si vous le souhaitez.

Il est bon, cependant, de dire clairement que l'utilisation du lactose n'est absolument pas en cause. Le lactose n'est pas concerné par cette proposition de loi ; les industriels peuvent en utiliser autant qu'ils veulent ! Nous parlons ici des glucides simples ajoutés, c'est-à-dire le saccharose, le glucose et le fructose. Il faut le dire très clairement : les gens pourront continuer d'utiliser le lactose.

D'ailleurs, l'application de cette loi n'impliquera pas de changements techniques, d'équipements, de chaînes de production – je dis cela notamment pour mon collègue Alfred Marie-Jeanne. Nous ne remettons donc absolument pas en cause l'utilisation du lactose en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe, à la Réunion ou à Mayotte : j'ai moi-même dirigé une chambre d'agriculture, et je sais bien que la production de lait frais est difficile ; on fait donc venir de la poudre de lait. Cela ne pose pas de problème, puisqu'on sait quelles sont les vertus de l'utilisation du lactose : il sert pour la texture, la composition, pour la présentation et surtout – ce qui ne se crie pas sur les toits – pour améliorer la conservation.

Lorsque vous utilisez du lactose en surdose, en effet, le produit se périme moins vite. En clair, un yaourt fortement dosé en lactose peut être consommé dans un délai de quinze à vingt jours, contre dix à douze jours lorsqu'il en contient moins. Il s'agit donc seulement d'un argument commercial, qui ne remet nullement en cause l'emploi dans ce secteur. Aussi, aucune aide n'est nécessaire pour modifier les équipements. Les orateurs qui ne sont exprimés n'ont jamais avancé l'argument de l'emploi. Ils ont seulement émis quelques craintes sur la nécessaire phase de transition et les aides à octroyer si tant est qu'une mise aux normes techniques soit nécessaire.

En commission des affaires sociales, on m'a dit que les dispositions que je propose relèveraient plus du pouvoir réglementaire que de la loi. Mais ni vous, monsieur le ministre, ni les orateurs qui se sont exprimés ici n'ont repris cet argument. Et pourtant, Dieu sait à quel point il est martelé dans la presse par les porte-parole du secteur agroalimentaire ! Je le répète, on ne peut pas déléguer une politique de santé publique qui mettrait en cause dans quelque mesure la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté d'entreprendre. Porter atteinte à ces libertés publiques ne saurait être délégué au pouvoir réglementaire. C'est donc bien à la représentation nationale qu'il appartient de légiférer.

M. le ministre et certains orateurs ont parlé d'une possible inégalité de traitement entre les produits importés de métropole, les produits fabriqués localement et les produits venant de l'étranger, notamment des États-Unis. S'ils pensent cela, c'est qu'ils ont mal lu ma proposition de loi ou qu'elle a été mal comprise. L'article 2 répond très explicitement et je dirai presque très exhaustivement à toutes les origines puisqu'il précise qu'il s'agit des produits distribués dans les régions d'outre mer. Et c'est le ministre qui aura la main, qui fixera le périmètre des produits éligibles, après avis du Haut conseil de la santé publique.

On pourrait m'objecter que cela risque de créer une inégalité de traitement, une distorsion de concurrence, c'est-à-dire que l'on traite différemment les produits étrangers et notamment américains, comme l'a dit M. Breton. À cela, je réponds non. En effet, l'article XX, paragraphe b, du GATT, repris et cité par Gérard Bapt, indique clairement que, pour des motifs de protection de santé publique, un membre du GATT, c'est-à-dire aujourd'hui de l'OMC, est autorisé à limiter les échanges et les importations si cela devait mettre en cause la santé publique. En l'espèce, c'est tout à fait cela. Il n'y a donc pas de distorsion de concurrence à l'égard des produits américains puisque l'article s'appliquera également aux produits venant de métropole, de l'étranger et à ceux fabriqués localement.

S'agissant de la bière Carib qui vient de Trinidad, elle n'entre pas dans le périmètre de cette proposition, et serait plutôt soumise à la taxe sur les boissons sucrées que le Gouvernement s'apprête à faire voter.

J'ajoute que peu de produits alimentaires viennent des États-Unis, à l'exception du Coca-Cola dont la société mère se trouve au Costa Rica. Elle fait produire chez nous cette boisson, sous licence ou sous franchise, selon un cahier des charges imposé. Et, comme vient de le dire Mme Gabrielle Louis-Carabin, le Coca-Cola a partout le même taux de sucre. Et c'est vrai, qu'il soit acheté à Paris, Cayenne, Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Saint-Denis de La Réunion, Mamoudzou, Papeete ou Nouméa. Le taux de sucre ne change pas car la société Coca-cola n'a aucun problème de part de marché, de conquête ou de clientèle captive.

C'est en revanche cette même firme qui produit le Fanta. Or cette boisson contient chez nous 43 % de sucres de plus – cela peut même aller jusqu'à 48 % voire 50 % – que le même produit vendu à Paris. Ce n'est pas acceptable. Si le taux de sucre est plus élevé, c'est parce que les Antillais aiment le sucré, nous dit-on ; ils aiment aussi le salé et le gras. En réalité, c'est parce qu'il y a plus de concurrence sur ce type de boisson. Du coup, il faut créer une addiction. M. Marie-Jeanne a raison de dire que le sucre et les glucides simples ajoutés créent une dépendance, comme l'alcool ou les drogues. De telles pratiques qui existent partout et depuis des décennies sont condamnables. Il faut y mettre un terme. C'est ce que fait cette proposition de loi qui répond à un impératif de santé publique. Plus qu'une exigence morale, c'est un devoir.

Le périmètre de la loi concerne tous les produits distribués. Je le dis à M. Breton qui, en janvier 2010, a posé une question écrite sur la publicité des denrées alimentaires, notamment sur l'étiquetage. La question et la réponse du ministre ont été publiées. Au vu des préoccupations qui sont les siennes, M. Breton devrait vraiment soutenir ce texte car il est simple et de bon sens.

Monsieur le ministre, vous considérez que la loi n'est pas simple et qu'elle est inapplicable. Vous devriez relire le texte. Je dis que les produits d'une même marque ne devraient pas contenir quatre à cinq grammes supplémentaires de sucre quand ils sont vendus aux Antilles. Une telle disposition n'est pas difficile à mettre en oeuvre et elle s'appliquerait aux produits étrangers comme à ceux fabriqués localement. De surcroît, cela n'empêcherait pas du tout que soient signées des chartes d'engagement de progrès nutritionnels parce que la loi est un socle a minima. Les industriels pourraient tenter de diminuer encore le taux de glucides ajoutés.

L'article 2 de la proposition de loi prévoit que le ministre, fixera, par arrêté, après avis du Haut conseil de la santé publique, la teneur maximale en sucres. Vous savez, monsieur le ministre, que c'est parfaitement possible. Les chartes d'engagement de progrès nutritionnels ont commencé en 2001 ; un certain nombre d'instances ont été mises au point pour en vérifier l'application. Nous en sommes maintenant au troisième programme national nutrition santé. Vingt-huit chartes d'engagement ont été signées aujourd'hui, contre quinze il y a trois ans. C'est tout de même très lent… Et vous avez créé un référentiel, vérifié par l'Observatoire de la qualité de l'alimentation, l'OQALI, sous l'égide de l'INRA. Cela veut dire que vous disposez de tous les éléments. Après approfondissement de l'étude faite par le Haut conseil de la santé, vous n'aurez donc aucune difficulté pour fixer les teneurs en sucres et la liste des produits.

Mme Jeanny Marc et M. Marie-Jeanne ont dit qu'il fallait donner du temps au temps et permettre aux PME et aux TPE de s'adapter. Mais, après avoir entendu tous les représentants du secteur agroalimentaire, on a rédigé à nouveau le texte pour tenir compte de leurs objections. On a élargi le périmètre, évité la stigmatisation, c'est-à-dire qu'on ne cite plus les boissons gazeuses ni les produits laitiers. La proposition de loi, dans sa rédaction, est donc neutre.

De plus, demander aux fabricants de mettre moins de saccharose ne nécessite pas que soient changés les équipements, à moins qu'on nous le prouve. Et vous savez bien, monsieur Marie-Jeanne, puisque vous avez été président d'un conseil régional, que, dans ce cas, la région, voire l'État pourraient aider les industriels. Quant aux TPE, elles sont éligibles aux aides à finalité régionale. De ce point de vue, il n'y a donc pas de souci.

Pour permettre aux industriels de s'adapter, malgré l'absence de complications, nous leur avons donné un délai supplémentaire, la loi s'appliquant à partir du 1er janvier 2013 et non du 1er janvier 2012 comme le prévoyait la première mouture du texte. Nous avons donc écouté les fabricants, nous leur avons donné une année supplémentaire – si ce n'est plus, compte tenu des latitudes laissées au ministre par l'article 2.

M. le ministre considère que la procédure incitative des chartes d'engagement volontaire est meilleure que la procédure législative proposée ici. Non, la seconde est plus efficace puisqu'elle impose à tout le monde une règle commune, elle met tout le monde sous une même toise, si je puis dire. Il y aura égalité de traitement entre un produit importé des États-Unis, un produit importé de métropole et un produit fabriqué localement.

J'en viens à une dernière objection formulée tant par le ministre que par chacun de mes collègues. Le groupe SRC n'a jamais eu la prétention de l'exhaustivité, il n'a jamais eu la prétention de réduire la lutte contre l'obésité à une seule cause, le sucre. Je dis simplement qu'il faut donner un signal fort à l'opinion publique, car tout ce qui a été fait jusqu'ici sous forme incitative n'a jamais été appliqué chez nous.

J'y insiste lourdement – nos collègues Yves Bur et Élie Aboud l'ont déjà souligné en commission et le ministre lui-même est revenu sur le sujet à Fort-de-France – : comment voulez-vous mandater les directeurs d'ARS pour discuter avec des firmes en franchise alors que leur société mère ou la société avec laquelle elles ont passé un contrat ne se considèrent pas comme juridiquement engagées par les chartes d'engagement volontaire que vous pourriez souscrire sur place ? Comment, donc, voulez-vous que les ARS aient le moindre pouvoir de transformer la réalité ?

Et, pour répondre à M. Breton, comment voulez-vous aller discuter avec une société sise au Costa Rica pour lui faire signer une charte d'engagement volontaire ? Elle nous opposera la réglementation de l'OMC ; nous avons déjà répondu sur ce point. Aussi, ce que vous proposez ne marchera pas.

Pour que cela marche – et c'est pourquoi je vous incite à voter ce texte – il faut donner un signal fort aux opinions publiques, au secteur agroalimentaire – qui a été entendu. Nous devons leur dire que nous pouvons associer à cette proposition de loi des chartes d'engagement volontaire dans la mesure où il s'agit d'un socle auquel on peut ajouter d'autres engagements.

J'ai donc répondu à toutes les objections, celles du secteur agroalimentaire, celles des petites et moyennes entreprises, celles des scientifiques et des professionnels de santé, ainsi qu'à celles des parlementaires et des juristes que vous êtes. J'ai montré que ce texte relevait bien du pouvoir législatif et non du pouvoir réglementaire. C'est la raison pour laquelle je vous invite à vous débarrasser de tout préjugé – petite phrase que le ministre n'a pas manqué de retenir – ; débarrassez donc votre coeur et votre esprit de considérations qui vous retiendraient d'adopter cette proposition de loi. Elle est bonne, simple, consensuelle ; elle répond à une forte attente de l'opinion publique, non seulement dans les collectivités d'outre-mer mais aussi en métropole.

Monsieur le ministre, je refuse l'expression de « loi d'exception », comme s'il s'agissait de nous enfermer dans une sorte de ghetto ultramarin. Ce n'est pas une loi d'exception. Nous constatons une telle prévalence de l'obésité en outre-mer – nous sommes hélas les pionniers sur un mauvais terrain – que la représentation nationale doit s'emparer de cette importante question de santé publique. Puisque l'objectif que nous poursuivons a valeur constitutionnelle, légiférons et adoptons ce texte que j'appellerais « une belle oeuvre ».

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Déjà échangés à la tribune, les arguments sont connus. Je rappellerai seulement que nous avons une obligation de résultat. La méthode proposée de part et d'autre n'est pas forcément la même mais, fort d'une expérience ministérielle plus longue que la moyenne – voilà sept ans et demi que je fais partie d'un gouvernement malgré une interruption pendant laquelle j'ai également exercé des responsabilités dans cet hémicycle –, j'affirme que nous avons une obligation de résultat.

Je connais moi aussi la procédure législative et l'expérience montre qu'un arrêté, s'il peut aboutir, aboutit plus vite que la loi. Si nous constatons un enlisement du processus engagé, nous choisirons une autre voie.

Je comprends que vous défendiez la voie législative, d'autant que la ministre chargée de l'outre-mer est tout aussi insistante sur ce point. Seulement, je veux des résultats. Nous n'avons pas une obligation de moyens mais, j'y insiste, de résultats.

Ne négligeons pas, par ailleurs, le fait que l'on oublie certains produits.

Je comprends et je respecte votre logique mais je pense qu'on peut aller plus vite et se montrer plus efficace ; il ne sert à rien de s'éterniser pendant des mois voire des années.

En application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée, le Gouvernement demande la réserve des votes sur la présente proposition de loi.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Monsieur le ministre, je vous garantis que nous obtiendrons des résultats très rapides. Cette fois, nous n'attendrons pas dix ans – puisque c'est déjà le cas depuis 2001. Jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi, le 1er janvier 2013, nous disposerons d'un temps d'adaptation, de réflexion et de concertation avec les acteurs concernés – conformément au souhait de Mme Louis-Carabin –, démarche que nous avons déjà engagée au cours de la préparation du texte.

Par ailleurs, j'informe M. le ministre que je ne me suis pas contenté, avec les députés du groupe SRC, de déposer une proposition de loi, donc d'agir au niveau national. Nous n'avons pas négligé l'aspect local et, en l'occurrence, guadeloupéen. Un congrès des élus départementaux et régionaux se réunira au mois de novembre sur le thème de la santé et de l'alimentation, afin de mettre en oeuvre ce volet proprement guadeloupéen en matière d'agriculture paysanne, biologique et, vous l'avez évoqué, de circuits courts.

La région et les 32 communes de la Guadeloupe sont impliquées. Ainsi dix communes ont-elles été chargées de construire des parcours sportifs, en lien avec le ministère de l'éducation nationale. Tous les professionnels de santé ont été mobilisés – certains, présents dans les tribunes du public, nous écoutent en ce moment –, en particulier les spécialistes de la nutrition.

On sait que c'est entre la naissance et l'âge de trois ans que se forment le goût et l'empreinte nutritionnelle et que s'opère la transmission épigénétique. Nous voulons changer les goûts, montrer que l'obésité n'est pas une fatalité culturelle mais une évolution hélas imposée.

Nous obtiendrons une obligation de résultat en imposant un seuil qui ne limite ni la liberté d'entreprendre ni la liberté du commerce, qui n'empêche pas la signature de chartes d'engagement volontaire, qui fixe un calendrier, et qui ne coûte rien au budget de l'État.

Vous-même, monsieur le ministre, vous n'avez pas opposé au texte l'irrecevabilité prévue par l'article 41 de la Constitution. Vous convenez donc bien que cette proposition répond à presque toutes les objections, y compris celle selon laquelle le dispositif que nous proposons ne permettrait pas d'obtenir rapidement des résultats.

Debut de section - PermalienM, président

J'appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi.

En application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement a demandé la réserve des votes ; cette réserve est de droit.

Debut de section - PermalienM, président

Sur l'article 3, la parole est à Mme Edwige Antier, pour soutenir l'amendement n° 4 .

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Cet amendement répond au souci dont je vous ai déjà fait part de porter une particulière attention à la réglementation des aliments de l'enfant. Il vise donc à substituer, à l'alinéa 2, aux mots : « dont le ministre chargé de la santé fixe la liste par arrêté pris après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail », les mots : « conformes à la réglementation des aliments de l'enfance ».

Il s'agit d'accentuer la protection du goût et la prévention de l'obésité chez les jeunes enfants. Je vous serai reconnaissante d'adopter cet amendement comme vous l'avez fait en commission.

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

En dépit d'une réserve minime de ma part, la commission a accepté cet amendement. J'estime que la notion de réglementation des aliments de l'enfance nécessitait une explicitation juridique. Cela étant, cet amendement allant dans le bon sens, avis favorable.

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis défavorable. Le Gouvernement étant opposé au texte lui-même, il paraît compliqué de donner un avis contraire sur un amendement. Ensuite, soit l'amendement est satisfait par la réglementation européenne, soit vous estimez qu'il ne l'est pas. En ce dernier cas, il convient de résoudre un problème de compatibilité entre la disposition que vous proposez et la norme européenne. Il faudrait donc profiter de la révision en cours de la directive pour porter ce débat au niveau européen, qu'il s'agisse de la Commission ou du Parlement. Si, donc, vous estimez que votre amendement n'est pas pleinement satisfait, je suis prêt à travailler avec vous en ce sens car il s'agit d'un vrai sujet.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

La commission a voté cet amendement. Tout ce qui prend en considération l'alimentation de l'enfant doit faire l'objet d'une attention particulière. L'enfance est l'âge, Mme Antier l'a dit, où peuvent s'enclencher des processus addictifs. Les enfants – les adultes aussi d'ailleurs – qui prennent l'habitude de manger ou de boire plus sucré que normalement vont mettre en route un véritable processus d'addiction à cause duquel, comme c'est le cas pour les jeux, ils auront à chaque fois besoin d'une dose supérieure pour obtenir une égale satisfaction.

Ne pas prendre en considération la présente proposition de loi est vraiment coupable, et je pèse le mot.

Ensuite, M. le ministre a affirmé entre autres choses que l'obésité était plurifactorielle. Bien évidemment ! Ce n'est pas un scoop. Il a ajouté que l'on pouvait devenir obèse à cause des lipides, du sel, pourquoi pas du poivre – je plaisante, bien sûr, pour ce dernier… Certes, plus on prend de l'âge et plus l'importance du sucre tend à diminuer et plus l'obésité peut être due à des facteurs plus complexes. Reste que le sucre constitue chez les enfants le déterminant majeur.

Je dirai très calmement ce à quoi la réponse de M. le ministre m'a fait penser. Selon lui, plutôt que de légiférer sur la teneur en sucre des sodas, il conviendrait de proposer de boire de l'eau. Cela m'évoque Mme Christine Lagarde qui, quand nous dénoncions l'augmentation du prix de l'essence, nous avait répondu que les Français n'avaient qu'à prendre leur bicyclette.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Il faut éviter ce genre d'argument. Cette proposition de loi demeure sans doute partielle, mais elle constitue une opportunité exceptionnelle pour le législateur de faire valoir que, désormais, il va s'intéresser à la voracité des industriels. Car, monsieur le ministre, le principal facteur d'obésité, de nos jours, ce n'est pas la voracité des enfants, mais bien celle des industriels qui introduisent de manière coupable des sucres, des sels et des lipides dans des produits qu'ils veulent rendre plus sapides. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Edwige Antier.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

J'ai tout à fait confiance, monsieur le ministre, dans l'intérêt que vous portez à ce label qui déterminera l'alimentation infantile. Laissez-moi en outre vous rassurer sur les directives européennes : elles précisent que tout doit être fait pour ne pas confondre l'alimentation générale et les alimentations particulières comme celle des enfants depuis la naissance jusqu'à trois ans. Le dispositif proposé suit totalement la ligne des directives européennes. Je suis convaincu que nous y travaillerons ensemble.

(Le vote sur l'amendement n° 4 est réservé.)

(Le vote sur l'article 3 est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de tout amendement, et sur l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienM, président

Nous avons terminé l'examen de la proposition de loi.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu mardi 11 octobre après les questions au Gouvernement.

Application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution

Debut de section - PermalienM, président

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Debut de section - PermalienM, président

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Gérard Bapt, M. Jean-Marc Ayrault, Mme Marisol Touraine et plusieurs de leurs collègues visant à suspendre la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.

La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mes chers collègues, depuis plusieurs années déjà, le bisphénol A – que nous appellerons BPA – est suspecté d'être responsable de perturbations endocriniennes et de troubles de la reproduction. Jusqu'à présent, les autorités sanitaires, notamment l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ex-AFSSA –, considéraient que les preuves n'étaient pas suffisantes pour justifier une interdiction.

La semaine dernière, un pas important a été franchi. En effet, dans un rapport, l'agence considère qu'« il existe aujourd'hui des éléments scientifiques suffisants pour identifier comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles que sont les nourrissons, les jeunes enfants ainsi que les femmes enceintes et allaitantes. Cet objectif passe par la réduction des expositions au BPA, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires, qui constituent la source principale d'exposition des populations les plus sensibles ».

C'est dans ce contexte que la commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi de Gérard Bapt visant à suspendre la commercialisation de tout conditionnement alimentaire comportant du BPA, tout en prévoyant un délai raisonnable pour sa mise en oeuvre. Les revues bibliographiques et les auditions que nous avons menées permettent d'affirmer, premièrement, que les études sur la nocivité du bisphénol A doivent être prises au sérieux et, deuxièmement, que son remplacement par d'autres produits est possible.

Le bisphénol A est un composant qui permet de fabriquer des matériaux très performants, principalement les polycarbonates et les résines époxy. Ce n'est pas un additif, mais un élément indissociable de ces produits : sans BPA, on ne peut pas fabriquer de polycarbonates ni de résines époxy. Le polycarbonate est un plastique aux qualités indéniables – transparence, résistance aux chocs et à la chaleur, inaltérabilité dans le temps – qui est utilisé dans de nombreux produits, notamment les bonbonnes d'eau, les biberons, les vitres des voitures, les casques de moto, les bouilloires ou les amalgames dentaires. Les résines époxy servent, quant à elles, au revêtement intérieur des boîtes de conserve et des canettes.

Du fait de la ressemblance de sa molécule avec celle des oestrogènes, on sait, depuis les années 1930, que le BPA est un perturbateur endocrinien. Il est en effet capable de mimer l'effet d'hormones sexuelles qui ont un rôle dans la reproduction, mais aussi dans le développement des organes. Toutefois, il s'agit là d'effets constatés lors d'expériences où le bisphénol A est en contact direct avec les récepteurs d'oestrogènes. La question est celle de savoir si le bisphénol A contenu dans les matériaux peut se diffuser, venir au contact des récepteurs de l'organisme et avoir un effet nocif.

Malgré de nombreuses études scientifiques démontrant un effet négatif du BPA sur le développement d'animaux, les autorités sanitaires ont considéré pendant des années que celui-ci ne présentait pas de risque pour l'homme. L'année 2010 marque une évolution notable, puisque, le 29 janvier de cette année, l'AFSSA reconnaît la présence de « signaux d'alerte » dans les études scientifiques. L'agence commence alors à remettre en cause la notion de dose journalière admissible, qui fonde la réglementation de l'utilisation du BPA, en raison à la fois de son niveau élevé et de la mise en doute d'une relation dose-effet comme de la possibilité de définir une dose dépourvue d'effet. Dans son avis du 7 juin 2010, l'agence considère qu'il est souhaitable de maintenir aussi bas que possible l'exposition des consommateurs, notamment les plus sensibles, et recommande un étiquetage systématique des ustensiles en contact avec les aliments et contenant du BPA afin d'éviter leur utilisation par un chauffage excessif des aliments.

Enfin, les deux rapports publiés la semaine dernière par l'ANSES apportent des arguments nouveaux. L'ANSES a réalisé une méta-analyse de toutes les études scientifiques disponibles. Expertisées dans leur intégralité, les études publiées dans les revues à comité de lecture ont permis d'établir trois groupes d'effets, chez l'animal ou chez l'homme : les effets avérés, les effets controversés et les effets suspectés. Les études considérées comme non fiables ont été écartées.

Chez l'homme, on ne trouve que des effets suspectés ou controversés, et il faut se réjouir qu'il n'y en ait pas d'avérés : si nous disposions de chiffres établissant la toxicité, c'est que nous arriverions trop tard. En revanche, l'ANSES recense de nombreux effets avérés chez les animaux, qui sont extrêmement inquiétants – étant précisé qu'il est bien plus facile de réaliser des expériences sur les animaux que sur les jeunes enfants.

Parallèlement, l'ANSES a lancé la semaine dernière un appel à contributions visant à recueillir des données scientifiques sur les produits de substitution disponibles, dans le but d'éprouver leur innocuité. L'ANSES rappelle que les effets suspectés chez l'homme et avérés chez l'animal ont été mis en évidence à des doses notablement inférieures à la dose journalière admissible. Elle rappelle l'existence de fenêtres d'exposition et celle de populations sensibles : en premier lieu, et très logiquement, les organismes en formation, à savoir les foetus et les bébés. Enfin, comme il est dit en préambule, l'ANSES recommande la réduction des expositions au BPA, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des aliments.

Il faut maintenant agir : la nécessité de protéger les femmes enceintes et les enfants implique de prendre des mesures générales d'interdiction. L'hypothèse qu'émettent les endocrinologues est que le BPA aurait des effets négatifs pendant des périodes particulières du développement, si bien que certaines populations doivent être protégées : femmes enceintes et allaitantes, bébés, enfants et adolescents. Or, la suppression du BPA dans les biberons, ainsi que dans les contenants à destination des nourrissons et enfants en bas âge, est très loin de suffire à les protéger.

Les bébés sont, en effet, soumis à d'autres sources d'exposition. Dans son avis du 7 juin 2010, l'ex-AFSSA montre que les principaux contributeurs à l'exposition au BPA chez le jeune enfant sont le lait pour 39 % – le lait maternisé jusqu'à douze mois et, bien sûr, pour les enfants au-delà d'un an, toute forme de lait, en particulier en boîte – et les petits pots pour 24 %. La contribution des biberons à l'exposition n'est que de 4 %.

Quant aux foetus, ils sont, eux aussi, exposés, puisque le placenta ne protège pas l'embryon de l'exposition au BPA. Protéger les femmes enceintes et allaitantes et les enfants implique de protéger l'ensemble de l'alimentation. La principale source d'exposition de la population est alimentaire. L'ANSES indique que « pour les adultes et enfants de plus de trois ans, les aliments contribuant majoritairement à l'exposition sont les plats composés en conserve ».

La loi du 30 juin 2010 suspendant la commercialisation des biberons contenant du BPA a permis une prise de conscience utile, mais elle ne suffit pas : nous ne dépasserons pas le stade de l'affichage si nous ne protégeons pas l'ensemble de l'alimentation. Il faut aborder le problème de façon rationnelle, en prenant en compte le rapport bénéfice-risque du BPA comme des produits qui pourraient s'y substituer.

Cette interdiction du bisphénol A est-elle réaliste et raisonnable ? En ce qui concerne les contenants de denrées alimentaires, la réponse est oui. Les auditions que j'ai conduites ont montré qu'il existait d'ores et déjà des solutions alternatives au BPA. Pour cela, je vous renvoie à mon rapport. Le Japon, par exemple, est très en avance sur ce point. Les solutions de substitution ne sont, certes, pas toutes opérationnelles, mais la fixation d'un délai contraignant pour la disparition du BPA doit permettre de mobiliser les industriels dans la perspective de mettre au point des substituts et de démontrer leur innocuité.

J'avais proposé, en commission, de porter le délai à juillet 2013, afin de laisser aux industriels le temps de tester les produits de remplacement – en effet, il ne s'agit pas de substituer au BPA d'autres substances dangereuses. Cependant, après une longue discussion prenant en compte les contraintes imposées aux industriels, mais aussi aux scientifiques – pour la démonstration de l'innocuité des produits de remplacement –, ainsi que la crédibilité de notre texte, nous sommes parvenus à un consensus pour proroger le délai jusqu'à janvier 2014. Ce délai raisonnable, unique, donc lisible pour les industriels comme pour le public, permettra de mobiliser les industriels tout en protégeant la population et les enfants à naître, dans le délai le plus court possible. Comme le président Méhaignerie l'a souligné, ce consensus paraît satisfaisant, et il ne me paraît pas opportun de le modifier en dernière minute.

En attendant que le BPA ait disparu de notre alimentation, la sensibilisation au problème passe à la fois par une campagne d'information à destination des femmes enceintes et des jeunes mères, et par un étiquetage des produits contenant du BPA. Des fiches d'information à destination des femmes enceintes ont été réalisées par le ministère de la santé, et doivent désormais être en circulation – j'espère que M. le ministre pourra nous le confirmer.

Par ailleurs, sur ma proposition, la commission a adopté un amendement prévoyant un étiquetage des conditionnements au contact des aliments et contenant du BPA doit porter la mention « déconseillé aux enfants de moins de trois ans et aux femmes enceintes ou allaitantes » ; sans cela, nous ne serions pas crédibles en autorisant le délai.

Certains d'entre vous objecteront peut-être que cette loi serait contraire au droit européen. Cette objection paraît pouvoir être levée. D'une part, l'article 18 du règlement du 27 octobre 2004 prévoit des mesures de sauvegarde qui peuvent être provisoirement prises – d'où notre choix de proposer une « suspension » du bisphénol A. D'autre part, je vous rappelle que le Danemark a interdit le BPA dans les matériaux en contact avec l'alimentation pour les enfants de moins de trois ans, sans que la Commission européenne ouvre de procédure d'infraction.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps d'agir. Les rapports publiés par l'ANSES la semaine dernière montrent que les preuves scientifiques sont suffisantes pour dire que, même si le risque ne peut être quantifié, il y a un danger et que des mesures de précaution doivent être prises. C'est pourquoi la commission des affaires sociales vous demande d'adopter cette proposition de loi sous la forme du consensus auquel nous sommes parvenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que nous allons examiner ensemble pose de vraies questions de santé publique liées à notre environnement quotidien. Ces questions, le Gouvernement y attache depuis longtemps la plus grande importance, notamment à travers la surveillance et la gestion des risques liés aux perturbateurs endocriniens, dont le bisphénol A, qui est au coeur de cette proposition de loi de Gérard Bapt.

Sur les risques liés aux perturbateurs endocriniens, la France a toujours été en pointe. Dès 2009, le Gouvernement a commandé une série d'expertises pionnière. C'est ainsi que la France a été l'un des premiers pays européens à interdire la fabrication, l'importation et la vente de biberons à base de BPA en juin 2010 – l'Union européenne nous a suivis.

Lors du vote de la proposition de loi Lachaud, visant à interdire totalement les phtalates, les alkylphénols et les parabènes en avril dernier, nous avons rappelé l'importance de disposer de données fiables pour cibler notre action de manière réaliste et efficace, dans l'intérêt de nos concitoyens. C'est la seule chose qui compte à mes yeux.

C'est pourquoi, dans la démarche d'expertises qu'il a lancée, le Gouvernement a toujours tenu à vous informer, dans la plus grande transparence, des résultats dont il disposait pour éclairer le débat public sur ces sujets complexes, évolutifs et controversés.

Je pense au rapport intermédiaire sur l'expertise collective de l'INSERM, envoyé en mars 2011 alors que la synthèse n'était pas encore disponible, pour ne pas retarder la communication au Parlement de l'ensemble des travaux engagés par le Gouvernement sur ce sujet important des perturbateurs endocriniens. Je pense à la synthèse de l'expertise collective mise en ligne sur le site de l'INSERM la veille du débat parlementaire sur la proposition de loi Lachaud. Je pense, enfin, au rapport sur les dangers et les usages du bisphénol A, que l'ANSES a rendu public il y a tout juste une semaine, et qui alimente nos débats de ce jour.

Ce dernier rapport fait état d'éléments nouveaux qui, disons le clairement, modifient la donne. Il met en évidence des effets sanitaires du bisphénol A, avérés chez l'animal, et suspectés chez l'homme, pour certains à de faibles niveaux d'exposition. Cela me suffit. Certes, les mécanismes sont encore mal élucidés, mais chez l'animal, ces effets pourraient être notamment en lien avec des expositions pendant des phases de développement de l'individu – des phases prénatale et postnatale. Ce constat fait chez l'animal conduit à supposer qu'il y a chez l'homme aussi des populations plus sensibles que d'autres, en particulier les enfants et les femmes enceintes.

Devant ces nouveaux éléments, je le dis et l'assume, la précaution est légitime et même nécessaire, et en tant que ministre de la santé, je ne mets aucun autre élément en balance avec cette donnée. Concrètement, cela signifie qu'il faut en priorité réduire les expositions des populations les plus sensibles au bisphénol A – les nourrissons, les jeunes enfants, les femmes enceintes et allaitantes –, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires, qui en constituent la source principale.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans cette démarche de précaution. Elle vise à interdire tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires à compter du 1er janvier 2014. Elle prévoit également la mise en place obligatoire, sur ces conditionnements, d'un avertissement déconseillant son usage aux femmes enceintes et aux enfants de moins de trois ans du fait de la présence de bisphénol A.

Cette proposition de loi, modifiée lors de l'examen en commission, me semble plus réaliste que la première, dans la mesure où elle tient compte des délais d'adaptation nécessaires, tout en maintenant une pression certaine. Dans l'intervalle, elle agit sur l'information du consommateur, via les avertissements sanitaires. Ce texte me semble donc aller dans le bon sens en termes de santé publique.

J'ai toujours dit, notamment à cette tribune, que si nous avions des éléments nouveaux, nous prendrions nos responsabilités. C'est pourquoi, non seulement le Gouvernement soutient cette proposition de loi, qui se situe dans le prolongement logique de l'interdiction des biberons contenant du BPA prise par anticipation dès 2010, mais je souhaite même que l'on aille plus vite et plus loin.

C'est pourquoi je veux interdire, dès 2013, les contenants alimentaires fabriqués avec du bisphénol A destinés aux enfants de moins de trois ans. Sur ce point, j'avoue qu'il est certains sous-amendements que je ne m'explique pas, et il faudra que nous en discutions. J'ai beau être ministre du travail, de l'emploi et de la santé, je situerai toujours la santé au-dessus des deux autres domaines, si importants soient-ils ! Je le répète, nous avons des éléments nouveaux, et devons en tirer les conclusions qui s'imposent.

Il faut que les fabricants, comme je le leur ai demandé par écrit dès le mois juillet, développent des méthodes de substitution. Ils n'ont pas été prévenus au dernier moment : compte tenu de la tonalité de nos précédents débats, qui laisser transparaître de légitimes inquiétudes, j'ai, dès cet été, écrit aux industriels pour les prévenir qu'en présence d'éventuels éléments nouveaux, je n'hésiterai pas à agir, et qu'ils pouvaient d'ores et déjà en tenir compte pour engager des recherches et des travaux.

Il faut donc que les fabricants développent des méthodes de substitution, lesquelles doivent être à la fois efficaces et sans risques. Il ne faut pas que le remède soit pire que le mal, comme l'a justement rappelé Gérard Bapt cet été à propos du bisphénol S utilisé parfois pour remplacer le bisphénol A. Nous devons donc poursuivre les études et les évaluations dans ce domaine. L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail travaille en ce sens avec les industriels concernés.

S'agissant des produits de substitution, je veux avoir, j'y insiste, les garanties de leur innocuité. C'est pourquoi je souhaite qu'un rapport élaboré par l'ANSES sur les substituts au BPA et leur innocuité soit remis au Parlement au plus tard le 31 octobre 2012 – si c'est plus tôt, c'est encore mieux.

En attendant les produits alternatifs, il faut informer, parce qu'il n'y a pas de bonne précaution sans bonne information. À cet égard, je souhaite que soit mise en oeuvre une information en direction des parents de jeunes enfants et des femmes enceintes et allaitantes. Nous allons diffuser très largement, à 800 000 exemplaires, notamment dans les maternités et les services de PMI, une plaquette pour promouvoir des gestes de précaution simples. Cette plaquette, dont j'ai ici la maquette, intègre les dernières données du rapport de l'ANSES en précisant les étapes qui se succéderont jusqu'en 2015 : avertissement sanitaire, interdiction dès 2013 du BPA dans les contenants alimentaires pour enfants de moins de trois ans, interdiction en 2014 du BPA dans tous les contenants alimentaires. Je suis preneur de toutes les remarques sur ce document avant sa diffusion, à laquelle nous souhaitons procéder dans le courant de ce mois d'octobre.

L'ANSES, qui poursuit son expertise sur les risques du BPA et des autres perturbateurs endocriniens, réalisera également, en 2012, un guide de recommandations pour diminuer l'exposition au BPA, voire à d'autres perturbateurs endocriniens le cas échéant.

Enfin, j'ai demandé à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques d'ouvrir d'ici à la fin 2011, une plate-forme d'informations et d'échanges pour les professionnels et parties prenantes concernées, comme les associations de consommateurs, afin de mieux partager les informations sur les substituts de façon à encourager leur développement.

Dernier point, il faut aussi que les actions que nous menons soient coordonnées avec les politiques européennes dans ce domaine. C'est pourquoi l'ANSES transmettra le résultat de ses travaux au niveau européen en vue d'examiner la pertinence d'une révision des doses de référence utilisées à des fins réglementaires. Pour sa part, le Gouvernement va notifier dès à présent à la Commission la disposition sur l'étiquetage.

Le Gouvernement émet un avis favorable à cette proposition de loi ainsi amendée, parce qu'il y va de la santé publique et de la protection de nos concitoyens.

Avec cette nouvelle loi, la France est le premier pays en Europe et parmi les premiers dans le monde à aller si loin dans la précaution, dans la protection contre le bisphénol A. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienM, président

Dans la discussion générale, la parole est à M. Simon Renucci.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, l'ANSES a indiqué, voici quelques jours, qu'il existe des éléments scientifiques suffisants pour justifier la réduction des expositions au bisphénol A.

En effet, elle juge nécessaire de remplacer « sans tarder » le bisphénol A « à cause d'effets sanitaires avérés chez l'animal et suspectés chez l'homme, et ce même à de faibles niveaux d'exposition ». L'expérimentation scientifique se heurte au fait que l'on n'est pas confronté une fois à une dose massive mais de façon continue à des doses faibles présentes dans de multiples objets de la vie quotidienne.

Je tiens à féliciter Mme la rapporteure pour son excellent rapport et notre ami Gérard Bapt pour le combat admirable qu'il a mené. Oui, le bisphénol A est un perturbateur endocrinien. Oui, il convient de limiter les risques d'expositions chez les populations les plus sensibles. D'où l'utilité de cette proposition de loi.

En usage depuis cinquante ans, cette molécule entre notamment dans la fabrication des films de plastique revêtant l'intérieur des contenants alimentaires. Pendant de nombreuses années, les autorités sanitaires ont considéré que cette substance ne représentait pas de risques pour l'homme. Mais, aujourd'hui, les conclusions des études sont claires : nous ne pouvons continuer ainsi.

Les revues scientifiques et les auditions menées nous permettent d'affirmer que les études sur la nocivité du bisphénol A doivent être prises très au sérieux. Il s'agit là de responsabilité politique. Le temps des décisions est venu.

Je note que nous parlons encore et toujours de santé publique sans pouvoir définir un vrai cadre général qui intégrerait d'emblée l'opportunité et la nécessité de se saisir de ces problématiques sans multiplier les initiatives.

Certes, la loi du 30 juin 2010 suspendant la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A a permis une prise de conscience au sein de la population mais, une nouvelle fois, l'information peine à parvenir à tout le monde. Il est de notre devoir de prendre aujourd'hui acte afin d'informer les populations à risques. La suppression du bisphénol A dans les biberons n'est pas suffisante, il faut favoriser des produits alternatifs.

Personne ne doit être stigmatisé, nous parlons de l'intérêt général. En raison du rapport bénéfice-risque du bisphénol A, il convient de trouver des substituts et de sortir de ces pratiques.

Les industriels craignent que 2014 soit une date trop proche et je peux comprendre leurs craintes car, au final, le risque de l'utilisation d'un produit de remplacement plus nocif n'est pas à exclure. Cependant, les responsabilités doivent être partagées, les industriels doivent effectuer une mutation progressive de leurs usages. En effet, il est également du devoir des industriels et des agences d'informer les consommateurs qui choisiront d'autres types de contenants. Chacun à un rôle à jouer dans cette offre de consommation. Peut-être serait-il nécessaire de prévoir des rencontres plus institutionnelles entre l'ANSES, les industriels et les consommateurs ?

Il a également été proposé de mettre en place un étiquetage des récipients et des emballages alimentaires au contact du bisphénol A, comme l'a déjà recommandé l'ANSES à plusieurs reprises. Comment évaluer la dose journalière admissible si de nombreux contenants alimentaires en contiennent ?

La suspension du bisphénol A est-elle réaliste et réalisable ? Nous le croyons. Certaines solutions alternatives existent et le progrès doit toujours être au service de la santé. Des progrès ont déjà été enregistrés à l'étranger. Pourquoi n'en serait-il pas de même en France ?

La sécurité des produits alimentaires doit nous préoccuper et nous devons protéger les populations en cas de risque. Les solutions existent et nous pouvons donner, ici, une impulsion en nous assurant qu'il existera un vrai dialogue de partage et de transmission des informations au sein de l'ANSES. Je crois aux vertus de la pédagogie et de l'information. Il est effectivement indispensable de lancer une campagne de prévention en faveur des populations les plus sensibles.

Je crois aussi que c'est en renforçant les moyens et les possibilités de mener des études des différentes agences sanitaires que les citoyens pourront bénéficier d'une information scientifique fiable sans pour cela attendre les résultats des études à venir. De nos jours, il me semble fondamental de pratiquer un principe de précaution en amplifiant le rôle de chacun. Je suis convaincu que le sens du bien commun et de l'intérêt général continuera à guider l'action de tous. Je vous remercie à cet égard, monsieur le ministre, de votre engagement, porteur de sens et de responsabilité.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Merci, monsieur le député.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, chères collègues, je me suis exprimée à plusieurs reprises dans cet hémicycle pour dénoncer les risques sanitaires liés à l'utilisation du bisphénol A et de l'ensemble des perturbateurs endocriniens, qui sont nocifs à notre santé, même à de très faibles doses. Je le réaffirme aujourd'hui, il est de notre responsabilité d'agir, et d'agir vite, pour que la santé publique soit sauvegardée.

Mes collègues Gérard Bapt et Jacqueline Fraysse le disaient en juin 2010 lors des débats sur la suspension de la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A : cette mesure, aussi louable soit-elle, ne suffit pas à protéger nos concitoyens et nos concitoyennes. Et ils n'étaient pas les seuls à vouloir étendre cette interdiction.

En effet, les expertises se sont multipliées.

M. Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie à l'université de Bordeaux, a déclaré : « C'est avant tout par l'intermédiaire de la mère que l'enfant est exposé au bisphénol A in utero, durant la gestation, mais également lors de l'allaitement, et là, le biberon n'intervient pas. »

En 2010, le rapport de synthèse de l'INSERM indiquait que la principale source d'exposition de la population était alimentaire, car le bisphénol A migre dans les aliments et les boissons à partir des matériaux plastiques utilisés pour les emballer ou les contenir.

Le 27 septembre dernier, le nouveau rapport de l'ANSES reconnaissait les risques du bisphénol A pour les nourrissons, les jeunes enfants, les femmes enceintes et allaitantes.

Les études se multiplient. Les scientifiques officiels donnent raison aux lanceurs d'alerte. Les politiques ne doivent pas rester à la traîne et cette proposition de loi nous donne l'opportunité d'agir. Chers collègues, à nous d'assumer ce tournant historique. Nous sommes face à un changement de paradigme.

En effet, ce n'est plus uniquement la dose qui fait le poison, mais la période et la durée d'exposition. Voilà la réalité scientifique du XXIe siècle. À nous de la décliner sur le plan législatif.

Le Réseau environnement santé, que j'ai auditionné dans le cadre de mon rapport sur la prévention et la sécurité sanitaire, le répète : il faut interdire le bisphénol A, notamment dans les boîtes de conserve et les canettes.

Les répercussions économiques d'une telle décision ne sont pas négligeables mais des systèmes de substitution existent déjà. Il n'est plus possible de mettre dans la balance de nos choix, d'un côté, les bénéfices économiques, de l'autre côté, les risques sanitaires.

Je voudrais également attirer votre attention sur un point : du fait de leur coût plus faible et de leur facilité de manipulation par rapport aux produits frais, les boîtes de conserve sont particulièrement utilisées par les associations d'aide alimentaire qui apportent leur soutien aux plus démunies. Notre société, une fois de plus, va-t-elle doublement punir les plus pauvres en faisant peser sur leur santé, déjà très fragilisée, une menace sanitaire supplémentaire ?

Madame la rapporteure, je voudrais saluer votre travail sur ce texte. Je comprends toute la difficulté à trouver des compromis afin d'arriver à une solution législative. Pour ma part, je suis pour une interdiction rapide du bisphénol A. Attendre janvier 2014 me semble encore bien lointain et j'espère que nous ne cèderons pas à MM. Decool et Gérard pour retarder l'interdiction à 2017.

Je partage votre avis qu'il est nécessaire d'informer clairement les populations les plus à risques par un étiquetage adapté. Je pense qu'il serait nécessaire de prévoir également des messages de santé publique qui leur soient destinés. M. le ministre vient de nous annoncer qu'il comptait prendre une initiative en ce sens. Nous regarderons de près cette proposition mais elle nous semble très intéressante a priori.

Si cette proposition de loi est votée, elle adressera un message fort à l'industrie. L'industrie voudra-t-elle l'écouter ? Ou va-t-elle compter sur sa capacité de lobbyisme pour retarder encore son application ? Il est de notre devoir de faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande prudence à cet égard.

Pour conclure, l'écologiste que je suis se félicite de voir ces questions de santé environnementale portées devant notre assemblée. Il faudrait d'ailleurs aller plus loin et ancrer ces préoccupations dans une loi de santé publique qui mette le principe de précaution et la prévention au coeur de nos politiques.

Mais commençons par le bisphénol A. Dès aujourd'hui, gravons dans la loi l'interdiction de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A. Empêchons enfin nos concitoyennes et nos concitoyens d'être pollués à leur insu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Xavier Breton.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, l'examen en commission des affaires sociales de la proposition de loi visant à suspendre la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A a coïncidé avec la publication, mardi 27 septembre, d'un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail sur le sujet.

L'agence arrive à la conclusion que l'on « dispose de suffisamment d'éléments scientifiques pour identifier d'ores et déjà comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles que sont les nourrissons, les jeunes enfants, ainsi que les femmes enceintes et allaitantes. Cet objectif passe par la réduction des expositions au bisphénol A, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires qui constituent la source principale d'exposition de ces populations ».

Dans ces conditions, il nous semble opportun d'envisager, pour l'élargir, une modification de la loi du 30 juin 2010 qui suspendait la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A.

La majorité, on le sait, est vigilante sur la problématique des perturbateurs endocriniens et le Parlement français est l'un des premiers à avoir suspendu la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A. Le Gouvernement a également choisi d'être transparent sur ce sujet des perturbateurs endocriniens et a commandé, dès 2009, une série d'expertises.

C'est ainsi que l'ANSES, à la demande du Gouvernement, a élaboré une expertise sur les dangers et les usages du bisphénol A, dont elle vient de publier les rapports. Cette expertise examine l'ensemble des études scientifiques récentes sur les effets de cette molécule relativement courante dans l'environnement de tous les jours, puisqu'on la retrouve à l'intérieur des boîtes de conserve ou des canettes, dans des plastiques du secteur automobile, mais également dans l'électroménager, la construction, le secteur médical et bien d'autres domaines.

L'ANSES confirme un certain nombre de signaux concernant les effets potentiels du BPA sur la santé, en pointant des périodes de plus grande vulnérabilité, les périodes pré et postnatal, mais en soulignant également la nécessité de disposer de substances de substitution à la fois efficaces et sans risques, sachant que, si des solutions existent pour certains types de plastique, il n'y a pas, à ce jour, de substitut universel pour le BPA.

C'est pourquoi l'ANSES, en plus de poursuivre son évaluation sur les risques chez l'homme, soumet à consultation le résultat de ses travaux et lance un appel à contributions, afin de recueillir d'ici fin novembre 2011 toute donnée scientifique ou information utile concernant notamment les produits de substitution disponibles et les données relatives à leur innocuité.

Il reste en effet fondamental de s'assurer de l'innocuité des produits de substitution. La question des délais dans lesquels cette substitution peut être envisagée sans risque est également importante.

C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales, sous l'impulsion notamment des députés du groupe UMP, a adopté un amendement qui tend à repousser l'application de cette proposition de loi au 1er janvier 2014. Ce délai de deux ans nous semble aujourd'hui suffisant pour permettre une adaptation de l'industrie.

Je sais que notre collègue Edwige Antier avait demandé en commission que l'on fasse porter en priorité les efforts de substitution, dans la mesure du possible, sur les contenants alimentaires à l'usage des petits enfants. Je me réjouis, monsieur le ministre, de la célérité avec laquelle vous avez pu travailler sur cette éventualité que nous allons concrétiser.

Le travail mené par l'ANSES sur l'innocuité des substituts disponibles mené va continuer, bien sûr, durant le délai différencié que nous intégrons à ce texte. Nous souhaitons que d'autres mesures de précaution soient étudiées pour éviter au maximum l'exposition des populations les plus sensibles, c'est-à-dire les enfants de moins de trois ans, comme je viens de l'évoquer, mais également les femmes enceintes ou allaitantes.

Je pense notamment à un étiquetage spécifique, et je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur les pistes de travail que vous envisagez. Nous vous félicitons en tous cas de votre réactivité sur ce sujet. Après l'adoption, la semaine dernière, du projet de loi sur le médicament, nos concitoyens peuvent compter sur votre vigilance et celle des députés, sur tous les bancs de cet hémicycle. Dans ces conditions, qui assurent la sécurité de nos concitoyens, le groupe UMP votera cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. Gérard Bapt.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour acter une avancée importante en matière de perturbateurs endocriniens.

Ce n'est qu'assez récemment que l'on s'est saisi de cette question, en dépit des appels à la vigilance lancés depuis plusieurs années par des scientifiques de renommée internationale, aux États-Unis, à Vienne ou à Paris.

En 2009, deux biologistes américains, Carlos Sonnenschein et Ana Soto, ont présenté devant le groupe d'études sur la santé environnementale de notre assemblée leurs travaux expérimentaux sur le bisphénol A et la souris. Par la suite, les alertes émanant de la société civile ont incité les parlementaires, dont votre serviteur, à s'emparer de la question.

Pour ma part, monsieur le ministre, dès juin 2009, j'interdisais dans ma commune, par arrêté municipal, la vente et l'utilisation des biberons au bisphénol. C'est une petite commune, avec trois pharmacies et trois supermarchés : l'interdiction était donc d'application relativement aisée, mais elle ne s'appliquait pas à l'hypermarché de la commune voisine. Néanmoins, le préfet ne déférait pas mon arrêté devant le tribunal administratif, ce qui me laissait un espoir pour la suite des événements.

C'est finalement en juin 2010, qu'était votée, quasiment aux forceps, le principe de l'interdiction de l'utilisation des biberons contenant du bisphénol A. Mais, à cette époque, l'essentiel de la contamination par le bisphénol, dont l'AFSSA nous disait qu'elle émanait pour 80 % des contenants alimentaires ou du lait maternel pour les nouveaux nés, échappait à cette interdiction, limitée aux seuls biberons.

Mon amendement, demandant son extension à l'ensemble des contenants alimentaires à partir de janvier 2012 pour tenir compte des nécessités d'adaptation des industriels, était repoussé. Une proposition de loi déposée à mon initiative par le groupe socialiste reculait ensuite l'échéance à juillet 2012 et, le temps passant, Mme Delaunay déposait à son tour, au nom de la commission, un amendement proposant que l'interdiction du bisphénol dans l'ensemble des contenants alimentaires prenne effet en juillet 2013. Un compromis passé avec le groupe UMP en commission des affaires sociales a enfin permis que soit voté à l'unanimité, une fraction notable de ce groupe choisissant cependant de s'abstenir, un texte qui fixe la date de l'interdiction à janvier 2014.

Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd'hui d'aller plus loin. Un journal que j'ai sous la main dit même que vous voulez allez plus loin que la proposition du parti socialiste : mais c'est parce que nous avons accepté en commission un compromis avec l'UMP que nous avons repoussé la date d'interdiction au 1er janvier 2014 ! Vous n'allez en vérité guère plus loin que notre proposition initiale pour les enfants de moins de trois ans.

Quoi qu'il en soit, l'important est que le mouvement ait été lancé et que l'échéance permette aux industriels de résoudre la question de la substitution qui, toute mauvaise volonté mise à part, est pour eux un réel problème. Je l'avais d'ailleurs moi-même soulevé cet été en découvrant dans un média suisse, après m'être réjoui que l'on ait supprimé des tickets de caisse le bisphénol A qui pouvait contaminer les caissières – souvent des jeunes femmes susceptibles d'être enceintes –, que la substitution par le bisphénol S n'avait pas éliminé tout risque de contamination par un perturbateur endocrinien, certes différent, mais plus dangereux peut-être à certains égards puisqu'il est plus persistant dans l'environnement.

Au Danemark, le bisphénol est déjà interdit dans les biberons mais également dans les contenants alimentaires destinés aux enfants de moins de trois ans ; dans le Connecticut, l'interdiction générale du bisphénol est effective depuis le 1er octobre. Le problème des substituts est donc bien réel, mais il semblerait qu'on ait déjà trouvé, aux États-Unis, des solutions de substitution.

Un autre aspect de la question, avant même que l'interdiction soit effective, concerne l'information qu'il convient de diffuser auprès des populations les plus concernées, dans les maternités ou les structures de la petite enfance, auprès des femmes enceintes, des jeunes enfants et des adolescents en période de puberté, chez qui le système hormonal est le plus susceptible d'être perturbé.

J'avais regretté, monsieur le ministre, qu'aucune initiative n'ait été prise à ce jour en matière d'information préventive. Il y a dix jours encore, en visite dans le laboratoire d'analyses médicales de ma commune, je lisais l'un de ces fascicules destinés aux femmes enceintes. J'ai pu noter que, la rubrique concernant l'alimentation évoquait le calcium, la vitamine D, le fer, les sucres lents, les protéines, la salmonellose, la listériose, la toxoplasmose… continuait par la cigarette, mais sans un mot sur le bisphénol.

Monsieur le ministre, vous avez pris la décision de rompre avec l'immobilisme et vous nous avez présenté la maquette d'une plaquette d'information, assez proche dans sa forme de la plaquette éditée par le département de santé publique du Massachusetts, que j'avais soumise à votre prédécesseur, et qui est depuis des années déjà distribuée dans les maternités.

Je dirai cependant un mot du contenu de votre plaquette : à la rubrique « Y a-t-il des risques pour votre santé et celle de vos enfants ? », il me semble que la phrase : « Les études scientifiques ne parlent pas de risques avérés pour la santé aux doses auxquelles les consommateurs sont exposés dans des conditions normales d'utilisation » est en contradiction avec les conclusions de l'ANSES, selon lesquelles les effets sanitaires expérimentaux surviennent à des doses inférieures aux doses normales d'utilisation. Il faudra donc corriger ce passage.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Tout à fait. Il le sera.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

J'en veux pour preuve – et cela fait le lien avec notre discussion précédente sur le sucre – une étude très récente publiée par l'université des sciences et technologies de Wuhan, en Chine, sur la rate gestante. Cette étude montre qu'une rate gestante exposée à de très faibles doses de BPA, inférieures à la dose limite d'absorption admise aujourd'hui, développe chez ses descendants des phénomènes d'obésité ; que lorsqu'elle est exposée à de très fortes doses en revanche, ces effets ne sont plus observés, comme si le perturbateur endocrinien saturait tous les récepteurs et n'avait plus les mêmes effets délétères sur le poids. Des expériences complémentaires ont ainsi montré, dans les cas d'excès de sucre, des risques de syndrome métabolique et d'effets délétères comme l'obésité et le diabète.

Nous sommes naturellement très heureux, monsieur le ministre, d'être parvenus sur ces questions à un consensus, fort bien défendu par Mme Delaunay en commission et auprès de l'ensemble de nos collègues, avec l'aide précieuse de Mme Antier qui, en tant que pédiatre, s'intéresse de près à ces questions.

Je regrette qu'à l'occasion de nos discussions sur le BPA, nous n'évoquions pas la question des phtalates, car l'étude menée par Rémy Slama à Grenoble montre, à partir de l'observation chez l'homme, que, si l'imprégnation au BPA a des effets possibles sur le poids, l'imprégnation par les phtalates pourrait provoquer des dysgénésies sexuelles. Là encore, il conviendrait de trouver rapidement des substituts pour les dispositifs médicaux, notamment pour les tubulures.

Bien entendu, monsieur le ministre, le groupe socialiste votera cette proposition de loi, amorçant ainsi une vraie prise en compte des dangers liés aux perturbateurs endocriniens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Edwige Antier.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord dire combien les parlementaires se sont montrés concernés par la santé des Français lors de l'examen en commission sur cette proposition de loi.

Je voudrais également vous dire, monsieur le ministre, combien vous nous avez tous épatés en nous répondant oui et en publiant cette brochure. En effet, elle n'est pas anodine, et quiconque s'occupe de crèches sait ce que représentera une telle brochure pour le personnel en termes d'habitudes de travail et d'informations à transmettre aux parents. Il fallait donc du courage pour l'éditer, mais c'est la preuve que, lorsque nous parvenons à travailler tous ensemble sur le cas d'un produit potentiellement toxique, nous faisons du bon travail.

Je suis vraiment soulagée de voter cette loi, car le taux croissant de malformations de la sphère urogénitale à la naissance, de malformations du sexe du petit garçon, de poussée des seins chez des petites filles de huit ou neuf mois, me préoccupent beaucoup. Les malformations de la sphère génitale, lorsqu'elles ne sont pas majeures, ne sont en général pas déclarées, surtout lorsque l'imprégnation survient dans les mois ou les deux ans qui suivent la naissance.

De même, la baisse de la fécondité chez les hommes n'est pas mesurée par les services de santé, alors que les jeunes femmes thésaurisent le BPA dans la graisse avant de le restituer à l'embryon et pendant l'allaitement. L'ensemble des données, tous les intervenants l'ont bien répété, démontrent la nocivité des perturbateurs endocriniens chez l'animal, mais aussi, de plus en plus, chez l'homme et surtout chez l'enfant.

Certains fabricants signalent déjà par étiquetage que leurs contenants sont exempts de bisphénol A. Je salue cette initiative qui va dans le sens de la transparence et qui responsabilise le consommateur. Nous devons encourager les fabricants à poursuivre dans cette voie.

J'étais dernièrement dans une crèche où une maman préférait que soit donné à son enfant le lait qu'elle apportait elle-même plutôt que celui de la crèche, car elle était persuadée que sa boîte en fer ne contenait pas de BPA. Or, l'étiquette du récipient de la crèche attestait de l'absence de BPA, contrairement à la boîte en fer de la maman. L'étiquetage est essentiel et j'espère que cette loi, ainsi que la plaquette que nous a présentée le ministre, seront de nature à sensibiliser les fabricants afin qu'ils précisent si du BPA se trouve ou non dans leur contenant. Cela fait des années que nous nous opposons à coup de chiffres sur les concentrations de BPA dans l'alimentation des bébés, des fillettes, des futures mamans, mais il est facile de contester lorsque les cas ne sont pas déclarés. Lorsqu'un enfant contracte la rougeole, celle-ci est déclarée, mais si une petite fille de deux ans souffre d'une gynécomastie, c'est-à-dire d'un développement anormal des seins, personne ne le saura. Même les services d'endocrinologie infantile à qui nous les confions pour vérifier l'absence de tumeur ovarienne n'auront pas à déclarer la survenue d'une gynécomastie inexpliquée. Comment pourrait-on conclure, dans ces conditions, que l'imprégnation au BPA a des conséquences sur la santé ? C'est très étonnant.

La loi impose de remplir, à neuf mois et à deux ans, des questionnaires sur les enfants. Ces questionnaires étaient autrefois exigés par les services de la PMI, mais ils restent aujourd'hui dans les carnets de santé.

Une étude longitudinale Elfe a été menée sur 2 000 enfants, mais je crains qu'elle n'ait pas porté sur ces items que sont la taille du pénis – il existe des normes de taille du pénis chez l'enfant – ou le volume des seins. Il faut vérifier que l'étude prend en compte ces éléments.

Nous allons prendre rapidement des mesures pour interdire ces substances dans les conditionnements alimentaires. La date butoir du 1er janvier 2014 laisse le temps à l'industrie, déjà bien mobilisée, de s'organiser et de proposer des alternatives efficaces et sans risques.

Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour votre brochure très intéressante, qui nous servira à former les personnels de crèche, car c'est là que tout se jouera.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Cette proposition de loi vise à interdire l'utilisation et, en amont, l'importation, l'exportation et la commercialisation de tout conditionnement alimentaire contenant du bisphénol A.

Rappelons que cette proposition intervient alors que la France a pris du retard dans le durcissement de la réglementation, et que nous devons agir dans le cadre d'une application raisonnée du principe de précaution.

Il y a trois ans et demi, le 5 mai 2008, j'interrogeais la ministre de la santé sur la dangerosité du bisphénol A utilisé pour la fabrication des contenants alimentaires.

Trois semaines auparavant, l'office public de santé du Canada avait classé le bisphénol A au rang de substance dangereuse et en limitait l'utilisation.

Selon le gouvernement canadien, des études avaient déterminé que la principale source d'exposition des nouveau-nés et des nourrissons se produisait en cas d'exposition des contenants à une température élevée.

La ministre française venait alors de demander un avis à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments – AFSSA.

En mars 2010, j'écrivais à nouveau à la ministre pour lui demander quelle suite elle entendait donner à la recommandation, faite quelques mois auparavant par l'AFSSA, d'éviter de chauffer à forte température les biberons ou récipients contenant des aliments, notamment liquides.

Cette recommandation tendait à confirmer l'existence d'un risque pas ou peu connu des familles, et pour lequel une information claire et suffisante devait être faite en direction des acheteurs et des utilisateurs de produits contenant du BPA.

Dans sa réponse, la ministre faisait valoir que la loi du 30 juin 2010 suspendait la mise sur le marché de biberons produits à base de BPA jusqu'à l'adoption d'un avis motivé de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES – et m'indiquait que le Gouvernement soumettrait un rapport au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2011.

En août 2010, j'écrivais à nouveau à la ministre en lui demandant comment elle comptait mettre en oeuvre l'avis de l'ANSES qui recommandait d'étiqueter systématiquement les ustensiles ménagers en contact avec les aliments et contenant du BPA – boîtes en plastique notamment – afin d'éviter leur utilisation pour un chauffage excessif des aliments.

La ministre m'a répondu qu'il convenait, je cite, de « poursuivre le travail d'expertise afin de mieux caractériser le risque », mais n'annonçait aucune mesure d'information des consommateurs malgré l'avis de l'agence.

Que faut-il inférer de ces échanges ? Un retard, non seulement à interdire le bisphénol A, mais encore à informer simplement les consommateurs des mesures à prendre pour éviter toute réalisation d'un risque certes potentiel, mais nullement imaginaire.

Face à ce retard, il est nécessaire de poser une interdiction motivée par une application raisonnée du principe de précaution.

La plupart des avis publiés par les diverses autorités impliquées dans la sécurité alimentaire indiquent que l'exposition de la population au BPA, y compris celle des jeunes enfants, ne semble pas inquiétante pour la santé.

Toutefois, ces mêmes avis s'accordent à considérer que des incertitudes persistent.

Le principe de précaution renvoie à un devoir de prudence que l'État ou les autorités administratives doivent mettre en oeuvre.

C'est vrai, la question du délai de mise en oeuvre, initialement prévue au 1er juillet 2012, se pose. Il sera peut-être repoussé, nous verrons plus tard.

Une étude publiée en 2010 aux États-Unis montre que l'industrie, face aux risques de détournement des consommateurs et de litiges, s'adapte plus rapidement que le régulateur.

La date proposée pourrait être revue à deux conditions : que les entreprises ne puissent se prévaloir d'aucune autre solution technique équivalente dans le délai imparti – mais avec un échéancier de mise en conformité – et que le Gouvernement, dont c'est la responsabilité, mette en oeuvre l'avis de l'ANSES rendant obligatoire toute l'information utile aux consommateurs.

Ainsi pourraient être garanties la sécurité des consommateurs et l'adaptation de l'industrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienM, président

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à ma question sur ce document et de nous l'avoir fourni.

Je souscris à la remarque de Gérard Bapt et je me permettrai d'en formuler une autre. Vous savez en quelle estime je tiens le Parlement – et vous aussi. Il est écrit dans votre plaquette que les autorités sanitaires se sont engagées à interdire progressivement le BPA dans les contenants alimentaires. Or, c'est le Parlement qui est sur le point – je l'espère – de s'engager le plus concrètement. Je ne m'attendais pas à ce que vous rendiez spécialement hommage à Gérard Bapt, mais peut-être pourriez-vous citer plus expressément la loi ou le Parlement. Je vous laisse en juger, c'est un détail.

Madame Poursinoff, s'agissant de la date, nous avons obtenu, à l'issu d'un débat que tout le monde a salué ici, un consensus. Cette date a été proposée, monsieur Breton, à mon initiative et non pas, comme l'a dit M. Jacob, à celle du groupe UMP, mais ce n'est pas essentiel.

Ce délai a été obtenu par consensus pour une raison très importante : permettre de mettre au point des substituts mais surtout que des travaux scientifiques puissent établir leur innocuité. Ces travaux demandent du temps – nous ne le savons même que trop, quand nous voyons combien de temps il a fallu pour aboutir aux conclusions sur le BPA.

Je dirai enfin à Gérard Bapt que c'est bien par effet de saturation des récepteurs qu'agit le BPA, ce qui explique qu'une fois ces récepteurs saturés, l'on peut augmenter la dose sans que la toxicité augmente. Cette substance est assez particulière car elle n'a pas l'effet qu'ont en général les substances chimiques qui répondent au rapport dose-effet – plus on en prend, plus c'est toxique. C'est au contraire un effet de nature proprement biologique, la saturation des récepteurs, qui est due à l'extrême parenté de la molécule avec celle des oestrogènes.

Debut de section - PermalienM, président

J'appelle à présent dans le texte de la commission l'article unique de la proposition de loi.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.

Debut de section - PermalienM, président

La réserve est de droit.

Je suis saisi de deux amendements, nos 8 et 4 , deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 8 fait l'objet d'un sous-amendement n° 11 de Mme la rapporteure.

La parole est à M. le ministre pour soutenir l'amendement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je l'ai présenté dans mon propos liminaire.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l'avis de la commission et rpésenter le sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Le sous-amendement n° 11 vise à supprimer la dernière phrase de l'alinéa 3. En effet, l'alimentation générale est la principale source d'exposition au BPA des enfants de moins de trois ans. L'ANSES a démontré dans son rapport que, même chez les tout-petits, les sources d'exposition sont essentiellement – pour 39 % – le lait maternel – qui dépend des aliments absorbés par la maman – et le lait tout court, qu'il s'agisse du lait maternisé que boira l'enfant jusqu'à ses douze mois ou du lait qu'il boira ensuite. Les mesures qui se focalisent sur l'enfant de moins de trois ans ne sont donc guère utiles.

Nous étions convenus, ainsi que je l'ai indiqué, d'une date unique, ce qui me semble plus lisible. Néanmoins, je suis prête à retirer mon sous-amendement, à une condition cependant, monsieur le ministre : que ce retrait ne conduise pas à accepter un amendement suivant de M. Gatignol tendant à supprimer l'étiquetage déconseillant l'usage des conditionnements en question aux femmes enceintes ou allaitantes et aux enfants de moins de trois ans.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je peux vous rassurer : le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienM, président

Maintenez-vous votre sous-amendement, madame la rapporteure ?

Debut de section - PermalienM, président

Dois-je en déduire, madame la rapporteure, que vous êtes favorable à l'amendement n° 8 du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Edwige Antier.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Je suis très favorable à l'amendement n° 8 du Gouvernement. Il s'inscrit en effet dans la même philosophie que j'ai développée précédemment.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme la rapporteure, pour défendre l'amendement n° 4 , deuxième rectification.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Cet amendement étant satisfait, je le retire.

(L'amendement n° 4 , deuxième rectification, est retiré.)

(Le vote sur l'amendement n° 8 est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le Gouvernement émet un avis favorable, mais se demande s'il ne conviendrait pas d'ajouter dans le même alinéa, après les mots « femmes enceintes », les mots « et allaitantes ».

Debut de section - PermalienM, président

Il s'agirait alors d'un nouvel amendement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Dans ces conditions, et dans la mesure où nos débats ont une valeur juridique, je me contenterai de préciser qu'il conviendra, ainsi que je l'ai dit à la tribune, de retenir aussi la notion de femme allaitante.

Debut de section - PermalienM, président

Nous en restons donc à l'amendement n° 3 tel que déposé, qui a reçu un avis favorable du Gouvernement, sachant que l'intervention de M. le ministre éclairera l'interprétation de la loi.

(Le vote sur l'amendement n° 3 est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

L'amendement n° 2 de Mme la rapporteure est également rédactionnel.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable.

(Le vote sur l'amendement n° 2 est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

Je suis saisi d'un amendement n° 9 rectifié , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 10 .

La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il est défendu.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement et présenter le sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

La commission n'a pas examiné l'amendement.

Quant au sous-amendement, il a pour objet de retarder la date de dépôt du rapport prévu par le Gouvernement dans son amendement, pour la raison que j'ai donnée tout à l'heure.

Non seulement il est long d'établir des données scientifiques, mais nous ne savons pas quelles substances seront testées, même si les industriels en ont certainement une idée. Il n'est pas certain également que les conséquences de substances déjà connues et analysées sur les animaux soient mises en évidence. Aussi faut-il donner aux scientifiques le temps d'effectuer un travail convenable.

Si un rapport trop hâtif devait être publié, il pourrait nous conduire à des conclusions qui le seraient également, c'est-à-dire de déclarer innocente une substance qui, à la suite de travaux prolongés, pourrait au contraire se révéler toxique ou présenter des risques.

Loin de toute arrière-pensée, le sous-amendement traduit simplement le souci, en fixant un délai relativement généreux, que l'innocuité des substances substitutives soit bien établie.

Debut de section - PermalienM, président

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable. Je comprends bien Mme Delaunay, mais j'inverse la logique : s'agissant des enfants de moins de trois ans, il me faut un rapport avant 2013, ce qui n'exclut pas d'autres étapes par la suite.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à Mme Edwige Antier.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Puisque étapes il y aura, pourquoi justement ne pas préciser que le rapport élaboré par l'ANSES sera un rapport d'étape ? En 2012, aucun rapport sur les effets du BPA ne sera définitif s'agissant des effets du BPA.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je suis d'accord.

Debut de section - PermalienM, président

L'amendement devient donc l'amendement n° 9 , deuxième rectification.

(Le vote sur le sous-amendement n° 10 est réservé.)

(Le vote sur l'amendement n° 9 , deuxième rectification, est réservé.)

(Le vote sur l'article unique est réservé.)

Debut de section - PermalienM, président

Nous avons achevé l'examen de l'article unique de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienM, président

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En application de l'article 44, alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les amendements nos 8 , 3 , 2 et 9 , deuxième rectification, ainsi que sur l'article unique, à l'exclusion de tout autre amendement ou sous-amendement.

Debut de section - PermalienM, président

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'article unique de la proposition de loi auront le mercredi 12 octobre, après le débat préalable au Conseil européen.

Debut de section - PermalienM, président

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Proposition de loi instaurant une épreuve de « formation aux premiers secours » pour les candidats au brevet des collèges.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron