La Commission examine la proposition de résolution européenne pour la relance européenne et le renforcement du contrôle démocratique (n° 4196).
Nous allons maintenant examiner la proposition de résolution européenne pour la relance européenne et le renforcement du contrôle démocratique, dont je précise qu'elle a été examinée et rejetée par la commission des Affaires européennes.
La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur.
Cette proposition de résolution européenne pour la relance européenne et le renforcement du contrôle démocratique, que je présente au nom du groupe socialiste, a pour objectif d'évaluer et d'apprécier le processus de résolution de la crise économique mis en oeuvre au niveau européen. Il s'agit d'essayer de dégager, à partir de cette analyse, un certain nombre de pistes de réflexion pour améliorer la réponse européenne à la crise.
Dans le processus qui s'est mis en mouvement, depuis deux ans environ, avec l'affirmation de la crise grecque et la manifestation de la crise des dettes souveraines, deux aspects nous paraissent devoir être soulignés.
Le premier aspect concerne la manière dont ont été élaborées les réponses à cette crise, mais également la manière dont sont appliquées ces réponses. Dans les deux cas, nous considérons que les réponses ont été marquées par un manque d'implication des parlements nationaux et des institutions européennes. Tant au niveau des modalités de discussion et de décision, qu'au niveau de la mise en oeuvre des décisions, le processus est marqué par un grand déficit démocratique. Cela est inquiétant, car sans adhésion des peuples et des élus, il ne sera pas possible de surmonter cette crise. Il y a même un véritable risque de chaos démocratique, on le voit en Grèce, à vouloir à toute force imposer des solutions irréalistes.
Ce déficit démocratique s'est d'abord manifesté dans la manière dont l'Union européenne s'est saisie de ces questions et les a traitées. Ce processus a été conduit à marche forcée, à coup de sommets répétitifs et de rencontres franco-allemandes. Les institutions européennes, la Commission, le Parlement européen, ont été marginalisées. Les parlements nationaux ont été ignorés. Le Conseil européen a été souvent relégué. Les pays « récalcitrants », mis au pied du mur, ont été sommés de partir. Comme vous le savez, le traité budgétaire ne concernera pas l'ensemble des pays membres de l'Union européenne.
C'est un fonctionnement finalement atypique, centré quasi exclusivement sur le couple franco-allemand qui s'est mis en place et qui a dirigé les opérations durant cette période. Certains s'en réjouiront, considérant que l'éclatement du cadre institutionnel européen est une condition pour avancer. Je ne fais pas partie de ceux là. Je pense que ce fonctionnement n'est pas bon pour l'Europe. Un certain nombre de pays ont d'ailleurs contesté ce leadership « Merkozy ». Pour moi, il ne fait aucun doute que, si le traité budgétaire, qui sera soumis à notre ratification après l'élection présidentielle, avait été préparé au sein d'une convention, sa physionomie en aurait été changée. Je regrette qu'il ait été décidé de recourir à une révision simplifiée.
Ce fonctionnement n'est pas bon pour la France. Le couple franco-allemand est profondément déséquilibré. Dans les discussions qui ont opposé la France et l'Allemagne, sur la BCE, sur le fonds de stabilisation, sur les euro-obligations, sur le caractère contraignant de la discipline budgétaire, sur la taxe sur les transactions financières, ce sont à chaque fois les positions allemandes qui ont été retenues. Certains diront : « oui, mais nous avons obtenu un gouvernement économique. ». C'est vrai, mais celui-ci fonctionnera aux conditions allemandes : d'abord le budget et la discipline, ensuite la croissance, et uniquement sous l'angle de la compétitivité et des coûts salariaux. Si le couple franco-allemand donne à la France l'illusion de sa grandeur passée, il est surtout pour l'Allemagne un habillage utile pour faire entériner ses décisions. Ce mode de fonctionnement n'a pas été positif et a abouti à des décisions contestables.
Ce déficit démocratique est aussi la caractéristique des dispositifs qui ont été mis en place pour contraindre les États à la discipline ou à appliquer des programmes d'ajustement. Que ce soit dans le cadre des sanctions automatiques, ou dans celui de la judiciarisation de la discipline budgétaire avec l'intervention de la Cour de justice que consacre le traité budgétaire, ou dans la mise sous tutelle des États placés sous assistance, avec deux directives, les « two-packs », qui retirent toute souveraineté aux pays placés dans cette situation, il s'agit d'autant de dispositions qui visent à écarter les représentants des peuples de leurs responsabilités. Finalement, un ordre normatif extrêmement imposant est en train de se bâtir, qui va mettre à l'épreuve la souveraineté d'un certain nombre de pays, dont le nôtre. Ainsi, le budget de la France sera directement opposable à la Cour de justice européenne, si le traité budgétaire est ratifié.
Il nous faut donc revenir à un autre mode de fonctionnement, plus équilibré, plus respectueux des institutions européennes et des parlements nationaux. Sur ce plan, il faut se réjouir que, notamment grâce à l'action de M. Pierre Lequiller, président de la commission des Affaires européennes et à celle du président l'Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, un article concernant la nécessité de consulter les parlements nationaux sur le processus budgétaire ait été introduit dans le traité budgétaire. Cela reste cependant insuffisant. Il faudra par ailleurs, au niveau national, renforcer les procédures de contrôle du Parlement et de l'Assemblée nationale en particulier. La ratification, la semaine prochaine, du mécanisme européen de stabilité – MES – sera l'occasion pour le Parlement de jouer un rôle plus important.
Le deuxième aspect qui nous a poussés à déposer cette proposition de résolution européenne, est la manière dont est conçue la réponse économique et financière à la crise. Nous avons aujourd'hui « sur la table » un traité budgétaire et un traité sur le MES dans lesquels, trois problématiques, trois nouvelles approches devraient, nous semble-t-il, être incluses.
La première approche est celle de la coordination des politiques économiques en Europe. Cette coordination ne peut pas uniquement être vue sous l'angle de la seule convergence. L'article 9 du traité budgétaire indique : « …les parties contractantes s'engagent à oeuvrer conjointement à la définition d'une politique économique qui favorise le bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire et qui prône la croissance économique grâce au renforcement de la convergence et de la compétitivité. » Pour nous, la convergence est la finalité et non le moyen. La zone euro est profondément hétérogène et appliquer la même politique à tous les États qui la composent ne peut qu'accentuer cette hétérogénéité. C'est un grave contresens que de substituer la convergence à la coordination. Cela signifie que se pose la question du fonctionnement d'une zone monétaire sans transfert en son sein et uniquement à travers l'application de politiques semblables. Une zone monétaire doit fonctionner, de notre point de vue, avec des transferts, avec une meilleure coordination des différentes politiques économiques, en fonction des spécificités et des particularités de chacun des pays européens. Il n'est pas vrai que nous ferons de chacun des pays européens une petite Allemagne. Ce n'est pas souhaitable et c'est illusoire.
Le deuxième point est la question de la soutenabilité de l'ajustement dans un certain nombre de pays européens. L'assainissement budgétaire est indispensable car au-delà d'un certain niveau d'endettement, la situation n'est plus viable. Mais, il ne peut se faire dans de bonnes conditions que si les pays ont accès à la liquidité. À ce titre, nous répétons que la BCE a un rôle important à jouer. Elle le fait certes depuis quelques mois, mais tardivement et sans aucune garantie qu'elle continuera à le faire dans le futur.
Enfin, la croissance passe par l'investissement. Il est absolument nécessaire de mettre en place une politique d'investissements européens. Dans ce qui est proposé au niveau européen, cette politique fait défaut. On a le sentiment que le retour à la croissance n'est vu que sous l'angle de mesures structurelles. Elle n'est pas vue sous l'angle de projets d'investissements. Nous pensons qu'il convient de mettre en place un fédéralisme de projets dans un certain nombre de secteurs. Il faut pour cela des moyens financiers et donc doper l'investissement en Europe. Cela passe notamment par la Banque européenne d'investissement – BEI –, dont les capacités sont actuellement sous-employées et qui pourrait augmenter sensiblement ses prêts. Il faut également un budget européen profondément rénové et sans doute augmenté, alimenté par une taxe sur les transactions financières. Les « projects bunds » mis à l'étude par la Commission, permettraient à cette dernière d'emprunter et de venir en soutien à un certain nombre de projets européens.
Nous considérons donc que sur ces trois points, le compte n'y est pas. Cette proposition de résolution européenne présente un certain nombre d'axes qui permettent de compléter le dispositif qui nous est proposé. Il s'agit d'une proposition qui n'est ni idéologique, ni politique. À côté du nécessaire assainissement financier, il faut trouver des capacités de relance et de croissance au niveau européen. Nous ne voyons pas actuellement, sur ces sujets, de propositions crédibles dans les positions françaises et allemandes.
Je reconnais que la question du soutien à l'investissement est un sujet sensible, et je salue le fait que le Rapporteur ait tenu à préciser qu'il devait être concilié avec le nécessaire objectif d'assainissement des finances publiques. Le problème du soutien à la croissance dans un contexte aussi contraint pose la question d'une éventuelle évolution du cadre institutionnel européen.
La construction européenne est le fruit d'une longue histoire : elle s'est effectuée au gré des crises successives. Nous disposons aujourd'hui d'un traité européen et de plusieurs accords franco-allemands, qui ont ensuite été approuvés par les 27. Mais je tiens à dire que le traité de Maastricht a été initié à l'envers : il aurait fallu commencer par construire une Europe politique avant de vouloir construire une Europe économique. Ce sont des défauts consubstantiels à la construction européenne. Mais nous prenons acte de cette Europe.
Tout le monde s'accorde pour reconnaître que l'Europe a besoin de représenter une « masse critique » dans le monde. De ce point de vue, le travail franco-allemand doit être salué, mais il est faux de dire qu'il s'est effectué au détriment de la France. L'imposition du principe de rigueur budgétaire est acquis et c'est une bonne chose : la mise en place d'un Fonds européen de stabilité et le fait que la Banque centrale européenne ait consenti à lâcher du lest constituent des avancées.
On remarquera d'ailleurs qu'en Allemagne, le SPD et la CDU sont d'accord sur ce point. C'est le parti socialiste français qui est finalement en porte-à-faux sur ce sujet.
Vous dites que la convergence doit être une finalité : je pense au contraire qu'elle doit être un moyen au service d'une finalité, qui est de disposer d'un ensemble cohérent. Cela seul permettra d'assurer la croissance en Europe. Je remarque également que l'Espagne, alors gouvernée par les socialistes, a elle aussi su mettre en place les mesures indispensables dans cette période de crise.
Je souhaiterais formuler deux remarques, l'une sur le fond, l'autre sur la forme. D'abord, l'exposé des motifs de la proposition de résolution indique que : « les dirigeants actuels n'ont plus la légitimité pour imposer cet indispensable changement de cap. ». De quelle légitimité parlez-vous, si ce n'est de celle des urnes ? Il me semble que cette phrase, inacceptable, ôte toute portée à l'acte que constitue votre proposition de résolution, si comme on doit le comprendre, le Parlement actuel n'est plus légitime !
Deuxièmement, je retiens votre proposition 1 f, qui en appelle à la mise en place d'une taxation des transactions financières de 0,05 %. Je me permets de vous renvoyer à la proposition actuellement contenue dans le projet de loi de finances rectificative, qui va bien plus loin que cela puisqu'il est proposé de mettre en place une taxe sur les transactions financières de 0,1 % ! Or, j'entends l'opposition dire que cela n'est pas suffisant. J'appelle donc l'opposition à voter le « collectif » budgétaire plutôt que cette proposition de résolution.
Il me semble que deux idées fortes se dégagent de cette proposition de résolution : celle de croissance et celle de démocratie. En effet, les États européens se sont tous engagés dans un indispensable processus de rétablissement de leurs finances publiques, mais leur situation les empêche de susciter la croissance. Celle-ci doit donc venir d'une source exogène. Or, l'Union européenne n'est pas endettée, ce sont ses États membres qui le sont ! Dès lors, la solution ne peut venir que de l'Union européenne, mais celle-ci n'a malheureusement, à l'heure actuelle, pas de capacité d'emprunt, et c'est dommage. Il faudrait que les traités envisagés le prévoient. Par ailleurs, je rappelle que la possibilité pour un État de lever l'impôt est à l'origine de la démocratie, puisqu'elle a donné naissance au Parlement moderne. Or, aujourd'hui, il s'agit de fixer un cadre rigoureux, mais sans que les Parlements nationaux ne soient véritablement impliqués : cela est également dommage. Il faudrait impliquer davantage les Parlements nationaux, car de ce point de vue, la mise en place du semestre européen ne suffit pas. Il y a bien une double légitimité : celle du Parlement européen d'une part, et celle des Parlements nationaux d'autre part, et cela restera encore longtemps le cas. Pour avancer, on ne peut donc pas se passer des Parlements nationaux.
La proposition de résolution apporte une réponse sur ces deux volets, et c'est pourquoi je pense qu'il faut l'adopter.
S'agissant de la question de la légitimité soulevée par Mme Dalloz, dans le cadre institutionnel de la 5ème République, le suffrage universel doit être convoqué régulièrement. Or, nous sommes aujourd'hui en fin de mandat !
Je salue la modération des propos de M. Caresche, mais je me permets de dire que nous sommes en total désaccord avec cette proposition de résolution, dont l'exposé des motifs indique par exemple que nous n'aurions pas besoin d'un nouveau traité. En conséquence, le groupe UMP se prononcera contre cette proposition de résolution. Par ailleurs, lorsqu'elle en appelle au renouvellement du contrat politique, remettant en cause la légitimité des dirigeants actuels et donc, du fonctionnement démocratique actuel, je trouve cela proprement inadmissible.
Je tiens pour ma part à apporter mon soutien entier à cette proposition de résolution. S'agissant de la proposition relative à la taxe sur les transactions financières, j'observe qu'elle est totalement différente, s'agissant de son périmètre d'intervention, de celle qui est actuellement présentée par le Gouvernement au Parlement, et qui n'est qu'une quasi restauration de l'impôt de bourse, dont le rendement est d'ailleurs quatre fois inférieur à celui du dispositif britannique.
J'ai la même lecture que vous de la construction européenne, M. Dell'Agnola. La manière très particulière dont la crise a été gérée au niveau européen, avec près d'une vingtaine de sommets, marquera certainement le fonctionnement des institutions européennes. Mais il conviendrait de retrouver un cap plus classique.
Concernant le traité de Maastricht, François Mitterrand a en effet proposé au chancelier Kohl la mise en place de l'euro à la faveur de la réunification allemande. L'Allemagne, au départ peu allante sur le sujet, a alors exigé l'indépendance de la Banque centrale européenne et la mise en place de la clause de « no bail out », selon laquelle l'Union ne peut opérer un sauvetage d'un État membre. Or, avec la crise, nous nous retrouvons justement à devoir gérer ces deux problèmes : d'une part, celui de la BCE qui ne peut être prêteur en dernier ressort, d'autre part, celui de l'aide que l'on ne peut apporter à un État membre en difficulté. Il est indispensable de surmonter ces deux écueils : l'attachement à l'euro ne se dément pas, et on ne peut donc pas revenir en arrière !
S'agissant de la convergence comme moyen ou comme fin, il me semble qu'elle doit véritablement être une finalité. Il faut en effet pouvoir tenir compte de l'hétérogénéité de la zone euro, de la même manière qu'aux États-unis, il est tenu compte de la moindre compétitivité de certains États fédérés par la mobilité géographique d'une part, et par le budget fédéral d'autre part.
Il me semble donc essentiel que la coordination européenne tienne compte de l'hétérogénéité de la zone.
Pour répondre à Mme Dalloz, la taxe sur les transactions financières proposée par le Gouvernement me paraît insuffisante, pour la simple et bonne raison qu'il me semble essentiel qu'elle soit mise en place dans un cadre européen.
Je rappelle également à M. Diefenbacher que M. Van Rompuy a proposé des solutions qui évitaient la refonte des traités européens. Ses préconisations supposaient la mobilisation de certains protocoles du traité de l'Union et cela aurait permis d'éviter la lourdeur de la refonte des traités. Mais il n'a pas été entendu, notamment parce que l'Allemagne, plus que la France, a voulu passer par le traité.
Quant à la phrase évoquée par plusieurs collègues relative à la représentativité des dirigeants actuels, et en accord avec Mme Guigou, je vous propose de la supprimer de la proposition de résolution qui vous est présentée, car elle a pu être mal interprétée.
La Commission en vient à l'examen de l'article unique.
La Commission rejette l'article unique de la proposition de résolution européenne.
Informations relatives à la Commission
La Commission a procédé à la nomination de M. Christophe Caresche, rapporteur pour la proposition de résolution européenne pour la relance européenne et le renforcement du contrôle démocratique (n° 4328).
Par ailleurs, la Commission a reçu en application de l'article 14 de la LOLF :
– un projet de décret portant annulation de crédits d'un montant de 8 574 835 euros en autorisations d'engagement et 57 750 061 euros en crédits de paiement. Ce mouvement à caractère technique vise à régulariser, en fin de gestion 2011, les rattachements de crédits de fonds de concours afin d'assurer leur parfaite cohérence avec les recouvrements effectivement constatés.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 14 février 2012 à 11 h 30
Présents. - M. Jean-Marie Binetruy, M. Michel Bouvard, M. Bernard Carayon, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Jean-Yves Cousin, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Richard Dell'Agnola, M. Michel Diefenbacher, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Marc Goua, M. François Goulard, Mme Pascale Gruny, Mme Marietta Karamanli, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mathis, M. Henri Nayrou, M. Jacques Pélissard, M. François Scellier, Mme Isabelle Vasseur, M. Gaël Yanno