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Intervention de Mourad Medelci

Réunion du 7 décembre 2011 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire :

Le 20 novembre 2007, vous m'avez fait l'honneur de me convier à une première audition dont je garde un excellent souvenir. Je suis heureux d'être de nouveau ici pour m'entretenir avec vous sur les évolutions enregistrées depuis quatre ans. Je crois que nous serons d'accord pour reconnaître qu'elles sont importantes dans la région méditerranéenne à laquelle l'Algérie et la France appartiennent.

Même si l'exercice n'est pas toujours simple, il faut essayer de faire une lecture objective de la situation. Dans un premier temps, je me propose d'aborder les évolutions qu'a connues l'Algérie, avant d'en venir aux relations bilatérales, si importantes pour nos deux pays.

Pour ce qui est des réformes, qui sont souvent l'angle sous lequel les observateurs envisagent les évolutions, je constate que votre pays s'est engagé dans une nouvelle étape dont l'objectif est d'améliorer les systèmes de gouvernance, notamment en affermissant les solidarités européennes ; de son côté, l'Algérie a bien changé depuis les années 2000 : de profondes réformes ont été engagées dans des domaines aussi importants que l'école, la justice, l'économie et les finances. Même notre Constitution a connu des évolutions : la plus remarquable d'entre elles a été l'adoption, en 2008, du principe selon lequel la femme doit participer davantage aux assemblées élues.

Je vous ai remis, en 2007, un rapport établi dans le cadre du mécanisme africain d'évaluation par les pairs. Depuis cette date, nous avons bien avancé dans l'application du projet d'actions qui avait été annoncé, et nous présenterons un deuxième rapport d'étape lors du prochain sommet de l'Union africaine, qui aura lieu à Addis-Abeba, au mois de janvier prochain. Je me réjouis à l'avance de vous transmettre ce rapport dès qu'il aura été présenté.

Le début de la décennie actuelle, qui est marqué par des évolutions exceptionnelles au plan régional, a été l'occasion pour l'Algérie d'engager une nouvelle étape en matière de réformes, conformément à ce qu'avait annoncé, le 15 avril dernier, M. le président de la République. Il s'agit d'instaurer plus de liberté et plus de transparence, d'élargir la participation au développement, de renforcer l'ouverture au plan politique et au plan économique, tout en améliorant les réponses aux attentes citoyennes.

Le processus est quasiment achevé au plan législatif. Au terme d'une large consultation préalable, nous avons enregistré des avancées qui sont indiscutables, même si elles restent, bien sûr, perfectibles. Le nouveau cadre législatif offrira ainsi de meilleures conditions pour préparer les élections législatives, prévues au printemps 2012.

Dès le second semestre de l'année qui vient, le processus de réformes sera consolidé par une révision de la Constitution : des dispositions nouvelles devraient permettre de consacrer au plus haut niveau les orientations annoncées en avril par le président Bouteflika, qui a souhaité consacrer son troisième mandat au renforcement des institutions républicaines et de l'état de droit, maintenant que la paix, la stabilité et la croissance sont rétablies – les résultats sont très encourageants et très clairement perceptibles par les Algériens.

Trois lois ont déjà été adoptées sur un total de six. Une quatrième loi, relative aux partis politiques, a été votée hier, et le Parlement devrait avoir adopté, avant la fin de l'année, l'ensemble des textes programmés : une loi électorale, une loi sur les incompatibilités avec le mandat parlementaire, une loi sur la participation des femmes aux assemblées élues, une loi sur les partis politiques, une loi sur l'information et une autre sur les associations.

S'agissant des femmes, l'objectif principal est de fixer des quotas en matière de participation. Un texte consensuel, adopté à l'issue de débats passionnés, prévoit que leur participation aux assemblées élues doit être comprise entre 20 % pour les petites communes et 50 % pour la communauté algérienne à l'étranger. Ces nouvelles dispositions prendront leur plein effet à l'occasion des prochaines élections législatives.

En ce qui concerne la transparence et la surveillance des élections, il est notamment prévu que les commissions électorales seront exclusivement composées de magistrats au niveau local, au niveau des wilayas et au niveau national. Le processus de consultation a montré qu'il s'agissait là d'une attente de la société civile.

Quant au renforcement de la liberté d'expression, le projet de loi du Gouvernement comporte deux dispositions principales : une ouverture au privé du secteur des médias lourds, dont de nombreux observateurs se réjouissent, et une dépénalisation des délits de presse, elle aussi souhaitée par les journalistes.

Pour ce qui est de la loi sur la liberté d'association, qui date de 1990 et grâce à laquelle plus de 90 000 associations ont pu être constituées, les évolutions consistent à instaurer une plus grande souplesse et une plus grande liberté en matière d'agrément et de fonctionnement.

Si vous le souhaitez, je reviendrai sur d'autres aspects de ces textes qui constituent le volet politique des réformes actuelles, à côté d'un certain nombre de mesures de nature économique – nous avons aussi engagé une consolidation du cadre juridique et organisationnel afin d'améliorer le climat des entreprises, algériennes comme françaises. Ces dernières sont de plus en plus nombreuses, ce dont nous nous réjouissons.

J'en viens maintenant aux relations entre l'Algérie et la France.

Au niveau politique, on observe une remarquable intensification des visites. Il y a trois jours, M. Guéant était ainsi à Alger, où il a pu apprécier l'ampleur des réformes engagées et la volonté du Gouvernement algérien de bâtir pas à pas, mais résolument, le partenariat d'exception souhaité dès 2007 par M. le président de la République. A cela s'ajoutent des échanges interparlementaires. Il y a trois jours, j'ai d'ailleurs été chargé par le Conseil de la nation de vous transmettre ses sentiments de considération et d'amitié.

L'augmentation de la fréquence des consultations ministérielles et parlementaires constitue, à nos yeux, un signe particulièrement encourageant. J'ai ainsi rencontré plusieurs fois M. Juppé depuis sa nomination, notamment à Alger et à New York, et j'aurai le plaisir de le revoir ce midi au Quai d'Orsay. Nos échanges sur les crises qui secouent le monde et sur les mutations auxquelles nous assistons aujourd'hui, en particulier autour de la Méditerranée, sont l'occasion de renforcer nos convergences et de mieux comprendre nos positions respectives sur certains sujets qui demeurent d'actualité, comme celui de la mémoire.

Au plan économique, la mission réussie de M. Raffarin et le travail remarquable engagé par M. Benmeradi et d'autres membres du Gouvernement algérien ont permis de débloquer plusieurs projets qui sont aujourd'hui entièrement finalisés dans le secteur des assurances et dans celui de l'industrie, notamment en ce qui concerne les matériaux de construction. La voie a également été ouverte à de nouveaux partenariats dans les domaines de l'automobile, de la pétrochimie et des industries pharmaceutique et agroalimentaire. Nous formons le voeu que le premier semestre 2012 soit l'occasion de conduire à leur terme les négociations en cours. Elles concernent des projets d'autant plus importants pour nous qu'ils s'inscrivent dans le cadre de l'objectif stratégique de diversification de l'économie algérienne, aujourd'hui trop dépendante du secteur des hydrocarbures, lequel représente plus de 40 % du PIB.

Le commerce bilatéral se porte bien – les chiffres l'attestent. Nos échanges sont depuis très longtemps supérieurs à dix milliards de dollars, et nous ne sommes pas travaillés par l'angoisse d'un déséquilibre bilatéral de la balance commerciale : contrairement à d'autres pays européens, avec lesquels les exportations des hydrocarbures sont supérieures aux importations, la France atteint plus ou moins l'équilibre, année après année. Les services, dont le poids ne cesse de croître dans nos échanges, offrent des exemples très emblématiques. Je pense, en particulier, au métro d'Alger, qui était très attendu et qui fonctionne à la satisfaction des Algérois et des Algériens avec le concours d'une entreprise française bien connue.

Présentes depuis toujours en Algérie, les entreprises françaises bénéficient des opportunités offertes par les plans de développement qui se succèdent : elles sont aujourd'hui plus nombreuses et plus actives, et elles réalisent de meilleures affaires. Nous sommes maintenant presque à mi-parcours du plan quinquennal 2010-2014, plus important que l'addition des deux plans précédents – je rappelle que les projets entièrement financés par le budget de l'État algérien représentent 300 milliards de dollars.

La coopération est également active et dense dans d'autres domaines, tels que la culture, la formation, la recherche scientifique et les solidarités actives, lesquelles sont malheureusement trop souvent dictées par les objectifs de sécurité régionale, en particulier au Sahel.

En dernier lieu, je tiens à rappeler que l'Algérie et la France ont en commun un atout très important, qui est le produit d'une histoire commune et en perpétuel mouvement : la communauté algérienne, dont je tiens à saluer l'importance, le dynamisme et l'engagement dans nos efforts de développement.

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