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Séance en hémicycle du 26 mai 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • circonstance
  • dérogation
  • seine-saint-denis

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

M. le Président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Alain Moyne-Bressand, député de l'Isère, d'une mission temporaire auprès de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au maintien en fonctions au delà de la limite d'âge de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement. (nos 3438, 3447)

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je voudrais dégager les quelques idées fortes qui sous-tendent ce projet de loi relatif au maintien en fonctions, au-delà de la limite d'âge, de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement.

Son premier objectif est que les ressources humaines de l'État servent au mieux l'intérêt général, autrement dit que l'État puisse s'appuyer au bon moment, au bon endroit, sur les agents publics les plus adaptés à l'exercice d'une mission donnée.

Pour ce faire, le projet de loi autorise le Gouvernement à maintenir en poste certains hauts fonctionnaires qui ont atteint la limite d'âge, afin qu'ils soient en mesure d'assurer la continuité de leur action quand les circonstances l'exigent.

En effet, la limite d'âge imposée aux agents publics agit comme un couperet : les fonctionnaires qui l'atteignent sont mis à la retraite d'office et sans délai.

Si cette règle a une portée générale qu'il ne faut pas remettre en cause, elle doit pouvoir être adaptée, de façon limitée, dans le cas des emplois à la décision du Gouvernement.

On sait combien l'expérience est une richesse. Elle est un atout que la puissance publique doit pouvoir mettre à profit, a fortiori en cas de situation particulière dans un organisme ou une zone géographique donnée. J'en prends pour exemple un cas qui, vous le savez, s'est produit dernièrement, celui d'un ambassadeur qui a atteint la limite d'âge alors même que le pays auprès duquel il est affecté connaît une crise mettant en jeu les intérêts de la France.

Dans un tel cas, tout à fait concret, faut-il le relever d'office nonobstant la situation ? N'est-il pas plus raisonnable de mettre à profit sa connaissance du terrain, des acteurs, des problématiques de la crise ?

Sous certaines conditions bien définies, il peut être opportun de maintenir cet ambassadeur à son poste, pour une durée limitée, afin d'assurer la gestion de la crise.

Pour ce faire, un nouveau texte de loi est indispensable. En effet, le maintien en fonctions au-delà de la limite d'âge d'un fonctionnaire occupant un emploi à la décision du Gouvernement n'est actuellement possible que dans des cas très particuliers, à savoir pendant une période de trois mois avant et trois mois après l'achèvement d'un mandat présidentiel, ou pour permettre au fonctionnaire concerné d'obtenir la durée de services liquidables définie dans le code des pensions civiles et militaires de retraite.

Peu lisible, peu cohérent, le droit actuel ne nous satisfait pas. Il crée d'ailleurs des situations que nous ne pouvons accepter.

Ainsi, il conduit à traiter différemment les titulaires des emplois à la décision du Gouvernement selon qu'ils sont ou non fonctionnaires. Plus précisément, un titulaire de la fonction publique est dans une situation plus défavorable que celui qui ne l'est pas, et que le Gouvernement peut maintenir en poste car il n'est soumis à aucune limite d'âge.

Il est donc nécessaire d'établir une règle équilibrée et juste pour les emplois à la décision du Gouvernement.

Pour autant, soyons très clairs : en aucun cas, cette loi ne saurait légitimer le recours systématique à des dérogations au dispositif de limites d'âge instauré dans la fonction publique.

On pouvait envisager plusieurs options pour maintenir certains hauts fonctionnaires à leur poste.

Fallait-il revenir sur le cadre général de limite d'âge pour les emplois à la décision du Gouvernement ? Nous ne le pensons pas. Nous proposons plutôt de faire du maintien de certains hauts fonctionnaires une décision exceptionnelle, au cas par cas, et strictement encadrée par les quatre conditions suivantes.

La première, absolument fondamentale, est que cette décision doit être prise « à titre exceptionnel » et doit être justifiée par l'« intérêt du service ».

Deuxièmement, une telle décision nécessite l'accord du haut fonctionnaire concerné et doit reposer sur un acte de même forme que celui qui l'a nommé à ce poste.

Ensuite, le texte fixe une durée maximale au maintien : il ne peut excéder deux ans à compter du jour où l'intéressé devrait normalement, compte tenu des droits qui lui sont applicables, quitter ses fonctions. Cette limite de deux ans est importante pour éviter le risque d'un vieillissement structurel des détenteurs des emplois les plus élevés dans la fonction publique.

Enfin, le Gouvernement conserve naturellement le pouvoir discrétionnaire de révoquer l'agent à tout moment.

Ces quatre conditions apportent les garanties nécessaires à la dérogation qui vous est demandée. En outre, elles réduisent de facto le champ d'application du texte.

Celui-ci ne concerne que les agents publics occupant un des emplois supérieurs mentionnés à l'article 25 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État. La liste de ces emplois a été fixée par un décret du 24 juillet 1985. Il s'agit des secrétaires généraux, des directeurs d'administration centrale, des délégués interministériels ou ministériels, des commissaires, des préfets, des ambassadeurs, des recteurs et des chefs de corps de certains corps d'inspection. On peut estimer approximativement leur nombre à six cents.

Compte tenu de l'encadrement fixé par le projet de loi, la dérogation ne pourrait s'appliquer qu'à un nombre très limité d'agents publics, quelques unités tout au plus chaque année. II s'agit bien d'une décision exceptionnelle, répondant à des circonstances exceptionnelles, et ce dans l'intérêt du service. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, ce projet de loi, que le Sénat a adopté sans modification, ouvre la possibilité de maintenir temporairement à leur poste, bien qu'ils aient atteint la limite d'âge, les fonctionnaires occupant un emploi supérieur pour lequel la nomination est laissée à la décision du gouvernement.

C'est l'article 25 de la loi Le Pors du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de L'État qui a créé cette catégorie d'emplois, dont la liste a été dressée par un décret du 24 juillet 1985, signé par le président Mitterrand lui-même. C'est dire l'intérêt qu'il y portait. (Mouvements divers.)

Il s'agit d'environ six cents emplois, notamment ceux de secrétaire général de ministère, de directeur d'administration centrale, de préfet, d'ambassadeur, de recteur. Il est rare que l'on y nomme des contractuels. La plupart du temps, les personnalités choisies sont des hauts fonctionnaires placés en position de détachement.

En application de l'article 68 de la loi du 11 janvier 1984, ces hauts fonctionnaires doivent, le jour même où ils atteignent la limite d'âge de leur corps d'origine, quitter leur emploi en même temps qu'ils prennent leur retraite de fonctionnaire. Ils partent donc, pour la plupart, à l'âge de 65 ans, ou de 66 ans s'ils ont eu trois enfants ou plus ; ces limites seront repoussées progressivement de deux ans avec l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

Ce départ automatique le jour où est atteinte la limite d'âge ne touche que les hauts fonctionnaires et non les contractuels qui peuvent pourtant occuper les mêmes emplois supérieurs. Il crée donc une inégalité de traitement sans justification.

Surtout, il peut s'avérer très gênant pour le service, en raison des circonstances, de la personnalité du fonctionnaire ou de la mission qui lui a été confiée. Ce sera le cas, comme le secrétaire d'État l'a rappelé, pour un ambassadeur en poste dans un pays en crise ou en guerre. On peut penser aussi à un directeur d'administration centrale chargé de rédiger une réforme législative ou réglementaire importante ou de mener à bien la fusion de deux directions, ou encore à un haut fonctionnaire que son expérience et ses compétences ont désigné pour redresser une situation difficile.

Dans tous ces cas, il peut se révéler utile, voire indispensable, de maintenir le haut fonctionnaire en place pour lui permettre d'achever sa mission dans l'intérêt du pays. Tel est l'objet du projet de loi qui nous est soumis. Son article unique ouvre au Gouvernement la possibilité de maintenir le fonctionnaire dans son emploi nonobstant la limite d'âge. Mais le texte encadre très strictement cette faculté. Quatre conditions devront en effet être respectées, sous le contrôle du juge administratif.

La mesure devra rester exceptionnelle et être prise dans l'intérêt du service, au vu des critères que je viens d'énumérer.

L'intéressé devra, bien entendu être d'accord.

La durée de la prolongation sera fixée dans la décision ; elle sera plus ou moins longue, mais ne pourra jamais excéder deux ans.

Il pourra y être mis fin à tout moment.

Étant donné ces conditions très strictes, cumulatives de surcroît, la loi ne trouvera probablement pas à s'appliquer très fréquemment. Chaque année, quelques dizaines de hauts fonctionnaires atteignent la limite d'âge alors qu'ils occupent un emploi supérieur à la discrétion du Gouvernement ; et très rares, sans doute, seront les cas dans lesquels le Gouvernement jugera qu'une prolongation est à la fois possible et justifiée. C'est d'ailleurs cette considération qui a entraîné le rejet du projet par la commission des lois, contre l'avis de votre rapporteur.

Les orateurs inscrits dans le débat présenteront, mieux que je ne saurais le faire, les raisons qui ont conduit à ce rejet. Cependant, je ne crois pas déformer la pensée de mes collègues en disant qu'ils ont formulé trois critiques qui se recoupent en partie : un texte de circonstance, une loi ad hominem, une prolongation purement discrétionnaire. M'exprimant maintenant à titre personnel, je dois dire qu'aucun de ces arguments ne m'a convaincu.

En premier lieu, une loi est par définition un texte de portée générale qui régit des situations individuelles. Le fait que celle qu'il nous est proposé de voter soit susceptible de s'appliquer, dans les jours, les mois ou les années qui viennent, à tel ou tel préfet, recteur ou ambassadeur, ne la disqualifie aucunement. C'est la vocation de toutes les lois.

En deuxième lieu, ce n'est pas un texte de circonstance. Il restera en vigueur après sa première application, et ceux qui le critiquent aujourd'hui, s'ils exerçaient un jour des responsabilités gouvernementales, seraient bien aise d'en disposer lorsque les conditions seraient remplies.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Troisièmement, le fait que la prolongation résulte d'une décision discrétionnaire ne peut pas non plus motiver le rejet du texte. D'abord, parce que la faculté ouverte au pouvoir exécutif est très encadrée, ainsi que nous l'avons vu. Ensuite, parce que les emplois dont nous parlons constituent une catégorie particulière, prévue par la loi du 11 janvier 1984 et conforme à la tradition républicaine. Dans une décision du 28 janvier 2011, rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité transmise par le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel a jugé que l'existence de ces emplois n'était pas contraire à la Constitution et que le Gouvernement était libre de son choix, sous réserve de s'assurer des capacités des personnes désignées. Toutes les décisions qui les concernent sont discrétionnaires, qu'il s'agisse de leur nomination ou de leur révocation. La décision de les prolonger est strictement de même nature et ne soulève aucune difficulté particulière.

Le caractère dérogatoire de cette catégorie d'emplois se manifeste d'ailleurs déjà dans une autre disposition législative, l'article 1er d'une loi du 31 décembre 1987 : si un fonctionnaire occupant un tel emploi atteint la limite d'âge dans les trois mois précédant l'achèvement du mandat du Président de la République, il peut être maintenu jusqu'à ce que le nouveau Président de la République prenne lui-même ses fonctions, de façon à préserver la liberté de choix de celui-ci. L'emploi du verbe « pouvoir » montre qu'il s'agit, là encore, d'une décision discrétionnaire. La mesure de prolongation qui vous est proposée s'inscrit dans la même logique et le même cadre juridique.

À titre personnel, je n'ai donc aucune hésitation à me prononcer pour l'adoption du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Dolez.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi tend à modifier les conditions d'exercice des fonctionnaires nommés dans des emplois « à la décision du Gouvernement », puisqu'il lève la limite d'âge de soixante-cinq ans au-delà de laquelle un fonctionnaire ne peut plus exercer dans son corps d'origine.

Je veux d'emblée affirmer l'opposition de principe des députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche, puisque ceux-ci militent pour le droit à la retraite à soixante ans et à taux plein pour tous.

Cela dit, les arguments mis en avant pour justifier ce projet de loi ne sont pas convaincants. D'abord, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi ne pas avoir introduit les dispositions que vous nous présentez dans le projet de réforme des retraites dont nous avons débattu à l'automne dernier ? Vous comprendrez que nous nous interrogions sur l'inscription précipitée de ce texte, selon la procédure accélérée, dans un calendrier législatif déjà particulièrement chargé, à un an de l'élection présidentielle.

Non, l'argumentation n'est guère convaincante, car la dérogation proposée va largement au-delà de ce qui pourrait être considéré comme nécessaire pour atteindre l'objectif indiqué dans l'exposé des motifs, à savoir « faire face à des situations où l'intéressé dispose de qualités, de compétences et d'une expérience faisant qu'il est difficilement remplaçable, à court terme, dans les fonctions qu'il occupe ».

Au regard des emplois et des situations visés, une prolongation possible de deux ans est évidemment très longue, chacun en conviendra. Ce texte ne va pas, en tout cas, dans le sens d'un rajeunissement ni d'un renouvellement des cadres de la haute fonction publique. Que le Gouvernement soit aujourd'hui contraint de proposer ce projet de loi signifie-t-il que la fonction publique se trouve dans une situation telle, au regard du nombre de ses hauts fonctionnaires, de leur niveau de compétences, de la qualité de leur formation, que le départ à la retraite d'un seul d'entre eux entraînerait une désorganisation réelle du service ? Personne ne peut sérieusement le croire compte tenu de l'excellence de notre fonction publique, unanimement reconnue.

Comme un grand quotidien de l'après-midi en a émis l'hypothèse le 21 avril dernier, l'explication est peut-être que « les hauts fonctionnaires au service du Président de la République et de sa politique ne sont finalement pas aussi nombreux, au point qu'il faille absolument et contre les règles en vigueur prolonger leur affectation ».

Les principes affichés par le Gouvernement pour justifier cette modification de la loi sont manifestement de pure opportunité. J'en veux pour preuve qu'à l'automne 2009, lors de l'épisode malheureux de l'EPAD, l'Élysée s'est opposé à un projet de décret de Matignon qui prévoyait précisément de repousser la limite d'âge au-delà de soixante-cinq ans, afin de permettre au président de l'EPAD de l'époque de conserver sa présidence. Pour les raisons que l'on sait, l'Élysée défendait alors une application stricte de la limite d'âge, ce qui ne l'empêcha pas, quelques mois plus tard, à l'été 2010, d'accepter de repousser cette fois la limite d'âge pour permettre l'accession de son candidat à la présidence du conseil d'administration de la société du Grand Paris.

La question est donc posée : à qui profite ce projet de loi ? L'étude d'impact réalisée par le Gouvernement reconnaît que l'option proposée « n'est susceptible de concerner que quelques unités tout au plus chaque année », soit en théorie, pour l'année 2011, deux préfets, six ambassadeurs et trois recteurs !

En réalité, il est maintenant de notoriété publique que le projet de loi n'a d'autre but que de sauver le préfet Lambert, qui fêtera ses soixante-cinq ans le 5 juin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

D'où la course contre la montre que le Gouvernement impose au Parlement pour que la loi soit promulguée avant cette date fatidique. Et, pour s'assurer que les parlementaires aient bien compris ce qu'on leur demande, l'étude d'impact indique, dans son point 4 relatif à la mise en oeuvre de la réforme :

« L'objet de la mesure peut concerner, sans qu'il soit besoin de le préciser, les situations en cours » ;

« Aucun décret d'application n'est nécessaire, les nouvelles dispositions législatives produiront leurs effets d'elles-mêmes ».

Considérer que le préfet Lambert est difficilement remplaçable,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

…pour reprendre l'expression déjà citée et utilisée dans l'exposé des motifs, revient naturellement à porter une appréciation sur l'action menée par celui-ci en Seine-Saint-Denis depuis sa nomination, il y a un an, mais tout aussi évidemment à faire le bilan de la politique qu'il est chargé de mettre en oeuvre.

Pour la majorité des élus de ce département, les résultats ne sont absolument pas au rendez-vous,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

…les moyens humains et matériels mis à la disposition des forces de police étant à la fois insuffisants et inadaptés : insuffisants, car inférieurs de 10 % à 20 % à ce qui serait nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Le seul réel changement réside probablement dans une communication et une logique de répression qui, au-delà de proclamations tonitruantes, n'ont apporté aucun résultat probant. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Ce projet de loi n'est donc qu'un texte de pure circonstance, un texte ad hominem destiné à régler un cas individuel, qui aura pour conséquence d'accroître les pouvoirs de nomination à la décision du Gouvernement, déjà discrétionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Il tend aussi, et c'est grave, à accréditer l'idée que la qualité du service public dépendrait d'un tout petit nombre de personnes. Ce n'est pas acceptable.

Après le démantèlement des services, la RGPP et la réduction des garanties statutaires, c'est une nouvelle atteinte portée à l'exception française et aux principes fondateurs de notre fonction publique auxquels, pour notre part, nous sommes attachés de manière indéfectible : principe d'égalité d'accès aux emplois publics posé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, principe d'indépendance qui protège le fonctionnaire des pressions partisanes et de l'arbitraire administratif, principe de responsabilité qui confère au fonctionnaire la plénitude des droits du citoyen.

C'est pour toutes ces raisons que les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront résolument contre ce texte. C'est pour toutes ces raisons qu'ils invitent notre assemblée à suivre sa commission des lois et à refuser ce texte de circonstance.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en lisant le texte qui nous est soumis aujourd'hui, je repensais à la lecture que, jeune lycéen, je faisais de Voltaire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

…en particulier de L'Ingénu. Dans cet ouvrage, Voltaire décrit un Indien de la tribu des Hurons, découvrant l'injustice et l'absurdité du fonctionnement de l'Ancien Régime.

Devant le problème de la mise à la retraite d'office dans la fonction publique, je me sens comme un Huron, dubitatif et profondément attristé par la faiblesse de notre pays…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

…et par la longueur des discussions qui nous occupent aujourd'hui. Je m'efforcerai donc de ne pas être trop long.

Le drame auquel le projet de loi veut ici répondre, c'est celui de l'absurdité qui consiste à empêcher des hommes et des femmes compétents et dévoués de travailler à la continuité du service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Eh oui ! Ils n'ont pas dit ça pour Mitterrand !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Vous me permettrez, mes chers collègues, de rappeler les travers de la situation actuelle : les réformes des retraites de 2003 et 2010…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

…ont permis de reculer l'âge de la mise à la retraite d'office des agents publics. Après 65 ans en 2003, nous allons progressivement vers 67 ans. Dans le secteur privé, soit dit en passant, l'âge est fixé à 70 ans – je laisse cette petite digression à votre réflexion.

Néanmoins, la confusion règne au sein des différentes catégories de serviteurs de l'État nommés à la décision du Gouvernement, à tel point qu'on aboutit au constat suivant : alors qu'une personne occupant un emploi supérieur, mais n'ayant pas le titre de fonctionnaire, peut poursuivre son activité au-delà de 65 ans, certains fonctionnaires, au même niveau de responsabilité, se trouvent, eux, empêchés de continuer la leur. Certes, des dérogations existent, mais elles sont insuffisantes et finissent par aggraver le caractère illisible du cadre légal et réglementaire.

Dans le même temps, certains hauts fonctionnaires peuvent continuer à travailler jusqu'à 68 ans, notamment dans la magistrature et dans certains grands corps de l'État. À la complexité s'ajoute l'iniquité, et il faut mettre fin à cette situation ubuesque. Étant praticien hospitalier enseignant-chercheur de profession, je ne peux m'empêcher de vous rappeler, mes chers collègues, les ravages que provoque l'incohérence de notre système de retraite,…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

…qui constitue un couperet et une désincitation à travailler au service de la science de notre pays. Le grand public a retenu le cas du professeur Luc Montagnier qui, après avoir pris une part décisive à la découverte du virus du SIDA, a poursuivi sa carrière aux États-unis, où il n'était pas trop vieux aux yeux des autorités américaines. Nous pourrions citer bien d'autres cas, dans la recherche mais aussi, naturellement, dans les emplois de hauts fonctionnaires, qui ne se sentent pas plus impotents que les contractuels embauchés par l'État à des emplois supérieurs.

Le Gouvernement veut donc approfondir la réforme des retraites de 2010 sur un point précis, pour faire prévaloir le bon sens et la sagesse par rapport à l'absurdité et l'incohérence de la situation actuelle. Je connais les réticences de l'opposition et de certains collègues. Sur le fond, les socialistes font preuve d'incohérence. D'un côté, ils plaident pour un État fort, s'étant autoproclamés défenseurs du service public,...

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

…mais, quand il s'agit de permettre à des préfets ou à des ambassadeurs d'assurer la continuité de l'État dans le cadre de politiques publiques fortes, la gauche est aux abonnés absents.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Plus généralement, on retrouve les socialistes dans leur posture habituelle : refus du changement, manque de lucidité, conservatisme et, sur ce point, jusqu'au-boutisme. En effet, l'opposition est aveuglée par son combat frontal contre le Gouvernement, au point qu'elle en vient à cautionner les inégalités dont sont victimes les fonctionnaires qu'elle prétend défendre.

Sur la forme, j'entends dire ici et là qu'il s'agit là d'un texte de circonstances,…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

…mais en fonction de quoi devrait-on légiférer sinon, précisément, pour réagir au contexte et aux circonstances ? Je tiens à rappeler que six cents personnes sont concernées par ce texte !

Plus globalement, et pour conclure, la question que nous traitons est celle de l'âge du départ à la retraite. En Europe, chez nos voisins, l'âge est un indicateur et un repère, visant principalement à protéger les plus faibles et à garantir des acquis sociaux fondamentaux. En France, cette garantie sociale s'est transformée en barrière fatidique et en butoir, agissant comme un frein à la créativité et une atteinte à la liberté individuelle. Cette notion est d'ailleurs au coeur du projet de loi, puisque le fonctionnaire devra obligatoirement donner son accord pour continuer à travailler.

Cette réflexion faite, nous devrons traiter à la suite de ce texte, j'en suis convaincu, les exceptions et les dérogations qui forment un maquis de règles aujourd'hui totalement dépassées.

Mes chers collègues, la réforme de l'État est la priorité affichée des responsables publics depuis la IIIe République. À l'époque, Paul Doumer conseillait à ses contemporains de toujours placer cette idée dans un discours pour qu'il soit réussi. Aujourd'hui, par cette petite pierre ajoutée à la réforme, j'espère que nous pourrons passer de la priorité affichée à la priorité effective. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis que le Gouvernement a déposé ce texte, d'abord au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, j'essaie d'en comprendre les véritables motivations.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Monsieur le président, je sais que vous avez une complicité de Seine-Saint-Denis avec M. Raoult, mais j'aimerais qu'il ait la courtoisie de se taire lorsqu'un orateur intervient à la tribune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur Derosier, vous mettez en cause la présidence, à qui vous reprochez une prétendue complicité. Vous n'êtes pas parmi les parlementaires les plus calmes lors de nos séances et je pense que vous n'avez donc pas de leçons à donner à la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Vous n'avez fait l'objet que d'une seule interpellation, de la part de M. Raoult, qui aura tout loisir de vous répondre tout à l'heure.

En tout état de cause, vous avez quinze minutes pour vous exprimer et si vous étiez réellement victime de trop nombreuses interruptions, j'interviendrais, mais ce n'est pas le cas pour le moment. Maintenant, je vous prie de poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Monsieur le président, je vous remercie de me laisser poursuivre et vous prie de bien vouloir excuser…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Le terme « complicité » n'est pas neutre, monsieur Derosier !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Je vous prie de bien vouloir excuser l'emploi de ce terme. Je ne pensais pas que vous réagiriez de cette façon, mais j'en prends acte.

Pour en revenir à mon propos, je continue à m'interroger sur les motivations réelles du Gouvernement. On pourrait considérer qu'il s'agit là d'un texte anodin, n'ayant qu'une portée limitée en nombre si l'on se réfère aux indications chiffrées que nous a données M. le secrétaire d'État, et qu'il n'est pas, finalement, contraire à ce qui a pu être fait en d'autres temps. Bref, le Gouvernement et sa majorité, présente en nombre ce matin, ont certainement de bonnes raisons pour considérer que ce texte ne remet pas en question nos règles républicaines, du moins pas autant que l'opposition, en particulier le groupe socialiste, veut bien le dire.

J'observe néanmoins que le Gouvernement a utilisé la procédure accélérée, ce qui signifie qu'il y a urgence. Il y aurait le feu au lac, pour utiliser une expression triviale ! Certaines mauvaises langues vont jusqu'à dire qu'il faut absolument que ce texte soit publié avant le 5 juin prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Il ne faudra pas oublier, mes chers collègues, de souhaiter un bon anniversaire à M. Lambert, qui aura 65 ans ce jour-là…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

…et à qui le texte, s'il est entré en vigueur avant cette date, pourra éventuellement permettre de rester dans ses fonctions. Je ne peux d'ailleurs m'empêcher de penser que la présence de M. Raoult dans cet hémicycle n'est pas sans rapport avec le fait qu'il soit député de Seine-Saint-Denis, le département du préfet directement concerné par cette mesure.

Comme cela a été dit, nous sommes à un an d'échéances électorales importantes – les élections présidentielle et législatives – et, sans anticiper les résultats de ces élections, je rappellerai l'usage républicain qui veut que, durant la période que nous venons d'entamer, on ne change pas les règles fondamentales du fonctionnement de nos institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Ne soyons pas hypocrites, mes chers collègues, et gardons-nous d'accuser les autres de pratiquer un double langage, comme je l'ai entendu tout à l'heure ! Il n'y a pas, de la part de mes collègues du groupe socialiste et de moi-même, de contestation quant à la nomination de fonctionnaires par décision du Gouvernement. Cela relève du fonctionnement normal de l'exécutif que de désigner les préfets, les ambassadeurs, les recteurs et les autres hauts fonctionnaires dont la fonction consiste à appliquer la politique décidée par le Gouvernement et à représenter le Gouvernement.

Ces fonctionnaires doivent-ils pour autant échapper aux règles générales de la fonction publique et, plus largement, à la loi républicaine ? Existe-t-il pour eux des dispositions anormales au regard de la gestion prévisionnelle des emplois ? Car une bonne administration – ce que l'administration française est réputée être – se doit de mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle de ses emplois : elle doit veiller à pourvoir, par une nouvelle nomination, le poste laissé vacant par un fonctionnaire arrivé à la limite de la période où il l'occupait légalement.

Une question vient spontanément à l'esprit : pourquoi deux ans plutôt qu'un an ou trois ans ? On ne voit pas pourquoi cette limite de deux ans devrait s'imposer, si ce n'est pour s'inspirer de ce qui a été fait en matière de retraites. Nous savons tous que les cimetières sont remplis de gens irremplaçables, et même si l'on repousse le départ de certains fonctionnaires, il faudra bien les remplacer à un moment donné ! Dès lors, pourquoi ne pas le faire en respectant les règles de droit existantes ?

J'ai fait allusion à la réforme des retraites de novembre 2010 – à laquelle il est d'ailleurs fait référence dans l'exposé des motifs du projet de loi. En novembre 2010, on savait déjà que la question du maintien en fonction de certains hauts fonctionnaires se poserait. Pourquoi ne l'a-t-on pas réglée à ce moment-là ? Il aurait été possible de prévoir la possibilité pour les hauts fonctionnaires de rester en poste durant deux années supplémentaires dans certaines conditions, ce qui aurait donné lieu à un débat de fond. Je suis sûr, monsieur le secrétaire d'État, que vous saurez nous expliquer pourquoi cela n'a pas été fait.

Par ailleurs, vous savez bien qu'il existe déjà des textes permettant la prolongation des fonctions de certains fonctionnaires, et qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter une nouvelle strate législative au dispositif en vigueur. Ainsi, la loi de décembre 1987 a permis la prolongation de trois mois d'un fonctionnaire ; celle de septembre 1984 a indiqué que cela pouvait se faire à titre intérimaire. On trouve également, dans la jurisprudence, des décisions ayant tranché en faveur de la prolongation. Certaines dispositions permettent à un fonctionnaire de prolonger ses fonctions de dix mois maximum, afin de remplir la période lui permettant de bénéficier d'une pension à taux plein. Enfin, les professeurs, lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite dans le cours d'une année scolaire, peuvent rester en fonction jusqu'au 31 août.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Bref, il existe déjà de nombreuses dispositions permettant de prolonger la durée d'exercice d'un fonctionnaire.

Je sais bien que le Gouvernement a pris l'habitude, depuis quatre ans, d'instituer des dérogations aux limites d'âge. Ainsi la nomination du président de la société du Grand Paris s'est-elle faite en dehors des règles de droit habituelles ; de même, celle du président du conseil d'administration de l'Établissement public pour l'aménagement de la région de La Défense a donné lieu à une polémique.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Ce n'est pas une nomination, mais une élection !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Ce texte n'a pas lieu d'être, même si les conditions indiquées par M. le secrétaire d'État et par M. le rapporteur semblent bien encadrer le dispositif. La décision ne peut être prise, nous dit-on, qu'à titre exceptionnel et dans l'intérêt du service. Je vois que vous opinez du chef, monsieur le rapporteur, peut-être cela signifie-t-il que vous pourrez aider monsieur le secrétaire d'État à nous donner la définition juridique du « titre exceptionnel » et de l'« intérêt du service » que, pour ma part, je ne connais pas. Vous saurez sans doute nous éclairer sur ce point et, en tout état de cause, je vous écouterai avec intérêt.

Je sais bien que mon propos suscitera les réactions de la majorité, mais il se trouve que l'opposition, les socialistes en particulier, fait aux Françaises et aux Français un certain nombre de propositions pour l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

C'est notre rôle – vous nous avez suffisamment reproché de ne pas avoir de projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Eh bien, je vous inviterai à déjeuner pour vous commenter le projet socialiste. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Mes chers collègues, tenons-nous en au sujet qui nous occupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur Derosier, je ne vous reproche rien, j'essaie de vous permettre de poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Merci, monsieur le président. Je poursuis, donc.

Dans ce projet – je sais que vous en doutez, mais vous verrez bien ce qu'il en sera après 2012, si nous avons la majorité –, nous proposons de rétablir la possibilité, pour nos concitoyens, de partir à la retraite à l'âge de soixante ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Nous serons quelques-uns à partir à la retraite.

Attendons donc un an. Si nous avons la majorité, la disposition que vous nous proposez de voter aujourd'hui n'aura servi à rien, sauf dans un ou deux cas. Si, par contre, nous restons dans l'opposition, vous aurez tout loisir de voter ce texte.

En tout état de cause, celui-ci n'a pas lieu d'être aujourd'hui. Nous ne voulons pas être complices du mauvais coup que vous vous apprêtez à porter au fonctionnement de nos institutions républicaines. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

A ce propos, je constate que vous êtes venus en séance publique un peu plus nombreux que vous ne l'étiez en commission des lois, où – le rapporteur l'a rappelé – une majorité s'est prononcée contre le texte, qui n'a pas été adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Aussi regretté-je que certains de nos collègues – M. Devedjian, M. Bussereau, M. Bayrou – …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

…ne soient pas présents pour faire entendre leur voix ; les choses auraient été plus claires. Il semble qu'un certain nombre de nos collègues de la majorité soient aujourd'hui prêts à voter le projet de loi. Pour notre part, nous voterons contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes rassemblés ce matin pour examiner le projet de loi relatif au maintien en fonction, au-delà de la limite d'âge, de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement – et non pour dresser le bilan d'un préfet, monsieur Derosier.

Ce projet de loi suscitant des incompréhensions, des polémiques et de la désinformation, je veux, en tant qu'élu de Seine-Saint-Denis, témoigner de la réalité des choses dans ce département où le préfet dont il a été question est en fonction. Je n'évoquerai donc pas les six cents hauts fonctionnaires, ambassadeurs ou directeurs d'administration centrale potentiellement concernés ni n'invoquerai les mânes du président Mitterrand, qui avait décidé de se représenter à l'âge de soixante et onze ans.

Ce texte devait être examiné selon la procédure accélérée et n'être qu'une simple formalité. Mais nos collègues de l'opposition, usant du double langage – votre faible nombre aujourd'hui en séance en témoigne – et d'une certaine duplicité, en ont fait un enjeu politique de polémiques regrettables.

Monsieur Derosier, vous aviez, dans le Nord, un excellent préfet, M. Bérard. Je le connais : tout le monde loue ses capacités. C'est ce que l'on appelle l'esprit républicain. Un préfet représente, non pas la majorité gouvernementale, mais l'État. M. Lambert, quant à lui, a été nommé préfet de la Seine-Saint-Denis il y a un an. Ce haut fonctionnaire, qui atteindra très prochainement la limite d'âge, anime, depuis, notre département et prouve quotidiennement son ouverture au dialogue avec tous les élus. Christian Lambert, qui réunit aujourd'hui, les élus de gauche et de droite de Seine-Saint-Denis pour évoquer le problème des radars – avec mon collègue Gérard Gaudron, nous avons donc souhaité nous répartir les tâches – est un grand préfet républicain.

J'en veux pour preuve, monsieur Dolez, les déclarations de notre collègue François Asensi, qui s'est félicité de « l'arrivée d'un super-flic » et a salué « l'expérience du nouveau préfet ». M. Asensi, dois-je le rappeler, est communiste – hélas, il est absent aujourd'hui. Je veux aussi rappeler les propos de notre collègue Claude Bartolone, président socialiste du conseil général de Seine-Saint-Denis, qui estime que « le personnage est sympathique » et qu'il a « établi un contact de qualité, franc, avec les élus du département ». Nous devons être – et l'opposition l'oublie trop souvent actuellement – cohérents : on ne peut pas tresser des lauriers au préfet Lambert en Seine-Saint-Denis et le jeter aux orties à l'Assemblée nationale.

L'objectif de ce projet de loi est simple et relève du bon sens. Il s'agit de maintenir en poste certains hauts fonctionnaires qui ont atteint la limite d'âge, afin qu'ils puissent continuer de mener leur action quand les circonstances l'exigent. Or, la Seine-Saint-Denis n'est-elle pas l'exemple même d'un département où les circonstances exigent que soit assurée avec force et pugnacité la continuité de l'action publique ? Pour évoquer ce dossier, l'opposition a commis d'office deux députés du Nord. Mais passons…

La situation de notre département, Jean Pierre Brard, autre collègue communiste, l'a évoquée dans la presse et, pour une fois, je me range à ses côtés. Comme il l'a en effet rappelé à juste titre, « à peine le préfet est-il arrivé, a-t-il appris à connaître le département, compris la spécificité de chaque ville, connu les interlocuteurs dans leur diversité, maîtrisé leur complexité, qu'il est retiré de notre département ». Il ne parlait pas du préfet Lambert, mais de son prédécesseur. En dix ans, la Seine-Saint-Denis a en effet connu six préfets ; la population de ce département mérite un tout autre traitement.

Ce projet de loi est donc une chance. De gauche comme de droite, nous savons tous que ce département si particulier a besoin de continuité.

Continuité du travail entamé par un homme engagé à chaque instant, jour et nuit, sur le terrain et qui élabore des stratégies de reconquête républicaine des quartiers difficiles au profit des habitants qui souffrent de la délinquance.

Continuité d'un bilan : il y a un an, les policiers n'allaient pas dans certains quartiers ; aujourd'hui, ils vont partout.

Continuité des résultats : en un an, près de 40 000 personnes ont été interpellées, dont près de 9 000 pour trafic de stupéfiants, plus de 19 000 halls d'immeuble ont été contrôlés et plus d'une tonne de résine de cannabis et 663 kg de cocaïne ont été saisis. Dans votre bilan, cher collègue Dolez, vous n'avez pas mentionné ces chiffres.

Il s'agit de mener la lutte contre l'insécurité que nous réclame au quotidien la très grande majorité des habitants de ce département. Le préfet Lambert l'a bien compris : il agit et nous commençons à voir les premiers résultats. Alors, à ceux qui parlent d'arrangements, de texte ad hominem, je suggère de regarder la réalité en face plutôt que de critiquer, car les résultats sont là.

A l'occasion de ce vote, les députés de Seine-Saint-Denis de l'opposition doivent clarifier leur position – hélas, ils ne sont pas présents –, car ils laissent penser, en refusant de le maintenir à son poste de préfet de Seine-Saint-Denis au-delà du 6 juin prochain, que les élus communistes et socialistes seraient hostiles à l'action du préfet Lambert.

Du reste, la gauche n'a-t-elle pas fait voter, en 1984, un texte modifiant la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, notamment pour les professeurs d'université ? Il est vrai que ces derniers étaient au nombre de dix-sept dans les rangs de la majorité de l'époque. N'est-ce pas la gauche qui a donné la possibilité aux professeurs d'université de poursuivre leur activité jusqu'à trois au-delà de la limite d'âge attachée à leur grade ? Pourquoi, d'un côté, offrirait-on cette possibilité aux enseignants-chercheurs et, de l'autre, pénaliserait-on, notamment dans mon département, des hauts fonctionnaires soucieux de poursuivre leurs efforts et d'obtenir des résultats ?

Chers collègues de l'opposition, depuis une quinzaine de jours, nous avons le sentiment, à droite, de découvrir une gauche « hara-kiri », bête et méchante, pour qui s'opposer, c'est toujours dénigrer. Pour notre part, mes collègues UMP de Seine-Saint-Denis, Patrice Calméjane et Gérard Gaudron, et moi-même voterons bien évidemment ce projet de loi.

Enfin, je ne veux pas parler au nom des autres, mais, puisque la droite sait se rassembler en cas de difficultés, je veux ajouter une chose, monsieur le secrétaire d'État. Au moment où vous êtes, vous aussi, dénigré, injurié, sali, je tiens à vous assurer, au nom de nos collègues de l'UMP, de toute notre solidarité face aux attaques dont vous faites l'objet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Merci.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte simple ne méritait pas les excès de langage que nous avons pu entendre en commission, et je constate avec satisfaction que nous sommes revenus à un peu plus de mesure, comme si nos collègues de l'opposition regrettaient de devoir assumer le service minimum aujourd'hui en votant contre un texte dont l'initiative ne leur appartient pas. En effet, comme Éric Raoult vient de le rappeler, des textes dits de circonstance, mais qui visent en fait à tenir compte des réalités, n'ont-ils pas été adoptés sous toutes les législatures ? En l'espèce, il s'agit – et c'est important dans un pays démocratique comme le nôtre – d'assurer la continuité de l'action de l'État.

Lorsque l'on entend Bernard Derosier peiner à exposer des arguments sérieux contre le projet de loi, on ne peut qu'être rasséréné. Notre collègue nous dit que, lorsque la gauche reviendra au pouvoir, l'année prochaine, elle rétablira l'âge légal de départ à la retraite à soixante ans –soixante-cinq ans pour les fonctionnaires visés par le projet de loi – et que notre projet, donc, ne présente aucun intérêt. Une telle affirmation – une de plus – ne peut convaincre, non plus que l'assertion selon laquelle la gauche mettra un terme au cumul des mandats. Quelle belle déclaration, dans la bouche d'un député qui est également président d'un des plus importants conseils généraux de France ! Certes, il nous promet, la main sur le coeur, qu'il s'appliquera cette règle à lui-même, mais plus tard – toujours plus tard ! Il serait tellement plus convaincant s'il se l'appliquait dès aujourd'hui, pour bien montrer sa détermination au peuple. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cet argument, que M. Derosier, craignant de susciter notre irritation, a utilisé avec beaucoup de précautions, n'a provoqué que nos sourires, car il est un peu léger.

L'argument, également utilisé par notre collègue Derosier, selon lequel ce projet de loi ne résulterait que de la volonté de régler un unique cas personnel, n'est pas moins léger.

Il existe effectivement une situation, non pas personnelle, mais particulière, dans un département particulier – Éric Raoult en a parfaitement parlé. Mais il n'y a pas que cela ! Au-delà de cette situation particulière, qui mérite tout notre intérêt, d'autres situations particulières du même genre peuvent se présenter, dans lesquelles il serait mieux que nous ne soyons pas confrontés à l'absurde, c'est-à-dire à l'obligation de mettre fin à la carrière d'un grand commis de l'État au moment où, plus que jamais, on a besoin de lui.

Vous l'avez dit, monsieur Derosier, comme pour vous excuser : ce projet de loi est bien bordé. Cet hommage mériterait que vous réfléchissiez à la position que vous prenez aujourd'hui et à votre vote. Oui, il est bien bordé ; des conditions très strictes sont prévues : intérêt du service et limitation dans le temps – qui d'ailleurs n'interdit pas de mettre fin aux fonctions avant les deux ans de l'éventuelle prolongation. Et comment ne pas noter les dérogations qui existent déjà ? Éric Raoult faisait référence aux professeurs d'université ; d'autres encore existent pour de hauts postes juridictionnels comme ceux du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, pour les présidents des autorités administratives indépendantes ; dans quelques très grosses collectivités locales, les directeurs généraux de service peuvent dépasser de dix-huit mois le moment au-delà duquel ils auraient normalement dû prendre leur retraite. N'oublions pas non plus que partout ailleurs, notamment dans le secteur privé, beaucoup de nos concitoyens peuvent continuer à travailler jusqu'à soixante-dix ans – certains ne s'en privent pas, et tant mieux pour leur entreprise.

Ce texte vise donc à étendre un régime certes d'exception, mais utile à la collectivité, aux fonctionnaires nommés à la décision du Gouvernement – dans l'intérêt exclusif, je le répète, du service public.

Cela permet à l'État de s'appuyer quand il le faut, au bon moment, au bon endroit – et l'exemple de la Seine-Saint-Denis n'est certainement pas le plus mauvais – sur les acteurs de la vie publique les plus adaptés à l'exercice d'une mission, sur ceux qui disposent des meilleures compétences et qui sont reconnus comme tels par tous.

Très peu d'emplois seront concernés, mais tout de même un peu plus d'un seul : on peut aujourd'hui estimer qu'une quinzaine au maximum seraient concernés ; pour ceux-là, correspondant à une quinzaine de besoins vitaux de la continuité de l'action publique, il faut tout simplement voter ce texte. Que nos collègues de l'opposition ne saisissent pas cette occasion d'être pragmatiques et d'agir dans le sens de l'intérêt général est un peu dommage. Cela n'empêchera pas le groupe UMP de voter ce texte sage et nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Je vais essayer de répondre sans trop de redondances aux différentes interventions.

Je commence par deux remarques de MM. Derosier et Dolez, qui ne portent pas sur le fond.

Monsieur Dolez, vous demandez pourquoi ces dispositions ne figuraient pas dans le projet de loi de réforme des retraites voté l'an dernier. Je vous réponds qu'il s'agissait alors de dispositions générales, quand celles qui vous sont soumises ce matin sont extraordinairement particulières.

Monsieur Derosier, vous évoquiez une modification des règles fondamentales de la Constitution : quelle que soit la façon dont on souhaite aborder ce texte, je n'irai certainement pas jusque là ! Nous ne modifions pas les règles fondamentales de la Constitution : ce dispositif est, je le répète, un dispositif d'ajustement.

En toute hypothèse, monsieur Dolez, je ne suis pas convaincu que vous auriez voté la réforme des retraites si ces dispositions y avaient figuré ; de ce fait, je n'ai pas beaucoup de regrets.

D'autre part, vous avez l'un et l'autre évoqué la situation de l'Établissement public pour l'aménagement de la région de La Défense. Je prends cette mention comme l'indication d'un regret de n'avoir pas eu la possibilité d'utiliser un dispositif similaire l'année dernière ; dès lors, j'en suis persuadé, vous ne pouvez qu'approuver la possibilité ouverte par ce texte de corriger cette situation.

J'en arrive au fond du sujet.

En premier lieu, je voudrais rappeler que les questions de limite d'âge appartiennent bien au domaine de la loi ; c'est la loi qui fixe le régime de droit commun. Nous ne pouvions pas, en l'occurrence, procéder autrement que par la voie législative.

Cette loi est-elle, comme je l'ai entendu, une loi d'exception ? Vous me permettrez de rappeler à nouveau que de nombreuses dérogations existent ; toutes ont été prévues en prenant en considération la nature des fonctions occupées, et toutes visent à assurer la continuité du service public au bénéfice de l'intérêt général.

Ainsi en va-t-il des dérogations qui existent lors d'un changement de Président de la République – trois mois avant, trois mois après. De même, des dérogations existent pour les directeurs généraux de service des collectivités – dix-huit mois après l'âge normal de mise à la retraite –, pour les présidents des autorités administratives indépendants, pour les présidents d'établissements publics dans des situations d'intérim, pour quelques hauts postes juridictionnels – Conseil d'État ou Cour de cassation – et pour les professeurs d'université.

Enfin, je répète ce que j'indiquais tout à l'heure comme une anomalie : les agents contractuels recrutés sur des emplois à la décision du Gouvernement ne sont soumis à aucune limite d'âge. Les spécialistes de la fonction publique que vous êtes ne peuvent pas ignorer cette situation, qui est tout de même, reconnaissons-le, assez particulière.

M. Robinet l'a très bien dit : dans le secteur privé, tout salarié peut poursuivre son activité jusqu'à soixante-dix ans.

Au vu de tous ces exemples, je ne crois donc pas anormal, je le redis avec force, que les fonctionnaires servant sur des emplois à la décision du Gouvernement puissent, dans certains cas très limités, bénéficier de tels aménagements. Très franchement, tant au regard des exceptions qu'au regard de la situation des contractuels comme du secteur privé, ce n'est pas une anomalie.

Cette loi est-elle pour autant une loi de circonstance ? Je dirai les choses avec la plus grande clarté possible : lorsqu'une loi permet d'accorder des dérogations individuelles, il est, bien sûr, toujours facile de soulever cet argument. À droite comme à gauche, il doit être balayé quand on a vraiment la volonté d'assurer une bonne continuité du service public ! Je crois me souvenir que Léon Blum lui-même avait indiqué très clairement qu'il fallait utiliser ces dispositifs.

On peut toujours citer tel préfet, tel recteur d'académie ; je suis pour ma part convaincu que, si nous avions présenté ce projet de loi il y a un an, on aurait trouvé le nom d'un ambassadeur ou d'un directeur d'administration centrale potentiellement concerné. Le reproche aurait été le même qu'aujourd'hui. L'argument de la circonstance ne tient donc pas, car il arrivera toujours, face à un dispositif de cette nature, que des gens soient concernés. D'ailleurs, s'il n'y en avait pas, il n'y aurait pas de dispositif de cette nature !

Élevons le débat : cette loi a pour objet de permettre au Gouvernement de maintenir en poste certains hauts fonctionnaires qui ont atteint la limite d'âge, pour assurer la continuité de leur action quand les circonstances l'exigent, dans le respect, bien entendu, de l'intérêt général. Cette dérogation, vous le savez, est soumise à des conditions très strictes : intérêt du service, limitation temporelle à deux ans, révocation possible de l'agent. La décision de maintien en fonctions est donc très bien encadrée.

Je note d'ailleurs que ces notions – circonstances exceptionnelles, intérêt du service – reposent sur des fondements juridiques solides. Ces décisions sont donc susceptibles d'être attaquées par qui le veut devant les juridictions administratives ; la jurisprudence sur ces notions est tout à fait cohérente.

Enfin, certains d'entre vous auraient souhaité une mesure beaucoup plus générale. Nous vous présentons, c'est vrai, une mesure limitée à la catégorie très particulière, prévue par le statut de la fonction publique, des emplois à la décision du Gouvernement. En tout, il s'agit d'environ six cents emplois, et une dizaine de personnes seulement seraient potentiellement concernées par le projet de loi. Parmi elles, seules quelques-unes pourraient répondre aux critères fixés par la loi.

Nous affirmons très clairement notre volonté de ne pas modifier la règle générale. Je ne suis pas, cela dit, opposé à l'idée d'examiner ultérieurement, dans un autre projet de loi, et de façon tout aussi limitative, les cas qui pourraient justifier un aménagement aux règles des limites d'âges. J'ai ainsi entendu, par exemple, ce que certains ont dit par exemple des directeurs de laboratoire ; d'autres situations de même nature doivent exister : il faut les repérer, et éventuellement y revenir, mais dans un texte ultérieur.

Il aurait en tout cas été parfaitement incohérent de solliciter une dérogation limitée à une catégorie d'emplois déterminée, et d'y inclure de nombreuses autres situations sans rapport direct avec ce type d'emplois. C'est pourquoi je souhaite en rester au cadre proposé, à savoir une loi limitée, mais nécessaire à la bonne marche du service public.

C'est la raison pour laquelle je crois qu'il est de bonne politique de voter ce texte, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

La parole est à M. Patrice Verchère, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, l'objet du présent projet de loi, constitué d'un article unique, tient dans son titre : « Maintien en fonctions au-delà de la limite d'âge de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement ».

Les hauts fonctionnaires nommés à la décision du Gouvernement pourront être maintenus dans leur poste – au cas par cas, dans l'intérêt du service et avec leur accord – de quelques mois à deux années supplémentaires au-delà de la limite d'âge qui leur est applicable. Cette dernière est aujourd'hui de soixante-cinq ans. Avec la réforme des retraites de novembre 2010, elle passera progressivement à soixante-sept ans pour les pensions prenant effet à compter du 1er juillet 2011.

Ainsi, à terme, les ambassadeurs, les préfets, les directeurs d'administration centrale, les recteurs et quelques autres responsables nommés par le Gouvernement pourront, dans des cas particuliers, rester en place grâce à ce projet de loi.

Cette dérogation s'inscrit dans des conditions très strictes : intérêt du service, limitation temporelle, pouvoir de révocation de l'agent. Ces conditions permettent d'encadrer la décision de maintien en fonctions du haut fonctionnaire.

L'État pourra ainsi s'appuyer au bon moment, au bon endroit, sur les agents publics les plus adaptés à l'exercice d'une mission et disposant des meilleures compétences.

J'estime que cette prorogation de deux ans n'est pas choquante au regard de la dérogation de dix-huit mois qui existe pour les agents de la fonction publique territoriale : il ne s'agit pas d'un régime exceptionnel, puisque des dérogations sont déjà possibles. Enfin cette prorogation est encadrée ; il ne s'agira pas d'une décision discrétionnaire puisque trois conditions doivent être remplies.

Conscient du rôle joué par les fonctionnaires occupant un emploi supérieur dans la mise en oeuvre de la politique menée par le Gouvernement, je considère que l'adoption de règles dérogatoires concernant la limite d'âge de ces fonctionnaires est opportune. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Gaudron

Comme l'a rappelé à juste titre notre collègue Raoult, ce projet de loi n'est pas un texte de circonstance, car la loi est nécessaire quand il s'agit de corriger certaines incohérences, à l'origine d'inégalités.

Il faut en effet rappeler que la jurisprudence administrative admet qu'une personne occupant un emploi supérieur et qui n'a pas la qualité de fonctionnaire puisse être maintenue en activité au-delà de soixante-cinq ans, alors qu'un fonctionnaire occupant le même emploi se verra opposer le couperet de la limite d'âge.

Ce projet de loi prend donc en considération certaines situations dans lesquelles le maintien en fonctions d'un fonctionnaire, de manière temporaire – deux ans à titre exceptionnel et révocable –, peut s'avérer très opportun dans l'intérêt du service et de nos concitoyens, pour des raisons telles que la compétence du titulaire, la nature de la mission ou encore le contexte géographique.

En 1984, la majorité de l'époque avait légiféré sur un sujet identique pour permettre notamment aux professeurs d'université de quitter leurs fonctions à soixante-huit ans.

Des exceptions catégorielles existent déjà et personne ne s'en offusque.

Aujourd'hui, la loi que nous allons voter ne touche que quelques dizaines de fonctionnaires, dont le préfet Lambert ; et c'est tant mieux pour la Seine-Saint-Denis ! En effet, deux années supplémentaires vont permettre à ce préfet de grande qualité de parachever son action au service de nos concitoyens, notamment en matière de sécurité, ce qui est reconnu de façon unanime.

Je remarque d'ailleurs que nos collègues de gauche de Seine-Saint-Denis n'ont pas réagi à ce texte, ce qui prouve bien qu'ils l'acceptent tacitement en reconnaissant la qualité du travail accomplie par ce préfet. Je suis sûr que, comme nous, ils en sont très contents. Mais voilà, la politique a pris le pas pour eux sur le bon sens, c'est incohérent, et c'est dommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Au titre des explications de vote, la parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui va dans le bon sens, dans le sens de la sagesse face à l'absurdité et à l'incohérence de la situation actuelle. Oui, ce texte vise à mettre fin à une forme d'iniquité.

Je voudrais revenir sur quelques-uns des arguments utilisés par nos collègues de l'opposition, du groupe socialiste notamment.

Pour la gauche, cette mesure est dérogatoire et aurait dû être étendue à d'autres professions. J'ai un peu de mal à comprendre cet argument dans la mesure où, pendant le débat sur la réforme des retraites de novembre 2010, les socialistes n'ont cessé de manifester bruyamment leur volonté de laisser l'âge de départ à la retraite à soixante ans. Aujourd'hui, le rapport de la commission fait état de leur proposition d'élargir cette possibilité de prolongation à d'autres fonctionnaires. Encore une fois, la schizophrénie et l'incohérence semblent affecter nos amis socialistes.

J'entends également que ce serait un texte de circonstance. Cet argument ne tient pas une seconde ; cela me rappelle d'ailleurs les débats à propos de notre politique pénale dans lesquels on nous reproche de souvent légiférer en fonction de faits divers. À écouter l'opposition, on se demande sur quoi il faudrait légiférer.

Ce texte serait un cadeau d'anniversaire au préfet de la Seine-Saint-Denis, Christian Lambert. Je rappelle simplement que cette proposition concernera six cents fonctionnaires. Le problème que ce texte vise à résoudre dépasse le cas du préfet Lambert, même si, comme l'a rappelé mon collègue Gaudron à l'instant, le préfet Lambert est l'exemple typique du haut fonctionnaire modèle, qui a encore beaucoup de choses à faire dans le cadre d'une politique publique ambitieuse. Vouloir l'en empêcher au prétexte qu'il a été nommé en conseil des ministres n'a aucun sens.

Il nous est demandé pourquoi nous n'avons pas introduit ces dispositions dans le projet de loi de réforme des retraites de 2010. Tout le monde sait ce qui ce serait passé dans ce cas : on aurait complexifié le débat et accusé le Gouvernement de l'exact contraire. Ce projet de loi a le mérite d'être court et clair.

Enfin, notre collègue socialiste a évoqué la volonté, dans le cadre de l'élection présidentielle, d'un retour à l'âge de la retraite à soixante ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Mais, mes chers collègues, les Français ne vous croient pas une seconde !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Vous proposez de rétablir l'âge du départ à la retraite à soixante ans, mais sans remettre en cause la réforme Fillon de 2003, c'est-à-dire sans revenir sur l'allongement de la durée de cotisation. J'espère que les Français vous entendent ce matin : votre proposition n'aura qu'un effet, l'appauvrissement des retraités, donc l'appauvrissement de notre société.

Je vous invite à adopter un peu de cohérence et à arrêter la schizophrénie. En tout cas, j'espère, pour la France et pour l'avenir de notre pays, que les Français ne vous écouteront pas et ne vous feront pas confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Mes chers collègues, vous me permettrez, puisque le tour des vice-présidences a fait que je ne pouvais pas m'exprimer ce matin, de dire qu'à titre personnel je me réjouis de ce résultat, maintenant que le débat est clos et le vote acquis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Prochaine séance, lundi 30 mai à dix-sept heures :

Proposition de loi relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires ;

Proposition de loi relative aux services départementaux d'incendie et de secours ;

Deuxième lecture de la proposition de loi sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ;

Proposition de loi relative aux projets des collectivités locales d'Île-de-France.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma