Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 18 octobre 2010 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Discussion commune

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Nous avons aussi tenu à ce que l'ensemble des contribuables participe à l'effort collectif, y compris les plus aisés. Les différentes mesures, telles que l'augmentation d'un point du taux marginal supérieur d'imposition et de la fiscalité sur les revenus du capital ou la mise en place du « rabot » prévu pour certaines niches, ne bénéficieront pas, en effet, de l'application du bouclier fiscal. Pour une partie d'entre elles, les dépenses seront donc également prises en charges par les ménages les plus aisées.

Vous le voyez, les choix sont aussi clairs que les responsabilités sont assumées : nous avions annoncé que les déficits publics seraient ramenés dès l'an prochain à six points de PIB, et le projet de loi de finances pour 2011 concrétise cet engagement.

Notre troisième priorité me paraît être la plus déterminante du point de vue de la création de valeurs dont notre économie est capable. Cette troisième priorité, c'est tout simplement celle de la compétitivité des entreprises.

L'effort sans précédent de réduction des déficits publics que nous avons engagé ne doit pas nous faire oublier que la croissance dépendra principalement de notre capacité à créer des entreprises, à les faire prospérer, à favoriser l'investissement, en un mot à produire et à créer des emplois en France. Ce n'est pas faire preuve de protectionnisme que de vouloir favoriser l'investissement et la création d'emplois dans notre pays.

Depuis 2007, toutes nos initiatives en matière de politique économique et fiscale ont été tournées vers cet objectif. J'en cite quelques-unes, au hasard : la transformation de la taxe professionnelle en contribution économique territoriale, clairement destinée à alléger l'imposition sur l'investissement des entreprises ; la décision de tripler le crédit d'impôt recherche pour encourager nos entreprises à investir en innovations sur le territoire français ; les investissements d'avenir, clairement destinés à localiser sur le territoire français des investissements qui sont nécessaires à notre compétitivité de long terme.

Et puis, je ne voudrais pas passer sous silence quelques mesures qui me paraissent elles aussi déterminantes en matière de politique économique. On le sait, une grande partie de la demande sera adressée de l'extérieur vers notre pays. Cette demande, elle viendra de marchés émergents, qui sont actuellement en développement. Pour améliorer l'offre que nous devons fournir en réponse à cette demande, nous prévoyons un certain nombre de modifications, notamment dans le domaine des aides à l'exportation, avec une centralisation des aides au sein d'une agence, UBIFRANCE, qui deviendra, à partir de 2012, une fois la réforme achevée, le seul interlocuteur des petites et moyennes entreprises. D'autre part, nous avons décidé de concentrer sur les grands contrats à l'exportation l'utilisation d'un certain nombre d'instruments financiers, notamment en matière d'assurance.

Les mesures que nous vous proposons dans le cadre du PLF pour 2011 visent à poursuivre et à intensifier ces efforts de réforme structurelle. Nous devons impérativement soutenir les actions que nous avons engagées. C'est ainsi qu'on retrouve dans ce projet de loi de finances deux dispositions, celle qui concerne le soutien à l'investissement dans l'innovation, ainsi que la réforme de la taxe professionnelle, sur laquelle j'ai pris des engagements l'année dernière.

Je souligne également l'importance de la mesure concernant l'investissement immobilier des ménages. Nous proposons, avec Benoist Apparu, une refonte d'ensemble de trois régimes – le crédit d'impôt pour les intérêts d'emprunt, la TVA à taux réduit sur la construction de certains logements, c'est-à-dire le PASS foncier, et le prêt à taux zéro –, qui seront remplacés par un nouveau prêt à taux zéro universel. Nous savons bien que les trois anciens dispositifs n'avaient pas tous la même efficacité et que certains étaient infiniment plus coûteux que nous ne l'avions imaginé.

Pour dynamiser l'investissement des entreprises, nous proposons de mettre en oeuvre deux mesures fiscales annoncées lors des États généraux de l'industrie : la pérennisation du remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche pour les PME, et un régime fiscal avantageux pour l'exploitation des brevets sur le territoire français.

À cet égard, qu'il me soit permis d'insister sur une mesure qui me tient particulièrement à coeur, et qui me semble nécessaire à une véritable démarche stratégique pour notre économie. Je veux bien sûr parler du crédit d'impôt recherche. La France souffre d'une insuffisance de recherche privée, et celle-ci s'est hélas aggravée sur longue période. Or, l'effort de recherche et développement privée conditionne notre croissance à long terme dans un monde globalisé où émergent de grandes économies. Interrogez, dans vos circonscriptions, des entreprises qui font de la recherche et du développement. Demandez-leur si, en Inde ou en Chine, on trouve de mauvais ingénieurs en faible quantité. La réponse à cette question sera très claire : les ingénieurs, dans ces pays, sont formés de manière extrêmement efficace, souvent grâce à des transferts de technologie, et surtout ils sont formés dans des proportions extraordinairement importantes. C'est là un enjeu absolument stratégique pour notre pays. Qu'avez-vous voulu faire en 2007 ? Vous avez voulu tripler le crédit d'impôt recherche.

Quel est aujourd'hui le résultat de cette mesure ? Cette question est l'occasion pour moi de saluer les travaux qui ont été effectués pour évaluer le dispositif français et le comparer à des dispositifs étrangers. Nous disposons de deux rapports, l'un de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, l'autre est de l'IGF, dont je tiens à saluer la qualité. Quelles sont les conclusions de ces rapports ? Je n'en citerai que cinq.

D'abord, un euro de crédit d'impôt recherche génère entre un et trois euros de dépenses de recherche supplémentaires, ce qui signifie qu'il n'y a pas d'effet d'aubaine généralisé mais bien plutôt un réel effet d'entraînement sur les entreprises.

Deuxièmement, un euro investi dans le crédit d'impôt recherche se traduit par une augmentation du PIB de deux euros à horizon de quinze ans, ce qui signifie que le CIR contribue à créer des emplois.

Troisièmement, en 2008, première année d'application de la réforme, les entreprises ont accru de 1,5 milliard d'euros leur effort de recherche et développement, et ce à structure industrielle constante. C'est dire si cette mesure a été incitative.

Quatrièmement, 3 000 entreprises supplémentaires sont entrées dans le dispositif à partir de 2008.

Enfin, les petites et moyennes entreprises représentent les deux tiers des nouveaux bénéficiaires.

L'effort supplémentaire consenti par l'État n'est pas, dans l'immense majorité des cas, détourné de son objet mais bien réinvesti intégralement en dépenses de recherche, créant ainsi, à terme, des emplois supplémentaires, des investissements plus importants, davantage d'activité pour des sous-traitants spécialisés.

J'ajouterai que ce dont dépend principalement l'efficacité du crédit d'impôt recherche, c'est sa stabilité sur longue période. Pourquoi était-il inefficace, jusqu'en 2007 ? Tout simplement parce que ce dispositif a été modifié chaque année durant ses vingt-cinq premières années d'existence.

Si vous êtes un décideur, que vous soyez une entreprise française ou une entreprise qui décide d'implanter quelque part dans le monde un centre de recherche et développement, vous avez besoin de savoir quel traitement fiscal sera appliqué à votre projet.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion