COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA MANIÈRE DONT A ÉTÉ PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE LA CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA GRIPPE A(H1N1)
Mercredi 2 juin 2010
(Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la commission d'enquête)
La Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) entend M. Atanase Périfan, président de l'association Voisins solidaires.
La séance est ouverte à vingt heures neuf.
Nous accueillons maintenant monsieur Atanase Périfan, président de l'association Voisins solidaires.
M. Atanase Périfan prête serment.
Permettez-moi de me présenter : je suis maire-adjoint du 17ème arrondissement de Paris, je préside la Fédération européenne des solidarités de proximité et j'ai créé la Fête des voisins qui existe dans trente-trois pays et concerne dix millions de participants, dont six millions en France avec mille trois cents mairies partenaires. C'est dans le cadre de la Fête des voisins que nous avons créé, il y a un an, le projet Voisins solidaires. Notre but est de développer des services de proximité en complément de la solidarité institutionnelle et de la solidarité familiale.
La grippe A(H1N1) a constitué pour nous une formidable opportunité pour démontrer tout l'intérêt qu'il y a à entretenir de bonnes relations de voisinage. Nous avons donc proposé, au mois de juillet dernier, à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, la mise en place d'un « pack pandémie », validé par le service d'information du Gouvernement dans le cadre de la cellule interministérielle de crise et agréé par le Gouvernement. Deux cent soixante-quatorze mairies et bailleurs sociaux se sont inscrits pour bénéficier de ce pack, qui a par ailleurs été exporté dans cinq pays de l'Union européenne et au Canada.
Le « pack pandémie » consiste en une affiche à apposer dans les halls d'immeuble, un tract incitant à s'organiser entre voisins, pour mettre en oeuvre un plan de continuité de la vie sociale et quotidienne à l'instar des plans de continuité de services ou d'activité, un panneau des voisins pour recenser les besoins nouveaux liés à la grippe A(H1N1) et voir comment s'entraider, un miniguide et un annuaire des voisins, qui aurait pu s'intituler « Gardons le contact en évitant les contacts ».
J'en termine en rappelant les autres actions proposées par notre association, L'été des voisins et Le Noël des voisins. Toutes ces actions suivent la même philosophie : nous sommes « formatés » pour être consommateurs et spectateurs ; il ne font donc pas s'étonner que les administrés soient relativement passifs. Nous visons à réinscrire les citoyens dans une logique positive d'action. Nous vivons dans une société assez individualiste, de repli sur soi alors qu'existent des gisements de générosité. La grippe A(H1N1) a été moins grave que prévu, mais a constitué un excellent moyen de tester les dispositifs que nous avons mis en oeuvre. Nous avons pu constater que les citoyens étaient prêts à agir et que les mairies étaient intéressées, ce qui nous a incités à aller plus loin en créant un réseau de veille et de mobilisation solidaire. Il s'agit de mettre un plan de mobilisation de la société civile en cas de crise, qu'elle soit sanitaire, naturelle ou autre, en s'appuyant sur les acteurs institutionnels, les mairies, les bailleurs, les entreprises pour financer les projets car nous ne recourons pas aux subventions, et les médias.
Je suis convaincu que les gens sont prêts à se mettre en mouvement et heureux de se rendre utiles, ce qui a été un peu oublié dans la gestion de la crise de la grippe A(H1N1). Les médias s'inscrivent d'ailleurs dans une logique positive : on a compté ainsi près de deux cent cinquante reportages télévisés et diffusés à la radio sur la Fête des voisins.
L'association Voisins solidaires recourt à un certain nombre de partenaires, comme Carrefour ou la Caisse des dépôts et consignations. Je consacre beaucoup de temps à solliciter des chefs d'entreprise, pour le financement bien sûr mais aussi pour relayer nos actions. Ainsi, cet hiver, près de cinq mille personnes sont décédées en raison du froid, car elles ne sortaient pas de chez elles et arrivaient en état de dénutrition dans les services d'urgence. Nous avons souhaité une mobilisation des entreprises : Carrefour nous a ouvert ses magasins pour que nous y apposions nos affiches. La fondation Novartis, avec qui nous sommes partenaires depuis plus de deux ans, a été exclue de l'opération « pack pandémie », pour des raisons qui sont faciles à imaginer.
Cette opération n'avait de toute façon pas de lien avec la vaccination. Je m'adresse maintenant au maire-adjoint que vous êtes : avez-vous prévu une opération similaire pour d'éventuelles crues de la Seine qui pourraient avoir des impacts importants sur les activités dans la capitale ?
Non, mais c'est une excellente suggestion dont je prends note.
Je tiens à saluer l'action de votre association, qui présente des similarités avec des dispositifs à l'étranger, comme à Hong Kong où existent des réseaux solidaires qui ont été très efficaces lorsque le trafic aérien a été interrompu, pour héberger des personnes en attente.
Êtes-vous intervenus lors de l'épisode de canicule de l'année 2003, au cours duquel il avait été regretté que n'existent pas de tels réseaux de solidarité ? S'agissant de la pandémie de grippe, en avez-vous ressenti l'impact et avez-vous mené une évaluation ?
Concernant la canicule, la Fête des voisins a été créé en 2000, suite à la découverte tardive du décès d'une dame âgée dans son appartement qui m'a laissé penser que bien des détresses se cachaient derrière l'épaisseur des murs de nos immeubles. Le problème aujourd'hui est celui de la relation à l'autre, difficile et qu'il nous faut encourager. En 2003, le réseau n'existait pas puisque Voisins solidaires a été créé en 2009. Mais désormais, dans le cadre du plan « L'été des voisins », nous menons une action complémentaire de celle menée par les communes avec les plans « canicule », et d'une manière générale, nous préparons la mobilisation en cas de survenue d'une crise. Nous menons une pédagogie de la solidarité, qui nécessite de débuter par des démarches très simples, comme le simple fait de se dire bonjour entre voisins ou de se rendre de petits services.
Pour ce qui concerne l'évaluation, nous avons constaté 14 000 téléchargements depuis notre site internet ; nous avons travaillé avec deux cent soixante-quatorze mairies et bailleurs sociaux en France et une centaine de villes étrangères. Cette crise a constitué un test qui nous a permis de constater que les réactions étaient positives et que les personnes impliquées, ces « héros du civisme ordinaire », étaient en quête de sens et de reconnaissance. Je le répète : il existe des gisements de générosité qu'il est de l'intérêt de la société d'exploiter. C'est pour cela que j'ai souhaité être auditionné par votre commission d'enquête ; je consacre un temps important à frapper ainsi aux portes des institutions.
Avez-vous mis en place une cellule de veille sur internet pour répondre aux inquiétudes qui ont pu être manifestées ?
Nous avons testé, sur notre site internet, un outil d'information des particuliers, renvoyant à des sites officiels des autorités sanitaires pour ce qui concerne les questions purement médicales. Nous avons reçu environ trois mille demandes ou questions, telle celle-ci : « Est-ce que je risque d'attraper la grippe si j'apporte à manger à la vieille dame qui refuse de sortir de chez elle ? ». On a constaté à cette occasion que près de 80 % des questions portaient sur les freins supposés aux actions : avaient-on le droit d'aller voir des personnes malades ? Pouvaient-on, étant malade, faire état de ses besoins sans être stigmatisé ? Il est difficile de commencer une relation de voisinage en affichant ses besoins ; en revanche, une offre de service permet de nouer des liens qui permettent, plus tard, de détecter les personnes en difficulté qui ont besoin d'aide.
Je souhaiterais que l'on en revienne au champ d'investigation de notre commission d'enquête, à savoir la campagne de vaccination dont nous nous sommes un peu éloignés. Avez-vous été sollicités pour accompagner des personnes dans les centres de vaccination ?
Oui, cela a représenté environ la moitié des services mis en place dans le cadre de cette opération, l'autre moitié ayant été consacrée à la garde d'enfants dont les écoles avaient été fermées.