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La séance

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Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

La séance est ouverte à neuf heures vingt.

PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Chers collègues, nous recevons, ce matin, M. Lucien Dumont-Fouya, qui assure jusqu'au 22 janvier la présidence du Comité des partenaires du transport public. Instance consultative placée auprès du STIF, le CPTP rassemble des élus, des représentants d'usagers, des syndicalistes et des socioprofessionnels. C'est en cette qualité que M. Dumont-Fouya siège au CPTP, après une carrière de chef d'entreprise dans le secteur des transports, des responsabilités dans les organisations patronales, une présence au Conseil national des transports comme au Conseil économique et social et environnemental de la région Île-de-France.

Étant donné la riche expérience qui est la vôtre, monsieur le président, nous attendons de cette rencontre une appréciation de la situation susceptible de nourrir notre réflexion.

Nous aimerions d'abord savoir comment s'articule la mission du CPTP avec celle assurée par les comités de ligne du RER gérés par le STIF. Plus généralement, nous souhaiterions savoir de quelle façon le CPTP conçoit sa mission consultative. A-t-il le pouvoir de s'autosaisir ? Comment traite-t-il les récriminations des usagers ou de leurs représentants dont il aurait connaissance ?

Auditionnées ici même, les associations d'usagers ont regretté de n'être pas associées au choix des nouveaux matériels roulants, ni même véritablement consultées. Le CPTP intervient-il en ce domaine ? Dialogue-t-il avec les constructeurs, par exemple, à propos de la conception et de l'aménagement des nouvelles voitures – on sait combien la question du nombre de places assises est importante ?

Par ailleurs, quel est l'état d'avancement du dialogue entre le CPTP et RFF, la SNCF ou la RATP, s'agissant, par exemple, de l'aménagement des gares ?

Conformément à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, M. Lucien Dumont-Fouya prête serment.

PermalienLucien Dumont-Fouyat, président du Comité des partenaires du transport public, CPTP

Membre du CPTP depuis sa création en 2002, je le préside depuis octobre 2010, et pour quelques jours encore, jusqu'à l'achèvement des trois mandats autorisés par le décret relatif au CPTP.

Le fonctionnement du comité est quelque peu original, puisque, tous les dix-huit mois, on procède régulièrement à la nomination d'un nouveau président et du représentant du Comité au sein du conseil d'administration du STIF. Le Comité ne joue qu'un rôle consultatif auprès du STIF, sur le fonctionnement duquel son influence est assez réduite.

Cette année, le CPTP s'est saisi deux fois, à mon initiative. C'est une première, puisqu'il n'y avait jamais eu d'autosaisine du Comité.

Alors qu'il s'agit en principe d'un organisme paritaire, sa composition est déséquilibrée, au détriment des utilisateurs des transports collectifs – je préfère ce terme au vilain mot d « usager » – et des organisations patronales, représentés respectivement par cinq membres, contre sept représentants des collectivités locales et sept des syndicats de salariés. Ce déséquilibre interdit automatiquement la pleine expression du point de vue des utilisateurs ou des chefs d'entreprise. C'est la raison pour laquelle j'avais proposé qu'on rééquilibre la composition du Comité en portant à vingt-huit le nombre de ses membres, soit quatre fois sept représentants. Cette modification n'aurait eu aucune incidence budgétaire, les membres du CPTP n'étant pas rétribués. Elle a pourtant été refusée.

Le CPTP peut être consulté sur toute question relative à l'offre et à la qualité des services de transport de voyageurs ainsi que sur les orientations de la politique tarifaire et du développement du système des transports d'Île-de-France.

La situation actuelle du RER est due à un effort d'investissement insuffisant dans les transports en Île-de-France depuis une trentaine d'années, en dépit de choix initiaux pertinents. Lors la décentralisation du Syndicat des transports d'Île de France (STIF), la Région, la ville de Paris et les départements de l'Île-de-France ont hérité d'une situation difficile. Le CPTP a pu apprécier la politique menée pour moderniser le réseau et améliorer la qualité du service. Ainsi le STIF a développé depuis 2006 une nouvelle offre dans tous les modes de transport – trains, métros, bus, tramways – pour près de 500 millions d'euros, et a lancé une grande politique de renouvellement et de rénovation du matériel roulant qui représente près de trois milliards d'investissements.

Surtout, il a lancé les schémas directeurs des lignes de RER, à l'initiative de Mme Sophie Mougard, directrice générale du STIF. Les membres du CPTP ont apprécié cette approche globale et ambitieuse, qui porte à la fois sur l'infrastructure, le matériel roulant et la qualité de service dans son ensemble, ainsi que sur l'offre de transport.

La réussite de schémas directeurs ne tient pas qu'à la capacité à réunir de l'argent. Il faut relever cependant que l'État, la Région et les départements ont su, à travers le Plan de mobilisation et le réseau de transport du Grand Paris, mobiliser l'argent nécessaire, non seulement pour développer le réseau, mais aussi moderniser les réseaux existants et tout particulièrement le RER. Dans ce cadre, le STIF a su tenir son rôle d'autorité organisatrice en réunissant tous les acteurs autour de la table, Réseau ferré de France (RFF), SNCF, RATP et financeurs, pour trouver des solutions et avancer.

À ce propos, puisque vous m'avez interrogé sur les liens que le CPTP entretient avec, la RATP ou la SNCF, je vous répondrai que nous n'entretenons aucun lien. Jamais un représentant de la SNCF, ni de la RATP, et encore moins de RFF n'est venu présenter devant notre instance des propositions d'amélioration du service. Quant aux comités de ligne, nous recevons leur convocation si tardivement que nous n'avons guère la possibilité matérielle d'assister à leurs réunions.

Mais la réussite des schémas directeurs du RER tient aussi à la capacité de RFF, de la SNCF et de la RATP à mener à bien, dans des délais raisonnables, les études et les travaux qui leur sont confiés. Pour parler franchement, RFF et la SNCF peinent trop souvent à honorer les rendez-vous qui leur sont fixés, du fait de problèmes de coordination entre eux, mais aussi de leurs propres manques : une ingénierie moins performante, une priorité donnée à d'autres projets que les lignes de RER et les transports quotidiens. Il y a là un vrai problème. Dans de telles conditions en effet, la demande par les opérateurs de nouveaux plans d'investissement toujours plus gourmands en crédits tend à ressembler à « une fuite en avant ».

En effet, si des investissements importants et durables sont nécessaires pour améliorer la régularité des lignes de RER, beaucoup d'argent a déjà été dépensé : 500 millions d'euros pour le RER B, autant pour le RER D, et plusieurs centaines de millions d'euros sont prévus pour la rénovation de la ligne C du RER. Ces investissements ne doivent pas dédouaner les opérateurs de tout effort d'amélioration de la régularité. À ce sujet, je rappelle que chaque réunion du CPTP est l'occasion pour les utilisateurs de se plaindre amèrement de l'absence de régularité du RER, le fonctionnement du métro et des autobus suscitant en revanche peu de critiques. Faire rouler les trains, exploiter des réseaux, c'est quand même le coeur de métier de la RATP et de la SNCF. C'est un point essentiel qu'il ne faut jamais perdre de vue.

En tant que membre de longue date du CPTP, j'ai remarqué que, lorsque le STIF et l'ensemble des collectivités se fâchent, la régularité s'améliore significativement. Cela prouve bien qu'il est important de ne pas relâcher la pression sur les opérateurs, notamment via les contrats qu'ils passent avec le STIF. Grâce à des indicateurs chiffrés et au système incitatif de bonus-malus, ceux-ci ont permis des avancées, du moins à la RATP, la SNCF obtenant tous les ans un malus.

La ligne A du RER est victime de son succès : transportant désormais plus d'un million de voyageurs par jour, elle est à la limite de ses capacités. Le STIF avait, dès 2008, demandé à la RATP de prendre des mesures d'urgence dans le cadre d'un schéma directeur et le CPTP avait approuvé cette démarche. Les mesures d'urgence prises par la RATP ont, certes, permis une amélioration de la situation. Le nouveau matériel roulant MI09 à deux niveaux, que le STIF a contribué à financer à hauteur de 600 millions d'euros, devrait permettre d'améliorer encore le trafic. Enfin, le prolongement du RER E à l'Ouest devrait à terme mettre fin à la saturation de cette ligne. Les études sont en cours, mais il faut savoir qu'il s'écoule en moyenne cinq ans entre le lancement d'un projet et sa réalisation. Cinq ans, c'est long pour des usagers qui subissent quotidiennement des retards de train.

S'agissant du RER B, la réalisation sur la partie nord d'un schéma directeur, le RER B Nord +, pour 500 millions d'euros, est bien avancée. Nous avons exprimé notre regret que la SNCF refuse de prendre des engagements formels d'amélioration de la régularité, en contrepartie de l'effort d'investissement réalisé au bénéfice de cette ligne et de la nouvelle offre cadencée qui doit être mise en place en 2013. Aujourd'hui, la régularité de cette ligne est insuffisante : selon l'indicateur de régularité publié en septembre dernier par le STIF, 82,3% des voyageurs arrivent à l'heure ou avec un retard de moins de cinq minutes, alors que le contrat prévoit un objectif de 94%. La différence peut sembler faible à certains, elle n'en révèle pas moins un dysfonctionnement chronique.

La crise survenue à l'automne du fait de la présence d'amiante a aggravé la situation. Les membres du CPTP, notamment les représentants des usagers, ont déploré d'avoir été insuffisamment informés par la RATP. Sur ce point, l'intervention du STIF a été déterminante en ce qu'elle a permis aux élus et aux usagers de recevoir une véritable information dans le cadre de réunions qu'il a organisées.

En ce qui concerne le RER C, qui souffre de dysfonctionnements encore plus marqués que la ligne B, le schéma directeur a là aussi prévu des investissements importants. En outre, la convention spéciale transport, signée en septembre dernier, prévoit des financements complémentaires destinés aux projets urgents de modernisation de cette ligne.

Quant au RER D, c'est la ligne qui concentre les critiques les plus sévères des utilisateurs quotidiens.

Il ne faudrait pas que la RATP, la SNCF et RFF se dédouanent de leurs responsabilités dans l'exploitation quotidienne des lignes du RER, sous prétexte que de grands investissements sont d'ores et déjà programmés. Ces projets ne devant pas être achevés avant plusieurs années, il est à craindre que les usagers aient encore longtemps à souffrir des manquements du RER.

J'ajoute que les réserves formulées par les représentants des usagers sur le cadencement mis en place par la SNCF, en décembre dernier, sont à l'origine d'une des deux autosaisines du CPTP, qui n'a cependant pas obtenu de la SNCF la possibilité de participer à la définition de ce nouveau système. À l'usage, celui-ci s'est révélé toutefois moins catastrophique qu'on pouvait le craindre.

PermalienPhoto de Pierre Morange

Les plaintes répétées des usagers du RER sont l'une des motivations principales de la création de cette commission d'enquête. Les représentants des usagers au CPTP vous ont-ils fait connaître des revendications plus formalisées ? Ont-ils proposé un référentiel de qualité plus fidèle à leur vécu quotidien que celui qui fonde le dispositif de bonus-malus alors qu'il repose sur des critères plus que contestables ? Pouvez-vous nous citer des expériences étrangères qui permettraient d'affiner ce dispositif de bonus-malus, dont la Cour des comptes a dénoncé l'inefficacité ? La Cour propose de relever le plafond des bonus-malus à 5% de ce que le STIF reverse à la SNCF ou à la RATP. Ces préconisations ont-elles fait l'objet d'un avis du CPTP ? La composition du comité lui permet-elle de faire des propositions précises et concrètes au STIF ?

PermalienPhoto de Patrice Calméjane

On sait que les dysfonctionnements du RER sont dus en partie à des problèmes d'aménagement du territoire. Compte tenu de sa composition, on pourrait s'attendre à ce que le CPTP se soit saisi de cette question. Est-ce le cas ? Le CPTP s'est-il prononcé sur l'éventualité d'un Pass Navigo à tarif unique, ou de son « dézonage » en fin de journée ? Le système de « dézonage » du Pass Navigo d'Imagine R vous semble-t-il pertinent ? En effet, le « dézonage » débute le vendredi à minuit et court jusqu'au dimanche à minuit. Il me semble que les lycéens et étudiants en tireraient un plus grand bénéfice s'ils pouvaient en profiter dès 17h le vendredi, d'autant plus qu'ils restent en général chez eux le dimanche soir.

PermalienLucien Dumont-Fouyat, président du Comité des partenaires du transport public, CPTP

Les usagers ont en effet exprimé leur désaccord sur ce point, et cet avis a été transmis au STIF.

La politique tarifaire a été débattue il y a quelques mois dans le cadre d'une réunion spéciale du CPTP. Il est à noter que seuls deux des sept représentants des collectivités étaient présents. À l'issue de cette réunion, le CPTP a adopté une motion dont je me permets de vous donner lecture : « Le Comité des partenaires du transport public estime que la première attente des usagers en Île-de-France réside dans la qualité de service et la densité de l'offre de transport. À juste titre, elles sont jugées souvent médiocres par les usagers. Ils n'admettent pas de payer plus cher quand elles ne s'améliorent pas. Si la tarification actuelle des transports en Île-de-France est parfois injuste, complexe ou trop élevée, le Comité des partenaires considère toutefois que le Pass Navigo à tarif unique n'est pas la solution la plus pertinente dans les conditions actuelles. Sa simplicité ne permet pas de cibler les populations défavorisées, est génératrice de nouvelles injustices et menace la maîtrise de l'urbanisation des zones rurales.

Le Comité des partenaires demande au STIF d'élargir l'étude de modernisation de la tarification. Plusieurs pistes méritant d'être étudiées, le Comité des partenaires formule plusieurs propositions, comme le complément de parcours, le « dézonage » le week-end et la tarification par bassin de vie »

Cette motion a été approuvée par moi-même, Jean Pierre Lerosey, Gérard Schepfer, Bernard Carler, Pierre Marco, Daniel Rabardel, Bernard Garnier, Éric Brasseur, Abdellah Mezziuouane, Gilles Catoire, Daniel Zivic, Joël Lefebvre et Étienne Le Fur.

Par ailleurs, les membres du CPTP sont membres ès qualités de cinq commissions du STIF : la commission des investissements et du suivi du contrat de projet, la commission économique et tarifaire, la commission de l'offre de transports, la commission qualité de service et une commission de la démocratisation qui je dois le dire, ne sert pas à grand-chose.

Je crois savoir enfin qu'un remaniement du système de bonus-malus est envisagé dans le cadre de la renégociation en cours des contrats passés avec les opérateurs. Il s'agirait de sanctionner plus lourdement les opérateurs au cas où ils ne satisferaient pas à l'exigence de qualité, de régularité et de ponctualité du service. Il n'est pas besoin de vous dire que les opérateurs « font plus que traîner les pieds ».

La séance est levée à dix heures cinq.