COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 29 novembre 2011
La séance est ouverte à quatorze heures trente.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)
La Commission examine, en vue de la lecture définitive, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (n° 4007) (MM. Yves Bur, Jean-Pierre Door, Mme Bérengère Poletti, M. Denis Jacquat et Mme Martine Pinville, rapporteurs).
Par lettre datée du 24 novembre 2011, le Premier ministre demande à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
À ce stade de la procédure, en raison de l'échec de la commission mixte paritaire et du rejet du texte en nouvelle lecture par le Sénat, l'Assemblée ne peut se prononcer que sur le dernier texte adopté par elle en nouvelle lecture, le 22 novembre, sans avoir la possibilité de l'amender.
En dépit de la crise que traversent l'Europe et la France et malgré les aménagements auxquels nous avons été conduits à procéder pour respecter notre engagement de réduire les dépenses sociales, le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer maintient un haut niveau de solidarité face à la maladie et au vieillissement ainsi qu'à l'égard des familles. C'est pourquoi je vous invite, chers collègues, à approuver définitivement ce projet.
Selon la presse de ce jour, un compromis serait intervenu entre le Gouvernement et la majorité présidentielle pour abaisser le plafond des indemnités journalières à 1,8 SMIC, soit quelque 2 500 euros bruts, afin de compenser l'abandon du quatrième jour de carence – dont nous sommes venus à bout avec votre aide, monsieur le président de la commission ! Vous aviez en effet fort justement remarqué qu'une perte de quarante euros sur un mois était difficilement supportable pour un smicard.
Pouvons-nous nous fier à l'information parue sur le site internet d'un quotidien sérieux ? Si oui, quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur une mesure qui n'est pas d'ordre législatif mais réglementaire ?
Le Gouvernement aura l'occasion de préciser les mesures lui permettant de trouver les 200 millions d'euros nécessaires pour ramener le taux de progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 2,5 %.
S'agissant des indemnités journalières, nous sommes nombreux à défendre l'arbitrage du Gouvernement car il protège 70 % des salariés. Quant aux 30 % restants, les statistiques indiquent qu'ils bénéficient, pour la majeure partie d'entre eux, de systèmes de prise en charge collective de leurs journées d'arrêt maladie, ce qui n'est pas le cas des salariés des très petites entreprises et des PME payés entre 1 et 1,4 SMIC.
Cet arbitrage, financièrement efficace et socialement juste, nous permet de respecter nos engagements en matière budgétaire.
À titre personnel, je pense que votre raisonnement, valable à court terme, ne le sera plus à moyen ou long terme. En effet, plus on réduira la prise en charge des indemnités journalières par la sécurité sociale, plus il y aura d'entreprises à refuser de payer des surprimes permettant de couvrir leurs salariés. Dans cinq ou six ans, nombre de celles qui assurent aujourd'hui à leurs salariés une telle couverture se seront désengagées, parce que leurs assurances, en dépit des contrats de groupe, auront fini par refuser de suivre la hausse du nombre de jours de carence, si bien que des salariés gagnant 2 500 euros bruts et plus seront menacés de carence complète.
Il s'agit d'une mesure générale d'économie et non pas, contrairement à ce que l'UMP avait envisagé à la suite de Dominique Tian, d'une mesure relevant de la lutte contre la fraude aux arrêts maladie. Elle pénalisera tous les salariés malades, les fraudeurs ne représentant qu'une infime proportion d'entre eux.
Les salariés des TPE et des PME seront une nouvelle fois particulièrement pénalisés, puisqu'ils sont généralement moins couverts que les autres par des accords collectifs.
Le président Pierre Méhaignerie a eu raison de souligner que 70 % des salariés seront épargnés par cette baisse des indemnités journalières – contrairement à ce qui se serait produit si le Gouvernement avait maintenu sa première proposition de baisse généralisée.
De plus, au-delà de 1,8 SMIC, non seulement une plus grande partie des salariés est couverte par les contrats de prévoyance mais, de plus, le nombre d'arrêts maladie est inférieur à ce qu'il est chez les smicards, souvent soumis à un travail plus pénible.
Enfin, madame Lemorton, je tiens à rappeler que le budget prévoyance des entreprises, dont le régime social est considéré par la Cour des comptes comme une niche sociale, s'élève à quelque 13 milliards d'euros. Vu ce montant, un transfert de 150 millions ne saurait déséquilibrer de manière significative l'économie de la prévoyance.
Même avec une hausse de l'ONDAM limitée à 2,5 %, la France conserve, personne ne le conteste, le système social le plus protecteur d'Europe. Il est possible que quelques entreprises soient progressivement tentées de réduire leur prise en charge des arrêts maladie, mais cela restera marginal.
Monsieur Mallot, je le répète, 70 % des salariés ne seront pas touchés et les 30 % restants, les statistiques le montrent, travaillent généralement dans des entreprises disposant de systèmes de protection. Cet arbitrage doit être considéré comme le moins mauvais possible, si on appartient à l'opposition, et comme le meilleur, si on appartient à la majorité.
Je maintiens qu'il s'agit d'une mesure générale s'appliquant aux salariés effectivement malades : elle n'entre donc pas dans la démarche initiale de l'UMP et du Gouvernement visant à lutter contre la fraude aux arrêts maladie.
À salaire égal, elle pénalisera évidemment les salariés qui ne sont pas couverts par des assurances : or ces derniers travaillent majoritairement dans les très petites entreprises.
Soyons clairs : conformément aux conclusions de la MECSS que nous approuvons tous, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 comprend des mesures de lutte contre la fraude et celles-ci permettront de réaliser une partie des économies demandées par le Gouvernement. Quant à la baisse des indemnités journalières, elle n'est pas une mesure de lutte contre la fraude aux arrêts maladie. C'est une simple mesure d'économie.
Cette mesure ne vise pas, effectivement, à lutter contre la fraude.
Vous devriez nous suivre sur ce compromis. En effet, le Gouvernement envisageait au départ de réduire le montant des indemnités journalières, ce qui aurait pénalisé chaque mois l'ensemble des salariés malades. C'est pourquoi la commission des affaires sociales lui avait demandé de revoir sa copie.
C'est chose faite. Les plus fragiles ne seront donc pas pénalisés par la mesure finalement retenue.
La Commission adopte le projet de loi voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La séance est levée à quatorze heures cinquante-cinq.