Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire
La commission a entendu M. Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault.
Je suis particulièrement heureux de recevoir M. Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault, accompagné de M. Luc-Alexandre Ménard, directeur des affaires publiques, de M. Christian Husson, directeur juridique, de Mme Frédérique Le Grèves, directrice de la communication, et de Mme Louise d'Harcourt, chargée des relations parlementaires.
Votre précédente audition, monsieur Ghosn, organisée le 8 octobre 2008 à la demande du groupe Gauche démocrate et républicaine, avait porté notamment sur la situation du site de Sandouville.
Le 26 mai, nous avons aussi auditionné M. Roland Vardanega, alors président par intérim du directoire de PSA.
Alors que nous entamons la dernière lecture du premier texte relatif au Grenelle de l'environnement, nous attendons de vous un message très fort sur le développement des nouvelles motorisations. Les Français sont très attachés à votre entreprise, que l'on appelait naguère « la Régie » ; vous allez nous expliquer comment elle évolue.
Je sais tout l'intérêt que votre commission porte à l'industrie automobile, en particulier à Renault.
La dernière fois que vous m'avez auditionné, la crise en était à ses débuts. J'avais commencé à en parler dès juillet et l'on en avait conclu un peu vite que Renault rencontrait des difficultés. Lorsque la crise s'est précisée, nous sommes félicité de l'avoir anticipée et d'avoir pris des décisions, pour mal comprises qu'elles aient pu être en leur temps.
Depuis, les états généraux de l'automobile ont eu lieu, la prime à la casse a été instituée, l'État a consenti un prêt au secteur automobile et l'accord sur le temps partiel a été signé. En Europe, des plans de soutien à l'industrie automobile ont été adoptés et plus de douze pays de l'Union européenne ont versé des primes à la casse. En France, des plans de départs volontaires ont été élaborés, nous avons déployé un plan d'action de crise, adopté un contrat social de crise et pris des mesures de renforcement de l'Alliance. Beaucoup de choses se sont donc passées.
Le retournement d'activité a été brutal. Au premier semestre 2008, le marché automobile européen était à peu près stable ; au deuxième semestre, il a chuté de 21 %. Au plan mondial, le phénomène a été encore plus violent puisque les États-Unis sont toujours à moins 40 % par rapport à 2008, l'Espagne à moins 50 % et la Russie à moins 55 %. Le monde entier est touché, y compris les pays émergents, Chine exceptée.
Cette crise est d'abord de nature financière. Les dérèglements partis des États-Unis se sont répandus partout et nous ont particulièrement touchés car nous sommes de très gros utilisateurs des marchés financiers. C'est la seule raison de l'assèchement. Étant de gros investisseurs et de gros employeurs, nos besoins en fonds de roulement sont colossaux. Par ailleurs, les deux tiers de nos voitures sont financés par un crédit.
Pour autant, l'automobile n'est pas finie pour la simple raison qu'il n'existe pas de produit de substitution. Dans les pays développés, un ménage pourra peut-être se contenter de deux voitures au lieu de trois. Par contre, en Russie, en Chine, en Inde, au Moyen-Orient ou au Brésil, c'est le premier achat auquel les ménages aspirent.
Cette crise financière s'est traduite par une récession, aggravée par les problèmes structurels de notre industrie. Le nombre de voitures vendues dans le monde est tombé de 68 millions en 2007 à 64 millions en 2008, une coupure nette intervenant durant l'été. Pour 2009, nous prévoyons 55 millions de voitures, soit plus de 20 % de baisse, alors que l'industrie était déjà surcapacitaire en 2007, avec un potentiel d'environ 90 millions d'unités.
Le respect de l'environnement était une préoccupation : il devient une obligation, ce qui entraînera des bouleversements technologiques.
Renault a été touché comme tous les constructeurs, avec un exercice 2008 partagé en deux. Le début de l'année était très bon, avec de la croissance et plus de 4 % de marge opérationnelle. Puis nous avons été pris à rebours par un effondrement des marchés européens, mais aussi de ceux des pays en voie de développement.
Renault a pris toutes les mesures nécessaires pour faire face à la crise puisque, je le répète, nous avons été les premiers, en juillet, à voir arriver une récession, à l'annoncer et à prendre les mesures requises. Fin 2008, nos stocks étaient donc bien inférieurs à ceux de la plupart de nos concurrents et nous n'avons pas eu besoin de prendre des mesures précipitées.
Nous avons aussi été aidés par la réaction du gouvernement français, le premier à mesurer les conséquences de la crise pour l'industrie automobile et à prendre des mesures : une prime à la casse et un emprunt de 3 milliards d'euros pour Renault et PSA, avec un taux d'intérêt de 6 %. Presque tout le monde a suivi, y compris la Commission européenne, qui, au départ, avait émis des critiques contre ces mesures, jugées interventionnistes. Le gouvernement a donc soutenu son industrie à peu de frais puisqu'il n'a pas eu besoin d'intervenir dans le capital des constructeurs automobiles.
Cela a aidé Renault, PSA et les fournisseurs, pour lesquels la situation serait bien plus difficile si le gouvernement avait tergiversé pendant deux ou trois mois.
Sur le plan commercial, nous avons subi la crise, mais ni plus ni moins que les autres, et nos parts de marché sont stables. Nos sites industriels souffrent mais la situation est très contrastée : les sites qui produisent des voitures petites et bon marché tournent à plein régime cependant que ceux qui travaillent dans les segments de moyenne et haute gammes, peu demandés aujourd'hui, connaissent une baisse d'activité et du chômage partiel. À cet égard, compte tenu de sa structure de l'offre, concentrée sur des voitures petites et abordables, Renault est plutôt bien positionné.
Parmi nos sites travaillant à plein, je citerai Flins, avec la Clio, Novo Mesto, en Slovénie, avec la Twingo, Pitesti, en Roumanie, avec Dacia, Palencia, en Espagne, avec le lancement de la Mégane – bientôt suivi, je l'espère, par Douai –, Valladolid, en Espagne, avec la Modus, et Bursa, en Turquie, avec la Clio. En revanche, les sites fabriquant des Laguna ou des véhicules utilitaires souffrent.
Il n'en demeure pas moins que la prime à la casse a été positive pour ces catégories : Sandouville n'atteint pas le niveau de production des sites spécialisés dans les petites voitures, mais il connaît un rebond. Cela vaut aussi pour les sites fabriquant des organes mécaniques, comme Cléon.
La crise va durer. Et c'est pourquoi nous avons opté pour une stratégie de sortie de crise rapide. Les années 2009 et 2010 seront difficiles et, une fois la reprise acquise, il faudra du temps pour retrouver le niveau de 2007. Cela étant, si nous avons tort, nous n'aurons aucun problème car nous ne fermons pas de capacité ; nous sommes donc en mesure de repartir très vite.
Si le marché européen ne se porte pas si mal, c'est essentiellement grâce à la prime à la casse, mais celle-ci ne durera pas éternellement, sans compter qu'elle aura forcement un impact à la baisse sur le marché. Nous devons aider les pays européens à trouver les meilleures solutions pour sortir graduellement de ce dispositif.
Notre contrat social de crise a permis de partager les difficultés entre l'ensemble des employés, notamment entre cols bleus et cols blancs, et de rendre ainsi les conséquences de la crise acceptables par tous.
Nos équipementiers souffrent aussi beaucoup. Nous en avons d'autant plus conscience que, en tant que constructeur, nous sommes aussi faibles que le plus faible de nos fournisseurs ; en effet, si un seul d'entre eux cesse de produire, nous arrêtons aussi. Notre direction des achats, au sein de laquelle travaillent plusieurs centaines d'employés, passe plus de 40 % de son temps non pas à négocier des contrats pour l'avenir, mais à traiter les problèmes de fourniture. Je sais que PSA rencontre les mêmes difficultés, tout comme les constructeurs allemands et américains. L'affaiblissement de l'industrie automobile est donc alimenté par celui des équipementiers. Aux Etats-Unis - outre General Motors et Chrysler, Delphi -,Visteon et bien d'autres fournisseurs américains sont en faillite. Certains d'entre eux possèdent des filiales en Europe. En outre, certains fournisseurs européens sont aussien difficulté.
Nous avons la responsabilité de faire traverser la crise à notre entreprise, mais aussi de nous assurer qu'elle sera prête pour l'après : lorsque la crise sera terminée, il faudra avoir les produits, la technologie, le management et l'état d'esprit pour repartir. Après la consolidation, la restructuration et la réorganisation actuelles, nous risquons de vivre une période de tirage ; il faut s'y préparer.
Quels sont les grands projets de l'après-crise ?
S'agissant des voitures à zéro émission, chaque constructeur possède sa stratégie. Certains estiment que la voiture électrique n'a pas d'avenir ou se développera très lentement. Tant mieux pour nous ! Quand Toyota a lancé ses premiers véhicules hybrides, il y a dix ans, personne n'y a cru. Pour la voiture électrique, nous constatons les mêmes réactions : un de nos concurrents japonais n'a-t-il pas affirmé que le moteur électrique n'était bon que pour les voitures de golf ?
Pour notre part, nous investissons massivement dans la voiture électrique, en vue de prendre le leadership mondial. Nous avons engagé un premier investissement portant sur 50 000 batteries, au Japon, dans l'usine de Zama. Des négociations sont en cours dans plusieurs sites européens, pour des productions de batteries représentant un montant de plusieurs centaines de millions d'euros. Le gouvernement américain est en discussion avec Nissan pour lui attribuer une aide concernant l'implantation d'une usine de batteries et de véhicules électriques.
Nous ne nous contenterons pas de produire quelques milliers de voiture pour suivre une mode. Nous ferons tout pour que le véhicule zéro émission soit commercialisable en France en 2012 au plus tard. En 2010, des voitures seront déjà disponibles aux États-Unis et au Japon. En 2011, le projet israélien démarre. Mais cela ne signifie pas que nous ne progressons pas sur les moteurs diesel et nous sommes parmi les trois constructeurs les plus efficaces en matière de consommation de carburant.
La sortie de crise passera aussi par les pays émergents. Alors qu'en France, en Grande-Bretagne, en Italie ou en Allemagne, comme dans les autres pays européens, on compte 600 voitures pour 1 000 habitants – les États-Unis font exception parmi les pays développés, avec un rapport de 800 pour 1 000, – la Russie, en revanche, est à 150 pour 1 000, la Chine et l'Inde à 50 pour 1 000, la plupart des pays du Moyen-Orient autour de 100 pour 1 000, l'Iran et l'Irak à des niveaux ridicules, le Brésil à 150 pour 1 000. Avec les ressources dont ces pays disposent, il n'y a aucune raison pour qu'ils n'atteignent pas un ratio de 600 voitures pour 1 000 habitants d'ici dix ou vingt ans. A l'évidence la reprise partira surtout des pays émergents.
Or, Renault depuis son alliance avec AvtoVAZ – détenteur de la marque Lada, premier constructeur russe – est le premier groupe automobile implanté en Russie, et c'est l'un des premiers constructeurs européens à pénétrer l'Inde. Nissan est installé en Chine et, le moment venu, Renault le rejoindra. La marque est aussi implantée en Amérique du Sud et, grâce à l'Alliance, nous développons notre présence au Moyen-Orient, l'un des grands pôles de développement, avec des marchés comme l'Arabie saoudite, les pays du Golfe, l'Iran et l'Irak, puissances économiques régionales de demain.
Le consommateur est de plus en plus critique vis-à-vis du prix des produits. Il veut des voitures basiques, comportant des équipements essentiels, à prix abordable. Nous le voyons avec le succès de la Logan, de la marque Dacia en général et de la Twingo. Or notre offre, déjà très fournie sur ce segment, sera de plus en plus riche. C'est beaucoup plus facile pour Renault que pour les constructeurs allemands de répondre à cette demande d'avenir.
Le patron de Fiat a déclaré qu'un constructeur automobile n'a pas d'avenir à moins de 6 millions de voitures produites par an et il cherche des alliances avec Chrysler ou Opel pour atteindre ce niveau critique. Autour de nous, de nouveaux convertis aux alliances reconnaissent qu'une échelle minimale est nécessaire ; ils ont parfaitement raison, mais ils accusent dix ans de retard sur nous ! La seule alliance mondiale qui fonctionne, c'est Renault-Nissan-AvtoVAZ. En 2008, avec 6,8 millions unités vendues, elle était en troisième position mondiale. Renault est donc déjà à la bonne échelle ; notre challenge est de faire pleinement fonctionner l'Alliance, en resserrant plus encore les liens, en mutualisant les investissements et en développant ensemble la technologie.
Bref, nous avons une stratégie d'alliance très moderne depuis dix ans. Avec Dacia et sa Logan, nous sommes en pointe sur les véhicules abordables. Le véhicule électrique suscite de l'intérêt auprès de tous les dirigeants gouvernementaux, gouverneurs ou maires, toujours désireux de nous aider ; je ne doute pas que ce sera l'un des principaux vecteurs de transport de demain. À condition de bien traverser la crise, nous ferons partie des principaux constructeurs de demain.
Vous avez évoqué vos implantations en Slovénie, en Espagne, en Roumanie ou encore en Turquie. Comment les aides que l'État vous a apportées se traduisent-elles en termes d'emplois sur le territoire français ?
Pourquoi un particulier qui commande une Laguna doit-il attendre plusieurs mois avant d'être livré ?
Qu'en est-il du poids et du coût du moteur électrique ? Le véhicule électrique est-il adapté à la circulation en dehors de la ville ? Ne convient-il pas de développer les moteurs hybrides de deuxième génération, à propulsion électrique ?
Nombre d'économistes prédisent que nous allons passer à une économie de fonctionnalité : la valeur de possession laissera place à la valeur d'usage. Souscrivez-vous à cette analyse ? Si oui, comment vous préparez-vous à cette évolution ?
Les transports intégreront probablement un jour les externalités environnementales. Cela aura-t-il des conséquences sur l'organisation de votre production ? Quelles seront les retombées positives sur l'emploi, en France et en Europe ?
Il y a trois ans, il n'était pas question de crise financière, alors que ses prémices étaient là. Quelle responsabilité êtes-vous prêt à admettre dans votre situation actuelle comme dans celle de tout le réseau d'équipementiers et de sous-traitants que vous faites vivre ?
Les sites automobiles historiques – Sochaux, Billancourt, Rennes, Aulnay, etc. – sont de grande taille. Comment concevez-vous leur évolution ainsi que celle des réseaux d'équipementiers ? Êtes-vous toujours déterminé à conserver les sites français ?
Quel est l'avenir du haut de gamme en France ? La production de la Laguna à Sandouville sera-t-elle maintenue ?
La prime à la casse disparaîtra un jour. Quelles propositions ferez-vous pour lisser les difficultés qui surgiront alors ?
Le chômage partiel semble disparaître complètement à Sandouville. Votre dernière campagne publicitaire pour la Laguna et le succès de la série spéciale « Black Edition » expliquent-ils ce retournement de situation ?
Pouvez-vous nous parler du plan social de réduction des effectifs ? N'y a-t-il pas un risque de fuite de savoir-faire ?
L'arrivée du véhicule utilitaire sur le site sera-t-elle rapide ?
Est-il envisagé de fabriquer du haut de gamme de l'Alliance à Sandouville sous une marque autre que Renault ?
Pouvez-vous nous éclairer un peu sur la technologie du lithium polymère, qui semble plus performante que celle du lithium-ion pour ce qui concerne les batteries.
Quel est l'avenir du site de Cléon, avec les nouveaux moteurs 3.0 litres DCI et 1,6 litre, ce dernier étant destiné à une diffusion mondiale ?
Quelles actions votre groupe envisage-t-il pour aider son réseau de sous-traitants, qui sauvegarde les emplois d'aujourd'hui et permettra d'éviter les délocalisations lorsque la reprise arrivera ?
Pouvez-vous nous confirmer la rumeur courant à Sandouville selon laquelle le véhicule utilitaire prévu pour 2012 serait fabriqué en Espagne ?
Quel est l'avenir des sites français ?
Quelles actions comptez-vous entreprendre pour aider vos sous-traitants ?
Les deux tiers des voitures sont achetés à crédit. Or les taux restent élevés. Qu'en pensez-vous ?
Je constate que la stratégie de Renault est claire, mais le caractère abordable d'un véhicule est variable en fonction de l'état de la demande.
S'agissant du véhicule électrique, où en êtes-vous ? La pile à combustible est-elle un produit d'avenir ?
L'entreprise Heuliez a été placée en redressement judiciaire alors qu'elle a un projet de développement de véhicules électrique promis à un bel avenir. Des repreneurs potentiels s'apprêtent à se faire connaître. Seriez-vous disposé à entamer des discussions en vue d'un partenariat ?
Un autre équipementier, Karmann, avec lequel vous avez noué un partenariat, est en difficulté. Compte tenu de la législation allemande, quelles sont les conséquences pour le groupe Renault ?
Que pensez-vous de la reprise d'Opel par Magna ?
Renault bénéficie-t-il de la première école de la compétitivité sur le lean manufacturing, que nous avons mise en place avec Luc Chatel ? Quelle perception avez-vous de cette formation spécifique, particulièrement adaptée à l'industrie automobile ?
Compte tenu de la disparition de nombreux équipementiers, notamment dans le secteur des batteries – je pense à Johnson Controls –, nous aurons perdu, lorsque le rebond se produira, nos capacités de production.
Les aides accordées par le Gouvernement doivent être conditionnées au maintien des emplois en France. À cet égard, je déplore que les différents États membres de l'Union européenne aient adopté des stratégies purement nationales.
Comment vous préparez-vous à la transformation de l'usage de la voiture dans la société ? La production doit être réorientée non seulement vers la voiture propre, à émissions faibles, mais aussi vers les changements dans les modes de consommation de nos concitoyens.
Maubeuge construction automobile, MCA, a permis de revitaliser et de requalifier un territoire souffrant d'un fort taux de chômage. Confirmez-vous que le site de Maubeuge est bien positionné pour accueillir la production de véhicules électriques ?
Des inquiétudes persistent à propos d'une mutualisation entre trois sites de production du Nord : Maubeuge avec MCA, Renault Douai et Ruitz avec la Société de transmissions automatiques (STA).
Quelle est votre stratégie suivez-vous vis-à-vis des équipementiers ?
Où en êtes-vous concernant les voitures low cost dont vous envisagiez la production avec Tata ?
Sur le marché français des immatriculations, comment vous positionnez-vous face à votre concurrent PSA ? Êtes-vous en recul, en progression, en position stable ?
Où en êtes-vous en matière de technologie hydrogène ?
Comment accompagnez-vous vos sous-traitants durant la crise ? Les associez-vous à vos politiques de recherche et d'innovation ?
Il semblerait que vous ayez présenté aux actionnaires le prototype de démonstration de la Kangoo électrique et que vous vous apprêtiez à en faire de même avec la presse. Une production à l'horizon 2012 est-elle prévue pour le site de MCA, à Maubeuge ?
Une PME sous-traitante de ma circonscription, qui a réussi à survivre, ignore si la reprise à laquelle elle fait face sera pérenne et elle doit recourir au chômage technique partiel. Or elle a dû faire travailler ses salariés pendant les ponts de mai. En tant que donneur d'ordres, ne pouvez-vous pas anticiper ces situations et lisser les commandes afin de faciliter la vie de vos sous-traitants ?
Pour les chantiers navals de Saint-Nazaire, qui avaient été frappés par des cycles beaucoup plus courts et beaucoup plus violents que le secteur automobile, l'option avait été prise de privilégier la formation professionnelle par rapport au chômage partiel, de façon à attendre la reprise. Avez-vous pensé à une telle stratégie ?
Vous avez rappelé que Renault pratique depuis de nombreuses années des stratégies d'alliance. Avez-vous des projets de rapprochement avec d'autres groupes ?
Par ailleurs, alors que Renault est présent en compétition automobile depuis plus d'un siècle et que la Formule 1 est une vitrine technologique et un banc d'innovation, l'absence du Grand Prix de France au championnat du monde de Formule 1 fait l'objet de nombreuses interrogations. Quelles sont votre stratégie et votre vision quant à l'avenir de la Formule 1, particulièrement quant au positionnement de Renault ? Quel est votre sentiment à propos d'un circuit de Formule 1 en France ?
Grâce à la prime à la casse, le marché français s'est maintenu et son niveau est resté comparable pour les cinq premiers mois de l'année à ce qu'il était en 2008. Il semblerait cependant que certains constructeurs s'en tirent mieux que d'autres, comme Citroën, qui a progressé de 10 % grâce aux C3 et C4, ou des constructeurs étrangers comme Volkswagen et Fiat. En revanche, Renault et Peugeot ont vu leurs ventes diminuer, alors même que vous nous déclarez posséder une bonne gamme. Cette chute serait-elle due à un problème d'organisation, comme le suggère par exemple le fait que la livraison d'une Twingo demande aujourd'hui six mois ?
Un appel à projets vient d'être ouvert à la suite de la mise en place d'un prêt bonifié pour les entreprises en vue du développement des véhicules électriques, pour un montant de 250 millions d'euros. Ces prêts sont destinés à financer l'implantation d'usines ou de chaînes de production dans les prochaines années. Renault a-t-il l'intention de répondre à cet appel et de déposer un dossier en lien avec les équipementiers qui ont le savoir-faire et des projets dans ce domaine ? Mon collègue Jean Grellier s'associe à cette question, qui concerne tout particulièrement l'entreprise Heuliez.
La crise que vous avez qualifiée de financière n'est-elle pas d'abord une crise d'excès de crédit, générant un excès d'endettement, qui a lui-même généré des excès de capacités de production ? Quelle sera, selon vous, la durée de résorption de cet endettement ?
Par ailleurs, la chute du marché, pour laquelle vous avez cité le chiffre de 21 %, a été dans l'ensemble beaucoup plus brutale pour les équipementiers. Votre politique ne consiste-t-elle pas à déplacer la gestion des stocks chez les équipementiers, au risque de faire peser sur eux un poids encore plus lourd ?
Enfin, sur fond de mutation des marchés, quelle sera votre géopolitique d'investissement ? En d'autres termes, quels sont les pays qui vous paraissent prioritaires pour vos investissements à venir ?
Vous avez déclaré que votre direction des achats consacrait 40 % de son temps à gérer des problèmes d'approvisionnement, ce qui est cocasse au moment où de nombreux sous-traitants sains attendent des commandes. Quelles conclusions en tirerez-vous en sortie de crise en termes de taille critique, de regroupement, de solidité et de politique d'achats vis-à-vis de vos sous-traitants ?
Quelle est par ailleurs votre vision du regroupement des constructeurs au niveau mondial ?
Vous avez évoqué votre volonté d'investir massivement dans des voitures à zéro émission et de vous positionner sur le créneau des voitures « abordables ». Dans ce contexte, quel est l'avenir du haut de gamme de Renault ? La Vel Satis et l'Espace auront-elles une descendance ? Avez-vous l'intention, comme on l'entend parfois dire, de faire renaître la marque Alpine ?
Notre Commission a auditionné voilà quinze jours le président par intérim de PSA, dont l'approche industrielle pour l'avenir est très différente de la vôtre. PSA mise en effet plutôt sur le développement du véhicule hybride et considère que les énergies fossiles seront encore disponibles jusqu'en 2050 ou 2060, ce qui laisse une marge pour les moteurs thermiques. N'est-il pas dangereux pour Renault de tout miser d'ici 2012 sur le véhicule électrique ?
Par ailleurs, je fais écho à la question de M. Favennec : qu'adviendra-t-il du haut de gamme de Renault ? Quel est l'après-Vel Satis ?
Quelle est la stratégie de Renault pour ce qui concerne l'avenir du poids lourd en France dans le contexte du Grenelle de l'environnement ?
En second lieu, quelle sera la politique de Renault en matière de véhicules 4x4 dans les prochaines années ?
Alors qu'Iveco et Scania sont en difficulté, Renault a-t-il une vision à moyen et long termes pour les poids lourds, notamment dans la perspective d'alliances internationales ?
Avez-vous l'intention de rapatrier des fabrications actuellement localisées dans des pays en développement et qui n'auraient pas donné satisfaction en termes de délais ou de technicité ?
Par ailleurs, vos difficultés d'approvisionnement auprès de vos sous-traitants ne seraient-elles pas parfois liées aux conditions que vous leur imposez ? De fait, nous sommes parfois saisis des conditions d'achat sévères imposées par les grands donneurs d'ordres.
Pour ce qui est, tout d'abord, des contreparties demandées pour l'emprunt consenti à Renault – question que la Commission européenne a été la première à poser –, je précise qu'elles sont toutes de bon sens et ne diffèrent en rien de celles qui peuvent être demandées par d'autres gouvernements auxquels Renault ou ses concurrents ont demandé de l'aide, comme au Japon, aux États-Unis, en Allemagne ou en Espagne. Il n'y a rien de surprenant, en effet, à ce que l'argent prêté par la France ne puisse être consacré à détruire des emplois en France. Du reste, nous déclarions dès septembre dernier, avant même l'emprunt, qu'il n'était pas question pour un constructeur français de fermer des sites en France. Nous réorganiserons notre production entre nos sites à l'international pour respecter cet engagement.
Pour ce qui concerne les stocks et l'irrégularité des commandes passées à nos fournisseurs, je prendrai un exemple : comment prévoir la décision du gouvernement allemand de mettre en place une prime à la casse, qui a fait changer le marché du tout au tout, la tendance passant de – 20 % à + 20 % d'un mois à l'autre ? En effet, si des rumeurs circulaient quant à l'instauration de cette prime, nous ne connaissions ni son montant, ni les types de voitures auxquels elle s'appliquerait. Une telle décision d'un gouvernement ne dépend pas de nous. En l'espèce, le montant colossal de la prime – plus de 2 000 euros – a retourné le marché d'un mois sur l'autre et les constructeurs se sont trouvé dans l'impossibilité de suivre la demande, à l'exception de ceux qui, possédant des stocks très importants, ont bénéficié d'un effet d'aubaine. En revanche, ceux qui avaient maintenu leurs stocks à des niveaux propres à ne pas emprisonner leur trésorerie ont été pris de cours, et avec eux leurs fournisseurs. En outre, la prime à la casse ayant privilégié les voitures peu chères ou très efficaces en termes d'émissions de CO2, certains fournisseurs sont en tirage pour les pièces destinées à ces petites voitures et en sous-utilisation de leurs capacités pour celles qui sont destinées aux grosses voitures. Nous connaissons nous-mêmes ce problème dans nos usines.
Aux États-Unis, la rumeur d'une prime à la casse circule depuis des semaines, mais personne ne peut savoir quand ce dispositif sera déclenché ni quelle forme il prendra. Or, cette décision se traduira par des distorsions massives de fournitures sur les marchés. La question n'est pas de la compétence du constructeur automobile, qui doit s'adapter le mieux possible aux aléas du marché liés aux décisions du pouvoir politique. Même si certains constructeurs sont plus agiles que d'autres pour réaliser ces adaptations, tous sont en situation de tirage sur les petites voitures. Ce phénomène est souvent aggravé par la nécessité de procéder à des arbitrages entre les marchés. Faut-il donner plus de voitures à l'Allemagne, à la France ou à l'Italie, ou au contraire équilibrer les marchés ? Certains constructeurs ont décidé de privilégier certains marchés, sur lesquels ils apparaissent comme particulièrement efficients – mais ils sont très déficients sur ceux qu'ils ont décidé de ne pas privilégier.
La voiture électrique a fait l'objet de plusieurs questions : Où en sommes-nous ? Est-ce le bon choix ? Quid de l'hybride ou de la pile à combustible ?
Sur le plan stratégique, nous souhaitons être leader en termes de commercialisation de masse des véhicules à zéro émission. On en distingue deux catégories, et deux seulement : le véhicule électrique et la pile à combustible. La voiture à pile à combustible, que plusieurs d'entre vous ont pu essayer, est une technologie très élégante sur le plan de la physique – elle transforme de l'hydrogène en eau –, mais qui devrait, selon nous, apparaître sur les marchés plutôt dans dix ans que dans cinq car elle est aujourd'hui très chère. Son élégance technique exige une grande frugalité dans la réalisation, que nous n'avons pas encore atteinte. Cependant, cela ne signifie nullement que nous ayons fait l'impasse sur les piles à combustible, qui représentent la deuxième génération de piles.
Pour le véhicule électrique, certains constructeurs tablent sur la technologie hybride – que nous possédons d'ailleurs, à telle enseigne que Nissan vend aujourd'hui aux États-Unis des versions hybrides de son véhicule le plus populaire, l'Altima, à raison de 5 % environ des 300 000 exemplaires vendus chaque année. Au demeurant, les hybrides représentent au plus 3 % à 4 % de l'ensemble du marché américain, alors que la lecture des journaux donne parfois l'impression qu'ils en occupent la moitié. En Europe, la diffusion de l'hybride est beaucoup plus réduite, car elle se heurte à la très forte concurrence du diesel, lequel est de plus en plus propre et efficace. Le succès plus important de l'hybride, technologie japonaise, aux États-Unis et au Japon s'explique par le fait que le diesel, technologie européenne, y est bien moins implanté. Une bataille est désormais engagée entre l'hybride et le diesel, dans laquelle les Japonais, tout en poussant sur l'hybride, tentent de développer le diesel, tandis que les Européens, tout en poussant sur le diesel, tentent de développer l'hybride. Ne nous illusionnons pas : nous ne serons jamais des champions de l'hybride car l'avance prise par ceux qui n'avaient pas de diesel est considérable. La bataille se poursuit et, grâce à l'hybride, le diesel progresse. Les constructeurs allemands s'efforcent d'ailleurs de le populariser aux États-Unis. Il semble difficile de détenir le leadership pour les deux technologies : il faudra plutôt être leader pour l'une d'entre elles et garantir ses arrières pour l'autre.
Le véhicule électrique - comme d'ailleurs la pile à combustible - représente une rupture par rapport à ces deux technologies, car ni l'une ni l'autre ne permettent des véhicules à zéro émission. L'hybride présente certes des variantes et a évolué depuis le système initial, composé d'un moteur classique assisté d'un moteur électrique : aujourd'hui, la tendance veut que le moteur soit d'abord électrique et que le moteur thermique lui soit adjoint, comme dans la Volt de General Motors, dont l'essentiel de l'alimentation est électrique, avec une batterie réalimentée par un moteur thermique en vue d'augmenter l'autonomie de la voiture. Pour Renault et Nissan, le véhicule électrique ne doit émettre aucun CO2, ce qui est possible dans un cycle où l'on dispose d'énergie nucléaire, solaire, éolienne ou hydroélectrique.
Quant au pétrole, dont certains de nos concurrents soulignent qu'il sera encore disponible pendant cinquante ans, je rappelle qu'il coûte aujourd'hui, en pleine récession, 71 dollars le baril : je vous laisse imaginer quel sera son prix lorsque l'économie se réveillera ! Ce prix obéit certes à une certaine spéculation, mais la demande de fond existe. Or, selon nos calculs, le véhicule électrique permet de rentrer dans ses comptes à partir de 80 dollars le baril. Le passage au véhicule électrique sera donc économique. Je rappelle qu'un grand responsable politique français a calculé que 50 % de la facture pétrolière de la France était consacrée à la consommation de combustible : une réduction de 10 % ou 20 % de cette consommation se traduirait par une économie considérable, qui permettrait d'investir dans le développement des véhicules à zéro émission. C'est un bon calcul, à la fois économique et écologique.
Les principaux responsables politiques mondiaux vont parvenir très vite à la conclusion que le renchérissement du coût du baril – sans parler des aspects liés à l'indépendance politique – représente une prime très forte sur les plans politique, écologique et économique pour les véhicules à zéro émission. Il ne faudra pas quinze ans pour s'en rendre compte : dès la sortie de crise, ceux qui auront anticipé pour disposer de cette technologie devraient être en bonne position. Il s'agit certes là de spéculations, mais notre métier consiste précisément à prendre des paris. Je ne veux pas que vous me reprochiez dans trois ans de ne pas avoir vu ce mécanisme et j'espère pouvoir vous dire alors, quand le prix du baril de pétrole aura atteint 100 euros, que je me félicite que Renault ait pris le leadership sur cette technologie alors que ses concurrents n'ont pas été nombreux à y avoir cru.
L'autonomie des voitures électriques que nous allons lancer est aujourd'hui de 160 kilomètres dans des conditions d'usage sévères – c'est-à-dire avec l'air conditionné et en circulation urbaine. Dans des conditions plus favorables, cette autonomie sera supérieure. Nous nous employons par ailleurs à régler le problème des pertes de rendement subies par la batterie à des températures extrêmes, très basses ou très élevées. La voiture électrique sera commercialisée avec une batterie lithium-ion, qui nous semble à court terme la meilleure technologie. Bien entendu, d'autres procédés existent et nous préparons notamment une nouvelle génération de batteries utilisant des polymères, qui devraient permettre d'augmenter l'autonomie et de diminuer le poids de la batterie – qui pèse aujourd'hui 250 kilos –, ainsi que son prix. Au demeurant, si nous attendons toujours le dernier stade du développement, nous serons toujours en retard : c'est maintenant qu'il faut se lancer !
Il est normal que ces choix technologiques soient clivants et que d'autres constructeurs prennent d'autres options. En un sens, il vaut même mieux pour l'industrie française que PSA adopte une autre stratégie : si l'un de nous se trompe, nous ne nous tromperons pas tous les deux. Du reste, nous n'avons pas l'intention de garder pour nous seuls cette technologie, car une économie d'échelle est nécessaire pour en réduire le coût. Nous avons donc proposé des batteries à tous les constructeurs et certains nous en achèteront. Les voitures, en revanche, seront spécifiques à Renault ou à Nissan. Il ne s'agit pas là d'un scénario à long terme : nous le verrons se dérouler dans les deux ou trois prochaines années.
La question a été posée de savoir si la voiture était un bien ou un service. La réponse dépend des régions du monde. En Russie, en Chine, en Inde, au Moyen-Orient, au Brésil et encore dans une large mesure aux États-Unis ou au Japon et en Europe, la voiture n'est pas un objet, mais a plutôt le statut de l'animal domestique, plus proche du chien que du réfrigérateur, si n'est pas un être humain, elle fait tout de même partie de la famille. On fait attention à sa couleur et on noue des relations avec le distributeur. Cet objet, souvent le premier qu'on acquiert, prend d'autant plus d'importance et on se souvient de toutes les voitures qu'on a eues. Rares encore sont ceux qui considèrent la voiture comme une simple fonctionnalité et seraient prêts à utiliser celle de leur voisin comme la leur propre, même si cette tendance commence à se développer dans les grandes villes des pays développés. Dans les dix prochaines années, 80 % à 90 % du marché continuera à considérer la voiture davantage comme un bien faisant partie de la famille que comme un objet impersonnel.
Pour ce qui est du maintien des sites en France, que je garantissais déjà avant la crise, je le confirme à nouveau. Nous continuerons certes à adapter nos sites français, mais il n'est pas question d'en fermer.
Monsieur Paul, il faut se rendre à l'évidence : personne n'avait prévu la crise actuelle. Certes, une bulle financière finit toujours par éclater : c'est aussi vrai que de dire que nous sommes tous mortels. En effet, les corrections des excès font partie de l'économie. Cependant, personne n'avait prévu que nous serions confrontés en 2008 à l'une des plus graves récessions depuis la Grande dépression – une crise dans laquelle les banques ne prêtaient plus d'argent. Tous les constructeurs ont vu venir le moment où, sans intervention des États, les faillites interviendraient en masse, quelle que soit la santé des entreprises. Cette crise n'a nullement conforté la compétitivité des constructeurs – et, de fait, l'un des plus compétitifs d'entre eux subit aujourd'hui des pertes colossales. Je le répète : peut-être cette crise était-elle dans les gènes, mais personne ne l'a vu arriver, et en tout cas pas avec cette ampleur, cette brutalité et cette rapidité.
Quant à la responsabilité du chef d'entreprise, je tiens à dire que l'irresponsabilité consisterait précisément pour lui à quitter ses fonctions pendant la crise. Pour un chef d'entreprise partir aujourd'hui, c'est déserter. Il y a certes quelques excès et certains patrons s'accrochent peut-être indûment, mais, en temps de crise plus que jamais, dès lors que les actionnaires ont voté leur confiance et demandent aux patrons de remplir leur mission, ceux-ci doivent rester et faire face. Le patron est toujours responsable des résultats de l'entreprise et j'assume pleinement cette responsabilité. En revanche, je ne crois pas que le fait de partir lorsque l'entreprise fait des pertes soit la réponse qui aille le plus dans le sens de la responsabilité.
Pour ce qui est de la Laguna, la série limitée « Black Edition » est une opération réussie et nos cadences ont augmenté, passant de 250 à 314 voitures par jour. C'est certes moins que nous ne l'espérions, mais l'animation commerciale que nous avons engagée autour d'éditions limitées a du succès et la gamme 2009 plaît.
Je confirme par ailleurs que, comme je l'ai indiqué au Président de la République et quelles que soient les rumeurs, la fabrication du véhicule utilitaire interviendra bien sur le site Sandouville, qui continuera en parallèle de produire la Laguna.
Quant aux sous-traitants, les constructeurs ne peuvent pas être forts si ceux-là sont faibles, ni même produire de voitures si les mêmes ne produisent pas de pièces. Nous ne pouvons pas être compétitifs ni profitables s'ils ne le sont pas. En d'autres termes, nous sommes liés et, même si les uns sont en position de donneurs d'ordres et les autres en position de receveurs, nous ne pouvons pas sortir de la crise indépendamment de nos fournisseurs, dont le tissu est aussi important pour nous que notre propre compétitivité. Les sous-traitants jouent un rôle fondamental dans l'innovation. Ainsi, ils sont nombreux à être impliqués dans le développement des batteries ou du véhicule électrique, comme d'autres partenaires tels que des universités ou des laboratoires. Nous avons besoin de fournisseurs capables d'investir dans l'innovation.
Je signale qu'une version électrique de la Kangoo est en cours de tests. J'invite ceux d'entre vous qui le souhaitent à l'essayer : l'expérience est bluffante.
Le projet d'ultra-low cost engagé avec Bajaj se poursuit. Le concept est prêt et les discussions suivent leur cours pour savoir si nous devons être plus compétitifs que la Nano en termes d'efficacité de consommation ou en termes de prix. Quoi qu'il en soit, nous ferons cette voiture et nous serons présents sur le segment de l'ultra-low cost. À dire vrai, je ne crois guère à l'exportation de la Nano aux États-Unis, où les exigences en matière de crash-tests sont déjà très difficiles à satisfaire pour les petites voitures et le seront plus encore pour des micro-voitures, à moins de reformuler entièrement ces dernières. Pour l'Inde et les pays en développement, en revanche, ce segment sera sans doute très important.
Les parts de marché de Renault par rapport à PSA seront à peu près stables en 2009, car nous n'avons pas voulu couper l'approvisionnement de certains marchés proches de la France, comme l'Allemagne, où Renault connaît une forte progression de ses parts, avec plus de 7 % contre 4 % récemment encore. Sur ce marché critique pour Renault, nous avons voulu saisir l'occasion unique de positionner la marque procurée par l'incitation offerte par le gouvernement allemand, en stabilisant la part de marché en France. Je respecte les choix différents qu'ont pu faire d'autres constructeurs, mais je ne pense pas que le nôtre nuise à la compétitivité de Renault. Notre part de marché en France est de 25 % et, sans renoncer bien sûr à l'augmenter, il nous faut d'abord équilibrer notre présence européenne.
Les rapprochements auxquels nous assistons dans l'industrie sont plutôt le début que la fin du film. La faillite de Chrysler et le rachat en cours de ses actifs par Fiat, la faillite de General Motors et l'arrêt de certaines marques, les craintes de certains constructeurs de ne plus être compétitifs à terme avec une production de 2 ou 3 millions de voitures par an, sont autant d'éléments qui conduiront à une recomposition du marché.
Personnellement, je ne crois pas à la recomposition par les acquisitions. De fait, et même si cela ne préjuge pas l'avenir, toutes celles qui ont eu lieu dans l'industrie automobile ont échoué. La seule chose qui marche, ce sont les alliances, qui laissent une certaine autonomie à des marques différentes et des pouvoirs de décision séparés et très locaux. Je ne puis imaginer un Renault fort dont le centre de décision ne serait pas en France, ni un Nissan fort dont le centre de décision serait hors du Japon. La démotivation qui s'installe au sein même d'une alliance lorsque l'un des constructeurs a l'impression que l'autre prend le pas sera d'autant plus forte en cas d'achat, lorsque le centre de décision est transféré ailleurs. Pour réussir une telle opération, il faudrait être vraiment très fort en management, et cela n'a jusqu'à présent jamais réussi, car l'identité de l'entreprise est fondamentale pour la motivation des personnes qui la composent.
Le juste milieu entre le besoin de rapprochement et l'échec des fusions et acquisitions est difficile à trouver et, surtout, à manager. C'est probablement cette incapacité à trouver l'équilibre entre le respect des identités et les économies d'échelle qui explique que les rapprochements ne soient pas plus fréquents et les échecs seront sans doute encore nombreux avant qu'il soit trouvé. Nous sommes très fiers, pour notre part, d'avoir atteint cet équilibre avec l'alliance Renault-Nissan, qui dure depuis dix ans. Les deux entités sont séparées et les deux entreprises en profitent. Les autres constructeurs rencontreront des challenges très importants : quelle forme de coopération pourront-ils trouver pour maintenir la motivation de toutes les entités concernées ?
Pour ce qui est de nos projets de rapprochement, je rappelle que, si l'alliance Renault-Nissan m'a toujours semblé de nature à fédérer des constructeurs qui ont besoin d'économies d'échelle, dans la situation actuelle, où les deux entreprises font des pertes et resserrent les boulons pour traverser la crise, un élargissement de l'alliance pourrait être à juste titre perçu comme de la dispersion. Il ne me semble donc pas que nous procéderons à un quelconque rapprochement dans une situation de crise où nous nous battons pour un flux de trésorerie disponible positif. Nous nous efforçons en priorité de retrouver la profitabilité que nous connaissions voilà un an ou un an et demi.
La Formule 1 connaît quelques difficultés, car les constructeurs automobiles contestent le fait que les réglementations de la course appliquent deux poids, deux mesures, ce qui explique d'ailleurs le changement radical du classement intervenu entre la saison dernière et la présente saison. Nous voulons qu'une règle unique s'applique à tous les constructeurs.
Par ailleurs, à un moment où la question des ressources est très importante, si c'est nous qui faisons le show, qui apportons la technologie et les moteurs et qui embauchons les pilotes, il faut que les revenus de la Formule 1 nous reviennent. Les intermédiaires ont gagné assez d'argent dans cette affaire ; nous voulons reprendre le contrôle de la Formule 1. L'avenir de cette dernière suppose de réécrire les règles en ce sens. Aujourd'hui, nous payons cher pour être en Formule 1, à tel point d'ailleurs que de nombreux constructeurs ne veulent pas y participer. Il faut donc rééquilibrer les règles, afin d'attirer un plus grand nombre de constructeurs, ce qui améliorera la qualité du show et séduira un plus large public. Il faut aussi limiter la place des réglementations et des intermédiaires qui nous semblent handicaper une partie de la Formule 1. Un bras de fer est aujourd'hui engagé. En fonction du résultat, la Formule 1 pourrait connaître des évolutions assez fortes.
Nous serons présents sur toutes les offres de véhicules électriques et nous participerons à tous les appels d'offres ainsi qu'à tous les grands événements.
La crise a-t-elle été provoquée par l'endettement ? L'une des leçons qui en sortira est que personne ne voudra dorénavant se trouver en situation d'endettement fort. La crise n'a plus rien de théorique. Les plus jeunes, dans nos entreprises, se souviendront toute leur vie de ce qui s'est passé en 2008 et en seront marqués pour le reste de leur carrière. L'appétit des entreprises pour l'endettement sera sérieusement réduit pour les deux prochaines générations, car personne ne voudra revivre ce que nous avons traversé. Voilà trois mois, nous ne savions plus comment financer l'entreprise, car les banques avaient peur pour leur survie et le crédit était strictement limité. Ce sont les États, et eux seuls, qui ont rétabli le flux financier nécessaire pour permettre à l'industrie de redécoller. Ce phénomène n'est pas propre à la France et s'est produit partout – aux États-Unis, au Japon et dans pratiquement tous les pays européens ou au Brésil. En Russie, notre partenaire AvtoVAZ a bénéficié d'un prêt de 25 milliards de roubles. Partout, on a compris qu'il ne s'agissait pas d'aider une industrie faible, mais des entreprises qui, sans que leur compétitivité soit en cause, sont en difficulté par manque d'oxygène.
Pour ce qui est, enfin, des pays prioritaires pour l'investissement, il faut distinguer les investissements technologiques ou liés à l'innovation, qui se feront dans les pays d'origine, et les investissements capacitaires, destinés, parallèlement à la stabilisation des marchés des pays développés, à développer les marchés des pays en voie de développement. Ainsi, pour tous les constructeurs mondiaux, les usines seront plus nombreuses en Russie, en Inde, en Chine ou au Brésil. Voilà vingt ans, les productions, la technologie et les marchés de l'industrie automobile se trouvaient dans les pays développés. Aujourd'hui, la technologie et les centres de décision se trouvent encore dans ces pays, mais la croissance se fera de plus en plus dans les pays en voie de développement. Cette déconnexion géographique est nouvelle.
Monsieur le président, je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre d'une manière aussi détaillée à toutes les questions posées par nos collègues. Nous aurons plaisir à vous entendre de nouveau.
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Information relative à la commission