Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 18 octobre 2010 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • hausse
  • niche

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (nos 2823, 2840), après engagement de la procédure accélérée, et du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Un jeune homme plein d'avenir, si l'avenir ne l'abandonne pas avant !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire mesdames, messieurs les députés, c'est un honneur pour moi que d'intervenir aujourd'hui pour vous présenter le projet de loi de finances pour 2011 et le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Il y a clairement désormais, pour les finances publiques de notre pays et plus largement en Europe, un avant et un après crise. La crise économique, qui a débuté à la fin de l'année 2008, a eu des répercussions très importantes sur l'état de nos finances publiques. Le transfert de dettes du privé vers la sphère publique, la crise grecque, l'attaque de notre monnaie, nous ont rappelé l'ardente nécessité de mener une politique vertueuse sur le plan de nos finances publiques. Nous devons désormais nous atteler à réduire les déficits publics de façon conséquente. Nous pensons que la reprise sera d'autant plus pérenne qu'elle sera soutenue par le redressement de nos finances publiques.

Cette crise a aussi montré que notre pays disposait d'une grande capacité de rebond. La croissance est repartie. Et nous avons toutes les raisons d'avoir confiance dans l'avenir. Tout l'enjeu est donc de réduire nos déficits, sans provoquer un effet récessif. Le choix du Gouvernement, à cet égard, est assumé : nous réduirons de façon appropriée la dépense, sans avoir recours à l'augmentation des impôts.

Ce choix vous a déjà été présenté lors du débat d'orientation des finances publiques en juillet dernier, et nous en avons débattu en commission récemment. Ces choix sont politiques, et nous les assumons. Ce sont des choix historiques, responsables, justes et équitables.

Je sais que nous allons avoir un débat vertueux lors de la discussion des nombreux amendements. Monsieur le rapporteur général, à la lumière de votre rapport, nous savons déjà que le débat sur les niches fiscales sera utile puisqu'il permettra de mieux expliquer encore nos choix politiques et la trajectoire que propose le Gouvernement.

Vous allez enrichir – dans tous les sens du terme, je l'espère – le projet de budget pour 2011 en accompagnant le Gouvernement dans sa recherche d'économies mais d'économies cohérentes. Et nous tenons à la cohérence de notre projet de budget.

En effet, avec le projet de budget pour 2011, nous tournons le dos à la culture de la dépense. C'est une étape importante de l'histoire de nos finances publiques. C'est même une inflexion profonde, durable qui trouvera sa pertinence dans l'exercice budgétaire pour 2011 mais aussi sa source, sa puissance et son énergie en vue de l'inscrire dans la durée.

Tel est l'esprit qui nous anime aujourd'hui avec Christine Lagarde. Nous sommes naturellement ouverts à la discussion. Nous devons ensemble privilégier les dispositifs qui favorisent l'activité et la création d'emplois. Nous avons réussi la gestion de crise, nous sommes en phase de gagner le pari de la sortie de crise. Confortons la croissance ! C'est autour de ce triptyque que nous allons mettre en lumière les arbitrages de la préparation budgétaire. La priorité des priorités, c'est la relance de l'activité économique, de l'investissement, de la création d'emplois et, bien évidemment, la protection et la préservation de notre modèle social.

Notre pays a su prendre, dès le début, la mesure de la crise de 2008. Nous avons ajusté nos choix en conséquence et tempéré au mieux les effets de la crise. Personne ne peut contester que cette stratégie s'est avérée fructueuse.

Face à une crise sans précédent, la France a fait des choix financiers et budgétaires responsables. Nous avons commencé par le plus urgent : le sauvetage des banques. Nous avons ensuite accepté des baisses de recettes fiscales sans précédent, en laissant jouer les stabilisateurs automatiques. L'État a perdu plus de 54 milliards d'euros de recettes entre 2008 et 2009. Pour l'impôt sur les sociétés uniquement, la baisse a été de 28 milliards d'euros, ce qui est considérable.

Nous avons aussi choisi, en acceptant la baisse des dépenses, d'affirmer un principe politique simple, celui de ne pas augmenter les impôts. Le choix du Gouvernement à l'époque aurait pu être en effet de compenser la baisse des recettes par une augmentation des impôts, mais cette hypothèse a été écartée.

Le deuxième choix du Gouvernement aurait pu être de satisfaire toutes les demandes autour de la demande : augmentation des minima, des salaires minimums, etc. Le Gouvernement a écarté cette piste. Il a voulu préserver l'avenir et soutenir l'activité économique via des mesures appropriées.

J'insiste sur ce point : le soutien de court terme de l'économie ne s'est pas fait au détriment du long terme. Le Gouvernement a lancé une politique visant à préparer l'avenir avec des investissements à hauteur de 35 milliards d'euros qui sont consacrés à des projets majeurs : l'enseignement supérieur, la recherche, l'économie numérique, ou encore le développement durable.

La France fait partie des premiers pays à être sortis de la récession. Notre croissance est redevenue positive dès le deuxième trimestre 2009. La bonne tenue française en Europe est indéniable. Grâce aux mesures ajustées de notre stratégie de crise, nous sommes aujourd'hui dans une position plus enviable que nombre de nos partenaires.

Les indicateurs économiques s'orientent dans le bon sens, ce qui est très encourageant. J'en citerai quelques-uns.

Au premier semestre, l'emploi salarié reprend avec la création de 60 000 postes. Pour la première fois depuis le début de la crise, il y a eu création d'emplois non intérimaires.

Il est un signe qui ne trompe pas sur l'élan retrouvé d'une économie : la reprise de l'investissement des entreprises. En l'occurrence l'investissement croit de plus de 1 % au deuxième trimestre.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Ce sera l'un des piliers de la croissance future.

Enfin, les taux d'intérêt à long terme restent bas, soit environ 2,7 % à dix ans. Le crédit reste donc favorable aux consommateurs comme aux investisseurs.

Je vois dans la situation actuelle la preuve que nous avons su doser nos choix avec discernement, que notre stratégie était adaptée. La croissance sera de 1,6 % d'après les statistiques de l'INSEE, et le déficit public de 7,7 % du PIB en 2010. D'ailleurs le Gouvernement est loin d'être le seul à juger notre stratégie adéquate puisque les économistes ont salué la pertinence du plan de soutien économique de la France, qu'il s'agisse du FMI – mais je ne voudrais blesser personne –, de la Commission européenne ou de l'OCDE en disant que la réponse budgétaire de la France a été appropriée, d'une ampleur adaptée, concentrée dans le temps et bien diversifiée.

Permettez-moi au passage de rappeler qu'il y a un an, on nous annonçait une croissance de 0,75 %, alors qu'elle sera de 1,6 %, et un niveau de déficit public de 8,5 %, alors qu'il sera de 7,7 %. Cela montre bien que la stratégie pendant la crise a été efficace, que la sortie de la crise est évidemment un élément de cette stratégie, que notre pays et sorti plus rapidement et mieux de cette crise et que nous sommes indiscutablement dans la bonne direction.

Puisque cette stratégie est efficace, il nous faut l'inscrire dans la durée. C'est une authentique ligne de crête, qui consiste à privilégier la maîtrise des dépenses tout en favorisant la reprise économique. Elle se retrouve dans les grandes lignes de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, qui prévoit une trajectoire de redressement de nos finances publiques avec un retour à 2 % de déficit public en 2014.

Je souligne que si, pour cette même période 2011-2014, nous bénéficions de recettes supplémentaires, nous les affecterons exclusivement et en totalité au désendettement du pays, comme le Président de la République et le Premier ministre s'y sont engagés à Brégançon, en août dernier. C'est également le choix que fait l'Allemagne en affectant ses surplus de recettes à la réduction du déficit public.

J'en viens au deuxième élément de réflexion essentiel de cette politique pour mettre en perspective le budget qui vous est proposé et donner des coups de projecteur sur quelques points d'arbitrage et de débat. Nous sommes – et c'est la ligne directrice de ce budget – absolument déterminés à réduire notre déficit public et il est incontestable que tous les acteurs de la dépense publique devront participer à cet effort.

En 2011, la réduction du déficit de l'État sera de 60 milliards d'euros, soit près de 40 %. C'est une baisse historique. Jamais, dans l'histoire de nos finances publiques, un effort budgétaire aussi important n'a été consenti sur un seul exercice. Jamais nous n'avions réussi à franchir une marche aussi élevée. Certains diront qu'il n'y a jamais eu autant de déficit, mais vous me permettrez de répondre qu'il s'agit d'une ligne politique forte et implacable et que la réduction des déficits est la colonne vertébrale de ce budget.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Cette réduction tourne le dos à des années d'augmentation du budget de l'État, s'agissant de l'effort qui va être produit sur les sources de dépenses. Parce qu'il appelle un véritable changement des mentalités et des habitudes vis-à-vis de la dépense publique, il est indiscutable que le budget 2011 marquera l'histoire de nos finances publiques.

Cette réduction, de 152 milliards d'euros à 92 milliards d'euros en 2011, s'explique par la combinaison de la maîtrise des dépenses, du redressement des recettes et de la fin des mesures exceptionnelles – plan de relance de l'économie et investissement d'avenir essentiellement.

Concernant le déficit public, nous nous sommes fixé un objectif intangible : passer de 7,7 % en 2010 à 6 % du PIB en 2011. Une telle réduction ne s'est jamais vue dans les cinquante dernières années. C'est un effort considérable.

Certains doutaient de notre capacité à y parvenir. J'aimerais rappeler quelles étaient les prévisions de croissance précédemment. Cela donnerait du sens, de la force, du crédit à la capacité du Gouvernement à tenir et respecter les engagements qu'il a pris.

Mesdames, messieurs les députés, nul besoin de recourir aux grands auteurs de la pensée économique pour savoir que les déficits d'aujourd'hui, ce sont les dettes de demain et les impôts d'après-demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pourtant, avoir recours aux grands auteurs de la pensée ne saurait nuire !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Monsieur Brard, j'ai l'impression que vous vous réveillez uniquement à l'évocation des impôts, comme souvent à gauche ! Pour le Gouvernement, il s'agit de mieux les écarter alors que, de votre côté, c'est pour mieux les appeler !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela fait partie de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Nul besoin, non plus, de faire appel à l'histoire de nos finances publiques, qui se confond souvent avec l'histoire de France, pour savoir qu'un endettement excessif nous expose aux aléas des marchés financiers, limite nos capacités d'investissement, bref constitue un obstacle à la croissance.

Nous tenons à rester indépendants des marchés financiers. Nous tenons à protéger notre pays d'un endettement excessif qui pourrait porter atteinte à notre capacité d'action. N'oublions pas trop vite qu'il y a six mois à peine, l'euro était menacé.

C'est pourquoi le retour à l'équilibre budgétaire est un élément incontournable pour retrouver des marges de manoeuvres et assurer la survie du modèle français qui aujourd'hui vit à crédit. Notre système redistributif, qui permet d'amortir les crises, n'aura un avenir durable que s'il est financé par la création de richesse et la croissance. On ne peut le faire financer par l'endettement, comme c'est le cas aujourd'hui où une retraite sur dix est payée par l'emprunt.

Si nous n'avions pas décidé de réformer les retraites, nous aurions fait payer non seulement nos retraites par nos enfants le jour où ils travailleront, principe de répartition, mais nous leur aurions aussi donné à financer la retraite de nos propres parents. Curieuse conception de la solidarité nationale qui pourrait, à terme, porter atteinte au pacte entre générations !

Pour réduire ces déficits, nous pouvions agir, soit sur les recettes, soit sur les dépenses. Le choix du Gouvernement est très clair : il est absolument exclu d'augmenter les impôts et ce pour deux raisons.

D'abord, parce qu'il s'agit d'un choix politique. Ne pas augmenter les impôts est l'un des engagements du Président de la République en 2007, et nous tiendrons cet engagement. Nous refusons cette facilité, d'autant qu'il existe de véritables marges de manoeuvre du côté de la baisse des dépenses publiques.

Ensuite, parce qu'il s'agit d'un choix économique. La France a le triste privilège d'appartenir au peloton de tête mondial pour son niveau de prélèvements obligatoires. Ce serait irresponsable d'augmenter davantage encore ces prélèvements.

Ce serait une très mauvaise politique pour notre pays, car l'augmentation des impôts nuirait à la reprise économique, d'autant que notre modèle de croissance est en grande partie fondé sur la consommation qui se nourrit de la confiance des ménages et des entreprises. Ne pas augmenter les impôts, c'est d'abord un choix politique juste au regard de la situation actuelle de notre pays, mais c'est aussi le meilleur moyen de soutenir la croissance. Nous n'augmenterons ni l'impôt sur le revenu, ni l'impôt sur les sociétés, ni la TVA.

Le troisième élément de réflexion que je souhaitais partager avec vous concerne la singularité de notre pays en matière de dépense publique. Nous avons en effet l'un des plus forts niveaux de dépense publique par rapport à notre richesse nationale.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Dans ce contexte, notre seul levier d'action pour réduire nos déficits est la maîtrise de la dépense, non pas sur un seul exercice budgétaire mais pendant plusieurs années. Nous agirons sur tous les fronts, tout en épargnant les personnes les plus fragiles et les plus défavorisées.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Notre stratégie d'inflexion de la dépense, pour être efficace, doit concerner impérativement l'ensemble des acteurs publics : l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales.

Hormis la dette et les pensions, dépenses héritées du passé et que nous assumons, les moyens de l'État feront l'objet d'une réduction en termes réels puisqu'ils seront stabilisés en valeur. L'inflation étant estimée à 1,5 % en 2011, il s'agit d'une baisse réelle des dépenses de l'État. Même en ajoutant la dette et les pensions, le montant global du budget de l'État diminuera en volume de 0,2 % l'an prochain. Une telle diminution des dépenses est inédite dans l'histoire budgétaire de notre pays. Cette baisse n'est pas ponctuelle : la règle du « zéro valeur » sera maintenue les années suivantes.

Comment, concrètement, allons-nous réduire les dépenses de l'État ? Nous jouerons aussi bien sur les dépenses de fonctionnement que sur les dépenses d'intervention. Nous allons réduire son train de vie grâce à une série de mesures prises dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques. À titre d'exemple, je citerai la réduction du parc automobile de l'État, avec la suppression de dix mille véhicules d'ici à 2013,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

… la mise en place d'un Service des achats de l'État, qui permettra d'économiser environ un milliard d'euros dans les trois années à venir, la mutualisation en matière de logistique et de services informatiques qui générera également des gains importants.

Nous poursuivrons aussi la réduction des effectifs dans la fonction publique, qui a déjà permis de supprimer cent mille postes depuis 2007.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Nous avons opté pour un nombre de suppressions équivalent dans le budget triennal – 97 000 postes –, alors même que les départs en retraite commencent à être un peu moins importants. Réduire le nombre de fonctionnaires permet de réduire la masse salariale de l'État, donc d'alléger les impôts pour le contribuable. La moitié des économies dégagées sont restituées aux fonctionnaires : moins de fonctionnaires mais mieux payés ; un État plus véloce, qui répond à ses missions de service public sans en altérer la qualité.

J'ajoute, pour ceux qui en doutent, que ces réductions d'effectifs ne remettent pas en cause la qualité de nos services publics. Les nouvelles mesures prises dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques, dans la continuité des premières mesures de 2007, nous permettront de continuer à améliorer la qualité et l'efficacité de ces services publics.

Dans ce contexte de baisse des dépenses de l'État, le Gouvernement n'en respectera pas moins ses engagements en faveur de la justice, de l'enseignement supérieur et la recherche, et de la sécurité intérieure.

Pour la sécurité sociale, la réforme des retraites, la reprise de la dette sociale par la CADES et la maîtrise renforcée des dépenses, notamment celles de l'assurance maladie, permettront de maintenir la trajectoire fixée. Nous prévoyons ainsi que les dépenses d'assurance maladie évolueront à un rythme historiquement bas : 2,9 % en 2011 après 3 % en 2010. Pour la première fois depuis sa création en 1997, nous aurons respecté l'ONDAM, ce qui renforce la crédibilité des engagements du Gouvernement.

Pour leur part enfin, les collectivités territoriales verront une stabilisation en valeur des concours de l'État, hors fonds de compensation de la TVA. C'était une demande des élus, à laquelle le Gouvernement a répondu. Le FCTVA évoluera donc librement en fonction de l'investissement réalisé par les collectivités locales.

J'ajoute, cher Gilles Carrez, vous qui êtes l'un des meilleurs spécialistes des finances locales…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Bravo ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Ces applaudissements sont mérités, car le fait d'avoir sorti le FCTVA de l'enveloppe de normes, ce qui préserve la faculté d'investissement de chaque collectivité, interdit aux élus locaux de rendre l'État responsable de l'augmentation de leurs impôt locaux. Ils devront désormais assumer leurs choix en matière de dépenses de fonctionnement et de personnel, ce qui est juste et équitable. La sortie du FCTVA est donc un outil précieux, qui permettra de maintenir la dynamique de l'investissement dans les collectivités concernées.

La « clause de revoyure » de la réforme de la taxe professionnelle permettra également d'assurer la péréquation horizontale, tout aussi nécessaire. En cela le projet de loi de finances tire les conséquences de certaines de vos recommandations.

J'ajoute enfin que la structure de l'enveloppe des concours de l'État aux collectivités locales a été largement bouleversée du fait de plusieurs réformes : la réforme de la fiscalité locale, l'instauration de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la cotisation foncière des entreprises en lieu et place de la taxe professionnelle, ainsi que la réforme du circuit des amendes de police.

Notre stratégie d'inflexion de la dépense repose ensuite sur la réduction des dépenses fiscales. La réduction des niches sociales et fiscales devrait en effet permettre un gain de dix milliards d'euros en 2011. C'est bien supérieur à l'objectif de notre programme de stabilité, qui fixait une réduction de deux milliards d'euros par an pendant trois ans.

Je souhaite à ce sujet insister sur un point crucial : contrairement à ce que j'entends ou lis ici et là, réduire les niches revient fondamentalement à réduire la dépense publique. Une niche fiscale, c'est un choix effectué par l'État de ne pas prélever d'impôt, pour soutenir un secteur économique ou un projet spécifique ; c'est donc une forme de dépense. Réduire les niches fiscales de dix milliards d'euros, c'est donc réduire d'autant les dépenses de l'État.

Une niche, c'est une subvention fiscale : au lieu de soutenir directement une activité, l'État soutient un contribuable – particulier ou entreprise –, en réduisant spécifiquement son impôt. Une niche, dans la majorité des cas, c'est aussi le choix pour un contribuable ou pour une entreprise d'avoir recours à l'avantage qu'elle ouvre. Réduire une niche n'a donc rien à voir avec une hausse d'impôt généralisée, car une telle hausse s'appliquerait à tous les contribuables de façon indifférenciée.

Construire un budget revient à faire des choix politiques, et celui du Gouvernement est clair : faire reposer, par souci d'équité, l'effort de maîtrise des dépenses sur tous, tout en protégeant les plus fragiles, ceux qui ont été le plus durement touchés par la crise ou ceux qui, pour d'autres raisons, en ont le plus besoin.

Nous préservons le RSA, dont la vocation est d'être un véritable « bouclier social »,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

…en favorisant l'activité et en luttant contre la pauvreté. Il continuera sa montée en puissance en 2011 et les années suivantes.

D'ailleurs, en matière de niches fiscales et sociales, les règles de réduction ont été appliquées avec le même souci d'équité. Concernant les services à la personne, nous aurions pu appliquer les 10 % de réduction à toutes les aides : le Gouvernement ne l'a pas souhaité. Il a choisi de supprimer les niches sociales bénéficiant aux particuliers employeurs et aux structures agréées, et de préserver intégralement, en contrepartie, les avantages fiscaux. Par ailleurs, cette mesure ne touchera pas les plus défavorisés, personnes âgées, dépendantes, parents d'enfants handicapés, pour qui l'ensemble des avantages fiscaux et sociaux sera maintenu.

Preuve du caractère équitable de notre projet et de notre détermination à protéger notre modèle social, 70 % des gains réalisés en réduisant les niches fiscales et sociales, soit près de sept milliards d'euros pour l'année 2011, seront affectés aux organismes de sécurité sociale.

Inversement, et toujours par souci d'équité, les prélèvements exceptionnels dans le cadre de la réforme des retraites seront exclus du bouclier fiscal.

Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nos choix s'inscrivent dans la continuité de notre stratégie depuis la crise. Ils sont intangibles et clairs : réduire le déficit public, baisser les dépenses publiques, ne pas augmenter les impôts. Ils témoignent de notre volonté de protéger les plus fragiles. Ils ont un sens et une cohérence.

Ce budget est le socle sur lequel nous devons, après cette crise difficile, retrouver la croissance. Le Gouvernement vous propose une vision à long terme. Notre système fiscal est un ensemble marqué par son histoire et ses particularités. Tout le monde est d'accord pour le réformer. Certains parlent de la suppression de l'ISF, d'autres du bouclier fiscal ou des deux ensemble, d'autres encore évoquent une fusion entre la CSG et l'impôt sur le revenu.

Je suis convaincu qu'on ne peut pas mener une réforme à la hâte sur un sujet aussi majeur. Il faut une méthode adéquate. Pour conduire un vrai changement, une réforme en profondeur de notre fiscalité, nous devons prendre le temps de l'analyse, du débat, de la réflexion. Le bon sens nous y invite, car la fiscalité est sans conteste un sujet d'importance, au fondement même de notre démocratie. La réforme fiscale doit poursuivre un double objectif : celui de l'équité et celui de la relance de la croissance.

Nous ne pouvons pas non plus raisonner sans prendre en compte les autres pays d'Europe, tout simplement parce que notre économie et notre compétitivité sont étroitement liées à celles de nos partenaires. Il nous faut donc travailler ensemble, et c'est dans cet esprit que le Président de la République et la Chancelière allemande ont lancé récemment une réflexion de grande ampleur sur la convergence fiscale franco-allemande. Les grandes étapes de la construction européenne ont toujours été jusqu'ici indissociables de ce couple historique. C'est en ce sens que le Président de la République a annoncé un débat sur la réforme de la fiscalité du patrimoine pour la fin du premier semestre 2011.

Deux rendez-vous d'importance majeure nous attendent. Dès aujourd'hui, le Gouvernement engage avec la représentation nationale le débat sur la trajectoire des comptes publics à moyen terme, dont la première étape est ce projet de loi de finances. Dès l'année prochaine, il sera au rendez-vous de la réflexion sur notre fiscalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je consacrerai le propos préliminaire de mon intervention à une brève revue de la situation de notre économie, avant d'aborder, dans un deuxième temps, les grands axes stratégiques que reflète ce projet de budget.

François Baroin a mentionné plusieurs faits qui attestent que la crise est derrière nous. La sortie de crise s'est accélérée au deuxième trimestre 2010, avec une croissance de notre PIB de 0,7 %, soit 2,5 % de croissance annualisée.

Les voyants sont au vert et les trois moteurs de la croissance montent en puissance, notamment la consommation, qui n'a jamais faibli depuis le début de la crise et connaît une augmentation de 0,3 %. Quant à l'investissement des entreprises, il a progressé de 1,1 %. Enfin, les exportations sont vigoureuses depuis le début de l'année, avec une hausse de 4,5 % au premier trimestre et de 2,8 % au deuxième trimestre.

Je rappellerai les commentaires inspirés à certains par notre précédent projet de loi de finances. Je me souviens encore de ceux pour qui le plan de relance était insuffisant et mal ciblé. Soit, mais, entre 2009 et 2010, nous avons consacré 45 milliards d'euros à la relance, et si j'en crois l'étude réalisée par le FMI, au titre de l'article 4, qui l'amène à examiner la politique économique de notre pays, cela a eu un effet positif, puisque le FMI a jugé notre réponse « appropriée » et bien ciblée.

À ceux qui dans cet hémicycle considéraient que les banques avaient été privilégiées,…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

…je réponds que nous avons surtout privilégié l'épargne des Français.

Depuis le discours du Président de la République à Toulon, nous avons veillé à ce que ni l'épargne des Français ni leur confiance dans la capacité des banques à financer l'économie ne soient entamées. Certes, pour ce faire, nous avons dû mobiliser des fonds, mais à ce jour ils ont été remboursés à 80 %, et ils ont procuré à l'État un revenu de 2,4 milliards d'euros.

Enfin, à ceux qui nous disaient : « Vous n'avez pas soutenu la consommation des ménages », je rappelle que près d'un tiers des dépenses du plan de relance – c'est-à-dire 14 milliards d'euros sur 45 milliards pour 2009 et 2010 – a concerné les ménages, ce qui représente, selon les calculs du FMI, 1 000 euros de pouvoir d'achat supplémentaire en moyenne – sachant tous les inconvénients du raisonnement statistique en moyenne – pour chaque ménage français. Résultat : la France a mieux traversé la crise que ses partenaires. La croissance a été négative en 2009, mais seulement de 2,6 %, alors que, pendant la même période, l'Allemagne a connu une croissance négative de 4,7 %.

Au-delà des indicateurs à caractère strictement économique, j'ai toujours dit qu'en matière de politique économique, nous ne saurions si nous avions réussi qu'en constatant l'augmentation nette de l'emploi en France. Or depuis le début de l'année 2010, la France a créé pas moins de 60 000 emplois nets, portant ainsi le taux de chômage d'un pic de 9,6 %, selon les méthodes de calcul du Bureau international du travail, à 9,3 % selon le calcul actuel de l'INSEE.

Nous avons plus particulièrement consacré notre action à lutter contre le chômage des jeunes. Entre avril 2010 et avril 2009, le nombre d'inscrits à Pôle emploi de moins de vingt-cinq ans a baissé de 5 %. Le chômage des jeunes est une des plaies de notre époque, ce n'est donc pas suffisant ; au moins concentrons-nous nos efforts sur ce fléau.

La politique de relance a donc porté ses fruits.

Pour 2011, nous avons trois priorités qui sont liées les unes aux autres. Il s'agit de l'emploi, première préoccupation de nos concitoyens, de la baisse impérative des déficits publics,décrite par François Baroin comme une ardente obligation car c'est la condition absolue d'une relance de l'économie, et de la compétitivité des entreprises, car il n'y aura ni investissements ni créations d'emplois en France si les entreprises ne sont pas compétitives.

Au-delà de ses multiples effets, la crise la plus brutale que nos économies aient subie a eu trois conséquences majeures.

D'abord, le chômage a frappé la plupart des économies de la planète. Son augmentation parfois brutale et durable – certains pays, comme les États-Unis, n'y étaient pas habitués – n'a été évité par d'autres, telle l'Allemagne, que grâce à des politiques sociales extrêmement actives et, surtout, à un socle de relations sociales qui a permis la conclusion d'accords au sein des entreprises.

Ensuite, l'endettement public a fortement crû en Europe – plus de 20 points de PIB –, et plus encore aux États-Unis, pour des raisons manifestes de « privilège de la monnaie » – plus 40 points.

Enfin, le centre de gravité de l'économie mondiale s'est déplacé vers l'Est : la Chine est ainsi devenue la deuxième puissance économique avec un PIB deux fois supérieur au nôtre, et elle devrait conserver au cours des prochaines années un rythme de croissance rapide, même si mon homologue chinois qualifie de mauvaises prévisions de croissance un rythme de 9 % en les comparant au 11 % actuels.

La sortie de crise nous offre la possibilité de résorber ces trois déséquilibres : nous pouvons faire baisser le chômage, réduire les déficits, et rééquilibrer la concurrence mondiale tant dans le cadre budgétaire que dans un cadre européen bien compris.

Pour y parvenir, la France ne manque pas d'atouts. Sa demande intérieure est restée dynamique : aucun trimestre n'a enregistré de baisse de la consommation depuis le début de la crise. Son territoire reste attractif pour les investisseurs, et la demande mondiale qui lui est adressée devrait augmenter de 11,8 % en 2010, et de 7,7 % en 2011 – cela, si et seulement si, nous proposons une offre qui reste attractive. L'inflation y est maîtrisée : la prévision fixée à 1,5 % pour 2010 est une bonne nouvelle pour les ménages. Sa signature d'émetteur souverain a jusqu'ici été préservée sur les marchés en « triple A », et ses opérateurs privés ont maintenu leur capacité d'endettement, à la différence des opérateurs privés d'autres pays. J'ajoute que la capacité de la France à se financer et à se refinancer est intacte, aussi bien avec des instruments de court que de long terme.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que sa démographie est extrêmement favorable, avec le deuxième niveau de fécondité d'Europe derrière l'Irlande, et que sa croissance est bien orientée puisque, dans le projet de loi de finances, nous tablons sur une progression du PIB de 1,5 % en 2010, que le Premier ministre a révisé à 1,6 %. Pour l'année 2011, nos prévoyons une croissance de 2 %, ce qui est loin d'être déraisonnable. En effet, en rythme annuel, depuis le début de l'année 2010, la croissance française est déjà presque de 2 %. Dès lors que la demande mondiale continue d'augmenter et que nous sommes capables de maintenir les facteurs d'attractivité de notre pays, il n'y a en conséquence aucune raison pour que nous ne soyons pas en mesure de maintenir le rythme actuel de la croissance.

Venons-en à nos priorités. La première d'entre elles consiste à créer de l'emploi : c'est un impératif.

Notre objectif est de ramener le chômage à son niveau d'avant la crise, avant la fin de l'année 2012. Cela n'est sans doute pas particulièrement brillant – l'Allemagne fait mieux –, mais c'est déjà beaucoup mieux que tous les résultats que nous avons obtenus depuis longtemps.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

En 1993, ça a été pire. Nous voulons très rapidement revenir au taux de l'année 2007, le plus bas depuis près de trente ans.

Cet objectif est ambitieux, mais le retour aux créations d'emplois depuis le début de l'année et la baisse du taux de chômage depuis deux trimestres nous encouragent. Nous avons donc révisé à la hausse les prévisions d'emploi

Pour 2010, le cadrage macroéconomique du PLF table sur au moins 80 000 créations d'emplois supplémentaires dans le secteur marchand – ce qui constitue une estimation prudente – et 167 000 créations d'emplois au total. En 2011, le redressement des créations d'emplois devrait se poursuivre avec 160 000 emplois créés dans le seul secteur marchand et 228 000 au total.

Nous allons tout faire pour accompagner et accentuer cette tendance, en jouant sur tous les leviers disponibles de la politique de l'emploi, au premier rang desquels intervient la formation professionnelle. Vous avez voté une réforme importante de la formation professionnelle qu'il faudra utiliser au mieux, en particulier en encourageant la mobilité sectorielle des salariés en recherche de formations améliorées. Nous utiliserons aussi les formations professionnalisantes et, en particulier, l'arme de l'apprentissage qui a concerné plus de 120 000 jeunes au mois d'août dernier. Notre objectif est d'amener 300 000 jeunes vers le marché de l'emploi grâce à ce moyen. Par ailleurs, Pôle emploi jouera pleinement son rôle maintenant que la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC est opérée et que les outils de mesure, d'incitation et de personnalisation des entretiens d'embauche permettront de mieux apparier demande et offre – indispensable rapprochement comme le montrent les travaux qui ont reçu cette année le prix Nobel d'économie.

La deuxième priorité, la résorption des déficits, a été longuement présentée par François Baroin. Pour avoir vécu de près, durant des jours et des nuits, la crise grecque, la crise de l'euro et leurs développements, je peux vous dire que la réduction du déficit publique n'est pas seulement une obligation morale : c'est un impératif de souveraineté nationale.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Il y va de la crédibilité de la signature de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C'est aussi la condition du rétablissement de la confiance de nos concitoyens. Je ne vous rappellerai pas les principes ricardiens selon lesquels le citoyen économise dès lors qu'il est inquiet pour la santé des finances publiques et consomme dès lors qu'il est rassuré, mais il est clair que nous devons nous inscrire dans cette logique.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur Brard, pour l'instant, je me contente de Ricardo.

Après la relance de 2009-2010, qui a amené tous les États à engager leurs finances publiques, puisque l'État était le seul à disposer d'une signature et d'une garantie ; après cette période qui nous à amener à dépenser sans compter parce qu'il fallait relancer la machine économique, nous devons impérativement revenir à une maîtrise stricte et durable des dépenses budgétaires. La France étant le pays de la zone euro où le poids de la dépense publique est le plus élevé, il est clair que la dépense publique peut être réduite.

Nous proposons aussi au Parlement de réduire les dépenses fiscales et les niches sociales de près de 9,5 milliards d'euros en 2011 et de 11,5 milliards en 2012, soit plus de 10 milliards en moyenne sur ces deux années. Si l'on y ajoute les autres mesures de recettes incluses dans le PLF et dans le PLFSS pour 2011, l'effort sera de 10,9 milliards d'euros en 2011 et de 13,6 milliards en 2012.

Pour y parvenir, nous proposons trois séries de mesures qui représentent chacune un tiers de l'effort global.

Il s'agit d'abord de mesures de financement de la réforme de retraites, comme le relèvement d'un point de l'impôt sur les hauts revenus et sur les revenus du capital, ainsi que la suppression du crédit d'impôt sur les dividendes.

Nous proposons ensuite des mesures de financement de la dette sociale, qui mettent à contribution principalement le secteur de l'assurance, qui fonctionne en symbiose avec notre système de protection sociale.

Enfin, pour un troisième tiers, nous mettons en place des mesures de réduction du déficit de l'État. Ces mesures, vous les connaissez et je n'en citerai donc que quelques-unes comme la réduction des avantages fiscaux en faveur de l'énergie photovoltaïque, la suppression du régime dérogatoire de faveur applicable aux offres dites triple play en matière de TVA, ou la réduction homothétique, le « rabot », de 10 %, qui viendra s'appliquer à un ensemble de niches fiscales « choisies » par les contribuables – ce qui correspond donc, non pas à une augmentation globale des impôts, mais bien à une réduction de dépenses budgétaires déguisées en niches fiscales.

En définitive, nous proposons au Parlement de privilégier la réduction des dépenses fiscales sur l'augmentation générale des impôts. C'est une question de nécessité et d'efficacité économique, mais c'est aussi une question de justice fiscale – et je sais combien la justice fiscale est aujourd'hui au coeur de vos préoccupations dans la perspective de la réforme de la fiscalité du patrimoine, annoncée par le Premier ministre pour l'an prochain.

À cet égard, le Gouvernement est bien évidemment sensible à la nécessité de préserver un équilibre entre la contribution des ménages et celle des entreprises. En 2011, 60 % du total pèsera sur les entreprises et 40 % sur les ménages. En 2012, ils se répartiront chacun 50 % de l'effort.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

J'entends dire que c'est faux. Évidemment, c'est faux puisque, au bout du compte, ce sont finalement toujours les ménages qui paient, la production fournie par l'entreprise étant achetée par les consommateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et entre le chômeur et mamie Liliane, il y a une différence !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Nous avons aussi tenu à ce que l'ensemble des contribuables participe à l'effort collectif, y compris les plus aisés. Les différentes mesures, telles que l'augmentation d'un point du taux marginal supérieur d'imposition et de la fiscalité sur les revenus du capital ou la mise en place du « rabot » prévu pour certaines niches, ne bénéficieront pas, en effet, de l'application du bouclier fiscal. Pour une partie d'entre elles, les dépenses seront donc également prises en charges par les ménages les plus aisées.

Vous le voyez, les choix sont aussi clairs que les responsabilités sont assumées : nous avions annoncé que les déficits publics seraient ramenés dès l'an prochain à six points de PIB, et le projet de loi de finances pour 2011 concrétise cet engagement.

Notre troisième priorité me paraît être la plus déterminante du point de vue de la création de valeurs dont notre économie est capable. Cette troisième priorité, c'est tout simplement celle de la compétitivité des entreprises.

L'effort sans précédent de réduction des déficits publics que nous avons engagé ne doit pas nous faire oublier que la croissance dépendra principalement de notre capacité à créer des entreprises, à les faire prospérer, à favoriser l'investissement, en un mot à produire et à créer des emplois en France. Ce n'est pas faire preuve de protectionnisme que de vouloir favoriser l'investissement et la création d'emplois dans notre pays.

Depuis 2007, toutes nos initiatives en matière de politique économique et fiscale ont été tournées vers cet objectif. J'en cite quelques-unes, au hasard : la transformation de la taxe professionnelle en contribution économique territoriale, clairement destinée à alléger l'imposition sur l'investissement des entreprises ; la décision de tripler le crédit d'impôt recherche pour encourager nos entreprises à investir en innovations sur le territoire français ; les investissements d'avenir, clairement destinés à localiser sur le territoire français des investissements qui sont nécessaires à notre compétitivité de long terme.

Et puis, je ne voudrais pas passer sous silence quelques mesures qui me paraissent elles aussi déterminantes en matière de politique économique. On le sait, une grande partie de la demande sera adressée de l'extérieur vers notre pays. Cette demande, elle viendra de marchés émergents, qui sont actuellement en développement. Pour améliorer l'offre que nous devons fournir en réponse à cette demande, nous prévoyons un certain nombre de modifications, notamment dans le domaine des aides à l'exportation, avec une centralisation des aides au sein d'une agence, UBIFRANCE, qui deviendra, à partir de 2012, une fois la réforme achevée, le seul interlocuteur des petites et moyennes entreprises. D'autre part, nous avons décidé de concentrer sur les grands contrats à l'exportation l'utilisation d'un certain nombre d'instruments financiers, notamment en matière d'assurance.

Les mesures que nous vous proposons dans le cadre du PLF pour 2011 visent à poursuivre et à intensifier ces efforts de réforme structurelle. Nous devons impérativement soutenir les actions que nous avons engagées. C'est ainsi qu'on retrouve dans ce projet de loi de finances deux dispositions, celle qui concerne le soutien à l'investissement dans l'innovation, ainsi que la réforme de la taxe professionnelle, sur laquelle j'ai pris des engagements l'année dernière.

Je souligne également l'importance de la mesure concernant l'investissement immobilier des ménages. Nous proposons, avec Benoist Apparu, une refonte d'ensemble de trois régimes – le crédit d'impôt pour les intérêts d'emprunt, la TVA à taux réduit sur la construction de certains logements, c'est-à-dire le PASS foncier, et le prêt à taux zéro –, qui seront remplacés par un nouveau prêt à taux zéro universel. Nous savons bien que les trois anciens dispositifs n'avaient pas tous la même efficacité et que certains étaient infiniment plus coûteux que nous ne l'avions imaginé.

Pour dynamiser l'investissement des entreprises, nous proposons de mettre en oeuvre deux mesures fiscales annoncées lors des États généraux de l'industrie : la pérennisation du remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche pour les PME, et un régime fiscal avantageux pour l'exploitation des brevets sur le territoire français.

À cet égard, qu'il me soit permis d'insister sur une mesure qui me tient particulièrement à coeur, et qui me semble nécessaire à une véritable démarche stratégique pour notre économie. Je veux bien sûr parler du crédit d'impôt recherche. La France souffre d'une insuffisance de recherche privée, et celle-ci s'est hélas aggravée sur longue période. Or, l'effort de recherche et développement privée conditionne notre croissance à long terme dans un monde globalisé où émergent de grandes économies. Interrogez, dans vos circonscriptions, des entreprises qui font de la recherche et du développement. Demandez-leur si, en Inde ou en Chine, on trouve de mauvais ingénieurs en faible quantité. La réponse à cette question sera très claire : les ingénieurs, dans ces pays, sont formés de manière extrêmement efficace, souvent grâce à des transferts de technologie, et surtout ils sont formés dans des proportions extraordinairement importantes. C'est là un enjeu absolument stratégique pour notre pays. Qu'avez-vous voulu faire en 2007 ? Vous avez voulu tripler le crédit d'impôt recherche.

Quel est aujourd'hui le résultat de cette mesure ? Cette question est l'occasion pour moi de saluer les travaux qui ont été effectués pour évaluer le dispositif français et le comparer à des dispositifs étrangers. Nous disposons de deux rapports, l'un de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, l'autre est de l'IGF, dont je tiens à saluer la qualité. Quelles sont les conclusions de ces rapports ? Je n'en citerai que cinq.

D'abord, un euro de crédit d'impôt recherche génère entre un et trois euros de dépenses de recherche supplémentaires, ce qui signifie qu'il n'y a pas d'effet d'aubaine généralisé mais bien plutôt un réel effet d'entraînement sur les entreprises.

Deuxièmement, un euro investi dans le crédit d'impôt recherche se traduit par une augmentation du PIB de deux euros à horizon de quinze ans, ce qui signifie que le CIR contribue à créer des emplois.

Troisièmement, en 2008, première année d'application de la réforme, les entreprises ont accru de 1,5 milliard d'euros leur effort de recherche et développement, et ce à structure industrielle constante. C'est dire si cette mesure a été incitative.

Quatrièmement, 3 000 entreprises supplémentaires sont entrées dans le dispositif à partir de 2008.

Enfin, les petites et moyennes entreprises représentent les deux tiers des nouveaux bénéficiaires.

L'effort supplémentaire consenti par l'État n'est pas, dans l'immense majorité des cas, détourné de son objet mais bien réinvesti intégralement en dépenses de recherche, créant ainsi, à terme, des emplois supplémentaires, des investissements plus importants, davantage d'activité pour des sous-traitants spécialisés.

J'ajouterai que ce dont dépend principalement l'efficacité du crédit d'impôt recherche, c'est sa stabilité sur longue période. Pourquoi était-il inefficace, jusqu'en 2007 ? Tout simplement parce que ce dispositif a été modifié chaque année durant ses vingt-cinq premières années d'existence.

Si vous êtes un décideur, que vous soyez une entreprise française ou une entreprise qui décide d'implanter quelque part dans le monde un centre de recherche et développement, vous avez besoin de savoir quel traitement fiscal sera appliqué à votre projet.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je sais que des amendements ont été déposés. Je sais que certains d'entre vous se sont émus au sujet des 2,6 milliards d'euros atteints l'an dernier – mais je vous rappelle que ce chiffre n'a été atteint qu'en raison d'une mesure d'anticipation et de remboursement mise en oeuvre dans le cadre du plan de relance. J'aurai l'occasion lorsque nous examinerons les amendements nos 48 et 49 et quelques autres, de revenir sur ces questions. Mais j'ai pensé qu'il était important, devant la représentation nationale, et avant que nous passions à des séances qui seront peut-être plus nocturnes, de vous indiquer à quel point il était vital pour l'économie française, si elle veut rester en avance sur le plan technologique, que les entreprises puissent continuer à investir, dans la recherche et développement, dans des conditions de stabilité fiscale. J'espère que je saurai vous convaincre à l'occasion de l'examen de ces amendements.

En tout cas, je suis tout à fait disposée à examiner dans quelles conditions nous pouvons parvenir à un accord qui soit protecteur des intérêts du développement, de l'innovation et de la recherche, tout en éliminant les abus, les excès, les détournements que nous avons pu constater ici ou là.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Au chapitre des réformes structurelles, nous proposons en deuxième lieu la mise en place d'une taxe systémique sur les établissements financiers, qui est destinée à prévenir les prises de risque excessives et à compenser le coût, pour les contribuables, de la résolution des crises bancaires. Assise sur les actifs pondérés par les risques, cette taxe est destinée, très clairement, à induire des comportements plus raisonnables de la part des uns et des autres. Elle sera affectée au budget de l'État. Associée à la taxe de supervision instaurée au début de l'année et à la contribution exceptionnelle au fonds de garantie des dépôts instaurée fin 2009, elle portera, dès 2013, la somme des prélèvements sur les établissements financiers à plus d'un milliard d'euros. Le dispositif aura ainsi connu une montée en puissance graduelle : 500 millions, puis 800 millions, puis un milliard. La mise en oeuvre des accords de Bâle III, si nous parvenons à un accord général sur ces textes relatifs aux actifs que doivent détenir les banques, nous amènera en effet à élargir l'assiette.

Enfin, le dernier volet de la réforme fiscale consiste pour moi à honorer le rendez-vous pris en loi de finances pour 2010 sur la réforme de la taxe professionnelle.

Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de la seconde partie de la loi de finances, et d'évoquer notamment la question de la péréquation – verticale et horizontale, dans chacun des droits types de collectivités locales –, mais je voudrais dès à présent souligner que les engagements que j'ai pris devant vous l'an dernier seront tenus : la réforme sera neutre pour les ménages, et nous honorerons la garantie de ressources des collectivités territoriales.

Jacques Pélissard, le président de l'Association des maires de France, m'a alertée fin septembre sur une conséquence involontaire de la réforme, qui pourrait dans certains cas se traduire par une variation de la taxe d'habitation en 2011, de l'ordre d'une vingtaine d'euros par an en moyenne. Je l'en remercie et lui indique – comme nous le lui avons écrit vendredi dernier, Brice Hortefeux, François Baroin, Alain Marleix et moi-même – que le Gouvernement vous soumettra, lors de l'examen des articles non rattachés, le 15 novembre, un amendement qui confirmera la neutralité de la réforme pour les ménages : c'était un engagement du Gouvernement, il sera tenu.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, ce budget pour 2011 sera notre premier budget de reprise économique. Il sera fondé, je l'espère, sur l'objectif de l'emploi, de l'assainissement de nos finances publiques, du maintien et de l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises. Nous avons constaté, à la fin de 2008 et au début de 2009, qu'un modèle économique avait probablement vacillé, qu'il nous fallait impérativement inventer un nouveau modèle. Nous devons tourner le dos aux excès, éliminer les sources d'abus, éviter le quantitatif et le « toujours plus », et nous orienter vers une politique économique fondée sur la qualité : qualité des emplois, qualité des investissements, qualité de la dépense publique, qualité, enfin, de la création de richesses que nous souhaitons sur notre territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce rappel au règlement a trait au déroulement de nos travaux, puisque les ministres n'ont pas évoqué une disposition qui pourtant peut avoir une conséquence sur la loi de finances, je veux parler d'une disposition en faveur de la finance islamique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je laisse à chacun d'entre nous le soin d'imaginer ce que seraient les réactions si des dispositions avaient été prises en faveur de la finance catholique ou protestante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Un article paru dans la presse en ligne nous apprend que, le 28 octobre prochain, Mme la ministre va présider un forum sur la finance islamique et qu'une banque bénéficiant d'avantages fiscaux, la BRED, dont l'essentiel des clients sont des enseignants (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP), se prêterait à ces manipulations.

Si tel était le cas – et j'espère que nous allons avoir des précisions –, j'appelle tous les internautes, tous ceux qui ont des blogs, à boycotter la BRED, qui violerait la laïcité. Je souhaite, madame la ministre, que vous nous donniez une explication sur ce viol de la loi de 1905.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Mes chers collègues, avec ces deux textes, la loi de programmation des finances publiques et la loi de finances pour 2011, le Gouvernement nous propose une stratégie de sortie de crise et de rétablissement de nos comptes publics. Comme vous l'avez dit, madame la ministre de l'économie, monsieur le ministre du budget,la France a fait un sans-faute dans son plan de relance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C'est aujourd'hui unanimement reconnu en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Mais, il nous faut également faire un sans-faute dans la sortie de crise et dans la trajectoire de retour progressif à l'équilibre. Ce sans faute passe par deux conditions. La première, à l'évidence prioritaire, est la réduction de nos dépenses publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La seconde est la protection rigoureuse de nos recettes. Je vais vous soumettre un certain nombre de propositions sur la base de ces deux conditions

Tout d'abord, la réduction de nos dépenses publiques. En 2009, nous avons atteint, je crois, le record du monde en termes de dépenses publiques par rapport à la richesse nationale d'une année exceptionnelle : 56 %. La réduction proposée dans la loi de programmation d'ici à 2014 est douce, il faut bien en être conscient,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…puisque nous reviendrions à 53 %. Cela resterait tout de même un niveau très élevé en matière de dépenses publiques – nous serions au même niveau que la Suède.

Pour atteindre cet objectif, il faut diviser par près de trois le rythme annuel d'évolution des dépenses publiques que nous avons connu au cours des dix dernières années. Le pari est de passer à 0,8 % hors inflation, alors que nos dépenses publiques – 1 000 milliards d'euros entre l'État, les collectivités locales, la sécurité sociale – ont augmenté de 2,3 points en moyenne en volume.

Autre élément, sans doute plus explicite : ces dix dernières années, notre dépense publique a crû d'environ 40 à 45 milliards d'euros chaque année. Nous devons parvenir à ne la faire augmenter que de 25 milliards d'euros. C'est extrêmement difficile, il faut en être bien conscient. C'est la raison pour laquelle je m'attarderai un instant sur l'évolution de la dépense publique s'agissant uniquement du budget de l'État, partie la plus simple sur laquelle nous avons déjà obtenu des résultats ces dernières années.

D'abord, monsieur le ministre, vous nous proposez une nouvelle règle ou plus exactement une double règle. D'une part, il faut que la dépense d'État hors dette, hors pensions, c'est-à-dire en neutralisant le passé, n'augmente pas, c'est la règle du « zéro valeur ». D'autre part, si l'on prend en compte l'effet de la dette, des intérêts et des pensions, il faut que nous restions dans le volume de l'inflation. Autrement dit, une inflation à 1,5 % sur le budget de l'État nous donne une marge de manoeuvre de 5 à 6 milliards d'euros. L'augmentation mécanique des intérêts, compte tenu du niveau de notre dette, pour la seule dette d'État, est de 4 milliards. Compte tenu des départs en retraite, l'augmentation des pensions est de 1,2 milliard. C'est dire à quel point les marges de manoeuvre sont faibles et à quel point cette double règle est indispensable.

Si l'on considère l'année 2009, avons-nous vraiment respecté la règle de la stabilité de la dépense ? Non ! Nous avons eu la chance d'avoir des économies de constat de 3,5 milliards sur les intérêts de la dette à cause de l'effondrement des taux d'intérêt. Cette somme a été recyclée sur d'autres dépenses du budget de l'État. Or cela sera impossible en 2011.

Je voudrais insister sur quatre éléments de dépenses qui font l'essentiel du budget de l'État et sur lesquels nous devons être très vigilants.

Le premier – je viens de l'évoquer – c'est le risque d'emballement du coût de la dette. Je vais citer deux chiffres pour bien faire comprendre l'enjeu. Les intérêts de la seule dette d'État sont de 45 milliards d'euros. C'est le deuxième poste dans le budget après l'éducation nationale. Entre 2010 et 2011, on est passé de 41 à 45 milliards d'euros. Vous voyez à quel point la dérive est rapide. Nous devons être très vigilants, car qui nous dit que nos prêteurs nous consentiront toujours des conditions aussi avantageuses qu'aujourd'hui ? Je n'ai de cesse de le répéter : 100 points de base de plus, 1 % d'intérêt en plus, correspond, dès l'année suivante, à 2 milliards d'euros supplémentaires de charge de la dette. Nous devons donc à tout prix éviter l'emballement de la dette, même si, vous avez eu raison de le souligner, madame la ministre, nous gardons la meilleure des notations, AAA +, et nous ne décrochons que très peu par rapport à l'Allemagne.

(Mme Elisabeth Guigou remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Deuxième élément de dépenses : les dépenses de personnel et leur inertie. François Baroin nous a dit qu'avec le remplacement d'un départ en retraite sur deux, la masse salariale diminuait. Je lui dirai très gentiment qu'elle continue d'augmenter.

Le non-remplacement d'une personne sur deux partant en retraite a conduit, en 2009, à une augmentation de 800 millions d'euros par rapport à 2008. Nous espérons être sur un rythme d'environ 600 millions d'euros. Comment est-ce possible ? La moitié de l'économie générée par le non-remplacement d'un départ en retraite sur deux est redistribuée sous forme de mesures catégorielles. En outre, tel ou tel ministère – je ne les citerai pas – est allé bien au-delà des 50 %. Nous sommes donc obligés de nous poser des questions qui font mal, très mal. Si nous nous fixons l'objectif d'une stabilisation en valeur de la masse salariale – je ne parle pas des pensions, elles dérivent – il faut geler le point d'indice jusqu'en 2013, ou diminuer le retour en mesures catégorielles. Monsieur le ministre du budget, il faut être très vigilant sur ce poste.

Troisième élément, les interventions sociales. La loi de programmation prévoit moins 10 % d'ici à 2013 sur les interventions. Il existe deux types d'interventions. Les interventions de guichet : on remplit les conditions et l'on a droit à la prestation – prestations sociales de type allocation adulte handicapé, aide médicale d'État, exonération de charges sociales patronales qui sont non pas dans le budget de la sécurité sociale mais dans les comptes de l'État, ou encore aide personnalisée au logement. En la matière, on fait le pari qu'il n'y aura pas, pour la première fois, d'augmentation en valeur ; nous resterons en 2011 à 37,6 milliards d'euros. Vous voyez à quel point ce pari sera difficile à tenir. Cela ne s'est jamais produit auparavant.

Puis il y a les interventions discrétionnaires, sur lesquelles le Gouvernement dispose de plus de marges de manoeuvre. Cela ne fonctionne pas en guichet et les crédits sont limités. Mais, là encore, cela ne sera pas facile. Madame la ministre, quelques milliards sont consacrés à l'emploi, aux contrats aidés. Or, chacun sait que, lorsque la situation de l'emploi est complexe, il est très difficile de faire des sacrifices sur les contrats aidés. J'ai assisté samedi matin au congrès des maires du Morbihan à Lorient. L'un d'entre eux a interpellé le préfet sur le fait que tous les crédits relatifs aux contrats aidés étaient épuisés, alors que de nouveaux contrats étaient absolument nécessaires.

J'en viens rapidement aux dépenses de fonctionnement. D'ici à 2013, elles doivent diminuer de 10 %. Mais, je le dis notamment à Michel Bouvard, l'assiette est très faible : elle ne comprend pas les subventions aux opérateurs. À partir du moment où il n'y a pas de dotations aux opérateurs, les économies que l'on peut attendre sont très faibles. En outre, en 2011, l'organisation du G 8, du G 20 coûtera quelques dizaines de millions d'euros, et nous ne pourrons compter que sur une économie de 200 millions d'euros.

J'ai souhaité parler assez longtemps sur les dépenses car ce point me semble crucial. Je terminerai par une réflexion. Supposons qu'au lieu de réduire la tendance à plus 0,8 en volume, alors qu'on était à plus 2,3, nous n'arrivions à la réduire – ce qui serait déjà un beau résultat – qu'à hauteur de 1,5. Chaque année, nos 1 000 milliards de dépenses publiques augmentent de 1,5 % en volume plus l'inflation, mettons 3 % d'ici à 2014. Cela signifie que, dès 2013, mes chers collègues, nous franchirons la barre des 90 % d'endettement public. Je vous invite à lire une étude récente et extraordinairement intéressante des économistes américains Rogoff et Reinhart. Ils ont démontré en analysant les crises financières depuis 150 ans qu'à partir de 90 % d'endettement public, on entrait dans une zone dangereuse. Et il semblerait, dès lors que l'on dépasse ce stade, que la croissance diminue.

Cela semble relever du bon sens. En effet, à un tel niveau d'endettement, les frais financiers commencent à asphyxier le budget et les possibilités d'investissement. Cela impacte donc immédiatement la croissance. Par ailleurs, les agents économiques, que ce soit les ménages ou les entreprises, vont avoir tendance à se prémunir et la confiance à s'effriter. Il ne faut donc en aucun cas atteindre cette zone de 90 %. Aujourd'hui, nous sommes à 83 %, il faut absolument y rester.

Le déficit prévu en 2011 est de près de six points de PIB – 120 milliards d'euros, tous comptes confondus. Avec six points de PIB, nous continuons à augmenter la part de la dette dans le PIB. Quel est le niveau de déficit que l'on ne doit pas dépasser pour que la dette reste au même niveau par rapport au PIB ? Ce n'est pas la valeur absolue qui compte dans la dette, mais le pourcentage qu'elle représente par rapport au PIB. Aujourd'hui, nous en sommes à 3 %. Il faudrait que notre déficit n'atteigne que 60 milliards d'euros au lieu de 120 milliards.

Lorsque vous nous dites, monsieur le ministre, que la baisse du déficit entre 2010 et 2011 est historiquement la plus forte, vous avez raison. Mais il faut expliquer comment on y arrive. Reprenons les chiffres. Déficit de l'État : 152 milliards réalisés en 2010, 92 milliards prévus en 2011. Mais si vous enlevez des 152 milliards les 35 milliards du grand emprunt – on les avait en 2010, on ne les aura pas en 2011 – et si vous retirz les 14 milliards du plan de relance entre d'une part, les moindres recettes, et, d'autre part, les dépenses que l'on ne retrouvera pas, nous voyons bien que la réduction réelle, certes importante, ne se situe que dans une fourchette de 10 à 15 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Cela ramène à sa juste proportion cette baisse du déficit.

Second point, comme notre dépense est rigide, comme nous sommes sur le fil du rasoir et que la réduction de la dépense ne pourra se faire que lentement, nous devons impérativement protéger nos recettes. C'est tout le travail auquel s'est livrée la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Comme l'a très bien dit François Baroin, qu'il s'agisse de dépenses en forme de crédits budgétaires ou de dépenses en forme de dépenses fiscales, cela revient au même du point de vue du déficit.

D'où partons-nous ? J'ai fait, de la façon la plus objective possible, l'évaluation des baisses d'impôts qui ont affecté le budget de l'État depuis 2000 – j'englobe les baisses de 2000-2001. Nous sommes à 100 milliards d'euros ; les deux tiers correspondent effectivement à des baisses d'impôts et un tiers à des transferts à la sécurité sociale ou aux collectivités locales, pour compenser des baisses de fiscalité locale ou des exonérations de charges sociales patronales. Il apparaît que l'impôt a été, au cours des dix ou quinze dernières années, conçu de plus en plus comme un moyen de politique économique, comme un moyen visant à inciter les acteurs – entreprises ou ménages – à avoir tel ou tel comportement. En fait, on a perdu de vue l'objectif même du prélèvement, qui est de couvrir des dépenses. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme est très clair : « Pour l'entretien de la force publique et des dépenses d'administration, une contribution commune est nécessaire ».

La fonction essentielle des prélèvements obligatoires est de couvrir les dépenses. Nous devons veiller à conforter cette fonction. À partir du moment où nos dépenses ne peuvent diminuer que très progressivement, il faut protéger nos recettes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Comment nos recettes sont-elles protégées ? D'abord par une reconstitution spontanée. Grâce à la politique du Gouvernement, au succès du plan de relance, notre croissance repart, vous l'avez à juste titre rappelé, madame la ministre. En 2011, nous pouvons nous attendre à une quinzaine de milliards d'euros de recettes spontanées supplémentaires au titre du budget de l'État.

Je tiens à dire à cet égard que les critiques qui vous ont été adressées s'agissant des prévisions de croissance étaient tout à fait injustes. Si quelqu'un a fait preuve de prudence, c'est bien vous, madame la ministre. Je rappelle que vous aviez prévu plus 0, 75 point en début d'année pour 2010, nous terminerons, je l'espère à 1,6. Or avec 1,6 point de croissance en 2010, nous avons de bonnes chances de nous rapprocher de 2 points de croissance en 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Pour ma part, je valide donc vos prévisions de recettes, madame la ministre.

À côté des 15 milliards d'euros, il y a 11 milliards d'euros que je qualifierai de reconstitution de ressources. Les uns parleront d'augmentation d'impôt, les autres de réduction de dépenses fiscales ou sociales. Le Gouvernement nous propose en tout cas une très bonne copie. En appréhendant la nécessaire reconstitution des ressources par une analyse très pointue des dépenses fiscales et sociales, il se livre à un pilotage très fin – comme pour le budget de la sécurité sociale – qui ne nous fera courir aucun risque dans ce moment de convalescence et de retour de la croissance si difficile.

Ce pilotage très fin est guidé par une idée maîtresse : ne pas altérer la compétitivité de nos entreprises, comme vous l'avez très bien dit, madame la ministre. Cela doit être le leitmotiv, le fil directeur de notre action.

Le budget pour 2011 s'inscrit dans la même ligne que le précédent qui a été marqué par la réforme – fondamentale – de la taxe professionnelle. Une petite moitié de l'effort est demandée aux entreprises et une moitié plus importante aux ménages. Quelles sont les entreprises concernées ? Celles qui ne sont pas directement exposées à la concurrence internationale : les médias, l'hôtellerie, le secteur financier avec les banques et les assurances.

Je souhaite, une fois encore, insister sur la question des dépenses fiscales. La commission des finances a adopté un amendement très important de méthodologie : le stock de dépenses fiscales – les centaines et les centaines de niches fiscales de tous ordres qui représentent la bagatelle de 75 milliards d'euros – ne doit pas augmenter en valeur. J'espère, monsieur le ministre des comptes publics, que vous ne vous opposerez pas à cet amendement. Vous avez à fort juste titre dit que la dépense fiscale était une dépense. Il serait complètement dissymétrique d'exiger, d'un côté, une stabilisation en valeur des dépenses-crédits et, de l'autre, de laisser dériver les dépenses fiscales. Notre amendement à la loi de programmation a pour but de traiter les deux volets de la même manière.

Nous devons également être très attentifs aux différents dispositifs qui montent en régime très rapidement. Je pense notamment au dispositif relatif aux intérêts d'emprunt, à la suppression progressive de l'impôt forfaitaire annuel – l'IFA – voté il y a quelques années.

Je tiens à remercier le Gouvernement de nous avoir suivis sur la maîtrise du dispositif relatif au crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt pour l'acquisition d'un logement. Il y a exactement un an, nous avions, avec Michel Piron, défendu un amendement qui montrait la voie. Nous avions fait remarquer que le dispositif TEPA, certes intéressant et présentant des qualités, n'était pas suffisamment ciblé. De surcroît, il se superposait à un autre dispositif, celui du prêt à taux zéro. Dans ces conditions, nous avions proposé de fusionner les deux mesures. Notre texte était certes un peu sommaire. La réforme que vous nous proposez dans ce projet de loi de finances est une excellente réforme et nous sommes très heureux de voir que, dès 2012, nous réaliserons sur ce simple poste une économie de presque 300 millions d'euros tout en ayant un dispositif plus lisible et plus efficace.

Nous devons, en permanence, nous efforcer d'évaluer la dépense fiscale et de la réorienter.

Avec le retour de la croissance, certains dispositifs vont augmenter très vite. Je pense notamment au crédit d'impôt recherche. La croissance revenant – ce dont il faut se réjouir –, les entreprises investiront davantage dans la recherche. Ce dispositif est arrivé à sa maturité. Il est simple, lisible : 30 % de crédits d'impôt sur une assiette bien déterminée – on a oublié les variations en flux et le pourcentage de stocks. Comme Mme la ministre l'a indiqué, cela changeait tous les ans depuis 1983. Tant à la commission des finances qu'à l'inspection générale des finances, un travail très approfondi et de grande qualité a été réalisé. Je rends du reste hommage à nos collègues Olivier Carré – qui préside la MEC –, Alain Claeys, Jean-Pierre Gorges.

Nous présenterons, madame la ministre, des amendements raisonnables et nous sommes prêts à discuter avec vous. Mais je veux vous faire part de notre grande préoccupation quant à l'envolée non contrôlée d'un certain nombre de dispositifs de dépenses fiscales. Nous souhaitons conforter l'architecture du crédit d'impôt recherche pour ne pas avoir à prendre des mesures brutales, comme pour le photovoltaïque, notamment en outre-mer.

S'agissant du crédit d'impôt en faveur du développement durable, nous n'avons cessé de tirer la sonnette d'alarme. Dès l'automne 2007, nous avons auditionné le ministre en charge de l'environnement et du développement durable. Il nous avait alors assuré que les arrêtés qui allaient être pris permettraient de maîtriser la dépense. Or aussi bien en 2008 qu'en 2009, la dépense fiscale s'est révélée totalement hors contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Permettez-moi de citer les chiffres de 2009, des chiffres à donner le vertige au ministre des comptes publics. Le coût de cette dépense fiscale s'est établi en 2009 à 2,8 milliards d'euros alors que la prévision était de 1,5 milliard d'euros ! Soit presque le double, chers collègues. Il ne s'agit pas de quelques dizaines ou de centaines de millions, mais de milliards ! Hélas, la dérive continuera en 2010.

Si j'étais à votre place, monsieur le ministre, je continuerai à approuver la subvention en faveur du développement durable et des économies dans les logements, mais sur la base de crédits budgétaires et non pas d'une dépense fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je suis prêt à parier que, même si des arrêtés sont pris et que l'on ne remboursera plus les panneaux photovoltaïques qu'à 25 % – panneaux photovoltaïques qui, je le rappelle au passage, sont, à 90 %, importés de Chine –…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…,il y aura malgré tout une dérive. Je vous invite à cet égard à lire le remarquable rapport de nos deux collègues Michel Diefenbacher et Jean Launay qui proposent un certain nombre de pistes. Pour ma part, je pense que nous devons absolument transformer la dépense fiscale en subventions budgétaires en nous fondons sur un raisonnement basique, élémentaire, de bon sens : lorsque les crédits sont épuisés en octobre, on attend l'année suivante ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Votre objectif de réduire le déficit français à six points de PIB en 2011 – ce qui est tout à fait à notre portée – doit être intangible, une sorte d'ardente obligation. Il est impératif que nous y parvenions.

Membres de la commission des finances, nous ne pouvons pas nous permettre de manquer un tel objectif. C'est pourquoi nous vous avons proposé un certain nombre d'amendements qui visent à mieux protéger nos recettes : report, dès 2011, de la dernière tranche de la suppression de l'IFA payé par les très grandes entreprises ; abaissement du taux de la réduction d'ISF au titre des investissements directs dans les PME. À 75 % de réduction d'impôt, chers collègues, il n'y a plus de rationalité économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Il faut donc moraliser ce dispositif.

Il faut également, à la marge, réduire le taux forfaitaire de dépenses de personnel prises en charge au titre du crédit d'impôt recherche.

La période est cruciale. En tant que rapporteur du budget depuis 2002, j'ai été le témoin de toutes les évolutions des finances publiques. Nous avons constamment été accrochés à l'Allemagne. Cela fut notre force. Lorsqu'en 2002-2003, l'Allemagne a connu des problèmes, elle nous a demandé d'infléchir le pacte de stabilité et de le rendre plus flexible. Nous avons été contents de suivre nos amis allemands sur ce terrain. Finalement, notre excellente notation est due à cette liaison étroite entre la trajectoire allemande et française. Or ces trajectoires sont actuellement en train de diverger.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

En 2011, l'Allemagne se situera en dessous des 3 points de PIB de déficit. Nous devons absolument rester connectés à l'Allemagne. La stratégie du Gouvernement est la bonne, qui s'est fixé comme priorité la réduction des dépenses publiques et la protection de nos recettes. Les amendements de la commission des finances ont pour seul objet de conforter cette stratégie afin que nous ne décrochions pas par rapport à l'Allemagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, un budget est toujours un révélateur. En début de mandature, il est révélateur des engagements qui ont été pris, et souvent de l'enthousiasme qui anime toute nouvelle majorité même lorsque celle-ci se perpétue elle-même. En cours de mandature, il est révélateur des difficultés qui apparaissent et, en fin de mandature, des engagements qui ont été pris et imparfaitement tenus, des promesses faites et pas complètement réalisées, des contradictions entre les discours et les actes, en tout cas ce qui est proposé au vote des parlementaires.

Révélateur, ce budget l'est cruellement, surtout lorsque j'entends les autorités de notre pays affirmer dans la presse – je pensais qu'il s'agissait d'un malentendu entre le journaliste et le ministre concerné –, mais également au Parlement que les impôts n'augmenteront pas l'année prochaine.

On peut bien dire ce que l'on veut du haut de cette tribune ; mais affirmer que les impôts n'augmenteront pas est, je le crains, rigoureusement contraire à la vérité. Et il ne s'agit pas là d'une appréciation personnelle de telle ou telle mesure : c'est le simple résultat de la lecture – consciencieuse – de documents émanant des ministères de l'économie et du budget.

Puis-je, mes chers collègues, vous conseiller la consultation du tableau qui figure à la page 22 du rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, émanant du ministère du budget et publié avec l'autorisation des ministres concernés, donc du Gouvernement ? Il y apparaît clairement que les prélèvements obligatoires vont augmenter l'année prochaine d'un point de PIB, c'est-à-dire d'une vingtaine de milliards d'euros – c'est d'ailleurs une augmentation qui n'a rien de minime ! Prétendre que les prélèvements obligatoires n'augmentent pas quand ce rapport affirme précisément le contraire me paraît donc contraire à la vérité qui émane des documents officiels.

Je conçois que cette vérité soit gênante pour des dirigeants, et peut-être même pour un président, qui avaient fait de la baisse des impôts l'alpha et l'oméga de leur politique. Ce président affirme souvent – peut-être désormais trop souvent – qu'il n'a pas été élu pour augmenter les impôts : ils augmentent ; les ministres affirment haut et fort leur allergie aux impôts et aux prélèvements obligatoires : ils augmentent. Qu'en serait-il si le Président de la République pensait avoir été élu pour augmenter les impôts, qu'en serait-il si nos dirigeants n'étaient pas allergiques à l'augmentation des impôts ?

Les prélèvements obligatoires augmentent d'un point de PIB, c'est-à-dire de vingt milliards d'euros. La chose est, je crois, tout à fait claire : prétendre le contraire ne contribue pas à la clarté du débat, tant au Parlement que devant l'opinion publique. Des efforts devront pourtant, nous en sommes tous convaincus, être demandés à l'ensemble de nos concitoyens : leur faire croire que les impôts n'augmenteront pas alors qu'ils vont évidemment augmenter ne me paraît pas être une façon d'engager le nécessaire débat sur le redressement de nos finances publiques sous des auspices satisfaisants.

J'ai ici la liste des prélèvements qui augmentent : il y a des augmentations d'impôts anciens, il y a de nouveaux impôts, il y a aussi des réductions de niches fiscales.

Il y a, paraît-il, un débat pour savoir si réduire une dépense fiscale revient à augmenter les impôts ou si la réduction d'une dépense ne peut pas être considérée comme une augmentation d'impôts. Voilà me semble-t-il un bien étrange débat – et pour plusieurs raisons !

D'abord, c'est le ministère du budget qui – d'une façon totalement arbitraire, dénoncée depuis toujours par la Cour des comptes – décide que tel dispositif est une niche fiscale ou bien une modalité particulière de calcul de l'impôt. Aucun critère ne préside au maintien d'une disposition comme niche ou à son passage dans la catégorie des modalités particulières de calcul de l'impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Ainsi, en 2009, deux dispositions fiscales bénéficiant à une minorité de nos concitoyens sont passées de la catégorie des niches à celle des modalités particulières de calcul de l'impôt : la désormais célébrissime niche Copé – pourquoi n'est-elle plus une niche, ce qu'elle fut pendant au moins trois ans et demi ? – et les dispositifs fiscaux incitant aux retraites par capitalisation – depuis toujours, c'était une niche ; depuis 2009, ça n'en est plus une.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Eh oui ! Ce n'est plus une niche : c'est un terrier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Au nom de quoi ces deux dispositifs ont-ils changé de catégorie ? On l'ignore. Quand on demande au ministère du budget ou à l'administration ce qu'il en est, nous n'obtenons pas de réponse. Dès lors qu'il n'y a pas de raison évidente et qu'aucune explication n'est donnée, on ne peut que s'interroger, et même avoir de mauvaises pensées : le coup de rabot annoncé obligeait-il à protéger ces deux dispositifs qui, n'étant plus des niches, n'étaient ainsi plus visés par la réduction envisagée à l'époque ?

Les parlementaires devraient tout de même, je crois, toutes tendances confondues, veiller à ce qu'au moins sur ce sujet règnent une forme de transparence, et aussi une certaine objectivité dans la décision. Cela permettrait de demander à un ministre pourquoi tel dispositif est une niche et pourquoi tel autre dispositif ne l'est plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Vous êtes déniché, mon cher collègue. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je voudrais aussi remarquer qu'au sein des mesures annoncées – et qui, si elles ne les concernent pas toutes, concernent pour partie des niches fiscales – sont considérées comme niches fiscales à la fois les mesures qui constituent officiellement une niche et celles qui n'en constituent plus une.

Autrement dit, il est difficile de dégager une rationalité de l'action publique : on déclasse sans critères avant d'oublier les éventuels critères, et surtout d'oublier le résultat de ce déclassement sans critère. En ces temps budgétaires un peu troublés, un peu plus de simplicité dans le traitement budgétaire, un peu plus de rationalité dans les pratiques ne nuiraient pas à la compréhension, au moins par les parlementaires, des actions conduites.

J'en reviens au raisonnement suivant lequel les réductions de niches fiscales ne seraient pas des hausses d'impôts. Expliquer à quelqu'un qui va payer davantage d'impôts que ce qu'il vit n'est pas une hausse d'impôt, ce sera un peu curieux : je vous laisse le soin, chers collègues qui approuveriez éventuellement ce procédé, de l'expliquer à celles et ceux de vos électeurs qui vous interrogeront à ce sujet !

Je ne vous cache pas préférer ma place à la vôtre, et ce d'autant plus qu'en moins de deux ans, nous avons entendu plusieurs discours sur ces bancs. Mes chers collègues, pourrais-je rappeler que l'année dernière, dans la loi de finances – à l'initiative du président du groupe UMP Jean-François Copé mais avec l'accord des ministres présents au banc – fut supprimée une mesure alors considérée comme une niche fiscale ? Jusqu'à l'an dernier, en effet, les indemnités journalières des accidentés du travail n'étaient pas fiscalisées.

Dans le cadre de la « moralisation » des dispositifs fiscaux – le terme fut utilisé – il fut décidé qu'il fallait supprimer cette niche fiscale-là. Elle le fut donc, à la suite d'un vote majoritaire du groupe UMP, même si certains à l'époque ont pu penser, et dire, que s'il s'agissait vraiment de diminuer les quelque 486 niches fiscales officiellement recensées, alors il y avait sans doute d'autres urgences.

Mais à cette occasion fut tenu un discours en exacte contradiction avec celui que nous entendons aujourd'hui ! Si la réduction de niche fiscale ne doit plus aujourd'hui être considérée comme une hausse d'impôt, c'est, nous dit-on, au motif qu'un contribuable utiliserait tel ou tel dispositif de façon volontaire ; dès lors, si ce dispositif était réduit, le contribuable ne pouvait être considéré comme victime d'une hausse d'impôts. Si vraiment ce raisonnement est juste, il faudra alors, mes chers collègues, m'expliquer en quoi et comment les accidentés du travail ont choisi leur sort ! La comparaison de ces deux discours – tenus à une année d'intervalle seulement – est cruelle.

Donc les impôts augmentent ; ils augmentent notamment par la réduction des niches, mais pas uniquement : le projet de loi de finances comporte onze hausses d'impôts et nouvelles impositions, pour plus de 3 milliards d'euros. Que je sache, madame la ministre, monsieur le ministre, augmenter l'impôt sur le revenu de 40 à 41 %, ce n'est pas réduire une niche fiscale ; et prétendre que ce n'est pas une augmentation d'impôt serait tout de même, si vous me passez l'expression, un petit peu fort de café. Augmenter la taxation des plus-values mobilières et immobilières, c'est évidemment augmenter les impôts. Augmenter le prélèvement forfaitaire à 17 %, c'est évidemment augmenter les impôts. Augmenter la TVA sur les offres triple play, c'est évidemment augmenter les impôts ! Je pourrais continuer la lecture de cette liste, mais je prendrais le risque de vous lasser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

La vérité est que les impôts augmentent, et que prétendre que réduire des niches fiscales ne revient pas à augmenter les impôts revient, je crois, à heurter le sens commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Les impôts augmentent, et ils augmentent dans des conditions que je qualifierai de peu claires, ne serait-ce que parce que le discours du pouvoir exécutif – assez gêné – est lui-même bien peu clair. On doit se demander si ce budget est un élément d'une politique de rigueur qui serait menée aujourd'hui par le pouvoir exécutif ?

À cette question, il est possible de répondre, puisque nous connaissons les critères qui définissent un plan de rigueur – ils nous ont été donnés par le Premier ministre lui-même et par vous, madame Lagarde : une politique de rigueur, c'est quand les impôts augmentent et que les rémunérations des fonctionnaires diminuent.

Les impôts augmentent-ils ? Oui. Les rémunérations des fonctionnaires diminuent-elles ? On peut également, je crois, répondre par l'affirmative : le gel des salaires dans les trois fonctions publiques – d'État, territoriale et hospitalière – montre que, toutes choses égales par ailleurs et l'inflation n'étant pas nulle, il y aura d'évidence une perte de pouvoir d'achat pour les agents des fonctions publiques. De surcroît, dans le cadre de la réforme des retraites, la majorité a décidé d'augmenter les cotisations des agents du public de 0,27 point par an, et ceci dans un souci paraît-il d'équité avec les salariés du privé. Je ne méconnais certes pas le besoin d'équité – mais quand on gèle des rémunérations qui vont subir par ailleurs des prélèvements plus importants, on diminue clairement les revenus des agents des différentes fonctions publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La masse salariale augmente et les effectifs diminuent : les traitements ne peuvent pas diminuer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Baisse des rémunérations, hausse des impôts : nous sommes bien devant un plan de rigueur, et le projet de loi de finances pour 2011 en est un élément fort : comment, d'ailleurs, pourrait-il en être autrement ?

Je reste surpris, mes chers collègues : si certains sont convaincus qu'une politique de rigueur est bien mise en oeuvre aujourd'hui en France, d'autres – pourtant pas toujours les plus mal placés pour savoir ce qu'il en est, puisque ce sont eux qui l'ont décidée – se refusent à utiliser un mot qui pourtant s'impose.

Dès lors qu'il y a hausse d'impôts, dès lors qu'il y a plan de rigueur, il faut nous interroger : qui va subir, majoritairement dirai-je, les effets de ce budget de rigueur ? Les différentes mesures passées ont été rappelées. Souvenons-nous des abandons de recettes fiscales auxquels, à la demande du Gouvernement, la majorité parlementaire a acquiescé. Oui, la baisse de la TVA dans la restauration a coûté environ 2 milliards d'euros nets aux finances publiques – si l'on annule les mesures Raffarin en faveur du secteur de la restauration qui selon moi étaient pourtant de bonnes mesures, auxquelles nous n'aurions pas dû toucher. Oui, le paquet fiscal, qui devait coûter entre 14 et 15 milliards d'euros pas an, coûte entre 8 et 10 milliards – disons 9 milliards ; je parle sous le contrôle de Charles de Courson, que je vois opiner du chef.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Oui, la réforme de la taxe professionnelle a coûté 5 milliards ; oui, le crédit d'impôt recherche a été triplé, passant de 1,5 milliard d'euros à non pas 6 milliards comme cette année mais probablement 4,5 milliards, c'est-à-dire 2 à 3 milliards de plus.

Ces quatre mesures représentent, à elles seules, 15 milliards de recettes perdues. Or la hausse des prélèvements obligatoires s'élève à 20 milliards d'euros. La différence s'explique assez aisément – à cet égard, j'ai d'ailleurs mal compris le raisonnement de M. le rapporteur général sur la reconstitution spontanée des recettes.

Sur ce point de prélèvements obligatoires que la puissance publique encaissera l'année prochaine, il est vrai qu'une part naîtra de façon mécanique : la hausse de la croissance entraîne mécaniquement une hausse des recettes. Le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution auquel je faisais référence tout à l'heure dit clairement ce qu'il en est de la reconstitution spontanée et de la reconstitution volontaire : la première représente 0,1 point de PIB, soit 2 milliards d'euros ; la croissance va, c'est vrai, permettre à l'État comme aux organismes sociaux de récupérer des recettes qui leur ont cruellement fait défaut cette année et, pire encore, l'année dernière. Mais la reconstitution volontaire, c'est 18 milliards d'euros. Le rapport indique clairement que sont considérées comme des mesures nouvelles toute mesure fiscale ou sociale dont la mise en oeuvre est décidée par le Gouvernement. La liste des mesures que je n'ai pas lue intégralement tout à l'heure ne prenait en compte que les mesures nouvelles : il est donc tout à fait clair qu'il y a, à tout le moins, une dizaine de milliards d'euros de mesures nouvelles, et volontaires – ce qui confirme d'ailleurs que les impôts augmentent bien, et notamment pour les classes moyennes.

Car ces recettes de l'ordre de 15 à 20 milliards d'euros qui font défaut, il faut bien les compenser, d'où cette hausse d'impôts d'un point de PIB, c'est-à-dire d'une vingtaine de milliards d'euros donc deux seulement de recettes spontanées. Qui va payer ? Ce ne seront évidemment pas les entreprises : comme Mme Lagarde l'a bien indiqué, les allégements de charges – qui ont un but auquel nous pouvons adhérer : la compétitivité de nos entreprises – sont passés par là, même si vous envisagez aujourd'hui des dispositions pour les entreprises. Mais celles-ci répercuteront sans aucun doute cet effort sur les ménages, et beaucoup plus vite que vous ne semblez le penser, madame la ministre.

Ainsi, la hausse de la TVA sur les offres triple play est considérée comme concernant les entreprises par le ministère de l'économie, mais on sait bien qu'elle sera immédiatement répercutée sur les consommateurs, ou, dans le meilleur des cas, avec un an de décalage. Un opérateur au moins s'est d'ailleurs exprimé très clairement sur le sujet en indiquant qu'en six ans, il y avait eu huit taxes nouvelles sur ce secteur, que c'était trop, et qu'en conséquence, cette hausse de la TVA serait intégralement répercutée sur les consommateurs.

Madame Lagarde, lors de la présentation de cette mesure en commission des finances, vous aviez indiqué que vous espériez une répartition pour moitié-moitié entre entreprises et consommateurs. Or nous savons aujourd'hui que, dès l'année prochaine, cette hausse d'impôt ne sera pas répercutée selon ces proportions mais que les ménages la supporteront d'emblée intégralement.

Les taxes sur les assurances seront également répercutées sur les ménages, qu'il s'agisse de la taxation de la réserve de précaution ou de la taxe sur les contrats dits de responsabilité, laquelle laisse mal augurer du sort réservé aux autres contrats puisque vous en êtes à taxer les contrats que vous aviez vous-mêmes encouragés.

Pour ces raisons, madame la ministre, je n'ai pas tout à fait la même lecture que vous quand vous avancez que 40 % de l'effort sera supporté par les ménages et 60 % par les entreprises. Je ne partage pas davantage celle du rapporteur général, pourtant plus proche de la vérité, quand il estime que, sur les 10 milliards d'euros d'effort demandé, 5,5 milliards seront à la charge des ménages et le solde à celle des entreprises. En vérité, il s'agit plutôt de 6,5 milliards à 7 milliards pour les ménages et le reste pour les entreprises. C'est beaucoup pour les uns comme pour les autres. Mais, là encore, il me semble qu'un langage de vérité ne nuirait ni à la qualité du débat dans cet hémicycle ni à la nécessaire pédagogie dont il s'agit de faire preuve.

Et tout ça pour quoi ? Si tant de recettes fiscales sont abandonnées, c'est pour reconstituer les finances publiques au détriment des classes moyennes ou des ménages les plus modestes.

À cet égard, je n'aurai garde d'oublier la taxation de la trésorerie des organismes de logement social. Nous avons tous été alertés dans nos départements. Dans le Lot-et- Garonne, je peux vous dire que la ponction qui va être opérée empêche, de manière nette, la réalisation de toute nouvelle opération l'année prochaine. J'espère qu'il n'en sera pas de même dans les départements de mes collègues ici présents. Toutefois, je doute fort que ce qui se passe dans un département ne se produise pas dans d'autres, à moins, bien sûr, que ces organismes répercutent sur les loyers la taxation imposée par le Gouvernement. Toutefois, je ne crois pas qu'ils procéderont ainsi. Cette nouvelle charge aura donc pour conséquence inévitable de réduire considérablement les programmes menés par ces organismes. Compte tenu de la situation du logement social dans notre pays, je ne crois qu'un tel à-coup était souhaitable.

Tout ça pour quoi ? Pour obtenir l'année prochaine une réduction de deux points du déficit budgétaire afin de le ramener à 6 % du PIB.

Je ne conteste pas cet objectif. Du reste, je ne suis pas certain que beaucoup ici puissent vraiment le contester tant il est vrai que la dérive de nos finances publiques n'est plus supportable. Cela dit, prétendre, comme les discours ministériels le font, que cette dérive des finances publiques n'est due qu'à la crise n'est vraiment pas raisonnable.

Comment expliquer que les efforts doivent être durables si les déficits ne sont dus qu'à la crise ? Comment justifier une réforme des retraites qui s'échelonne sur une dizaine d'années si, comme vous l'expliquez, madame la ministre, notre pays sort de la crise ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

De deux choses l'une : ou bien nous sortons de la crise et ces mesures drastiques n'ont pas lieu d'être ; ou bien la dérive des finances publiques est due à d'autres facteurs et les mesures difficiles qui sont demandées sont nécessaires. C'est, bien sûr, cette dernière hypothèse, plus grave, qu'il faut retenir.

À cet égard, permettez-moi de vous renvoyer au rapport de la Cour de comptes pour l'année 2009. Vous savez comme moi qu'il y est expliqué que déficit public constaté pour cette année est imputable pour un tiers à la crise et pour deux tiers aux politiques gouvernementales menées depuis de nombreuses années.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Si ceux qui sont à l'origine de cette situation reconnaissaient cela, ce serait de leur part non un acte de contrition – nous n'en sommes pas encore là –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…qui dans la bouche de certains prend de curieuses résonances, pourrait peut-être rencontrer un certain écho auprès de nos compatriotes. Mais à partir du moment où il est nié que la majeure partie du déficit public est due aux diverses politiques qui ont été menées, comment est-il possible d'expliquer dans une même phrase que nous sortons de la crise mais que des efforts durables doivent être consentis ? Comment s'étonner que nos compatriotes ne comprennent pas ce discours, contradictoire terme à terme ?

Bien sûr, on aboutit après à un langage partisan. Les uns demandent : qu'avez-vous fait il y a vingt-cinq ou trente ans ? Les autres répliquent : qu'avez-vous fait il y a cinq ou dix ans ? Je ne suis pas sûr que ce genre de débat, du moins en loi de finances, soit intéressant. En revanche, il me semble de notre responsabilité d'obliger le pouvoir exécutif à une forme de vérité dans ses constats et ses diagnostics et donc, peut-être, à une forme de lucidité dans les mesures à prendre.

Je ne suis pas très optimiste quant à la réalisation de l'objectif que le Gouvernement s'est assigné. Réduire de deux points le déficit sera difficile, compte tenu des mesures que vous avez prises, madame la ministre, monsieur le ministre. Je ne reviens pas sur ce qu'a pu dire Gilles Carrez s'agissant de la réalité de l'effort. Mais comment y croire ?

Commençons par l'État, avant d'en venir à la sécurité sociale et aux collectivités locales.

L'effort consenti par l'État serait suffisant. Certains ne le jugent pas assez rigoureux, nous estimons au contraire qu'il sera très rude.

Prenons les interventions sociales. Dès lors que la règle du « zéro valeur » s'applique, le public de bénéficiaires sera affecté de deux manières : d'une part, les minima sociaux ne seront pas revalorisés, pas même de l'inflation, ce qui entraînera une perte nette de pouvoir d'achat ; d'autre part, il ne pourra y avoir d'augmentation du nombre d'allocataires, au risque de ne pouvoir respecter la règle du « zéro valeur », sinon ce serait dans d'autres missions qu'il faudrait chercher les crédits manquants. Pourtant, je n'imagine pas que vous arrêtiez d'étendre ces interventions au mois de septembre, d'octobre, de novembre ou de décembre au motif que cette règle risquerait de ne pas être appliquée. Le langage de vérité impose de se poser ces questions. Où irez-vous donc prendre les budgets nécessaires compte tenu du fait, monsieur le ministre, que vous ne pourrez appliquer cette règle du « zéro valeur » aux crédits relatifs aux interventions sociales ?

S'agissant du crédit d'impôt recherche, comme tous les membres de la commission des finances, j'ai compris votre plaidoyer, madame la ministre : nous savons que les amendements adoptés à l'unanimité par notre commission n'ont pas votre agrément. Je le regrette pour des raisons de forme et de fond.

On ne peut affirmer soutenir la revalorisation du Parlement et se comporter comme si les députés ne travaillaient pas. Ces amendements proviennent d'un travail effectué au sein de la mission d'évaluation et de contrôle, qui a transcendé les clivages partisans. Les propositions d'amendements adoptées à l'unanimité par la MEC ont été soumises à la commission des finances, laquelle les a à son tour adoptées à l'unanimité. Vous n'en voulez pas, madame la ministre. Pourtant, nous sommes encore dans un régime un peu parlementaire où, pour faire la loi, il faut qu'une majorité se dégage au Parlement.

Pour ma part, je forme le voeu que ces amendements soient adoptés, fût-ce au prix d'un compromis : d'une part, parce qu'il s'agit de mesures de bon sens ; d'autre part, parce qu'il y va du respect du Parlement. Le travail effectué par les députés doit être apprécié à sa juste valeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Quant à votre argument, madame la ministre, selon lequel il importe d'établir une continuité dans les dispositifs sous peine de décourager les industriels, je peux y souscrire, mais encore faudrait-il que vos discours soient cohérents. Vous ne pouvez réclamer le statu quo pour le crédit d'impôt recherche au nom de la nécessaire lisibilité économique et fiscale pour les industriels et, dans le même temps, expliquer que vous ne pouvez continuer à conserver le même dispositif pour le photovoltaïque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Le même impératif ne s'impose-t-il pas à ce secteur industriel ? S'il s'est développé avec une telle vigueur ces dernières années jusqu'à exploser, c'est que vous avez demandé à votre majorité parlementaire d'adopter – ce qu'elle a fait à l'unanimité – un dispositif très incitatif en faveur du développement de la filière. Les agents économiques, particuliers ou entreprises, se sont adaptés à cette nouvelle donne et ont investi.

La nécessaire lisibilité et stabilité que vous réclamez pour le crédit d'impôt recherche, vous l'oubliez tout simplement pour cette filière photovoltaïque car il s'agit de dégager 800 millions d'euros d'économies. Je peux comprendre vos arguments. Vous mettez notamment en avant le fait que les panneaux photovoltaïques sont importés à 90 % de Chine. Mais lorsque vous avez proposé ce dispositif, ne saviez-vous pas qu'il n'existait pas de filière française de production en ce domaine ? Pourquoi n'avoir pas proposé un système progressif de montée en charge permettant le développement d'une telle filière en France ? Mon collègue Michel Diefenbacher, élu comme moi de Lot-et-Garonne où se trouvent des sites de production, souscrira sans doute à mes propos.

Au lieu de cela, le Gouvernement a donné un violent coup dans un sens et, trois ans et demi après, dans un autre sens. Cela ne me semble pas, madame la ministre, la meilleure illustration de la nécessaire continuité que vous appelez de vos voeux pour le développement des filières industrielles, pour l'investissement et donc pour l'emploi.

S'agissant toujours de l'État, j'aborderai maintenant le fameux principe de la suppression d'un poste de fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

En commission des finances, j'ai déploré que nous ayons été si peu nombreux à entendre les conclusions du rapport de la Cour des comptes à ce sujet. À cette heure tardive, alors que nous n'étions que trois ou quatre, je me suis dit qu'il allait de certaines réunions de la commission des finances comme de certaines émissions de télévision : elles sont programmées tardivement pour épargner un public fragile. En l'occurrence, certains ont évité un constat cruel.

Mes chers collègues, cette mesure, citée à chacun des discours présidentiels ou ministériels ou presque, était censée faire économiser à l'État un milliard d'euros par an. Or, en réalité, il s'agit de 800 millions d'euros qui doivent pour moitié être redistribués aux fonctionnaires sous forme de gains de productivité. C'est le cas avec 430 millions d'euros. On pourrait en déduire qu'il y a une économie nette pour l'État de 400 millions d'euros. Il n'en est rien car il faut imputer à cette économie le coût des heures supplémentaires, notamment dans l'éducation nationale, qui s'élève à 300 millions d'euros. Le constat de la Cour des comptes est limpide : cette mesure dont on entend tellement parler – qui, je le concède, peut avoir de l'intérêt dans certaines administrations – ne permet en réalité à l'État qu'une économie de 100 millions d'euros et pas davantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Eh oui, c'est une politique qui coûte très cher !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Vous pourrez toujours continuer à en parler mais ceux de nos collègues qui auront lu le rapport de la Cour des comptes sauront que les économies pour l'année en cours sont faibles, même si, je veux bien le reconnaître, nous épargnons les finances publiques pour ce qui est du régime des pensions et donc la charge future du budget de l'État.

Dans ces conditions, il me semble nécessaire d'apporter un correctif dans le plan de programmation pluriannuel, madame la ministre, en chiffrant ce gain non pas à 500 millions d'euros, mais simplement à 100 millions d'euros.

Venons-en à la sécurité sociale.

Il est présenté comme un exploit le fait de maintenir un ONDAM à 2,8 %, objectif d'autant plus difficile à atteindre que j'ai cru comprendre que le Gouvernement a accepté de revaloriser les honoraires des généralistes, conformément à une promesse faite par un certain candidat aux élections présidentielles, promesse à ce jour non tenue alors même qu'il était question de la concrétiser « dans les délais les plus brefs ». Nous voyons que la notion de délai est bien relative : pour l'exécutif, nous saurons que « dans les délais les plus brefs » signifie grosso modo quatre ans, en tout cas pour les médecins généralistes.

De surcroît, le principal problème, dès lors qu'il s'agit de maîtriser les dépenses des organismes sociaux, n'est pas l'ONDAM mais l'UNEDIC. Je vous renvoie au rapport de notre excellent collègue Philippe Marini, homologue de Gilles Carrez au Sénat, qui indique très clairement que la maîtrise de la dépense sociale doit passer par l'UNEDIC avant l'assurance maladie. En la matière, je n'ai pas vu le moindre signe encourageant dans les projets du Gouvernement et a fortiori dans ses décisions.

S'agissant des collectivités locales, je ne dirai rien pour l'instant : le temps m'est compté et nous aurons l'occasion d'y revenir à de multiples reprises lors de la discussion.

Madame la ministre, je crois que si des efforts sont nécessaires, un gouvernement ne peut les demander à un peuple si la justice fiscale n'est pas posée comme un préalable. Un membre du Gouvernement, bien placé pour porter ce type de jugement, n'a-t-il pas indiqué que le bouclier fiscal était le symbole même de l'injustice fiscale ? Ce symbole – peu coûteux au demeurant au regard des sommes dont il est question ici – est devenu si embarrassant qu'un grand débat fiscal est prévu pour l'année prochaine et cette perspective sert de prétexte pour éviter toute connotation fiscale désagréable dans la discussion de ce projet de loi de finances, les amendements relatifs à l'ISF et au bouclier fiscal étant considérés sans objet.

À cet égard, l'argument qu'a invoqué hier soir le Premier ministre m'a interloqué. Il s'agirait, selon lui, d'éviter un débat improvisé sur la justice fiscale et la dépense fiscale. Il me semble pourtant, mes chers collègues, que la réforme des retraites n'était absolument pas programmée pour cette année. L'année dernière, avez-vous entendu un seul de nos dirigeants…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Le fait que M. Rocard joue un rôle institutionnel dans le pouvoir exécutif m'avait échappé, cher collègue.

Avez-vous donc entendu un seul de nos dirigeants indiquer qu'une réforme des retraites serait programmée pour l'année 2010 ? À aucun moment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je peux comprendre que la conjoncture, les déficits des régimes sociaux dus à la crise imposent de faire une réforme des retraites, même si je me suis opposé à celle que vous avez présentée. Mais, si l'argument de la conjoncture vaut pour les retraites, pourquoi ne vaudrait-il plus pour la réforme fiscale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Pourquoi renvoyer cette dernière à 2012 ? Personne n'est dupe : ce sera après les élections. Est-ce cela un débat présenté clairement, dignement, à nos compatriotes ? Comme sur les retraites, ils ont le droit de savoir ce que la majorité et le Gouvernement qu'elle soutient veulent faire en la matière, ce qu'ils veulent vraiment faire. Or vous présentez comme l'alpha et l'oméga du débat sur la fiscalité la suppression du bouclier fiscal et de l'ISF – en omettant au passage de dire que l'on y perdra 3 milliards de recettes ! Mais au point où nous en sommes… – alors que la question est de savoir ce que seront la fiscalité du travail et celle du capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Ce qui serait sérieux, si l'on veut demander des efforts à nos compatriotes, serait de demander les mêmes au capital et au travail en les imposant de même. Un certain nombre d'amendements iront d'ailleurs en ce sens.

J'espère vivement qu'au cours de ce débat, nous sortirons du discours convenu, des faux-semblants et des contrevérités manifestes. En tant que président de la commission des finances en tout cas, chaque fois qu'il me semblera qu'une contrevérité manifeste est énoncée, comme de dire que les impôts n'augmentent pas, je demanderai la parole pour citer les documents qui devraient être acceptés par tous, ceux du ministère de l'économie, des finances et des comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, chers collègues, il se trouve parfois dans nos débats des éclairs de lucidité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Hier, M. Baroin parlait de l'injustice du bouclier fiscal. Aujourd'hui, après nous avoir longtemps dit que ce budget représentait la marche la plus élevée de réduction des déficits, il reconnaît que c'est surtout le déficit le plus élevé qu'on ait enregistré.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Le rapporteur général du budget a eu ce propos extraordinaire : abstraction faite du plan de relance et du grand emprunt, la réduction structurelle du déficit n'est plus que de 14 milliards d'euros. Cela signifie que, les années suivantes, ce sont seulement ces 14 milliards seront reconduits. Il faudra donc accomplir des efforts supplémentaires et imposer une rigueur accrue.

Quant à cette année, si le déficit structurel est faible, la réduction globale des fonds publics va avoir des effets dépressifs sur la croissance. Le plan de relance a eu des effets positifs, peut-être insuffisants ; en tout cas, son arrêt aura des effets négatifs.

Votre budget est donc un budget d'austérité massive pour 2011, il ne comporte aucune mesure de soutien à l'emploi et il aura un impact négatif sur la croissance, la consommation et l'investissement.

Vous décidez d'un gel des salaires de la fonction publique ; vous augmentez les impôts de 10 milliards – comme l'a brillamment développé le président de la commission – et cela sans discernement. Vous auriez pu procéder à des augmentations sélectives. Non, vous accroissez toutes sortes d'impôts, de préférence des impôts indirects ; ces mesures auront donc un effet dépressif sur la consommation.

Le gel des dotations aux collectivités locales et l'arrêt du plan de relance auront, eux, un effet dépressif sur l'investissement public, d'autant que les collectivités locales en assurent plus de 75 %. Vous me reprochiez implicitement, madame Lagarde, d'affirmer que ce plan de relance était insuffisant. Je dis qu'il était unijambiste et je maintiens que votre politique de l'emploi reste unijambiste. Il n'y avait pas grand-chose dans le plan de relance ; dans le budget que vous présentez, il y a des effets négatifs.

La réduction massive des emplois dans la fonction publique, avec des conséquences modestes sur le déficit budgétaire et la forte diminution des emplois aidés font que ce qui pourrait être le moteur de la croissance, de la confiance, de la création d'emploi ne sera pas au rendez-vous. Or en Allemagne, par exemple, le rebond s'explique en partie par la politique de l'emploi qui a réussi, de façon impressionnante, à réduire le chômage en période de récession massive, pendant que chez nous il explosait.

Ce budget dépressif conduira à ce que la croissance soit plus faible, non à la relancer. On peut certes réduire les déficits et relancer la croissance : cela suppose une politique subtile. En l'occurrence, ce budget empêchera d'atteindre les 2 % de croissance que vous prévoyez et rendra même difficile le respect de la réduction de déficit que vous avez prévue, sauf à accroître la rigueur. D'ailleurs aucun institut d'étude de la conjoncture ne croit possible de réduire de 2 % le déficit et d'avoir une croissance de 2 %. Ceux qui vous suivent dans la réduction du déficit prévoient une croissance faible, de l'ordre de 1 %. Ceux qui attendent une croissance supérieure aux 1,5 % de cette année disent que le Gouvernement ne mettra pas en place ses propositions. Certains pensent même que vous ne parviendrez ni à réduire le déficit ni à atteindre votre objectif de croissance.

En second lieu, ce budget n'est pas la facture de la crise ; c'est la facture de votre politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

La crise n'explique qu'un tiers du déficit des finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Cinquante milliards sur les 150 milliards. Le reste tient aux politiques que vous avez conduites ces dernières années, qui ont consisté à faire des cadeaux fiscaux aux plus fortunés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…à laisser filer le déficit quand certains de nos partenaires comme l'Allemagne réduisaient le leur. De ce fait, l'importance du déficit et l'explosion de la dette vous imposent un plan de rigueur exceptionnel. En 2005, notre déficit était de 3 %, celui de l'Allemagne était supérieur. Or elle l'a réduit tous les ans et, en 2007 et 2008, elle était revenue à l'équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Quand on aborde une crise massive avec des finances publiques équilibrées, on peut agir, mettre en place une politique de l'emploi et réussir comme l'Allemagne en 2008 ce paradoxe de réduire le chômage malgré la baisse du PIB. Quand on l'aborde avec un déficit excessif, comme la France, on n'a pas les moyens de répondre complètement à la récession. C'est pourquoi, je le répète, la facture que vous faites payer à tous les Français n'est pas celle de la crise mais, d'une certaine façon, la facture du sarkozysme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et c'est plus cher que les cotisations à l'UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En revanche, une constante que nous retrouvons dans ce budget, c'est que les hauts revenus passeront de nouveau entre les gouttes de la rigueur, car les mesures que vous prenez sont d'ordre général, c'est-à-dire qu'elles pèsent sur les revenus modestes et sur les classes moyennes.

Il vous était possible de réduire des niches fiscales injustes, coûteuses, inefficaces. Nous disposons d'un remarquable rapport du conseil des prélèvements obligatoires, dont nous-mêmes nous sommes inspirés pour proposer des amendements afin de réduire les déficits. De votre côté, au lieu de vous en inspirer, vous procédez à un vrai matraquage fiscal, de 10 milliards d'euros : augmentation de la TVA sur le triple play, taxe sur les contrats d'assurance maladie, suppression d'exonérations pour les HLM, que vous traitez comme des entreprises. Or tous ces impôts indirects sont répercutés sur les ménages donc pour l'essentiel, sur les classes populaires et les classes moyennes.

Désormais, ayant pris conscience que le bouclier fiscal était en fait pour vous un boulet fiscal, vous allez essayer de nous jouer une autre partition : supprimer simultanément le bouclier fiscale et l'ISF. C'est un marché de dupes : alors que l'ISF représente 4,1 milliards, le bouclier fiscal coûte 680 millions

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Cela peut varier d'une année sur l'autre, mais ces montants ne sont pas du même ordre de grandeur.

Que proposent en outre les avocats de cette politique ? D'instaurer une tranche supplémentaire du barème de l'impôt sur le revenu. Certes cela frappe des revenus élevés, mais, en grande partie, des revenus du travail…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…pour la simple raison que les revenus du capital échappent très largement au barème de l'impôt sur le revenu grâce au prélèvement libératoire à 18 % – que vous augmentez légèrement, à 19 %. Il s'agit donc bien de remplacer une taxation du capital par une taxation du travail. Remplacer une taxation sur le stock en capital par une taxation sur les revenus du travail, est une politique injuste et inefficace. La taxation du stock de capital a en effet l'avantage de frapper le capital dormant, ce que ne fait pas la taxation des revenus du capital. Elle impose donc ceux qui s'enrichissent en dormant, en laissant leur patrimoine augmenter.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En effet ! Pour nous, la taxation du stock de capital ne saurait être remplacée par les mesures que vous proposez. Nous aurons encore ce débat pendant quelques mois ou plus.

Ensuite, on a vu revenir la TVA sociale sous le nom de TVA anti-délocalisations. On voit bien où vous voulez en venir.

L'impôt le plus facile à augmenter, c'est la TVA. Comme vous n'avez pas le courage de prendre les mesures fiscales qui permettraient de réintroduire de la justice dans notre fiscalité, vous prenez prétexte de la lutte contre les délocalisations pour augmenter cette taxe, dont nous savons qu'elle pèse sur la consommation, donc principalement sur le revenu des plus modestes, qui épargnent peu ou pas du tout.

Si vous souhaitez lutter contre les délocalisations, il existe une solution, celle que préconise le parti socialiste avec le « juste échange ». Il n'y a aucune raison d'accepter, en Europe – il s'agit d'un sujet européen –, des importations de produits ne respectant ni les critères environnementaux ni les critères sociaux. Assujettissons ces produits à des contributions ; nous rendrons ainsi la mondialisation plus responsable. Ce n'est pas du tout du protectionnisme : il s'agit de tirer la mondialisation vers le haut, et cela répondrait, en partie, au problème des délocalisations.

En ces temps de doute, il existe au moins une certitude : en 2012, après dix ans de pouvoir de droite, votre bilan économique et social se résumera en trois points : explosion de la dette, explosion du chômage, explosion des inégalités.

En dix ans, la dette aura doublé. Si nous exprimons en valeur vos propres prévisions pour 2012, données en pourcentages, la dette sera de 1 800 milliards d'euros. En juin 2002, elle était d'un peu moins de 900 milliards. Vous aurez donc doublé la dette de notre pays.

Les charges d'intérêt de cette dette représenteront chaque année, pour les générations futures, plus de 50 milliards d'euros, c'est-à-dire un des plus gros budgets, mais aussi plus que le déficit à venir des retraites. Quand vous affirmez qu'il est urgent de réformer les retraites, pour ne pas laisser de dettes aux générations futures, je crois qu'il ne faut pas oublier ce que vous laissez en termes de dettes et qui est tout à fait considérable.

Votre réforme des retraites fait payer la crise aux salariés les plus modestes. Nous savons très bien que le déficit de notre système des retraites s'est creusé et que cette situation appelle une réforme. Toutefois, le problème n'est pas dû à des considérations démographiques, même si vous le répétez tous les jours. Non que la démographie ne compte pas dans les retraites – tout le monde sait que l'espérance de vie a augmenté –, mais elle a été déjà complètement prise en compte jusqu'en 2020 par la réforme de 2003, qui augmente la durée de cotisation en fonction de l'espérance de vie.

Si le déficit s'est creusé, ce n'est donc pas en raison d'un changement dans la situation démographique : la prévision démographique n'a pas changé et reste valable. La raison, c'est que l'emploi n'a pas augmenté comme prévu, parce que vous n'avez pas mené une politique de l'emploi suffisante au cours de ces dix dernières années. C'est aussi, bien sûr, à cause de la crise.

Pour répondre à un tel déficit, il faut intervenir sur ses causes, c'est-à-dire agir sur l'emploi et dégager des recettes nouvelles. Il ne saurait être question d'ajouter des mesures démographiques incohérentes, que vous prenez pour la seule raison qu'elles ont une action rapide. Passer de soixante à soixante-deux ans, c'est en fait grever d'un impôt supplémentaire le revenu des salariés qui ont déjà leurs annuités et pourraient partir, et qui cotiseront pour rien, ou c'est laisser au chômage des salariés qui auraient pu prendre leur retraite. Vous bouchez un trou en en creusant un autre, dans une sorte de politique du sapeur Camember.

J'évoque les retraites parce que c'est un débat fondamental et que nos concitoyens ont compris que vos mesures étaient injustes. Regardons les deux factures que vous nous présentez aujourd'hui. La réforme des retraites constitue en fait la facture de la crise : vous la faites payer aux salariés modestes, à ceux qui ont commencé à travailler tôt, en épargnant pour l'essentiel les revenus du capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Quant à la facture de votre politique – le budget dont nous discutons –, vous la faites payer à presque tout le monde, pas tout à fait parce que les revenus les plus élevés seront une fois de plus épargnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Nous présenterons dans ce débat de nombreux amendements, avec une idée très simple : nous avons aujourd'hui besoin de rétablir de la solidarité et de la justice fiscales, de stimuler l'emploi et de favoriser l'investissement. Trois sujets que vous n'abordez pas vraiment dans votre budget.

S'agissant d'abord de la justice fiscale, la caractéristique de notre système, c'est qu'une bonne partie des revenus du capital échappent au barème de l'impôt sur le revenu. Ils y échappent de façon légale par le prélèvement libératoire ainsi que par un grand nombre de dispositifs dérogatoires, les fameuses niches fiscales, qui profitent en grande partie à ces revenus.

Il était donc possible de réformer le système, de réintroduire de la justice fiscale en supprimant, progressivement s'il le faut, les prélèvements libératoires et en réassujettissant l'ensemble des revenus du capital, y compris les plus-values, au barème de l'impôt sur le revenu. Nous présenterons des amendements en ce sens.

Nous proposerons également des mesures plus ponctuelles. Gilles Carrez, citant l'exonération d'ISF de 75 % pour les investissements dans des entreprises, a souligné qu'un tel taux ne répondait à aucun facteur d'efficacité économique. C'est vrai : nous voyons bien que ce taux répondait en réalité au souhait de dépouiller encore un peu plus l'impôt de solidarité sur la fortune.

L'abaisser à 50 % répond un peu mieux à un facteur d'efficacité économique, mais pourquoi un tel taux alors que l'exonération est de 25 % pour l'impôt sur le revenu ? Pourquoi les exonérations seraient-elles plus faibles pour les revenus du travail que pour les revenus du capital ? Nous affirmons pour notre part que la justice fiscale consiste à ramener cette réduction à 25 %, comme pour l'impôt sur le revenu.

En ce qui concerne la politique de l'emploi, nous continuons à penser qu'il faut supprimer cette arme de destruction massive de l'emploi que sont les exonérations de cotisation des heures supplémentaires. Dans une situation comme la nôtre, où les entreprises sont confrontées à un excédent considérable de capacités de production, tel que nous n'en avons jamais connu depuis l'après-guerre, et où l'ensemble de l'économie est confronté à un chômage massif, il est aberrant de subventionner les heures supplémentaires.

En commission, vous avez en partie reconnu, madame Lagarde, que l'Allemagne a réussi à réduire son chômage dans une crise majeure en utilisant la réduction du temps de travail, en recourant à ce que nous nommons le chômage partiel mais que les Allemands décrivent mieux en parlant de travail partiellement rémunéré par la solidarité – Kurzarbeit –, ainsi qu'à tous les dispositifs de la politique de l'emploi, là où nous avons maintenu un dispositif qui détruit des emplois.

Il est étonnant que les sujets du temps de travail soient toujours abordés de façon idéologique. Traitons plutôt la question d'un point de vue conjoncturel.

Dans une situation de plein-emploi, quand il existe de fortes tensions sur le marché du travail, comme la France en a connues lors des Trente Glorieuses, où le chômage était très faible – entre 200 000 et 300 000 personnes – et où beaucoup de main-d'oeuvre était importée, favoriser des heures supplémentaires peut avoir un sens. En revanche dans la situation inverse, de chômage massif, la seule politique intelligente est de faire en sorte que les entreprises qui le peuvent réduisent leur temps de travail pour éviter de licencier. C'est ce qu'a fait l'Allemagne, par tous les dispositifs possibles. La conséquence est que, quand la croissance repart, l'Allemagne est en ordre de marche. Les salariés sont restés liés à l'entreprise, l'économie peut redémarrer. C'est une situation très différente de la nôtre.

En ce qui concerne l'investissement des entreprises, nous proposerons de le favoriser en modulant l'impôt sur les sociétés en faveur des bénéfices réinvestis et en compensant par une hausse sur les bénéfices distribués.

Pour les collectivités locales se pose une vraie question.

Le plan de rigueur que vous leur appliquez n'a aucun fondement. Les collectivités ne sont pas responsables du déficit ni de l'endettement. Les documents en annexe de la loi de finances décomposent la dette des administrations publiques en grandes catégories. Depuis une trentaine d'années, la dette des collectivités locales est restée stable, autour de 8 % du PIB. Par conséquent, les collectivités ne sont en rien concernées par la dérive des déficits et de la dette, qui résultent de votre politique, et il est choquant de leur faire payer la rigueur que vous appliquez à l'État. En outre, elles ne s'endettent que pour investir. Imposer cette rigueur aux collectivités locales alors que l'État finance la moitié de ses dépenses courantes par le déficit, est proprement scandaleux.

Il n'est guère nécessaire que je m'étende sur la filière photovoltaïque ; ce sujet a été développé par le président de la commission des finances. Cet exemple montre tout de même que votre politique est véritablement une politique au fil de l'eau. Vous prenez des mesures sans les calibrer, sans les faire progressivement monter en charge, et puis, d'un seul coup, vous supprimez, vous divisez par deux. Cela crée une incertitude considérable pour tous les acteurs économiques, et c'est probablement la plus sûre façon de ruiner la confiance des investisseurs. Il aurait sans doute fallu calibrer en son temps ce dispositif, mais ce qui a manqué, à coup sûr, c'est un investissement massif dans une filière nationale.

Vous conduisez des politiques sans les appréhender chacune comme un tout. C'est aussi ce qui explique l'inefficacité d'une bonne partie de votre action économique.

Je terminerai par quelques mots sur nos conceptions respectives de la politique économique.

Au fond, toute votre politique – si, sans tenir compte des discours, nous nous en tenons aux faits – n'est autre que le prolongement en France des politiques qui, sous le nom de révolutions conservatrices, ont été conduites autrefois par Reagan et Thatcher.

Elles ont consisté à faire des cadeaux aux plus fortunés. Il y avait même une expression pour les décrire : « l'économie du ruissellement » ; donnons de l'argent aux contribuables les plus riches, ils investiront ; la croissance sera plus forte et il finira bien par en retomber des miettes sur les plus modestes. Or cela n'a jamais fonctionné. Le b.a.-ba de ces politiques, c'était que les recettes fiscales engendrées par le supplément de croissance allaient compenser la baisse des taux d'imposition, ce qui ne s'est jamais produit. Tout ce que l'on a vu, c'est se creuser massivement les déficits. La conséquence en a été la seconde phase de ces politiques libérales : la réduction massive de tous les budgets publics, aussi bien sous Thatcher que sous Reagan. Vous êtes en train de faire pareil dans le domaine de la santé, sur un certain nombre de budgets sociaux, même sur les retraites.

Nous ne partageons évidemment pas une telle conception de la politique économique parce que nous considérons, nous, que la solidarité constitue un formidable facteur d'efficacité économique. En effet, ce qui fait la compétitivité des nations ou le développement économique, c'est bien sûr la compétitivité des entreprises, mais pas seulement car, à l'époque de la mondialisation, on peut reproduire presque partout dans le monde une entreprise performante, très en pointe d'un point de vue technologique. La compétitivité est donc aussi fondée sur tout ce qui environne l'entreprise : une protection sociale qui permet de prendre des risques, un système de santé efficace, un système de recherche performant, un secteur de l'éducation efficient, des infrastructures, soit tout ce qui caractérise, dans la plupart des pays, le secteur non-marchand ou, en tout cas, celui qui échappe en partie au marché même quand il est, comme aux États-Unis, financé partiellement par le secteur privé.

Un tel constat me ramène aux propos de Gilles Carrez quand il rappelait que le rôle de l'impôt, avant d'être d'incitation, doit consister à fournir des ressources.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Nous en avons besoin parce que le développement économique suppose un État efficace qui intervienne dans tous les secteurs décisifs qui dépendent de lui. Or c'est la leçon que vous avez oubliée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Je termine en soulignant que la réduction des déficits n'est pas une affaire de règles, mais de volonté politique. Or voilà un gouvernement qui n'aura respecté aucune des règles de bonne conduite de la politique économique : ni la limite des 3 % de déficit, ni le maximum de 60 % de dette, ni même les règles qu'il a fait voter, par exemple pour la CADES.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Ce gouvernement qui n'a respecté aucune de ces règles prétend inscrire dans une loi organique, voire dans la Constitution, des principes qu'il a violés tous les jours. Nous disons non ! La réduction des déficits, c'est, je le répète, une affaire de volonté politique. Nous sommes bien placés pour en parler parce qu'il n'y a pas si longtemps, nous avons réduit les déficits. Toutefois le préalable à toute mesure de réduction, c'est de rétablir dans notre pays la justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Monsieur Muet, je m'arrêterai sur la conclusion de votre défense de la motion de rejet préalable.

Le Gouvernement, selon vos propos, n'a respecté aucune des règles budgétaires qui s'imposent à lui. Vous avez été à l'inspection générale des finances et même conseiller budgétaire du Premier ministre Lionel Jospin. Vous devez donc savoir que, s'il y a bien un gouvernement qui n'a respecté aucune règle en matière de prévision et de maîtrise des déficits, ni en matière d'affectation des recettes de la croissance – même si vous n'y étiez pour rien –, c'est bien le vôtre.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Le Gouvernement pour lequel vous avez travaillé laissera dans l'histoire le plus haut niveau de prélèvements obligatoires. Quels que soient les discours que vous et vos collègues allez développer au cours de cette semaine, vous ne pourrez pas faire la démonstration que notre gouvernement les augmentera au même niveau. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Au lieu d'affecter les fruits de la croissance à la réduction des déficits structurels, vous les avez affectés à des postes de financement que l'on paye encore aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

C'est vous qui avez fait exploser les déficits !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Vous avez évoqué les 35 heures ; je vous les renvoie, avec estime pour le parlementaire que vous êtes, avec souffrance pour le ministre que je suis.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

S'agissant des autres sujets, nous avons des désaccords de fond sur l'affectation, sur la réduction des déficits, sur les priorités et sur les éléments de choix politiques.

Je réaffirme que ce budget est historique : aucun gouvernement n'aura réduit autant le niveau de déficit en un seul exercice budgétaire.

Je réaffirme qu'il est responsable parce qu'il est à la hauteur des enjeux. Comme si vous aviez la mémoire d'un poisson rouge, vous semblez oublié au bout de trois secondes qu'une crise est passée par là et que c'est aux caisses de l'État d'en faire disparaître les cicatrices. Vous ne pouvez pas vous exonérer d'une réflexion responsable sur ce sujet.

Enfin, je réaffirme qu'il est équitable parce qu'il protège les plus défavorisés car c'est aussi notre devoir de protéger notre modèle social à travers le budget et les relations que nous entretenons avec les collectivités territoriales, et à travers l'équilibre de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

François Baroin a très bien résumé ce qu'il faut penser de l'intervention de M. Muet ; j'ajoute un élément : notre collègue a dénoncé la suppression du plan de relance alors même qu'il avait dénoncé son instauration voilà deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Ils veulent retirer les fruits des mesures qu'ils n'ont pas votées !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

M. Muet ne voulait ni de ce plan de relance ni de sa suppression après qu'il a pu en observer les résultats, ce qui est une forme de revirement politique assez rapide. SI M. Muet n'en était qu'à son coup d'essai, nous l'excuserions, mais rappelons-nous ses prises de position s'agissant du plan de relance anglais qu'il estimait être le plan par excellence, et regardons la situation du Royaume-Uni aujourd'hui : un déficit budgétaire de 11 % et un plan d'austérité supérieur à celui de la Grèce.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Le Royaume-Uni, c'était pourtant votre référence à l'UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

J'observe qu'il était pourtant par le passé un économiste chevronné, mais qu'il a bien oublier ses leçons d'économie : être raisonnable et rigoureux s'agissant de la dépense publique, s'agissant des mesures de relance pour qu'elles produisent de véritables effets, et s'agissant de la gestion budgétaire et de la gestion de la dépense publique pour que l'on puisse se réengager durablement sur la voie de la croissance.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera bien sûr contre la motion de rejet préalable et soutiendra le projet de budget du Gouvernement, seule voie envisageable, comme le disait Gilles Carrez, vers un déficit le plus réduit possible et, à terme, vers un équilibre des finances publiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé un budget historique du point de vue de l'action sur les déficits publics, mais notre collègue Pierre-Alain Muet a bien démontré que, dans votre projet, il ne s'agit que de 14 milliards d'euros de réduction des déficits structurels. Il l'a qualifié de budget d'austérité, avec des effets négatifs sur la croissance et le pouvoir d'achat, ainsi qu'avec un effet dépressif sur la consommation et sur l'investissement public. Il a, à juste titre, souligné que la création d'emplois, qui devrait être le moteur de la croissance et de la confiance, ne pesait pas dans votre politique, et que ce budget en était la facture, les deux tiers du déficit structurel étant dus à ce qui a été enclenché dès le début de cette législature à travers la loi TEPA.

La crise n'a fait que compliquer la situation déjà grave de nos déficits publics. Or le choix n'a pas été fait d'actionner les niches les plus lourdes, comme le montre le récent rapport du conseil des prélèvements obligatoires. À ce sujet, nous reviendrons sur la question des heures supplémentaires.

Notre collègue a également évoqué le bilan économique et social de dix ans de vos gouvernements : explosion de la dette, qui aura doublé entre 2002 et 2012 si l'on en croit les prévisions pour 2011, explosion du chômage et des inégalités sociales. Il a établi le lien avec la réforme des retraites en cours de débat non seulement au Parlement mais également dans tout le pays. Il a, à juste titre, souligné que le prétexte de la démographie, déjà objet de la réforme de 2003, n'était pas une bonne raison. C'est bien la situation financière de notre pays et le fait que vous épargnez les revenus du capital qui nous amène à débattre de cette réforme, qui n'était d'ailleurs pas à l'ordre du jour de cette législature.

Je reprends à mon compte le constat dressé par M. Muet : dans ce projet de loi de finances, il manque une véritable politique de l'emploi. Il a bien montré que les exonérations de cotisation des heures supplémentaires devaient être supprimées en raison du chômage massif. Si vous êtes souvent friand des comparaisons avec l'Allemagne, je constate que vous ne la suivez pas sur ce terrain-là.

Il a également souligné l'importance de l'investissement, en particulier l'action des collectivités locales, qui pèsent 70 % de l'investissement public. Leur imposer le gel pour trois ans alors qu'elles n'empruntent que pour investir va pénaliser la croissance.

Notre collègue a conclu sur l'obligation de justice fiscale. Ce point sera, toute cette semaine, au centre de nos débats. J'invite donc à voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la ministre, monsieur le ministre, tous les deux, vous faites un duo d'enfer ! Madame la ministre, je me rappelle des débats sur la loi de finances pour 2008, durant lesquels vous étiez très précautionneuse, hésitante encore ; vous avez gagné en assurance, vous avez acquis un talent pour faire passer des vessies pour des lanternes. J'en conviens volontiers : vous avez progressé dans l'art…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…de l'affabulation ou de la dissimulation.

Éric Raoult appelle cela « l'art de gouverner ». Il est vrai que, pour vous, ce n'est pas contradictoire parce que vous ne pouvez bien gouverner dans le sens des intérêts que vous défendez qu'en dissimulant et en affabulant vis-à-vis de notre peuple. Éric Raoult a tout à fait raison : vous avez progressé ! Au passage, madame la présidente, vous aurez sans doute remarqué l'esprit pertinent dont il fait à nouveau preuve. (Sourires.)

Cela étant, monsieur Baroin, ce qui est historique, ce n'est pas votre budget, mais la régression que vous organisez par la démolition systématique du contrat social qui résultait du programme du Conseil national de la résistance. Je pense, mes chers collègues, que ceux parmi vous qui ont la fibre gaulliste doivent être complètement irrités. Ce projet de loi de finances n'est qu'une étape de plus. La crise économique de la fin 2008 ne constituait elle-même qu'une nouvelle étape après la crise des subprimes. À ce propos je rappelle que Nicolas Sarkozy faisait la promotion des crédits hypothécaires.

Quant à vous, madame Lagarde, vous avez cité la Chine en exemple. Il y a un point tout à fait positif : on rompt enfin avec l'arrogance qui caractérisait certains milieux dirigeants vis-à-vis de la Chine. Toutefois vous ne nous avez pas tout dit, certainement pour nous faire économiser du temps. En effet qu'a fait le gouvernement chinois en 2008 ? Il a injecté 600 milliards de dollars dans la consommation intérieure. Certes, vous pourrez me répondre que la Chine avait des marges de progression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cependant vous, pendant ce temps, refusiez d'augmenter le pouvoir d'achat des Français. Quand vous parlez de sortie de crise, cela prouve que vous avez une grande imagination parce que voir aujourd'hui une sortie relève de la prophétie plutôt que de la constatation.

N éanmoins vous avez dit quelque chose de très important. Que ne l'avez-vous pas dit au moment où s'est engagé le débat sur les retraites !

Soudain, vous ne déplorez plus l'évolution de la démographie mais vous vous en réjouissez. Alors que, pendant le débat sur les retraites, vous n'avez parlé que de l'allongement de l'espérance de vie, à présent, et fort légitimement, vous insistez sur le dynamisme de la natalité dans notre pays.

Nous aurons l'occasion d'y revenir pendant tout le débat, mais notre collègue Pierre-Alain Muet a excellemment démontré toute la perversité de votre projet de budget qui, en fin de compte, n'est pas amendable. Même un renvoi en commission n'étant guère de nature à sauver quelque chose dans votre budget, le rejet préalable s'impose comme la solution pertinente.

Si nos collègues de l'UMP avaient encore une once d'esprit critique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ils se joindraient à nous et approuveraient la motion de rejet défendue par Pierre-Alain Muet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Ce n'est pas demain la veille que nous vous rejoindrons !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Mes chers collègues, j'aime beaucoup Pierre-Alain Muet. Il semble ne pas appartenir à un mouvement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce n'est pas un mouvement ou une association de bienfaisance, c'est un parti !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…qui s'appelle le parti socialiste européen.

Monsieur Muet, j'ai toujours dit aux socialistes français qu'ils étaient certainement les plus intelligents des socialistes européens. Pourtant, vous devriez tout de même méditer sur cette question : pourquoi êtes-vous les seuls à défendre les thèses que vous défendez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Certes, il y a toujours eu une arrogance française largement partagée au-delà de votre groupe et dans d'autres familles politiques….

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…mais, à votre place, je m'interrogerais.

La vraie critique que vous auriez dû adresser à Mme Lagarde et à M. Baroin, aurait été d'être beaucoup trop laxistes, de ne pas aller assez loin !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

En vous référant aux socialistes espagnols qui baissent les salaires des fonctionnaires de 5 à 10 % et réduisent de façon drastique les avantages sociaux, à vos amis socialistes grecs qui appliquent un abattement de 5 à 7 % sur les salaires des fonctionnaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Vous ne nous avez quand même pas mis dans la même situation !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

… ou à vos amis socialistes portugais qui pratiquent une baisse systématique des prestations et relèvent l'âge de départ à la retraite jusqu'à soixante-sept ans, vous devriez nous dire que nous sommes des plaisantins de ne vouloir porter l'âge légal de départ à la retraite que de soixante à soixante-deux ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Voilà les vraies critiques que l'on attendrait d'un parti socialiste français qui s'intégrerait dans le cadre des partis socialistes européens. (Approbations sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur Muet, qui êtes un homme intelligent, plutôt ouvert, n'êtes-vous pas troublé par l'isolationnisme du parti socialiste français ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Notre collègue M. Brard qui a quitté le parti communiste français, pensant que c'était un parti mort (Rires sur les bancs du groupe UMP), vous souhaite probablement le même avenir que le PCF.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Voilà pourquoi vous êtes resté muet sur ce que font vos autres collègues socialistes. Il serait temps d'ouvrir les fenêtres si le parti socialiste français – au moins dans sa très grande majorité – est pro-européen, comme je le croyais et m'en réjouissais.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

En outre, monsieur Muet, si vous accédez au pouvoir, vous trouverez une économie qui n'a pas été dans une situation aussi grave depuis une quarantaine d'années.

Que proposez-vous comme économies dans les dépenses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Et les niches fiscales ? Et le bouclier fiscal ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Le bouclier fiscal, c'est une plaisanterie : 800 millions d'euros ! Pensez-vous que vous allez réduire un déficit de 90 milliards d'euros après mesures exceptionnelles avec cela ? C'est peccadille ! Ce ne sont pas des mesures à 800 millions d'euros qu'il faut prendre, mais des dispositions à plusieurs dizaines de milliards, étalées sur trois à quatre ans.

Mes chers collègues, vous avez entendu : pas une proposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Côté recettes, vous êtes fort ! Sans trop rentrer dans le détail…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…je souligne que le seul document que vous avez produit, celui concernant les retraites, conduisait à l'explosion : vous en mettiez pour une quarantaine de milliards dont une partie aurait immédiatement disparu, comme je l'avais démontré lors du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ce n'est pas sérieux !

Sur l'ISF, je vous trouve formidable ! La thèse du libéral Muet s'inspire des travaux d'un vieil économiste libéral qui vient de décéder, Maurice Allais. Les libéraux préconisent un petit impôt – non progressif, ce qu'oublie de mentionner Pierre-Alain Muet – à taux faible pour organiser l'euthanasie des rentiers, de ceux qui gèrent mal leur patrimoine.

Tel est le fondement de l'impôt sur le capital : éliminer les mauvais riches.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Monsieur de Courson, il faudrait conclure. Votre intervention est plus longue que celle de M. Brard, ce qui n'est pas peu dire ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur Muet, pourquoi n'avez-vous pas articulé vos propositions avec celles de François Hollande ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ne vous mêlez pas des affaires de familles !(Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Défendant une thèse super-libérale, François Hollande veut maintenir l'ISF, mais elle serait imputable sur les futurs droits de succession. Chaque chef de famille aurait ainsi un compteur affichant le montant de l'ISF acquitté pendant toute sa vie et, au jour de sa mort, on déduirait ce montant des droits de succession.

Où est la vérité au parti socialiste ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ce sont autant de raisons, mes chers collègues, de repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Motion de rejet préalable

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement, sur le projet de loi de finances pour 2011.

La parole est à M. François de Rugy, pour une durée maximale de trente minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, l'examen de ce projet de loi de finances pour 2011 débute par un constat alarmant, que j'espère partagé sur l'ensemble des bancs de notre assemblée : les finances publiques, particulièrement les finances de l'État, sont dans une situation catastrophique.

L'endettement public actuel de la France dépasse désormais les 1 500 milliards d'euros, et l'État en est réduit à emprunter pour payer les intérêts de sa dette.

Alors que beaucoup de nos concitoyens traversent des difficultés personnelles considérables, dues à une crise profonde qui dure – quoi que vous en disiez –, qui n'a pas débuté avec la faillite financière de 2008 et qui ne trouvera pas sa solution dans le simple retour à une croissance un peu moins molle, nous devons la vérité aux Français : la France s'endette désormais pour assurer ses fins de mois. Chacun mesure que cela n'est pas soutenable.

Les écologistes, en tout cas, ne se satisfont pas de cette situation. Continuer dans cette voie reviendrait à faire peser une menace insupportable sur nos enfants et sur nos petits-enfants, bref sur les générations futures.

Oui, ces jeunes qui descendent dans la rue à l'occasion de la mobilisation sociale sur les retraites savent – confusément sans doute – que nos choix d'aujourd'hui auront des conséquences sur leur vie d'adultes. Ils le saisissent très clairement. Nous devons écouter leur message et répondre à leur interpellation. Ils aiment la France, bien plus en tout cas que ces exilés fiscaux qui retiennent tant votre attention depuis trois ans, mesdames et messieurs de la majorité. Mme Lagarde – qui est partie, malheureusement – a invité ces exilés fiscaux à revenir, mais ils ne sont toujours pas revenus depuis trois ans.

Ces jeunes, auxquels nous devons penser en examinant ce projet de budget, expriment leur attachement à un modèle social que le Président de la République aime tant à vilipender tout en peinant beaucoup à proposer une alternative.

Notre conviction est que ce modèle fonde notre pacte républicain. Il repose sur le principe qu'une partie des dépenses publiques tient à la gestion collective de certains biens comme l'éducation ou la santé. Ce modèle est celui de la solidarité plutôt que du chacun pour soi.

Ce modèle peut et doit être réformé, sans aucun doute. Cependant, nous devons le faire en gardant le souci permanent de sa pérennité qui suppose deux conditions : un équilibre financier fondé sur des recettes justement réparties ; une efficacité qui impose des moyens adaptés, déterminés en fonction des besoins et non d'un simple calcul comptable dicté par les nécessités du moment. Ce modèle, perfectible et qui demande à l'être, nos concitoyens y sont, à juste raison, profondément attachés.

À l'instant, Charles de Courson reprochait à la gauche française de ne pas s'inspirer d'autres pays européens.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Que cela vous plaise ou non, mon cher collègue, les Français sont attachés à un haut niveau de protection sociale.

Vous citiez en exemple la retraite à soixante-sept ans, la réduction des prestations. Croyez-vous vraiment que les Français veulent cela ? Si tel était le cas, seraient-ils si nombreux et depuis tant de semaines dans les rues du pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

En participant si nombreux à ces manifestations qui se succèdent, nos concitoyens – au-delà même du projet de loi sur la retraite qui devient un symbole – veulent montrer à la fois leur attachement à un haut niveau de protection sociale et leur révolte face à l'injustice et l'inégalité qu'ils ressentent plus fortement que jamais depuis trois ans.

Nos compatriotes ont de plus en plus clairement conscience que la dette constitue le principal danger non seulement pour les finances publiques, mais aussi pour ce niveau de protection sociale auquel ils sont attachés. Ils ont de plus en plus clairement conscience que cette dette n'est pas la conséquence de ce modèle social, contrairement à ce que la pensée libérale qui vous inspire tente de faire croire. Les causes réelles de l'excès d'endettement sont ailleurs.

Il y a quelques décennies, la dette était creusée par les politiques de relance de l'économie, parfois utiles sur le moment, même si leur efficacité à long terme peut être mise en doute. Depuis plusieurs décennies aussi, la dette a été aggravée par les conséquences d'un chômage de masse qui a durablement déséquilibré les comptes sociaux et le mode de financement de notre protection sociale.

Plus récemment, avec l'arrivée aux commandes d'un Président de la République arc-bouté sur des dogmes, elle a été renforcée par une succession de cadeaux fiscaux aux plus riches. En cette occasion, je répète des propos que j'ai déjà tenus au cours d'autres débats : Nicolas Sarkozy est, à cet égard, l'héritier politique en ligne directe de Jacques Chirac. Peut-être cela vous réjouira-t-il, monsieur le ministre ?

Jacques Chirac promettait – je crois que c'était en 2002…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Je vais vous le dire !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…parce qu'il a fait tellement de promesses fiscales – de baisser l'impôt sur le revenu de 33 %, c'est-à-dire d'un tiers, en cinq ans.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il avait déjà ouvert la voie !

Quelques années auparavant, lorsque Lionel Jospin était Premier ministre, Jacques Chirac, toujours lui, avait soudain crié haro sur la cagnotte ! Il avait inventé ce concept de cagnotte, complètement faux du point de vue du budget de la France et des équilibres économiques. D'après lui, il y aurait eu des recettes cachées, un trésor caché. En avez-vous découvert un lors de votre arrivée à Bercy, monsieur le ministre ? À mon avis, vous avez plutôt trouvé des trous plus importants et plus béants que vous ne le pensiez auparavant.

Cette cagnotte n'existait pas. Il s'agissait simplement d'un désendettement qui avait été engagé et qui aurait dû se poursuivre de manière plus ample encore.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Oui, mais le problème, mon cher collègue, c'est qu'à l'époque il disait qu'il fallait rendre l'argent aux Français, ce qui aurait nécessité de désendetter avant. Toutefois la démagogie préélectorale l'a emporté sur tout autre considération, démagogie qui caractérise encore plus le Président de la République actuel, qui a continué sur la même lancée.

Il a ainsi fait campagne sur le slogan « Travailler plus pour gagner plus » et a même osé dire aux Français qu'il allait régler le problème des retraites simplement en réformant les régimes spéciaux, qu'il a présentés comme la cause de ce problème. Nous avons vu ce qu'il en a été : non seulement les régimes spéciaux n'ont pas véritablement été réformés mais, surtout, le problème est d'une autre nature.

Il a également prétendu, comme vos prédécesseurs à votre poste, monsieur le ministre, qu'il suffisait de procéder au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux pour régler – comme par miracle – l'ensemble des problèmes budgétaires.

Le Président de la République a voulu faire croire que mieux d'État, c'est toujours moins d'État. Cette fable se heurte à la réalité : quartiers abandonnés, absence de policiers dans un nombre croissant de territoires et réduction de leurs effectifs, déficit d'enseignants, dégradation du service public dans de nombreux secteurs.

J'avais dit, dès 2007, à M. Woerth, votre prédécesseur, monsieur le ministre, que, s'il voulait diminuer les recettes – le paquet fiscal représente, en effet, une baisse de recettes de près de 15 milliards d'euros par an –, il fallait qu'il indique en même temps aux Français, en toute clarté, les dépenses qu'il allait réellement réduire, le nombre de postes de fonctionnaires supprimés et les ministères concernés. Combien de postes de policier, de magistrat, d'infirmière ou d'aide soignant à l'hôpital public avait-il prévu de ne pas remplacer ? Je m'étais entendu répondre, à l'époque, que tout cela n'était que fantasmes.

Le candidat Nicolas Sarkozy n'avait-il pas essayé de démontrer que le poids des dépenses publiques et le coût de la fonction publique résultaient du fait que les douanes n'avaient pas été supprimées après l'ouverture des frontières au sein de l'Union européenne et que la suppression de ces postes représenterait une véritable source d'économies ? Nous savons ce qu'il en a été.

La justice n'a jamais été aussi mal en point. L'état des prisons ne s'améliore pas. Les services publics, d'une manière générale, vont en se réduisant.

Qui plus est, vous avez baissé les recettes plus vite que les dépenses, ce qui est un véritable cercle vicieux. Jacques Chirac s'était déjà engagé dans cette voie. Il est suivi en cela par Nicolas Sarkozy et son gouvernement.

Sous prétexte de diminuer les impôts, vous réduisez les recettes puis, sous prétexte qu'il y a des déficits – résultant de la baisse des recettes –, vous présentez comme inéluctable la diminution des dépenses, ce qui justifie des tours de vis dans de nombreux secteurs. Or, à l'approche des élections, vous réduisez à nouveau les recettes par démagogie.

Le premier poste de responsabilité gouvernementale occupé par Nicolas Sarkozy a été celui de ministre du budget, entre 1993 et 1995, dans le gouvernement d'Édouard Balladur. Or tout le monde se souvient que, pour faciliter la campagne de celui-ci, dont il était le porte-parole, il a ouvert grand les vannes, creusant encore le déficit budgétaire et créant un endettement supplémentaire à l'approche des élections présidentielles. Nos finances publiques se trouvent ainsi prises dans une spirale infernale, situation qui ne peut perdurer.

Sous votre conduite, les recettes de l'État ont été mises à mal par une évolution à la fois scandaleuse et stupide de la fiscalité.

Ainsi, le taux marginal d'imposition sur le revenu n'est plus aujourd'hui que de 40 %, contre 57 % il y a vingt ans. Et ce n'est pas la minime contribution supplémentaire de 1 % sur les hauts revenus, que vous êtes obligés d'instaurer pour parer au plus pressé, qui changera grand-chose à l'affaire. D'ailleurs, personne ne s'y trompe, comme le montre la mobilisation des Français qui ont défilé dans les rues ces dernières semaines. Ce qui avait été présenté comme une petite concession à l'aspiration des Français à plus de justice fiscale a fait long feu.

Avec la multiplication des niches fiscales dont ils bénéficient quasi-exclusivement, les très hauts revenus – les 1 % les plus riches – ont un taux d'imposition moyen de seulement 20 %.

Les inégalités s'accroissent de façon exponentielle dans notre pays : depuis 2004, le nombre de personnes disposant d'un revenu supérieur à 500 000 euros annuels par unité de consommation a augmenté de 70 % alors que, dans le même temps, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté a également progressé.

Prisonnier du dogme anti-impôts et de celui de la croissance, votre gouvernement mène une politique fiscale qui creuse les déficits, renforce les inégalités, accentue le chômage – qui n'a jamais été aussi élevé qu'aujourd'hui –, et dégrade les services publics.

N'oublions pas non plus les nombreuses baisses de cotisations sociales – que vous appelez toujours charges – pour les entreprises, dont celles liées aux heures supplémentaires – sans doute les plus injustes et les plus stupides –, qui ne profitent ni à l'emploi ni à la réorientation des investissements privés vers des activités socialement utiles.

Il y a pire encore dans le budget qui nous est proposé aujourd'hui : les investissements qui pourraient favoriser réellement la transformation écologique de notre économie sont maigres, et sont parmi les premiers à passer à la trappe. J'ai interpellé M. Borloo à ce sujet lors d'une séance de questions au Gouvernement. Il ne m'a pas répondu sur le fond. Peut-être était-il, au moment des arbitrages budgétaires, occupé ailleurs, à préparer son plan de communication pour la rentrée, par exemple.

Le rapporteur général du budget, Gilles Carrez, dont je regrette qu'il soit parti, a tenté d'expliquer qu'il y avait une dérive en matière de crédit d'impôt développement durable. Il est exact, je dois lui en rendre justice, que, depuis trois ans, il poursuit ce crédit d'impôt de son acharnement. Lors de l'examen du « paquet fiscal », c'est-à-dire du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, il a systématiquement répondu, lors de l'examen des amendements que j'avais proposés pour introduire des dispositions d'ordre écologique, qu'il était hors de question de « verdir » le projet de loi. Vous considérez le crédit d'impôt développement durable comme une niche fiscale alors qu'un crédit d'impôt n'ayant pas pour but d'échapper à l'impôt, il s'apparente davantage à une subvention.

Comme par hasard, c'est le seul crédit d'impôt que vous « rabotiez », pour reprendre votre image du rabot – à hauteur de 50 %. Dans tous les autres domaines, vous vous montrez beaucoup plus modestes. L'écologie est la première victime de votre volonté d'économies et de recherche de recettes de poche.

Sous la pression de la réalité et par crainte d'un déclassement de la note de notre pays par les agences de notation bancaires, vous voilà contraint de nous présenter un budget qui vous n'osez pas qualifier de budget de rigueur. Le mot dérange dans la majorité, bien que, dans un dernier accès d'audace sémantique avant séparation, peut-être, le Premier ministre l'ait utilisé récemment.

C'est pourtant un budget de restriction, dont le but est de « faire les poches » de celles et ceux qui ne bénéficient pas de la protection sourcilleuse de lobbies organisés. C'est un budget injuste dans sa conception, souvent insincère dans sa présentation et parfaitement dépassé dans ses objectifs, lesquels sont totalement irréalistes et inefficaces. C'est, enfin, un budget de fausses solutions, comme en témoigne le mirage du retour à une croissance forte.

Nous creusons l'endettement français pour continuer à rêver d'une croissance forte, à même de régler nos problèmes d'emploi et d'endettement ! Tant pis si cela fait des décennies que la croissance forte a déserté la grande majorité des pays développés. Votre gouvernement continue de tabler, à terme, sur une croissance que la France ne connaît plus de manière stable depuis trente ans. Tant pis si, dans nos pays, cela fait longtemps que le mot « croissance » n'est plus synonyme de satisfactions individuelles, de bonheur collectif, de prospérité. Tant pis si le monde, dans lequel certains s'imaginent encore vivre, aux ressources infinies, aux richesses naturelles inépuisables et aux aires de stockage de déchets indéfiniment extensibles n'existe pas.

Vous croyez si peu à ce budget, monsieur le ministre – et le Président de la République y croit si peu – que, la discussion parlementaire à peine débutée, vous nous annoncez déjà un collectif budgétaire pour le mois de juin prochain. Cela aurait pourtant été intéressant d'en débattre maintenant, d'autant que j'avais cru entendre le Premier ministre dire que les mesures fiscales ne devaient être prises dorénavant que lors des projets de loi de finances.

Sous la pression de votre majorité et face à la coalition de deux courants généralement opposés qui se rejoignent pour considérer que le bouclier fiscal est un boulet insurmontable dans l'opinion, vous êtes contraint de reconnaître que le dispositif que vous nous proposez de reconduire est, selon vos propres termes, monsieur le ministre, un « symbole de l'injustice fiscale ». Et vous voudriez que l'on vous fasse confiance et que l'on prenne votre budget au sérieux !

Je disais à l'instant que deux courants de votre majorité sont entrés en rébellion contre votre politique de gribouille.

Une aile sociale ou, plus exactement, moins antisociale que l'autre, considère qu'il n'est plus possible de continuer à adresser tous les ans des chèques d'un montant indécent à quelques contribuables – fussent-ils membres d'un quelconque premier cercle – alors que les déficits demeurent, que le chômage s'accroît et que la misère perdure.

L'autre courant est constitué de celles et ceux qui, en voulant toujours plus, souhaitent revenir à la politique tentée il y a quelque vingt-cinq ans par Jacques Chirac quand il était Premier ministre, c'est-à-dire à la suppression pure et simple de l'impôt de solidarité sur la fortune. L'un de nos collègues a justifié, l'autre jour, cette position à la radio par un raisonnement particulièrement surprenant : selon lui, il convenait de taxer les revenus du capital et non le capital lui-même. Curieuse proposition pour qui veut promouvoir l'idée d'un pays d'entrepreneurs que de favoriser aussi effrontément l'argent qui dort. En même temps, quel terrible aveu !

Aux collègues qui demandent la suppression concomitante du bouclier fiscal et de l'impôt de solidarité sur la fortune, je fais remarquer que cela est, non seulement particulièrement injuste, mais également particulièrement inefficace dans la période actuelle. En tout cas, je trouve incompréhensible de vouloir supprimer un bouclier fiscal qui coûte 800 millions d'euros – et qui, contrairement à ce qui nous avait été dit, coûte de plus en plus chaque année – en même temps qu'un impôt qui rapporte plus de 3,5 milliards d'euros par an. Cela imposera de trouver 2,7 milliards de recettes supplémentaires.

Quand j'entends certains parmi ceux qui veulent cette double suppression proposer de financer le manque à gagner par une taxation supplémentaire des revenus, je n'en crois pas mes oreilles : cela voudrait dire un nouveau transfert d'imposition du capital sur le travail.

Pourquoi donc attendre pour remettre les choses à l'endroit, avant qu'un futur gouvernement ne s'attelle à la tâche d'une réforme fiscale globale ? Nous savons ce que valent les promesses de réforme fiscale du Président. Nous nous souvenons de nos discussions de l'année dernière sur la taxe carbone. Alors oui, pourquoi attendre ?

Vous pouvez encore, dans la perspective d'une remise à plat à venir, supprimer purement et simplement le bouclier fiscal, à tout le moins revenir à la situation d'avant 2007. C'est possible, c'est faisable. Non seulement cela ne coûtera rien au budget de l'État, mais cela fera, bien au contraire, des recettes supplémentaires. Or, vous pouvez le faire tout de suite. Nous sommes plusieurs à avoir déposé des amendements en ce sens. Nous vous invitons à les voter.

Vous pouvez encore, dans la perspective d'une remise à plat à venir, revenir sur les conditions de taxation des revenus qui sont nettement plus favorables sur le capital que sur le travail. Cela concourrait au moins, non seulement à réduire le déficit – donc la dette –, mais aussi à introduire un peu plus de justice fiscale entre nos concitoyens.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans le débat sur les retraites, vous tiendriez ainsi compte de l'évolution de notre économie puisque les revenus financiers ont beaucoup plus augmenté, et beaucoup plus vite, que les revenus du travail. Il serait logique d'adapter notre fiscalité à cette réalité. Or de tout cela, il n'y a aucune trace dans le budget que vous nous soumettez.

Disons-le tout net : à travers votre projet de budget, vous continuez à organiser la paupérisation de l'État. Votre politique fiscale est dictée par une approche dogmatique au service d'une clientèle, et rien de plus.

Votre projet de budget n'est pas à la hauteur des enjeux et ne dit pas la vérité aux Français. Les atermoiements du ministre du budget en témoignent : incapable d'assumer les hausses de taxes sournoises inclues dans le projet, incapable de reconnaître la hausse des prélèvements obligatoires qu'il organise par ailleurs, mais taraudé par le remords et le souci de ne pas commettre de trop gros mensonge, vous avez, monsieur le ministre, évoqué récemment une hausse d'impôts, mais pour 2013. Ce n'est pas sérieux !

La hausse des impôts est en effet présente dans votre projet de budget pour 2012, mais elle est cachée et circonscrite à des catégories de la population qui sont loin d'être les plus favorisées.

Le fait que vous envisagiez la création d'une taxe sur les contrats d'assurance et sur les complémentaires santé en est la preuve. Il en a été question lorsqu'a été évoquée la caisse d'amortissement de la dette sociale. Vous n'êtes pas d'ailleurs pas à votre coup d'essai puisque vous l'aviez déjà envisagé lors de budgets précédents et que vous avez créé une taxe sur l'épargne populaire pour financer le RSA. Bien qu'il y ait eu un débat à ce sujet à l'époque, vous aviez refusé d'enlever cette taxe du calcul du bouclier fiscal. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Plutôt que de continuer à faire perdurer votre dogme anti-impôts qui n'est qu'une illusion, assumez, monsieur le ministre, et faites enfin des choix clairs et justes. C'est ce qu'attendent les Français.

Nos concitoyens sont prêts à entendre un langage de vérité sur la fiscalité. Ils savent parfaitement que nous ne pourrons pas rétablir durablement nos comptes publics sans procéder à une hausse de la contribution au budget, mais, pour être comprise et pour être acceptée, cette augmentation doit être clairement affichée et, surtout, clairement répartie.

La hausse, indispensable, à laquelle vous procédez sans le dire, et de manière partielle, ne suffira pas. Elle devra également s'accompagner d'une véritable et courageuse baisse de la dépense publique, mais celle-ci aussi devra être clairement assumée et judicieusement ciblée, pour ne pas renforcer la désagrégation sociale qui guette notre pays, pour ne pas laisser certains secteurs économiques essentiels, pourvoyeurs d'emplois, seuls face à l'indispensable et inéluctable transformation écologique de nos modes de production et de consommation.

De ce point de vue, la vision des écologistes est radicalement différente de la vôtre.

À la lecture de ce budget, il est malheureusement évident, sous le sarkozysme à la dérive, que sont et seront essentiellement touchées les dépenses qui contribuent au lien social et au bien-être collectif. On le voit déjà avec la réforme des retraites. On le voit déjà depuis trois ans avec la véritable saignée que subit l'éducation nationale. On le voit également à l'état de l'hôpital public. On le voit aussi quand le soutien de l'action des associations dans les services publics est de plus en plus restreint

Avec Éva Joly, il y a un mois, nous avons présenté, ici même, à l'Assemblée nationale, un projet de contre-budget, que j'ai avec moi. Nous avons défini des priorités en termes de dépenses mais aussi de recettes et nous avons estimé à près de 15 milliards d'euros le montant qui serait dégagé par la suppression des niches socialement inefficaces : supprimer les exonérations sur les heures supplémentaires, d'un montant 4 milliards d'euros ; supprimer le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier et la baisse de TVA dans la restauration, d'un montant de 3 milliards d'euros ; réformer le crédit impôt recherche, et conditionner les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires ; supprimer la niche Copé : voilà autant de pistes que nous pourrions explorer.

S'agissant d'une fiscalité plus juste, nous ne croyons pas, pour notre part, au « grand soir fiscal » à propos duquel fleurissent maints débats. Nous croyons à des réformes menées dans le temps, avec détermination. Nous pensons qu'il ne s'agit pas d'augmenter les impôts de façon aveugle ; aujourd'hui, alors que leur charge est injustement répartie, les augmenter, aboutit à accroître les injustices. Il faut donc commencer par les réformer.

L'un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre – je veux parler de M. Copé auquel nous ont par ailleurs vivement opposés maints débats contradictoires – avait d'ailleurs annoncé la retenue à la source, sans que cette annonce fût jamais suivie d'effets. Nous pensons en effet que l'instauration de la retenue à la source pour l'impôt sur le revenu est l'une des premières réformes à mener en matière fiscale. C'est ainsi que procèdent la plupart des pays européens et c'est ce qui permettrait de rendre l'impôt sur le revenu acceptable et compréhensible par nos concitoyens, donc de rétablir une plus grande progressivité dudit impôt.

Nous pensons également qu'il est temps de fusionner la fiscalité pesant sur le travail et celle applicable aux revenus du capital, en fait aux plus-values mobilières et immobilières, aux revenus de l'épargne. Tous ces revenus devraient être intégrés dans le calcul de l'impôt sur le revenu et non plus simplement soumis à des prélèvements libératoires dont le taux est souvent très inférieur à celui de l'impôt sur le revenu, surtout pour ceux qui en tirent les sommes les plus importantes. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements en ce sens, que nous espérons voir adoptés. Ce serait un premier pas vers une plus grande justice sociale, une plus grande justice fiscale.

Nous proposons également d'aller vers une fiscalité écologique, avec plus de 2,5 milliards d'euros de recettes nouvelles. Nous regrettons à cet égard que la fiscalité écologique ait été purement et simplement abandonnée. On ne vous entend plus du tout sur ce sujet.

Vous aviez vendu – survendu sans doute – la taxe carbone. Le Président de la République, qui n'hésite jamais devant aucune transe verbale, voulant toujours se comparer à ses prédécesseurs, avait annoncé que ce serait son abolition de la peine de mort à lui. Eh bien, contrairement à ses prédécesseurs, il n'aura, en l'occurrence, même pas tenu un an sur ce projet et, au lieu de le remettre en chantier parce qu'il était mal conçu – c'est indéniable et nous l'avions d'ailleurs dit il y a un an, également au cours de la discussion budgétaire –, il a purement et simplement capitulé.

Nous proposons aussi de revenir sur des niches fiscales anti-écologiques, dont nous avons estimé le montant à près de 3 milliards d'euros : les subventions indirectes – via une fiscalité à taux réduit – aux agro-carburants, l'exonération du kérosène de toute taxe, alors qu'il y aurait sans doute près d'un milliard d'euros à récupérer, l'exonération, moins connue, de nombreux autres produits chimiques. Tout le monde reconnaît pourtant, au moins depuis le Grenelle de l'environnement, que ce sont des produits toxiques et dangereux qui ne méritent pas de tels taux réduits. Cela, au moins, pourrait faire consensus.

Il y a, enfin, la lutte contre la fraude fiscale.

Votre prédécesseur, monsieur le ministre, nous a prodigué de grands discours, avec de grandes envolées. Il brandissait une prétendue liste de personnes fraudant le fisc, mais lorsque l'on a appris que c'était précisément celui qui brandissait ladite liste qui allait faire de la collecte de fonds en Suisse auprès des mêmes exilés fiscaux, on a compris que sa crédibilité en matière de lutte contre la fraude fiscale était extrêmement faible ; c'était M. Woerth. Tout le monde a bien compris qu'il n'y avait aucune détermination derrière ces propos, qu'il n'y avait là qu'affichage.

Dans la mesure où ce budget ne prend absolument pas la mesure de la situation économique, de la situation sociale, surtout, et de la situation financière, de l'état catastrophique dans lequel se trouvent nos finances publiques, avec, à la fois, un haut niveau de déficit depuis plus de quatre exercices budgétaires et un niveau d'endettement jamais atteint auparavant, je vous invite, mes chers collègues, en attendant de passer à la discussion des articles, à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Dans les explications de vote, la parole est à M. Yves Censi, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

François de Rugy, que nous avons écouté attentivement, nous fait presque regretter les diatribes de Jean-Pierre Brard. Elles, au moins, en même temps qu'elles nous font rire, nous apprennent toujours beaucoup en matière de rhétorique, et elles donnent à Charles de Courson l'occasion de nous régaler de ses réponses.

En réalité, c'est un prêche de prédicateur, non une démonstration, que nous venons d'entendre. D'ailleurs, François de Rugy s'est d'emblée lancé dans une sorte de critique historique en remontant jusqu'à Édouard Balladur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Dans un premier temps, il est remonté au débat présidentiel. Lorsque l'on évoque l'exonération des heures supplémentaires, lorsque l'on évoque la question du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, on revient effectivement sur des questions dont nous avons débattu en 2007. Il prétend ces mesures illégitimes, mais il me semble qu'il y eut un vote massif en faveur de la mise en oeuvre de cette politique, parfaitement conforme à nos engagements.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Nous avons donc un peu de recul pour en faire le bilan !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Vous êtes remonté jusqu'à l'année 1998, monsieur de Rugy, en évoquant la cagnotte fiscale. Cela nous donne l'occasion de vous rappeler, en même temps qu'au Parti socialiste, que l'une des raisons profondes de l'échec cuisant subi par Lionel Jospin lui-même en 2002 est qu'il n'a pas pris ses responsabilités en matière de réforme des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Vous n'avez effectivement rien fait à ce moment-là. Nous prenons donc votre rappel historique comme un hommage.

Si vous êtes remontés jusqu'à Édouard Balladur, cela nous donne l'occasion de rappeler également la promesse du Parti socialiste : il avait prévu et promis de revenir sur les décisions prises en matière de retraites ; il ne l'a jamais fait.

Revenons au présent.

François de Rugy est fidèle à la doctrine et au catéchisme du parti qu'il représente, en condamnant le principe même de la croissance. Voilà qui le place en contradiction avec les propos tenus tout à l'heure par Pierre-Alain Muet. Pour nous, du moins, le débat est largement clos depuis longtemps.

S'agissant des impôts, puisque vous demandez précisément leur augmentation générale, non seulement le débat a été clos dès 2007 mais en outre nous souhaitons nous atteler à cette question avec le plus grand discernement possible. Pourquoi souhaitons-nous cibler la fiscalité sur les hauts et très hauts revenus ? Je n'entre pas dans les détails ; nous en aurons l'occasion au cours du débat.

Enfin, cher collègue, nous comprenons que vous fondiez votre motion de rejet préalable sur une question de doctrine fondamentale, mais le débat a déjà eu lieu. C'est pourquoi nous voterons contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Le groupe socialiste va voter avec enthousiasme (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) la motion de rejet brillamment défendue par notre collègue de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Je crois qu'il a très bien expliqué que votre budget, pour le paraphraser, renforçait les inégalités, aggravait le chômage et organisait la paupérisation de l'État. Il a également expliqué que ce budget était la traduction de la phrase de Nicolas Sarkozy : « L'environnement, ça commence à bien faire ! »

Après avoir abandonné ce qui devait être la grande réforme de la fiscalité écologique, la taxe carbone, vous passez le plus formidable coup de rabot sur la réduction d'impôt liée au photovoltaïque parce que vous n'avez pas été capable de construire un ensemble qui permette de relier l'augmentation de la production à l'incitation fiscale que vous mettiez en place. C'est, une fois de plus, la démonstration que, pour ce gouvernement, l'écologie, l'environnement sont un discours, un peu de couleur donnée à sa politique, non la réalité de sa politique.

Puisque j'ai l'occasion de prendre la parole, je veux aussi répondre à M. le ministre.

Lorsque vous parlez de l'avenir, vous pouvez, monsieur le ministre, annoncer la plus forte réduction du déficit. Nous verrons bien : peut-être en sera-t-il ainsi et nous regarderons les chiffres dans un an. En revanche, lorsque vous parlez du passé, vous ne pouvez pas raconter n'importe quoi ; vous ne pouvez pas dire que nous avons dilapidé les ressources de la croissance.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Si, je peux le dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Regardez, monsieur le ministre, les chiffres du déficit public dans les documents, publiés par Bercy, que vous avez sous la main ! Vous verrez qu'il était, à l'été 1997, de 3,5 % du PIB et que nous l'avons ramené à 1,5 % du PIB en 2000 et en 2001.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Je reviendrai sur la croissance.

Vous verrez que la dette publique de la France avait, pour la première fois, dépassé les 60 % du PIB au dernier trimestre du gouvernement Juppé. Nous, nous l'avons ramenée à 58 % du PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Est-ce l'effet recettes ou l'effet réduction des dépenses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Dites-moi donc à combien s'élèvera la dette en 2012 selon vos prévisions !

Puisque vous parlez de la croissance, ce qui se passe est encore la démonstration que la croissance ne tombe pas du ciel. Certes, elle dépend pour partie de l'environnement international ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…certes, le cycle économique est à peu près le même dans tous les pays européens, mais, sur cinq ans, c'est la politique économique nationale qui compte. Eh bien, faites la comparaison – je vous donnerai les chiffres – entre les quatre années Balladur-Juppé, la législature 1997-2002 et les années qui ont suivi. Vous verrez que la croissance européenne et mondiale a été à peu près constante – elle a même été fantastique au cours des années 2002 à 2008 – mais que la croissance française, inférieure de près d'un demi-point à la croissance européenne avant 1997, limitée donc à 1,5 % quand la croissance européenne était de 2 %, est passée à 3 % quand celle de l'Europe restait aux environs de 2 %, avant de retomber dans les années suivantes. Ce qui a fait la différence, ce n'est pas simplement que la gauche était au pouvoir ; c'est que nous avons mené une politique de l'emploi qui a créé, en moyenne, 400 000 emplois par an. C'est cela qui fait la croissance, c'est cela qui manque à votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Yves Censi nous a présenté François de Rugy comme un frère prêcheur, un prédicateur. (Sourires.) Mais où sont les prédicateurs ? Ils sont au Gouvernement ! En effet un prédicateur est quelqu'un qui compte abuser de la foi de ses auditeurs pour lui faire croire des choses qui ne se réaliseront jamais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Aujourd'hui, grâce à la parité, les prédicateurs s'appellent François Baroin et Christine Lagarde.

Certes, François de Rugy a fait référence au travail en cours, y compris avec Eva Joly, qui découvre les mystères de la politique nationale et a trouvé 15 milliards d'euros pour financer des politiques qui ne le sont pas. Selon le rapport de la Cour des comptes, nous en sommes à 140 milliards d'euros de déficit. Grâce à ses futures visites, Eva Joly complétera ses connaissances, ce qui lui permettra de finir les additions !

Madame la ministre, monsieur le ministre, comme l'ont dit François de Rugy et Pierre-Alain Muet, nous sommes plombés par votre politique, qui favorise les inégalités. Vous n'en avez pas parlé tout à l'heure – ce qui est normal, car ce sont ceux de nos concitoyens que vous préférez – mais le nombre d'assujettis à l'ISF a augmenté de 75 %. Voilà la réalité ! Yves Censi a raison de dire que l'UMP veut cibler les hauts revenus, mais il n'a pas fini sa phrase. En réalité, nos collègues de l'UMP sont de grands bâtisseurs : ils veulent construire une muraille de Chine autour des plus riches pour mieux les protéger ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Évidemment, vous essayez d'habiller la chose avec, d'une part, le bouclier fiscal, d'autre part, l'ISF. Malgré tout les journalistes, qui ne sont pourtant pas toujours aussi pertinents, ont démasqué la supercherie. Ils ont vu, d'un côté, 700 ou 800 millions d'euros, si l'on s'appuie sur les estimations de notre éminent collègue Charles-Amédée de Courson et, de l'autre, 4 milliards d'euros. Même si l'on n'a pas fait d'études supérieures, entre 4 milliards et 800 millions, on voit bien où est le problème ! Vous avez trouvé ce subterfuge, mais, comme dans les foyers maliens de Montreuil lorsqu'on joue au bonneteau, on ne sait plus où est la mise !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Sauf que vous, vous savez très bien où elle est. Il s'agit de réduire la contribution des plus riches et – lorsqu'on réduit la contribution des plus riches, monsieur Piron – vous avez beau dodeliner de la tête pour nier ce fait – ce sont toujours les mêmes qui paient, car ce que les uns ne donnent pas, ce sont les autres qui le paieront.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Piron, tout le monde le sait, vous avez des lettres mais ce gouvernement qui n'avait, au moment du Grenelle de l'environnement que le futur de la planète à la bouche, a même diminué les aides aux panneaux photovoltaïques, réduisant de plusieurs dizaines de milliers les emplois chez les artisans. De cela, vous ne vous vantez point ; pourtant, cette mesure a des conséquences concrètes.

Voilà comment vous mariez vos préoccupations en faveur de l'environnement et de l'emploi : vous réduisez les aides parce que vous réservez vos faveurs à ceux qui n'en ont pas besoin !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Très bien !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

La parole est à M. Michel Sapin, pour une durée maximale de trente minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Madame la présidente, compte tenu de l'heure et de l'assiduité de nos collègues depuis le début de cet après-midi, je vais essayer de ne pas utiliser la demi-heure qui m'est impartie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Mesdames et messieurs de la majorité, j'étais sûr de votre soutien à ce moment précis de mon intervention !

La motion de renvoi en commission est faite pour se donner le temps de la réflexion. J'aimerais donc que, au cours de cette brève intervention, nous réfléchissions, en essayant d'éviter les postures automatiques, sur trois sujets qui sont, par définition, le fondement de la réflexion sur un projet de budget : la croissance, l'impôt et le déficit. Ces sujets ont déjà été abordés par les uns et les autres, même si la question de la croissance n'a pas été suffisamment creusée, notamment, madame Lagarde et monsieur Baroin, dans vos discours d'introduction.

Je ne prétends pas qu'il soit facile – chacun d'entre nous a pu être confronté à ce genre de situation – de prévoir un taux de croissance pour l'année suivante, surtout dans les périodes troublées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

Nous pouvons tous être modestes sur ce sujet. D'ailleurs, prévoir une crise est impossible : si nous avions pu le faire, il n'y aurait pas eu de crise. Par conséquent, je comprends parfaitement que, pour l'année 2009 – comme en d'autres temps, en 1993, par exemple –, il était difficile de prévoir une baisse du PIB de l'ordre de 2,5 %.

Toutefois s'il est difficile de prévoir, on peut tout de même sentir certaines choses. Or tous les ministres prévoient la croissance de demain en fonction de la croissance qu'ils voient dans le rétroviseur. Madame la ministre, vous fondez votre argumentation, selon laquelle le taux de croissance serait de 2,5% l'an prochain, sur le fait que la situation s'est beaucoup améliorée au deuxième trimestre de cette année. C'est donc, selon vous, que cela ira encore mieux au cours des trimestres à venir. Vous nous permettrez d'avoir des doutes, au bon sens du terme, des doutes créatifs, qui devraient vous pousser à adapter votre politique, car c'est vous qui êtes aux manettes.

Pierre-Alain Muet a souligné qu'un taux de croissance dépendait de deux éléments dont le premier est le contexte international. En effet, puisque nous sommes dans le cadre de la mondialisation, par définition, la croissance française dépend aussi de ce qui se passe chez les autres. Nous ne serons pas les seuls à connaître la croissance. Cependant, pouvons-nous être certains, madame la ministre, que la croissance des prochains mois dans le monde, dans les grands pays développés – en Europe, aux États-unis – et dans les grands pays émergents, sera au moins aussi forte, si ce n'est plus forte encore qu'elle l'a été ? Nous pouvons en douter.

Regardons ce qui se passe en Chine : la prévision de croissance est à la baisse, même si elle reste très élevée. Tournons-nous vers les grands pays émergents : tous, à l'image de la Chine, prévoient une croissance plus faible que cette année, une croissance portée davantage par le développement de leur marché intérieur. Ils peuvent y faire face en construisant leurs propres outils industriels, commerciaux ou de service.

Madame la ministre, vous qui connaissez particulièrement bien l'économie des États-unis, est-il possible de dire que la première puissance économique du monde, la locomotive de la croissance ou de la décroissance dans le monde, se prépare à vivre l'année 2011 avec les mêmes niveaux de croissance que cette année ? Permettez-nous d'avoir un doute ! En tout cas, le Président Barack Obama lui-même doute fortement de cette possibilité. Et cela serait sans conséquence sur la situation en Europe et en France ? Non, ce sera lourd à porter, car le meilleur moyen pour les États-unis de répondre à leurs propres difficultés consiste à laisser filer la valeur du dollar, avec les conséquences que cela aura sur nos économies.

En Europe, vous le savez aussi, madame la ministre, les situations sont particulièrement contrastées, bien plus que celles que nous avons connues dans le passé, avec des pays qui entreront en récession – je pense à la Grèce, à l'Espagne ou au Portugal – et d'autres qui s'en sortiront très bien, notamment l'Allemagne. Pour autant est-il permis de penser que l'ensemble de la zone euro se trouvera l'an prochain dans une situation de croissance meilleure que cette année ? En toute honnêteté, je ne le crois pas. C'est pourquoi, madame la ministre, quand vous affirmez que la situation a changé, qu'avant, il y avait la crise et que maintenant nous sommes dans l'après-crise, vous prenez un risque majeur : celui d'être imprévoyante en matière de politique budgétaire et fiscale.

S'agissant de l'impôt, M. le ministre du budget a commencé son intervention en déclarant – sans rire – qu'il était exclu d'augmenter les impôts. Avec son intelligence et sa vivacité d'esprit, il est le premier, me semble-t-il, à ne pas croire à ce qu'il dit !

Je n'ai pas besoin de revenir sur ce qu'il a indiqué avec talent et précision, citant successivement – sans aller jusqu'au bout – les impôts et taxes de toute nature qui augmenteront dans le budget pour 2011. Je n'ai pas non plus besoin de revenir sur ce qu'a dit avec subtilité et tact, en veillant, en tant que membre de l'UMP, à ne pas blesser sa propre majorité, le rapporteur général du budget. Je ne peux que vous renvoyer, mes chers collègues aux propos d'une personnalité importante, que même le ministre du budget n'a pas réussi à convaincre, je pense au Premier ministre, qui a lui-même parlé d'une hausse des impôts. Oui, chers collègues, quoi que vous disiez, quoi que vous fassiez, l'année prochaine, les impôts augmenteront en France et il est inutile de faire de telles contorsions !

Les années précédentes, lorsqu'une mesure fiscale permettait de baisser la charge pour les contribuables, vous la qualifiiez de baisse d'impôt. Quand il s'agit aujourd'hui d'augmenter la charge fiscale, vous appelez cela une baisse des dépenses fiscales ! Si je comprends bien, les impôts baissent tout le temps ! Sauf que, heureusement pour vous, cela rapporte tout de même 11 milliards !

Malgré les plaisanteries et les sourires que nous nous permettons d'échanger entre nous, le devoir de vérité est quelque peu écorné. Si vous revendiquiez une hausse des impôts, vous vous en expliqueriez plus facilement devant vos électeurs qui, le jour venu, viendront vous demander pourquoi, en bas de leur feuille d'imposition, le montant est plus élevé que l'année précédente, alors qu'il devait baisser. Oui, les impôts vont augmenter ; c'est le corollaire de la baisse des dépenses fiscales !

Il n'est pas nécessaire d'en dire plus, mais il faut que, à l'extérieur, on sache que les impôts augmenteront cette année. La seule question à poser est la suivante : les impôts augmenteront-ils pour les bonnes catégories sociales et dans les bons secteurs économiques ? Ces hausses risquent-elles d'avoir un effet sur la croissance de notre économie ? En effet, certaines hausses d'impôts, comme celle de la TVA – qui n'est pas prévue aujourd'hui – auraient des effets récessifs en ponctionnant le pouvoir d'achat. Telles sont les questions que nous devons nous poser dès maintenant, non en les reportant à juin 2012, s'agissant, par exemple, de l'imposition sur le patrimoine. Nous pourrions avoir un vrai débat sur ce que devrait être une fiscalité moderne, adaptée, efficace, car elle doit, bien sûr, rapporter de l'argent. Il y a des déficits, que nous devons combler. Inutile de se cacher derrière son petit doigt pour le dire clairement !

Le mal dont nous sommes affectés aujourd'hui et qui devrait être une évidence pour tous, c'est que nous avons des impôts avec des taux relativement élevés, mais avec une base tellement étriquée qu'ils ne rapportent plus grand-chose. L'impôt sur le revenu est l'un des plus bas d'Europe, si on laisse de côté l'autre impôt sur le revenu qu'est la CSG. Avec sa prétendue proportionnalité, notre impôt sur le revenu est plus faible qu'en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Il ne rapporte plus grand-chose au budget de l'État et il coûte moins au contribuable que dans d'autres pays. Voilà les vraies questions !

Il en est de même pour l'impôt sur le patrimoine. On discute, on veut débattre pour savoir s'il faut troquer la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune contre l'augmentation de l'impôt sur le revenu, mais on devrait d'abord se poser la question de savoir si, aujourd'hui, notre imposition du patrimoine est adéquate. Elle peut ne pas l'être sur certains points, elle peut être modifiée ; elle peut être modernisée, mais nous devons aborder le débat de front – donc nous interroger sur l'utilité de l'imposition du patrimoine – et non, comme cela se fait depuis plusieurs années, d'une manière biaisée qui consiste simplement à percer de partout les nombreux – parce qu'ils le sont – impôts sur le patrimoine lesquels, au bout du compte, ne rapportent plus grand-chose.

L'impôt sur le patrimoine est nécessaire, ne l'appréhendons donc pas de cette manière. Ne reportons pas le débat à juin prochain ; ayons-le dès maintenant !

Mon troisième commentaire portera sur les déficits.

Nous sommes au moins d'accord sur ce point : la démonstration du rapporteur général a été implacable sur l'endettement – qui atteindra, un jour, 90 % du PIB – et sur ses conséquences, non pas désastreuses, mais non maîtrisables sur nos finances publiques et sur les politiques publiques. L'endettement n'est, en effet, pas une histoire de principes. Il n'y a pas de chiffre magique. Il n'y a même pas de traité de Maastricht. Ce qui compte, ce ne sont pas les chiffres, les pourcentages ou les principes, mais les conséquences. Or nous savons bien qu'un déficit qui atteint de tels sommets est une ponction sur nos capacités d'agir, donc de dépenser véritablement, c'est-à-dire non à rembourser ou à payer des intérêts, mais à conduire des politiques de modernisation, de formation, de recherche, des politiques qui préparent véritablement l'avenir.

En payant le passé – à savoir, la dette – on finit par sacrifier l'avenir, donc les grandes politiques qui construisent une nation. C'est pourquoi nous sommes, par définition, tous d'accord sur ce point : nous devons lutter contre les dépenses excessives d'aujourd'hui.

Que coûte, au total, le passage de 7,7 % à 6 % ? Vous en avez vous-même fait la démonstration, monsieur le ministre, et le rapporteur général, avec le tact qui sied forcément à un membre de majorité, a, là encore, implacablement démontré que cela représenterait à priori 10 milliards. L'année prochaine, et je me permets d'en parler, puisque nous traitons à cet instant de la programmation de nos finances publiques, lorsqu'il faudra passer de 6 à 4 % et quelques…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

À 4,6 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

…- à 4,6 % - vous ne pourrez plus compter sur le plan de relance et sur le grand emprunt. Le choc sera massif. Je ne sais pas par quel mécanisme vous pourrez assumez cela, car il s'agira d'environ 30 milliards !

Ainsi, vos propositions ne sont pas crédibles s'agissant de la réduction des déficits, sujet qui fait pourtant unanimité. Vous n'y croyez d'ailleurs pas vous-même ! Telle est la réalité !

La situation française est objectivement très délicate et nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. En effet, la croissance est faible, même si elle atteint 1,6 % ou 2 %, ce qui est d'ailleurs improbable, parce que des nuages lourds pèsent sur elle. Le déficit est considérable. Comment, dans une situation aussi redoutable, soutenir la croissance tout en diminuant les déficits ? Ne croyez pas qu'en affirmant cela, je me complaise à dire du mal, mais je suis persuadé que vous n'atteindrez pas ces objectifs qu'il s'agisse de la croissance souhaitée ou de la diminution des déficits.

Dans un an, la France devra se poser de nouveau les mêmes questions, mais à un niveau plus sérieux, parce que ces deux objectifs n'auront pas été atteints. Mes capacités d'influence sur la réalité des choses ou sur les acteurs économiques étant tout de même très réduites, je ne souligne pas cela par simple désir de voir les choses en noir, mais pour que chacun ait bien en tête que nous devrons encore faire face à cette situation dans un an, lorsque nous proposerons des choix importants aux Français.

Comment concilier croissance et créations d'emplois, d'un côté, et diminution de nos déficits, de l'autre ? Telle est la question à laquelle nous devrons répondre pour présenter des propositions ambitieuses aux Français. Vous ne vous y préparez pas, aujourd'hui. Vous gagnez simplement du temps. C'est d'ailleurs ce que vous avez fait lorsque vous avez répondu à notre collègue Michel Piron que vous aviseriez en juin prochain.

Nous ne devons plus gagner de temps ; nous n'en avons que trop perdu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je veux répondre, très brièvement, aux propos de M. Michel Sapin, en particulier sur la croissance.

Vous avez raison : quand on fait une prévision de croissance, on doit toujours être habités par le doute, lequel est toutefois difficilement compatible avec l'établissement d'un budget, et vous le savez parfaitement. Je me souviens que, le 13 août 2009, vous prédisiez que nous connaîtrions à nouveau une situation de dépression en 2010. On peut tous se tromper. Vous pouvez vous tromper, comme moi et nous pourrons parfois nous tromper ensemble !

Il est cependant clair qu'un certain nombre de paramètres doivent être retenus pour l'établissement d'un budget. Je persiste à penser que celui que nous avons arrêté – 2 % de croissance pour l'année 2011 – n'est absolument pas déraisonnable. Il vaut ce qu'il vaut ; ce n'est qu'une prévision, mais il se trouve que l'OCDE se situe également aujourd'hui à 2 % et que le taux de croissance que connaît notre économie en rythme annualisé atteint, à l'heure actuelle, 2,5 %...

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

…sur la base du deuxième trimestre, je vous l'accorde.

Nous pouvons ensuite extrapoler quelque peu sur la base de ce que l'on a engrangé et faire raisonnablement, pour l'année prochaine, une prévision de croissance de 2 %, dès lors que seront mises en place les réformes susceptibles de générer des gains en termes de création de valeurs et de croissance.

Nous aurons l'occasion de revenir sur l'impôt à de multiples reprises. Je me contenterai donc de formuler une observation.

Si nous avions décidé d'augmenter la TVA de X %, nous aurions tous été d'accord pour reconnaître que l'on était en présence d'une augmentation générale des impôts. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je prendrai l'exemple très clair de la niche sur le photovoltaïque, que certains d'entre vous ont d'ailleurs repris.

Qui peut décemment contester que cette dépense aurait pu être, en réalité, budgétaire ? Habillée en niche fiscale, elle a, en réalité, été fort heureusement retraitée pour la très simple raison qu'elle est allée largement au-delà de nos espérances, ce qui a donné lieu à des comportements littéralement abusifs de la part d'un certain nombre d'opérateurs.

Pour autant je ne mettrai pas sur le même plan, comme certains d'entre vous l'ont fait, la modification du crédit d'impôt sur le photovoltaïque et le maintien du crédit d'impôt-recherche auquel je crois fondamentalement. J'ai essayé de m'en expliquer sans en aucun cas remettre en cause le privilège des parlementaires qui déterminent la mesure fiscale, la votent et en affectent l'usage. Je me suis simplement contentée d'indiquer que j'étais tout à fait ouverte à un débat dès lors que l'on pouvait examiner paisiblement le maintien de l'activité du territoire et de la stabilité d'un régime d'impôt de nature à renforcer la compétitivité des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je ne reviendrai pas sur les excellents propos de Christine Lagarde, mais je veux répondre à Michel Sapin sur la hausse des impôts.

Nous pouvons tenir un même langage sur le point de savoir ce qu'est ou non une hausse d'impôt. Je propose donc à Michel Sapin de se pencher sur le montant des recettes révisé pour l'année 2010, lequel s'élève à 345 milliards. Le montant des recettes prévu dans le projet de loi de finances pour 2011 atteint, quant à lui, 336 milliards. La différence vient de la réduction des dégrèvements et exonérations qui passent de 90 à 82 milliards. Ces 8 milliards en moins renforceront les recettes de l'État.

N'est-ce pas une philosophie constante de la commission des finances que de veiller à la sécurisation des recettes, notamment à travers la réduction des exceptions fiscales, des exonérations fiscales, de ce que l'on appelle aussi des niches fiscales ? Ça l'est incontestablement ! Les députés de l'opposition ne se sont-ils pas régulièrement, pour ne pas dire constamment, opposés au développement de ces dépenses fiscales ? Ils ont d'ailleurs expliqué, lors d'un dernier débat sur le conseil des prélèvements obligatoires, que nous étions responsables de la création de nombreuses niches fiscales depuis 2002.

Nous l'avons reconnu, même si nous n'avons pas nié l'intérêt économique, notamment pour la croissance française et pour l'emploi, de la création de certaines dépenses fiscales. Il convient toutefois de les évaluer, ce qui sera fait dans le rapport que M. Guillaume remettra au Gouvernement au moins de juin prochain. Ce sera alors l'occasion, lorsque nous examinerons, si le Gouvernement y est toujours déterminé, ce dont je suis convaincu, le projet de loi de finances rectificative, d'avoir un grand débat sur l'éventuelle suppression des niches fiscales qui ne nous semblent plus opérantes économiquement.

Oui, la philosophie de l'impôt tend bien à la sécurisation des recettes. Pour rejoindre les propos de François Baroin et Christine Lagarde, il y aura augmentation générale des impôts dès lors qu'il y aura augmentation des recettes. Néanmoins comment parvenir à faire passer le message selon lequel les impôts augmentent lorsque, comme l'atteste le projet de loi de finances pour 2011, les recettes diminuent ?

C'est pourquoi, tout comme les Français, nous ne pouvons vous suivre, lorsque vous affirmez que l'impôt augmente. Vous me répondrez – et c'est vrai – que certaines recettes croissent. La TVA passe, par exemple, 170 à 175 milliards d'euros. Le retour de la croissance, dont vous avez estimé qu'elle était encore imparfaitement évaluée par le Gouvernement, se traduit manifestement dans les prévisions de TVA, dont les révisions constantes montrent que nous sommes aujourd'hui dans une perspective de croissance.

Même si je note, avec satisfaction la concision de vos propos et la façon très constructive – ce qui vous est habituel – de défendre vos arguments, nous ne pouvons que les réfuter, comme nous l'avons fait à plusieurs reprises. Le groupe UMP s'opposera donc à cette motion de renvoi en commission. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Notre collègue Michel Sapin, dans une démonstration simple et forte en trois points, a appelé notre attention sur la croissance, sur l'impôt et sur le problème commun de la dette et du déficit. Il a mis en évidence cet aller-retour permanent entre croissance et confiance. Madame la ministre, il est vrai que c'est, chez vous, une marque de fabrique de mettre en permanence la confiance en avant.

Dès le débat sur le projet de loi TEPA, il y a eu un florilège de phrases sur ce sujet. Vous avez ainsi précisé que, pour financer ces mesures, vous maîtriseriez la progression de la dépense publique en la ramenant à 1 % en 2008 et que vous augmenteriez également les recettes. Vous avez ajouté que, grâce aux réformes structurelles et au choc de confiance, la croissance devrait progresser de près d'un demi-point en 2008.

Je vous ai rappelé, lors du débat du 27 mars 2008 relatif à la situation économique, sociale et financière de la France, que, toujours au cours de la discussion sur le projet de loi TEPA, vous aviez et, j'en cite quelques extraits, apporté les précisions suivantes : « Hausse de la croissance parce que j'y crois et que je suis convaincue que nos mesures porteront rapidement leurs fruits. J'espère que nous serons vite entraînés dans le cercle vertueux de la croissance et non coulés par la spirale vicieuse du doute et de la procrastination. […] C'est de la confiance que naîtra la croissance. La croissance gagne et nous sommes en train de la gagner. »

Michel Sapin a, en rappelant le contexte international, précisé qu'il n'était peut-être pas aussi simple que cela de créer le choc de confiance et de rétablir la croissance. En effet, même en Chine, et vous l'avez vous-même reconnu, madame la ministre, dans votre intervention liminaire, elle s'élève à 9 % alors que ce pays était habitué à 11 %. Il en va de même aux États-Unis. Cela ne sera pas sans conséquence sur l'Europe et la France. Du fait du différentiel des taux de change entre le dollar et l'euro, nous pouvons avoir des doutes sur l'état de la croissance demain.

Je serai bref, concernant l'impôt. Oui, il y aura des augmentations d'impôts en 2011. Augmenteront-ils au bon endroit pour stimuler la croissance ? Notre collègue nous a dit que non, affirmation que nous partageons.

Nous devons ensemble, sans attendre 2012, établir une bonne fiscalité, moderne et efficace, redonner à l'impôt sur le revenu une véritable progressivité et aborder la question de l'impôt sur le patrimoine autrement qu'en le vidant de sa substance.

Dernier point : la dette et le déficit.

Non seulement le seuil de 90 % du PIB est en passe d'être atteint pour la dette, mais la prévision de 6 % pour la baisse des déficits publics n'est pas crédible.

Telle est, en substance, la démonstration de M. Sapin, qui nous a engagés à revenir en commission pour travailler sur tous ces axes qui doivent être approfondis pour nous permettre d'améliorer la situation de notre pays. Je vous invite à le suivre dans sa conclusion en votant sa motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe NC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur Sapin, vous avez abordé trois sujets.

Premièrement, la croissance.

Vous appréciez certainement l'ancien évêque d'Autun, M. de Talleyrand, selon lequel, à défaut d'être les organisateurs des événements, il faut faire croire que nous le sommes. Un grand nombre de ministres des finances, vous en fûtes un, font croire que tout dépend d'eux. C'est totalement faux ; vous l'avez d'ailleurs souligné dans votre propos. L'essentiel de la croissance ne relève même pas, je suis désolé de déplaire à M. Muet, de la politique menée par l'État : elle dépend de la compétitivité des entreprises.

C'est vrai qu'il y a plutôt un freinage en Chine, bien que la Chine et l'Inde pèsent très peu dans la croissance française, mais vous n'avez pas dit que la croissance allemande était plutôt bonne et que c'était beaucoup plus important pour la France que l'Inde et la Chine. Cela étant, la croissance de la demande internationale pondérée par nos parts de marché dans chacun de ces pays n'a d'intérêt que si vous êtes compétitifs. Or nous ne le sommes pas puisque, depuis dix ans, nous avons perdu un bon tiers de nos parts de marché alors que l'Allemagne maintenait les siennes. Les choix opérés par la France n'ont pas été ceux de l'Allemagne, et vous n'êtes pas allé jusqu'au bout.

Les Allemands ont fait le choix de la compétitivité, avec le maintien du pouvoir d'achat des salaires et rien de plus. Ils ont fait le choix de l'entreprise parce qu'ils ont fait le choix de l'emploi. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela n'a pas été le cas de la gauche lorsqu'elle était au pouvoir. Elle a fait le choix de la facilité à court terme. Comme vous avez eu deux fois la chance, par les hasards de l'histoire économique, d'arriver juste avant le haut de cycle…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sapin

On a la chance qu'on mérite ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Pas du tout ! Comme vous l'avez dit vous-mêmes, ce n'est pas vous qui faites la croissance allemande, pas plus que le gouvernement français actuel. Soyons modestes ! Ne faites donc pas comme M. de Talleyrand !

Sur les impôts, deuxième sujet, vous avez tenus des propos que beaucoup de gens pourraient partager. Cependant vous avez oublié de dire que nous avons un impôt sur le revenu très étroit mais qu'il est composé de deux impôts : l'impôt sur le revenu et la CSG-CRDS.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je ne suis pas contre cette idée, mais cela ne change rien. Le problème c'est que nous avons une CSG-CRDS payée par 80 % des Français – et c'est très bien – qui est strictement proportionnelle, et un impôt progressif payé par à peine la moitié des Français, qui, en plus, se vide par le haut car on a beaucoup abusé avec les niches fiscales, dont vous êtes coresponsables.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Si, vous en avez créé beaucoup. Voulez vous que je vous sorte les chiffres ?

Faisons donc notre acte de contrition comme dirait l'évêque de Montreuil (Rires) puisqu'il jouait tout à l'heure les prédicateurs, et essayons d'améliorer le dispositif plutôt que de jouer les imprécateurs.

Sur le troisième point, vous vous trompez totalement en pensant que nous n'arriverons pas à réduire le déficit de 60 milliards. Lisez les documents budgétaires : 46 milliards viennent de la non-reconduction de quatre dépenses exceptionnelles ; restent donc 14 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Vous pouvez douter de quelques milliards mais même si, ce qui est notre thèse, on fait plutôt 1,5 % que 2 %, cela donne 4 milliards d'écart, ce qui n'est pas beaucoup. Il y aura donc une très forte réduction du déficit l'année prochaine et le problème, ce sera 2012 et 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il convient donc d'aller au-delà de ce que propose le Gouvernement.

C'est là qu'est votre grande faiblesse et c'est la raison pour laquelle le groupe Nouveau Centre votera contre votre motion. On attend en effet tout être responsable sur ses propositions : où faut-il réduire la dépense ? Là, comme dirait votre collègue, vous êtes muet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je tiens d'abord à saluer le talent de Michel Sapin, qui a su, en quelques minutes seulement, faire un exercice brillant. Nous voterons naturellement la motion qu'il a défendue mais je veux en souligner trois points.

Puisque nous sommes dans un débat parlementaire, je vais commencer par répondre à M. Censi, qui m'a interpellé tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous avez parlé, en déformant mes propos, de croissance et de décroissance, ce qui assez drôle d'ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Heureusement ! Cela m'a fait rire parce que je n'ai jamais été partisan de la décroissance, mes amis écologistes le savent bien : je n'ai jamais été sur cette ligne politique.

Ce que j'ai dénoncé, et personne ne m'a répondu, c'est la croyance, pourtant démentie par les faits depuis des années, selon laquelle on aura une croissance forte, durable, qui va régler tous les problèmes. Le Président de la République devait aller chercher la croissance « avec les dents », avec lui, c'est toujours excessif, il faut s'habituer. Je ne sais pas si elle est restée coincée entre ses dents, mais on ne l'a toujours pas vue, cette fameuse croissance. C'était l'objectif de toutes les mesures fiscales présentées dans le paquet fiscal, et elle n'est toujours pas là.

Vous avez également prétendu que nous étions partisans d'une hausse générale des impôts. Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. J'ai justement expliqué que, pour nous, vu leur répartition actuelle, augmenter les impôts, c'était accroître les injustices puisqu'ils sont injustes. Nous y reviendrons lors du débat sur les amendements.

Madame la ministre, je reconnais que vous avez pris la peine de répondre sur le photovoltaïque, mais cet acharnement contre le crédit d'impôt développement durable est tout de même étonnant. L'objectif est de développer l'équipement de la France en panneaux photovoltaïques, la production d'énergie solaire. Le dispositif fonctionne, et vous voulez le supprimer. C'est tout de même incroyable. Il serait intéressant de comparer ces résultats avec ceux de la baisse de la TVA sur la restauration, par exemple, qui coûte trois fois plus cher dès la première année.

Enfin, si nous allons voter cette motion défendue par Michel Sapin, c'est aussi pour un problème de méthode.

J'ai l'impression, monsieur le ministre, que vous êtes atteint du syndrome Woerth. Lorsque M. Woerth était à votre place, il nous traitait avec mépris, il ne répondait jamais à nos interventions, prétendait que c'était hors sujet, il était cassant, méprisant. Voyez où ça l'a mené. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

J'avais sur vous un a priori favorable que j'espérais que, en raison de votre longue carrière de parlementaire, vous auriez un peu plus de respect pour nos interventions. Or, vous n'avez pas répondu à nos propositions, vous n'avez pas répondu à nos questions. Pourrait-on par exemple savoir ce qu'il en sera du budget bis de juin 2011 ? Est-ce une annonce de plus ou est-ce un vrai sujet ? Pas de réponse sur les niches fiscales, pas de réponse sur le bilan des heures supplémentaires. Vous ne répondez jamais.

J'ai parlé tout à l'heure des exilés fiscaux, madame Lagarde. Vous vous souvenez que nous devions aller à la gare du Nord voir tous ces gens obligés de partir pour Londres qui allaient tous revenir grâce au bouclier fiscal. Vous n'avez pas répondu non plus à toutes ces questions. Par conséquent, rien que pour cette question de méthode, nous voterons la motion de M. Sapin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 et du projet de loi de finances pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma