Audition de M. Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire
La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
Nous avons le plaisir et l'honneur d'accueillir M. Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire, que je remercie d'avoir accepté notre invitation.
Cette audition est l'occasion de faire le point sur nos relations bilatérales. Depuis 2000, elles se caractérisent par un rapprochement, marqué par la relance de la coopération et la construction d'un partenariat d'exception. Nous nous réjouissons que les visites ministérielles se succèdent et que les initiatives fleurissent pour renforcer la coopération – je songe, en particulier, à la mission confiée par le Président de la République à Jean-Pierre Raffarin pour relancer les relations économique.
Dans le contexte du « printemps arabe », nous souhaiterions également vous entendre sur les importantes réformes annoncées par le président Abdelaziz Bouteflika en avril et en mai, après la levée de l'état d'urgence au mois de février : la Constitution algérienne doit être révisée en 2012, et plusieurs lois tendant à réformer le fonctionnement des institutions sont en cours d'examen. Pourriez-vous faire le point sur l'avancement de ces réformes et sur l'accueil qui leur est réservé par la population algérienne ?
Le 20 novembre 2007, vous m'avez fait l'honneur de me convier à une première audition dont je garde un excellent souvenir. Je suis heureux d'être de nouveau ici pour m'entretenir avec vous sur les évolutions enregistrées depuis quatre ans. Je crois que nous serons d'accord pour reconnaître qu'elles sont importantes dans la région méditerranéenne à laquelle l'Algérie et la France appartiennent.
Même si l'exercice n'est pas toujours simple, il faut essayer de faire une lecture objective de la situation. Dans un premier temps, je me propose d'aborder les évolutions qu'a connues l'Algérie, avant d'en venir aux relations bilatérales, si importantes pour nos deux pays.
Pour ce qui est des réformes, qui sont souvent l'angle sous lequel les observateurs envisagent les évolutions, je constate que votre pays s'est engagé dans une nouvelle étape dont l'objectif est d'améliorer les systèmes de gouvernance, notamment en affermissant les solidarités européennes ; de son côté, l'Algérie a bien changé depuis les années 2000 : de profondes réformes ont été engagées dans des domaines aussi importants que l'école, la justice, l'économie et les finances. Même notre Constitution a connu des évolutions : la plus remarquable d'entre elles a été l'adoption, en 2008, du principe selon lequel la femme doit participer davantage aux assemblées élues.
Je vous ai remis, en 2007, un rapport établi dans le cadre du mécanisme africain d'évaluation par les pairs. Depuis cette date, nous avons bien avancé dans l'application du projet d'actions qui avait été annoncé, et nous présenterons un deuxième rapport d'étape lors du prochain sommet de l'Union africaine, qui aura lieu à Addis-Abeba, au mois de janvier prochain. Je me réjouis à l'avance de vous transmettre ce rapport dès qu'il aura été présenté.
Le début de la décennie actuelle, qui est marqué par des évolutions exceptionnelles au plan régional, a été l'occasion pour l'Algérie d'engager une nouvelle étape en matière de réformes, conformément à ce qu'avait annoncé, le 15 avril dernier, M. le président de la République. Il s'agit d'instaurer plus de liberté et plus de transparence, d'élargir la participation au développement, de renforcer l'ouverture au plan politique et au plan économique, tout en améliorant les réponses aux attentes citoyennes.
Le processus est quasiment achevé au plan législatif. Au terme d'une large consultation préalable, nous avons enregistré des avancées qui sont indiscutables, même si elles restent, bien sûr, perfectibles. Le nouveau cadre législatif offrira ainsi de meilleures conditions pour préparer les élections législatives, prévues au printemps 2012.
Dès le second semestre de l'année qui vient, le processus de réformes sera consolidé par une révision de la Constitution : des dispositions nouvelles devraient permettre de consacrer au plus haut niveau les orientations annoncées en avril par le président Bouteflika, qui a souhaité consacrer son troisième mandat au renforcement des institutions républicaines et de l'état de droit, maintenant que la paix, la stabilité et la croissance sont rétablies – les résultats sont très encourageants et très clairement perceptibles par les Algériens.
Trois lois ont déjà été adoptées sur un total de six. Une quatrième loi, relative aux partis politiques, a été votée hier, et le Parlement devrait avoir adopté, avant la fin de l'année, l'ensemble des textes programmés : une loi électorale, une loi sur les incompatibilités avec le mandat parlementaire, une loi sur la participation des femmes aux assemblées élues, une loi sur les partis politiques, une loi sur l'information et une autre sur les associations.
S'agissant des femmes, l'objectif principal est de fixer des quotas en matière de participation. Un texte consensuel, adopté à l'issue de débats passionnés, prévoit que leur participation aux assemblées élues doit être comprise entre 20 % pour les petites communes et 50 % pour la communauté algérienne à l'étranger. Ces nouvelles dispositions prendront leur plein effet à l'occasion des prochaines élections législatives.
En ce qui concerne la transparence et la surveillance des élections, il est notamment prévu que les commissions électorales seront exclusivement composées de magistrats au niveau local, au niveau des wilayas et au niveau national. Le processus de consultation a montré qu'il s'agissait là d'une attente de la société civile.
Quant au renforcement de la liberté d'expression, le projet de loi du Gouvernement comporte deux dispositions principales : une ouverture au privé du secteur des médias lourds, dont de nombreux observateurs se réjouissent, et une dépénalisation des délits de presse, elle aussi souhaitée par les journalistes.
Pour ce qui est de la loi sur la liberté d'association, qui date de 1990 et grâce à laquelle plus de 90 000 associations ont pu être constituées, les évolutions consistent à instaurer une plus grande souplesse et une plus grande liberté en matière d'agrément et de fonctionnement.
Si vous le souhaitez, je reviendrai sur d'autres aspects de ces textes qui constituent le volet politique des réformes actuelles, à côté d'un certain nombre de mesures de nature économique – nous avons aussi engagé une consolidation du cadre juridique et organisationnel afin d'améliorer le climat des entreprises, algériennes comme françaises. Ces dernières sont de plus en plus nombreuses, ce dont nous nous réjouissons.
J'en viens maintenant aux relations entre l'Algérie et la France.
Au niveau politique, on observe une remarquable intensification des visites. Il y a trois jours, M. Guéant était ainsi à Alger, où il a pu apprécier l'ampleur des réformes engagées et la volonté du Gouvernement algérien de bâtir pas à pas, mais résolument, le partenariat d'exception souhaité dès 2007 par M. le président de la République. A cela s'ajoutent des échanges interparlementaires. Il y a trois jours, j'ai d'ailleurs été chargé par le Conseil de la nation de vous transmettre ses sentiments de considération et d'amitié.
L'augmentation de la fréquence des consultations ministérielles et parlementaires constitue, à nos yeux, un signe particulièrement encourageant. J'ai ainsi rencontré plusieurs fois M. Juppé depuis sa nomination, notamment à Alger et à New York, et j'aurai le plaisir de le revoir ce midi au Quai d'Orsay. Nos échanges sur les crises qui secouent le monde et sur les mutations auxquelles nous assistons aujourd'hui, en particulier autour de la Méditerranée, sont l'occasion de renforcer nos convergences et de mieux comprendre nos positions respectives sur certains sujets qui demeurent d'actualité, comme celui de la mémoire.
Au plan économique, la mission réussie de M. Raffarin et le travail remarquable engagé par M. Benmeradi et d'autres membres du Gouvernement algérien ont permis de débloquer plusieurs projets qui sont aujourd'hui entièrement finalisés dans le secteur des assurances et dans celui de l'industrie, notamment en ce qui concerne les matériaux de construction. La voie a également été ouverte à de nouveaux partenariats dans les domaines de l'automobile, de la pétrochimie et des industries pharmaceutique et agroalimentaire. Nous formons le voeu que le premier semestre 2012 soit l'occasion de conduire à leur terme les négociations en cours. Elles concernent des projets d'autant plus importants pour nous qu'ils s'inscrivent dans le cadre de l'objectif stratégique de diversification de l'économie algérienne, aujourd'hui trop dépendante du secteur des hydrocarbures, lequel représente plus de 40 % du PIB.
Le commerce bilatéral se porte bien – les chiffres l'attestent. Nos échanges sont depuis très longtemps supérieurs à dix milliards de dollars, et nous ne sommes pas travaillés par l'angoisse d'un déséquilibre bilatéral de la balance commerciale : contrairement à d'autres pays européens, avec lesquels les exportations des hydrocarbures sont supérieures aux importations, la France atteint plus ou moins l'équilibre, année après année. Les services, dont le poids ne cesse de croître dans nos échanges, offrent des exemples très emblématiques. Je pense, en particulier, au métro d'Alger, qui était très attendu et qui fonctionne à la satisfaction des Algérois et des Algériens avec le concours d'une entreprise française bien connue.
Présentes depuis toujours en Algérie, les entreprises françaises bénéficient des opportunités offertes par les plans de développement qui se succèdent : elles sont aujourd'hui plus nombreuses et plus actives, et elles réalisent de meilleures affaires. Nous sommes maintenant presque à mi-parcours du plan quinquennal 2010-2014, plus important que l'addition des deux plans précédents – je rappelle que les projets entièrement financés par le budget de l'État algérien représentent 300 milliards de dollars.
La coopération est également active et dense dans d'autres domaines, tels que la culture, la formation, la recherche scientifique et les solidarités actives, lesquelles sont malheureusement trop souvent dictées par les objectifs de sécurité régionale, en particulier au Sahel.
En dernier lieu, je tiens à rappeler que l'Algérie et la France ont en commun un atout très important, qui est le produit d'une histoire commune et en perpétuel mouvement : la communauté algérienne, dont je tiens à saluer l'importance, le dynamisme et l'engagement dans nos efforts de développement.
Vous avez presque implicitement répondu à la première question que je souhaitais vous poser : comment analysez-vous l'absence, en Algérie, de mouvements de contestation et de bouleversements semblables à ceux que le reste du monde arabe a connus ?
En second lieu, quel regard portez-vous sur les élections qui ont vu la victoire de certains partis religieux au Maroc et en Tunisie ? Dans le contexte actuel, pensez-vous qu'un tel courant pourrait devenir majoritaire dans votre pays lors des prochaines élections ?
Vous avez évoqué le « printemps arabe ». Comment le caractériseriez-vous ? L'Algérie pourrait être touchée par ce mouvement, qui est également susceptible d'avoir des répercussions sur l'Union pour la Méditerranée (UPM), dont nous avions accueilli la création comme une bonne nouvelle.
L'Algérie a-t-elle le sentiment que l'UPM existe toujours, ou bien votre pays est-il d'avis qu'il faudrait suivre une autre méthode ? On pourrait envisager une conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée, solution sans doute plus souple pour remplacer la photo de famille des dictateurs renvoyés par leur peuple.
S'agissant de la Syrie, quel rôle l'Algérie pourrait-elle jouer ?
J'en viens à la visite de M. Guéant dans votre pays : le ministre de l'intérieur aurait demandé une réduction de 10 % de l'immigration légale. Quel accueil votre pays a-t-il réservé à cette demande ?
En tant que vice-président du groupe d'études sur les rapatriés, je voudrais vous faire part des préoccupations d'un certain nombre de nos concitoyens au sujet des cimetières français en Algérie, qui souffrent de problèmes de conservation et parfois de profanations. Je pense, en particulier, à la région d'Oran. Quels éléments d'information pourriez-vous nous transmettre ?
L'année 2012 marquera le cinquantième anniversaire de l'indépendance algérienne. Le Gouvernement auquel vous appartenez envisage-t-il un geste d'ouverture et de réconciliation nationale envers ceux qui ont été du côté de la France ? Je rappelle qu'ils ne peuvent toujours pas revenir en Algérie.
Enfin, dans l'hypothèse où serait adoptée une proposition de loi visant à autoriser le droit de vote des étrangers aux élections locales, l'Algérie pourrait-elle envisager des dispositions semblables pour les Français vivant en Algérie ?
Merci, monsieur le ministre, d'avoir présenté en détail les principes selon lesquels l'Algérie est appelée à évoluer. Je crois que nous sommes nombreux à attendre que votre pays prenne place parmi les grandes nations démocratiques. Les différentes lois que vous avez évoquées vont dans ce sens. Membre du Conseil de l'Europe, j'espère que l'Algérie demandera aussi à être reconnue comme « partenaire avancé pour la démocratie », suivant l'exemple du Maroc, et qu'elle remplira les nombreuses obligations liées à ce statut.
Par ailleurs, je souhaiterais connaître votre avis sur l'évolution de la situation au Sahara occidental. Pensez-vous que le peuple sahraoui pourra enfin exercer le droit à l'autodétermination sur lequel l'ONU s'est engagée ? Quel rôle votre pays compte-t-il continuer à jouer pour accompagner cette demande légitime ? D'autres territoires, tels que le Kosovo, demandent à être reconnus comme des États. Il me semble que cela pourrait être aussi le cas du Sahara occidental.
S'agissant de l'Union pour la Méditerranée, quel rôle l'Algérie peut-elle jouer, grâce à son positionnement, à sa superficie et à ses moyens, pour assurer un lien entre l'Europe et le développement de l'Afrique ? Dans quelle mesure votre pays pourrait-il se retourner vers le continent pour l'accompagner ?
Merci, monsieur le ministre, de nous avoir présenté la situation actuelle de l'Algérie et ses évolutions.
Vous avez récemment indiqué qu'une délégation du conseil de transition libyen venait de se rendre en Algérie et qu'il y avait des échanges permanents entre les autorités algériennes et libyennes. Comment accompagnez-vous la transition en Libye et quelles relations comptez-vous développer avec ce pays ?
Par ailleurs, quel regard portez-vous sur les événements en Syrie ? Continuez-vous à penser que les autorités finiront par répondre positivement aux propositions de la Ligue arabe pour rétablir la paix, la sécurité et le dialogue ?
En dernier lieu, que pouvez-vous nous dire sur la situation dans les camps de Tindouf ? Quelles évolutions peut-on envisager ?
Nous avons été particulièrement sensibles à vos déclarations sur le partenariat d'exception et sur notre « histoire commune », dont vous avez dit qu'elle était « en perpétuel mouvement ».
Ce mouvement pourrait-il conduire à envisager, à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, une réciprocité pour les Français d'origine algérienne, dits « harkis » ?
L'année 2012 sera très importante pour l'Algérie et pour l'histoire commune de nos deux pays. Nous ne devons surtout pas manquer cette échéance. Pouvez-vous nous dire dans quelles dispositions d'esprit se trouve l'Algérie ? Il conviendrait non seulement de tourner des pages anciennes, à propos desquelles plusieurs questions vous ont été posées, mais aussi donner plus de corps au « partenariat d'exception », dont le contenu reste encore à construire.
Nous savons à quel point l'accueil des investissements importe à votre pays : vous souhaitez des partenariats permettant de créer des emplois chez vous, plutôt que des exportations françaises. Or, cet objectif est en partie contrarié par l'adoption, il y a trois ans, de dispositions qui imposent aux entreprises investissant dans votre pays d'être majoritairement constituées de capitaux algériens. Malgré certaines conséquences utiles, cette règle est un frein. Afin d'assouplir le dispositif et d'encourager les investissements français, pourrait-on imaginer une diversification des règles selon les secteurs ou les pays ?
La guerre en Libye a fait refluer des armes en grand nombre vers le Sahel, et l'on peut craindre qu'elles ne servent à des organisations terroristes. Une conférence de haut niveau s'est tenue à Alger, au mois de septembre, en vue d'établir un partenariat en matière de sécurité et de développement entre votre pays, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Pouvez-vous nous dire quelles ont été les avancées réalisées dans la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel et quels objectifs de développement vous vous fixez ?
M. Asensi m'a interrogé sur les événements qui se produisent depuis quelques mois dans la zone constituant le voisinage de l'Algérie, et il m'a demandé pour quelles raisons notre pays reste stable alors que d'autres connaissent des intifadas, des révolutions et des mutations très profondes. Je tiens à préciser que nous ne sommes pas les seuls à conserver une telle stabilité : c'est aussi le cas du Maroc, ce dont nous nous réjouissons, car nous souhaitons une zone stable. Par ailleurs, même s'il y a peut-être une insistance plus grande depuis le printemps dernier, les Algériens ne font que continuer à revendiquer ce qui leur semble faire partie de leurs droits.
Fort heureusement, les causes du « printemps arabe » n'étaient pas réunies à Alger : les pays concernés avaient un système centralisé en matière de pouvoir politique, ils ne reconnaissaient pas la liberté de la presse et ils n'avaient pas pris très au sérieux la question de l'équilibre régional et, dans certains cas, ethnique. Dans ces pays, qui vont de la Tunisie au Yémen, la pression exercée s'est trouvée mise à nu à cause de la conjoncture économique et sociale ou, parfois, à cause d'un simple événement. Les populations ont alors voulu renverser cette pression à la faveur d'une révolution ou d'une révolte.
En Algérie, le pluralisme politique existe depuis 1988 : des dizaines de partis sont représentés à l'Assemblée, et le Gouvernement rassemble, depuis 2000, entre trois et cinq partis politiques, dont un est de tendance islamiste. Nous sommes donc très loin d'un système centralisateur. En outre, je tiens à rendre hommage à la liberté de la presse exceptionnelle de l'Algérie – même si les membres du Gouvernement apprécient diversement les pointes d'humour auxquels ils sont soumis, celles-ci sont désormais entrées dans les moeurs. Si notre situation est différente, c'est aussi parce que nous avons engagé des réformes depuis dix ans, notamment en ce qui concerne l'école et la justice, et parce que notre situation s'est très sensiblement améliorée au plan économique et social. Le PIB par tête, le taux de chômage et le taux d'inflation montrent que l'Algérie a réalisé des avancées très positives au cours des dernières années.
En revanche, les Algériens n'ont pas changé : ils restent des frondeurs qui en veulent toujours plus, et ils ont bien raison. Ils ont donc saisi l'occasion du « printemps arabe » pour sortir plus souvent, parfois en faisant plus de bruit, mais la qualité des rapports entre le Gouvernement et la population a permis de traiter les doléances en apportant, le plus souvent, des solutions raisonnables et consensuelles, même s'il y a un coût budgétaire qu'il faudra assumer.
Selon nous, l'UPM présente une valeur ajoutée par rapport au processus de Barcelone que l'on peut résumer à la question suivante : comment faire de l'UPM une somme de projets concrets et opérationnels permettant de prendre en charge de manière plus économique et plus efficiente des demandes qui peuvent venir de chacun des pays concernés ?
Depuis 2008, nous n'avons pas eu l'impression de passer du domaine des idées à des projets concrets qui seraient en cours de développement. Pour sa part, l'Algérie apportera son appui à tout projet s'inscrivant dans une dynamique de résultats et d'efforts conjointement réalisés par les États, les opérateurs économiques et, dans certains cas, la société civile – je pense en particulier à la question de la formation. Nous sommes désireux de voir l'UPM avancer sur cette voie. En revanche, si elle s'engage dans les questions politiques en se dotant d'un secrétariat qui ne serait pas technique, économique ou opérationnel, elle en souffrira –c'est malheureusement le cas aujourd'hui. J'espère que les premiers projets vont naître en 2012 grâce à la nomination d'un nouveau secrétaire général, de nationalité marocaine, que nous avons soutenue, et grâce à l'expérience acquise au cours des dernières années. De toute façon, il n'y a pas d'autre choix possible pour les Méditerranéens que nous sommes. Nous n'avons pas d'autre salut que de travailler ensemble, mais il faut poser les règles du jeu et faire en sorte que la discipline soit consensuelle. C'est pourquoi nous croyons en une UPM revue et corrigée, et éventuellement boostée par une nouvelle conférence.
La Syrie est une source de préoccupation majeure pour les pays arabes et pour tous ceux qui s'intéressent à la situation de ce grand pays dont la profondeur historique est exceptionnelle et qui se trouve aujourd'hui – j'utilise des termes prudents – dans une situation de pré-guerre civile. La Ligue arabe a très rapidement porté une initiative appuyée par la communauté internationale malgré les difficultés et même si c'est parfois du bout des lèvres. Je profite de cette audition pour demander à nos amis français de continuer à nous aider à faire en sorte que cette initiative atteigne un point de non-retour. Pour aller dans cette direction, nous aurons aussi besoin que les Syriens eux-mêmes nous aident – je veux bien l'admettre.
Membre du comité ministériel chargé de promouvoir l'initiative de la Ligue arabe, l'Algérie s'efforcer d'exercer, d'une main, une pression positive sur les autorités, et de tendre l'autre main au gouvernement et à l'opposition pour créer les conditions d'un dialogue en dehors duquel nous sommes persuadés que la transition, attendue par les uns et par les autres, ne pourra pas avoir lieu. Nous essayons donc de donner autant de chances que possible à cette initiative arabe dont les principes sont l'arrêt des violences, la libération des détenus, l'ouverture d'un dialogue et une meilleure connaissance de ce qui se passe sur le terrain.
Ce dernier objectif est particulièrement important, car il nous semble que les informations en provenance de la Syrie ne sont pas toujours frappées du sceau de l'objectivité. Nous avons besoin qu'une commission, composée de représentants des États de la Ligue arabe ou de leurs sociétés civiles, se rende sur le terrain pour procéder à des vérifications et restituer l'information afin de nous permettre d'intervenir plus efficacement en faveur de la préservation des vies humaines. Le bilan augmente chaque jour, même si nous ignorons quelle est la part des civils, notamment les enfants, eux aussi touchés en grand nombre alors qu'ils ne sont pas parties au conflit, et celle des membres des forces de sécurité. Nous espérons parvenir à éviter l'internationalisation du conflit et les solutions extrêmes à l'oeuvre dans d'autres pays.
M. Guéant aurait proposé une baisse de l'immigration légale de 10 % à son homologue algérien : merci, monsieur Vauzelle, de cette information que j'essaierai d'utiliser au mieux. De mon côté, je peux vous dire qu'il n'est pas interdit de se fixer des objectifs. Celui de la réduction de l'immigration peut ne pas être porté seulement par l'Europe ou par la France, mais aussi par l'Algérie, surtout quand il s'agit de personnes que nous formons à grands frais et qui nous quittent trop souvent par la suite.
Je concède, monsieur Luca, que nous devons accorder toute notre attention, et même plus que cela, à la question des rapatriés et à la situation des cimetières en Algérie. Sur ce point, des efforts sont déjà réalisés, même s'ils ne sont pas suffisants. C'est une question de dignité et peut-être même un aspect central pour la mémoire. Comme tout ce que nous pourrons faire, d'un côté comme de l'autre, pour la dignité des êtres chers qui nous ont quittés sera toujours insuffisant, nous devons continuer notre travail.
Comme tous les anniversaires, celui des cinquante ans de notre indépendance sera l'occasion de former des voeux. Cela étant, je ne peux pas affirmer que des décisions seront prises le 5 juillet prochain : ce n'est pas ce que l'on attend d'un anniversaire, qui est plutôt l'occasion de faire un bilan. En quoi avons-nous fauté ? Dans quelle mesure avons-nous bien fait ? Comment nous améliorer ? Toutes les directions que vous avez indiquées sont à explorer, sans exception. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, la question du droit de vote s'il existe une réciprocité ? Nos pays évoluent à une vitesse parfois surprenante, comme en témoigne le « printemps arabe », et il n'y a pas de limite à la pensée, ni à l'action, si nous adoptons progressivement une même acception de la démocratie.
Quant au statut de partenaire avancé, je répondrai là aussi : pourquoi pas ? Si l'Algérie n'a pas encore adhéré à la politique européenne de voisinage (PEV), c'est parce qu'elle n'avait pas bien compris qu'on pouvait être un pays associé sans être concerné par cette politique. D'autres pays se sont trouvés dans le même cas et le fait est que la PEV a été rénovée. Elle nous paraît désormais plus sympathique, plus claire et plus souple. Je peux donc vous annoncer que nous avons décidé d'entamer des négociations exploratoires pour adhérer à cette politique. Si nous avançons sur cette voie, pourquoi ne pas passer aussi au statut de partenaire avancé ? Je crois que l'Algérie en a les moyens et qu'elle n'a pas vocation à se singulariser systématiquement en reculant ou en se marginalisant : compte tenu de son importance, elle doit, au contraire, aller de l'avant avec les autres pays, en partageant les profits.
En ce qui concerne le peuple sahraoui, nous n'avons jamais cessé de souhaiter qu'il bénéficie du droit à l'autodétermination. Il n'en demeure pas moins que c'est la communauté internationale qui gère le dossier, et non l'Algérie. Nous avons certes plus intérêt que d'autres pays à voir le problème réglé, mais il ne nous revient pas nécessairement d'être les premiers à alimenter la machine, même si les « conditions d'ambiance » font partie des objectifs de Christopher Ross. A cet égard, je rappelle que nous avons développé une coopération bilatérale avec le Maroc dans des secteurs très sensibles, en particulier pour les populations concernées, et que nous sommes convenus de continuer dans la même direction.
S'agissant de l'UPM et du développement africain, nous devons assurer, dans les deux cas, la rencontre entre des projets transversaux concernant l'Europe, la Méditerranée et l'Afrique. Pour sa part, l'Algérie porte plusieurs projets pour lesquels elle n'a pas attendu la création de l'UPM. Nous avons ainsi terminé la partie de la Transsaharienne qui nous concerne et nous avons aidé nos amis du Niger et du Mali à réaliser une partie des travaux dans leur pays. Les efforts étant achevés au Niger, entre 85 et 90 % de la transsaharienne sont aujourd'hui utilisables, la jonction avec l'Europe se faisant grâce à un port réalisé par l'Algérie, à Djen Djen. Tous les spécialistes reconnaissent que le transport de marchandises entre l'Europe et l'Afrique trouvera là le meilleur des débouchés. Le gazoduc qui doit relier le Nigéria à l'Europe, en traversant le Niger, est un second projet, porté de concert avec les Européens. Plus généralement, je rappelle que nous avons tracé les principales étapes de la jonction entre l'Europe, la Méditerranée et l'Afrique dans le cadre du NEPAD, le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique : nous devons travailler de manière solidaire avec le continent européen et la Méditerranée, tout en impulsant un mouvement plus franc d'intégration au plan continental.
Pour ce qui est de la Libye, le président Abdeljalil viendra probablement en Algérie avant la fin de l'année. Nos contacts avec les ministres libyens et avec le président Abdeljalil, que j'ai rencontré à Paris puis à New York, sont très encourageants. Du reste, l'Algérie et la Libye n'ont pas d'autre choix que de travailler ensemble et de renforcer leur solidarité. La situation demeure, en effet, très préoccupante, même si la page de Kadhafi est tournée : il faut veiller à préserver l'unité, mettre en place des institutions républicaines et reconstruire le pays. A cet égard, la Libye a des atouts financiers, mais il faudra l'aider au plan humain. Ce pays nous est très cher, comme à vous, il présente une dimension historique remarquable, et sa nouvelle vocation républicaine devrait donner des chances supplémentaires à l'UMA, l'Union du Maghreb arabe – cela pourrait être un effet insoupçonné du « printemps arabe ».
Quant aux Sahraouis présents à Tindouf, ils vont aussi bien que possible dans cette situation. L'Algérie aide beaucoup les Sahraouis, mais elle n'est pas seule à agir : tous ceux qui travaillent sur ce dossier, en particulier de nombreuses associations françaises, méritent notre considération.
L'histoire est effectivement en perpétuel mouvement, monsieur Bacquet, mais je crois m'être suffisamment exprimé sur la question des « harkis » en répondant à la question de M. Luca.
Comme à l'accoutumée, l'esprit dans lequel M. de Charette m'a posé ses questions l'honore. L'année 2012 sera importante, et nous allons faire en sorte qu'elle nous permette d'avancer ensemble – j'en parlerai tout à l'heure avec M. Juppé. Nous préparons un programme qui débutera le 5 juillet, dans un esprit qui n'est pas revanchard : ce sera plutôt l'occasion de nous évaluer nous-mêmes. Nous devrons non seulement veiller à ce que la dimension historique de ce mouvement révolutionnaire qu'a été la révolution algérienne n'échappe pas aux générations montantes, mais aussi adresser un message d'amitié et de coopération. Nous élaborons donc un programme sans tambour ni trompette, mais serein. Il me semble que nous devons nous demander, en France comme en Algérie, si nous ne pouvons pas essayer de faire avancer un certain nombre de projets pour marquer cet anniversaire. J'ai quelques idées que je soumettrai à M. Juppé.
Dans ce domaine très complexe qu'est l'économie, certaines dispositions peuvent sembler en contradiction avec l'objectif général. C'est en partie lié au fait que la communication n'a pas été suffisante. Cela étant, les investissements directs étrangers sont presque symboliques dans notre pays, compte tenu de son potentiel : on ne peut donc pas dire que les nouvelles mesures adoptées à l'occasion de la loi de finances complémentaire de 2009 ont freiné un flux. Par ailleurs, si ces dispositions ont pu être mal comprises, c'est moins le cas aujourd'hui. Je rappelle que nous discutons sur cette base avec Renault et de nombreuses autres entreprises européennes.
Pour autant, nous sommes conscients que rien n'est jamais acquis dans le domaine économique, comme dans le domaine politique : nous devons sans cesse nous évaluer et changer si nécessaire. C'est pourquoi les réformes concernent aussi le secteur des affaires, qui fait l'objet d'un groupe de travail. Le Gouvernement, les opérateurs économiques et les syndicats travaillent en ce moment à l'amélioration du climat des affaires, car nous savons que la bureaucratie est trop lourde : nous devons réaliser un effort de simplification pour exploiter tous nos atouts. On pourrait se demander si cette situation n'est pas liée à l'héritage colonial, mais c'est peut-être un argument un peu facile.
Monsieur Christ, les questions de sécurité au Sahel, notamment celles qui concernent les armes et les extrémismes dits religieux, nous préoccupent beaucoup. Si certains phénomènes sont plus visibles et plus audibles aujourd'hui, ils existaient déjà avant les événements qui ont eu lieu en Libye. Cela fait deux ans que nous travaillons avec les « pays du champ » : nous avons réussi à développer un certain nombre de synergies avec eux depuis la première conférence des ministres des affaires étrangères, qui s'est déroulée en mars 2010. Nous avons ainsi créé un centre d'état major conjoint, qui est opérationnel et dont la présidence tourne chaque année. C'est la preuve que nous pouvons nous approprier la question de sécurité de la zone dans le cadre des « pays du champ », mais cela ne signifie pas, pour autant, que nous sommes en mesure de régler seuls tous les problèmes. Sur ce point, la conférence organisée en septembre dernier à Alger a permis de poser les jalons d'un partenariat très sérieux avec les pays européens, notamment la France, et avec les Etats-Unis. Nous avons, en effet, des besoins en matière de formation, d'équipements spécialisés et de renseignement, domaine dans lequel un travail commun s'impose. Après la conférence d'Alger, qui a permis de dégager un consensus sur ces sujets, deux autres réunions ont été organisées, d'abord à Washington puis à Bruxelles, aujourd'hui même. Nous sommes donc en train de transformer en cadre opérationnel de coopération les intentions formulées au mois de septembre.
Pouvez-vous nous dire où en est l'Union du Maghreb arabe ? Estimez-vous que ce processus peut avancer indépendamment de la question du Sahara occidental ?
En second lieu, je rappelle que vous avez déclaré dimanche dernier, devant le Conseil de la nation, qu'un « nouveau départ de l'action maghrébine » était possible du fait des nouvelles conditions économiques et politiques. Pourriez-vous préciser votre pensée ?
Les récentes élections dans les pays du Maghreb et du Machrek qui ont connu le « printemps arabe » ont vu une poussée des partis islamistes. Pensez-vous que l'on pourrait assister à une contagion du phénomène en Algérie ?
Estimez-vous, par ailleurs, qu'il existe une compatibilité entre la démocratie telle qu'elle est pratiquée dans votre pays et la charia appliquée par les pays islamistes ?
Ma dernière question concerne la position de l'Algérie sur l'ensemble de la problématique du Moyen-Orient, notamment le conflit israélo-palestinien et l'Iran.
Vous avez indiqué que la place de la femme dans les assemblées élues avait fait l'objet de débats passionnés qui ont conduit à un consensus. Pouvez-vous revenir sur ces débats et nous expliquer comment le consensus s'est dégagé ?
Vous avez également dit que la présence exclusive de magistrats au sein des commissions électorales correspondait à un souhait de la société civile, qui a été consultée sur ce sujet. Comment cette consultation a-t-elle eu lieu ?
Le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie est une date importante. Les relations bilatérales ont toujours été marquées par un certain « je t'aime, moi non plus » entre nos peuples, qui présentent de nombreuses similitudes : les Algériens ont toutes les qualités des Français et tous leurs défauts, et vice-versa. Il y aura donc une forte émotion au moment du cinquantième anniversaire de l'indépendance. A cette occasion, on pourrait souhaiter quelques gestes montrant qu'on va de l'avant au lieu de toujours regarder en arrière.
J'en viens à la question de la croissance démographique, qui reste assez soutenue en Algérie. Cela fait-il partie des sujets sur lesquels le gouvernement algérien travaille ? Avez-vous adopté des mesures dans ce domaine ?
S'agissant de la question de la sécurité sur le flanc sud, que vous avez évoquée, je rappelle que l'émir dirigeant Aqmi pourrait avoir son siège chez vous.
Pourriez-vous nous apporter, monsieur le ministre, quelques éclaircissements sur la loi relative aux partis politiques qui vient d'être votée par l'Assemblée algérienne ?
Je m'associe, par ailleurs, à la question de M. Guibal sur la force des islamistes dans votre pays.
Vous avez évoqué la visite du ministre de l'intérieur, Claude Guéant, qui est aussi en charge des cultes. Pouvez-vous nous dire où en sont les relations avec les chrétiens en Algérie ? Je rappelle que nous facilitons la construction des lieux de culte dans notre pays.
De même que François Loncle, j'ai gardé un excellent souvenir de notre rencontre avec vous à Alger, juste après la conférence sur le terrorisme, qui a été un succès.
Vous avez indiqué que l'Algérie allait entrer dans une phrase préparatoire à son adhésion à la politique européenne de voisinage. Qu'en attendez-vous précisément ? Demandez-vous que l'Europe fasse davantage d'efforts pour accélérer l'initiative en faveur du Sahel ? Je rappelle que son développement est un élément clef dans la lutte contre Aqmi.
Ancien rapporteur de la convention de partenariat entre l'Algérie et la France, je me félicite des propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre.
L'Algérie consacrant une part très importante de sa richesse nationale à l'armée, j'aimerais savoir quelle est l'évolution de sa politique militaire. Des grands programmes d'équipement sont-ils prévus ?
La diplomatie concerne aussi l'économie – vous êtes d'ailleurs économiste et expert en énergie. Dans ce domaine, un accord de coopération pour le développement et les utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire a été signé par votre pays, le 21 juin 2008. Que pensez-vous de l'avenir de l'énergie électrique d'origine nucléaire ?
Président du groupe d'amitié entre la France et l'Algérie, je fais partie des défenseurs de la notion de diplomatie parlementaire, qui peut accompagner la diplomatie des États. A cet égard, je rappelle que le président de notre Assemblée, Bernard Accoyer, et celui de l'Assemblée algérienne, Abdelaziz Ziari, ont décidé de constituer une grande commission. Nous souhaiterions qu'elle se réunisse une deuxième fois, si possible avant les élections qui auront lieu dans votre pays comme dans le nôtre. C'est un point sur lequel nous souhaiterions vivement que vous puissiez influencer le Parlement algérien, en particulier l'Assemblée populaire nationale.
Tout d'abord, je rappelle que nous venons de lancer une Banque maghrébine pour le commerce et le commerce extérieur. Cette banque, attendue depuis longtemps, est désormais dotée d'un capital. Installée à Tunis, elle débutera ses opérations sur le terrain dès l'année prochaine. C'est là un symbole de l'action que nous entendons mener dans le cadre de l'UMA : nous avons déjà réduit les différences systémiques entre nos pays, qui sont tous libéraux au plan économique ou très avancés sur cette voie, et dont le droit économique est de plus en plus cohérent – c'était notamment une nécessité pour le développement de nos liens avec l'Europe.
Au plan politique, les événements en Libye et en Tunisie nous font espérer la possibilité de donner une plus grande cohérence à notre volonté de construction commune dans le cadre du Maghreb. Avec le Maroc, nous devons certes gérer le problème du Sahara occidental, mais nous avons décidé de considérer que cette question ne devait pas gêner le développement de l'UMA. Lorsqu'elle a été créée, il y a 21 ans, la question du Sahara occidental se posait déjà. Nous aurons naturellement beaucoup de travail à réaliser dans les prochains mois, et nous attendons avec beaucoup d'intérêt l'installation du gouvernement tunisien et du gouvernement marocain, après celui de la Libye. Les ministres des affaires étrangères doivent se réunir dès le début de l'année prochaine pour évaluer la situation et continuer à avancer – tel était l'état d'esprit de mes homologues, il y a quelques jours encore, et la relève qui vient ne m'inquiète pas. Je rappelle, au demeurant, que la politique diplomatique est suivie, à ce niveau, par les chefs d'Etat, notamment Sa Majesté le roi du Maroc.
L'émergence de mouvements islamistes en Tunisie et en Egypte peut-elle aussi concerner l'Algérie ? Nous avons montré la voie : depuis l'indépendance, le substrat juridique algérien contient de nombreux éléments empruntés à la charia, notamment dans le domaine du droit de la famille. Par ailleurs, nous avons cassé le parti unique depuis l'intifada de 1988 : il y a de nombreux partis islamistes à l'Assemblée, et l'un d'entre eux est représenté au Gouvernement depuis onze ans, y compris à des postes très importants. Le ministre des travaux publics, qui constituent le principal poste du budget d'équipement, est aujourd'hui issu de la mouvance islamique. Nous n'avons donc pas attendu les récents événements pour ouvrir la porte à tous ceux qui souhaitent travailler dans le cadre du respect de l'alternance et de l'ordre républicain, et non prendre le pouvoir par les armes.
Nous avons, en revanche, fermé la porte aux autres. De même que la précédente loi sur les élections, le texte adopté hier ne permettra pas à ceux qui sont convaincus de crime de sang de créer des partis politiques ou d'exercer un rôle dirigeant en leur sein. Le nouveau texte ne fait que préciser ce principe, conformément aux lignes rouges fixées par le référendum de 2005, dont la valeur est supérieure à la loi.
Les questions concernant le Moyen-Orient et l'Iran sont souvent croisées : le problème de la Palestine et d'Israël, auquel les pays arabes s'efforcent de trouver une solution, s'accompagne ainsi d'interférences dans le domaine du nucléaire, un des pays disposant de capacités que d'autres souhaiteraient également obtenir. De son côté, l'Algérie milite pour la réduction de l'armement nucléaire, en particulier dans le cadre de la conférence de Genève. Nous espérons, par ailleurs, que l'organisation d'une conférence visant à faire du Moyen-Orient une zone exempte d'armes nucléaires permettra de grandes avancées en 2012.
Pour ce qui est de l'Iran, nous considérons que ce pays a le droit d'utiliser le nucléaire à des fins pacifiques, comme tous les pays, notamment l'Algérie. Nous faisons d'ailleurs usage de ce droit en travaillant avec nos amis français dans le domaine de la formation, indispensable pour que l'énergie nucléaire puisse s'inscrire sans risque dans notre paysage énergétique. Je rappelle que nous travaillons actuellement à la création d'un institut supérieur de formation – c'est la première et la plus importante conséquence de l'accord signé avec la France en 2008.
Pour ce qui est des femmes, le quota est de 20 % lorsque le nombre de sièges est inférieur ou égal à quatre dans une commune, de 30 % à partir de cinq sièges, de 35 % à partir de quinze et de 40 % au-delà de trente-deux, ce qui permet de coller à la sociologie du terrain. Le projet initial du Gouvernement prévoyait un taux de 30 % dans tous les cas, mais les débats intenses qui ont eu lieu à l'Assemblée ont conduit à un éventail plus large, compris entre 20 et 40 %, et même 50 % pour la communauté algérienne votant à l'étranger.
Comment avons-nous procédé aux consultations concernant la composition des commissions électorales ? Dans sa volonté de réforme, le Président de la République n'a pas seulement sollicité le Gouvernement, mais il a aussi chargé le Président du Sénat, deuxième personnalité de l'État, d'écouter le plus grand nombre possible de partis politiques, d'associations et de responsables. Il s'agissait de procéder, non à des négociations, mais à une écoute sur le fondement de laquelle le Gouvernement a été chargé de faire des propositions. S'agissant de la composition des commissions électorales, il a suivi la demande de la société civile.
Nous devons réfléchir aux gestes souhaités par M. Myard. Sur ce point, je rappelle que nous cherchons, depuis quinze ans, un terrain à Paris pour l'Ecole internationale qui doit voir le jour. Ce serait l'occasion de se souvenir du rôle joué par les étudiants algériens, notamment dans le cadre de l'UGEMA, l'Union générale des étudiants musulmans algériens. Mais ce n'est qu'un exemple des projets que l'on pourrait réaliser pour le cinquantième anniversaire de notre indépendance.
Il est vrai que nous devons maîtriser la croissance démographique. Outre les techniques contraceptives, déjà assez développées dans notre pays, deux autres facteurs agissent : l'éducation des femmes, domaine dans lequel nous avons connu une évolution remarquable – les femmes sont ainsi plus nombreuses que les hommes à l'Université – et la pression exercée par l'habitat. Quand ce dernier est trop étriqué, le taux de natalité diminue, car l'âge du mariage est plus tardif. Avec tous les efforts en cours de réalisation en matière de logement, nous avons sans doute poussé à la hausse la pression démographique, mais celle-ci reste dans des limites raisonnables.
Monsieur Myard, je ne suis malheureusement pas en mesure de fournir l'adresse de l'émir que vous avez évoqué. Je croyais qu'il s'était expatrié depuis longtemps, mais nous serons heureux d'apprendre, par le canal qui vous siéra, les éléments dont vous disposez.
Dans le domaine du culte, la loi ne doit être discriminatoire ni France ni en Algérie : les conditions doivent être les mêmes pour les musulmans et pour ceux qui ne le sont pas. Il faut être vigilant et proactif sur ce point. Des demandes ont été exprimées par la communauté algérienne en ce qui concerne les mosquées, mais aussi par des Algériens désireux d'embrasser un autre culte. Afin d'éviter les difficultés, il faut éviter qu'il y ait trop de pesanteur : nous sommes pour le dialogue des civilisations et nous souhaitons que le cinquantième anniversaire de l'indépendance apporte le témoignage que l'Algérie, qui a tant souffert et qui n'oublie pas ses souffrances, est une terre d'amitié, de fraternité et de coopération avec tous, en particulier les Français.
De plus, j'aurai certainement l'occasion de rappeler à nos amis de Bruxelles qu'il n'y a pas plus européen que l'Algérie. Si l'histoire avait été différente, nous serions d'ailleurs membres de l'Union européenne depuis longtemps – nous étions encore français au moment du traité de Rome. C'est là un simple rappel historique que je fais en réponse à M. Jean-Paul Lecoq.
J'en viens à l'armée : là aussi, il fallu investir pour moderniser l'équipement et la formation. En 2008, nous avons conclu un accord de coopération avec la France. Il n'est pas encore ratifié, mais nous ne désespérons pas qu'il le soit avant la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.
Pour ce qui est du nucléaire, nous appliquons avec beaucoup d'intérêt l'accord de 2008, en particulier dans le domaine de la formation. Je tiens également à préciser que nous n'envisageons pas d'investir dans le nucléaire avant une dizaine, voire une quinzaine d'années, car on ne s'improvise pas producteur d'électricité dans un tel domaine. Nous nous trouvons, pour le moment, dans une phase de préparation. J'ajoute que l'Algérie ne doit pas se contenter d'exporter du pétrole et du gaz : elle doit aussi développer des partenariats pour produire de l'électricité grâce à l'énergie solaire – c'est là notre avenir.
La question de la grande commission concernant les parlementaires, je me ferai auprès d'eux le messager et l'avocat de la proposition formulée par M. Derosier. J'appellerai M. Ziari et M. Bensalah dès mon retour à Alger et, si vous m'invitez à la réunion que vous appelez de vos voeux, je serai très volontiers des vôtres.
Je vous remercie, au nom de tous mes collègues, d'avoir répondu de façon aussi approfondie et intéressante à nos questions. J'observe, par ailleurs, que c'est votre audition qui a réuni le plus grand nombre de députés au sein de notre Commission depuis le début de la législature.
La séance est levée à onze heures dix.