COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mardi 17 janvier 2012
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 45
Monsieur le Président, merci d'avoir accepté notre invitation. Entendre régulièrement d'une entreprise française travaillant en Europe est une tradition dans notre Commission.
Notre Commission a adopté ces derniers mois plusieurs rapports concernant les domaines d'activité de Thales : l'un sur la politique industrielle, élaboré par nos collègues Jérôme Lambert et Jacques Myard, qui formule un certain nombre de propositions, en particulier sur la coopération industrielle en matière de défense – indispensable dans une période où des pays européens se trouvent dans un contexte très contraint –, un autre sur le domaine spatial, présenté par notre collègue Bernard Deflesselles, un troisième sur le secteur des transports, régulièrement suivi par Gérard Voisin, Didier Quentin et Odile Saugues. Par ailleurs, notre Commission est très attentive à la politique européenne de recherche, secteur suivi par Philippe Cochet.
Je vous remercie de m'avoir invité pour échanger avec votre Commission sur nos enjeux européens.
Je les aborderai du point de vue de Thales à travers trois thèmes concernant nos activités, la défense et la sécurité, l'aérospatial et le transport, et enfin le thème transversal de la recherche et de l'innovation.
Le groupe Thales, dont les racines françaises sont fortes, est un groupe européen. Thales compte 68 000 salariés dont 50 % en France et 80 % en Europe. Nous exportons dans 150 pays. Par ordre décroissant de commandes, nous vendons d'abord en France, puis au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Allemagne, aux institutions internationales (telles que l'Union européenne et l'OTAN – qui représente 600 millions d'euros annuels de commandes sur 13 milliards), en Italie, et enfin, hors d'Europe, en Australie et en Chine. L'Inde est venue compléter cette liste en 2011, du fait du contrat d'exportation de mises à niveau du Mirage 2000 dans ce pays.
Notre action dans ces pays s'accompagne en général d'une présence industrielle. Ainsi aux Etats-Unis, nous avons conclu une joint venture avec Raytheon dans la défense aérienne et les radars. C'est l'alliance franco-américaine dans la défense la plus significative.
En Europe, trois axes de présence industrielle transfrontalière très significatifs nous ont permis d'avancer dans la voie de la rationalisation de la dépense en commun. Il s'agit de l'axe franco-britannique, dans le domaine des sonars, avec Thales Underwater Systems, de l'axe entre la France et les Pays-Bas dans le domaine des radars de défense aérienne, avec Thales Air Systems en France et Thales Nederland, sociétés capables d'offrir aux marchés internationaux des radars de défense aérienne sans qu'il y ait la moindre redondance entre les deux pays, et enfin l'axe franco-italien, dans le domaine spatial, puisque Thales Alenia Space, où les compétences sont très bien réparties et complémentaires entre France et Italie, est l'un des grands acteurs du spatial européen.
Ces alliances ont été très efficaces dans notre histoire pour le développement de coopérations bilatérales.
Je ne peux aussi que partager totalement les recommandations du rapport de juin 2011 de MM. Jérôme Lambert et Jacques Myard. Plusieurs morceaux choisis me plaisent particulièrement : bien sûr, l'Europe doit « disposer d'une politique industrielle forte » ; bien sûr, sur un marché de plus en plus global, il faut « favoriser l'émergence de champions européens » ; la protection de « l'intérêt économique européen » devrait être en effet l'un des objectifs du régulateur ; les financements européens « devraient être dirigés en priorité sur les secteurs stratégiques » – la société Thales est très présente sur ce type de secteurs ; enfin, nous sommes tout à fait conscients que, « en ce qui concerne la défense, accorder l'automaticité d'accès » à nos marchés publics à des industriels non européens « sans liberté donnée aux autorités adjudicatrices d'écarter ceux-ci constitue une grave menace pour la pérennité de ce secteur » et, par voie de conséquence, pour notre défense. Je suis de ce fait très content que l'Assemblée nationale et le Sénat aient introduit, à l'occasion de la transcription de la directive européenne dans le droit français, la possibilité de permettre aux autorités adjucatrices de prendre en compte la sécurité d'approvisionnement comme l'un des éléments de leurs décisions.
Nos marchés de défense et de sécurité correspondent à peu près à 60 % de notre activité, l'aérospatial et le transport représentant les 40 % restants. Nous constatons que les grandes puissances, celles qui ont des ambitions à l'échelle mondiale, investissent dans ces industries. C'est vrai pour les Etats-Unis mais aussi pour la Chine ou la Russie, l'Inde, voire désormais le Brésil : en 2011 ce pays a fait évoluer sa législation pour réserver l'accès en tant que contractant de premier rang à ses marchés publics de défense à des sociétés aux capitaux majoritairement brésiliens. Les marchés de défense et de sécurité sont donc traités de manière spécifique par les gouvernements. L'Europe a du reste pris conscience depuis longtemps de cette situation, Airbus et la conquête spatiale le montrent. Thales participe à ces programmes européens, à travers les équipements d'avionique et les satellites.
Pour cette raison, nous comprenons d'autant moins les interrogations sur la pertinence de ces modèles, même si l'environnement budgétaire a changé. Ces modèles ont fait leurs preuves ; il faut les maintenir. Nous entendons parfois au niveau européen que notre industrie aérospatiale et de défense ne serait pas assez compétitive. La directive sur les marchés publics de défense et de sécurité viendrait – en théorie – pallier cette compétitivité insuffisante en accroissant la compétition en Europe notamment par l'ouverture des marchés à des concurrents non européens. La réalité industrielle montre cependant que, avec ses forces et ses faiblesses, notre industrie est encore capable d'exporter fortement. Ainsi, selon les années, Thales exporte entre 50 % et 60 % de sa production. Une telle situation ne serait pas possible si Thales n'était pas raisonnablement compétitive, dans un marché international très ouvert.
Notre industrie sait aussi que la règle du jeu est mondiale et qu'il ne faut jamais s'endormir sur ses lauriers. Nous menons donc des efforts de rationalisation et de compétitivité permanents. Ces améliorations permanentes sont l'un des objectifs du plan d'amélioration des performances Probasis que j'ai lancé fin 2009 et début 2010, qui vise à nous assurer de disposer du muscle nécessaire sur nos marchés, devenus aujourd'hui vraiment difficiles.
S'attaquer à notre industrie pour manque de compétitivité est un peu lui faire un faux procès. Bien des occasions de mieux économiser collectivement au niveau européen sont perdues. Le monde de la défense est marqué par beaucoup de redondances. Pour le même résultat que les Américains, l'Union européenne dépense plus.
Nous attendons à cet égard de l'Agence européenne de défense qu'elle joue un rôle d'encouragement, voire de stigmatisation des situations anormales et des occasions manquées, de façon à ce que les rendez-vous futurs qui permettraient d'agir en commun et non pas séparément soient réussis. Nous, industriels, n'hésitons pas à faire des propositions en ce sens, même si, bien sûr, les gouvernements sont les seuls décideurs en dernier lieu d'un passage vers une meilleure rationalisation ou un maintien en l'état, pour des raisons de souveraineté par exemple.
La réciprocité d'accès vers des pays où nous nous présentons et qui viennent eux-mêmes proposer leurs matériels sur les marchés européens est un vrai sujet. Il ne faut pas être naïf. Actuellement, de grandes puissances industrielles se présentent sur les marchés européens sans nécessairement ouvrir pour autant leur propre marché. Il ne nous est pas toujours agréable, à nous industriels, de constater à quel point nous sommes contraints par la législation de ce type de pays alors même qu'en Europe, nous devons faire face à des chantres d'une ouverture à tous vents. Il n'y a pas de raison de dire que l'industrie européenne de la sécurité et de la défense n'est pas compétitive.
En conclusion sur la défense et la sécurité, nos points d'attention sont la vigilance à l'égard de toute nouvelle réglementation européenne qui fragiliserait notre industrie de défense et, par voie de conséquence, nos capacités de défense, la nécessité de pallier les risques de manques technologiques qui mettraient en péril notre indépendance sur un certain nombre de grands systèmes, et pour cela la nécessité d'investir en conséquence dans la recherche et la technologie – vous connaissez tous les difficultés de réexporter certaines technologies américaines – , et enfin l'appui à l'Agence européenne de défense ou à des coopérations bilatérales pour encourager les actions qui font sens du point de vue industriel.
Alors que le traité de Lisbonne a fait de l'espace la première compétence partagée de l'Union européenne, M. Bernard Deflesselles souligne très justement, dans son rapport d'octobre 2011 sur la politique spatiale européenne, le paradoxe suivant. D'un côté, dans sa communication politique d'avril 2011 sur la « Stratégie spatiale de l'Union européenne au service des citoyens », la Commission européenne affiche ses ambitions ; de l'autre, elle exclut des perspectives financières 2014-2020 publiées le 30 juin 2011 le programme GMES (Global Monitoring for Environment and Security) extrêmement important pour Thales. Le GMES, lancé sous l'égide de l'Agence spatiale européenne, est un programme de satellites destinés à observer la Terre et les océans, ou encore de suivre l'évolution du CO2au-dessus des grandes agglomérations. Bref, à travers une collection de satellites spécialisés, ce programme est une gigantesque machine à collecter les informations permettant à l'Europe de mieux voir comment évolue son environnement et de mieux ajuster ses politiques en la matière. A terme peuvent en dépendre de meilleures prévisions sur la qualité de l'air ou de l'eau, ainsi que sur l'évolution du développement agricole ou encore de l'urbanisme. La qualité de ces prévisions est fondamentale pour la prise de bonnes décisions politiques. Si l'Union européenne, comme nous le souhaitons, continue à le financer, GMES sera un superbe instrument de collecte des éléments permettant d'objectiver les décisions dans ce domaine. Or, ce programme est l'objet d'une impasse budgétaire. Il serait souhaitable de mettre fin à celle-ci dans le cadre de la finalisation des perspectives financières 2014-2020. En effet, 3,2 milliards d'euros ont déjà été engagés par l'Union européenne pour ce programme. Et les satellites ayant une durée de vie limitée, mettre fin au financement reviendrait à voir s'arrêter un jour la machine à collecter des renseignements précieux sur l'environnement européen. Je voudrais donc saluer, au nom de Thales, les positions très claires de M. Deflesselles en faveur de l'effort budgétaire que doit consentir l'Union européenne en matière spatiale.
Concernant le transport aérien, Mme Odile Saugues, dans son rapport sur la sécurité aérienne de décembre 2009, souligne que le programme SESAR (Single European Sky Air Traffic Management Research), bras technologique du « Ciel Unique européen », va permettre de doter l'Europe d'une infrastructure performante pour les 30 ans à venir. Ce vaste programme de recherche concerne l'optimisation de la trajectoire des avions pour limiter les temps d'attente au-dessus des aéroports les plus encombrés, et donc améliorer le confort des passagers, diminuer les coûts pour les compagnies aériennes, limiter les impacts du trafic aérien sur l'environnement et améliorer l'équilibre économique des compagnies aériennes, tout en faisant face à une augmentation du trafic qui ne cesse de continuer à croître très fortement, et que les logiciels et équipement actuels en Europe ne permettront pas de continuer à traiter. Nous partageons tout à fait l'avis de Mme Saugues. Thales est le numéro 1 mondial du contrôle du trafic aérien, marché à la fois civil et militaire.
L'industriel européen le plus engagé dans la phase actuelle de SESAR – qui est une phase de développement –, c'est Thales. Notre contribution propre est, à côté des aides européennes que nous recevons, la plus forte. Nous serions très marris de voir ce programme ambitieux de contrôle civil, tout à fait nécessaire, dans lequel l'industrie française est très bien placée – chez Thales, l'essentiel des compétences en ce domaine est en France – et sur lequel nous commençons à exposer des éléments de démonstration dans les salons aériens, comme celui du Bourget, être contrarié par des budgets au sein de l'Union européenne ne permettant pas le moment venu la mise en oeuvre de ces nouvelles technologies de façon concertée entre les principaux pays concernés, alors qu'elles vont produire du sens sur les espaces aériens les plus encombrés, dont l'espace aérien français, notamment dans sa partie Nord.
Nous sommes également très intéressés par la standardisation dans le domaine ferroviaire : Thales – et cela est peu connu – est le numéro 2 mondial de la signalisation ferroviaire, qu'il s'agisse de métros ou de grandes lignes – c'est un héritage du groupe américain ITT Europe. Nous sommes très présents en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Angleterre et un peu en Italie. Nous sommes aussi présents au Canada et sommes exportateurs dans le mode entier, notamment en Chine. Nous sommes donc très intéressés à une participation à la standardisation progressive de ces marchés. C'est pour nous un moyen d'apporter des fonctionnalités nouvelles à nos clients et de mieux séduire à l'export. Face à la variété des systèmes hérités de l'histoire en Europe, l'émergence d'un standard européen est un élément de confiance fondamental pour le client à l'exportation. Celui-ci ne choisit alors plus le système d'un pays mais un standard européen. Les investissements pour l'industrie ferroviaire étant en général effectués pour 40 ans, l'émergence d'un standard européen permet de favoriser le positionnement de l'industrie ferroviaire européenne à l'exportation.
Je terminerai par l'investissement nécessaire en recherche et en innovation. Dans nos métiers, c'est vraiment le nerf de la guerre. C'est un élément absolument transversal. Thales est présent aussi bien dans le secteur civil que dans le secteur militaire. Si son panel d'activité peut sembler varié depuis l'extérieur, il présente en réalité une grande cohérence technologique : la base du modèle industriel de Thales, son épine dorsale, c'est une grande communalité des ingénieurs et de leur savoir-faire. Nous attachons une importance considérable à la recherche et à l'innovation : c'est le seul moyen pour nous de pouvoir espérer continuer à exister dans vingt ou trente ans face à des concurrents, européens ou américains, ou encore provenant de grands pays émergents, qui eux aussi investissent massivement sur ces technologies et ne manquent pas, eux non plus, d'ingénieurs brillants. Nous sommes donc très intéressés par la réflexion actuelle et les négociations budgétaires autour du futur programme de recherche européen dénommé Horizon 2020. Il me paraît essentiel que l'ambition européenne dans ce domaine soit maintenue.
Nous estimons par ailleurs qu'il convient de continuer à investir dans les instruments qui ont fait leurs preuves, comme, les JTI (Joint Technological Initiatives) utilisés pour Clean Sky, Artemis ou ENIAC auxquels Thales participe. L'Europe a trouvé là un outil performant.
Nous attachons également de l'importance à une bonne visibilité de l'avenir sur ces budgets : construire des équipes de recherche est un investissement de longue haleine ; les ingénieurs acquièrent leurs compétences année après année. Cette réalité s'accommode très mal de politiques de « stop and go » en matière de programmes et d'instruments utilisés.
Enfin, afin que l'investissement européen soit le plus efficace, il faut faire attention aux lourdeurs administratives. Les entreprises savent ce qu'est un coût de gestion ; celui-ci doit être le plus faible possible.
Monsieur le président, je vous remercie d'avoir pris connaissance avec une attention éclairée du contenu des rapports élaborés par notre Commission.
Monsieur le président-directeur général, Thales a annoncé son intention de céder son activité « systèmes d'information » ainsi que les 600 salariés qui y sont attachés. Quel est l'objet de ce projet ? Dégager du « cash » et soutenir des opérations de croissance externe ? Améliorer les profits de l'entreprise ? Thales a d'abord exposé qu'il s'agissait de rentabilité. Cet argument n'étant pas soutenable, il a été vite écarté. Un autre argument a été celui du recentrage sur le coeur de métier et un troisième celui de la stratégie.
Le personnel, inquiet, objecte que confier son système d'information à une société dont l'avenir est incertain est à la fois dangereux et coûteux : après une rentrée de cash unique, il faudra débourser 25 millions d'euros par an. Faire entrer GFI sur des sites de Thales auxquels cette société n'a pas accès aujourd'hui est par ailleurs dangereux. Il existe des risques de perte de compétence et de taille critique, de perte de clients importants et enfin de perte d'un amortisseur de crise. Le personnel s'interroge. Quel est l'objectif poursuivi ? Soit du fait de l'externalisation de l'activité, des données sensibles du groupe seront exposées, soit, si l'activité reste exercée en interne, les salariés externalisés seront condamnés à la perte de leur emploi.
Le repreneur potentiel, GFI, ne fournit pas non plus au personnel des raisons de le rassurer. GFI ne fait pas partie des fournisseurs référencés de Thales. Son actionnariat est peu stable. Du fait de sa très faible valorisation boursière, cette société est opéable. Son histoire est celle d'une suite d'acquisitions et de cessions marquée, selon le personnel, par des pratiques sociales contestables. De ce fait, Thales, jusqu'ici une entreprise paisible, voit son climat social détérioré sans amélioration prévisible. Monsieur le président, pouvez-vous expliquer à notre Commission les raisons objectives de votre décision et la place de cette opération au sein de votre projet stratégique ? Pensez-vous accorder au personnel un dialogue qui lui permettra d'être convaincu, ou encore de vous convaincre ?
Enfin, monsieur le président, ne vous culpabilisez pas du fait que des industriels étrangers viennent vous concurrencer sur notre sol national sans aucune restriction alors qu'ils sont protégés sur leur propre sol national de la concurrence que vous pourriez leur faire subir. Cette situation est de la seule responsabilité des dirigeants européens et, pour moi, de leur naïveté.
Merci, monsieur le Président, d'avoir lu aussi attentivement le rapport que j'ai élaboré avec Jérôme Lambert. Nous avons parfois le sentiment de plaider un peu dans le désert…
Comment envisagez-vous les coopérations industrielles en Europe ? De très grandes entreprises, comme EADS, ont été constituées sur des bases paritaires pour des raisons politiques. En revanche, d'autres types de coopérations sont basés sur la désignation d'un maître d'ouvrage autour duquel viennent s'agglutiner d'autres entreprises, qui apportent leur savoir-faire. Dans ce type de schéma, il y a bien « un pilote dans l'avion ». Quel type de modèle privilégiez-vous pour la coopération internationale, et notamment européenne ?
Enfin, quel est l'impact sur votre activité de la dimension monétaire, autrement dit de la surévaluation de l'euro, qui a pénalisé l'industrie européenne ces dernières années ? Comment l'avez-vous vécu ? Comment le vivez-vous ? Cette situation vous a-t-elle obligé à délocaliser certaines de vos fabrications ?
J'ai été un peu inquiet du regard des institutions européennes – j'ai cru comprendre qu'il s'agissait de la Commission –, sur l'insuffisance de compétitivité qui serait celle des industries aérospatiale et de défense et de la conclusion qu'elles sembleraient, selon vous, en tirer, autrement dit l'ouverture des marchés à des intervenants extérieurs à l'Europe. Nous savons pourtant que certains Etats, pourtant aussi libéraux que le nôtre, organisent une forme de protection de leur marché intérieur.
J'ai été très sensible, monsieur le président, au fait que vous reveniez à plusieurs reprises sur le « temps long » de votre activité et des résultats que vous escomptez. Pouvez-vous, dans une période où le « court-termisme » est plutôt la règle, nous en dire un petit peu plus sur les temps de retour que vous estimez nécessaires dans les domaines les plus emblématiques de vos activités, comme la recherche ou les fabrications, ainsi que sur les moyens de financement ? On ne finance pas le court terme comme le long terme.
Vous avez très justement insisté sur la recherche et l'innovation, essentielles dans vos métiers. Pouvez-vous nous présenter quelques exemples illustrant cette démarche ?
Par ailleurs, en quoi la politique que vous menez dans ce domaine se différencie-t-elle de celle de vos concurrents ?
Monsieur le Président, vous avez terminé votre intervention par le maintien nécessaire de l'ambition européenne en matière de recherche et d'innovation. Je constate que, mis à part la France ou la Grande-Bretagne, l'Europe ne manifeste pas de volonté de se doter d'une capacité de défense autonome. Dès lors, qu'entendez-vous par « ambition européenne » ? Même si vous avez souligné l'importance d'une recherche ouvrant l'accès à une technologie qui permette elle-même d'exporter de manière libre et autonome, je ne comprends guère quelle est cette ambition.
Thales a pris une participation au sein de Nexter, ainsi que des positions au sein de DCNS. Pouvez-vous nous préciser les termes de l'accord avec Nexter et ses éventuelles conséquences sociales, et nous indiquer en quoi ce rapprochement participe d'un développement d'une stratégie industrielle européenne ?
Par ailleurs, Dassault Aviation détient 26 % de Thales. Or, les crédits accordés par l'Etat à cette société pour ses drones ont fait l'objet d'interrogations des parlementaires. Quels sont les termes de l'accord conclu avec Dassault ? Cet accord a-t-il une incidence sur la stratégie de ce constructeur ?
Enfin, le rapprochement entre Thales et Safran se limite, finalement, à l'optronique. Existe-t-il d'autres partages ou échanges d'activité prévus avec cette entreprise ? Si tel n'est pas le cas, quelles en sont les raisons ?
Alors que l'accord franco-britannique établi en novembre 2010 semblait ouvrir des perspectives pour Thales en matière de drones et de sonars, la France a choisi pour les drones MALE (moyenne altitude longue endurance) une option franco-israélienne. Celle-ci ne risque-t-elle pas de fragiliser la coopération entre la France et la Grande-Bretagne au profit de l'israélien IAI ?
Par ailleurs, quelle est votre stratégie après l'entrée au capital de Thales de Dassault, alors même que les deux groupes peuvent se trouver en concurrence sur certaines offres ? Dans quels domaines d'innovation pensez-vous que, compte tenu de cet accord, Thales pourra conduire des recherches ?
Nous partageons l'analyse aux termes de laquelle votre secteur d'activité est hautement stratégique et que vous ne comprendriez pas que votre point de vue ne soit pas partagé au niveau européen. Cependant, aucun acteur économique n'est jamais venu nous exposer à nous, les politiques, que son secteur d'activité n'était pas stratégique. Notre difficulté est donc d'analyser ce qui est le plus stratégique. Les agriculteurs que je rencontre dans ma circonscription considèrent que l'alimentation est extrêmement stratégique.
Par ailleurs, dans quels pays la réciprocité n'est-elle pas mise en oeuvre au sein de l'Union européenne ? Je sais que, dans des secteurs que je connais bien, une économie proclamée ouverte ne l'est pas forcément autant dans les fait que les discours.
Enfin, êtes-vous présents dans le transport maritime ? Nombre de paquebots sont construits en France, par de grandes entreprises françaises. Êtes vous partenaires de celles-ci ?
Monsieur Desallangre, nous avons en effet le projet de céder nos activités « business solutions ». Il s'agit d'une partie de l'une des sociétés du groupe, dénommée Thales Services. La raison de ce projet est non pas de « faire du cash » mais tout simplement d'assurer un avenir à moyen et long terme à cette activité. Nous n'avons plus la taille critique sur le marché sur lequel elle s'opère. Des priorités – qui ont fait l'objet d'une communication aux actionnaires en assemblée générale, approuvée par le conseil – ont dû être établies au niveau du groupe. L'activité en question est en fait à la croisée des chemins. Pour lui faire atteindre la taille critique et rejoindre les grands du secteur, il faudrait que nous nous lancions dans une politique massive d'acquisitions de sociétés. Par exemple, cette activité fournit des services informatiques à de nombreux acteurs, notamment le secteur bancaire et financier. Or, sa taille, chez Thales, ne représente que le dixième de celle de GFI. Dans ces conditions, nous ne sommes pas rassurants à long terme pour nos clients. Il faut pouvoir investir sur les nouvelles technologies et disposer d'un panel d'ingénieurs qui couvre les nombreux domaines d'activité d'un secteur de plus en plus difficile pour les petits acteurs. Nous devons donc choisir entre une stratégie visant à préserver l'avenir à moyen et long terme de cette activité, en l'adossant à l'un des grands du secteur – GFI compte plus de 9 000 salariés dont plus de 6 000 en France – et une stratégie d'extinction progressive de ce métier chez Thales, par faute de capacité à pouvoir rivaliser avec nos concurrents, pour des raisons de taille. Ce qui est en train de ce passer est malheureusement mécanique. La question n'est en aucun cas une affaire de compétitivité individuelle ; les personnels font très bien leur travail. C'est une question de taille critique.
J'ai demandé qu'une phase de dialogue intense soit développée au sein de la société. Voilà un certain temps que nous avons présenté notre projet. Le dialogue continue avec les partenaires sociaux. J'ajoute que l'opération se fait sans suppressions d'emplois ; c'est une cession d'une branche d'activité à un repreneur qui s'engage à maintenir l'emploi et qui va faire bénéficier de l'effet de taille commercial et technologique une activité qui, chez Thales, est dans l'impasse. J'espère donc que le dialogue va pouvoir permettre au dossier d'avancer.
Monsieur Myard, surtout dans les systèmes complexes, un schéma fondé sur un maître d'oeuvre entouré de partenaires est en effet le meilleur. Cependant, comme vous le soulignez avec raison, et pour des raisons de souveraineté ou de posture, certains sujets ne peuvent être traités que dans le cadre d'alliances. Dans ces cas il faut prévoir des participations partagées. Ma position, en tant qu'industriel, est que, dans ce type de cas, il faut constituer des sociétés ad hoc. De telles sociétés seront toujours des lieux de concertation préférables à de simples alliances qui permettent plus facilement l'expression des égoïsmes - naturels – de chaque société : une société ad hoc comporte une équipe de permanents qui, du fait qu'elle s'identifie au projet commun, met beaucoup d'huile dans les rouages du fonctionnement international de ce type de projet.
L'impact du taux de change est réel sur nos activités. Vous avez raison de souligner que la force de l'euro par rapport au dollar - ou la faiblesse du dollar par rapport à l'euro - est une difficulté. Nous avons regagné quelques points de compétitivité par rapport au début de l'année. Nous devons affronter de plein fouet cette affaire de taux de change pour celles de nos activités qui sont exprimées en dollars, comme les satellites de communication - dont la production s'effectue en France et en Italie - ou l'avionique.
Cette expression en dollars du marché nous a en effet conduit à délocaliser. Ainsi, il y a deux ans - et cela ne nous plaisait pas - nous avons dû transférer des production de série d'avionique de France vers Singapour, même si la recherche et le développement, ainsi que la production de prototypes et de petites série a été maintenue en France. Tant que le rapport entre le cours de l'euro et celui du dollar sera ce qu'il est, nous n'aurons pas d'autre choix pour dégager les profits nécessaires à l'investissement dans la R&D, qui est l'élément fondamental pour survivre dans notre métier. Le marché aéronautique est en effet mondial. Pour autant nous ne souhaitons pas devoir continuer dans cette voie.
Monsieur Caresche, je partage votre point de vue. D'une part, la directive européenne sur les marchés de défense et de sécurité peut favoriser le marché intérieur européen. D'autre part, j'estime qu'on ne peut pas ouvrir le marché européen à des acteurs non européens sans véritable réciprocité pour nos industriels sur ces marchés non européens.
Monsieur Piron, nous sommes en effet souvent, chez Thales, dans des cycles longs. La durée de vie d'un système de signalisation ferroviaire est de trente à quarante ans, celle d'un avion de trente ans. Certains des radars que nous réparons ont été construits il y a plus de trente ans.
Pour autant, les temps de retour sur investissement ne sont pas de trente ans. La perpétuation d'un équipement pendant trente ans suppose en effet des investissements réguliers. En réalité, l'investissement initial doit être remboursé en cinq à dix ans. Pour que l'équipement vive trente ans, il faut réinvestir régulièrement pour traiter les obsolescences.
Ces investissements sont financés en partie grâce à notre profitabilité, et pour le reste soit grâce à des financements des clients, qui vont acheter des évolutions des matériels ou encore contribuer au développement de ceux-ci, soit dans le cadre de marchés d'études. Nous dépensons en R&D 20 % de notre chiffre d'affaires. Les trois quarts de ce montant sont financés par les clients.
Monsieur Herbillon, lorsque j'ai rejoint Thales, j'ai fait entrer le directeur technique du groupe au Comité exécutif de Thales, ce qui n'était pas le cas auparavant, alors que c'est une fonction clé, et je n'ai cessé depuis lors d'étendre son domaine d'action au sein du groupe : le directeur technique a désormais la capacité de vérifier comment nous faisons jouer les synergies, y compris au niveau des développements de produits entre des sociétés dépendant de Thales.
Malgré les difficultés qu'a connues Thales ces dernières années, j'ai aussi maintenu, voire augmenté, les investissements du groupe en R&D.
Enfin nous organisons pendant la deuxième semaine du mois de février la deuxième semaine « technodays » du groupe au niveau mondial. Nous allons notamment y présenter à nos clients et partenaires - et à une partie de notre personnel- au Palais des congrès, des innovations - déjà juridiquement protégées bien sûr. Une présentation aussi large et ouverte est une première pour le groupe.
Toutes les sociétés de High tech savent qu'elles ne vivent que par la technologie. Chacune a donc sa recette pour motiver l'innovation chez elle. Ensuite, celui qui gagne, c'est celui qui remporte les contrats. Je suis assez satisfait de voir depuis mon arrivée que c'est statistiquement dans les parties du groupe où il existait une grande discipline de R&D en commun, avec un accent mis sur l'innovation, que nous réussissons nos meilleurs scores sur les marchés internationaux. C'est l'innovation - une innovation intelligente, c'est-à-dire très connectée aux besoins du client, et productive, où l'effet de groupe et le travail en commun est maximisé, de sorte qu'elle se fasse au plus bas coût possible - qui fait la différence sur les marchés internationaux. Sur certains de ces marchés, grâce à des produits récemment sortis de nos laboratoires, nous sommes extrêmement performants !
Monsieur Forgues, que signifie « ambition européenne » alors que, en matière de défense, il n'existe pas grand-chose au niveau européen à part l'Agence européenne de défense ? L'ambition existe sur le plan civil, avec le PCRD à l'horizon 2020, le système SESAR, l'ESA. Des sujets essentiels de recherche sont à maintenir dans ce domaine. Je rappelle aussi que si Thales est une entreprise duale, c'est bien du fait de l'existence de synergies entre les domaines civil et militaire. L'avionique dont nous équipons le cockpit de l'Airbus A400M est la réutilisation de développements que nous avons conçus pour l'Airbus A380. La genèse des innovations créée des oscillations : parfois c'est le militaire qui est en avance, parfois c'est le civil. Les avances dans un secteur bénéficient à l'autre. Que l'Europe maintienne ses ambitions dans le domaine de la R&D civile nous intéresse donc aussi bien pour nos activités civiles que pour nos activités de défense.
Même si les avancées sont lentes, il faut maintenir le cap en ce qui concerne l'Agence européenne de défense et la R&D européenne. La lenteur de la progression est liée à la complexité des processus de décision. Pour qu'un programme européen - qui est toujours structurant - soit lancé, les forces militaires de plusieurs pays doivent d'abord s'être mises d'accord sur des spécifications ; c'est cette réalité qui explique que le moteur majeur dans ce domaine soit la coopération bilatérale.
Madame Karamanli, les annonces que nous avons effectuées en décembre sur nos coopérations avec DCNS, Nexter ou encore Safran ne comportent aucune conséquence sociale.
S'agissant de DCNS, nous avons levé en décembre 2011 une option - qui avait été négociée avec l'Etat lorsque Thales est entrée au capital de cette société à hauteur de 25 % - pour prendre une participation de 10 % de plus du capital avant mars 2012.
Rien n'est encore fait avec Nexter. Il ne s'agit que d'un projet, qui reste à finaliser. Les deux parties doivent chacune y trouver avantage. Chacune d'elle recherche actuellement un rapprochement où Thales apporterait ses activités en matière de munitions, essentiellement franco-belges, en contrepartie d'une entrée au capital de Nexter Systems –participation qui resterait en tout état de cause minoritaire – sur des bases à déterminer en fonction des valorisations réciproques.
La finalité de l'accroissement de la part de Thales au capital de DCNS et du projet que nous conduisons avec Nexter est de renforcer « l'équipe France » à l'export. De vraies synergies y sont à construire. Que nous nous adressions aux gouvernements brésilien, indien ou turc, nous sommes chaque fois confrontés à de mêmes demandes de localisation dans chaque pays d'une partie de notre production en échange du contrat. Répondre à ces demandes – incontournables - n'est pas facile : il faut construire des usines, recruter des ingénieurs, rencontrer des partenaires locaux et travailler avec eux – condition en général imposée par le gouvernement étranger. Or, lesdits partenaires sont parfois connus de nous à d'autres titres. Ainsi, au Brésil, DCNS s'est vu imposer pour son contrat de sous-marins de travailler avec le groupe Odebrecht, qui vient du génie civil. Mais nous connaissons déjà ce groupe, avec lequel nous travaillons dans d'autres domaines en Amérique latine !
Enfin, il faut maintenir des équipes permanentes dans les pays où nous voulons exporter. Dès lors, des synergies entre groupes exportateurs sont possibles : la même équipe, forte de sa connaissance des armées locales, pourra travailler sur plusieurs programmes.
Il reste que ces alliances ne procèdent pas d'un raisonnement contraint : leur réalisation et leur configuration seront la résultante de l'intérêt qu'elles présentent pour les deux parties : les participations que nous avons prises ou que nous envisageons de prendre sont minoritaires.
Nous pouvons aussi trouver des synergies dans les technologies très en amont, autrement dit loin des phases de choix de ses équipements par le plateformiste - il ne s'agit pas de pousser les équipements Thales au sein de DCNS, par exemple. Faire réfléchir ensemble les ingénieurs sur les futurs concepts d'engins suffisamment en amont avant leur profilage concret, notamment financier, permet d'enrichir les deux parties ; aujourd'hui, un plateformiste n'a jamais accès aux réflexions des ingénieurs équipementiers sur l'évolution possible des équipements, et il n'expliquera jamais à un équipementier comment il pense faire évoluer ses plateformes. Cette non communication est du reste assez spécifiquement française : si, dans notre pays, ces industries sont séparées - c'est un fait de l'Histoire dont je ne suis pas sûr qu'il ait encore sa raison d'être dans l'avenir - , tel n'est pas le cas aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou encore en Allemagne.
L'armée de Terre a demandé à l'industrie de s'allier pour travailler sur le programme Scorpion. De fait, aujourd'hui l'état de ce programme est suffisamment en amont des grands appels d'offres pour qu'il n'y ait pas d'enjeu économique majeur pour les industriels qui y réfléchissent. En revanche, demander à des ingénieurs de Nexter, Sagem et Thales de réfléchir ensemble, dans le cadre d'une société commune créée à cette occasion, pour projeter ce que pourraient être à l'avenir les meilleurs compromis pour l'armée de Terre en matière d'équipements me paraît particulièrement non seulement intelligent et astucieux, mais porteur, à terme, d'économies pour le budget national et de compétitivité à l'exportation.
Nos relations avec Safran procèdent d'une logique un peu différente. Si les tentatives d'échanges d'actifs n'ont pas abouti, nous ne sortons pas bredouilles de cette aventure. Nous avons renforcé nos liens. Nous nous sommes mis d'accord pour mutualiser notre secteur amont au sein de la société Sofradir, spécialisée notamment dans les détecteurs infrarouge, et détenue jusqu'ici à 40 % par Sagem, 40 % par Thales et 20 % par Areva, en réorganisant son capital de façon à ce qu'il soit détenu pour moitié par Thales et pour moitié par Sagem. Sofradir est une pépite de l'industrie technologique : c'est l'un des rares fournisseurs européens capables de se comparer aux meilleurs américains dans les technologies qu'ils maîtrisent. C'est un réservoir de compétences et un outil technologique de toute première qualité pour l'Europe. L'évolution du capital que je viens de mentionner est un élément de renforcement pour cette société. Avec Safran, nous créons aussi une joint venture qui parie sur l'avenir. L'ensemble des compétences d'optronique militaire partagées par Thales et Safran y sont logées. Cette politique permet à la fois de répondre au souci de la DGA d'éviter des financements en doublon de projets d'avenir et de mettre en place une instance commune de dialogue qui permette de mettre fin à un certain nombre de peurs qui existaient dans la configuration précédente.
Dassault est notre actionnaire pour 26 % de notre capital, l'Etat pour 27 %, le reste étant réparti entre 3 % pour le personnel et 40 % en flottant. En pratique, j'ai face à moi un pacte d'actionnaires qui détient 53 % de Thales et qui, à ce titre, contrôle la société. En se complétant, les différences de nos deux actionnaires majeurs créent des compromis intéressants pour l'entreprise. Au sein de ce pacte, Dassault apporte beaucoup en matière industrielle, de gestion de projets, d'organisation de Thales à l'exportation. L'Etat, quant à lui, est garant des intérêts souverains du pays. Contrairement à ce qui est parfois dit, ce pacte d'actionnaires respecte les prérogatives du management de la société. De plus, ce pacte est conclu dans la durée : non seulement l'Etat mais aussi Dassault ont le sens du temps long ; C'est un élément positif pour la société.
Monsieur Quentin, il n'y a pas de mélange des genres entre la position de Dassault comme actionnaire et comme partenaire industriel de Thales sur certains projets, à commencer par le Rafale. Nous avons aussi ensemble des relations de client à fournisseur : Dassault achète de l'avionique à Thales. Par ailleurs, Dassault et Thales ont chacun créé des sociétés de simulation : il y a des accords entre nous. Comme partenaire industriel, Dassault n'est ni plus dur ni plus tendre que les autres.
Notre drone Watchkeeper a été développé en Grande-Bretagne. S'il l'a certes été à partir d'une plateforme israélienne Elbit, les trois quarts du montant du contrat portent non pas sur la plateforme mais sur l'adaptation du drone à l'environnement européen, pour lui permettre notamment de voler dans l'environnement réglementaire aérien de l'aviation européenne - travail qui a exigé un travail de certification considérable - et d'être intégré dans les réseaux de commandement et les systèmes de communication britanniques. Ce programme, qui est aujourd'hui le programme de drones le plus important, va être déployé en Afghanistan cette année. J'espère qu'il intéressera l'armée française pour ses opérations tactiques.
Le drone MALE ne concerne pas Thales. Notre présence dans les drones s'arrête lorsque ceux-ci commencent à se rapprocher de trop près des technologies de l'aérodynamique aéronautique : au contraire des drones tactiques, dans les drones de combat ou les drones MALE, la plateforme prend une telle importance par rapport au système que seul un plateformiste spécialiste de l'objet volant - bref, un avionneur - peut être le maître d'oeuvre. Nous ne pouvons y intervenir que comme équipementier en avionique ou en optronique, ce pour quoi nous sommes évidemment prêts, y compris dans notre coopération avec Sagem.
Monsieur Gaubert, même si certains pays européens demandent encore des offsets, je n'ai pas repéré de protectionnisme rampant en Europe. Si chaque pays - dont la France - souhaite bien sûr que l'argent public qu'il investit soit dépensé chez lui, il n'y a pas de discrimination envers les entreprises européennes en fonction de leur nationalité ; aucune comparaison n'est possible avec ce que nous pouvons vivre dans d'autres pays, à la grande exportation.
La société Thales est présente non pas dans le transport maritime mais dans la surveillance maritime, notamment pour des radars côtiers, ou embarqués sur avion, sur des navires garde-côtes ou militaires. Les radars que nous produisons sont de haute performance ; ils n'ont pas vocation à équiper, par exemple, les navires commerciaux.
Monsieur le Président, merci beaucoup d'avoir répondu de façon aussi précise aux questions posées.
La séance est levée à 18 heures 15