La Commission procède à l'examen du rapport de la mission d'information sur la mise en oeuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense (MM. Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille, rapporteurs).
La séance est ouverte à dix heures.
C'est avec beaucoup d'émotion que nous avons appris la mort du sergent-chef Svilen Simeonov du 2e régiment étranger de génie de Saint-Christol, de l'adjudant-chef Fabien Willm, de l'adjudant-chef Denis Estin et du brigadier-chef Geoffrey Baumela du 93e régiment d'artillerie de montagne de Varces, à la suite de la lâche attaque perpétrée contre un groupe de soldats français par un insurgé infiltré dans les rangs de l'armée nationale afghane, portant à 82 le nombre de soldats français morts en Afghanistan depuis le début du déploiement de la force internationale.
Au nom de l'ensemble des députés de la commission de la défense nationale et des forces armées, je tiens à adresser à leurs familles, à leurs proches, ainsi qu'à tous leurs camarades, l'expression de notre sympathie et nos sincères condoléances.
Nos pensées accompagnent également dans leur chemin vers la guérison les quinze autres militaires blessés à leurs côtés.
Nous sommes très soucieux des conditions de sécurité dans lesquelles évoluent nos soldats sur les différents théâtres d'opérations. Nous serons par conséquent particulièrement attentifs aux propositions que formuleront M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants et l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées, pour lutter contre l'infiltration des éléments talibans dans l'armée nationale afghane.
Nous sommes réunis ce matin pour entendre nos collègues Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille nous présenter leur dernier rapport sur la réforme du ministère de la défense. Cet opus vient achever un travail de longue haleine commencé en 2008 et qui a déjà donné lieu à la publication de deux rapports.
Dès le début de votre mission, vous avez cherché à appuyer votre démonstration sur des données objectives. À ce titre, vous avez régulièrement regretté la faiblesse des instruments de suivi et l'insuffisance des éléments transmis au Parlement. Ce problème est-il désormais réglé ? Le ministère est-il en mesure de piloter efficacement cette réforme sans précédent ?
Sur le fond, les objectifs fixés ont-ils été atteints ou est-ce que la dégradation du contexte économique général pèse sur les résultats de la réforme ? Au-delà des aspects financiers, je vous sais attentifs à l'enjeu humain de ces restructurations. Quel bilan tirez-vous des déflations d'effectifs et des mesures d'accompagnement ?
La création des bases de défense a été présentée comme une articulation centrale de la réforme. Où en est-on ? Le dispositif est-il définitivement stabilisé et donne-t-il satisfaction ?
Enfin je sais que vous avez beaucoup travaillé sur le regroupement des administrations centrales à Balard. Il s'agit d'un dossier particulièrement complexe qui revêt des enjeux budgétaires et organisationnels de premier plan. Nous avons déjà eu l'occasion d'interroger le ministre sur ce sujet lors de l'examen du budget, mais je souhaiterais que vous puissiez revenir sur les détails de ce projet.
En préambule je tiens à remercier le président Teissier qui nous a confié cette mission de contrôle depuis 2008. Le travail parlementaire souffre parfois d'une insuffisante inscription dans la durée et vient généralement a posteriori. Nous avons rompu avec cette logique en suivant la réforme alors qu'elle se mettait en place. C'est un nouveau procédé auquel le ministère a eu un peu de mal à s'habituer mais qui a porté ses fruits et a fini par faire bouger les lignes. Je crois désormais que l'exigence de transparence vis-à-vis du Parlement est bien comprise et admise.
Notre travail a été fructueux car nous avons dépassé nos divergences politiques. Nous nous sommes efforcés de partir d'éléments objectifs, charge à chacun d'en tirer ensuite ses propres conclusions. C'est important car le débat repose de la sorte sur une base solide et neutre.
Notre rapport s'articule autour de quatre parties principales : l'évolution du cadre général, l'enjeu décisif des ressources humaines, la réforme du soutien associée aux externalisations et le projet Balard.
Les relations avec le ministère ont été difficiles au début de notre mission et nous peinions à accéder à toutes les informations. Si tout n'est pas encore parfait, notamment pour Balard, je considère que la situation s'est normalisée et que le ministère est désormais réactif et attentif à nos demandes. Aujourd'hui ce problème me semble lié au fait que le ministère ne disposait pas initialement des outils de pilotage. En d'autres termes, il ne leur était pas possible de répondre à nos interrogations parce qu'il fallait construire les systèmes permettant d'élaborer ces données. Le ministère ne dispose pas encore d'une véritable comptabilité analytique mais il a fait des progrès considérables. C'est un acquis majeur : le ministre de la défense dispose désormais d'outils de pilotage performants. Cette évolution a également contribué à apaiser les relations avec le ministère du budget, les services partageant les mêmes données techniques. Je crois que notre mission a contribué à la constitution rapide de ces outils.
Financièrement, le cadre global de la réforme est respecté avec un niveau actualisé d'économies nettes de 5,4 milliards d'euros pour la période allant de 2008 à 2015. Les dépenses induites ont été revues à la hausse, l'accompagnement social atteignant 1,1 milliard d'euros et les dépenses d'infrastructures 1,5 milliard d'euros.
Les effectifs baissent conformément aux prévisions même si les chefs d'états-majors soulignent les risques qui pèsent sur certaines catégories de personnels. Au-delà de ces difficultés spécifiques, je crois que la situation est satisfaisante dans l'ensemble. À la fin de l'année 2011, le ministère avait même une avance de l'ordre de 1 500 postes.
La mise en oeuvre des bases de défense a fait l'objet de beaucoup de discussions, notamment à la suite du rapport de la Cour des comptes. Les conclusions de la Cour étaient justifiées mais elles portaient sur un dispositif non stabilisé. Depuis des progrès importants ont été faits.
Au final, je considère que le cadre général de la réforme est respecté malgré l'importance des modifications et malgré la dégradation du contexte économique. Les retards des recettes exceptionnelles et la hausse du surcoût pour les opérations extérieures n'ont pas déséquilibré le modèle. L'objectif de 18 milliards d'euros pour les crédits d'équipement n'est certes pas atteint mais ces crédits sont à un niveau supérieur à celui des programmations antérieures. Le ministère de la défense me semble donc en ordre de marche.
J'en viens au projet Balard. Il est difficile de porter une appréciation d'ensemble sur l'opération car nous n'avons pas eu communication du contrat. L'évaluation préalable semble par ailleurs un peu insuffisante.
Il s'agit d'un dossier très complexe et c'est sans doute la première fois que ce cadre juridique est mis en oeuvre à cette échelle. Dès lors, il est difficile de détenir la vérité juridique en l'absence de toute jurisprudence. Le projet est indéniablement nécessaire, tous les services s'accordant à le reconnaître. Il est difficile de savoir s'il coûte trop cher : nous avons demandé des informations précises à ce sujet, contribuant ainsi à fiabiliser les données. Le ministère indique que le coût annuel moyen est actuellement de 13 000 euros par agent. Il devrait passer à 11 000 euros par an et par agent à Balard. Je sais que Bernard Cazeneuve conteste ces calculs mais, à mon sens, ils montrent qu'il n'y a pas de dérive des coûts à ce stade.
J'ai la conviction que les enjeux se cristallisent autour du suivi et des modalités de mise en oeuvre du contrat. Le ministère a besoin d'une équipe robuste, capable de faire face à l'opérateur techniquement et juridiquement. Cette exigence de suivi et de maîtrise doit s'inscrire dans la durée, au-delà de la phase de construction. Je n'ai pas d'opinion générale sur les contrats de partenariat : c'est bien leur mise en oeuvre qui conditionne tout.
Je veux à mon tour me féliciter du climat de confiance qui a régné durant cette mission entre François Cornut-Gentille et moi. Sur un sujet aussi complexe, il était en effet indispensable de s'accorder sur la méthode pour mener un travail scrupuleux et honnête en s'appuyant sur tous les éléments nécessaires.
Les relations avec le ministère se sont effectivement améliorées. Il nous a fallu expliquer notre mission car pour la première fois le Parlement n'intervenait pas a posteriori. Je crois que les services sont aujourd'hui mobilisés et ont tout fait pour que notre information soit complète. Il y a encore des choses à améliorer, mais le processus est en bonne voie.
Nous nous sommes toujours refusé à apprécier la réforme à l'aune de nos convictions et de notre positionnement politique. Nous l'avons analysée par rapport aux objectifs qui lui ont été fixés, c'est-à-dire de façon endogène. Le Président de la République avait indiqué que les économies générées par la mise en oeuvre des recommandations du Livre blanc et de la révision générale des politiques publiques (RGPP) reposaient en grande partie sur la suppression de 54 000 postes. Le ministre Hervé Morin était d'ailleurs venu se féliciter de ce point, soulignant ainsi que la défense serait le meilleur élève de la RGPP. Les gains générés devaient être totalement réinvestis, notamment au profit des matériels de façon à disposer d'une armée plus svelte, plus projetable et mieux équipée.
Les économies sont-elles au rendez-vous ? Le solde prévisionnel net est estimé à 5,4 milliards d'euros pour la période allant de 2008 à 2015. Les dépenses induites pour l'accompagnement des personnels, soit 1,1 milliard d'euros, et pour les infrastructures, 1,5 milliard d'euros, ont été significativement revues à la hausse. Pour les infrastructures, on a parfois constaté des écarts de 124 %. Dans le même temps, les dépenses structurelles du ministère ont augmenté : je pense notamment au financement de la réforme des retraites, au glissement-vieillesse-technicité (GVT), à la revalorisation du point d'indice, à la hausse du surcoût OPEX ou à l'augmentation de certaines dépenses en raison de la dégradation de la situation économique et sociale. Toutes ces mesures ont cannibalisé les ressources disponibles.
Au final, il n'a pas été possible de réinvestir ces gains et nous sommes donc loin des efforts prévus pour les équipements. En d'autres termes, les sacrifices faits ont dégagé des économies mais pas avec le résultat attendu, d'autant que la hausse des crédits budgétaires prévue à partir de 2012 n'a pas eu lieu. Je ne peux que constater la reconstitution d'une bosse de paiements avec un décalage croissant entre les engagements et les paiements.
Pour ce qui concerne le dialogue social et la civilianisation, je considère que nous sommes en deçà des objectifs. Les syndicats n'ont d'ailleurs pas manqué de souligner qu'il y a beaucoup à faire en la matière.
J'en viens aux externalisations. Comme je l'avais indiqué dans le cadre du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), elles peuvent prendre la forme de la vente d'actifs afin de dégager des marges immédiates en trésorerie. Ainsi la vente de l'usufruit des satellites de communication vise à donner des facilités financières de court terme au ministère. Pourtant, cette solution est risquée car la durée de vie des satellites est inférieure à la durée de vie du contrat.
On désigne plus fréquemment par externalisation le fait de confier à un prestataire privé une mission que l'État pourrait assurer en interne. C'est par exemple le cas pour la restauration, l'habillement ou le logement. Je pense, pour ma part, que la régie rationalisée doit être systématisée et devenir un préalable à toute décision. L'externalisation coûte souvent plus cher au final et il serait prudent d'envisager au préalable toutes les autres options.
J'en viens aux partenariats public-privé et au contrat de partenariat pour Balard. Je déplore que nous n'ayons pas eu accès au contrat, d'autant que plus de 4 milliards d'euros sont en jeu. Je vous rappelle l'économie générale du projet : en échange d'une redevance de 154 millions d'euros par an, l'opérateur s'engage à construire le bâtiment central et à entretenir l'ensemble du site, l'investissement initial de 700 millions d'euros étant à sa charge. Le projet se double d'une opération sur la corne Ouest selon laquelle l'État cède l'usage du terrain à l'opérateur pendant 60 ans en échange d'une redevance de 220 millions d'euros qui viendra en déduction du montant des loyers. Malgré mes demandes, je n'ai pas réussi à obtenir d'évaluation des bénéfices que le prestataire privé allait tirer de la valorisation de cette emprise mais la somme perçue par l'État me semble assez faible.
Je suis en désaccord avec les chiffres fournis par le ministère sur le coût individuel du soutien à Balard. Je considère en effet que nous allons passer de 13 000 euros par an et par agent aujourd'hui à 16 500 euros à Balard. Le ministère refuse d'intégrer dans l'équation les frais financiers mais ils sont pourtant indissociables du projet. Analytiquement, je ne suis donc pas en mesure d'isoler l'origine des économies annoncées.
Je suis également convaincu de l'importance du pilotage et je ne suis pas certain que le ministère soit suffisamment armé sur ce point. Je crains que les relations ne soient inversées : c'est le contrat qui contrôlera l'équipe de suivi et non l'inverse. Il faut changer cela car nous ne devons pas nous trouver demain dans la même situation que les Britanniques : la Chambre des communes a constaté dix ans après le lancement des PPP qu'il s'agit d'un gouffre financier et qu'ils ne garantissent pas forcément un bon niveau de prestation.
Il convient de relativiser la portée des données statistiques : tout dépend en fait du périmètre que l'on prend en compte. En tout état de cause, le recours aux partenariats public–privé s'avère très utile à l'État comme aux collectivités territoriales car il rend possibles certaines réalisations qui n'auraient pu être menées en interne.
On peut se demander s'il y a vraiment une alternative aux partenariats public–privé compte tenu de l'absence de ressources. En d'autres termes, lorsque l'on n'a pas les moyens d'être propriétaire, on est contraint d'être locataire. S'agissant du calendrier des travaux à Balard, la livraison du bâtiment est prévue en 2014. Cette date vous semble-t-elle crédible et sera-t-elle respectée ?
Pour quelles raisons n'avez-vous pu avoir accès au contrat de partenariat public-privé ? Enfin qu'adviendra-t-il de l'hôtel de Brienne ?
Dans le projet Balard, l'État a choisi comme partenaire privé un consortium dont le projet ne respectait pas le plan local d'urbanisme de la Ville de Paris. Et par un procédé assez singulier, au lieu de mettre ce projet en conformité avec le droit de l'urbanisme, on a choisi de mettre le droit de l'urbanisme en conformité avec ce projet. Ainsi, c'est le préfet qui modifiera le plan local d'urbanisme. Une enquête publique a déjà été réalisée pour servir de base à sa décision qui devrait intervenir dans le courant du mois de février.
Cette procédure fait peser un risque de retard sur la mise en oeuvre du projet, un tel retard risquant d'être très pénalisant pour l'État. En cas de décalage, le montant des pénalités pourrait atteindre 640 000 euros par jour, cette somme constituant un plafond qu'il faudra apprécier en fonction des circonstances.
Un des consortiums qui n'a pas été retenu par l'État aurait pu tirer de la non-conformité du projet retenu aux règles d'urbanisme un moyen pour contester l'attribution du marché. Je précise qu'aujourd'hui le contrat est purgé de tout recours.
Pour ce qui est de l'hôtel de Brienne, le ministère de la défense n'envisage pas de le céder.
Dans le dossier Balard, on pourrait certes faire du juridisme sans fin, mais cela n'aurait guère de sens. En effet, tout reste ouvert à la discussion, y compris les pénalités de retard, et la jurisprudence en la matière n'est pas encore établie.
Ce projet répond à un véritable besoin de nos forces armées, et c'est là le véritable enjeu de ce dossier.
Avez-vous dressé un bilan de la profonde restructuration qu'a connu le service de santé des armées ?
Nous n'avons pas consacré de développement spécifique à cette question que nous avions traitée plus en détail dans le rapport présenté en 2010.
Vous êtes-vous penchés sur les restructurations actuelles des forces armées britanniques et allemandes ? En Allemagne, l'objectif est de réaliser huit milliards d'euros d'économies, en ramenant notamment les effectifs de la Bundeswehr de 250 000 à 180 000 hommes.
Nous n'avons pas procédé à des études comparées, et ce pour deux raisons. D'une part, parce que la restructuration des armées est plus avancée en France, ce qui rendrait la comparaison assez difficile. D'autre part, parce que l'accès aux informations pertinentes auprès de notre propre ministère de la défense était déjà compliqué ; qu'en aurait-il été de ministères étrangers !
La Cour des comptes s'est montrée très critique sur l'organisation des bases de défense dans son dernier rapport. De nouvelles opérations de regroupement d'unités au sein de bases de défense sont-elles envisagées ? Le dispositif est-il définitivement stabilisé ?
Depuis le travail de la Cour, beaucoup de progrès ont été accomplis et je crois que le ministère répond désormais à la plupart des critiques. Le regroupement d'unités de différentes armées au sein d'une même base de défense est toujours une opération complexe car elle suppose de conjuguer les cultures propres à chaque armée. Il faut également veiller à faire porter l'effort essentiellement sur les services de soutien.
Il serait prématuré de lancer une seconde vague de regroupements, avant d'avoir dressé un bilan précis de la première. Il faut par exemple réfléchir à la taille des bases de défense : certaines rassemblent des unités éloignées de cent ou cent cinquante kilomètres, ce qui n'est pas forcément pertinent. Il faudra aussi comparer les avantages et les inconvénients des différents modèles d'organisation que l'on voit se dégager. En d'autres termes, il n'existe pas de modèle type, le schéma s'adaptant au contexte local.
La carte militaire a déjà été profondément réformée : nous sommes passés de quatre-vingt-dix à cinquante et une bases de défense, ce qui constitue une évolution importante. Le ministre a toutefois indiqué que le dispositif actuel était stabilisé.
La constitution de bases de défense avait été présentée comme la pierre angulaire de la réforme et comme une source majeure d'économies. Or, nous ne disposons aujourd'hui d'aucun bilan précis des économies réalisées au sein de chaque base de défense et de l'ensemble d'entre elles, au motif, selon le ministère, qu'elles ne peuvent être évaluées qu'a posteriori. Il faut en tout état de cause procéder rapidement à cette évaluation.
Dans le dossier Balard, les conditions d'attribution du marché de partenariat public–privé au consortium mené par Bouygues ne sont pas claires ; notre collègue Bernard Cazeneuve nous a d'ailleurs fait part de ses interrogations à ce sujet. Je note en outre que les montants en jeu sont très importants. Ce dossier doit faire l'objet d'un suivi parlementaire rigoureux, faute de quoi, il risque de déboucher sur un véritable scandale.
Le suivi est justement assuré par nos collègues Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille. Il conviendra de prolonger cette mission lors de la prochaine législature.
Il s'agit d'un dossier complexe, qui doit faire l'objet d'un suivi politique et pas seulement d'un pilotage technique. Je ne dispose cependant d'aucun élément me permettant d'imaginer que la procédure n'a pas été scrupuleusement respectée.
Je me suis rendu récemment dans une base de défense du Cher qui réunit des unités de nature très différente : un dépôt d'armes nucléaires, des écoles de formation, un établissement technique… Les militaires que j'y ai rencontrés ne m'ont pas caché les difficultés qu'il peut y avoir à réunir ces unités dans une seule et même base. Cependant, ils reconnaissent eux-mêmes qu'avec de la bonne volonté, ces difficultés ne sont pas insurmontables et ils constatent que l'opération a permis de dégager des synergies et une sorte de « mieux-vivre ensemble ». Pour autant, ils n'ont pas été en mesure d'évaluer financièrement les économies générées par les regroupements. Les temps aidant, les choses s'organisent et les bases de défense contribuent à l'interarmisation de nos forces.
François Cornut-Gentille a indiqué craindre que la déflation des effectifs n'ait pour conséquence certaines pertes de compétences ; desquelles s'agit-il ?
S'agissant du projet Balard, il ne me semble pas y avoir de contradiction entre un suivi technique du projet et un suivi politique : le second viendrait en appui et en aide aux travaux menés par le ministère de la défense.
Enfin, pour ce qui est des expériences étrangères, une étude existe au sein du ministère sur les conditions dans lesquelles les Britanniques ont regroupé certains matériels et externalisé certains services.
Les points sensibles en matière de recrutement concernent notamment les équipages des sous-marins, notamment pour les atomiciens, et les mécaniciens chefs d'équipe dans l'aéronautique.
Je voudrais revenir sur le contrat Balard. Je trouve inadmissible qu'on ne connaisse pas les conditions de dévolution du marché et qu'on ne soit pas en possession du contrat. Comment peut-on assurer le suivi d'un contrat qu'on ne connaît pas ?
Effectivement, nous ne pouvons pas effectuer ce suivi qui revient au ministère de la défense qui détient le contrat. Et je pense que les équipes de suivi ne sont pas suffisamment structurées pour l'effectuer. En tout état de cause, je reste convaincu que le contrat n'est pas satisfaisant.
Je voudrais que le président de la commission demande au ministre la communication de ce document central.
Je suis moins pessimiste que Bernard Cazeneuve : le ministre a conscience qu'il va lui falloir se doter d'une équipe dédiée de haut niveau. Ce sera ensuite à nous de convoquer ces personnels et de nous assurer qu'ils disposent des moyens suffisants.
Je m'inquiète de la volonté du ministre de limiter l'autonomie de la mission PPP pour la rattacher à la direction des affaires financières du ministère. Cela lui ôterait une grande part de sa souplesse de gestion.
En deux ans, le périmètre des bases de défense a considérablement changé, puisqu'on est passé de 90 à 51 bases. Les dépenses pour les infrastructures ont elles sensiblement augmenté. J'ai le sentiment qu'il ne sera pas possible d'aller plus loin, sauf à entamer les capacités opérationnelles.
Sur le contrat de Balard, je ne reviens pas sur les conditions de sa passation. Beaucoup de collectivités s'interrogent aujourd'hui sur les PPP. Je pense qu'il ne faut pas un suivi global mais qu'il est nécessaire de renforcer l'expertise technique, juridique et architecturale. Cette affaire ne doit pas rester aux seules mains du ministère de la défense. Ces experts coûtent très chers mais je suis sûre que l'État dispose de capacités en la matière.
Il est clair que le ministère de la défense ne pilote pas seul un projet d'une telle importance. Les services de l'État et notamment ceux du ministère des finances sont naturellement mis à contribution et le ministère de la défense n'hésite pas à faire à des cabinets spécialisés. Il n'y a donc pas à s'inquiéter plus que de raison.
Je ne suis pas un grand partisan des PPP mais, dans ce cas précis, je pense qu'il ne faut pas tirer une conclusion trop hâtive. Ce qui est important, c'est de donner au ministère les moyens d'assurer son suivi.
Vous évoquez l'impact de la création de bases de défense et les dépenses induites par cette mesure. Les infrastructures ont été clairement sous-évaluées et le ministère a été obligé d'augmenter le budget.
Je constate qu'il y a une asymétrie de compétences et de connaissances entre l'opérateur et le ministère. L'opérateur va certainement faire une marge très importante, mais sur quel poste ? S'agira-t-il des loyers, des services rendus ou tirera-t-il ses bénéfices de la parcelle mise à disposition ?
J'aimerais savoir si vous avez réussi à trouver un accord avec le ministère de la défense, sur les chiffres à prendre en compte pour évaluer le coût du soutien à Balard. Comment d'ailleurs s'organisera cette fonction sur le nouveau site ?
Concernant les externalisations, je constate qu'on est passé à une position plus mesurée qu'il y a trois ans ; le ministère semble être revenu sur son enthousiasme excessif.
Nous n'avons pas les données complètes du périmètre du soutien à Balard. Nous avons quelques éléments mais pas de chiffre précis. C'est une raison qui explique ma méfiance grandissante à l'égard du PPP.
Les économies générées par le regroupement sont liées à la réduction des effectifs induite par le projet. On a parfois évoqué le chiffre de 3 000 postes externalisables, mais je ne suis pas en mesure de reconstituer cet agrégat. Dès lors je ne peux évaluer les économies espérées.
J'ajoute que l'équation du ministère est particulière puisqu'elle intègre comme recette des loyers budgétaires alors qu'il ne s'agit que d'une ressource comptable.
Au final, sur un sujet aussi complexe et important, je considère qu'il reste trop d'interrogations pour pouvoir l'appréhender avec sérénité.
Je voudrais revenir sur les chiffres évoqués par Bernard Cazeneuve : la réforme doit conduire à la suppression de 54 000 emplois et générer environ 5 milliards d'économies. Quels sont les différents facteurs qui ont conduit à revoir le montant total des gains escomptés ?
Pour calculer les économies nettes, il faut déduire le coût des mesures d'accompagnement social et le coût des infrastructures des gains réalisés sur la masse salariale. La minoration constatée tient à la sous-évaluation initiale des coûts induits. Dans le même temps les dépenses de rémunération « hors socle » ont augmenté et les recettes exceptionnelles ont été moindres que prévu. Ces éléments expliquent la faiblesse de l'impact de la réforme sur le budget général du ministère.
Malgré un contexte difficile, je voudrais faire observer que l'équation globale a été respectée. La déflation des effectifs a donné lieu à une inflexion sans précédent de la masse salariale : pour la première fois les dépenses de socle commencent à baisser.
Les effets de la réforme ne se sont cependant pas fait totalement sentir. Les vrais acquis sont la mise en place d'outils de suivi de la masse salariale ainsi que, de manière générale, l'évolution de la culture des militaires qui partagent désormais des méthodes de travail communes fondées sur la réactivité et l'évaluation.
Je m'interroge encore sur l'opportunité d'avoir séparé dans deux bases de défense les deux régiments siamois que sont le 8e RPIMa de Castres et le 3e RPIMa de Carcassonne, au prétexte qu'ils se trouvaient précédemment dans deux régions militaires différentes.
À propos de Balard, existe-t-il des clauses de sorties ? Est-il encore temps de les mettre en oeuvre ? Si oui, quel en serait le coût ? Au regard de la crise économique que nous traversons et vu l'état de nos finances publiques, nous pouvons légitimement nous interroger sur ce point.
Nous ne sommes pas en mesure de vous répondre, les clauses de sorties étant parties intégrantes du contrat que nous ne connaissons pas. Et quand bien même le ministère nous l'aurait transmis, il serait difficile de vous répondre avec précision car le plus souvent, il s'agit de clauses négociables. Le contrat ne précise pas tant des montants que des plafonds et des modalités de négociation.
Balard est un projet très important qui aura des conséquences diverses et notamment financières. Il est donc impératif de suivre de très près cette opération. Pour répondre à cet objectif de contrôle, avoir accès au contrat paraît être un préalable indispensable. Monsieur le Président pouvez-vous vous engager à le demander ?
Je suis prêt à demander au ministre de la défense le contrat. Il faudra voir si aucune règle juridique ne s'oppose à cette transmission.
La Commission autorise, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport de la mission d'information en vue de sa publication.
La séance est levée à onze heures vingt-cinq.