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Séance en hémicycle du 25 février 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Danielle Bousquet, M. Guy Geoffroy et plusieurs de leurs collègues renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes (nos 2121, 2 293).

La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Monsieur le président, madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, madame la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, madame la présidente de la commission spéciale, mes chers collègues, « mettre enfin un terme à l'inacceptable », tel est le titre que nous avions retenu pour le rapport issu, au premier semestre 2009, des travaux de la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce rapport contenait soixante-cinq propositions. Nous avons souhaité qu'il fasse date et permette aux pouvoirs publics, donc au Gouvernement, de mettre en place le continuum d'une politique ambitieuse visant à mieux prévenir les violences faites aux femmes, en particulier au sein du couple, et à mieux lutter contre elles.

De ces travaux riches en réflexions, auditions, échanges et débats, sanctionnés par une très heureuse et très ambitieuse volonté de consensus, est née cette proposition de loi que nous avons solennellement déposée, après l'avoir tous signée, le 25 novembre dernier, date symbolique puisque c'est celle de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

Je veux saluer l'ensemble des membres de la mission, au premier rang desquels sa présidente, Mme Bousquet, grâce à laquelle nous avons pu effectuer ce travail en profondeur en toute efficacité et dans la meilleure des ambiances.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je veux saluer également tous les collègues qui nous ont rejoints au sein de la commission spéciale créée avec l'accord des quatre présidents de groupe et du président de l'Assemblée nationale. Ils nous ont apporté un regard neuf, extérieur à nos réflexions, et nous ont permis de faire évoluer ce texte de façon positive lors de nos travaux, en particulier lors des auditions auxquelles vous avez bien volontiers participé, mesdames les ministres, avec toute l'efficacité que nous avons reconnue.

Au-delà de vous, mesdames les ministres, c'est tout le Gouvernement que je remercie, car nous étions très sensibles à ce qu'il penserait et ferait de nos travaux. Certains exprimaient une interrogation teintée d'inquiétude sur la tentation qui aurait pu être la sienne de nous laisser travailler puis de prendre l'initiative d'un projet de loi. Cela n'est pas ce qu'il a fait et c'est à son honneur. J'ai noté avec un très grand intérêt, le 25 novembre dernier, la déclaration du Premier ministre qui, résumant l'ensemble des paroles prononcées par tous les ministres en charge de ces questions, a annoncé que l'année 2010 serait consacrée à une grande cause nationale, celle de la lutte contre les violences faites aux femmes. Et, comme point d'appui essentiel à la politique à mettre en oeuvre, le Premier ministre a évoqué cette proposition de loi, qu'il a même suggéré au Parlement de voter avant l'été prochain. Nous sommes le 25 février ; le calendrier de nos ambitions est donc tenu. L'adoption de cette proposition de loi est tout à fait possible et il nous revient aujourd'hui de franchir cette première étape, suite aux travaux extrêmement porteurs de notre mission, puis de notre commission spéciale.

De quoi s'agit-il ? Il ne s'agit pas de régler, une fois pour toutes et par l'intermédiaire d'une seule loi, toutes les questions très complexes qui se mêlent, s'ajoutent les unes aux autres, et sont fondées sur autant de singularités qu'il y a de situations. Il s'agit d'apporter une pierre considérable à cet édifice que nous avions déjà, ici, de manière certes modeste mais déterminée, commencé à solidifier en 2006 lorsque nous avions, également à l'unanimité, adopté une proposition de loi dont j'avais eu l'honneur d'être rapporteur, et qui avait fixé des règles importantes servant toujours de base à celles que nous utilisons comme mécanismes et comme ressorts dans cette proposition de loi.

En 2006, nous avions pour objectif de lutter contre les violences au sein de tous les couples, mariés ou non – les concubins et les pacsés sont également concernés –, ainsi qu'à l'issue d'un couple. Sur ce dernier point, les drames récents montrent à quel point nous avons raison de considérer le problème dans toute son ampleur. De tels drames peuvent en effet se produire longtemps après la séparation du couple, en raison notamment de la problématique toujours douloureuse qui concerne les enfants.

Avec cette proposition de loi, nous avons voulu aller plus loin et franchir une étape décisive : mieux prévenir, mieux protéger, mieux réprimer quand il n'y a malheureusement pas d'autre solution.

Mieux prévenir, tel est l'objet des dispositions encore en suspens relatives à la formation de tous les personnels qui, à tous les niveaux, dans tous les ressorts de l'action publique, sont amenés à travailler à l'accueil et à l'accompagnement des femmes victimes de violences. Nous avions prévu un article pour instituer une véritable cohérence dans cette formation, afin que celle-ci soit coordonnée. Cette disposition étant tombée sous le coup de l'article 40 de la Constitution, elle n'a pu être étudiée par la commission spéciale et ne sera pas examinée en séance. Nous serons donc très attentifs, mesdames les ministres, à ce que vous nous en direz.

Prévenir, c'est aussi lutter contre tout ce qui, au sein des médias, peut concourir, directement ou indirectement, à entretenir cette très mauvaise manière qui consiste à créer de la discrimination à l'encontre des femmes et risque d'inciter la jeunesse à adopter des comportements qui reproduiront les douleurs et souffrances vécues par les femmes.

Il faut également protéger, et le premier article de la proposition de loi est symbolique à cet égard. L'ordonnance de protection issue du référé-protection que nous y prévoyons est lourde de sens, et nous espérons qu'elle permettra de prévenir des drames comme ceux que notre pays a récemment connus. Cette ordonnance de protection pourra être délivrée par le juge, celui-ci étant saisi par la femme victime de violences ou, avec l'accord de celle-ci, par le ministère public. Ce sera en quelque sorte une table d'orientation de toutes les actions civiles ou pénales nécessaires pour lutter contre ce fléau. Grâce à ce dispositif très diversifié, le magistrat pourra aider la femme à trouver des solutions provisoires sur le plan matériel, en matière de logement notamment, afin de lui laisser le temps nécessaire pour décider, avec plus de sérénité, de la suite à donner à cette première étape, que ce soit sur le plan civil ou sur le plan pénal.

Nous attendons un geste important de votre part, mesdames les ministres, à savoir la réintroduction de l'article visant à étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux femmes étrangères en situation irrégulière, afin que celles-ci ne se trouvent pas dans la pire situation, celle de vouloir s'en sortir mais de ne pas avoir la possibilité matérielle de le faire.

Par ailleurs, il faut réprimer en allant au-delà de ce que nous avions prévu en 2006. Réprimer, c'est faire que soient reconnues demain les violences de nature psychologique et morale exercées au sein du couple. Réprimer, c'est permettre que le recours à la médiation pénale ne soit plus ce qu'il est, de manière inégale mais réelle, dans certaines juridictions, et que la femme soit présumée ne pas accepter d'y recourir dès lors qu'elle aura sollicité la protection de la justice par l'ordonnance de protection.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Réprimer, c'est enfin faire ce qu'il faut en direction des femmes, mineures ou majeures, qui se voient contraintes au mariage, ce qui est une forme également scandaleuse de violence. Nous aurons l'occasion de revenir en détail sur ce texte à l'occasion de l'examen des articles et des amendements.

Ce que nous allons faire aujourd'hui n'est pas ordinaire. Nous allons en effet, tous ensemble, j'en suis sûr au fond de mon coeur, délivrer à ces femmes, à ces victimes, un véritable message non seulement d'espoir, mais de reconnaissance par la société tout entière, à travers ses représentants, de la justesse et de la nécessité de leur combat. Nous voulons, grâce à cette proposition de loi, aider les femmes à sortir de l'isolement, de la situation dans laquelle elles sont enfoncées parce qu'elles craignent que le fait d'en sortir ne soit encore plus pénalisant pour elles.

À l'issue de l'examen de ce texte par nos deux assemblées, nous aurons l'honneur et la fierté d'avoir installé dans notre pays un nouveau paysage juridique, sociétal, politique, celui d'une représentation nationale qui, au nom de la nation, aura décidé une bonne fois pour toutes de mettre fin à l'inacceptable. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le Premier ministre a fait de 2010 l'année de la lutte contre les violences faites aux femmes, ainsi que l'a rappelé votre rapporteur.

La proposition de loi que vous avez élaborée, et que nous examinons aujourd'hui, représentera un temps fort de cette année. Les travaux effectués sur ce texte démontrent l'investissement remarquable de l'ensemble de la représentation nationale sur ce sujet. C'est au-delà des clivages partisans que ce texte a été élaboré et examiné. Je salue le travail de toutes celles et tous ceux qui y ont contribué, en particulier Mme Danielle Bousquet et votre rapporteur M. Guy Geoffroy.

En 2008, 156 femmes sont décédées sous les coups de leur compagnon, et bien des blessures non connues marquent leurs victimes à vie. Personne ne peut l'accepter, et c'est bien le sens de votre engagement. Ce n'est pas parce que ces violences sont commises au sein de la sphère privée qu'elles ne regardent pas l'ensemble de la société. Ce n'est pas parce qu'on a trop longtemps fermé les yeux sur elles qu'elles doivent être considérées comme une fatalité.

Lutter contre les violences faites aux femmes, c'est affirmer les valeurs de notre pacte républicain : refus de la violence, qu'elle soit publique ou privée ; défense des plus fragiles ; égalité entre hommes et femmes.

La justice est entièrement mobilisée dans la lutte contre ce fléau. J'ai fait de la lutte contre les violences faites aux femmes l'une des priorités de ma circulaire de politique pénale. J'ai notamment souhaité que des mesures d'éviction du conjoint violent soient plus largement requises dans le cadre des alternatives aux poursuites ou dans celui des sursis avec mise à l'épreuve. Il est paradoxal que ce soit la victime qui soit obligée de quitter le domicile conjugal, ou au contraire d'y rester malgré le risque encouru.

Aujourd'hui, il faut aller plus loin et, pour cela, faire évoluer notre droit. Nadine Morano et moi-même sommes heureuses de participer à ce débat et d'y apporter notre contribution, sur la base de votre proposition de loi.

Cette proposition élargit la gamme des actions possibles contre les violences conjugales. En amont, il faut améliorer la prévention des actes de violence et essayer d'en dissuader autant que possible les auteurs potentiels. En aval, il faut renforcer la répression des coupables et, dans le même temps, le soutien aux victimes.

Prévention et dissuasion de la violence conjugale exigent des moyens renforcés et renouvelés. Des moyens juridiques tout d'abord : en situation d'urgence, les victimes de violence conjugale doivent pouvoir compter sur une réponse réactive, efficace et cohérente de la justice. C'est l'objet de la création d'une ordonnance de protection temporaire, prise par le juge des affaires familiales. Cette ordonnance répond à un triple objectif : articuler les réponses civiles et pénales, prendre en compte l'évolution des modèles familiaux, étendre la protection à toute la famille.

Les mesures civiles prises à titre temporaire couvriront un large champ. Elles permettront l'éviction du domicile du conjoint violent, comme je viens de l'évoquer. Elles permettront également d'attribuer à la victime une aide matérielle car, dans un certain nombre de cas, l'un des problèmes qui empêche certaines femmes de déposer plainte ou de venir au commissariat est qu'elles se demandent comment elles pourront vivre, faute de moyens. La possibilité d'attribuer une aide matérielle est donc importante, de même que celle d'attribuer un logement, car les victimes doivent savoir où se réfugier le soir, avec leurs enfants le cas échéant. Autres mesures enfin, la fixation d'une pension alimentaire, ou la possibilité pour la victime de dissimuler son domicile quand elle craint la vengeance du conjoint violent.

Ces mesures sont importantes, et l'ordonnance de protection temporaire constitue à cet égard une véritable avancée. Pour autant, elles sont mises en oeuvre sans préjudice des poursuites engagées au plan pénal. Il faut donc une communication étroite entre le juge civil et le juge pénal. Des instructions ont été données en ce sens, et seront complétées.

Le deuxième objectif de la proposition de loi est de prendre en compte les évolutions des modèles familiaux. Pour bien protéger, il faut bien connaître la réalité de la situation. Aujourd'hui, le juge des affaires familiales peut prononcer une mesure d'éviction contre le conjoint violent – mais cette disposition ne s'applique pas aux concubins ou aux personnes liées par un PACS. La proposition de loi comble donc un vide juridique, en étendant son champ à toutes les situations de vie en commun.

Le troisième objectif de prévention est d'étendre la protection à toute la famille. Dans un contexte de violence conjugale, les enfants sont directement victimes lorsqu'ils subissent eux-mêmes des violences, ou indirectement lorsqu'ils sont témoins de la violence exercée sur leur mère dans une situation traumatisante. Dans ce cadre, la mise en oeuvre du droit de visite, voire du droit d'hébergement, représente un risque psychologique pour les enfants. Dans de telles situations, le juge doit pouvoir donner mandat à une institution habilitée ou à une association pour assurer l'accompagnement des enfants à l'occasion du droit de visite ou du droit d'hébergement.

Tels sont les moyens juridiques apportés par la proposition de loi. Ils sont renforcés par des moyens technologiques. Un certain nombre d'expérimentations innovantes permettent le signalement instantané de tout danger afin d'empêcher la commission d'actes de violence conjugale, tels que les téléphones portables d'alerte mis en place dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny, en partenariat avec les collectivités locales. J'ai souhaité généraliser cette expérimentation en dotant les victimes qui le souhaitent de ce dispositif de téléprotection. Un décret a été pris en ce sens.

Deuxième élément technologique complétant le dispositif, le bracelet électronique, inspiré de l'exemple espagnol que Nadine Morano a étudié, vise à garantir le respect d'une décision judiciaire d'éloignement prise par le juge. J'ai tenu à ce que, dans le cadre du projet de loi sur la récidive, cette mesure devienne automatique dans certains cas. Ce dispositif électronique permet de signaler à distance que l'ex-conjoint, ex-concubin, ou ex-partenaire de PACS de la victime se trouve à proximité de celle-ci. La victime pourra se le voir proposer dans plusieurs hypothèses, mais il n'est pas question que ce soit systématique. Le dispositif sera disponible avant le jugement, dans le cadre d'une assignation à résidence avec surveillance électronique, ou après le jugement, dès lors que la peine encourue – et non pas la peine prononcée, j'y insiste – est au moins égale à cinq ans d'emprisonnement, ainsi qu'en cas de menaces au sein du couple – et non pas uniquement de violences avérées, l'actualité récente en a malheureusement montré la nécessité. Un amendement, déposé par le Gouvernement, précisera le cadre juridique de cette première étape.

L'élaboration juridique et technique du dispositif sera effectuée par les services du ministère de la justice. Je veillerai à l'efficacité du travail engagé, qui devra également mobiliser les services du ministère de l'intérieur. Des moyens humains et financiers sont bien sûr prévus à cet effet, qu'il faudra obtenir lors des négociations budgétaires – car rien de tel n'existe aujourd'hui au sein du ministère de la justice ou d'autres ministères.

Pour autant, ni la prévention ni la dissuasion ne peuvent empêcher totalement la commission des actes, et dans ces cas, il faut redoubler de fermeté et de vigilance. C'est ce que vous prévoyez, et nous allons tenter de vous y aider.

Le texte donne aux pouvoirs publics les moyens de mieux sanctionner les coupables et de mieux soutenir les victimes de violences conjugales.

Tout d'abord, pour mieux sanctionner les coupables, la répression doit davantage tenir compte de la réalité des violences conjugales, ce qui suppose une meilleure connaissance du phénomène. Je m'étais penchée sur ce point dans mes fonctions précédentes, en cherchant à analyser les circonstances dans lesquelles sont commises ces violences. Pour cela, je souhaite que l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale, qui vient d'élargir son champ de compétence à la réponse pénale, développe une évaluation spécifique des actes de violences conjugale. J'ai donc demandé à Alain Bauer, président de l'Observatoire, de se pencher sur cette question. En particulier, je lui avais déjà demandé il y a plusieurs mois, en ma qualité de ministre de l'intérieur, d'étudier le rôle joué par l'alcool dans les violences conjugales. J'avais été frappée, en effet, par la fréquence avec laquelle revenait, dans les rapports, la mention d'un état d'alcoolémie du conjoint violent. Ce n'est pas le seul élément, mais c'est un phénomène dont nous devons mesurer l'importance.

Mieux sanctionner les coupables exige également une adaptation du droit pénal. Certaines sanctions déjà prévues seront alourdies : c'est le cas des peines prévues contre les violences conjugales habituelles. De nouvelles incriminations sont en outre créées pour mieux répondre aux situations de violences conjugales, car toutes les violences ne sont pas de nature physique. La notion de violence psychologique, reconnue par la jurisprudence, sera désormais inscrite dans le code pénal, ce qui est une avancée importante, et les sanctions seront aggravées au regard de cette situation particulière. Les violences accompagnant, précédant ou suivant les mariages forcés, violences dont la pression psychologique constitue un élément, seront également combattues sans faiblesse.

La sanction doit également aller de pair avec un soutien accru aux victimes. Tout d'abord, l'accès au juge doit être garanti : sur le sol français, toute victime de violences conjugales a le droit de voir le coupable sanctionné par les tribunaux. C'est une question de justice, non de ressources ou de régularité du titre de séjour. C'est pourquoi l'aide juridictionnelle sera étendue à toutes les victimes, y compris aux étrangères en situation irrégulière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs des groupes SRC, GDR et NC.) Je sais que vous aviez prévu de prendre des dispositions en ce sens mais qu'elles en ont été écartées de la proposition de loi en application de l'article 40 de la Constitution. Je précise, pour que ce soit bien clair, qu'aujourd'hui l'aide juridictionnelle est parfois accordée à ces victimes, même si cela reste tout à fait exceptionnel. Cela dit, j'estime qu'elle doit bénéficier à toutes les personnes qui ont obtenu une ordonnance de protection, sans condition de résidence. Le Gouvernement proposera un amendement en ce sens.

Le soutien aux victimes suppose aussi la formation des professionnels chargés de les accompagner. Des formations spécialisées en matière de prévention et de prise en charge des violences faites aux femmes sont déjà dispensées par l'École nationale de la magistrature. Je veillerai à ce qu'elles soient consolidées et étendues à d'autres professionnels du droit. L'ENM a l'habitude et la capacité de dispenser des formations de qualité, qui doivent bénéficier largement aux professionnels concernés. Je travaillerai avec mes collègues du Gouvernement au développement de cette formation au-delà du secteur de la justice. Elle devra profiter à l'ensemble des acteurs concernés, notamment aux policiers, aux gendarmes, aux professionnels de santé et aux fonctionnaires de l'éducation nationale.

Mesdames et messieurs les députés, devant l'ampleur des enjeux soulevés par les violences faites aux femmes, le temps de la résignation ou de la seule compassion est révolu. Tel est je crois, le sens de votre proposition de loi ; telle est la raison pour laquelle Nadine Morano et moi-même soutenons et accompagnerons votre initiative.

Les Français sont de plus en plus conscients du caractère inacceptable de ces violences ; ils attendent de la fermeté, des réponses claires et concrètes, une action vigilante, déterminée et sans faiblesse contre les auteurs de ces violences.

En adaptant les modalités d'intervention de la justice, cette proposition de loi amplifiera les efforts déjà engagés. Elle montrera à toutes les femmes victimes de violences sur notre sol que l'État est déterminé à les protéger. Ainsi, ensemble, nous contribuerons à garantir la sécurité des personnes, l'effectivité de leurs libertés et la réalité de nos libertés. Nous montrerons aussi la grandeur de la représentation nationale quand, unanime, elle s'attache à apporter des réponses pour lutter contre une violence qui s'exerce contre les plus fragiles. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Mes chers collègues, en votre nom, je me permets de saluer la présence dans les tribunes du public de deux de nos anciens collègues : Mme Muguette Jacquaint, qui a beaucoup oeuvré dans cet hémicycle, et M. Didier Chouat, que je salue personnellement. (Applaudissements sur tous les bancs.)

La parole est à Mme Danielle Bousquet, présidente de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la ministre, mes chers collègues, « ce que j'appelle mon présent empiète tout à la fois sur mon passé et sur mon avenir », écrivait Henri Bergson.

Je voudrais mettre à profit cette maxime pour replacer la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui dans une perspective d'ensemble, car ce texte ne saurait suffire, à lui seul, à éradiquer les violences faites aux femmes. À l'évidence, il a vocation à s'inscrire dans un dispositif cadre, qui existe déjà pour partie, mais qui doit incontestablement être amendé et complété.

Sur le chemin qui doit nous mener à ce dispositif cadre, je distinguerai trois moments clefs au cours desquels interviennent différents acteurs.

Le premier moment a été celui de la prise de conscience et de la mobilisation de l'opinion publique. Il était le fruit, pour l'essentiel, du travail des chercheurs et, surtout, des associations de femmes. Je salue d'ailleurs leurs représentantes présentes dans les tribunes du public. Je tiens à dire que nous avons effectué avec ces associations un travail remarquable. (Applaudissements sur tous les bancs.)

En effet, la connaissance des violences faites aux femmes est le préalable indispensable à toute action résolue pour les combattre. La mission a pu en faire le constat : c'est à partir du moment où les violences sont nommées que les personnes qui les subissent peuvent prendre conscience de leur statut de victime et solliciter les moyens de les faire cesser. Ce processus s'est produit aussi bien pour le viol que pour les violences conjugales, les mutilations sexuelles et le harcèlement. J'espère qu'il se reproduira pour les violences psychologiques que nous souhaitons spécifiquement incriminer.

Mais, pour caractériser ces violences, encore faut-il que les recherches soient suffisamment nombreuses et complètes. L'enquête nationale sur les violences faites aux femmes réalisée en 2000 a été, à ce titre, exemplaire. Elle a mis en évidence le fait qu'une femme sur dix était victime de violences en France, et a ainsi permis à l'ensemble de la société de prendre conscience de la gravité de violences qui concernent plus d'un million de femmes. De même, une étude récente portant sur les mutilations sexuelles a permis de recueillir les informations indispensables à leur prévention.

En conséquence, madame la ministre, au nom de l'ensemble des membres de la commission spéciale, je souhaite que le Gouvernement rétablisse par amendement les trois articles de la proposition de loi qui ont été déclarés financièrement irrecevables. L'un d'entre eux tendait à créer un Observatoire national des violences faites aux femmes, ayant pour mission de collecter les données relatives à ces violences et de les transmettre aux administrations.

Je tiens également à saluer le travail exemplaire des associations qui viennent en aide aux femmes victimes de violences. « Si l'on parle de ce sujet aujourd'hui, c'est grâce aux associations », disait récemment Mme Marie-France Hirigoyen, psychiatre qui a consacré une grande part de ses travaux aux femmes victimes de la violence de genre. Qu'elles soient petites ou grandes, qu'elles interviennent pour la prévention des violences ou pour aider les femmes qui en sont victimes, qu'elles prennent en charge l'ensemble des violences faites aux femmes ou qu'elles se limitent à certaines de leurs formes, ces associations sont des acteurs de terrain absolument incontournables. La mission, qui a eu l'occasion d'entendre un grand nombre d'entre elles, a pu mesurer leur professionnalisme et leur engagement total en faveur de cette cause. Il n'est donc pas étonnant qu'elles aient joué un rôle moteur dans l'élaboration de la présente proposition de loi.

Le Collectif national pour les droits des femmes avait ainsi élaboré une proposition de loi cadre, déposée le 20 décembre 2007 sur le bureau de l'Assemblée nationale par certaines de nos collègues. Une pétition de ce collectif avait alors réuni des milliers de signatures, ce qui avait conduit à la création par la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale, en décembre 2008, d'une mission d'évaluation.

Nous sommes alors entrés dans le second temps : celui de l'évaluation de l'ensemble des politiques existantes et de leur adaptation. Ce temps est aussi, naturellement, celui du travail parlementaire.

La constitution d'une mission d'évaluation des politiques de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes correspond pleinement aux nouvelles attributions du Parlement en matière d'évaluation des politiques publiques.

Puisque j'évoque le travail de la mission d'évaluation, je veux rendre hommage à mon collègue Guy Geoffroy, et saluer l'excellente collaboration qui, durant des mois, a marqué nos travaux. Il n'y a jamais eu entre nous le moindre différend sur le sujet essentiel que nous traitions ensemble : cela méritait d'être dit. (Applaudissements sur tous les bancs.)

En six mois, notre mission a dressé un état des lieux complet de ces politiques après avoir auditionné plus d'une centaine de personnes et s'être rendue en banlieue parisienne, à Marseille, ainsi qu'à Saint-Brieuc, au coeur d'un département mi-urbain, mi-rural. Ses travaux ont porté aussi bien sur les violences conjugales que sur les violences commises sur le lieu de travail, dans l'espace public ou à l'encontre de jeunes filles mineures. Elle n'a négligé aucun aspect de ces violences, s'intéressant à leur quantification, à leur prévention et à leur répression. Nous nous sommes aussi intéressés à la protection des femmes victimes et des enfants témoins. Car nous sommes convaincus, comme Mme la ministre d'État, que les enfants sont directement victimes, eux aussi, des violences dont ils sont les témoins. Nous nous sommes enfin penchés sur le pilotage national et local des politiques de lutte contre les violences faites aux femmes.

De nombreuses personnes et associations qui oeuvrent contre ces violences nous ont indiqué que le rapport de la mission constituait désormais pour elles un document de référence. C'est d'ailleurs parce qu'il dresse un bilan incontestable des acquis et des lacunes de ces politiques qu'un consensus a pu être réuni, tant sur les propositions qu'il contient que sur la proposition de loi qui en est directement issue.

Finalement, sur la base de ce bilan partagé, nos collègues qui avaient soutenu la proposition de loi cadre initiale ont accepté de souscrire à notre proposition de loi. Cette mission a donc montré que majorité et opposition peuvent travailler de concert, dans un esprit constructif, et aboutir à un texte signé par tous. Le fait est assez rare pour que nous y insistions : les trente membres de la mission, représentatifs des différentes familles politiques de l'Assemblée, ont tous cosigné la proposition de loi. Il s'agit d'une conception du travail parlementaire qui fait honneur au pouvoir législatif, et qui montre que nous sommes à la fois une force d'expertise et de proposition. Je tiens d'ailleurs à rappeler que la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein d'un couple ou commises contre les mineurs résultait d'une initiative sénatoriale prise par la majorité et l'opposition réunies ; elle avait été adoptée à l'unanimité.

Mais le vote d'une proposition de loi ne saurait suffire. Un simple constat permet d'étayer cette opinion : alors que le rapport de la mission comportait soixante-cinq propositions auxquelles nous tenons, la proposition de loi ne compte que vingt articles.

Après le temps de l'évaluation et de la modification du droit applicable, vient en effet un troisième temps : celui de l'application qui relève de la responsabilité du gouvernement. Trois missions principales incomberont alors à ce dernier.

La première sera de rendre rapidement applicables les dispositions législatives que nous aurons créées ou modifiées. Mme la ministre d'État nous a donné de solides assurances au cours de son audition, en indiquant que les décrets d'application étaient en cours de rédaction et qu'ils seraient publiés peu de temps après la promulgation de la loi.

La seconde obligation du Gouvernement consistera à mettre en oeuvre les propositions de la mission d'évaluation qui ne relèvent pas du domaine de la loi. Elles sont nombreuses et concernent des domaines variés de l'action du Gouvernement. Or le dispositif cadre global, cohérent et coordonné que nous appelons de nos voeux, et dont les travaux de la mission ont montré qu'il était indispensable, ne pourra être mis en oeuvre que si nos propositions sont mises en application. Il serait donc souhaitable que, comme nous l'a proposé Mme la secrétaire d'État lorsque nous l'avons rencontrée, le Gouvernement dresse périodiquement un bilan de la mise en oeuvre de ces propositions.

Enfin, nous ne pouvons pas ne pas évoquer la question des moyens financiers consacrés à la lutte contre les violences faites aux femmes. À l'heure où de nombreuses associations peinent à boucler leur budget faute de versement des subventions promises, nous considérons que ce point est essentiel. Le rapport de la mission a en effet démontré que les associations devaient bénéficier de financements pluriannuels pour pouvoir mener des actions efficaces sur le long terme. Il a également souligné le manque flagrant de moyens consacrés au suivi des auteurs de violences. Des méthodes existent, qui réduisent considérablement le taux de récidive, mais elles ne peuvent être mises en oeuvre, faute de crédits dédiés.

Madame la ministre d'État, que pèsent quelques centaines de milliers d'euros face au coût estimé des violences conjugales, que l'on peut chiffrer à plus de 2,5 milliards d'euros chaque année ? Une étude récente a montré que, pour chaque euro supplémentaire investi dans la prévention des violences conjugales, nous pourrions économiser jusqu'à 87 euros. L'argument de la contrainte financière est donc irrecevable.

Mes chers collègues, si la proposition de loi que nous examinons constitue incontestablement une étape importante, dont nous pouvons être collectivement très fiers, elle n'est pas pour autant un aboutissement. Le Parlement devra suivre la bonne application des textes qu'il adopte et des propositions qu'il formule. Nous travaillerons ainsi de concert avec les associations et le Gouvernement, pour lutter contre des violences inacceptables dont nous avons connu récemment, hélas ! des exemples dramatiques. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Quéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Quéré

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce fut pour moi un très grand honneur que de participer à la mission d'évaluation de l'Assemblée nationale concernant la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, et je remercie sa présidente, Danielle Bousquet, ainsi que son rapporteur, Guy Geoffroy, pour la qualité de leur travail.

Nos débats ont été riches ; ils nous amènent à proposer des réponses concrètes et à envisager une amélioration du dispositif législatif contre ce fléau. Je me réjouis de constater que la lutte contre les violences faites aux femmes est devenue une priorité nationale. En effet, le pouvoir des mots ne doit pas être négligé. « Priorité nationale » est en quelque sorte, pour nous, un énoncé performatif. Désormais, le déni n'est plus possible : les violences faites aux femmes touchent toutes les catégories sociales, tous les âges, tous les territoires. Elles ne connaissent, hélas ! aucune frontière.

Au-delà des mots et des discours, cette proposition de loi s'appuie sur un travail de longue haleine et de qualité, ainsi que sur l'expérience des professionnels et des bénévoles mobilisés. N'oublions pas toutes les femmes victimes, blessées au plus profond de leur chair et de leur âme, au nom desquelles nous défendons ce texte.

Les violences faites aux femmes peuvent se résumer à l'horreur d'un chiffre : tous les deux jours, une femme décède, victime de son compagnon ou de son ex-compagnon. La statistique est si éloquente qu'elle a été rappelée à de nombreuses reprises au cours de nos travaux.

Ces violences sont protéiformes. Elles s'exercent le plus souvent au sein du couple et sont généralement physiques. Mais il ne faut pas négliger les violences psychologiques qui, si elles ne laissent pas de traces, sont tout autant destructrices et peuvent également s'exercer sur le lieu de travail. Nous pouvons nous féliciter que leur reconnaissance émerge petit à petit. Mariages forcés et mutilations sexuelles complètent ce triste tableau.

Les enfants, bien souvent spectateurs impuissants de ces violences, en sont également victimes. Au fil des auditions, il nous est très vite apparu nécessaire de considérer l'enfant comme une personne à part entière, et non pas seulement comme une victime collatérale. Je dois dire que, dans le cadre de notre mission, j'ai été particulièrement bouleversée par la situation des « enfants témoins », qu'il s'agisse des traumatismes qu'ils subissent ou du risque qu'ils courent de reproduire ces violences.

Ainsi tout enfant témoin de violences conjugales devrait-il automatiquement relever de la protection de l'enfance. Il est difficile d'admettre la capacité parentale d'un père qui exerce des violences sur la mère. Faut-il accepter de maintenir un lien affectif et une présence physique entre un père violent et un enfant qui a été témoin de cette violence ? Un père violent n'est-il pas automatiquement un père maltraitant psychologiquement ? J'avoue avoir des difficultés à admettre qu'un mari exerçant des violences contre sa femme devant ses enfants puisse être un bon père.

Un enfant doit grandir en dehors de la violence, et il est essentiel de le protéger contre celle des adultes. Le fait que cette question soit abordée dans la proposition de loi, notamment dans son article 3, montre bien que nous avons souhaité prendre en considération l'immense étendue des conséquences des violences conjugales et que cette proposition de loi s'inscrit réellement dans une réflexion globale. Face à des situations d'urgence, pour protéger les enfants et leur mère, nous nous devions de proposer des solutions afin de compléter le dispositif existant. Sans en venir à des mesures automatiques, nous avons donc envisagé la suspension de l'autorité parentale dans certains cas.

Pendant six mois, nous avons étudié toutes les formes de violences faites aux femmes, dans leur grande diversité, et cette mission ne nous a pas laissés indemnes. Aussi voudrais-je, avant de conclure, souligner le travail extraordinaire qui est fait sur le terrain, notamment le travail associatif. Ce travail de tous les instants est réalisé par les intervenants avec un professionnalisme qui a forcé notre admiration. Je me permets d'ailleurs de signaler la qualité des actions menées dans mon département, la Charente-Maritime.

Depuis quelques années, grâce à ce type d'actions, la parole a pu se libérer, mais le taux de révélation reste bas. Espérons que notre proposition de loi permettra de mettre fin à ces silences douloureux. La tâche est encore immense et le travail de prévention sera capital. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'exposé des motifs de la proposition de loi cadre contre les violences faites aux femmes, élaborée par le Collectif national pour les droits des femmes – dont je salue le travail – et que j'ai eu l'honneur de déposer en 2007 avec Martine Billard, Huguette Bello et l'ensemble des députés du groupe GDR, débutait ainsi : « Les violences masculines à l'encontre des femmes ne constituent pas un problème privé. Au contraire, elles représentent le plus brutal de l'inégalité existant dans notre société. Il s'agit de violences qui sont exercées sur les femmes en raison d'une prétendue infériorité, parce que leurs agresseurs considèrent qu'elles sont dépourvues des droits élémentaires de liberté, de respect, de sûreté et de liberté de décision. »

Aujourd'hui, en adoptant la proposition de loi dont nous débattons, nous allons dire avec force que la violence faite aux femmes est un problème public, auquel toute la société doit se confronter. Grâce à ce texte, la République peut se doter de moyens efficaces pour faire respecter les droits des femmes contre la domination patriarcale.

La genèse de cette proposition de loi est atypique ; cela fait sa force. Ce sont les femmes, leur refus d'accepter l'inacceptable, leur volonté de vivre libres, de survivre, qui en sont à l'origine. L'actualité nous le rappelle : tous les trois jours, une femme meurt sous les coups. Ces jours-ci, une jeune femme, Najlae, qui avait porté plainte pour avoir été battue par son frère, a même été expulsée. Au-delà de ces faits, je veux dédier cette loi à toutes celles qui, parfois pendant des années, vivent au quotidien humiliations, coups et souffrances, à toutes celles qui s'y opposent, à toutes celles qui résistent.

En 2004, en Espagne, les femmes font adopter une loi-cadre. Le Collectif national pour les droits des femmes prend le relais en France et élabore une proposition de loi. Un processus est en route, celui d'une construction législative commune par les associations féministes et la représentation nationale. Après le dépôt de la proposition de loi-cadre, une pétition ayant recueilli 16 000 signatures est déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale pour qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour.

Est alors mise en place une mission parlementaire, puis une commission ad hoc, dont je veux saluer ici la qualité du travail et des auditions, sous l'impulsion remarquable de sa présidente, Mme Danielle Bousquet, et de son rapporteur, M. Guy Geoffroy, que je remercie. (Applaudissements sur tous les bancs.) C'est dire combien cette proposition de loi est importante, autant pour les dispositions qu'elle introduira dans notre droit que pour le processus qui a conduit à sa discussion par notre assemblée.

Qu'apporte-t-elle ? Des avancées notables pour les femmes, notamment la création d'une ordonnance de protection – dont le champ s'élargit aux femmes victimes d'un mariage forcé –, la reconnaissance d'un délit de violences psychologiques, de nouveaux droits pour les femmes étrangères – qui, je l'espère, seront maintenus au cours de notre débat –, l'inscription dans les missions de service public de France Télévisions de la lutte contre les préjugés sexistes et de la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes – objectifs également intégrés dans la formation des maîtres et les cours d'éducation civique –, des efforts de formation pour tous les acteurs et actrices concernés, l'obligation pour les bailleurs de réserver des logements aux femmes victimes de violences ainsi que de nouvelles mesures relatives à l'autorité parentale.

Peut-on faire mieux ? Oui, madame la ministre d'État, madame la secrétaire d'État. Il faut, pour cela, réintégrer dans le texte les trois articles qui en ont été ôtés en raison de leur irrecevabilité financière. Madame la ministre d'État, vous avez annoncé que le Gouvernement reprendrait les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle et aux mesures de formation, et je m'en félicite. Mais j'insiste sur la nécessité de reprendre également l'article visant à créer un observatoire scientifique des violences contre les femmes. Les observatoires existants, notamment celui de la Seine-Saint-Denis, ont effet prouvé leur très grande efficacité en matière d'information, de prévention et d'accompagnement.

Il est également possible d'enrichir ce texte dès aujourd'hui, en adoptant d'autres amendements. Je pense notamment à ceux visant à étendre le bénéfice de l'ordonnance aux femmes menacées d'agression sexuelle ou de violences par une personne vivant au même domicile, à préciser que la médiation pénale est interdite quand une femme dépose plainte pour des violences, à réserver des chambres dans les résidences universitaires aux étudiantes victimes de violences, ainsi qu'à renforcer les mesures en matière de logement que le juge peut prendre par ordonnance, laquelle doit intervenir dans les meilleurs délais et être prolongée si nécessaire jusqu'à l'issue des procédures civiles ou pénales engagées.

Ainsi, cette proposition de loi nous permettra de franchir une étape remarquable. Tous les acteurs et actrices de l'État auront dorénavant comme mission de prévenir et de combattre les violences exercées contre les femmes au prétexte de leur genre, de prévenir la société elle-même contre la pérennité de telles pratiques et de lui permettre ainsi de réaliser de nouvelles avancées.

En adoptant ce texte, nous définissons un cadre, des règles, mais la vigilance et la mobilisation ne doivent pas faiblir. Il faudra agir pour se doter de moyens réglementaires – afin, par exemple, d'étendre le bénéfice de la loi aux ressortissantes algériennes – et dégager les moyens financiers nécessaires. On voit en effet comment l'exceptionnelle loi sur l'IVG se heurte aujourd'hui aux coupes claires réalisées dans le budget de l'hôpital public et les subventions aux associations.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Pour que chaque femme puisse se saisir de cette loi, des mesures doivent être prises en termes d'information et d'accompagnement. Dans les quartiers, les entreprises, les lycées, partout nous avons besoin de mener, au-delà du 8 mars, avec le concours de l'État, des élus, des personnels concernés, des enseignants et des bénévoles associatifs, une véritable campagne autour du texte que nous allons adopter.

En adoptant cette loi, nous allons prendre un engagement envers les femmes, celui de la faire respecter : je propose de mettre en place pour cela un collectif de suivi et de vigilance, composé de parlementaires et d'associations féministes. Mais il faudra aussi lui apporter de prochains développements. Le chantier de l'égalité et celui de la lutte contre les violences sont en effet loin d'être terminés. Je pense notamment aux violences sur le lieu de travail ou à la lesbophobie, mais je pense aussi au chantier des représentations mentales stéréotypées nourrissant les inégalités, comme celles, encore persistantes, à l'égard des tâches domestiques, de la formation, de la carrière professionnelle ou des salaires.

Le travail que nous venons de mener me laisse espérer de nouveaux progrès. C'est avec la satisfaction d'avoir participé à une belle aventure féministe que je suis heureuse de pouvoir aujourd'hui – en espérant que nos débats vont encore l'enrichir – voter une loi dont les femmes sont les auteures. Pour elles et pour toute la société, je vous remercie. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Le Moal

Monsieur le président, madame la ministre d'État, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la discussion de la présente proposition de loi visant à renforcer la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes s'inscrit dans le cadre de la « grande cause nationale 2010 de la lutte contre les violences faites aux femmes », annoncée le 25 novembre 2009 par le Premier ministre. M. Fillon a ainsi déclaré que la lutte contre les violences faites aux femmes est « un combat de société, un combat universel ».

Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler quelques chiffres significatifs : 156 femmes sont mortes en 2008 sous les coups de leur compagnon, soit une femme tuée tous les deux jours et demi, et 675 000 femmes ont été victimes de violences lors des deux dernières années, soit de leur compagnon, soit d'un autre membre de la famille. Les violences faites aux femmes concernent près de 10 % des femmes, et un meurtre sur cinq est commis par un homme qui dirige sa violence contre sa compagne ou son ex-compagne. Derrière ces chiffres se cache la réalité de milliers de femmes brisées ainsi que de leurs enfants traumatisés par l'expérience directe ou indirecte de la violence.

Les parlementaires interpellés par les associations de défense ont décidé de réagir. Le groupe Nouveau Centre est particulièrement satisfait des avancées considérables et des améliorations figurant dans la présente proposition de loi. Tout d'abord, l'article 1er vise à créer une ordonnance de protection des victimes, permettant de protéger en urgence les femmes en danger, ainsi que celles menacées de mariage forcé ou de mutilations sexuelles. Cette ordonnance, qui interviendra avant même le dépôt de plainte, constitue une mesure phare de la loi et permettra d'organiser la protection et le relogement de la femme ayant décidé de quitter son mari ou conjoint violent.

D'autre part, l'article 3 précise la définition de l'intérêt de l'enfant. Les enfants, même s'ils ne sont pas également victimes de violences au sein de la famille, en sont les victimes indirectes. Témoins de la violence subie par leur mère, ils sont souvent perturbés et démarrent dans la vie avec une perception complètement faussée des rapports humains, amoureux ou filiaux. Il est donc important de protéger davantage les enfants, premiers témoins des violences conjugales. La proposition de loi prévoit, d'une part, que le droit de visite et d'hébergement de l'autre parent puisse être refusé ; d'autre part, que le droit de visite éventuellement autorisé par le juge puisse être encadré.

À ce stade de mon intervention, je souhaite, madame la ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, poser deux questions. Premièrement, dans ce séisme familial que l'ordonnance de protection des victimes tente d'apaiser, est-il acquis que la mère victime de violences conserve le droit de garder ses enfants ? Car c'est bien souvent par peur de voir les enfants retirés à leurs parents pour être placés que les femmes n'osent pas quitter un conjoint violent. Dans une telle hypothèse, la famille proche est-elle choisie prioritairement pour les accueillir ?

Deuxièmement, l'article 4 propose de retirer l'autorité parentale au parent ayant commis un meurtre sur la personne de l'autre parent. Il s'agit, certes, d'une avancée significative, mais cette mesure ne va pas assez loin. N'aurait-il pas été souhaitable de donner la possibilité au juge de retirer l'autorité parentale au parent ayant fait subir des violences à l'autre parent ?

Nous soutenons également l'initiative, prise par Mme Buffet en commission spéciale, d'ajouter un article additionnel après l'article 11, afin de renforcer la formation dispensée à l'école concernant l'égalité entre les hommes et les femmes et la lutte contre les préjugés sexistes. (Applaudissements sur tous les bancs.) C'est en inculquant dès le jeune âge la notion de l'égalité entre les hommes et les femmes que nous pourrons rompre les stéréotypes et établir de nouvelles relations entre hommes et femmes.

Nous saluons les propositions qui sont faites aux articles 5 et 6 en vue de renforcer la sécurité juridique des personnes étrangères. Aujourd'hui, le fait de quitter un mari violent équivaut le plus souvent, pour elles, à la perte d'un titre de séjour, d'un logement, ou de la garde des enfants. Enfin, l'article 17 introduit le délit de violence psychologique, violence qui peut avoir des répercussions gravissimes et irréversibles sur la santé des victimes. Bien entendu, nous sommes satisfaits de voir les coupables mieux sanctionnés.

En revanche, nous regrettons fortement que les articles 7, 11 et 15 aient été déclarés irrecevables en commission. L'article 7 ouvrait l'accès à l'aide juridictionnelle aux personnes étrangères bénéficiant d'une ordonnance de protection, qui se trouvent souvent dans l'impossibilité d'avoir accès aux informations légales sur leurs droits et de payer un avocat.

L'article 11 prévoyait une formation systématique des professionnels susceptibles d'entrer en contact avec des femmes ayant subi des violences au sein de leur couple. Il est pourtant indispensable qu'une formation approfondie et continue de ces professionnels soit donnée et qu'une mise en réseau de ces différents acteurs soit organisée.

Enfin, l'article 15 visait à créer un Observatoire national des violences faites aux femmes, qui aurait permis une meilleure prise en charge du problème en centralisant les différentes études faites sur le sujet. Nous considérons que la mise en application de ces trois articles est nécessaire à l'efficacité de la lutte contre les violences faites aux femmes. C'est pourquoi nous demandons au Gouvernement de les réintroduire par voie d'amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Le Moal

Par ailleurs, nous souhaitons insister sur deux aspects qui n'ont pas été – ou pas suffisamment – pris en compte par la présente proposition de loi. Nous regrettons tout d'abord que la réflexion n'ait pas été suffisamment étendue à la période qui suit la séparation de la femme de son conjoint violent. En dehors des mesures de relogement, il importe également de prendre des mesures d'accompagnement des femmes victimes de violences pour les aider à se reconstruire, à se réinsérer dans la vie et à restaurer leur autorité auprès de leurs enfants.

On peut également regretter que seules les femmes victimes de violences conjugales puissent bénéficier de l'ordonnance de protection. Ainsi, les femmes victimes de la traite humaine ou des formes d'esclavage moderne en seront exclues.

Comme l'a si bien souligné Danielle Bousquet, « les violences faites aux femmes sont un problème social et sociétal, auquel il convient d'apporter une réponse globale, coordonnée et accompagnée de moyens humains et financiers ». Donnons-nous ces moyens ! Notre pays, qui fut un précurseur dans la lutte pour le droit des femmes, ne peut tolérer plus longtemps cette réalité de tant de femmes détruites physiquement et psychologiquement !

C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre apporte son soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Monsieur le président, madame la ministre d'État, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet, je veux exprimer un regret : en dépit de l'obtention du label de grande cause nationale pour l'année 2010, de la gravité et de l'ampleur de notre sujet – nous venons d'apprendre que, cette nuit encore, à Celle-sur-Nièvre, un homme a étranglé sa femme avant de se pendre –, ce texte se trouve inscrit à l'ordre du jour un jeudi après-midi. Comme chacun le sait ici, ce moment de la semaine n'est pas le plus noble pour notre assemblée. Par ailleurs, ce jeudi est situé en période de vacances scolaires et en pleine campagne des élections régionales : on pouvait difficilement faire pire !

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Il s'agit pourtant d'un texte qui défend une valeur inscrite dans notre Constitution lors de la récente révision constitutionnelle, à savoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Je regrette de devoir préciser que tant de nos collègues, y compris de l'UMP, n'aient pu assister à ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Voici donc un texte sorti tout droit de l'observation de cette France de l'ombre, dans laquelle, bien loin des préoccupations d'égalité salariale ou de parité, de trop nombreuses femmes sont humiliées, violentées, tuées. Pour nous, ce texte ne doit pas être un texte de plus mais un outil opérationnel devant permettre de rompre, une fois pour toutes, la spirale de la violence.

Ce sujet nous a tout d'abord rassemblés, par-delà nos clivages politiques, dans un même élan en faveur des victimes. Le groupe UMP tient, à ce propos, à remercier Mme Bousquet et M. Geoffroy pour leur immense travail au sein de la commission spéciale et pour leur fervent engagement en faveur des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Chacune des mesures de cette proposition de loi puise ses fondements au coeur de situations concrètes et quotidiennes, dont nous avons su saisir, dans le cadre de la mission d'évaluation, puis au fil des nombreuses rencontres et auditions, la complexité et l'envergure. J'en veux pour preuve l'extension du dispositif de répression de ces violences aux conjoints pacsés, aux concubins et aux ex-conjoints, qui témoigne d'un ajustement aux évolutions sociologiques récentes.

On connaît le chiffre, maintes fois répété, d'une femme mourant sous les coups de son conjoint tous les deux jours. Ce que l'on sait moins, c'est que quatre femmes victimes sur cinq ne vont pas porter plainte au commissariat.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Ce sont donc quatre femmes victimes sur cinq qui souffrent en silence, isolées dans un enfer subi, mêlé de honte, de peur et de solitude. Cette proposition de loi comporte plusieurs mesures incitant les femmes à briser le silence en allant déposer plainte, notamment l'importante disposition visant à l'instauration de l'ordonnance de protection.

Octroyer à la femme la possibilité d'être protégée en amont de la plainte l'aide à libérer sa parole. En assurant la mise en place rapide de mesures aussi nécessaires que l'éviction du conjoint ou la stabilisation de la situation familiale, ce texte permet à la victime de se reconstruire.

À la crainte des représailles, que vient contrer l'ordonnance de protection, s'ajoute, pour la femme, celle d'être accusée de mensonge ou de manquer de preuves pour appuyer ses dénonciations. Que le mari porte plainte à son tour – ce qui arrive très fréquemment –, et commence alors le classique « parole contre parole ». La réduction du champ de la présomption de fausseté permet de faire exploser cette « barrière à l'aveu ». Difficilement franchissable pour une grande majorité des femmes victimes, cette barrière s'avère quasi insurmontable dès lors que la femme ne possède pas de papiers.

Je veux dire ici que nous nous réjouissons que l'engagement pris par le Président de la République lors du débat qu'il avait eu avec Ségolène Royal entre les deux tours de l'élection présidentielle soit tenu. En effet, Nicolas Sarkozy avait dit qu'il avait rencontré, par l'intermédiaire d'associations, des femmes qui étaient au bout du bout et il s'était engagé à leur donner des papiers, en liaison avec ces associations.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

N'est-ce pas plutôt Ségolène Royal qui avait dit cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Il est donc très important de constater que cet engagement de notre Président de la République est respecté dans le texte.

J'ai déposé seulement cinq amendements pour éviter, sur ce sujet, toute dérive ou tout abus, afin que cela ne se retourne pas contre les femmes sans papiers.

L'article 17 prévoit la création d'un délit sanctionnant les violences psychologiques. Cette disposition, audacieuse et novatrice, tire sa légitimité de ce qu'elle saisit le problème à sa source, car tout le monde sait que les violences psychologiques précèdent les coups. Il s'agit donc d'une mesure préventive contre le conjoint qui va devenir violent.

D'autres mesures viennent combler les vides juridiques existants ou réorienter l'action de la justice dans un sens plus juste. Il en va ainsi de la médiation pénale, qui s'est avérée en réalité contre-productive ; chacun sait que, dans le face-à-face avec le conjoint violent, la femme se sent en situation de totale infériorité et que c'est une épreuve très difficile pour elle.

La création d'un délit sanctionnant la violation de certaines obligations imposées dans le cadre du contrôle socio-judiciaire est aussi, à mon avis, une autre avancée indispensable.

Loin de s'en tenir aux violences conjugales, ce texte prévoit des mesures pour lutter contre les « violences de l'ailleurs », dites coutumières, comme le mariage forcé ou la polygamie. L'article 18, qui crée un délit de contrainte au mariage, permet, une fois de plus, d'identifier, de nommer cette pratique surannée et barbare et, de faisant, de lui donner une existence juridique opérationnelle. Il offre ainsi aux femmes concernées la possibilité de se prémunir contre ce qui est, de fait, un viol officialisé.

Réaliste et pragmatique, agissant tant en amont, pour prévenir, qu'en aval, pour sanctionner, ce texte tire donc les leçons de l'expérience pour aborder au mieux ces violences d'une nature toute particulière.

Toutefois, il ne saura apporter de résultat concret s'il n'est pas suivi, dans les semaines et les mois qui viennent, par une réelle mobilisation des différents services de l'État, d'une formation accrue des personnels policiers et médicaux, qui sont souvent les premiers à pouvoir détecter ces violences. Le texte doit également être accompagné de moyens financiers pour les bracelets électroniques, tant attendus, dont on parle beaucoup, et qui – l'Espagne l'a montré et, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, vous l'avez dit vous-mêmes – sont un élément très important. J'espère donc que vous obtiendrez des moyens financiers.

C'est à titre tout à fait personnel que je défendrai un certain nombre d'amendements visant à raccourcir les délais de la procédure de divorce lorsqu'il y a eu tentative d'homicide – car le divorce prend parfois deux ou trois ans –, à supprimer la période de conciliation ou encore à freiner la pratique de la polygamie dans notre pays.

Le groupe UMP remercie le Gouvernement d'avoir accepté le texte de notre commission, de ne pas avoir imposé son propre texte ; il votera avec enthousiasme et détermination les différentes dispositions de cette proposition de loi. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lesterlin

Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons a ceci de particulier qu'il aborde un mal de notre société trop longtemps resté tabou.

Il touche aux pulsions les plus méprisables de l'être – pour ce qui concerne les auteurs de violences –, mais aussi aux peurs, à la culpabilisation ou à la honte que peuvent ressentir les victimes elles-mêmes.

Pour être efficace aux côtés des autres acteurs que sont les travailleurs sociaux, les éducateurs, les médecins et les associations, la justice, madame la garde des sceaux, doit adapter son organisation et ses méthodes. Dans ces domaines, nous sommes conscients que tout ne relève pas de la loi : il en va aussi du règlement – en matière d'organisation judiciaire –, ainsi que de vos instructions, s'agissant des méthodes de travail des magistrats et des objectifs qu'ils doivent poursuivre.

Mais la loi doit fixer un cadre pour l'action. Si les modalités de l'organisation judiciaire relèvent essentiellement du règlement, ses principes – collégialité dans l'examen des situations, proximité du justiciable, réactivité – peuvent et même doivent découler de la loi.

Telle fut bien la position de votre anté-prédécesseur, au moins en ce qui concerne la collégialité, quand il proposa à la représentation nationale de regrouper la fonction d'instruction dans des pôles où la délibération devenait collégiale, suite aux conclusions unanimes de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau.

On sait malheureusement ce qu'il est advenu de ce projet après les déclarations du Président de la République et le calamiteux épisode de la carte judiciaire. Mais cela ne peut être pris comme prétexte pour ne pas retenir, dans le texte que nous examinons, les principes conjugués de collégialité, de proximité et de réactivité de la justice, afin d'apporter une réponse adaptée à la question des violences faites aux femmes.

Madame la garde des sceaux, lors de votre audition devant la commission spéciale, vous nous avez dit qu'il serait possible, comme je le suggérais, de créer des pôles spécialisés ou « pôles de la famille », mais, selon vous, seulement dans les grandes juridictions ayant à traiter suffisamment d'affaires de violences familiales. Vous indiquiez en revanche que, dans la majorité des cas, cela ne se justifierait pas et entraînerait « un éloignement géographique incompatible avec la gestion de ces situations, qui exige une certaine proximité. »

Mais il n'y a pas d'incompatibilité entre un minimum de spécialisation des magistrats désignés à cet effet, la collégialité systématique pour examiner ces affaires et la proximité indispensable des justiciables concernés. Il suffit de désigner dans chaque TGI – je veux parler de ceux que votre prédécesseur, Mme Dati, a daigné conserver – un magistrat du parquet, un juge aux affaires familiales et un juge des enfants qui devront systématiquement évoquer ensemble toute affaire de violence conjugale ayant fait l'objet d'une plainte ou d'un signalement auprès d'un service de police ou du procureur.

Mais, s'il y a bien un procureur dans chaque TGI, encore faut-il que tous les postes de juges aux affaires familiales ou de juges des enfants soient effectivement pourvus, ainsi que ceux de greffiers ! L'efficacité de la loi passe par un minimum de moyens.

Au sein de la mission d'évaluation, nous nous sommes donné la peine, comme l'a rappelé sa présidente, d'aller sur place, dans le ressort de plusieurs cours d'appel, et de consulter les acteurs. Nous avons constaté de grandes disparités d'une juridiction à l'autre. Pourquoi doit-on s'affranchir du mythe selon lequel il existe une incompatibilité entre spécialisation – ce qui ne signifie pas compétence exclusive – du juge et collégialité dans l'examen des situations de violence, entre proximité du justiciable et réactivité de la justice ?

Je vois trois raisons. D'abord, la disparité de traitement de ces affaires d'une juridiction à l'autre est considérable et dépend donc inévitablement de la sensibilité des acteurs.

Ensuite, sans collégialité, on n'est jamais à l'abri d'une erreur d'appréciation s'agissant d'une situation de violence si l'on s'en tient à la lecture d'une plainte, d'un signalement ou d'un rapport de police. Oui, en matière de violences faites aux femmes, comme dans d'autres domaines, beaucoup trop de plaintes sont encore classées sans suite.

Enfin, nous sommes justement face à un sujet tabou pour la société dont nous tous – y compris les magistrats – faisons partie. On s'est beaucoup interrogé, dans le cadre de la commission spéciale, pour savoir si un mari violent pouvait être un bon père. Mais s'est-on demandé s'il pouvait être un bon maire, un bon conseiller général ou un bon chef d'entreprise ? Ne sait-on pas que les violences familiales n'épargnent aucun milieu social, pas même les notables ?

Dans ce domaine tabou, il ne s'agit pas de stigmatiser les serviteurs de la justice qui ont prêté serment – nous en avons rencontré de remarquables. Mais il ne faut pas pour autant leur demander d'être totalement insensibles à toutes les influences de l'environnement social dans lequel ils vivent, ou encore de rester sourds aux sollicitations du pouvoir politique. Alors, pour éviter ces risques, il vaut mieux être trois que seul et, si possible, être indépendant.

La confrontation des points de vue, bien plus que le respect des instructions de la hiérarchie, permettra à la magistrature de contribuer à l'objectif que nous nous assignons tous : extirper de notre société ce mal odieux que sont les violences faites aux femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de voir ce texte arriver en séance après le chemin parcouru au sein de la mission d'évaluation puis de la commission spéciale.

Le bilan annuel des violences faites aux femmes reste inquiétant et terrifiant. Faut-il rappeler que plus d'un million de femmes sont victimes chaque année de violences physiques ou sexuelles, dont plus de la moitié ont lieu au sein de leur foyer ? À Paris, 60 % des appels nocturnes à Police-Secours concernent des violences conjugales. On estime que 48 000 femmes sont victimes de viol chaque année en France. Or seulement 8 % d'entre elles portent plainte. Chaque année – on l'a rappelé –, des femmes meurent sous les coups de leurs conjoints : 156 en 2008, 159 en 2009 et déjà au moins vingt pour les six premières semaines de 2010 ; sans compter celles qui, victimes de harcèlement moral, se retrouvent totalement déstructurées psychologiquement et en viennent parfois au suicide.

Ces violences ne sont pas tolérables. Les lois existantes avaient montré leurs limites ; il était temps de les améliorer. Afin d'en finir avec les demi-mesures, le Collectif national pour les droits des femmes avait proposé une loi-cadre qui, sans oublier l'aspect répressif, mettait très fortement l'accent sur le développement de la prévention et de la formation. Comme il a été rappelé, une proposition de loi reprenant ces dispositions a été déposée par le groupe GDR.

Je tiens à saluer le Collectif national des droits des femmes qui, par son combat acharné, et grâce à la pétition nationale qui a recueilli 16 000 signatures, a donné un signal fort. Celui-ci a été reçu par notre assemblée et par son président, qui a mis en place la mission d'évaluation. Sans cette mobilisation du Collectif et de notre assemblée, nous ne serions pas saisis aujourd'hui de cette proposition de loi. La mission, présidée par notre collègue Danielle Bousquet, et dont le rapporteur était Guy Geoffroy, a accompli – tout le monde le dit, sur tous les bancs, ce qui n'est pas si fréquent – un travail remarquable ; le texte qui nous est proposé est un texte de progrès.

Il crée l'ordonnance de protection permettant de protéger la femme victime de violences commises par son conjoint, partenaire de PACS, concubin ou « ex », même sans dépôt de plainte. Effectivement, de nombreuses femmes n'osent pas porter plainte, par peur ou par difficulté – il faut le reconnaître – à rompre le lien avec celui qui a été l'être aimé. L'ordonnance permettra donc d'organiser cette protection, ainsi que celle des enfants, s'il y en a, sous toutes les formes nécessaires.

L'introduction de la notion de violence psychologique, qui a fait débat, est aussi fondamentale, parce que ce type de violence est tout aussi destructeur et peut donc mener au suicide.

La médiation pénale ne peut être appliquée sans l'accord de la victime, mais, compte tenu de la fragilité des femmes dans de telles circonstances, nous aurions préféré que cette possibilité soit totalement écartée. C'est un point qui a fait débat au sein de la mission.

Je salue, par ailleurs, l'avancée consistant à ce que l'on puisse retirer dorénavant l'autorité parentale en cas de crime, ce qui a aussi fait débat ; ce n'était pas gagné d'avance.

Cette proposition répond également à la nécessité d'une coordination – vous l'avez dit, madame la garde des sceaux – entre la justice civile et la justice pénale. C'est un des manques actuels de notre droit, qui suscite d'ailleurs une grande incompréhension chez les victimes.

Plusieurs des mesures de protection concernent les femmes étrangères sans papiers. Victimes de violences, elles se trouvent dans des situations souvent dramatiques, coincées entre un conjoint violent et le risque de reconduite à la frontière, y compris sans leurs enfants. Aujourd'hui, ces femmes peuvent être expulsées ; nous l'avons vu récemment. À quelques jours du vote de cette proposition de loi, cela paraît d'ailleurs incompréhensible !

Des progrès importants sont obtenus aussi en ce qui concerne la question fondamentale du logement. Mais toutes ces avancées n'auront de sens que si les moyens sont à la hauteur – d'autres collègues l'ont dit avant moi –, et j'avoue que j'étais un peu inquiète ce matin en lisant l'interview accordée par Mme la secrétaire d'État à un quotidien du matin. Heureusement, Mme la garde des sceaux nous a rassurés sur au moins deux des trois articles qui avaient été déclarés irrecevables au nom de l'article 40 de la Constitution.

Le premier concerne la formation des intervenants auprès des femmes victimes de violence ; le deuxième, l'extension de l'aide juridictionnelle aux femmes étrangères sans papiers, puisque, justement, elles sont en situation de grande fragilité et, sans cette possibilité, elles ne pourraient pas faire valoir leurs droits devant la justice.

En revanche, madame la garde des sceaux, je dois dire ma déception et, je crois, celle de tous nos collègues, devant votre décision de ne pas reprendre la proposition de la mission, puis de la commission spéciale, de créer un observatoire national spécifique.

L'Europe mettra en oeuvre cette proposition, certains départements ont déjà agi ; nous avons, je crois, besoin d'un tel observatoire au niveau national. On ne peut pas compter sur l'Observatoire de la délinquance pour remplir toutes les missions qui seraient celles d'un observatoire dédié aux seules violences faites aux femmes. S'il n'est pas trop tard, j'aimerais donc insister à nouveau, moi aussi, au nom du groupe GDR, sur cette demande.

Au-delà des avancées de ce texte, tout dépendra des moyens. J'en appelle pour cela au Gouvernement. Nous avons la satisfaction de voir aboutir deux années de travail commun ; ce texte va vraiment améliorer notre droit – même s'il est possible que, dans les mois ou les années suivantes, d'autres améliorations apparaissent nécessaires. Mais nous espérons, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, que des moyens seront alloués pour que ce texte ne reste pas lettre morte mais s'applique réellement, et réponde aux problèmes vécus par les femmes victimes de violences. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

La question des violences nous ramène à deux interrogations fondamentales.

Comment aider chaque femme à dire non à la violence sous toutes ses formes, au nom de sa liberté, au nom de sa dignité, au nom de ses droits fondamentaux ?

Comment, d'autre part, faire progresser la culture de l'égalité au sein d'une société – même une société moderne comme la nôtre, et qui précisément pour cela doit être exemplaire ?

Cela a été dit unanimement à cette tribune : toute violence est illégitime, quelle que soit sa forme, sa nature ou son ampleur. Mais peut-être y a-t-il quelque chose de plus barbare encore dans la violence au domicile, cet endroit qui devrait être par nature protégé.

Nous avons tous à l'esprit ces visages tuméfiés, ces vies fracassées, ces destins terribles qui entraînent trop souvent des destins d'enfants. Nous avons tous en mémoire les cadres juridiques anciens de notre droit, de la loi salique au code Napoléon, qui ont assigné aux femmes un rôle de mineures dans la société, et qui les ont conduites à l'obéissance, voire à la résignation devant la souffrance.

Après d'autres progrès législatifs, madame la ministre d'État, madame la secrétaire d'État, la loi est plus que jamais dans son rôle lorsqu'elle protège, lorsqu'elle libère, lorsqu'elle modernise la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Je connais votre engagement à toutes deux, je connais l'engagement du Gouvernement et je connais l'engagement de la France pour faire valoir, sur notre territoire et dans le monde, ces principes fondamentaux que sont l'égalité et le respect de la personne humaine.

Cette proposition de loi est en tout point remarquable, et je voudrais en féliciter les auteurs, notamment Guy Geoffroy et Danielle Bousquet. Elle contient des avancées fortes.

L'ordonnance de protection apporte une réponse juridique et matérielle aux femmes qui décident de s'affranchir de la violence, et instaure, ce qui est très important, un statut de victime, seul moyen de franchir le premier seuil, celui de la reconstruction personnelle.

Il faut que nous nous donnions les moyens de réussir ; il faut mobiliser tous nos efforts pour que cette mesure soit appliquée sans attendre l'aggravation des violences dont nous connaissons tous le coût moral, humain, économique et social.

La reconnaissance et la prise en compte des violences psychologiques constituent une autre avancée importante. Le harcèlement moral, chacun le sait sur ces bancs, peut conduire à des comportements suicidaires. Il est donc indispensable d'identifier les causes, de sanctionner les auteurs et de faire que les médecins s'engagent fortement dans cette démarche – et ce d'autant plus que nous avions commencé, avec le conseil de l'Ordre des médecins, à travailler sur cette prise de responsabilité ; il serait souhaitable que les questions de violences soient mieux intégrées aux études de médecine.

J'exprime aussi ma satisfaction de voir élargie la saisine du CSA aux associations, et je rends un hommage tout particulier à toutes les associations qui ont accompagné ce mouvement de modernisation et de prise de conscience. Elles constituent un capital précieux, indispensable à l'application du droit.

Je voudrais insister sur ce point. Madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, les principes ne sont rien si les dispositions ne sont pas appliquées en réalité. L'accès au droit est probablement, ici et dans le monde, le vrai problème. Nous pouvons bien voter toutes les dispositions législatives, toutes les avancées possibles : si les femmes, dans la réalité quotidienne, ne sont pas informées, ne sont pas sensibilisées, n'ont pas les moyens de prendre conseil, d'une association ou d'un avocat, et d'engager une action en justice, cette loi, même exemplaire, restera lettre morte.

Nous devons aussi agir sur la transversalité des politiques publiques. Des mécanismes interministériels doivent être mis en place pour que l'égalité devienne un principe actif de l'ensemble des politiques publiques, et il serait utile d'intégrer la dimension du genre dans l'évaluation de leur impact. À cet égard, il est important que nous disposions de nouveaux indicateurs, de statistiques par sexe, afin de dresser un tableau de l'application réelle du droit dans la vie quotidienne.

Un effort très net dans le domaine de la sensibilisation doit être fait. Puisque nous avons la chance d'avoir signé un certain nombre d'accords internationaux sur ces questions, comme par exemple la convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, nous devons renforcer la diffusion de l'information sur ces questions : je pense aux maisons du droit, aux services de proximité, aux associations. Grâce à l'usage des nouvelles technologies, nous devons rendre tout à fait performante l'information sur nos dispositifs juridiques.

Les forces de police et de gendarmerie, l'ordre des avocats, l'ensemble du monde judiciaire sont d'ores et déjà mobilisés. Je n'y reviens pas, sauf pour rappeler qu'une instruction pénale prise il y a quelques années avait considérablement aidé à la prise de conscience et à l'engagement collectif des acteurs concernés.

Trop souvent, les principes ne suffisent pas ; nous devons absolument faire en sorte que ces dispositions prennent toute leur place dans la réalité quotidienne des femmes concernées.

Je voudrais enfin m'arrêter sur un point abordé à cette tribune il y a un instant : la question des femmes migrantes. Trop souvent isolées physiquement et moralement, parfois privées de leurs papiers d'identité, elles sont parfois dans une impasse. Le texte prévoit que les femmes victimes de violences bénéficieront d'une autorisation de séjour : c'est heureusement une pratique déjà répandue, et je m'en suis toujours félicitée.

Mais il faut envisager cette question des femmes migrantes dans sa globalité. Il y a beaucoup à faire pour l'accès au droit, à l'apprentissage du français, à l'information. Il y a aussi beaucoup à faire sur une question qui aurait pu figurer dans la loi, même si elle échappe au champ strict des violences familiales : celle de la traite, du trafic des êtres humains. C'est un sujet considérable, c'est un fléau qui frappe la France et qui appelle une triple intervention, nationale – puisqu'il faut prendre en compte ces victimes, les aider à se réinsérer socialement et psychologiquement, et les aider éventuellement à rentrer dans leur pays avec des garanties et des solutions –, européenne, internationale. Je crois utile de suggérer une réflexion approfondie sur ce point.

Je voudrais préciser que le comité des Nations unies en charge de la lutte contre toutes les formes de discrimination envers les femmes tiendra à Paris, dans quelques semaines, une réunion exceptionnelle.

Ce que nous faisons aujourd'hui pour la France, nous le faisons aussi pour le reste du monde : l'Europe est, pour les femmes qui se battent partout dans le monde pour leur vie et leur survie, une référence et une espérance.

Permettez-moi, en m'éloignant un peu de notre sujet du jour, madame la secrétaire d'État, de demander que le Gouvernement français fasse tous les efforts possibles pour que la reconstruction des pays comme Haïti ou l'Afghanistan se fasse non seulement pour les femmes, au bénéfice des femmes, mais aussi avec elles. Je soutiens donc les initiatives prises en ce sens, notamment celles de Françoise Hostalier.

C'est un message d'espoir que la France doit porter ; elle est en mesure de le porter, et c'est le moment de le faire. C'est dans ces pays, et c'est partout dans le monde, qu'il faut rappeler qu'il n'y a ni démocratie, ni développement durable, ni, devrais-je dire, d'humanité possible tant que les femmes restent les premières victimes des souffrances, des conflits et des violences. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Tout juste élue, j'ai reçu à ma permanence une jeune femme qui poursuivait des études de médecine en Algérie lorsqu'elle a rencontré un jeune Français. C'est le coup de foudre, le mariage, l'immigration – et le début du cauchemar : on lui interdit de travailler et d'étudier ; elle est privée de ses papiers, pratiquement séquestrée ; elle subit des humiliations quotidiennes, comme la confiscation de vêtements ou de produits de beauté, et la pression d'une belle-mère qui menace de la dénoncer si elle ne se comporte pas en épouse modèle, c'est-à-dire en esclave domestique totalement soumise au fils. Elle a demandé le divorce après dix-huit mois de cauchemar, et elle a finalement été expulsée de France.

La proposition de loi que nous étudions aurait-elle permis d'écrire une autre fin à cette histoire ? Je veux le croire, et saluer la prise en compte en commission d'un grand nombre de nos amendements. Ce texte met fin à l'arbitraire administratif en liant le renouvellement d'un titre de séjour aux décisions de justice, y compris préventives comme l'ordonnance de protection ; il reconnaît des droits indépendamment de la personnalité de l'auteur des faits au sein de la famille, et précise – c'est important – que la violence peut être psychologique.

Mais cette violence est inhérente à l'inégalité qui existe, au sein du couple, entre celui qui jouit de droits acquis, et celle qui n'a de droits qu'au travers de l'autre. Lorsque l'on recherche sa future femme sur un site internet camerounais, dans une agence de rencontre ukrainienne ou parmi des cousines marocaines, le couple se fonde sur un lien de soumission dont notre politique d'immigration se fait complice, en permettant pour ainsi dire une répudiation au bon vouloir du Français ou du résident. Indépendamment du sentiment amoureux, qui peut survenir et qui existe le plus souvent, car les cas dont nous parlons sont heureusement marginaux, l'inégalité statutaire entre les époux, justifiée par la seule suspicion que tout mariage est potentiellement blanc, est la cause de nombreuses violences subies, tues, et intériorisées.

Madame la secrétaire d'État, on ne peut pas stigmatiser continuellement l'étranger, toujours suspect de détourner les lois pour immigrer clandestinement, on ne peut pas limiter sans cesse ses droits, toujours suspects de créer des appels d'air, et se contenter de mesures correctrices. Vous comprendrez dans ces conditions que je sois particulièrement inquiète des annonces de M. Besson sur la réforme de l'asile.

Les oubliées de ce texte, en effet, ce sont les femmes qui, victimes de violences à l'étranger, sont venues en France et demandent aujourd'hui notre protection. Je le regrette.

Nous avons tous reçu ces femmes venues d'ex-Yougoslavie ou de la région des grands lacs africains, qui racontent les violences sexuelles dont elles ont été victimes, violences qui sont d'autant plus difficiles à établir qu'elles sont le fait d'autorités locales ou militaires. Et nous savons tous combien il est aujourd'hui compliqué pour elles d'obtenir des papiers.

Je veux rappeler ici que si l'on peut venir en France et dire : « Je suis persécuté parce que je suis noir, jaune, juif, chrétien, musulman, de gauche, ou de droite, et je demande la protection de la France », on ne peut toujours pas dire : « Je suis persécutée parce que je suis une femme et je demande la protection de la France ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

C'est pourquoi j'ai déposé, avec ma collègue George Pau-Langevin, un amendement, qui, certes, ne va pas aussi loin que la promesse du candidat Sarkozy de donner la nationalité française à toutes les femmes battues dans le monde, mais qui vous invitera à respecter nos engagements européens et à transcrire une disposition « oubliée » d'une directive européenne de 2004 qui reconnaît le motif sexiste de persécution, conformément d'ailleurs aux recommandations du HCR. Malheureusement, cet amendement a été repoussé tout à l'heure en commission. Je le regrette d'autant plus que cette reconnaissance apparaît nécessaire pour la compréhension et la prise en charge des violences de genre par les agents de la PAF, qui enregistrent les témoignages, ainsi que par les administrateurs de l'OFPRA, qui reçoivent les femmes. Je veux simplement rappeler que le Mali, le Sénégal, le Bénin ou la Tanzanie, qui sont sur la liste des « pays d'origine sûrs », sont aussi en tête du classement de l'INED pour l'excision.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

C'est bien de dire que l'on veut légiférer contre les mutilations génitales ou contre les mariages forcés, mais ce serait peut-être encore mieux de conduire une politique qui ne vise pas à faciliter l'expulsion de femmes vers les pays qui pratiquent massivement de tels gestes. Je ne vous cache pas, madame la secrétaire d'État, et j'en terminerai là, que j'attends du Gouvernement qu'il prenne aujourd'hui des engagements envers toutes ces femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je voudrais tout d'abord souligner, comme d'autres collègues l'ont fait précédemment, l'excellent travail collectif qui a permis d'aboutir à cette proposition de loi et, je l'espère, à un texte final qui sera rapidement mis en application.

En effet, à l'heure où les politiques sont si souvent décriés, voire brocardés, c'est la seconde fois en peu de temps que j'ai l'honneur et le plaisir de participer à l'élaboration d'un texte important pour nos concitoyens dans un magnifique consensus et marqué avant tout par la volonté de l'efficacité. L'autre texte que j'ai en mémoire est celui sur le service civique, qui a été voté à l'unanimité au Sénat et, récemment, à l'unanimité moins une seule voix dans notre assemblée. J'espère que le texte que nous examinons aujourd'hui connaîtra le même parcours.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Il y a aussi la clause de l'Européenne la plus favorisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Cette proposition de loi inspirée d'une nécessité dénoncée par les associations de défense des femmes, issue des travaux d'une mission parlementaire présidée par Danielle Bousquet pour le groupe socialiste et dont le rapporteur était Guy Geoffroy pour l'UMP, et soutenue par le Gouvernement à travers votre engagement, madame la secrétaire d'État, est, je crois, un très bel exemple du travail efficace de notre assemblée lorsque chacun s'inscrit avant tout dans la perspective de l'intérêt général.

En lisant certains passages des auditions du rapport, en prenant connaissance de certains témoignages de victimes ou des forces de l'ordre, on est stupéfaits de voir que, dans notre pays, malgré les lois, les structures de prévention et de protection, le niveau d'instruction de la population, les moyens de communication, il existe encore autant de femmes battues, maltraitées, humiliées, voire tuées, autant de souffrances que l'on ne découvre parfois qu'au moment du drame final.

Des avancées importantes avaient été réalisées à travers la loi du 4 avril 2006 et grâce aux actions successives, que je veux saluer ici, de Nicole Ameline et de Catherine Vautrin. Mais, si de nombreux outils existent, ils sont soit mal connus, soit mal adaptés aux réalités ou mal adaptés entre eux, ce qui les rend non opérationnels.

L'objet principal de cette proposition de loi est justement de permettre une meilleure prise en compte des dispositifs de prévention et de protection existants et de renforcer certaines mesures révélées par des faits comme la difficulté pour les femmes de porter plainte ou simplement même de qualifier leur statut de victime.

Je ne reviendrai pas sur tous les aspects positifs de ce texte, qui seront, je l'espère, encore améliorés par des amendements, je voudrais simplement préciser les deux objectifs que je vise à travers les quelques amendements que j'ai souhaité déposer : d'une part, permettre aux femmes en difficulté de s'appuyer davantage sur les associations pour que celles-ci puissent les assister et les représenter en cas de besoin – et je voudrais saluer ici le travail irremplaçable des associations à ce niveau –, d'autre part, défendre davantage les femmes victimes d'actes que l'on peut qualifier de barbares que sont les mutilations sexuelles ou les mariages forcés.

Il faut avoir conscience que le mélange des cultures sur notre territoire, qui est de mon point de vue une richesse pour chacun, confronte parfois nos règles de vie avec des coutumes réelles ou supposées que veulent appliquer certains de nos concitoyens ou certaines personnes étrangères résidant en France. Il est nécessaire d'adapter notre législation à ces comportements qui sont des atteintes graves à l'intégrité physique ou morale des femmes, à leur dignité ou à leur liberté.

C'est le cas par exemple de l'excision, toujours commise en France, malgré l'interdiction formelle et sa classification comme crime, ou qui concerne des femmes mutilées à l'étranger mais vivant en France. Cette mutilation est désormais interdite dans la quasi-totalité des pays d'Afrique. Mais force est de constater que, bien souvent, elle est pratiquée en France ou à l'étranger sur des petites filles françaises par des familles ignorant les lois de leur pays d'origine ou croyant ainsi marquer leur identité communautaire ou communautariste.

Il faut donc renforcer la protection des filles et des femmes mais aussi mettre en place des instances d'information et de détection des risques. Et je salue ici l'initiative du docteur Richard Matis et de la psychologue Julie Quiquempois qui, dans le Nord, ont créé le Centre régional d'accueil et de prise en charge des mutilations sexuelles féminines où sont accueillies et aidées des femmes qui ont subi ces violences.

Mais il faut aussi informer à la fois les médecins, les infirmières scolaires, les éducateurs, et le grand public de ce phénomène et des peines encourues pour ceux qui pratiquent ou facilitent ces mutilations.

Il en est de même des mariages forcés, même si l'on peut penser que l'éducation et l'information seront la meilleure protection contre ces pratiques, d'où la nécessité que l'éducation nationale et tous les acteurs périphériques à l'éducation d'un jeune soient sensibilisés et mobilisés sur ce thème. C'est l'objet des quelques amendements que je défendrai. J'espère, madame la secrétaire d'État, que ce message et cette demande seront entendus.

Je pense que ce texte permettra de doter notre arsenal législatif de moyens nouveaux, essentiellement pour coordonner ce qui existe déjà, et d'aider tous les acteurs – associations, forces de l'ordre, justice, administration – à mieux prendre en compte ce drame qu'est la violence faite aux femmes.

Pour conclure, je voudrais dire que j'appuie fortement la demande de création d'un observatoire national des violences faites aux femmes, qui sera un outil d'évaluation et de proposition pour faire en sorte d'éradiquer toutes ces pratiques dégradantes pour celles qui les subissent mais également pour ceux qui les commettent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Boulestin

Madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'adoption quasi unanime voici quelques jours par l'Assemblée nationale de la proposition de résolution sur l'amélioration des droits des femmes en France et en Europe constitue une avancée fondamentale pour la cause des femmes. Il fallait, sans attendre, lui donner corps : c'est le sens de cette première proposition de loi renforçant « la protection des victimes, la prévention et la répression » des violences faites aux femmes.

En effet, la violence contre les femmes, sous toutes ses formes, est un obstacle majeur à l'égalité entre les hommes et les femmes et elle constitue une des violations des droits humains les plus répandues, au-delà des barrières, géographiques, économiques, culturelles ou sociales.

Plusieurs dispositions phares de la proposition de loi que nous défendons s'inscrivent dans la volonté politique forte d'élaborer un dispositif global et coordonné comprenant des mesures de niveau normatif différent.

La première d'entre elles, l'ordonnance de protection, constitue la mesure pivot de cette proposition. Elle permettra à la victime de posséder un « statut » pour être en mesure d'entamer les poursuites appropriées. Elle concernera, notamment, nous l'espérons tous, les femmes violentées au sein de leur famille, les femmes menacées de mariage forcé ou de mutilation sexuelle, et permettra d'éviter de nombreux drames, comme ceux que nous avons connus ces jours derniers. De même, l'article 4, relatif aux droits des enfants, introduit dans le code civil un nouveau cas de retrait de l'autorité parentale que nous appelons de nos voeux.

D'autres dispositions, qui ne sont pas de nature législative, relèvent, en particulier, de la capacité à mobiliser, en tout point du territoire, l'ensemble des personnes alertées ou devant prendre en charge les femmes victimes de violences psychologiques ou physiques. Il est en effet indispensable au regard de l'évolution de la société, cela vient d'être dit par Mme la garde des sceaux, qui s'est engagée à agir en ce sens, que des formations initiales et continues soient organisées à l'intention de tous les professionnels confrontés à ces problématiques : policiers, gendarmes, magistrats, responsables associatifs, et bien d'autres, afin que des référents soient clairement identifiés au sein des différentes structures d'accueil. C'était le sens de l'article 11, qui a été déclaré irrecevable.

Dans le même ordre d'idée, il est tout aussi indispensable de lutter contre l'incitation aux violences faites aux femmes, cela nous renvoie aux articles 13 et 14.

Enfin, si un arsenal juridique important existe déjà, par exemple la loi de 2006 qui reconnaît le « viol conjugal », de nouvelles dispositions viennent le compléter : la prise en compte des violences psychologiques susceptibles de porter atteinte aux droits ou à la dignité de la personne humaine ; la contrainte au mariage telle que définie par l'article 18, ou encore l'harmonisation de la définition de harcèlement sexuel, prévue par l'article 19. Toutes ces mesures constitueront désormais une base juridique claire.

Toutefois, mesdames et messieurs les députés, je souhaiterais, pour finir, attirer votre attention sur le fait que la crise financière et sociale que traversent actuellement la France et l'Europe a et aura des conséquences directes sur la situation des femmes, non seulement sur le marché de l'emploi mais également dans leur vie privée. Nous devons donc tout faire pour veiller à ce que cette crise économique et financière n'entraîne pas de restrictions, en particulier, madame la secrétaire d'État, pour les prestations sociales et dans les services sociaux. Peut-être faudra-t-il procéder, dans les années à venir, à des études d'impact en fonction du sexe, avant de mettre en oeuvre toute politique d'austérité budgétaire, afin d'éviter que les femmes et les enfants ne soient touchés de façon injuste.

Guidés par un idéal d'égalité réelle, nous nous félicitons de porter ensemble un projet ambitieux, débarrassé des stéréotypes sexistes les plus malsains, pour faire entrer dans l'imaginaire collectif, dont celui des jeunes générations, que les hommes et les femmes ont tout à gagner dans une société plus égalitaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Je voudrais tout d'abord, monsieur le rapporteur, vous dire quel plaisir j'ai eu à travailler à vos côtés et combien, auprès de vous, auprès de mes collègues, j'ai appris, tout au long de cette mission. Avec l'ensemble de mes collègues, je me réjouis que nos travaux aient pu aboutir à une proposition présentée par les trente membres de la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes.

En cette année 2010, la lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée grande cause nationale. À l'heure où nous nous battons encore pour l'égalité entre hommes et femmes, il ne faut pas cesser d'être vigilants, il faut continuer de protéger les femmes victimes de violences.

Je me réjouis également de l'adoption par notre assemblée, il y a quelques jours, de la proposition de loi sur l'amélioration des droits des femmes en France et en Europe.

En décembre 2008, M. le Président de l'Assemblée nationale a décidé la création d'une mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Durant une année entière, nous avons rencontré et écouté des associations, des médecins, des avocats, des juges, des représentants des forces de l'ordre. Nous avons auditionné les auteurs du rapport d'évaluation du plan global 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes.

Au-delà de l'émotion et de la gravité des auditions, j'ai été particulièrement touché par le silence très lourd qui règne autour de ce problème et les formes très différentes qu'il revêt.

En France, aujourd'hui, en 2010, une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les deux jours et demi. Les violences ne s'exercent pas simplement au sein du couple, elles existent malheureusement au travail. Les violences ne prennent pas simplement la forme de l'agression physique, elles sont aussi psychologiques, et leurs conséquences, nous l'avons vu lors de nos auditions, sont considérables pour les victimes, mais aussi pour leur entourage, en particulier pour les enfants qui en sont parfois les témoins.

En 2007-2008, plus d'un million de femmes ont subi au moins un acte de violence physique ou sexuelle, plus de 130 000 ont été victimes de violences sexuelles, près de 150 000 ont subi un viol ou un rapport sexuel forcé et 9 % des femmes de 18 à 34 ans ont subi au moins un acte de violence physique ou sexuel.

Sur le lieu de travail, ce sont 43,6 % des femmes qui sont exposées à des agressions verbales, des injures, des menaces.

Ces chiffres font froid dans le dos, et nous avons pu constater que, malheureusement, ils ne cessent d'augmenter. Le plus choquant est, cependant, le silence qui règne autour de ces violences. Les chiffres de la justice ne nous apportent des éclaircissements sur les raisons de ces violences qu'au travers du prisme des infractions réellement commises qui ont débouché sur une plainte puis sur une condamnation.

Les violences commises par le conjoint constituent l'une des infractions les moins souvent dénoncées, avec seulement 8 % de taux de plainte. Cela signifie surtout, comme nous l'avons souligné dans notre rapport, que 92 % des infractions sont impunies.

S'agissant du dramatique fait divers qui a eu lieu tout récemment à Créteil, il apparaît que la jeune femme tuée par son ex-conjoint avait signalé à plusieurs reprises les menaces qui pesaient sur elle. Aujourd'hui, une femme est morte, et un enfant de dix-huit mois n'a plus de maman.

Derrière les chiffres, se cachent des femmes dans une véritable souffrance. La vie de beaucoup d'entre elles est brisée, et leur reconstruction psychologique constitue un travail considérable.

Il est donc urgent d'agir. Il s'agit de marquer clairement la condamnation solennelle des violences faites aux femmes en tant qu'atteintes à la dignité de la personne humaine.

Après les constats que je viens d'énumérer, nous avons souhaité, dans un premier temps, améliorer la protection des femmes victimes de violences – quelle que soit la nature de ces dernières – et faciliter leur accès au droit, puis renforcer la prévention des violences faites aux femmes et, enfin, accentuer la répression des auteurs de violences faites aux femmes, en précisant certaines procédures et certains délits et en créant de nouvelles incriminations.

C'est donc l'ensemble des paramètres de ce fléau des violences faites aux femmes qui est pris en considération, un accent particulier étant mis sur la protection et l'accès au droit, notamment par l'article 2 du chapitre premier, qui crée un nouveau délit sanctionnant la violation de certaines obligations imposées dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'une ordonnance de protection des victimes.

Il s'agit de prendre en compte toutes les formes de violences faites aux femmes – à la maison, dans la rue, au travail – et de créer, développer et centraliser les dispositifs de prévention, de protection, de répression, de soutien, solidarité et de recours judiciaires afin de les rendre visibles, efficaces et opérants.

C'est par une prise en compte globale et politique de toutes les formes de violences sexistes et par des mesures très concrètes portant, enfin, sur la prévention, l'éducation, la protection, etc., que nous pourrons agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

La proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui est historique.

Elle est historique car c'est l'aboutissement d'un long travail de la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Par-delà nos divergences politiques, la mission a pu effectuer un travail de qualité et formuler des propositions concrètes qui trouvent leur traduction législative dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

Je veux saluer l'excellent travail accompli par la commission, sa présidente Danielle Bousquet, son rapporteur Guy Geoffroy et les trente députés qui ont participé à la mission.

Oui, mes chers collègues, la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes ne sont ni de droite ni de gauche, c'est une cause d'envergure nationale qui concerne malheureusement les femmes qu'elles votent à droite ou à gauche, qu'elles vivent en milieu urbain ou rural, qu'elles aient vingt ans ou cinquante ans, et ce quel que soit le milieu social dans lequel elles évoluent.

Historique, cette proposition de loi l'est aussi par les dispositions qu'elle contient.

Sur les vingt et un articles du texte, je souhaite en évoquer plus précisément quatre. Il n'est effectivement pas nécessaire de répéter des propos sur lesquels nous sommes tous d'accord.

Les articles 3 et 4 se préoccupent des enfants. Les enfants sont les adultes de demain. S'ils ont vécu des situations familiales violentes, s'ils ont vu leur père battre leur mère et s'ils ne sont pas accompagnés et protégés, ils risquent de reproduire le même schéma familial une fois adultes. Il faut à tout prix éviter que leur conception des rapports entre hommes et femmes s'inscrive dans la violence.

L'article 3 donne une place prioritaire à l'intérêt de l'enfant. La commission spéciale l'a défini comme « la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits et la garantie de sa protection. »

Toujours dans l'intérêt de l'enfant, l'article 4 introduit dans le code civil un nouveau cas de retrait de l'autorité parentale : lorsque le parent aura commis un meurtre sur la personne de l'autre parent.

Au-delà du texte, il faudra bien que notre société s'interroge non seulement sur ce que l'enfant peut voir ou entendre au sein du couple mais aussi – il y va de notre responsabilité collective – de ce qu'il peut voir et entendre au travers du prisme des médias, avec la banalisation de l'information sur la violence et une présence toujours plus sensible de la violence dans notre quotidien.

L'article 11 prévoit, quant à lui, une formation systématique des professionnels susceptibles d'avoir à traiter de situations de violences au sein du couple.

L'approche de celles-ci est subtile et délicate : la femme battue a aimé son conjoint, elle restera dans le déni de sa situation et dans l'espoir que la violence fasse à nouveau place à l'amour, et, c'est malheureusement un comble, le conjoint justifie souvent la violence comme une preuve d'amour et culpabilise sa femme.

Permettez-moi d'évoquer enfin l'article 17 qui introduit la notion de violences psychologiques dans le Code pénal.

En 2002, le Parlement a adopté une définition du harcèlement moral dans le monde du travail. Il s'agit aujourd'hui de s'inspirer de cette définition afin de créer un délit de violences psychologiques au sein du couple.

Actuellement, cette infraction n'existe pas, alors même que les violences psychologiques sont particulièrement répandues. Selon l'enquête nationale réalisée en 2000, environ 8 % des femmes interrogées étaient en situation de harcèlement psychologique.

Le harcèlement se caractérise comme une succession de comportements, qui peuvent sembler de prime abord insignifiants, mais dont l'accumulation entraîne des dégradations importantes des conditions de vie de la victime. Aucun de ces gestes, aucune de ces paroles ne serait susceptible de constituer à lui seul, ou à elle seule, une violence au sens du code pénal. La notion de violence n'est donc pas suffisante pour sanctionner les situations de harcèlement psychologique au sein du couple.

L'article 17 remédie à ce vide juridique en prévoyant que trois éléments seront nécessaires pour caractériser l'infraction : des actes répétés, une dégradation consécutive des conditions de vie, cette dégradation portant atteinte aux droits et à la dignité de la victime ou entraînant une altération de sa santé physique ou mentale.

Ces moyens supplémentaires pour lutter contre les violences faites aux femmes sont indispensables.

Je suis fière de participer à cet élan de solidarité des élus de la Nation envers les femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Le début de mon mandat de député en juin 2007 a été marqué par un fait divers tragique. Une jeune femme, professeure de lycée professionnel, après s'être décidée à dénoncer son mari très violent et à se séparer de lui, a été assassinée en pleine rue par lui, qui devait répondre à une convocation de la justice le soir même.

La semaine dernière, une jeune mère de famille est venue plusieurs fois au commissariat de sa commune, car elle se sentait menacée. Elle n'a pas été écoutée comme elle aurait dû l'être, et est morte sous les coups de celui dont elle était séparée.

Entre ces deux dates, plus de 300 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint.

Les violences conjugales sont une des principales causes de la mortalité des femmes. Elles représentent 20 % des homicides en France.

Cette situation est dramatique.

Nous devons rechercher les réponses les plus efficaces, les plus sûres, les plus rapides pour réduire ce fléau. C'est la mission que nous nous sommes donnés sous la présidence de Danielle Bousquet et avec Guy Geoffroy, que je remercie à mon tour.

Après de nombreuses auditions et visites, il ressort que l'augmentation et la diversité des formes de violences requièrent des réponses complexes.

Il faut sans doute compléter l'arsenal juridique, et c'est l'objet du texte que nous examinons en voulant obtenir des résultats.

Il faut surtout mettre en place un dispositif global et cohérent, un dispositif cadre, qui coordonne toutes les politiques de prévention et de lutte contre les violences, d'accompagnement des victimes, y compris les enfants, et de soins des auteurs de violences – c'est la proposition qui conclut notre rapport –, un dispositif qui s'applique sur l'ensemble du territoire avec la même efficacité.

Cependant, pour bien agir, il faut d'abord – je voudrais insister sur ce point – prendre la mesure de la gravité des faits. Il faut connaître très exactement l'ampleur et l'évolution du phénomène.

En 1995, à Pékin, la conférence internationale des femmes avait encouragé les États à mieux mesurer les violences liées au sexe. En 2000, le secrétariat aux droits des femmes a réalisé la première et seule enquête exhaustive, l'enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France. Par son ampleur – 6 970 femmes âgées de 20 à 59 ans ont été interrogées – et par sa méthodologie très adaptée et approfondie, cette enquête fut un jalon important. C'est encore celle qui nourrit aujourd'hui le débat public

Deux chiffres, que nous répétons tous, avaient frappé l'opinion : 10 % des femmes sont victimes de violences au sein du couple ; une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. Aujourd'hui, c'est malheureusement tous les deux jours et demi qu'une femme meurt sous les coups de son conjoint.

Personne n'imaginait l'ampleur, la gravité, et la diffusion du phénomène. Les femmes de tout âge, tout milieu, tout territoire et toutes origines sont concernées, les femmes migrantes étant victimes d'une sorte de double peine.

Ce fut un révélateur d'une violence de masse, d'une violence quotidienne dans le huis clos du conjugal – le domicile est plus dangereux pour les femmes que l'espace public – d'une violence non dite, aux formes variées, d'une violence physique dont les femmes sont les premières victimes.

Depuis, ces chiffres sont en augmentation : plus 20 % de femmes victimes de violences, entre 2006 et 2007, avec, semble-t-il, une stabilisation en 2008.

C'est une violence qu'il est nécessaire de bien connaître pour bien la combattre. Malheureusement, cette enquête d'envergure reste unique, et cela fragilise les données sur lesquelles nous travaillons.

Actuellement, nous disposons de trois sources d'information régulières mais incomplètes : les enquêtes de victimisation conduites par l'Observatoire national de la délinquance – celle de 2007 comporte un volet sur les violences intrafamiliales ; les données de la Délégation aux victimes, qui publie chaque année, depuis 2006, une étude nationale des décès au sein des couples ; les statistiques judiciaires, qui livrent le nombre de condamnations.

Toutefois, il y a un écart entre le réel connu et le réel vécu, selon M. Saliez de l'OND. Ces sources ne permettent de comptabiliser et d'étudier que les faits portés à la connaissance des autorités. Or le taux de plainte contre un conjoint violent est très faible : de 8 à 9 %, c'est le taux le plus faible de toutes les infractions. Cela signifie que 91 % des affaires restent impunies.

En 2000, l'enquête nationale sur les violences faites aux femmes constatait déjà que 45 % des femmes qui évoquaient une situation de violence conjugale en parlaient pour la première fois. L'incapacité à recenser les violences au sein du couple contribue à la difficulté d'appréhender l'ampleur et l'évolution du phénomène et, par suite, l'efficacité des interventions publiques, comme le soulignait déjà en 2004 le guide de l'action publique.

Dix ans après, madame la ministre, il est urgent qu'une nouvelle enquête de même ampleur soit diligentée pour connaître un phénomène qui touche 1,3 million de femmes ; pour connaître les évolutions de la société ; pour identifier toutes les formes de violences subies par les femmes, y compris celles de l'immigration, dans l'espace privé, public et au travail ; pour évaluer les conséquences économiques et sociales de ces violences physiques et psychiques – ces femmes victimes perdraient un à quatre ans de vie en bonne santé.

Si quelques phénomènes sont mieux connus aujourd'hui – coût des violences, mutilations sexuelles ou nombre de décès au sein du couple –, des chantiers majeurs demeurent. L'élaboration d'indicateurs et la création de statistiques sexuées sont indispensables. Disposer de données quantitatives et qualitatives est un préalable à toute action. Le vice-procureur d'Albi, lors de son audition, nous a déclaré : « Respecter les femmes battues, c'est faire des enquêtes ».

C'est pourquoi, en conclusion, madame la ministre, nous vous demandons la création d'un Observatoire national spécifique – non pas général, comme l'a dit Mme Alliot-Marie – chargé de coordonner la collecte de données sexuées et d'organiser des enquêtes sur les violences faites aux femmes. Amnesty International vient de nous adresser son rapport selon lequel, en matière de violences faites aux femmes, « la France doit mieux faire ». Alors, tous ensemble, avançons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Martine Martinel, dernière oratrice inscrite.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission spéciale, mes chers collègues, parler des violences faites aux femmes, parler de ce qui les nourrit c'est, à un moment ou à un autre, inévitablement, parler d'éducation dans la famille et à l'école. S'il nous est impossible d'intervenir dans la sphère privée, il nous revient légitimement de le faire dans le domaine scolaire.

Il est urgent que la notion d'égalité des sexes soit un objet d'étude dans les programmes scolaires. Je suis heureuse, à ce propos, que la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui ait été enrichie en commission par un amendement de Mme Buffet à tendant compléter l'enseignement d'éducation civique délivré à nos enfants par un enseignement relatif à l'égalité entre les sexes et par une sensibilisation aux violences faites aux femmes. Il me semble ainsi que nous comblerons une lacune que les familles ne peuvent pas toujours pallier, hélas !

L'éducation est la clé de voûte d'un projet plus vaste de prise de conscience de notre société de ce mal qui, comme cela a été dit précédemment, touche absolument toutes les classes sociales et les enfants par incidence. En effet, dans près de 70 % des cas, les actes de violence se déroulent devant eux, et ils les concernent directement dans 10 % des cas, avec des séquelles physiques et psychologiques comparables à celles de leur mère. Comme le précise le rapport Henrion, « la violence dont l'enfant est témoin a les mêmes effets sur lui que s'il en était victime », et « ces enfants sont susceptibles de reproduire la violence, seul modèle de communication qu'ils connaissent ». Les enfants à naître sont eux aussi concernés, et ce rapport considère la grossesse comme une période particulièrement exposée aux violences conjugales.

Si la place de l'éducation des enfants et des adolescents et de leur prise en charge doit être encore renforcée, il nous faut absolument augmenter le volet préventif de ce texte de loi. Si nous nous accordons naturellement, et heureusement, tous pour accentuer la répression à l'égard des auteurs de violences et faire cesser la tartufferie qui consistait à reléguer ces actes délictueux dans la sphère privée, nous ne pouvons que regretter la faiblesse des dispositions de prévention du texte.

Pour rendre efficace le traitement judiciaire des violences au sein du couple, la répression de ces actes doit être renforcée mais ne peut suffire. De nombreux amendements avaient tenté de réintroduire des mesures de prévention et d'accompagnement, mais ils ont été rejetés au motif qu'ils relevaient du réglementaire et non du législatif. Pourtant, nous aimerions voir figurer plus nettement dans cette proposition de loi la sensibilisation des médecins et des professionnels de santé afin de favoriser le dépistage des violences, ainsi que la formation initiale et continue des magistrats et des policiers, indispensable pour recueillir la parole des victimes et permettre aux femmes d'être protégées et prises en charge. La faiblesse de ce volet préventif risque de compromettre l'efficacité de certaines des mesures prévues.

Évoquant les personnes fragiles et fragilisées, comment oublier celles qui sont, de surcroît, fragilisées par leur condition eu égard à leur origine, à leur état-civil ou à leur appartenance ou non à la nation française, qu'elles résident de manière légale ou pas sur notre territoire ? À titre personnel, je pense que nous gagnerions, sur ce sujet aussi, à prendre mieux en considération le cas de ces femmes qui sont souvent victimes d'un faisceau de violences multiples.

J'aimerais aussi que notre débat puisse être replacé dans une problématique plus large de violences incluant les mariages forcés et les mutilations sexuelles, y compris pour les personnes majeures, ainsi que les formes dites modernes d'esclavage. Nous y reviendrons lors de l'examen de certains articles.

Je souhaiterais également, dans le sens de ce qu'a exprimé notre collègue Martine Billard en commission, que ce texte n'oublie pas la condition des enfants jetés au milieu de ces actes sordides et terrifiants. Notre assemblée s'est grandie cette semaine en adoptant le texte relatif à l'harmonisation des législations européennes applicables aux droits des femmes. Elle se grandirait plus encore en créant l'observatoire national spécifique que nous vous avons demandé, madame la ministre.

Pour finir, je voudrais saluer l'intelligence collective qui a prévalu, d'abord dans la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte des violences faites aux femmes, puis dans cette commission spéciale, toutes deux présidées par Danielle Bousquet, avec Guy Geoffroy comme rapporteur. Les conclusions de ces deux instances sont à l'origine de ce texte, qui représente une avancée indéniable dans la prise en compte par notre société des violences faites aux femmes et signe heureusement la fin d'un tabou. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, cette nuit, Patricia, quarante-trois ans, a perdu la vie sous les coups de son conjoint qui s'est suicidé ; il y a quelques jours, Nathalie était égorgée devant son fils de douze ans, à qui l'on a volé, dit-il, ce qu'il avait de plus cher : sa mère. Aujourd'hui, notre mobilisation est générale. Nous pourrions égrener les prénoms des 157 femmes qui ont perdu la vie l'année dernière. Dans notre pays, 20 % des crimes sont commis contre des femmes.

Face à ce constat, le Premier ministre a décidé qu'en 2010, la lutte contre les violences faites aux femmes serait déclarée grande cause nationale. Le Gouvernement aurait pu décider de présenter un projet de loi s'inspirant de vos travaux. Il ne l'a pas fait, par respect pour le Parlement et pour votre travail au sein de votre mission, par respect aussi de la mobilisation de l'ensemble de la représentation nationale qui, en cosignant cette proposition de loi, a démontré sa détermination à agir avec le Gouvernement, avec les associations, pour lutter contre ce fléau qui ne doit plus être une fatalité et auquel nous devons mettre un terme.

Pour réussir, nous devons mener une action globale. Outre la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, que le Gouvernement proposera d'amender, je voudrais vous rappeler l'action déjà entreprise par celui-ci dans ce domaine.

Le plan triennal 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes a porté ses premiers fruits. Je tiens à saluer ici l'action de Valérie Létard qui, à la suite de Catherine Vautrin, a initié la mise en oeuvre de ce plan. Ce dernier a notamment permis une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences à travers différentes mesures : trente-six référents violence, interlocuteurs uniques des victimes, ont été mis en place dans trente-deux départements, dix le seront très prochainement dans dix autres, et nous allons accélérer la mise en oeuvre pour que chaque département de notre pays soit couvert ; les moyens de la plateforme d'écoute téléphonique du 3919 ont été renforcés et permettent désormais de répondre à 80 000 appels par an ; les efforts de création de places en CHRS ont été poursuivis. Désormais, sur un parc de près de 36 000 places, plus de 12 000 sont consacrées à l'accueil d'urgence des femmes victimes de violences.

Deuxième volet d'action, le plan « Espoir banlieues » a insufflé une dynamique qui a permis d'actionner plusieurs leviers produisant des résultats concrets : vingt points d'accès au droit ont été ouverts dans les quartiers sensibles ; quatre-vingt-dix-huit centres d'information sur les droits des femmes et des familles ont été financés pour un montant de 2,5 millions d'euros ; 4 200 adultes-relais, pour un budget global de 88,5 millions d'euros, pratiquent des actions de médiation et renseignent chaque jour des centaines de femmes sur leurs droits ; 300 « ateliers santé ville » garantissent aux femmes victimes de violences une prise en charge médicale et psychologique à proximité de chez elles.

Troisième volet d'action, le plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes. Dans ce cadre, 150 intervenants sociaux ont été installés dans les commissariats de police et les unités de gendarmerie, dont vingt et un en Île-de-France.

Le Gouvernement entend continuer son action. En cette dernière année du plan triennal 2008-2010, nous lui avons donné une nouvelle impulsion. Ici encore, les axes que nous entendons privilégier témoignent d'une volonté sans faille de produire des résultats concrets : renforcement de la protection civile et pénale des femmes victimes de violences ; prévention de la récidive à travers la prise en charge des auteurs de violences au sein du couple ; sensibilisation et information de l'opinion publique sur le fléau de la violence conjugale.

Je le disais : la mobilisation est générale et répond au souhait du Premier ministre, qui a institué la lutte contre les violences faites aux femmes comme grande cause nationale pour l'année 2010.

Si l'action doit être globale, nous devons aussi examiner cette proposition de loi, dont l'objectif est de renforcer notre législation. Vous allez créer un dispositif de référé- protection. Je n'y reviendrai pas dans le détail, puisque Mme la garde des sceaux l'a explicité.

Nous allons aussi élargir la procédure d'éviction du domicile conjugal, restreinte pour l'instant au conjoint marié, aux personnes passés et aux concubins.

Nous allons enfin introduire la reconnaissance, importante, des violences psychologiques. Cela correspond à une demande très forte des associations. C'est un fait constaté, puisque près de 84 % des 80 000 appels reçus au 3919 sont dus à des violences psychologiques.

Tout cela – la discussion sur le mariage forcé, l'autorité parentale, le renforcement de l'arsenal législatif – doit s'accompagner de nouveaux moyens technologiques. Je pense au bracelet électronique, que M. Guy Geoffroy et moi-même sommes allés voir fonctionner en Espagne et dont nous avons pu juger des premiers résultats.

L'homme ne pourra plus s'approcher, dans un périmètre de 400 mètres, de la femme menacée. Ce nouveau moyen technologique permettra d'assurer une surveillance, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, 365 jours par an. La femme sera dotée à la fois d'un téléphone et d'un dispositif qui lui permettra d'être appelée ; l'intervention des forces de sécurité dans les meilleurs délais permettra ainsi d'assurer sa protection.

M. Jibrayel indiquait tout à l'heure que ces chiffres étaient insupportables. Les prénoms mêmes des victimes sont insupportables à entendre.

Moyens technologiques, renforcement de notre législation, mais aussi information, sensibilisation, communication. Le collectif contre les violences faites aux femmes a préparé un spot qui sera diffusé sur les chaînes nationales le 8 mars prochain. Il met en scène l'indifférence, l'indifférence par rapport aux violences faites aux femmes que l'on entend derrière la cloison. Quand le silence intervient, on sous-entend qu'une femme, encore une fois, vient de perdre la vie derrière la cloison. Il y aura également un spot en direction des enfants qui, par répercussion, sont également les victimes des violences conjugales. Nous savons que des gestes qui vont se renouveler risquent de devenir la « norme » pour ces enfants, gestes qu'ils reproduiront en étant adultes.

Un guide d'information visant à toucher toute une classe d'âge sera diffusé lors de la Journée d'appel.

Un guide d'information sera également diffusé aux primo- arrivants, pour que chacun sache, en entrant sur notre territoire, que les violences faites aux femmes ne sont pas permises et que l'égalité entre les hommes et les femmes fait partie de notre pacte républicain.

Les moyens de communication et d'information sur cette grande cause nationale bénéficieront d'un budget de 1,5 million d'euros cette année.

Si cette mobilisation est générale dans notre pays, elle l'est au-delà de nos frontières, puisque la présidence espagnole de l'Union européenne a décidé de consacrer une partie de sa mission à la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle va permettre la création d'un Observatoire européen de lutte contre les violences faites aux femmes.

Plusieurs d'entre vous se sont inquiétés de l'accompagnement de ce dispositif, et M. Guy Geoffroy nous a interpellés sur la formation. Il faut effectivement former l'ensemble des acteurs intervenants sur tous dispositifs qui reçoivent et entendent les femmes victimes de violences.

Nous allons élargir le centre d'appel 3919. Nous formerons des écoutants à d'autres violences. Je pense aux mariages forcés, aux mutilations sexuelles, aux violences psychologiques, à toutes ces violences faites aux femmes, qui sont insupportables.

Mme Bousquet a rappelé qu'il était important, au-delà du vote de ce texte, qu'il soit appliqué dans les meilleurs délais. C'est pourquoi, j'ai demandé que, après son examen à l'Assemblée nationale, la proposition de loi soit inscrite très rapidement à l'ordre du jour du Sénat. Vous avez rappelé la nécessité d'apporter des financements aux associations pour la mise en oeuvre de ce texte. Pour mémoire, je vous indique que, sur la ligne 137 du budget de mon ministère, les associations ont été dotées de 10,45 millions d'euros. Pour 2010, le budget consacré aux associations n'a pas baissé ; il a même été légèrement augmenté, puisqu'il est passé à 10,56 millions d'euros.

Mme Quéré nous a rappelé que la lutte contre les violences faites aux femmes était une priorité nationale et que le poids des mots ne devait pas être négligé.

M. Lesterlin s'est interrogé sur la mise en place des pôles spécialisés. En pratique, c'est déjà une réalité. Les juges naturels des contentieux au sein de la famille sont les juges aux affaires familiales. Ces derniers composent d'ailleurs le plus souvent le tribunal correctionnel pour le contentieux pénal de la famille. En ce qui concerne le Parquet, il existe déjà des pôles chargés des mineurs et de la famille, avec des magistrats référents. Une plus grande spécialisation nécessiterait de regrouper les tribunaux, et donc d'éloigner la justice des victimes, ce qui n'est pas souhaitable.

Mon amie Chantal Brunel, si je puis me permettre, a consacré un livre à ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Elle arappelé à quel point il était urgent d'examiner ce texte à l'Assemblée. Elle a regretté que cette proposition de loi soit examinée un jeudi. Je pense qu'il vaut mieux siéger sur ce sujet un jeudi que tarder davantage. Nous avons dû, en effet, beaucoup plaider pour que ce texte puisse passer dans les meilleurs délais.

Mme Billard a évoqué l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale. Vous avez d'ailleurs été nombreux à vous exprimer sur ce sujet.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Je voudrais rappeler les propos de Mme la garde des sceaux. Nous avons réfléchi, débattu de l'opportunité de créer un nouvel observatoire. Il nous a semblé plus judicieux, dans un souci d'efficacité, de créer au sein de l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale une mission très précise et de mutualiser l'ensemble des moyens, plutôt que de créer un observatoire dédié avec moins de moyens. Nous ne sommes pas contre le fait de nous doter d'un observatoire, mais l'efficacité des moyens nous semble essentielle pour obtenir les analyses dont nous avons besoin.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Nous aurons, grâce à cet observatoire, une mission dédiée, des moyens mutualisés pour être plus performants.

Sincèrement, madame Crozon, la France reste fidèle à sa tradition d'accueil et d'intégration des ressortissants étrangers. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle accorde, chaque année, près de 200 000 titres de long séjour pour des étrangers non européens, …

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

…soit plus que la plupart des autres pays européens.

Notre pays accorde la nationalité française à plus de 100 000 étrangers par an, soit plus que la plupart des autres pays européens.

Elle reçoit chaque année 40 000 demandes d'asile, ce qui la classe à la deuxième place dans le monde, derrière les États-Unis.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Elle accroît chaque jour sa mixité, puisqu'un tiers des mariages conclus par nos concitoyens sont des mariages mixtes avec un ressortissant étranger, contre moins de 10 % il y a dix ans.

La France reste donc une nation ouverte et généreuse.

Dans le domaine des mutilations sexuelles, la France est aussi à l'écoute. Elle est l'un des seuls pays européens à considérer que le risque de mutilation sexuelle dans le pays d'origine doit être pris en compte pour l'examen des demandes d'asile.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Plusieurs centaines de jeunes femmes originaires du Mali ont, par exemple, obtenu l'asile en France à ce titre.

Mme Boulestin rappelait que les femmes sont sans doute les plus fragiles et les plus sensibles face à la crise économique et financière. Nous avons pris plusieurs mesures pour accompagner les femmes : la création du RSA, la prime supplémentaire de 150 euros accordée au mois de juin, les 1,4 million d'euros consacrés au moment du sommet social. Nous sommes conscients que les femmes sont les plus exposées à la crise économique et financière.

Mme Branget indiquait que ce texte était historique dans son analyse et par l'éventail des signatures. Le texte est historique car nous le devons à toutes celles qui ont perdu la vie. Nous le devons aussi à toutes celles qui ne devront pas perdre la vie dans le futur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Mes chers collègues, je vais suspendre la séance quelques instants afin que nous puissions organiser nos travaux.

Je voudrais appeler votre attention sur un certain nombre de points. Nous sommes saisis de 105 amendements. Il y a également des inscrits sur les articles. Une séance de nuit est prévue ce soir, cela ne pose donc pas de problème. Je suis cependant à la disposition de l'Assemblée pour faire une « prolongée » – pour employer notre jargon.

Je souhaite que le débat se déroule convenablement, car il s'agit d'un texte important. Cela signifie que nous pourrions siéger jusqu'à vingt et une heures ou vingt et une heures trente, pour que cette « prolongée » ait un sens.

Selon le rythme de nos travaux, nous déciderons sereinement de les poursuivre ou de lever la séance à vingt heures, pour reprendre en séance de nuit.

Pour que cette prolongée soit possible, il faut voguer – comme disait Étienne Dailly au Sénat – à un braquet de trente amendements à l'heure.

Vous pouvez bien entendu vous exprimer – j'ai parfois laissé plus de temps que prévu aux orateurs inscrits dans la discussion générale. Il est important de prendre quelques minutes pour exposer son point de vue, mais il faut que chacun respecte le temps de parole.

Discussion générale

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 28 .

La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous venons, et je m'en réjouis, de montrer une très belle unanimité dans la défense de cette proposition de loi qui fait faire de grands progrès à cette cause nationale qu'est la défense et la protection des femmes et des enfants contre les violences familiales.

Cette cause mérite, en effet, l'unanimité nationale et je suis heureuse de constater que les différents groupes politiques ont, au-delà des clivages traditionnels, travaillé ensemble efficacement.

Le texte propose de grandes avancées et améliore considérablement la réponse pénale. Qu'il s'agisse de la protection en urgence des victimes – les femmes ou les enfants –, du maintien dans le logement des victimes et l'éviction rapide du conjoint ou du compagnon coupable de violences, du retrait de l'autorité parentale au parent meurtrier – c'est bien le moins – ou qu'il s'agisse de réprimer – et c'est nouveau – les violences psychologiques et le harcèlement sexuel mettant ainsi notre droit à la hauteur du droit européen, et de protéger spécialement les personnes étrangères accueillies sur notre sol contre ces violences en leur permettant d'accéder à l'aide juridictionnelle, l'ensemble des dispositions qui sont incluses dans ce texte méritent que notre Assemblée en garantisse l'application.

C'est la raison pour laquelle, il est particulièrement important de se pencher sur les moyens effectifs qui seront donnés aux tribunaux pour appliquer de manière prioritaire les dispositions de ce texte.

Afin de garantir que dans chaque tribunal, la réponse pénale voulue par notre proposition de loi aura toute la rapidité et l'efficacité nécessaires, j'ai l'honneur de présenter au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche l'amendement n° 28 portant article additionnel avant l'article 1er qui prévoit que : « Dans chaque tribunal de grande instance, un magistrat du parquet spécialisé dans le suivi des violences de genre est désigné ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a donné un avis favorable à cet amendement ; à titre personnel, j'émets un avis défavorable pour des raisons que j'aimerais exposer ici, ce que je ne pouvais faire dans le cadre de la réunion de notre commission au titre de l'article 88.

Certes, on peut à bon droit le soutenir. Il s'agit d'une bonne idée, qui reprend la soixante-troisième des soixante-cinq propositions formulées par notre commission. Toutefois, il s'agit d'une disposition de nature réglementaire, qui relève d'une décision du Gouvernement par voie de décret et non d'un texte de loi.

En outre, l'article 1er donne au parquet la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales avec l'accord de la victime. Le parquet est également entendu par le juge lors de la délivrance de l'ordonnance. Et lors de son audition, Mme le garde des sceaux a indiqué à notre commission que l'ordonnance de protection serait systématiquement transmise au parquet.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable pour les mêmes raisons.

(L'amendement n° 28 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Daniel Goldberg, premier inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, après la discussion générale, je voulais m'exprimer plus particulièrement sur le dispositif de l'ordonnance de protection et mes pensées vont, en cet instant, vers Adriana, jeune femme de ma circonscription décédée à la fin du mois de janvier dernier dans de terribles circonstances.

L'ordonnance de protection est en quelque sorte la première application de la clause de l'Européenne la plus favorisée que notre Assemblée a adoptée la semaine dernière. Il s'agit de mieux prévenir, de mieux punir et d'assurer provisoirement la sécurité des femmes victimes de violence, que ce soit dans l'attente d'un jugement ou pas, la mise en place d'une ordonnance de protection n'étant pas lié au dépôt d'une plainte.

Tout d'abord, mieux prévenir suppose d'agir précocement. Cela implique que la femme victime et le procureur de la République, saisi par les forces de police ou de gendarmerie, puissent demander la mise en place d'une telle ordonnance indépendamment du dépôt d'une plainte et que la possibilité de saisine soit ouverte aux associations désirant accompagner la victime. Néanmoins, nous souhaitons également que tout dépôt de plainte entraîne automatiquement la mise en place d'une ordonnance de protection – ce sera l'objet de l'un de nos amendements.

En outre, nous souhaitons – et le rapporteur nous a suivis sur ce point – que toutes les formes de violences familiales puissent faire l'objet d'une ordonnance de protection, c'est-à-dire non seulement les violences commises au sein du couple mais les violences intrafamiliales, commises par les ascendants ou les descendants ou au sein de la fratrie.

Ensuite, il nous semble nécessaire que la décision du juge, positive ou négative, intervienne rapidement et que la durée de l'ordonnance de protection soit étendue, notamment si une plainte est déposée ou si des poursuites sont engagées.

Enfin, nous souhaitons que toutes les problématiques puissent être prises en compte à l'occasion de la mise en place de l'ordonnance de protection. Le texte de la commission évoque la jouissance du logement, les contributions aux engagements pris antérieurement ou encore l'aide juridictionnelle. Par nos amendements, nous proposons que des précisions soient apportées afin que le dispositif atteigne sa pleine efficacité le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi, issue du travail commun de députés de tous bords politiques de notre Assemblée au sein de la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, montre l'étendue de la tâche qu'il nous reste à accomplir dans le domaine de la lutte des violences faites aux femmes.

En dépit de l'arsenal législatif existant, de nombreuses femmes subissent encore des violences, physiques ou morales, de leur conjoint ou de leur entourage, familial ou professionnel. Le meurtre de la mère du petit Ibrahima, tuée à Fontenay-sous-Bois par son ex-compagnon, illustre cet état de fait.

Une approche globale de la question s'impose du fait que nous sommes confrontés à un phénomène multiforme qui reste, hélas, de grande ampleur. La réponse doit être accompagnée de moyens humains et financiers à la hauteur de l'enjeu.

L'ordonnance de protection des victimes créée à l'article 1er permet d'agir dans l'urgence, en amont d'un dépôt de plainte. Elle donnera à la victime la possibilité de faire valoir certains de ses droits auprès des administrations, notamment pour ce qui concerne le logement, les aides financières et sociales et le permis de séjour pour les femmes étrangères. Cette ordonnance doit également permettre la protection immédiate de la victime sous l'égide d'un juge. Ce dispositif nouveau constituera, je l'espère, un espoir pour toutes les femmes.

Mme Morano a dit sa volonté d'équiper les hommes violents de bracelets électroniques. Est-ce vraiment la bonne solution ? C'est une mesure forte et indispensable, certes, qui devrait donner des résultats concrets comme en Espagne, mais il faudra l'évaluer dans son application pratique sur l'ensemble du territoire français.

Aujourd'hui, il nous faut donc une loi pour mieux protéger les femmes et leurs enfants et faire de la grande cause nationale qu'est, en cette année 2010, la lutte contre les violences faites aux femmes une réussite, réussite pour les femmes et pour l'humanité tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Apeleto Albert Likuvalu

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, au-delà du travail remarquable accompli par les membres de la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, le meurtre de Tanja tuée par son ex-compagnon interpelle les consciences. L'affaire de Fontenay-sous-Bois met en évidence les lacunes des dispositifs actuels de protection des victimes.

J'apporte mon soutien à l'ensemble du dispositif de la proposition de loi, qui tend vers une approche globale du problème.

Je souhaite poser la question des moyens mis à la disposition des acteurs en charge de lutter contre les violences. Un agent de police a reconnu qu'il n'était pas possible de protéger Tanja en raison d'un déficit de moyens humains. La malheureuse victime avait pourtant à de nombreuses reprises alerté les autorités. Nous connaissons tous aujourd'hui sa fin tragique.

Comment aider ces femmes entre le moment où les faits de violence ont été signalés et celui où une solution est apportée ? Nous savons que cette période est pour toutes un calvaire, fatal pour certaines.

Sous l'impulsion du Premier ministre, la lutte contre les violences faites femme a été déclarée grande cause de l'année 2010. La présidence espagnole de l'Union européenne a également pris des engagements en la matière. La mission d'évaluation de notre Assemblée continue ses travaux, qui ont déjà eu pour fruit cette proposition de loi.

Je me réjouis de tous ces signaux positifs qui montrent une prise de conscience du problème et témoignent du volontarisme des pouvoirs publics, décidés à enrayer ces comportements déviants.

Cependant, j'aimerais savoir comment le Gouvernement envisage de concilier l'objectif d'une lutte efficace contre ces violences avec l'objectif de la RGPP de supprimer un poste de fonctionnaire sur deux partant à la retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Beaucoup de choses ont été dites, je serai rapide, monsieur le président.

Je commencerai par rappeler à Mme Branget que notre Assemblée a aussi adopté à l'unanimité le texte relatif à la clause de l'Européenne la plus favorisée. Il s'agit donc de trois textes et non pas de deux.

Nous sommes en train d'inscrire dans notre droit national des dispositions analogues à celles adoptées par le Parlement espagnol en 2004, à savoir des mesures de protection d'urgence des femmes victimes de violences. À cet égard, certains articles de presse soulignent qu'en 2009, l'Espagne a commencé à connaître une diminution du nombre des délits de cette nature. Espérons que l'ordonnance de protection, mesure phare de cette proposition de loi, ait la même efficacité.

L'Espagne, lors de sa présidence européenne, souhaite instituer un observatoire européen des violences faites aux femmes. Il faut qu'en France, cet observatoire soit visible, madame la secrétaire d'État. Pour l'heure, la politique des droits des femmes est invisible, comme l'a souligné un orateur : il n'y a pas de ministre délégué aux droits des femmes et les services liés aux droits des femmes se diluent dans les directions sociales et sanitaires. Il faut redonner une visibilité à cette politique – je pense que certaines d'entre vous m'approuvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Permettez-moi à mon tour, monsieur le président, de féliciter l'ensemble des membres de cette mission et sa présidente ainsi que le rapporteur de la commission spéciale et ses membres, qui ont contribué à élaborer les dispositions proposées dans les différents articles de cette proposition de loi.

À cet article 1er consacré à l'ordonnance de protection, je me félicite de la grande avancée que constitue l'extension de la mesure d'éviction du logement aux concubins et partenaires pacsés. Grâce à cet alinéa 11, je saurai désormais comment répondre aux nombreuses femmes victimes de violences que je reçois à ma permanence.

Les diverses dispositions de cette proposition de loi ont fait l'objet d'un fort consensus et pour ne pas le briser, je retire mon amendement n° 53 à l'article 1er. Je tiens toutefois à déplorer que les violences sexistes commises dans l'espace public et sur le lieu de travail ne soient pas couvertes par cette proposition de loi. Notre vigilance et notre détermination à lutter contre ces violences doivent rester entières. Le 12 janvier dernier, la comédienne Rayhana a été victime d'une agression liée à ce qu'elle exprimait dans la pièce qu'elle jouait à la Maison des Métallos. Les dispositions de protection de la proposition de loi ne peuvent s'appliquer à son cas. Elle est aujourd'hui sous protection policière, mais jusqu'à quand ? Je tenais à appeler l'attention de notre assemblée et surtout du Gouvernement sur sa situation.

Enfin, madame la secrétaire d'État, je veux dire avec Mme Crozon que le Gouvernement et la France ne sont pas si généreux. J'en veux pour preuve le cas de cette jeune marocaine de dix-neuf ans, Najlae, qui est arrivée en France à l'âge de quatorze ans pour fuir un mariage forcé et qui a été scolarisée et hébergée par son frère. Or celui-ci est devenu violent et l'a rouée de coups. Aussi a-t-elle déposé plainte contre lui dans une gendarmerie, munie d'un certificat médical. Les gendarmes lui ont répondu qu'ils n'étaient plus sûrs de pouvoir récupérer ses affaires au domicile de son frère. Ils l'ont accompagnée là-bas, soi-disant pour récupérer ses affaires. Mais ils ont pris son passeport et l'ont placée en garde à vue, le même jour, à quinze heures trente, avant qu'elle soit expulsée vers le Maroc.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

C'est inadmissible dans une société comme la nôtre !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

C'est la quatrième femme battue expulsée en quelques mois.

Je vous le répète, madame la secrétaire d'État, non le Gouvernement et la France ne sont pas aussi généreux que vous le prétendez. En abordant l'article 1er, je ne pouvais pas faire silence sur ces faits. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi de deux amendements, nos 11 et 12 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour les soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Elle les a rejetés, non que les questions posées ne soient pas pertinentes, loin de là, mais parce qu'il est apparu que l'extension à l'espace public et au lieu de travail ne relevait pas de la dynamique de ce texte pour plusieurs raisons.

Premièrement, la procédure retenue dans la proposition de loi pour délivrer l'ordonnance de protection s'applique mal aux situations dans l'espace public ou sur le lieu de travail puisque le JAF n'a aucune raison d'être compétent pour des violences qui se déroulent dans cet espace ou sur ce lieu.

Deuxièmement, les mesures prévues à l'article 1er ne s'appliquent pas, à l'évidence, à l'espace public ni au lieu de travail puisqu'on parle d'autorité parentale, de contribution aux charges du ménage, d'éviction du domicile conjugal.

Enfin, les victimes ne sont pas dépourvues de protection dans l'espace public ou sur le lieu de travail. En effet, L'ordonnance de protection prévoit bel et bien des protections en parallèle. Elles sont même plus nombreuses dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Dès lors qu'un contrôle judiciaire visant l'auteur des violences a été prononcé suite à un dépôt de plainte, la volonté des auteurs des amendements sera pleinement prise en compte.

Voilà pourquoi je propose le retrait des amendements. À défaut, je demande leur rejet.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Sur les deux amendements, même avis que la commission.

Monsieur le président, permettez-moi de répondre à Mme Mazetier qui a soulevé un cas très précis. Je souhaite, au nom du Gouvernement, lui donner les éléments d'information suivants.

Mlle Najlae Lhimer est entrée en France en 2005 sur la base d'un visa de tourisme et d'un titre de court séjour. Elle s'y est maintenue irrégulièrement, au-delà de la durée de ce visa. Une obligation de quitter le territoire français lui a été notifiée à laquelle elle n'a pas donné suite.

Durant la durée de son séjour en France, elle n'a exercé aucune activité professionnelle et elle n'est pas étudiante.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Elle était scolarisée au lycée professionnel Françoise-Dolto d'Olivet !

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Toute sa famille, notamment ses parents, ses grands-parents et ses huit soeurs résident au Maroc, à l'exception de son frère dont elle indique aujourd'hui subir les violences.

Cette jeune fille de dix-neuf ans a engagé une scolarité en première année de CAP « service de restaurant » au lycée professionnel Françoise-Dolto d'Olivet depuis le 8 janvier 2010, ce qui ne lui confère pas le statut d'étudiant.

Mlle Najlae Lhimer n'a pas été interpellée alors qu'elle venait déposer plainte pour violences. Elle s'est présentée au commissariat de Montargis le 18 février 2010 afin de signaler des faits de violences dont elle aurait été victime de la part de son frère. Le commissariat a enregistré une main courante. Mlle Lhimer est ressortie librement du commissariat. Elle s'est ensuite présentée, le vendredi 19 février, à la brigade de gendarmerie de Châteaurenard où elle a demandé à être accompagnée au domicile de son frère pour y récupérer ses affaires et ses documents d'identité. Elle a refusé de déposer plainte contre son frère. À cette occasion, les gendarmes lui ont remis une convocation officielle pour le vendredi 19 février 2010, à quinze heures, aux fins d'examen de la situation administrative de l'intéressée.

Le vendredi 19 février, à quinze heures, Mlle Najlae Lhimer s'est présentée à la brigade de gendarmerie de Châteaurenard où elle a été placée en garde à vue, a bénéficié d'un examen médical qui n'a relevé aucun élément pouvant s'opposer à une mesure de reconduite. Elle a bénéficié des services de deux avocats. Elle a maintenu son souhait de ne pas déposer plainte contre son frère. Ses avocats n'ont pas déposé de recours contre la décision préfectorale.

Mlle Najlae Lhimer ne s'est pas opposée à la mesure prise. Elle indique aujourd'hui, 25 février 2010, dans une interview qu'elle a accordée à La République du Centre, vivre avec le sentiment d'être protégée dans son pays d'origine.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Madame la députée, tels sont les éléments d'information que je souhaitais vous livrer.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Madame Hostalier, maintenez-vous ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Je remercie le rapporteur pour la réponse circonstanciée qu'il vient de formuler, même si elle ne m'a pas totalement convaincue.

Ce que vient de dire Mme la secrétaire d'État prouve bien que, dans ce genre d'affaires, le problème c'est le manque d'informations des femmes sur leurs droits.

Les amendements que nous proposons ne correspondent peut-être pas tout à fait à l'esprit de la présente proposition de loi. Cela dit, il faut absolument renforcer les possibilités pour les femmes d'avoir accès à leurs droits, de même qu'il faut accroître les possibilités pour les associations de les encadrer et de les défendre.

Monsieur le président, je retire les amendements nos 11 et 12 .

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Très bien !

(Les amendements nos 11 et 12 sont retirés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 1 .

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Je souhaite intervenir car cet amendement ne me semble pas complètement rédactionnel.

Le rapporteur et la secrétaire d'État peuvent-ils nous confirmer qu'il s'agit bien de toutes les violences au sein de la famille, et pas seulement les violences intraconjugales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Monsieur le président, j'ai déposé l'amendement n° 87 , qui va dans le sens de la précision demandée par M. Goldberg.

Nous avons cité le cas de cette jeune marocaine sur lequel nous reviendrons à l'article 6, qui concerne la protection des femmes étrangères victimes de violences.

En Seine-Saint-Denis, l'Observatoire départemental des violences envers les femmes a réalisé une étude très approfondie sur les violences à l'intérieur des familles qui montre que nombre de filles ou de femmes ne sont pas victimes de violences de la part de leur conjoint mais d'un autre membre de la famille qui peut être un grand frère, un oncle, etc. Voilà pourquoi il est nécessaire de préciser qu'il s'agit bien de tout membre de la famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Madame Buffet, je considère donc que l'amendement n° 87 est défendu.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Monsieur le président, s'agissant de l'amendement n° 1 , je suis tout à fait en phase avec M. Goldberg.

Quant à l'amendement n° 87 , il n'a pas été examiné en commission. Je propose d'émettre un avis défavorable non parce que je considère que la notion de personne résidant au même domicile soit inutile – au contraire, je la trouve intéressante – mais à ce stade elle est imprécise. De surcroît, aucune durée particulière ne vient marquer la notion de « personne résidant dans le même domicile ».

Cet amendement ne me semble donc pas assez abouti dans sa rédaction, même s'il va tout à fait dans le sens qui est le nôtre. Voilà pourquoi je propose le retrait de cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 87 est retiré.)

(L'amendement n° 1 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je constate que le vote sur l'amendement n° 1 est acquis à l'unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 29 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Cet amendement vise à préciser ce que l'on entend par violences intrafamiliales en insérant les mots « par un conjoint, un partenaire lié par un pacte civil de solidarité, un concubin, un ascendant, un descendant, un membre de la fratrie ou ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je pensais que cet amendement tombait du fait de l'adoption de l'amendement n° 1 . Comme ce n'est pas le cas, je dirai qu'il va à l'encontre de l'intention de ceux qui l'ont déposé puisqu'il souffre d'un excès de précision. Du reste, nombre d'amendements du groupe SRC, sans manquer d'intérêt, ont pour caractéristique commune d'apporter trop de précisions, ce qui risque de conduire le juge à dire que tout ce qui n'est pas précisé dans la loi n'est pas applicable. Voilà pourquoi je suis défavorable à l'amendement n° 29 .

Monsieur Goldberg, cet excès de précision me conduit à espérer que vous vous satisferez plutôt de l'amendement n° 1 qui, s'en tenant à la formulation générale, donne toute latitude au juge pour apprécier de manière souveraine sa capacité à prendre en compte les éléments qui lui seront donnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 29 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour défendre l'amendement n° 30 .

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Biémouret

Nous sommes, à l'alinéa 4, en aval de l'appréciation par le juge, à partir des auditions de la victime et de l'auteur de violences, de la situation au sein du couple ou au sein de la famille. Par conséquent, puisque la situation de violences exercées au sein du couple ou au sein de la famille qui mettent en danger la personne qui en est victime est caractérisée, la délivrance de l'ordonnance de protection ne doit pas être laissée à l'appréciation du juge mais doit être automatique. Tel est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a adopté cet amendement. Pour ma part, j'y suis défavorable.

Cet amendement propose de remplacer les mots « peut délivrer » par le terme « délivre ». En d'autres occasions et sur d'autres textes, de nombreux parlementaires, y compris les signataires de cet amendement, insistent sur la nécessité de laisser au juge sa capacité d'analyse sur tous les sujets qui lui sont soumis. J'ai entendu nombre de remarques sur l'automaticité, c'est-à-dire le fait que le juge soit lié.

De surcroît, je rappelle que la rédaction actuelle de la proposition de loi est calquée sur celle de l'article 220-1 du code civil s'agissant en particulier de l'éviction du conjoint violent. Je suggère donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Biémouret

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 30 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 31 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Cet amendement vise à permettre la saisine du juge aux affaires familiales, dès la demande d'ordonnance de protection, par une association habilitée à exercer les droits reconnus à la partie civile, c'est-à-dire très concrètement par l'ensemble des associations qui accompagnent au quotidien les femmes victimes de violences.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cet amendement a été adopté par la commission. Toutefois, je souhaiterais que notre Assemblée le repousse pour les raisons suivantes.

Il serait paradoxal que le texte indique que le juge aux affaires familiales peut être saisi directement par la personne en danger, si besoin assistée, ou saisi avec l'accord de celle-ci par le ministère public.

Pour que le ministère public, c'est-à-dire un magistrat, puisse saisir le juge aux affaires familiales, il faudrait l'accord de la personne victime, alors qu'une association n'en aurait pas besoin. Il y a donc là un défaut de parallélisme.

Ce que nous décidons avec l'ordonnance de protection a un sens : permettre à la femme victime de reprendre sa capacité, qui est pour le moment oblitérée, de prendre des décisions et d'aller dans le sens d'une prise de responsabilité quant à son avenir. À l'heure actuelle, elle ne le peut pas parce qu'elle a peur qu'une plainte n'entraîne des conséquences encore plus graves, comme le montrent des exemples récents.

L'ordonnance de protection est là pour lui permettre de prendre des décisions. Le fait, par cet amendement, de permettre à une association, sans l'accord explicite de l'intéressée, de demander au juge aux affaires familiales de prononcer une ordonnance de protection me semble contraire à l'esprit même de cette proposition de loi. L'idée est séduisante mais malheureusement inappropriée.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Je suis sensible à l'argument du rapporteur. S'il ne tient qu'à cela qu'il accepte l'amendement, je pourrais le sous-amender en précisant « avec l'accord de la personne demanderesse ».

Nous ne sommes pas d'accord, en revanche, avec ses autres arguments car, en pratique – le rapporteur l'a lui-même reconnu –, les femmes victimes de violences se retrouvent dans une situation tellement difficile qu'elles sont très souvent incapables d'engager elles-mêmes une quelconque démarche, dépôt de plainte ou saisine d'une juridiction. Je pense en particulier aux femmes étrangères qui peuvent ne pas être en situation régulière. Le fait qu'une association puisse, à la place de la victime, mais avec son accord explicite – je vous rejoins sur ce point –, saisir le juge pour engager la démarche, nous paraît une bonne mesure.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Je n'étais pas d'accord avec la version initiale de l'amendement mais je l'approuve à présent qu'il a été modifié puisque la femme resterait maîtresse jusqu'au bout des décisions la concernant et pourrait, si elle le souhaite, se faire accompagner. Cet amendement modifié répond aux soucis du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Il serait bien de transmettre la rectification à la présidence.

La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Je crois que l'amendement n° 66 , qui suit, répond à ces préoccupations.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Il n'est pas placé au même endroit. Formellement, je suis obligé de faire venir en discussion l'amendement n° 31 . À moins que M. Goldberg n'accepte de retirer l'amendement n° 31 au profit du n° 66.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Nous maintenons notre amendement, que nous proposons de rédiger ainsi : “saisi, avec l'accord de celle-ci, par une association recevable à exercer les droits reconnus à la partie civile en vertu de l'article 2-2 du code de procédure pénale.”

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Mais c'est l'amendement n° 66 !

(L'amendement n° 31 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 66 . La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Mais non, il ne tombe pas. Vous êtes très sympathique, et je suis toujours heureux que l'on me seconde dans la présidence…

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

…je peux faire preuve de beaucoup de souplesse, mais si je vous dis que l'amendement n'est pas situé au même endroit et ne peut donc pas « tomber », faites-moi confiance. En revanche, vous pouvez très bien le retirer.

(L'amendement n° 66 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 32 . La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Cet amendement tend à insérer, après l'alinéa 5, l'alinéa suivant : « Tout dépôt de plainte à l'encontre des faits et des auteurs visés à l'article 515-9 constitue une demande d'ordonnance de protection ».

N'est en effet pas prévue la situation dans laquelle une plainte aurait été déposée : il ne faudrait pas que le dépôt de plainte empêche la prise d'une ordonnance de protection.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a accepté cet amendement auquel je ne suis pas favorable pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, en cas de dépôt de plainte, le juge pénal devient compétent et peut prendre, dans le cadre du contrôle judiciaire, des mesures qui sont au minimum celles de l'ordonnance de protection, mais qui peuvent être d'une ampleur beaucoup plus importante. Laissons le dispositif prendre sa pleine mesure.

Par ailleurs, un amendement déposé par le groupe SRC, adopté en commission et que je souhaite voir accepté par l'ensemble de notre Assemblée, a fait de l'information de la victime sur la possibilité de demander une ordonnance de protection une obligation pour les forces de l'ordre. La victime pourra ainsi choisir en connaissance de cause : soit ordonnance de protection, saisine directe du JAF avec toute une série de mesures immédiates, soit plainte déposée auprès du procureur de la République ou par tout autre moyen.

Ajoutons un dernier argument plus formel – mais la forme est importante en droit : la notion de « plainte à l'encontre des faits » ne me semble pas très pertinente sur le plan juridique. L'on porte plainte contre un auteur de faits.

Pour toutes ces raisons, je souhaiterais, madame, que vous retiriez votre amendement. Sinon, avis défavorable.

(L'amendement n° 32 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 93 . La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Cet amendement avait été repoussé car Mme la ministre de la justice nous avait affirmé qu'une circulaire serait prise pour accélérer la réaction du juge dès qu'une demande de protection aurait été déposée. Nous avions présenté un amendement pour que pas plus de 24 heures ne s'écoulent entre la demande d'ordonnance et l'audition – 72 heures dans le droit espagnol. Nous présentons à nouveau cet amendement pour insister sur l'importance de la brièveté des délais.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais j'y suis défavorable à titre personnel car, en matière de référé, par hypothèse, le juge tient toujours compte de l'urgence de la situation.

De surcroît, nos différents codes, en particulier le code civil, ne prévoient à aucun moment de délai en matière de référé.

Je vous invite, madame, à retirer cet amendement, dont j'approuve cependant l'esprit.

(L'amendement n° 93 est retiré.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée car cet amendement porte sur un alinéa qui concerne les seules modalités de convocation et d'audition des parties, lesquelles relèvent exclusivement du pouvoir règlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Voici une sagesse empreinte d'élégance car, en présence d'une disposition de nature règlementaire, il est rare que le Gouvernement s'en remette à la sagesse de l'Assemblée.

(L'amendement n° 2 est adopté à l'unanimité.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 33 . La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Cet amendement vise à rédiger ainsi la fin de l'alinéa 6 : « le cas échéant d'une association recevable à exercer les droits reconnus à la partie civile en vertu de l'article 2-2 du code de procédure pénale, et le ministère public. Ces auditions ont lieu séparément. Elles peuvent se tenir en chambre du conseil. À l'issue de ces auditions, le juge statue sans délai sur la demande. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cet amendement a été adopté par la commission mais je crains qu'il n'amoindrisse l'efficacité de la procédure. Les associations, comme nous y avons tenu lors du premier examen du texte en commission, peuvent déjà assister la victime au tout début, c'est-à-dire au moment où elle décide, grâce à leur concours le plus souvent, de solliciter l'ordonnance de protection. L'audition d'une tierce personne par le juge aux affaires familiales, surtout lorsqu'il s'agit d'une association – la réactivité peut être moindre que pour une personne physique –, est susceptible de freiner la procédure, ce qui va à l'encontre de nos objectifs.

Dès lors que l'association peut intervenir très en amont pour aider la victime à former les éléments de son référé protection, il est préférable de retirer cet amendement. À défaut, j'y suis défavorable.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je ne saisissais pas très bien, au début, l'intérêt de cet amendement, mais il peut être important pour toutes les femmes qui sollicitent l'aide juridictionnelle en raison des délais d'obtention de cette aide.

(L'amendement n° 33 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 34 rectifié . La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Il est défendu.

(L'amendement n° 34 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 35 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 85 . La parole est à M. Jean-Luc Pérat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

L'ordonnance de protection ayant pour objet d'accélérer la procédure, il nous semble important de permettre au juge de statuer dans un délai très rapide, aussi cet amendement tend-il à compléter l'alinéa 6 par la phrase suivante : « À l'issue de ces auditions, le juge statue sans délai sur la demande ».

Cette disposition permettra à la victime de bénéficier très rapidement de tous ses droits, notamment par rapport à sa future situation, et d'envisager avec une certaine sérénité la séparation d'avec son conjoint.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Je retire le sous-amendement n° 85 .

(Le sous-amendement n° 85 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Avis défavorable, alors que la commission a accepté cet amendement, pour les mêmes raisons déjà évoquées : le code civil ne prévoit aucun délai en cas de référé, quelle que soit la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

C'est sans délai.

(L'amendement n° 35 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour soutenir l'amendement n° 54 .

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Cet amendement vise à ajouter aux nomenclatures de l'ordonnance de protection, l'interdiction pour la partie assignée – le conjoint violent ou la personne violente – de résider dans certains lieux limitativement définis par le juge. Il paraît normal de protéger physiquement la victime, ce que permet cette interdiction qui n'est pas une obligation mais une proposition laissée au libre arbitre du juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a repoussé cet amendement puisque le 3° et le 3° bis satisfont cette volonté en permettant au juge de statuer sur la résidence séparée des époux, des pacsés et des concubins.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Les arguments du Gouvernement sont identiques à ceux de la commission.

La disposition proposée par Mme Hostalier relève du domaine pénal et existe déjà : elle peut être prononcée avant jugement dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou à l'occasion d'une condamnation pénale. Cet amendement aurait donc pour conséquence de créer une compétence concurrente entre deux juges devant statuer sur les mêmes faits et pouvant prévoir le même type de mesures, l'un dans le cadre d'une procédure civile, l'autre dans celui d'une procédure pénale. L'amendement présente donc le risque de prises de décisions contradictoires.

De surcroît, le juge aux affaires familiales n'aura pas les moyens d'en assurer l'exécution. Cette mesure déploiera toute son efficacité si un dispositif de bracelet électronique est mis en place comme le propose le Gouvernement. Or une telle mesure de contrainte ne peut être ordonnée que par le juge pénal. Il est donc préférable qu'elle reste de la seule compétence du juge pénal, lequel pourra, si nécessaire, être saisi par le parquet.

Je vous invite donc, madame la députée, à retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 54 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 98 .

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cet amendement répond à un souci partagé par l'ensemble des commissaires. Nous voulions permettre au juge, dans le cadre de l'ordonnance de protection, de ne pas seulement traiter la question du bail et des frais afférents au bail de location en cas de décision de sortie du domicile conjugal. Nous voulions aller plus loin et faire en sorte que l'ensemble des frais afférents au logement, y compris ceux éventuellement liés à un emprunt pour son acquisition, puissent être pris en compte par le juge dans son ordonnance de protection.

Le dispositif proposé appréhende par conséquent la question dans sa globalité et répond au mieux à notre souhait collectif, raison pour laquelle il a été adopté par la commission.

(L'amendement n° 98 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi de deux amendements, nos 36 et 97 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour soutenir l'amendement n° 36 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Il s'agit d'ajouter, à la fin de l'alinéa 11, que les conditions d'attribution du logement ou de la résidence au concubin qui n'est pas l'auteur des violences sont définies par le juge aux affaires familiales qui statuera sur les ressources du couple. Au moment de la délivrance d'une ordonnance de protection, le juge doit permettre à la victime de disposer de ressources suffisantes, notamment du compte bancaire du couple. Chacun des co-titulaires du compte peut utiliser les fonds disponibles sur le compte joint. Il s'agit d'empêcher l'un des deux de vider intentionnellement le compte joint et de renforcer la protection de la femme qui peut se voir dépossédée de toute ressource.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 97 .

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour donner l'avis défavorable de la commission sur l'amendement n° 36 , redondant avec les dispositions du 3° ter.

L'amendement n° 97 , quant à lui, découle de l'amendement n° 98 que nous venons de voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 36 et 97 ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable à l'amendement n° 36 et favorable à l'amendement n° 97 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Nous ne partageons pas l'avis du rapporteur ni celui du Gouvernement. Le 3 ter prévoit que le juge se prononce sur la seule question des ressources pour les couples mariés ou de l'aide matérielle pour les personnes pacsées. Le 3 bis concerne, lui, les couples qui n'ont pas forcément conclu un PACS. Par ailleurs, nous proposons de statuer sur les ressources conjointes du couple tandis que l'amendement n° 97 est plus restrictif – contrairement à l'engagement pris tout à l'heure par M. le rapporteur – puisqu'il n'évoque que la prise en charge des frais afférents au logement. Or nous estimons que le couple peut avoir d'autres ressources que celles afférant strictement au logement, qui ont pu être engagées avant la prise de l'ordonnance de protection. Nous maintenons donc l'amendement n° 36 .

(L'amendement n° 36 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 97 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Il s'agit d'un amendement important !

(L'amendement n° 3 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'amendement n° 4 , présenté par M. le rapporteur, est rédactionnel. Il est défendu.

(L'amendement n° 4 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 37 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

À propos de l'amendement n° 3 , M. le rapporteur a parlé de concubinage, mot que je ne vois figurer nulle part. Il est question dans sa proposition des partenaires d'un pacte civil de solidarité, ce qui ne revient pas au même.

L'amendement n° 37 prévoit que la personne demanderesse de l'ordonnance de protection puisse élire domicile au sein d'un service d'action sociale municipal ou autre. Ces services sont souvent au plus près des femmes victimes de violences susceptibles de demander la mise en place d'une ordonnance de protection. La possibilité d'élire domicile chez l'avocat qui l'assiste ou auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance nous paraît insuffisante. Il est par exemple difficile d'imaginer qu'une femme étrangère en situation irrégulière élise domicile chez le procureur de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a adopté cet amendement mais je n'y suis pour ma part pas favorable. Étant élu local moi-même, je ne nourris aucune prévention vis-à-vis des centres d'action sociale qui jouissent de toute notre estime.

Le dispositif que nous proposons est assorti de garanties juridiques très fortes. En l'état actuel du texte, la victime peut dissimuler son adresse auprès de son avocat ou auprès du procureur de la République. Il est question ici de l'étendre aux centres d'action sociale. Le fait que la victime puisse dissimuler son adresse sans – j'insiste sur cette très importante nouveauté du texte – encourir aucune sanction pénale, doit s'accompagner, me semble-t-il, de l'encadrement le plus pertinent, raison pour laquelle il me semble nécessaire que l'adresse reste dissimulée auprès d'une autorité judiciaire, qu'il s'agisse de l'avocat ou du procureur.

Aussi, quand bien même séduisante, la disposition que vous proposez laisse apparaître une trop évidente fragilité juridique. Je souhaite donc le retrait de cet amendement ou, à défaut, son rejet.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable pour les mêmes raisons que celles exposées par l'excellent rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Je comprends bien la position du rapporteur, mais l'amendement n'interdit pas à une femme qui n'a pas de logement d'être abritée par une association. Sommes-nous bien d'accord ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Cela n'a rien à voir !

(L'amendement n° 37 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour soutenir l'amendement n° 67 .

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Très souvent, les femmes victimes de violences se retrouvent dans une grande détresse psychologique et ont besoin du soutien de tiers et notamment du milieu associatif qui, j'y insiste, se révèle remarquable en la matière. Il s'agit donc de le préciser noir sur blanc dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Avis très favorable. La commission a accepté cet amendement et même si la notion de personne morale habilitée peut paraître un peu vague, proposer l'extension du dispositif en vigueur pour les mineurs et les majeurs sous tutelle représente une excellente initiative.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable : le Gouvernement ne partage pas l'avis de la commission, ce qui arrive. Cet amendement vise à permettre au juge de désigner une association chargée d'assurer l'accompagnement de la partie demanderesse pendant toute la durée couverte par l'ordonnance de protection.

Cette disposition n'est pas souhaitable.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Une victime peut d'ores et déjà bénéficier d'un tel accompagnement sans avoir recours au juge.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Il ne paraît donc pas opportun de prévoir une telle mesure dans le cadre judiciaire alors qu'un tel accompagnement relève d'une démarche spontanée de la victime, d'une démarche volontaire. Une désignation par le juge peut même avoir un caractère humiliant pour elle.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

C'est pourquoi je vous invite, madame la députée, à retirer votre amendement, faute de quoi je suggère aux membres de cette assemblée de ne pas l'adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il faudrait au moins préciser que la désignation en question s'effectue avec l'accord de la partie demanderesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Sinon, le juge pourra imposer une association à la femme victime qui demande à bénéficier d'une ordonnance de protection.

Il conviendrait donc de rectifier l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Ce que vous proposez était à mes yeux sous-entendu ! Mais j'accepte que l'amendement soit rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'amendement n° 67 est ainsi rectifié et vise à ajouter, après l'alinéa 15, l'alinéa suivant : « 7° Avec l'accord de l'intéressée, désigner une personne etc. », le reste inchangé.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Qui prend les frais en charge ?

(L'amendement n° 67 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'amendement n° 5 , rédactionnel, présenté par M. le rapporteur, est défendu.

(L'amendement n° 5 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 14 .

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

La commission a adopté un amendement étendant la durée de l'ordonnance de protection de deux à quatre mois. Cela ne semble toutefois pas suffisant. C'est la raison pour laquelle, les procédures étant longues, la personne victime de violences peut hésiter pendant un certain temps avant d'entamer des démarches. Or l'accès à de nombreux droits découle de cette ordonnance et le délai de quatre mois paraît très court. Le présent amendement prévoit donc que ce délai de quatre mois est renouvelable une fois.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a repoussé cet amendement. Je rappelle que la mission d'information fixait à quatre mois la durée maximale. Nous ne nous situons pas dans un cadre de procédures longues devant être protégées par l'ordonnance. La mesure de protection que nous envisageons revêt un caractère temporaire pour, justement, permettre à la femme victime de trouver l'aide, la structure, tous les concours possibles nécessaires à sa prise de décision et, ensuite, éventuellement, à l'engagement de procédures.

C'est pourquoi nous avons préféré, en commission, porter ce délai à quatre mois au lieu de deux mois renouvelables une fois. L'ordonnance de protection telle qu'elle est pratiquée en Espagne couvre une durée d'un mois renouvelable une fois. L'ordonnance de protection n'a pas une existence en tant que telle qui produise des effets juridiques à long terme. Les dispositions de l'ordonnance peuvent tout à fait être prolongées en cas de dépôt de plainte par toutes les mesures dont on doit rappeler qu'elles peuvent déborder le cadre de celles prévues par l'ordonnance de protection, telles qu'elles pourraient être prises dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'on en reste à cette durée de quatre mois. En effet, le pire serait d'installer la femme victime dans du temporaire qui finirait par devenir définitif et la priverait de la capacité nouvelle que lui donnera l'ordonnance de protection de trouver les moyens de prendre des décisions et de sortir de la situation dans laquelle elle se trouve.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Très bien !

(L'amendement n° 14 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 94 .

La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Je retire cet amendement.

(L'amendement n° 94 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi de trois amendements, nos 86 , 15 et 38 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 15 et 38 sont identiques.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement n° 86 .

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 15 .

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Cet amendement vise à compléter la deuxième phrase de l'alinéa 16 par les mots : « ou si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours ».

En effet, comme je l'ai dit tout à l'heure, les procédures sont souvent longues. La personne victime de violences peut hésiter un certain temps avant de décider de commencer à faire des démarches. Or, l'accès à de nombreux droits découle de l'ordonnance de protection. C'est pourquoi le délai de quatre mois me paraît trop court. Il est évident que c'est au cas où il serait insuffisant que le juge pourrait porter l'application de l'ordonnance à une durée maximale de huit mois. Il est souhaitable que la durée puisse être prolongée si une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée, et qu'elle soit calée sur la durée des procédures civiles et pénales engagées.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'amendement n° 38 est soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a repoussé ces deux amendements identiques et je propose à l'Assemblée de faire de même. En effet, il s'agit d'une précision inutile puisque les deux cas sont couverts soit par le droit pénal existant – je ne reviendrai pas sur toutes les notions liées au contrôle judiciaire –, soit par l'alinéa 16 de l'article 1er de la proposition de loi qui donne totalement satisfaction aux auteurs de ces amendements.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable.

(Les amendements identiques nos 15 et 38 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 68 .

La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Cet amendement vise à faire en sorte que le juge aux affaires familiales puisse, à tout moment, « et après avoir invité chacune des parties à s'exprimer », imposer à la personne assignée une ou plusieurs obligations nouvelles,…

C'est un amendement de bon sens qui permettrait de réactualiser la situation des deux parties au moment de la prise de décision.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

J'attire votre attention sur le fait qu'une telle disposition risque de bloquer le système. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Il doit certes être possible pour le juge de modifier, à la demande des parties, les mesures qu'il a prononcées dans l'ordonnance de protection, mais il est inutile de prévoir dans le code civil que ces modifications interviendront après avoir invité les parties à s'exprimer.

D'une part, le respect du contradictoire s'impose au juge dans le cadre d'une procédure de référé et l'oblige à recevoir l'avis des parties avant de rendre sa décision.

D'autre part, si certaines précisions procédurales se révélaient nécessaires, elles relèveraient du pouvoir réglementaire.

Je vous invite donc à repousser cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Mes chers collègues, en recherchant sans cesse la perfection vous complexifiez encore un dispositif qui doit être rapide et simple. Il est déjà très compliqué aujourd'hui pour une femme violentée de comprendre la procédure si elle n'a pas une amie qui lui tient la main. Il faut donc simplifier les choses. Je suis d'accord avec le Gouvernement.

(L'amendement n° 68 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 39 .

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

L'ordonnance de protection pourra être délivrée par le juge sur la base de témoignages et de pièces justificatives produites par les parties, mais la justice doit pouvoir avancer ses propres arguments. C'est une garantie pour les justiciables. Cet amendement vise à permettre au juge d'ordonner une enquête familiale parce qu'elle est complémentaire de l'enquête sociale qui concerne l'autorité parentale. Cela répond d'ailleurs à une demande des associations.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cet amendement a été accepté par la commission, mais je souhaite qu'il soit retiré ou, à défaut, rejeté. En effet, il est pour partie satisfait pour ce qui concerne l'autorité parentale puisque, lorsque le juge aux affaires familiales statue sur celle-ci, il est évidemment appelé à demander une enquête familiale. De surcroît, cet amendement souffre de nombreuses défectuosités au niveau de sa rédaction. Le terme « notamment » n'est pas parmi les plus excellents en matière juridique. L'« historique » n'est pas non plus d'une grande pertinence. Le « etou » me semble frappé d'une impossibilité juridique. Quant à la « situation sociale des parties », elle peut être de bon aloi dans une conversation en tête à tête, mais certainement pas dans un texte de loi. Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite le retrait ou le rejet de cet amendement, bien que je comprenne la volonté de ses auteurs.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable pour les mêmes raisons que celles exposées par M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Je regrette ces avis car je pense que l'enquête sociale n'est pas suffisante. Effectivement, comme vous le dites, monsieur le rapporteur, elle traite de l'autorité parentale, mais une enquête familiale s'impose en complément pour que le juge voit ce qui se passe. Donc, je maintiens l'amendement.

(L'amendement n° 39 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 82 .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Nous en venons à des dispositions qui posent clairement la question de savoir comment doit être traitée la prévention des mariages forcés. C'est un sujet qui vous tient particulièrement à coeur, et vous savez que c'est aussi mon cas. Cela n'empêche pas la discussion, mais je ne pense pas qu'il faille agir par le biais d'une ordonnance de protection dont la seule mesure qui me semble utile et nouvelle dans ce cas est l'interdiction de sortie du territoire. En effet, les mesures d'interdiction d'entrer en contact ou de port d'arme peuvent d'ores et déjà être prononcées par un juge pénal dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou, en cas de condamnation, à titre de peine complémentaire ou dans le cadre d'une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve.

Il me semble qu'il faut distinguer le cas des mineurs, comme le fait votre texte, puisque la loi, en les désignant comme incapables, présume qu'ils ne seront pas à même de s'opposer à un voyage à l'étranger. Je vous rejoins pour dire qu'il faut améliorer les pouvoirs du juge des enfants dans ce cas et prévoir une inscription au fichier des personnes recherchées en cas d'interdiction du territoire.

S'agissant des personnes majeures, en revanche, je m'interroge sur le fait de leur permettre de demander à être interdites de sortie du territoire. Il me semble en effet qu'une personne majeure peut s'opposer à un voyage, y compris en prenant certaines précautions quant à ses titres d'identité. Le Gouvernement, le ministère des affaires étrangères notamment, mène une campagne de sensibilisation sur le sujet et des conseils sont facilement accessibles sur le site de ce ministère. Il me semble beaucoup plus efficace, pour la victime majeure qui craint d'être obligée de quitter le territoire contre son gré, ce qui pénalement est susceptible de constituer un enlèvement, de se placer sous la protection des services de police ou du ministère public en dénonçant les faits dont elle est victime. Comme je l'ai dit, le juge pénal pourra prononcer les mesures d'interdiction d'entrer en contact et de port d'arme. Il convient à cet égard de souligner que la proposition de loi aggrave la répression des violences commises aux fins d'obliger la victime à accepter un mariage forcé. J'ajoute que nous aurons aussi à nous prononcer sur un amendement relatif au mariage religieux non précédé du mariage civil, et il me semble que cela peut aussi contribuer à lutter contre les mariages forcés.

Il faut renforcer la politique de prévention et une première victoire serait que les femmes soumises à de telles pressions osent en parler. C'est pourquoi je vous propose de supprimer les alinéas 17 et 18 de l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Le rapporteur ne s'étant pas offusqué, tout à l'heure, que le Gouvernement soit défavorable à la proposition qu'il avait émise, je ne pense pas que le Gouvernement s'offusque que j'adopte en l'occurrence une position contraire à la sienne.

Je voudrais défendre les alinéas 17 et 18 issus de nos travaux. Ce texte contient des dispositions très novatrices, très ambitieuses en matière de lutte contre les mariages forcés. L'une d'entre elles, figurant dans l'un des articles suivants, crée tout simplement un délit de contrainte au mariage. Il serait pour le moins paradoxal que le même texte qui crée un tel délit ne permette pas à une jeune

majeure d'échapper à la contrainte qui serait exercée sur elle pour contracter un mariage dont elle ne voudrait pas. Quelle est la différence entre une jeune de dix-huit ans moins un jour et une jeune de dix-huit ans plus un jour ? C'est deux jours ! Si l'amendement du Gouvernement était adopté, les jeunes femmes seraient protégées, grâce au juge des mineurs, jusqu'à dix-huit ans mais plus après, alors même que nous créons une ordonnance de protection et voulons lutter contre les mariages forcés. Cela me semble d'autant plus gênant que les dispositions prévues par les alinéas 17 et 18 font partie des soixante-cinq propositions de notre mission d'information.

Les jeunes majeures peuvent être forcées au mariage. Le méconnaître poserait un problème. C'est la raison pour laquelle, avec tout le regret que j'en éprouve, je souhaite que l'Assemblée repousse cet amendement du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

J'irai dans le sens de M. le rapporteur. En effet, madame la secrétaire d'État, le problème c'est l'autonomie. À dix-huit ans et un jour, il est peu probable qu'une jeune femme ait un logement et un emploi lui permettant de vivre de façon autonome. Il est donc important qu'elle puisse demander une ordonnance de protection pour ne pas subir un mariage forcé et toutes les menaces qui le précèdent.

On pourrait se demander pourquoi il faudrait protéger les majeures, mais les femmes victimes de violences pour lesquelles nous créons l'ordonnance de protection sont bien aussi des majeures. Ce que nous voulons, c'est dénoncer la domination masculine sur les femmes dans certaines situations, que ce soit au sein du couple par des violences ou au sein de la famille pour des jeunes femmes menacées d'un mariage forcé. J'ajouterai, madame la secrétaire d'État, que tous les mariages forcés ne se font pas forcément à l'étranger. Ils peuvent se faire aussi sur notre territoire et il faut bien prévoir une protection dans ce cadre. Des associations recueillent aujourd'hui les jeunes femmes qui fuient le domicile parental pour échapper à de tels mariages. Il faut donc absolument maintenir ces deux alinéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

J'irai dans le même sens que monsieur le rapporteur et Martine Billard. Cette loi vise à sanctionner l'auteur des violences, mais aussi à protéger la victime. Le texte dispose que le mariage forcé est une violence. Que la personne soit mineure ou majeure n'entre pas en compte, dès lors que le mariage forcé est une violence, et donc un délit, il faut que les femmes qui en sont victimes bénéficient de cette ordonnance de protection.

J'ajoute qu'à dix-huit ans, lorsque plusieurs membres de la famille font pression sur vous, et sans autonomie financière ni logement, il est difficile de résister à ces pressions si l'on est pas protégé.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Le groupe UMP dans sa majorité suivra le Gouvernement sur cet amendement. Tout d'abord, car un amendement à venir interdira à un religieux de marier religieusement s'il n'y a pas eu de mariage civil auparavant, ce que le code pénal tolère actuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

En revanche, il est important que des moyens financiers soient attribués aux consulats dans certains pays pour que des jeunes filles qui ont quitté notre territoire puissent être rapatriées en cas de menace de mariage forcé. C'est une demande de nombreuses associations que de donner ces moyens aux consulats.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Pour ce qui concerne le groupe SRC, nous suivrons le rapporteur dans sa démarche, qui est le résultat de mois d'expertises de la mission et de la commission spéciale.

En réaction aux propos de Chantal Brunel, je souhaite indiquer que les mariages forcés ne sont pas exclusivement le fait de religieux, et ne se déroulent pas tous à l'étranger. Les mariages forcés sont une réalité dans notre pays, et concernent des citoyens français quels que soient leur milieu social et leurs origines familiales. Il nous semble donc absolument nécessaire que lorsqu'une jeune femme majeure est menacée d'un mariage forcé, elle puisse bénéficier du dispositif de l'ordonnance de protection.

J'ajouterai, concernant la remarque de madame la secrétaire d'État, qu'un point n'est pas couvert par son argumentation, c'est le mariage forcé non par le père ou le fils, mais par le propre concubin. Imaginons, lorsque deux personnes vivent en concubinage, que le conjoint oblige sa concubine à contracter un mariage. Ce cas ne serait pas couvert par le dispositif cité tout à l'heure.

Pour ces deux raisons, parce que la jeune majeure doit être protégée sur le territoire français et que cette question touche notre pays dans ces différentes strates sociales, et parce que le mariage peut être imposé par un concubin souhaitant sacraliser républicainement son union avec une personne majeure, nous souhaitons absolument le maintien de ces alinéas 17 et 18.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Je ne souhaite pas tant intervenir sur le fond, sur lequel je partage l'avis du rapporteur, mais je souhaite faire remarquer à notre collègue Chantal Brunel qu'il est dommage, alors que nous avons travaillé dans une atmosphère de réflexion, de consensus, et dans l'intérêt de nos concitoyens, de se replier sur des postures partisanes en affirmant que le groupe votera pour soutenir le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

C'est mettre à mal un très riche travail de réflexion et d'auditions mené sur la durée.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Je souhaite apporter quelques précisions sur l'applicabilité de la mesure envisagée. En droit, nul ne peut demander une mesure d'interdiction le concernant lui-même. La disposition dont le Gouvernement demande le retrait n'est donc pas applicable, car elle impliquerait qu'une personne demande à un juge d'être elle-même interdit de sortie du territoire français.

Par ailleurs, la procédure envisagée n'est pas applicable quand la menace de mariage forcée se situe dans le pays d'origine, qui empêche l'audition des parties par le juge dans le cadre de l'article 515-10. Si une jeune femme, par ailleurs, est capable d'aller voir le juge des affaires familiales, elle est également en mesure d'aller voir le procureur.

(L'amendement n° 82 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 40 .

La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

L'alinéa 17 étant maintenu, nous proposons une rédaction plus précise. Après le mot « protection », nous souhaitons ajouter : « est délivrée par le juge à la personne majeure menacée de mariage forcé ou de mutilation sexuelle et aux personnes victimes des infractions visées aux articles 222-22, 222-23, 222-27 et 225-4-1 du code pénal. Le juge est saisi dans les conditions fixées à l'article 515-10 du présent code. »

Il s'agit de prévoir que le juge aux affaires familiales, compétent pour les mariages forcés, le soit aussi pour les personnes menacées de mutilations sexuelles.

Par ailleurs, nous souhaitons que les personnes majeures menacées de mariage forcé ou de mutilations bénéficient d'une protection d'ordonnance automatique, et que cette ordonnance, conformément à l'esprit de la mission d'information de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, puisse s'étendre aux agressions sexuelles, à la traite des êtres humains et au viol. Nous souhaitons donc élargir le champ de l'ordonnance de protection à ces différents cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 41 , défendu.

(L'amendement n° 41 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 42 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 6 , repoussé par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

En conséquence, les amendements n°s 21 , 88 , 43 , 13 , 95 tombent.

L'amendement n° 89 de la commission est rédactionnel.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable, en cohérence avec nos positions précédentes.

(L'amendement n° 89 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 25 .

La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Il s'agit d'élargir le champ d'application de l'ordonnance de protection aux personnes victimes de menaces de viol ou d'agressions sexuelles qui peuvent provenir de personnes n'étant pas membres de la famille, mais auxquelles la femme menacée doit être confrontée de manière régulière car les auteurs de ces menaces font partie de son entourage ou de son voisinage.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

En déposant cet amendement, nous avons pensé au phénomène des tournantes : des jeunes femmes mineures menacées de viol dans certains quartiers. C'est pourquoi il nous a semblé important d'étendre le bénéfice de l'ordonnance de protection parce qu'elles peuvent être effrayées et ne pas oser aller porter plainte. J'insiste beaucoup sur cet aspect, cela vise des situations très précises, cela permettrait de protéger ces jeunes qui n'osent pas porter plainte aujourd'hui.

(L'amendement n° 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Nous voterons évidemment l'article 1er. Néanmoins, je souhaite qu'il soit dit que l'inscription sur le passeport doit se faire avec l'autorisation de la personne. Il me semble important que l'on n'inscrive pas sur un passeport une interdiction de quitter le territoire sans que le titulaire du passeport en soit informé ; j'aurais aimé que la secrétaire d'État nous le confirme, même si notre amendement n° 45 est tombé.

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Le Gouvernement a retiré son amendement n° 102 à l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er ter

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est reprise.

Mes chers collègues, madame la secrétaire d'État, je me permets de vous inviter à la concision car nous devons encore examiner cinquante et un amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

À l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. Guy Geoffroy.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

(L'amendement n° 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 103 .

La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Il est retiré.

(L'amendement n° 103 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Françoise Hostalier pour soutenir l'amendement n° 55 .

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

Par principe je ne peux pas être opposé à la précision apportée : évidemment, c'est pendant vingt-quatre heures au plus que la personne qui ne respecte pas son contrôle judiciaire, et notamment l'auteur de violences au sein du couple qui n'observe pas une obligation d'éloignement par rapport à sa victime, peut être retenue par les forces de l'ordre jusqu'à sa comparution devant le juge.

Toutefois cette précision n'est pas indispensable. Ainsi, elle ne figure pas dans les dispositions permettant une retenue similaire en cas de violation par le condamné des obligations liées à un sursis avec mise à l'épreuve, que le Parlement vient d'adopter dans une loi sur la récidive criminelle. Alors pourquoi l'insérer dans le présent texte ?

Si cet amendement n'était pas retiré, j'émettrais un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 56 .

La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable.

(L'amendement n° 56 est adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 84 du Gouvernement portant article additionnel après l'article 2, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 101 .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Conformément aux engagements pris par le Premier ministre, cet amendement a pour objet de prévoir que le respect d'une décision judiciaire d'éloignement prise en cas de violences au sein du couple peut être contrôlé par un placement sous surveillance électronique mobile, obligeant la personne au port d'un bracelet électronique qui permet de déclencher une alarme si celle-ci se rend au domicile de sa victime.

Ce contrôle à distance interviendra, avant jugement, dans le cadre d'une assignation à résidence avec surveillance électronique, mesure prononcée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qui, depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, se substitue au contrôle judiciaire avec surveillance électronique.

Pour les personnes condamnées, il interviendra dans le cadre d'une peine de suivi socio-judiciaire avec placement sous surveillance électronique mobile prononcée par le tribunal correctionnel.

Si la personne ne respecte pas son obligation d'éloignement, le contrôle électronique à distance permettra de le constater immédiatement. Elle pourra alors être interpellée par les forces de l'ordre et être présentée, selon les cas, devant le juge des libertés et de la détention qui pourra révoquer la mesure et la placer en détention provisoire, ou devant le juge de l'application des peines qui pourra révoquer le suivi socio-judiciaire et ordonner son emprisonnement.

Ces dispositions seront également applicables en cas de violences sur les enfants du couple, ou de violences contre l'ex-conjoint, l'ex-concubin ou l'ex-partenaire d'un pacte civil de solidarité.

Par ailleurs, lorsque aura été également prononcée l'interdiction de rencontrer la victime, celle-ci pourra, si elle y consent expressément, se voir proposer soit l'attribution d'un dispositif de téléprotection lui permettant d'alerter les autorités publiques en cas de violation des obligations imposées à la personne mise en examen ou au condamné, soit le port d'un dispositif électronique permettant de signaler à distance que celui-ci se trouve à proximité.

Afin de permettre la pleine efficacité du dispositif, il est prévu que ces dispositions s'appliqueront également en cas de menaces commises au sein du couple, et pas uniquement en cas de violences. Des drames récents ont en effet montré que c'était souvent après avoir reçu des menaces qu'une femme était agressée ou assassinée par son ancien compagnon.

Ces dispositions s'appliqueront dès que la peine encourue sera de cinq ans d'emprisonnement, alors que le placement sous surveillance électronique n'est normalement possible que pour les délits punis d'au moins sept ans d'emprisonnement.

En raison de l'aggravation des violences habituelles au sein du couple, prévu par un autre article de la proposition de loi, qui fait que ces violences habituelles seront au moins punies de cinq ans d'emprisonnement, même en l'absence d'incapacité totale de travail, ce dispositif sera donc applicable dans une telle hypothèse.

Afin que le dispositif soit applicable en cas de menaces, l'amendement prévoit que la répression des menaces au sein du couple sera également aggravée. L'aggravation est exactement la même que celle qui existe, depuis la loi du 9 mars 2004, pour les menaces à caractère raciste. Les menaces sous condition commise au sein du couple seront ainsi punies de cinq ans d'emprisonnement, ou de sept ans s'il s'agit de menaces de mort, ce qui permettra la mise en oeuvre du dispositif.

Ces dispositions, inspirées à la fois d'une expérimentation en cours dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny, intitulée « dispositif très grand danger », et des dispositifs applicables en Espagne, assureront ainsi la pleine efficacité des mesures d'éloignement, et préviendront la commission de nouvelles violences au sein du couple.

Les mesures relatives au dispositif de téléprotection attribué à la victime ou au dispositif électronique porté par celle-ci permettant de signaler la proximité de son agresseur seront applicables, à titre expérimental, pendant une durée de trois ans, dans des sites pilotes qui seront déterminés par le ministre de la justice.

Dans la perspective de la mise en place de ce dispositif, il conviendra de prévoir des moyens humains et techniques adaptés, ce qui devra se traduire par des crédits spécifiques accordés au ministère de la justice pour cette nouvelle mission.

Par ailleurs, il faudra aussi coordonner l'action des différents intervenants appelés à gérer le dispositif, notamment celle de l'administration pénitentiaire, aujourd'hui compétente en matière de bracelets électroniques, et celle des forces de police et de gendarmerie qui seront amenées à intervenir en cas de danger.

Ce dispositif permettra de renforcer la protection effective des victimes ; c'est un engagement fort du Gouvernement.

Guy Geoffroy, qui m'a accompagné en Espagne, a pu le voir fonctionner et constater son efficacité. Il s'agit d'un dispositif novateur, très attendue par les femmes qui craignent tous les jours pour leur vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour présenter le sous-amendement n° 101 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Le dispositif expérimental proposé par l'amendement n° 84 s'inscrit dans le droit fil des travaux que nous avons menés en commission et dans cet hémicycle. Le sous-amendement vise à ce qu'il puisse être étendu aux femmes victimes de violences dans le cadre intrafamilial par un ascendant, un descendant ou un membre de la fratrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Bien que la commission ne se soit pas prononcée formellement sur l'amendement du Gouvernement, l'esprit des débats permet de dire qu'elle est favorable à son principe.

Personne ne peut valablement s'indigner qu'une telle expérimentation soit menée, d'autant plus que nous avons eu l'occasion d'observer concrètement en Espagne le fonctionnement de ce dispositif lorsque des moyens adaptés y sont consacrés.

Même s'il faut être très prudent quant aux conséquences statistiques que l'on pourrait tirer de l'expérience espagnole, les premiers retours sont positifs et intéressants. C'est la raison pour laquelle il me paraît important d'adopter cet amendement. Encore une fois, il est proposé, de manière extrêmement sage et prudente, de mener une expérimentation, à laquelle seront consacrés tous les moyens nécessaires pour que nous puissions juger de sa pertinence.

Quant au sous-amendement n° 101 , je comprends la volonté exprimée par ses auteurs, qui ont du reste déposé d'autres amendements du même type sur d'autres articles du texte. Mais, dans le même souci de sagesse, il me paraît bon – et je crois que le Gouvernement partagera mon sentiment – d'attendre le stade de la validation de l'expérimentation et le début de la généralisation du dispositif pour adopter cette mesure d'extension. Il s'agit d'une proposition intéressante, mais il serait plus pertinent et plus efficace de l'appliquer à l'issue de l'expérimentation.

En résumé, je crois pouvoir donner, au nom de la commission, un avis favorable à l'amendement du Gouvernement. Par ailleurs, je demande à l'auteur du sous-amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, j'émets un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Monsieur Goldberg, retirez-vous votre sous-amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Puisqu'il s'agit d'un dispositif expérimental et que nous nous accordons tous sur le fait que les violences intrafamiliales, quelles qu'elles soient, sont de même nature, nous maintenons notre sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 101 ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Je peux entendre vos arguments, monsieur Goldberg. Mais il s'agit d'un dispositif expérimental prévu dans le cadre d'une proposition de loi relative à la lutte contre les violences faites aux femmes. Attendons de connaître les résultats de cette expérimentation avant d'étudier la possibilité d'étendre le dispositif. Aussi, je vous demande, monsieur le député, de bien vouloir retirer votre sous-amendement.

(Le sous-amendement n° 101 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Le dispositif du Gouvernement devant faire l'objet d'une expérimentation, je souhaiterais savoir quelle en sera la durée et qui en dressera le bilan, afin que celui-ci puisse être soumis au Parlement, en particulier à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Il est prévu que cette phase expérimentale dure trois ans. Au terme de cette période, le ministère de la justice dressera un bilan, qui sera présenté à la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

L'idée d'une expérimentation me paraît intéressante, mais je rappelle que des vies sont en jeu. Or, cette expérimentation va créer des discriminations entre les territoires : certaines femmes qui se trouvent dans une situation critique, angoissante, ne pourront pas bénéficier du dispositif. Elle doit donc être la plus brève possible et doit pouvoir être généralisée, en tenant compte de certaines difficultés, notamment le fait que, dans les territoires ruraux, les réseaux de GPS ne sont pas toujours accessibles.

L'expérience espagnole ne peut-elle pas nous faire gagner du temps et nous permettre d'être opérationnels plus tôt ? Encore une fois, madame la secrétaire d'État, des vies humaines sont en jeu et il ne faudrait pas que vous vous retrouviez dans une situation délicate. Vérité en deçà des Pyrénées n'est pas toujours erreur au-delà. Il nous faut être particulièrement vigilant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Dans mon intervention lors de la discussion générale, j'ai insisté sur la nécessité d'informer très largement les femmes du contenu de cette loi très attendue, afin qu'elles puissent s'en saisir. Je souhaiterais que ce souci d'information vaille également pour le bracelet électronique, car les femmes qui en ont entendu parler dans les médias ont peut-être le sentiment que le dispositif s'appliquera immédiatement, partout, et qu'elles pourront toutes en bénéficier. Or, nous savons ce soir qu'il s'agit d'une mesure expérimentale, limitée dans le temps et dans l'espace. Il faut le dire et la replacer à sa juste place dans l'ensemble des dispositions contenues dans le texte.

Je ne dis pas cela parce que je m'y oppose, mais parce que je souhaite mettre en garde le Gouvernement contre des effets médiatiques qui pourraient susciter des espoirs vite déçus, alors que les femmes doivent savoir qu'elles peuvent compter sur l'ensemble du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Mon intervention ira dans le même sens que celle de Mme Buffet.

Je rappelle que Mme Alliot-Marie a déclaré que les nouvelles technologies n'étaient qu'un « outil supplémentaire ». Je souhaiterais donc que nous soyons tous d'accord pour reconnaître que, si l'expérience espagnole a pu démontrer l'utilité et l'efficacité de ce dispositif, celui-ci doit être un instrument au service des êtres humains, mais ne peut en aucun cas se substituer à ceux-ci. Si le bracelet électronique était généralisé avec une police sans policiers et une justice sans moyens, il n'aurait pas l'efficacité escomptée.

Or, ainsi que nous l'avons rappelé lors de l'examen de la LOPPSI 2, il y a quelques jours, dans la police et la gendarmerie, 9 121 « équivalent temps plein » ont été supprimés en trois ans et la justice n'a pas de moyens. Ainsi un conseiller d'insertion et de probation doit suivre 120 personnes, donc 120 dossiers ; les auteurs de violences ne peuvent pas être suivis et traités autrement que de manière administrative, de sorte qu'ils ont peu d'espoir d'être guéris et leurs conjointes, victimes, de voir leur situation s'améliorer.

Certes, nous devons utiliser tous les dispositifs technologiques dont nous pouvons nous doter, pourvu que l'on respecte la morale républicaine. À cet égard, le bracelet électronique peut être utile. Du reste, il est rappelé dans l'exposé sommaire de l'amendement du Gouvernement que cette mesure s'inspire de l'expérimentation d'un dispositif téléphonique menée dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny, expérimentation qui, je le précise, a été décidée par le conseil général de Seine-Saint-Denis.

Quoi qu'il en soit, puisque nous découvrons, à la lecture de l'amendement du Gouvernement, que, contrairement à ce qui a été indiqué dans tous les médias, il s'agit d'une expérimentation limitée dans le temps et menée sur des sites pilotes – ce qui n'avait pas été encore annoncé –, il conviendrait, madame la secrétaire d'état, que vous nous indiquiez très précisément quels moyens le Gouvernement consacrera au dispositif, sur combien de sites pilotes il sera expérimenté et qui sera chargé d'en faire l'évaluation complète.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Madame la secrétaire d'État, comme cela a été dit, le bracelet électronique a suscité beaucoup d'espoir chez de nombreuses femmes victimes de violences qui craignent le retour de l'homme qui les agressait. Il est d'autant plus difficile d'apprendre aujourd'hui que l'expérimentation durera trois ans qu'il a été dit et répété sur toutes les ondes qu'en Espagne, l'utilisation du bracelet électronique avait permis de diminuer de 40 % le nombre des femmes qui décèdent des suites de violences conjugales. Une telle mesure paraît donc très efficace. Dès lors, ne faudrait-il pas que nous vous aidions, notamment au sein de la commission des finances, à trouver davantage de moyens pour l'étendre plus facilement et la mettre en oeuvre très rapidement ?

Monsieur Goldberg, aujourd'hui, le problème de la police ne réside pas tant dans le manque d'effectifs que dans la formation des personnels à l'utilisation des nouvelles technologies. Il faut en effet affecter un plus grand nombre de policiers à l'OCLCTIC, chargé de surveiller Internet, à la vidéoprotection ou au suivi des personnes équipées d'un bracelet électronique. Ce n'est pas le nombre des personnels qui compte, mais leur formation et leurs compétences.

En tout état de cause, madame la secrétaire d'État, trois ans, c'est très long. Un tel délai peut susciter une grande déception chez toutes les femmes qui attendent cette mesure avec beaucoup d'impatience.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Je souhaite répondre aux inquiétudes et interrogations que vous avez exprimées.

Le dispositif du bracelet électronique vient d'être mis en place, à titre expérimental, en Espagne. Nous nous sommes rendus au centre Securitas, où nous avons vu la manière dont il fonctionne : des personnels sont devant leurs écrans sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours sur trois cent soixante-cinq.

Rien ne nous empêche, après avoir expérimenté le dispositif dans le ressort de trois parquets, de l'étendre, toujours dans le cadre de l'expérimentation, à d'autres territoires où il paraîtra nécessaire de l'appliquer. Mais vous imaginez bien qu'il doit d'abord connaître une montée en puissance – les magistrats doivent être formés, et vous avez du reste insisté sur la formation des personnels – et être évalué. Notre objectif est de débuter l'expérimentation avec cent cinquante bracelets, dans le ressort de trois parquets. Mais, je le répète, si cette expérimentation est bien limitée à trois ans, rien ne nous empêche de l'étendre territorialement au cours de cette période. Je souhaite que cela soit très clair.

Par ailleurs, Mme Buffet a évoqué la médiatisation de cette mesure. Je suis intervenu dans de nombreux médias, et encore ce matin dans l'émission Les quatre vérités de France 2, pour expliquer qu'il s'agissait d'un dispositif expérimental. Ma communication a été, depuis le départ, très claire sur ce sujet. La presse française, qui s'est montrée très intéressée par le dispositif, l'a, du reste, découvert avant la presse espagnole, puisqu'elle nous accompagnait en Espagne lorsque Bibiana Aido nous a fait l'amitié de nous ouvrir le centre et de nous expliquer son fonctionnement.

(L'amendement n° 84 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Gisèle Biémouret, inscrite sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Biémouret

Je veux, moi aussi, évoquer une question relative aux moyens. Il est très fréquent que les femmes ne puissent quitter le domicile avec leurs enfants parce qu'elles ne disposent pas de lieu d'hébergement. Il convient de privilégier le lien entre la mère et l'enfant et pour cela, de mettre les moyens nécessaires – ce sont souvent les conseils généraux qui en ont la gestion – pour qu'il y ait suffisamment de centres d'hébergement permettant l'accueil des mères et de leurs enfants à la suite de violences conjugales.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 57 .

La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

L'alinéa 5 de l'article 3 est ainsi rédigé : « L'exercice du droit de visite et d'hébergement peut être refusé à l'autre parent pour des motifs graves ». dans un souci de précision, nous proposons de le compléter par les mots : « mettant en cause l'équilibre physique, psychologique ou affectif de l'enfant ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a repoussé cet amendement : non que l'intention ne soit pas louable, mais il me semble qu'il ne faut pas restreindre la capacité du juge à apprécier les raisons qui peuvent conduire à refuser le droit de visite et d'hébergement dans l'intérêt même de l'enfant.

Nous avons, en fait, repris le texte actuel du code civil et en avons inversé le principe. Je souhaite par conséquent le retrait de cet amendement : il serait dommage, puisqu'il va dans le bon sens, qu'il soit repoussé.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je retire l'amendement n° 57 .

(L'amendement n° 57 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 83 .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

L'amendement n° 83 a pour objet de corriger une inexactitude juridique du texte relative à l'exercice du droit de visite dans un espace de rencontre. En effet, le troisième alinéa de l'article 373-2-1 du code civil, tel qu'il est rédigé dans la proposition de loi, fait référence au retrait de l'autorité parentale, alors que le premier alinéa de ce même article ne vise que l'hypothèse de l'exercice de l'autorité parentale par un seul parent.

Dans le cas où un parent s'est vu retirer l'autorité parentale, il ne peut exercer le droit de visite et d'hébergement. Il est donc nécessaire de réécrire la première phrase de cet alinéa afin de supprimer la référence au retrait de l'autorité parentale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission avait noté la même insuffisance du texte et avait proposé l'amendement n° 92 , adopté par la commission, pour y remédier. Toutefois, la présentation de l'amendement n° 83 par Mme la secrétaire d'État m'amène à considérer que l'adoption de cet amendement est préférable. Je donne par conséquent un avis défavorable à l'amendement n° 83 et je retire notre amendement n° 92 .

(L'amendement n° 83 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

L'amendement n° 92 de la commission a été retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 69 .

La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

En cas de violences au sein d'un couple, la remise de l'enfant à l'autre parent constitue un moment extrêmement difficile. L'amendement n° 69 vise à ce que l'exercice du droit de visite et la remise de l'enfant puissent avoir lieu en présence d'un représentant de la personne morale habilitée.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Vous voulez, madame la députée, permettre que le droit de visite et la remise de l'enfant puissent s'effectuer en présence d'un représentant de la personne morale désignée par le juge pour accompagner la victime. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour considérer que le droit de visite et la remise de l'enfant doivent pouvoir se dérouler dans un cadre sécurisé pour la victime de violences et serein pour l'enfant.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Toutefois, la mesure proposée est inutile, dès lors qu'il existe déjà des espaces de rencontre prévus pour organiser des visites médiatisées. Ces lieux sont gérés par des professionnels et adaptés, aussi bien pour recevoir des enfants que pour guider et encadrer les parents. L'indépendance de ces professionnels par rapport à chacune des parties est un gage de réussite du déroulement du droit de visite, alors que la personne chargée de suivre la partie demanderesse à l'ordonnance de protection pourrait être suspectée de partialité par l'autre partie.

Je vous invite donc à retirer cet amendement. À défaut, je souhaite qu'il soit rejeté par l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Hostalier

Je le maintiens, monsieur le président.

(L'amendement n° 69 est adopté.)

(L'article 3, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 19 rectifié .

La parole est à Mme Chantal Brunel.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Dans le cadre de la procédure de divorce pour faute, cet amendement a pour objet, lorsque l'un des époux a été victime d'une tentative d'homicide de la part de son conjoint, de supprimer la phase de conciliation, qui a pour but de trouver un terrain d'entente. Alors que nous avons supprimé la médiation pénale, il n'est pas logique que la procédure de conciliation, qui va se traduire par un affrontement entre une femme et son mari, coupable d'une tentative d'homicide à son encontre, subsiste.

Je connais plusieurs cas correspondant à cette situation extraordinairement éprouvante pour la femme concernée qui, victime d'une tentative d'homicide de la part de son mari, se trouve à nouveau confrontée à lui, sorti de sa cellule de prison pour cette conciliation.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Je propose par conséquent de raccourcir les délais de la procédure de divorce pour faute en supprimant la phase de conciliation lorsque l'un des époux a été victime d'une tentative d'homicide de la part de son conjoint. Cette mesure doit permettre à la femme concernée de se reconstruire plus rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a émis un avis défavorable à cet amendement. Je rappelle en effet que la phase de conciliation ne porte pas sur le principe même du divorce, mais vise à trouver un accord sur les rapports financiers entre les parents et sur l'exercice de l'autorité parentale durant la phase transitoire. Dès lors, il me paraît préférable que cet amendement soit repoussé, à défaut d'être retiré.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Madame la secrétaire d'État, il me semble que nous devrions réfléchir à un système de divorce par comparution immédiate dans certaines situations, notamment celle de la tentative d'homicide de la part de l'un des deux époux. Je connais de tels cas : quand le mari est incarcéré, le divorce peut durer deux ou trois ans, ce qui constitue un vrai problème ! Je souhaite donc maintenir cet amendement, au moins pour attirer l'attention sur le problème que j'évoque.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Je vais essayer de vous faire changer d'avis, madame la députée. (Sourires.) Votre amendement vise à permettre au juge de supprimer la phase de conciliation prévue dans le cadre de la procédure de divorce lorsqu'un des époux a été victime d'une tentative d'homicide de la part de son conjoint. Il ne me paraît pas opportun, car il conduirait à supprimer une étape procédurale importante pour les parties dans toutes les hypothèses autres que le divorce par consentement mutuel.

Le terme de « conciliation » peut choquer en cas de violences graves…

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

…mais je rappelle que les parties n'ont, en fait, aucune obligation de conciliation : si cette audience est particulièrement importante, c'est parce qu'elle permet de débattre des mesures provisoires qui figureront dans l'ordonnance de non-conciliation et régleront la vie des enfants et les rapports pécuniaires du couple dans l'attente du jugement de divorce.

Écarter cette phase préalable à l'assignation en divorce reviendrait à priver les époux de convenir de mesures provisoires permettant, en principe, une organisation plus sereine de la vie de famille en attendant le divorce. Au bénéfice de ces explications, je vous demande par conséquent de retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 75 .

La parole est à Mme Martine Billard.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

L'article 373-2-8 du code civil, qui détermine les conditions dans lesquelles le juge organise l'autorité parentale, est actuellement ainsi rédigé : « Le juge peut également être saisi par l'un des parents ou le ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non, à l'effet de statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. »

L'amendement n° 75 vise à compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « Le juge peut également être saisi par l'un des parents à l'effet de statuer sur le refus de consentement de l'autre parent à l'accomplissement de soins médico-psychologiques concernant la personne de l'enfant. »

À l'heure actuelle, en cas de violences commises au sein d'un couple, les enfants sont témoins de la violence exercée à l'encontre de leur mère, même lorsqu'ils n'ont pas été eux-mêmes victimes de violences. Cela peut créer des troubles psychologiques chez les enfants concernés. Or, si la mère souhaite que l'un des enfants bénéficie de soins psychologiques, le père peut s'y opposer, puisque l'accord des deux parents est requis. J'ai été saisie du cas très concret d'une femme dont l'enfant, un garçon, témoin des violences exercées par son père au sein du couple, s'était mis à reproduire ces violences en tapant à son tour sur sa mère. Lorsque la mère a voulu faire soigner son enfant afin d'éviter qu'il ne se déstructure complètement et reproduise, à l'âge adulte, ce qu'il a vécu au sein de sa famille, le père s'y est opposé !

C'est pourquoi j'ai déposé cet amendement, visant à alerter les juges sur une situation particulière et à leur permettre de statuer sur la demande de la mère portant sur l'accomplissement de soins médico-psychologiques sur la personne de l'un de ses enfants. En l'occurrence, il s'agit le plus souvent de garçons qui, voyant leur père frapper leur mère, finissent par reproduire ultérieurement, dans leur couple, le comportement violent qui leur a été donné en modèle. Il me semble qu'il vaut mieux soigner l'enfant le plus tôt possible, afin d'éviter que ce risque ne se réalise à terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Il avait été convenu, lors du premier examen de l'amendement n° 75 en commission, qu'il devait être reformulé afin d'aboutir à une rédaction plus solide. La nouvelle rédaction qui nous est soumise étant satisfaisante, la commission a approuvé cet amendement.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui compliquerait inutilement la loi. Je vous rappelle, madame la députée, qu'aux termes de l'article 373-2-6 du code civil, le juge du tribunal aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs. Il est donc déjà compétent pour statuer sur toutes les questions concernant l'enfant et pour lesquelles les parents sont en désaccord.

Puisqu'il n'existe pas de liste limitative de ces questions, il n'est pas nécessaire de viser expressément telle ou telle question. La précision qu'il est proposé d'introduire dans le chapitre relatif à l'autorité parentale risquerait, au contraire, de laisser entendre que, pour tous les thèmes non visés, le juge ne serait pas compétent. C'est pourquoi, madame la députée, je vous invite à retirer cet amendement. À défaut, j'émettrais un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je ne retire pas mon amendement, parce que, malheureusement, il correspond à la situation actuelle : les juges ne prennent pas en compte cette dimension et, à partir du moment où le père refuse, le juge s'aligne sur sa décision. Il faut donc absolument que nous avancions sur ce point : c'est l'avenir des enfants qui est en jeu.

(L'amendement n° 75 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Étienne Pinte, inscrit sur l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Je voudrais attirer l'attention de notre assemblée sur la situation particulière des ressortissantes algériennes. Comme vous le savez, les ressortissants algériens ne relèvent pas du droit commun des étrangers. En effet, le droit au séjour des Algériens est régi par un accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Dès lors, les protections d'ores et déjà prévues par le CESEDA – code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile – ou celles proposées dans ce texte ne pourront pas s'appliquer aux femmes algériennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Il en est ainsi des dispositions qui prévoient en particulier le renouvellement des titres de séjour en cas de violences conjugales – la preuve de la communauté de vie n'étant pas exigée dans les cas de violences – ou du décès du conjoint français.

L'accord bilatéral de 1968 ne comporte, hélas ! aucune disposition spécifique en cas de rupture de la vie commune à la suite de violences conjugales ou du décès du conjoint français.

Il y a bien, c'est vrai, une circulaire du 31 octobre 2005 qui appelle l'attention des préfets sur le point suivant : lorsqu'une ressortissante algérienne, mariée à un Français, est victime de violences conjugales, et en l'absence de communauté de vie, il est recommandé aux préfets d'user de leur pouvoir d'appréciation. Ils peuvent donc, dans ce cadre, accorder le renouvellement d'un titre de séjour.

Première réflexion : l'appréciation du préfet est discrétionnaire. Deuxième réflexion : dans les faits, ce point de la circulaire n'est quasiment jamais appliqué. Troisième réflexion : une circulaire n'ayant pas, comme vous le savez, de valeur contraignante, les ressortissants algériens ne peuvent s'en prévaloir devant la juridiction administrative.

En conclusion, il m'a paru opportun de rappeler en séance, à l'occasion de l'examen des articles 5 et 6 – mais je ne reviendrai pas sur ce sujet lors de l'examen du prochain article, monsieur le président – l'existence de cette circulaire. J'attire l'attention du Gouvernement sur le fait que ce texte n'est pas appliqué. Or il ne saurait être admis que les femmes algériennes ne soient pas protégées. C'est une question de bon sens et d'égalité entre les femmes, quelle que soit leur nationalité.

En ce qui concerne par exemple la situation des femmes tunisiennes et marocaines, leur droit au séjour est régi par des accords bilatéraux, dans lesquels il est écrit qu'en l'absence de dispositions particulières, c'est le droit commun des étrangers qui a vocation à s'appliquer, contrairement à ce qui se passe pour l'accord particulier conclu avec l'Algérie.

Dans la mesure où ces accords ne prévoient aucune disposition sur ce point précis, les femmes marocaines et tunisiennes peuvent donc se voir appliquer le CESEDA. Voilà les raisons pour lesquelles, madame la secrétaire d'État, je me permets d'intervenir : le texte que nous sommes en train d'étudier, à cause d'un accord particulier avec le gouvernement algérien, ne pourrait pas s'appliquer aux femmes algériennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 90 , présenté par la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cet amendement vise à assurer une véritable homogénéité dans le texte, quels que soient les cas de figure abordés aux articles 5 et 6.

Il nous est en effet apparu que, de manière assez paradoxale, l'article 6 était complet, puisque les dispositions prises pour l'attribution ou le renouvellement d'un titre de séjour s'appuyaient sur l'ordonnance de protection, mais que cette mention ne figurait pas dans l'article 5. L'un des cas de figure prévus par cet article renvoie au droit existant, lequel fait référence aux « violences » conjugales, sans qu'elles soient caractérisées et validées à un moment ou un autre de la procédure.

C'est la raison pour laquelle, au travers de cet amendement n° 90 , la commission, qui l'a approuvé, entend créer un même régime juridique. Il y a, d'un côté, la demande d'ordonnance ; ensuite, l'attribution de la protection au travers de l'ordonnance. Après cela, selon les cas de figure, il y a, grâce à cette ordonnance, la mise en oeuvre automatique et rapide de la décision de renouvellement ou d'attribution du titre de séjour. Tel est l'objet de cet amendement, qui réécrit l'article en lui donnant la cohérence qui n'existait pas dans sa mouture initiale.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Favorable.

(L'amendement n° 90 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé et les amendements nos 79 , 80 , 70 , 16 , 65 , 61 , 8 et 64 tombent.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 77 .

La parole est à Mme Chantal Brunel.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Non, monsieur le président, je le retire.

(L'amendement n° 77 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 62 .

La parole est à Mme Chantal Brunel.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

En fait, cet amendement, qui peut paraître sympathique au premier abord, puisqu'on a l'impression qu'il substitue à une carte de séjour « vie privée et familiale » une autorisation de séjour permettant d'exercer une activité professionnelle. On pourrait donc se dire que c'est mieux ainsi. Sauf que cette autorisation provisoire de séjour est valable de trois à six mois et renouvelable, alors que la carte « vie privée et familiale » est délivrée pour un an et renouvelable.

Or, quand une femme est victime de violences, elle a tout de même besoin d'un peu de stabilité pour se reconstruire et mener la procédure contre le conjoint violent. Attribuer à cette femme une carte qu'elle doit faire renouveler tous les trois mois ou tous les six mois, c'est la fragiliser encore plus. Je considère donc qu'il vaut mieux en rester au texte de la commission. Le mieux, évidemment, serait d'avoir une carte d'un an, renouvelable et autorisant l'activité professionnelle, mais en tout état de cause la proposition de notre collègue serait finalement pire que l'existant !

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Excusez-moi, ma chère collègue, mais vous ne pouvez pas dire que c'est pire : la femme qui a été battue, qui n'a pas de papiers et qui n'a pas le droit de travailler, comment peut-elle vivre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Non, il faut surtout que la victime puisse travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Je voulais insister sur la question de la durée. Actuellement, dans les préfectures, on demande à ceux qui ont des cartes temporaires de revenir tous les trois mois et l'attente est telle que les demandeurs doivent se déplacer plusieurs fois. On fabrique comme cela des sans-papiers, en raison de l'impossibilité pour les personnes de respecter les délais impartis : une fois on les renvoie, la fois d'après ils ne peuvent pas venir au rendez-vous et enfin on leur dit : « Maintenant, vous n'avez plus de papiers ! »

Je le constate dans mon département : ce sont les préfectures qui fabriquent des sans-papiers ! J'ai encore connu ce cas, récemment, avec plusieurs travailleurs. Par conséquent, fixons un délai d'un an, ne faisons pas revenir les gens tous les trois mois : les préfectures sont déjà surchargées.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

En relisant le texte du quatrième alinéa de cet article 6, je constate que la carte de séjour mention « vie privée et familiale », à en croire le texte de la proposition de loi, adopté par la commission, prévoit que cette carte temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Le problème me semble donc résolu.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Voilà qui permet en effet d'éclairer complètement l'Assemblée… (Sourires.)

(L'amendement n° 62 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 63 .

La parole est à Mme Chantal Brunel.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Favorable.

(L'amendement n° 63 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement, n° 99 , présenté par le Gouvernement.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

L'objet de cet amendement est la suppression de l'automaticité de la délivrance d'une carte de résident en cas de condamnation définitive.

La carte de résident de dix ans constitue le titre de séjour le plus long prévu par notre législation. Elle est normalement délivrée à l'issue d'un parcours d'intégration ayant permis au ressortissant étranger de s'intégrer dans notre société grâce au renouvellement de cartes de séjour d'un an. Attribuer automatiquement une carte de résident sans évaluation préalable du niveau d'intégration dans la société française remet en cause les équilibres de notre politique d'intégration.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cette disposition que le Gouvernement propose de retirer a été introduite lors de la première réunion de la commission, malgré l'avis défavorable que j'avais formulé.

Je crois qu'il est important de préciser d'où nous venons. Or, en la matière, nous venons de nulle part. (Sourires.) Nous avions décidé initialement, dans notre texte, d'attribuer aux femmes victimes de violences conjugales le même statut que celui accordé aux victimes de traite des êtres humains et d'esclavage, c'est-à-dire de leur donner la possibilité de se voir attribuer une carte de résident.

Autrement dit, on partait de rien et on allait jusqu'à un niveau déjà assez élevé : je dois rappeler que la traite des êtres humains et l'esclavage sont des crimes. Notre décision initiale était donc déjà susceptible d'être considérée comme un peu audacieuse !

Le vote de la commission, en première lecture, est allé encore au-delà, puisqu'il a créé l'attribution automatique d'une carte de dix ans. Je crois – même si Mme Buffet ne semble pas partager mon sentiment – que le Gouvernement nous propose une solution qui est de sagesse.

N'allons pas aujourd'hui au-delà d'un dispositif qui est déjà très poussé puisqu'il est identique à celui qui vaut dans le cas des crimes. Je vous propose donc, malgré le vote intervenu cet après-midi en commission, que nous suivions l'avis du Gouvernement, et que nous adoptions son amendement n° 99 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Monsieur le rapporteur, vous avez pu constater, tout au long de ces mois, que la commission était sage et que, si elle avait fait preuve d'audace…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

…nous n'avions eu qu'à nous en féliciter. Donc, faisons encore preuve d'audace !

Nous venions de nulle part. Eh bien, essayons de faire une belle loi, et écrivons qu'une femme victime de violences doit se voir décerner une carte de séjour. Prenons en compte qu'une femme dont le compagnon a été condamné, donc reconnu auteur de violences, a besoin de se reconstruire. Nous l'avons déjà dit, madame la ministre : ce n'est pas le moment d'évaluer cette femme, qui vient d'être victime de violences ; c'est le moment de lui donner du temps pour se reconstruire.

Vous nous dites que cette disposition serait meilleure que celle qui s'applique aux femmes victimes de la traite. Malheureusement, les amendements à l'article 5 sont tombés : j'en suis désolée, car nous proposions justement de prendre cette question en considération dans la loi. J'espère, monsieur le rapporteur, que nous aurons l'occasion de travailler aussi sur le sujet de la traite.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Si vous en faisiez la proposition, je n'hésiterais pas à être partie prenante d'un tel travail. Cela nous permettrait de mettre en cohérence les dispositions sur les femmes victimes de la traite avec ce que nous aurons voté ce soir. Mais ne changeons pas la décision de la commission, qui s'est prononcée à deux reprises, et maintenons les avancées qu'elle a adoptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je propose aussi de maintenir la décision de la commission. Ces femmes peuvent avoir été victimes de violences extrêmement graves ; quant aux enfants, ils auront peut-être été témoins de ces violences, voire en auront été victimes également : faut-il aussi vérifier leur intégration ? C'est invraisemblable !

Nous avons aujourd'hui un peu étendu la possibilité de demander le statut de réfugié, par exemple aux femmes victimes d'excision. C'est positif : voyant la situation d'oppression qu'elles subissaient, nous voulions donner à ces femmes la possibilité d'échapper à cette domination et aux violences dont elles peuvent être victimes.

Je crois que notre pays se grandirait en maintenant cette disposition. Sinon, le mari condamné reste en France, mais la femme, victime de violences, est expulsée ; et souvent, il y a des enfants : sera-t-elle expulsée avec ses enfants, seront-ils placés à la DDASS ? C'est le genre de situations dans lesquelles on se trouvera.

Évitons qu'une femme, et ses enfants qui, après tout ce qu'ils ont vécu, auront peut-être bien besoin de soins, soient expulsés, et donnons-leur un peu de stabilité : restons-en au texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Nous soutenons également la rédaction issue de la commission : donnons des garanties, offrons une vraie stabilité à ces femmes. Le renouvellement de carte temporaire de séjour est très aléatoire, très compliqué. On ne peut tout de même pas demander à ces femmes de prouver qu'elles sont intégrées : elles ont assez souffert comme cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Sans rallonger le débat, je voudrais rectifier ce qui vient d'être dit. Le texte issu de la mission, c'est celui de proposition de loi initiale qui donne la possibilité au juge d'accorder un titre de séjour – et non, d'ailleurs, un renouvellement. Le texte actuel de la commission c'est, partant de rien, d'en arriver à l'automaticité de l'attribution d'une carte de résident de dix ans.

Je crois, pour ma part, qu'il vaut mieux en rester aux conclusions de la mission, reprises dans la proposition de loi : laissons au juge la possibilité d'appréciation. Je ne pense pas qu'il laissera la situation empirer jusqu'à l'expulsion, alors même qu'il a la possibilité de prendre la décision que vous souhaitez, à savoir l'attribution d'une carte de résident. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Ce n'est pas le juge qui prend la décision, mais le préfet ! C'est un pouvoir discrétionnaire, on le voit tous les jours !

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

J'étais intervenu sur les articles 5 et 6 ; nous allons en terminer avec les amendements à l'article 6, mais Mme la secrétaire d'État ne m'a pas répondu sur la situation particulière des ressortissantes algériennes, qui ne pourraient pas bénéficier du texte que nous sommes en train de voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Pardon, monsieur Pinte, et merci de m'interpeller à nouveau sur l'accord franco-algérien de 1968 et donc sur la situation des femmes algériennes.

Cet accord prévoit des règles de séjour spécifiques pour les ressortissants algériens. Or la loi ne peut déroger aux règles prévues par un accord international. Toutefois, l'ensemble des dispositions de la loi qui ne contreviennent pas à cet accord seront pleinement applicables aux ressortissantes algériennes, qu'il s'agisse de l'aide juridictionnelle, de l'ordonnance de protection ou de la délivrance de la plupart des autorisations de séjour.

(L'amendement n° 99 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

C'est lamentable !

(L'article 6, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 60 .

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 47 .

La parole est à M. Jean-Luc Pérat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Les femmes victimes de violences doivent pouvoir être défendues par un avocat et avoir accès au droit, que leur séjour sur le territoire français soit régulier ou pas. Cela nous semble particulièrement important. Cet amendement vise donc à ce qu'un rapport sur l'accès à l'aide juridique des personnes étrangères bénéficiant de l'ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil soit remis par le Gouvernement et transmis au Parlement avant le 30 juin 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Par mesure de précaution, si j'ose utiliser cette formule, la commission a approuvé cet amendement n° 47 . Toutefois, il deviendra caduc quand nous aurons adopté l'amendement n° 100 du Gouvernement, qui rétablit la disposition initiale de la proposition de loi, supprimée par l'application de l'article 40 de la Constitution.

J'émets donc un avis favorable très provisoire. Je pense que nos collègues auteurs de cet amendement auront confiance dans l'amendement n° 100 , qui suit, à l'adoption duquel ils contribueront probablement. Je leur propose donc de retirer l'amendement n° 47 au profit de l'amendement n° 100 du Gouvernement.

(L'amendement n° 47 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 46 .

La parole est à M. Daniel Goldberg.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Nous voulions nous aussi, cher collègue Pinte, revenir sur la situation des femmes algériennes. Comme cela a été dit, elles sont soumises à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Nous venons d'entendre les propos de Mme la secrétaire d'État. Mais nous souhaiterions que le Parlement puisse être informé, par la voie d'un rapport, de l'application ou de la non-application des dispositions de cet accord pour ce qui concerne tout ce dont nous discutons aujourd'hui. Il nous semble donc important qu'un rapport soit remis au Parlement sur l'efficacité des mesures de protections des femmes algériennes victimes de violences.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Après les explications que j'ai données à M. Pinte, et pour ne pas stigmatiser les femmes algériennes, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Il ne s'agit pas de stigmatiser, mais de montrer au contraire que ces femmes subissent une double peine : elles sont victimes de leur conjoint, puis de ce sort qui leur est réservé. Il vaudrait donc mieux suivre l'avis de la commission.

De plus, pour répondre aux appels à la sagesse de M. le rapporteur, je voudrais dire que les préfets, lorsqu'ils examinent ces cas, font preuve de beaucoup moins de mansuétude qu'il ne l'imagine.

(L'amendement n° 46 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'article 7 a été déclaré irrecevable par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Je suis saisi d'un amendement n° 100 du Gouvernement.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Cet amendement a pour objet de permettre aux personnes étrangères bénéficiant d'une ordonnance de protection d'obtenir l'aide juridictionnelle sans condition de résidence régulière sur notre territoire. Il reprend donc l'article 7 de la proposition de loi que vous avez déposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Je suis non seulement favorable à cet amendement, mais tout à fait ravi. (Sourires.)

Au nom de la mission et de la commission, je remercie le Gouvernement d'avoir déposé cet amendement, qui était attendu, et dont nous espérons qu'il sera voté unanimement par l'Assemblée.

(L'amendement n° 100 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

En conséquence, ce texte devient l'article 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 76 .

La parole est à Mme Chantal Brunel.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Cet amendement, dont je reconnais qu'il porte sur un sujet vaste et difficile, vise à renverser le statut des prostituées : à la suite de la loi pour la sécurité intérieure, elles sont aujourd'hui considérées comme coupables de racolage passif. Que s'est-il passé ? Elles sont passées à la clandestinité, elles sont sorties des villes ; et là, elles sont parfois soumises à des traitements qui vont parfois jusqu'à la torture, jusqu'à la barbarie – mais personne n'est là pour le voir.

Toutes les associations demandent qu'on inverse leur statut et que l'on supprime la pénalisation du racolage passif. Nous sommes au pays des droits de l'homme, et nous rencontrons, sur ce sujet, un vrai problème de droits de l'homme. Loin du coeur des villes, coupables, sans papiers, elles préfèrent subir des atrocités plutôt que de se rendre au commissariat.

J'avais voté cette disposition, car j'avais trouvé très bonne l'idée de réduire l'offre de prostitution, et donc d'éloigner les réseaux mafieux. Or on s'aperçoit que plus de 80 % des prostituées sont l'objet de la traite des êtres humains ; très peu sont volontaires.

Cet amendement tend donc à supprimer le délit de racolage passif pour les prostituées.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a repoussé cet amendement.

La question posée par Mme Brunel est une question extrêmement importante, et il ne serait pas estimable de dire le contraire. Mais c'est justement son importance même qui nous a conduits à considérer qu'elle mérite un vrai débat. Il faudra, un jour ou l'autre – je ne sais pas qui en prendra l'initiative, si ce sera le Gouvernement, la majorité, l'opposition, ou si ce sera une initiative commune –, un réel débat sur la prostitution.

Il serait dommage de limiter ce débat à un amendement isolé, même s'il n'est évidemment pas étranger à la proposition de loi.

Je ne sais pas si Mme Brunel accepterait mon invitation à retirer cet amendement. La commission l'a repoussé, mais sans mésestimer la nécessité de se préoccuper sur le fond de la situation que vous avez décrite.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Je vais, moi aussi, tenter, avec mes arguments, de convaincre Chantal Brunel de retirer cet amendement. Mais c'est un débat important qu'elle soulève, et je voudrais aussi l'inciter à travailler sur cette question à nos côtés.

Comme vient de le dire M. le rapporteur, vous posez là une question majeure : celle de l'efficacité de la lutte contre le proxénétisme et, plus globalement, contre l'exploitation sexuelle des femmes.

Je comprends très bien votre préoccupation : le débat que vous soulevez est véritablement un débat de société. Il est tout à fait légitime que vous souhaitiez évaluer l'efficacité du dispositif mis en place en 2003.

Toutefois, parce que, précisément, les outils juridiques dont nous disposons doivent être minutieusement évalués avant toute décision hâtive, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement qui vise à abroger purement et simplement l'article 225-10-1 du code pénal, qui réprime le délit de racolage, et j'espère vous convaincre de le retirer, madame Brunel.

Aujourd'hui, la loi réprime d'une peine pouvant aller jusqu'à deux mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende « le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération ».

Vous affirmez que ce délit, qui date de 2003, n'a pas produit les effets escomptés car il n'aurait pas endigué le phénomène de la traite des femmes, mais l'aurait simplement déplacé du coeur des centres-villes vers les lieux les plus excentrés, voire sur la toile, exposant les prostituées à tous les dangers.

En toute sincérité, je ne crois pas que l'on puisse s'arrêter à ce constat, même si le développement d'Internet amène, c'est une réalité, de nouvelles formes de comportement.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Et on peut encore moins en tirer la conséquence immédiate qu'il faille supprimer l'incrimination de racolage.

Permettez-moi d'évoquer trois raisons à cela :

En premier lieu, je considère que supprimer l'incrimination de racolage actif comme passif créée par la loi du 18 mars 2003 nous conduirait mécaniquement à renouer avec la situation que connaissait la France avant 2003. Honnêtement, personne ne peut nier les nuisances, sanitaires et autres, que cette activité générait pour les riverains, adultes ou enfants. Je ne connais pas un maire d'une ville de quelque importance qui n'a pas reçu à cette époque des courriers d'habitants exaspérés par le spectacle se déroulant sur la voie publique, au pied de leur immeuble, voire dans des parties communes. De ce point de vue, la loi du 18 mars 2003 a incontestablement constitué un progrès et je suis persuadée que, pas plus que moi, vous ne souhaitez un retour à la situation antérieure.

En deuxième lieu, vous expliquez qu'il convient d'inverser le statut juridique des prostituées en les rendant victimes et non coupables aux yeux de la loi. Sur ce point encore, je pourrais être volontiers tentée de vous suivre, c'est vrai, si je n'étais pas persuadée qu'il faut regarder la situation d'une façon très précise et avec toute la mesure qui s'impose.

D'abord, c'est incontestable, le Gouvernement a toujours considéré celles qui étaient la proie de réseaux organisés comme des victimes. J'en veux pour preuve précisément les dispositions de la loi de 2003, qui ont mis en place des mesures à caractère social, à travers des dispositifs de protection et d'accompagnement ou la création de places en centres d'hébergement et de réinsertion, pour permettre à ces femmes d'échapper à la contrainte de leur souteneur.

Ensuite, la politique pénale qui a suivi l'instauration du délit de racolage a largement démontré que la loi de 2003 était appliquée avec le discernement nécessaire. Ainsi, en 2009, seules 2 315 procédures pour racolage ont été établies sur l'année, alors que l'on estimait à quelque 12 000 le nombre de prostituées officiant dans la rue.

En troisième lieu, permettez-moi de vous dire, madame la députée, qu'il n'y a pas de hasard. Dans le même temps où la loi de 2003 donnait aux services de sécurité un nouveau cadre légal d'action et des moyens d'investigation supplémentaires, on a constaté que certains réseaux de proxénétisme quittaient la France, pour s'installer dans d'autres pays, l'Espagne, l'Italie, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas, aux législations réputées moins contraignantes. D'après les chiffres transmis par l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains, le nombre de personnes interpellées, dans une période de mobilisation pourtant accrue de tous les acteurs de la sécurité, a diminué de 717 en 2004 à 465 au 30 novembre 2009. Les enquêteurs eux-mêmes expliquent cette diminution par le démantèlement antérieur de nombreux réseaux mais également par la nouvelle stratégie des trafiquants qui, par mesure de sécurité, ont préféré délaisser notre territoire.

Dans ces conditions, si le Gouvernement partage totalement votre combat, je suis persuadée, madame la députée, que nous prendrions un vrai risque à abroger à la hâte un dispositif qui a manifestement plus de mérite que certains ne veulent bien le dire et à revenir à une situation antérieure.

Je suis donc, je le répète, défavorable à cet amendement et je vous demande de le retirer en vous proposant de créer, dès aujourd'hui, avec vous-même, le ministère de l'intérieur, le secrétariat d'État que je dirige et tous les partenaires institutionnels concernés, un groupe de travail afin de réfléchir ensemble, dans les trois mois qui viennent, à la meilleure façon d'améliorer la situation que vous évoquez.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Je retire mon amendement.

Cela dit, je crois que le groupe de travail que vous proposez devrait essayer de concilier les impératifs de la police et les impératifs des êtres humains et se pencher sur toutes les nouvelles formes de prostitution qui apparaissent sur le net. Des scènes de torture et de barbarie sont accessibles en deux clics. Ce n'est pas acceptable, il s'agit d'êtres humains !

Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, d'avoir reconnu que ce sujet était un vrai sujet et d'avoir souligné combien ces femmes étaient maltraitées, toutes les associations le disent.

Je pense qu'un autre problème devrait être examiné, celui de l'accueil des prostituées dans les hôpitaux et les services publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Sur l'article 10, je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 10 rectifié.

(L'amendement n° 10 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 49 .

La parole est à M. Daniel Goldberg.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

En conséquence, l'amendement n° 23 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 78 .

La parole est à Mme Martine Billard.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Cet amendement propose de prendre en compte les femmes qui sont propriétaires de leur logement avec leur conjoint. En effet, à l'heure actuelle, quand on est propriétaire, on ne peut pas faire une demande de logement social. il faudrait, dans la situation qui nous occupe, pouvoir lever cette impossibilité.

(L'amendement n° 78 , repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 10, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 26 , qui porte article additionnel après l'article 10 et qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 104 .

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Après avoir réussi à faire inscrire dans la loi l'idée que les bailleurs devaient réserver des appartements pour accueillir des femmes victimes de violence, il nous a semblé, à la demande d'ailleurs d'associations de jeunesse, qu'il fallait permettre aux jeunes filles victimes de violence de quitter, si nécessaire, le logement familial et d'être accueillies en cité universitaire pour pouvoir poursuivre leurs études dans de bonnes conditions.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui insère une disposition discriminatoire qui rompt l'égalité de traitement entre les étudiants dans un article très général du code de l'éducation.

Il convient par ailleurs de souligner que depuis la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, les femmes victimes de violence au sein du couple figurent en tant que telles parmi les publics prioritaires pour accéder à un logement social.

Les futurs plans départementaux d'accueil d'hébergement et d'insertion des personnes sans domicile, qui sont inclus, depuis la loi du 25 mars 2009 précitée, dans les plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées, tiendront également compte de ce public spécifique.

La circulaire d'application relative aux plans d'action pour le logement de personnes défavorisées en cours doit préciser que des actions doivent être prévues dans ces plans pour les femmes victimes de violence.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Dans ce cadre, le préfet, qui jouit au bénéfice des personnes prioritaires d'un droit de réservation de logements inoccupés dans le parc de logements sociaux ou des organismes d'habitat à loyer modéré, peut donc en réserver une partie pour les femmes victimes de violence, quel que soit leur statut.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 104 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 26 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

J'avoue que je ne comprends pas l'argument de Mme la secrétaire d'État selon lequel l'amendement introduirait une discrimination envers les femmes qui ne seraient pas étudiantes. Nous demandons simplement que des logements en cité universitaire, donc gérés par les centres régionaux des oeuvres universitaires, puissent être attribués à de jeunes étudiantes victimes de violence, comme on l'a fait avec les logements sociaux dans le cadre de la loi MOLE ou dans le cadre de cette proposition de loi. Le public spécifique des étudiants n'a pas forcément les mêmes ressources, ni les mêmes besoins, mais, honnêtement, je crois qu'on est plutôt dans le parallélisme des formes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Nous venons d'adopter une disposition concernant des conventions entre les bailleurs de logements pour réserver un nombre suffisant de logements dans chaque département à destination des femmes victimes de violence. Nous demandons simplement que les CROUS adoptent la même démarche que les bailleurs pour le public spécifique que sont les jeunes filles qui étudient.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Quand vous êtes en cité universitaire, vous n'êtes pas dans le même type d'accueil que dans un logement social quelconque. Vous avez des restaurants universitaires à proximité, des salles de travail, vous fréquentez d'autres étudiants. Je pense que les CROUS, qui ont une vocation publique, doivent pouvoir avoir les mêmes gestes que les bailleurs privés et publics concernant le logement. Je ne vois absolument pas ce qui s'y oppose. En plus, les étudiantes logées en cité universitaires sont en général boursières, elles ne peuvent donc pas avoir accès au logement social.

(L'amendement n° 26 sous-amendé, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 48 .

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

L'amendement n° 48 propose que le Gouvernement remette, avant le 30 juin 2010, un rapport au Parlement sur la mise en place d'une formation spécifique en matière de prévention et de prise en charge des violences faites aux femmes. Nous avons souligné l'importance que la formation avait pour tous les professionnels qui touchent de près ou de loin le problème des femmes victimes de violence et il nous semble important qu'un gros effort soit fait dans ce domaine. Mme la garde des sceaux l'a elle-même rappelé et je crois qu'elle fera ce qu'il faut pour que ces formations se concrétisent. Un rapport serait l'occasion de faire le point.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Cet amendement a pour objectif, tout le monde l'a compris, d'inscrire dans la loi le souhait qui était le nôtre dans l'article qui a été annulé par l'application de l'article 40. La question de la formation est essentielle, personne n'a dit le contraire, et le Gouvernement a lui-même beaucoup insisté dessus. L'adoption de cet amendement permettrait l'inscription dans la loi de cette volonté.

Je suggère en revanche aux auteurs de l'amendement de porter la date du 30 juin 2010 au 31 décembre 2010 parce que le délai me semble un peu court pour pouvoir dire de manière pertinente ce qui a été fait et juger la manière dont cela commence à se dérouler.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Nous souhaitons même aller au-delà, et proposons que ce rapport soit remis le 30 juin 2011. Nous repoussons ainsi la date d'un an, car les arguments du rapporteur nous ont convaincus.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable. Je peux, en revanche, m'engager devant vous à ce que cette mesure figure dans le deuxième plan triennal et interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes, qui comporte déjà un axe d'actions relatives à ce sujet.

Tous les membres du Gouvernement vont intensifier leur action en la matière, comme l'a annoncé, le 25 novembre dernier, le Premier ministre. Des efforts particuliers seront faits pour améliorer le repérage et la prise en charge des victimes, notamment en offrant systématiquement une formation spécifique à tous les professionnels susceptibles d'avoir à traiter des situations de violence au sein du couple.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Le pouvoir de contrôle du Parlement est entier, madame la secrétaire d'État. Cela vaut également si ces dispositions sont inscrites dans le plan triennal que vous venez d'évoquer. Nous sommes donc enclins à maintenir notre demande d'un rapport qui permettra au Parlement de jouer son rôle de contrôle.

(L'amendement n° 48 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi de deux amendement, n° 24 , présenté par Mme Françoise Hostalier, et n° 58, présenté par M. Jean-Pierre Decool, qui sont soumis à une discussion commune, et qui sont défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'amendement n° 59 de M. Jean-Pierre Decool est défendu.

(L'amendement n° 59 , accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 11 A, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'article 11 a été déclaré irrecevable par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'amendement n° 74 de Mme Françoise Hostalier est défendu.

(L'amendement n° 74 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 50 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 105 .

La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour défendre l'amendement n° 50 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Nous redemandons un rapport, devant être présenté avant le 30 juin 2010, et surtout, au-delà de ce rapport, la création d'un observatoire national des violences faites aux femmes. Nous reprenons ainsi la proposition n° 8 – c'est par erreur que l'exposé des motifs indique « n° 12 » – du rapport d'information fait au nom de la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes.

Vous nous avez répondu tout à l'heure, madame la secrétaire d'État, qu'un observatoire européen serait créé. Cela ne nous paraît pas suffisant. Donnons, en France, une visibilité à des statistiques sexuées. Nous n'aurons de bonne politique que si nous avons une bonne connaissance du phénomène. Des études très sérieuses nous sont absolument nécessaires. Je demande donc que, dix ans plus tard, soit renouvelée l'expérience de l'enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France, pour que nous puissions connaître l'évolution réelle de la situation en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission et présenter le sous-amendement n° 105 .

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Le sous-amendement est de précision. L'amendement a été approuvé par la commission mais, après avoir entendu les explications données tout à l'heure par le Gouvernement, on peut s'interroger sur son efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Permettez-moi tout de même de vous dire, madame la secrétaire d'État, que, en refusant de mettre en place un observatoire national des violences faites aux femmes, vous nous adressez un mauvais signal, nous donnant l'impression que vous n'êtes guidée que par la question des moyens.

Oui, bien sûr, cet observatoire demandera des moyens humains et financiers mais il s'agit, d'un certain point de vue, de l'un des instruments nécessaires à la mise en oeuvre de la loi. Entre l'observatoire de la Seine-Saint-Denis et l'observatoire européen, l'écart me paraît grand, et je pense qu'il faudrait créer cet observatoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je souhaite moi aussi, madame la secrétaire d'État, insister sur l'importance de cet observatoire.

Aujourd'hui, on ne sait pas, par exemple, si les auteurs de violences sont des hommes ou des femmes. Il y a donc une urgence absolue. De même, nous n'avons pas de statistiques sexuées fiables sur les violences subies au travail ou dans le domaine public, hors les résultats de l'enquête menée en 2000.

L'observatoire de la Seine-Saint-Denis fait effectivement un travail remarquable, mais les données qu'il collecte, parcellaires, ne représentent pas forcément la réalité de l'ensemble de la France.

Autant nous souhaitions que cet observatoire puisse entretenir des liens avec l'observatoire de la délinquance et l'INSEE, autant nous pensons que ces violences sont des violences de genre, spécifiques, faites aux femmes parce qu'elles sont des femmes. Cela n'a rien à voir avec la délinquance que l'on peut observer en général.

Nous appelons donc vraiment de nos voeux un observatoire dédié aux violences faites aux femmes. Il faut absolument connaître précisément cette réalité afin de nous assurer que les mesures que nous prenons sont adaptées et de pouvoir, si nécessaire, les réexaminer.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Comme toutes mes collègues, j'insiste – j'y ai déjà insisté tout à l'heure – sur la nécessité de créer un observatoire national des violences faites aux femmes. C'était d'ailleurs l'un des points importants du rapport de la mission d'évaluation. Il me semble vraiment évident que nous devons créer un tel observatoire.

S'il a disparu du texte de la proposition de loi à cause de l'article 40 de la Constitution qui nous interdit de créer ou d'augmenter des dépenses publiques, nous pensions cependant que le Gouvernement allait spontanément lever le gage, si je puis dire. Quel n'est pas notre étonnement en constatant non seulement qu'il n'en est rien, alors même qu'il a pourtant réintroduit par voie d'amendement les deux autres dispositions de la proposition de loi déclarées irrecevables au nom de l'article 40 !

Le seul argument opposé à la création de cet observatoire est effectivement un argument financier, ce qui ne manque pas de nous inquiéter. En effet, cette loi ne sera efficace que si les moyens nécessaires sont mobilisés. Si l'on nous refuse l'observatoire pour des raisons financières, comment ne pas nous inquiéter du sort réservé à l'ensemble des autres dispositions de ce projet de loi ? Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous nourrissons le même type de crainte à propos des bracelets, qui ne donnent lieu qu'à une expérimentation limitée.

Cela donne l'impression d'une négation de la spécificité des violences faites aux femmes. Si ces violences n'étaient pas d'un type particulier, nous pouvions nous en tenir au cadre du droit commun ; certains étaient d'ailleurs tentés de s'y tenir lorsque nous proposions d'inscrire dans notre législation le caractère spécifique des violences faites aux femmes.

Je n'arrive donc vraiment pas à comprendre votre refus, madame la secrétaire d'État. L'observatoire européen – j'en ai parlé tout à l'heure – est très intéressant, mais encore faut-il, pour qu'il puisse fournir des données intéressantes pour l'ensemble des pays de l'Union européenne, que chaque pays puisse lui faire remonter ses données nationales. Je ne vois pas comment l'observatoire européen pourrait effectivement venir mener une étude en France, à moins que vous n'espériez que l'Europe paie à la place de la France, mais cela ne me semble pas s'inscrire dans l'air du temps.

Madame la secrétaire d'État, cet observatoire ne coûtera pas une fortune. Il n'est besoin que de quelques personnes pour faire le travail, en coordination avec les observatoires départementaux ou régionaux qui peuvent exister. Vous obstiner à ne pas créer cet observatoire, c'est vraiment adresser un très mauvais signal en matière de lutte contre la violence faite aux femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

J'abonderai dans le sens de Mme Billard. Il faudra bien alimenter en informations l'observatoire européen qui est annoncé. Ce n'est pas lui qui ira les chercher dans tous les pays. Il faudra donc, de toute façon, créer l'observatoire national. On ne peut se passer d'un tel outil, qui nous permettra de savoir où l'on va et de faire le point régulièrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Certes, madame la secrétaire d'État, nous disposons du nombre de femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint, mais pas du nombre de femmes qui subissent des violences. Seule une enquête de 2000 nous donne des chiffres nationaux.

À défaut de créer un observatoire, ne pouvez-vous revenir sur le sujet lors de la navette et donner mission de comptabiliser ces violences à un organisme ou à des services déjà existants ? C'est tout de même important.

Mes collègues et moi avons bien vérifié : hormis l'étude de 2000, nous n'avons aucun chiffre. Il existe des estimations départementales, mais pas de statistiques nationales. Si nous ne créons pas un observatoire, pourquoi ne pas confier cette mission à une direction de ministère ou à un organisme existant, et qui nous indiquerait, sans que cela nous coûte un centime, quelles femmes sont victimes de violences ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Il faut tout de même que cela ait une certaine visibilité !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Confions donc cela à un service ou un ministère du droit des femmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Le Moal

La question de l'observatoire national est tout à fait importante. Si nous avons appelé de nos voeux un observatoire européen, si nous avons même voté en ce sens la semaine dernière, nous devons, dans un souci de cohérence, nous doter d'un instrument analogue au niveau national.

L'amendement ne vise d'ailleurs qu'à faire en sorte que le Gouvernement nous présente un rapport sur la création d'un observatoire national des violences. Pourraient également figurer dans un tel rapport, le cas échéant, les raisons de ne pas créer cet observatoire. Demander un rapport ne revient pas à engager le Gouvernement plus qu'il ne faut. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, sur les objectifs : nous voulons connaître la situation des femmes qui sont victimes de violence. Nous voulons donc – Mme Bousquet en a parlé – disposer d'études spécifiques. L'Observatoire de la délinquance et des réponses pénales, qui existe déjà, est en mesure de mener de telles études thématiques.

Nous ne refusons donc pas simplement, madame Buffet, d'y mettre les moyens, au contraire. Nous avons déjà l'outil et nous avons la possibilité de mutualiser les moyens humains et techniques.

Je vous rappelle les propos tenus tout à l'heure par Mme la garde des sceaux : elle souhaitait que l'Observatoire national de la délinquance développe une évaluation spécifique des actes de violence conjugale. Elle a demandé à Alain Bauer, son président, de se pencher sur cette question et de lui faire des propositions sur l'organisation de cette thématique au sein de cette instance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

« Le budget consacré ne permet pas d'exploiter les réponses d'échantillons » !

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

La meilleure des solutions serait d'attendre que l'Observatoire puisse rendre un travail sur ce sujet…

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

…et de l'apprécier au regard des études qui seront faites par l'Observatoire de la délinquance et de la réponse pénale. Ce n'est qu'ensuite que nous pourrons juger si un autre dispositif serait de nature à apporter des améliorations.

Mme la garde des sceaux a saisi le président de l'Observatoire, laissons-le travailler aux études que nous attendons tous, et qui correspondent à notre objectif commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Comme vous avez pu le constater, j'exerce une présidence plutôt libérale.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

J'ai vraiment permis au débat de se dérouler, avec parfois plus d'un orateur par groupe. Soyons raisonnables.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lesterlin

Nous voulons aider le Gouvernement à se sortir d'une mauvaise passe…

(Le sous-amendement n° 105 est adopté.)

(L'amendement n° 50 , sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'article 15 a de la proposition de loi a été déclaré irrecevable par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 27 .

La parole est à Mme Martine Billard.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Le sujet est important puisqu'il s'agit de la médiation pénale. Tout au long de nos réflexions, et dans la suite des pistes que j'avais proposées ici même lors de l'adoption de la loi d'avril 2006, nous avons eu à coeur, non pas de révolutionner le droit pénal en supprimant totalement la médiation pénale, mais de nous pencher sur sa pertinence lorsqu'elle est utilisée en matière de violences conjugales.

Nous avons pu nous apercevoir que, selon les parquets, les départements, les époques ou les situations, le recours à la médiation pénale est extrêmement divers : certains parquets, ne la considérant pas pertinente, ne l'utilisent pas du tout, tandis que d'autres utilisent, au même titre que dans d'autres d'affaires, cette alternative aux poursuites qu'offre le droit pénal.

Nous avons beaucoup réfléchi et notre conviction est faite : il ne saurait y avoir de recours à la médiation pénale lorsque la situation de violences conjugales est avérée. Je me félicite du travail que nous avons pu effectuer en étroite collaboration avec la Chancellerie, et qui nous a permis de progresser. Grâce au texte de notre proposition de loi, nous avons répondu à la fois à l'ensemble de nos aspirations et à l'ensemble des risques qu'il ne fallait pas faire courir à la solidité de l'outil juridique qu'est la médiation pénale, qui n'est pas contestée par ailleurs, pour bien d'autres sujets.

Considérer qu'une femme, dès lors qu'elle sollicite une ordonnance de protection, n'accepte pas l'hypothèse d'une médiation pénale est, je pense, la bonne réponse. L'amendement propose d'aller au-delà : le simple fait de porter plainte pourrait valoir refus implicite de recours à la médiation pénale. C'est aller inutilement trop loin. Je propose vraiment, et la commission a partagé ce sentiment, que nous en restions au texte très finement élaboré, fruit d'une mûre réflexion, qui, à mon avis, donnera toute satisfaction et sera de surcroît totalement applicable, ce qui n'est pas négligeable.

(L'amendement n° 27 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 51 .

La parole est à Mme Danielle Bousquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Là encore, il s'agit de la médiation pénale, dont nous sommes tous convenus qu'elle n'a pas sa place en cas de violences conjugales. Or l'article tel qu'il est rédigé restreint cette considération aux femmes sous ordonnance de protection, excluant les autres femmes victimes de violences. Nous souhaitons rétablir la philosophie qui dit non à la médiation pénale chaque fois qu'il y a violences conjugales, que les femmes soient sous ordonnance de protection ou pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

La commission a accepté cet amendement, ce qui est quelque peu contradictoire, toutefois, avec son refus de l'amendement précédent qui est très proche. L'important est qu'il y ait, à un moment ou à un autre, l'affirmation avérée de la réalité des violences conjugales. C'est l'ordonnance de protection qui constitue le point de déclenchement. Donner, sur simple affirmation de violences subies, la possibilité de renoncer à la médiation pénale est, à mon avis, incomplet et insuffisant. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je propose de ne pas accepter cet amendement.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

À aucun moment nous ne parlons de simple déclaration. Nous disons : « en cas d'infraction commise », ce qui veut dire que l'infraction est reconnue. Il s'agit de protéger non pas une femme qui se déclare simplement victime, mais une femme qui est bel et bien victime.

On sait que la médiation pénale, lorsqu'elle est mal conduite, est absolument terrible pour les femmes. Laisser entendre qu'une femme victime de violences peut éventuellement en « bénéficier », est, je crois, une erreur, et serait contraire à la philosophie qui nous a guidés tout au long de cette mission, monsieur le rapporteur.

(L'amendement n° 51 est adopté.)

(L'article 16, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 9, de M. le rapporteur.

(L'amendement n° 9 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 17, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 18 , portant article additionnel après l'article 18.

La parole est à Mme Chantal Brunel.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Cet amendement tend à modifier l'article 433-21 du code pénal en supprimant la mention « de manière habituelle », de façon à le lire ainsi : « Tout ministre d'un culte qui procédera aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l'acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil sera puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. »

Il s'agit d'empêcher tout religieux, qu'il soit prêtre, rabbin, pasteur ou imam, de procéder à un mariage religieux sans qu'il y ait eu un mariage civil. Aujourd'hui, cette disposition du code pénal n'est pas toujours respectée. Il faut qu'elle le soit pour réfréner les tentations de mariages forcés ou de polygamie. Ce n'est pas un problème religieux, mais certaines personnes – disons-le, des imams – ne respectent pas cette disposition. On ne doit pas marier religieusement, même une seule fois, quelqu'un qui n'est pas marié civilement. D'où la suppression proposée.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Je comprends tout à fait les objectifs de l'amendement présenté par Mme Brunel.

L'ancien code pénal réprimait de peines contraventionnelles le fait pour un ministre du culte de célébrer un mariage religieux qui n'avait pas été précédé d'un mariage civil. En cas de récidive, les faits devenaient un délit, en cas de deuxième récidive, un crime.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Le nouveau code pénal ne réprime que les célébrations habituelles de mariages religieux sans mariage civil préalable. Supprimer la condition d'habitude peut toutefois paraître justifié au regard de l'objectif de mieux lutter contre les mariages forcés. Je donne donc un avis pleinement favorable du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Qu'il faille un mariage civil préalablement au mariage religieux, nous en sommes tous d'accord. C'est la loi. Mais ce qui est proposé, c'est de durcir les sanctions à l'encontre de tout ministre du culte quel qu'il soit et de le punir, dès la première célébration, de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Nous changeons de registre !

Ce sujet arrive de manière « cavalière », si j'ose dire, dans un débat consacré aux violences faites aux femmes. L'exposé sommaire laisse entendre qu'un mariage religieux engendre ipso facto des comportements polygames ou des mariages forcés. De la même manière que nous avons été prudents sur d'autres dispositifs, nous considérons qu'on ne peut pas modifier ainsi le code pénal sur un sujet aussi éloigné de nos préoccupations et qui mériterait une réflexion plus approfondie.

En tout état de cause, s'il s'agit de dire qu'il faut un mariage civil avant le mariage religieux, je suis tout à fait d'accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Mais s'il s'agit de punir tout ministre du culte, quel qu'il soit, dès la première infraction relevée, je ne voterai pas cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Le mariage forcé, c'est un viol, une violence terrible ! Vous dites vouloir lutter contre les mariages forcés et vous refusez une mesure qui le permet. Le fait de passer devant un maire, un adjoint ou un conseiller municipal peut aider à détecter l'absence de consentement véritable.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Cette obligation, aujourd'hui, n'est pas respectée partout.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Oui, mais la mention « de manière habituelle » ne permet de le sanctionner qu'après un certain nombre de fois.

(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je suis saisi d'un amendement n° 17 .

La parole est à M. Étienne Pinte.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Il s'agit de prévoir que, dans le cas où le crime prévu au 6° de l'article 222-3 du code pénal est commis à l'étranger à l'encontre d'une personne résidant habituellement sur le territoire français, les autorités françaises, en France ou dans le pays où se trouve la personne, devront tout mettre en oeuvre, dans les plus brefs délais, pour organiser le rapatriement de ces femmes et jeunes filles victimes de mariage forcé à l'étranger.

(L'amendement n° 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Danielle Bousquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je voudrais exprimer ma grande satisfaction, et même mon grand bonheur, que nous parvenions à l'adoption d'un texte renforçant la lutte contre les violences faites aux femmes, grande cause nationale. J'aurai tendance à qualifier ce fléau de « social », car il reflète la grande inégalité qui subsiste aujourd'hui entre les hommes et les femmes en France.

Cette proposition de loi est l'aboutissement d'une tache de longue haleine sur un sujet qui le méritait. Elle s'inscrit dans un cadre cohérent et global, qui mérite que des politiques publiques viennent appuyer les dispositions que nous venons de voter, et sur lesquelles je ne reviens pas.

Je souhaite, madame la secrétaire d'État, que vous fassiez droit à notre demande de création d'un observatoire national des violences faites aux femmes, ainsi qu'à celle relative à la formation transversale des professionnels. Vous faisiez tout à l'heure l'éloge du bracelet électronique. Je pense que rien ne peut remplacer la formation des personnels, leur sensibilisation aux différentes situations.

Il a été fait allusion tout à l'heure à une jeune femme qui a été renvoyée au Maroc. Il y a sur notre territoire de jeunes femmes, disposant de titres plus ou moins officiels de séjour, qui sont victimes de violences, et qui sont renvoyées dans leur pays prétendument d'origine. Notre volonté est de les protéger sur notre territoire dès lors qu'elles sont victimes de violences. On pourrait imaginer un moratoire jusqu'à l'entrée en vigueur de la proposition de loi. Je souhaite, madame la secrétaire d'État, que vous puissiez nous apporter une réponse positive.

Je me réjouis, en dépit des quelques insuffisances du texte, que nous ayons beaucoup avancé. Nous voterons cette proposition de loi avec conviction et enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je voudrais exprimer également notre satisfaction de parvenir à un texte qui sera voté à l'unanimité.

Cette proposition de loi comporte deux volets fondamentaux : la prévention, la protection des femmes victimes de violences ; la répression lorsque c'est nécessaire. L'axe central est la création de l'ordonnance de protection pénale. Ce fut une des grandes avancées accomplies par la mission d'évaluation, puis par la commission spéciale.

S'il est positif d'améliorer les outils juridiques, il sera très longtemps encore indispensable de sensibiliser l'opinion, de mener des campagnes contre les violences faites aux femmes. Si la loi est un préalable nécessaire, le changement des mentalités reste un travail de longue haleine. Il ne faut pas oublier non plus l'attention qui doit être portée aux auteurs de violences, afin qu'ils ne récidivent pas. Le premier acte de violence lève le tabou, il annonce souvent la récidive avant même la condamnation. Nous souhaitons donc que les dispositions tendant à venir en aide aux conjoints auteurs de violences soient mises très tôt en place, pour éviter l'aggravation de la situation.

L'information, la sensibilisation doivent toucher l'ensemble des publics, dès le plus jeune âge. Nous avons beaucoup insisté sur le nécessaire suivi psychologique des enfants, y compris contre la volonté du père, afin d'éviter la reproduction des schémas de violence familiale.

Nous observerons avec attention l'expérimentation du bracelet électronique. Pour nous, il ne s'agit que d'un simple outil, qui ne peut être le coeur du dispositif. Nous sommes cependant inquiets quant aux moyens mis en place, car il faut, pour que l'expérimentation ait un sens, qu'elle soit menée à une échelle significative.

Nous espérons que les aides aux associations seront augmentées. Actuellement, en effet, elles ne disposent pas de moyens suffisants pour accueillir les femmes obligées de quitter, pour leur sécurité, le domicile familial.

Je regrette que notre assemblée soit revenue sur l'attribution de la carte de résident aux femmes étrangères victimes de violences et dont le conjoint a été condamné. C'est un recul.

Je regrette également que n'ait pas été créé l'observatoire des violences faites aux femmes. Comment pourrons-nous évaluer l'application de la loi si nous ne disposons pas des outils statistiques nécessaires ?

Nous voterons naturellement cette proposition de loi, puisque nous sommes, depuis le début, partie prenante de la démarche qui a abouti à son élaboration. Nous espérons qu'il ne sera pas dénaturé lors de son passage au Sénat, et appelons l'ensemble des groupes à insister auprès de nos collègues sénateurs afin qu'il soit voté conforme et puisse ainsi entrer très vite en application. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Gaudron

Madame la secrétaire d'État, nous sommes appelés à nous prononcer sur la proposition de loi destinée à lutter contre les violences faites aux femmes. Je tiens à exprimer notre satisfaction, compte tenu des points d'accord que nous avons obtenus sur les principales dispositions du texte, et à rendre hommage au travail transpartisan accompli.

Certains problèmes se prêtent peu aux débats partisans et à l'expression de divergences idéologiques. Je salue, au nom du groupe UMP, la qualité d'un travail solidaire et coopératif – c'est assez rare pour le signaler.

Ces mesures sont attendues par beaucoup de femmes, qui craignaient que ce texte ne soit qu'un dispositif de plus. Elles peuvent être rassurées, car il comporte des avancées importantes. Il combler des vides juridiques aux effets pernicieux : la peur d'avouer sa situation ; la défiance vis-à-vis de la longueur et de la complexité des procédures que la dénonciation impliquait ; l'angoisse que suscitait la duplicité d'un statut pour les femmes victimes de violences mais ne possédant pas de papiers en règle. Toutes ces difficultés sont endiguées, sinon supprimées, par la proposition de loi.

Le texte apporte des nouveautés significatives, concrètes et opérationnelles. C'est le cas du délit de violences psychologiques, mais aussi du bracelet électronique, qui instaure un degré de protection inégalé à ce jour.

Les violences faites aux femmes exigent une attention particulière, tant elles nous plongent au coeur de l'intime et du privé. Nous avons su trouver, au cours de nos débats, une batterie de mesures tangibles et applicables, apportant des réponses concrètes, qui respectent la complexité et la délicatesse de notre sujet.

Pour toutes ces raisons le groupe UMP votera la proposition de loi, aussi constructive qu'essentielle. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Colette Le Moal, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Le Moal

Madame la secrétaire d'État, la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la protection des victimes, la prévention et la répression des violences faites aux femmes a démontré que notre assemblée peut échanger sur un sujet d'une telle importance, en dépassant les controverses partisanes habituelles. C'est réconfortant.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Le Moal

Le chiffre de 156 femmes mortes en 2008 sous les coups de leur compagnon a été constamment présent à notre esprit au cours de cette discussion. Cela signifie qu'une femme est tuée tous les deux jours et demi. C'est pourquoi nous félicitons le Gouvernement d'avoir, en novembre dernier, déclaré la lutte contre les violences faites aux femmes « grande cause nationale pour 2010 ».

Le groupe Nouveau Centre est particulièrement satisfait des avancées considérables contenues cette proposition de loi.

Nous félicitons tout d'abord les auteurs de ce texte d'avoir proposé la création d'une ordonnance de protection des victimes, permettant de protéger en urgence les femmes en danger ainsi que celles menacées de mariage forcé ou de mutilations sexuelles.

Nous saluons également les dispositions qui visent à renforcer la sécurité juridique des personnes étrangères victimes de violences conjugales.

Par ailleurs, la création du délit de violences psychologiques constitue une autre avancée qui mérite d'être soulignée.

Enfin, la définition de l'intérêt de l'enfant est capitale. Au coeur de ce que j'appelle le séisme familial, dont traite la proposition de loi, l'avenir des enfants se joue. Il faut que le législateur veille à ce que leurs repères familiaux autres que les deux parents, soient bien préservés.

Nous regrettons fortement que les articles 7, 11 et 15 aient été déclarés irrecevables par la commission des finances. L'adoption des amendements nos 100 , 48 et 50 nous satisfait toutefois. Après l'adoption, mardi dernier, de la résolution européenne visant à promouvoir l'harmonisation des législations européennes applicables aux droits des femmes, nous saluons cette nouvelle avancée pour le droit des femmes. Le groupe Nouveau Centre votera ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je tiens à remercier l'ensemble des intervenants, qui ont collectivement démontré que l'on pouvait faire une « prolongée » intelligente tout en ayant un vrai débat au fond sans que personne soit empêché de s'exprimer largement.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, cette proposition de loi votée à l'unanimité est la démonstration de l'attention toute particulière portée par l'Assemblée nationale et par le Gouvernement à la condition des femmes victimes de violences.

Aujourd'hui, nous avons franchi une étape importante : nous avons pris le temps de travailler de manière approfondie tant au sein de la mission et de la commission que dans l'hémicycle.

Nous avons renforcé notre arsenal législatif en nous dotant de moyens technologiques supplémentaires. S'agissant du bracelet électronique, nous avions, dès le départ, annoncé qu'il s'agissait d'une expérimentation. Je me réjouis donc que sa mise en oeuvre ait été adoptée à l'unanimité, tout comme l'aide juridictionnelle accordée aux femmes en situation irrégulière. La France démontre ainsi combien elle est attentive à la situation très difficile de ces femmes.

Après cette première étape, il revient maintenant au Sénat de prendre le relais. En tant que ministre, je ne peux que me réjouir, madame Crozon, que nous adoptions ce texte une semaine après avoir voté à l'unanimité la proposition de résolution relative à la clause de l'Européenne la plus favorisée !

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

Si nous pouvions nous retrouver plus souvent sur des combats de société au service des Français,…

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité

…nos concitoyens en retireraient le plus grand bénéfice. (Applaudissements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Mes chers collègues, il me reste à vous souhaiter à tous, de façon républicaine, une bonne campagne électorale ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Prochaine séance, mardi 23 mars à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Trois propositions de loi sur :

- le développement des sociétés publiques locales ;

- le dossier médical sur clé USB ;

- et sur la profession d'agent sportif.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma