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Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Séance du 9 juin 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CNC
  • cinéma
  • fiction
  • taxe
  • télévision

La séance

Source

PermalienPhoto de Olivier Carré

Je vous souhaite la bienvenue devant notre mission d'évaluation et de contrôle, qui a choisi de s'intéresser plus particulièrement cette année au financement des politiques culturelles de l'État par des ressources affectées. Dans ce cadre, il nous a paru nécessaire de rencontrer des représentants de ceux qui contribuent au financement des organismes du domaine culturel, en s'acquittant des taxes parafiscales, et qui bénéficient aussi de leurs actions. Ainsi, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) reçoit beaucoup d'argent des éditeurs de services de télévision que vous représentez, mais il leur en redistribue également beaucoup, indirectement, par le soutien qu'il apporte au secteur de la création audiovisuelle. Procède-t-il de la sorte à une régulation utile à la profession ? C'est une des questions que nous vous poserons ce matin. Je vous indique que les représentants de TF1 et Canal + ne pouvant être présents, leurs contributions écrites nous seront adressées ultérieurement.

Issus de groupes parlementaires différents et appartenant aux commissions des Finances et des Affaires culturelles, nos rapporteurs sont Richard Dell'Agnola, Nicolas Perruchot et Marcel Rogemont, ce dernier étant retenu ce matin en séance publique. Ils sont assistés par la Cour des comptes, représentée aujourd'hui par M. Antoine Mory et Mme Blandine Sorbe, auditeurs à la troisième chambre.

PermalienPhoto de Richard Dell'Agnola

Nous aimerions tout d'abord savoir si les taxes affectées au CNC et dont vous être redevables vous paraissent légitimes. Sont-elles adaptées au regard des évolutions du secteur de l'audiovisuel ?

PermalienYann le Prado, responsable des acquisitions sur Direct 8 et directeur général adjoint de Direct Star

Les chaînes de Bolloré Médias, en particulier Direct 8 et Direct Star, contribuent fortement, via la « taxe COSIP » (compte de soutien à l'industrie de programmes), aux ressources du CNC. Depuis qu'elles existent, 6,2 millions d'euros ont été prélevés de la sorte, pour moitié au cours de la seule année 2011. Si l'on y ajoute les contributions aux sociétés d'auteurs comme la SACEM et à d'autres sociétés de gestion collective comme la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), pas moins de 16 millions d'euros ont été alloués par nos chaînes à la création dans son ensemble, somme qui ne comprend bien évidemment pas tous les achats que nous effectuons, lesquels contribuent également à la création, en finançant les distributeurs et les producteurs.

Outre qu'elle nous retarde dans notre recherche d'un équilibre financier, cette taxe nous paraît injuste pour une société en développement comme la nôtre car elle est assise sur un pourcentage du chiffre d'affaires, et il est plus pénalisant d'être privé de 55 000 euros sur un chiffre d'affaires total d'un million d'euros que de 5,5 millions sur 100…

L'objectif de cette taxe est toutefois légitime puisqu'il s'agit d'aider la création. Ce sont surtout les oeuvres audiovisuelles originales à vocation patrimoniale qui bénéficient du compte : fictions, animations, documentaires, captations de spectacles vivants, magazines présentant un intérêt culturel, vidéo-musiques.

Par un choix de positionnement éditorial, nous ne faisons pas d'animation. Qui plus est, nous ne sommes pas encore à même de financer nous-mêmes des fictions, genre dont la fabrication est très onéreuse – je ne parle pas de la fiction low cost, qui ne donne guère que des audiences au rabais. Le système nous bénéficie donc moins qu'aux chaînes historiques.

En revanche, nous pouvons escompter des aides pour la captation de spectacles vivants, notre convention nous faisant obligation de capter chaque année une vingtaine de spectacles inédits. Pourtant, nous nous sommes aperçus que les producteurs avec lesquels nous travaillons avaient la plus grande peine à se faire aider par le CNC. En effet, les critères d'attribution de l'aide sélective sont assez opaques et subjectifs, comme si le projet, le producteur et la chaîne étaient appréciés a priori. Pour parler clairement, Direct 8 n'est pas Arte, la première faisant souvent l'objet d'un a priori négatif et la seconde d'un a priori positif, au nom d'une vocation culturelle supposément plus affirmée… Nous avons ainsi les plus grandes difficultés à trouver des producteurs aidés pour réaliser des captations de qualité.

La situation est identique pour le documentaire de création. Direct 8 s'est engagé dans une politique de production de documentaires tout à fait respectables, sur des sujets difficiles, comme celui sur la situation des transsexuels au Bangladesh – diffusé d'ailleurs également sur Arte. En l'occurrence, le producteur a obtenu l'aide du CNC. Mais nous avons aussi développé sous une « marque ombrelle », Quartier général, une série de documentaires de prime time, forme de cinéma du réel avec une qualité d'écriture, une vraie vision de l'auteur, un montage original et soigné, un commentaire très personnel, et pour lesquels nous prenons énormément de risques. Or, parce que certains perçoivent, de façon subjective, ces émissions comme relevant davantage du magazine que du documentaire, nous avons de grandes difficultés à obtenir des aides. C'est dommage ! Direct Star commande aussi des documentaires musicaux de très grande qualité à des producteurs extérieurs, qui parviennent souvent à se faire aider par le CNC, ce qui n'est pas le cas de nos productions internes, qui portent pourtant sur les mêmes sujets et sont de même qualité.

Le dispositif actuel devrait en outre être remis à plat car il me paraît inadapté à l'arrivée des télés connectées : certains acteurs, parfois même basés à l'étranger, vont pouvoir dégager des profits avec des contenus aidés par le CNC sans avoir contribué eux-mêmes au financement de cet écosystème.

PermalienGérald Brice Viret, directeur général du pôle télévision de NRJ 12

NRJ 12 est une jeune chaîne issue de la génération TNT de 2005, mais surtout une chaîne « isolée » puisque nous sommes ici les seuls à ne disposer que d'une seule chaîne sur la TNT.

La production française est au coeur de notre écosystème car cela nous permet de défendre une ligne éditoriale distincte et de maîtriser nos coûts de grille : nous travaillons avec 50 producteurs, avec un coût de grille plafonné pour les prochaines années.

Je m'étonne que le dernier rapport du CNC laisse entendre que les chaînes de la TNT ne participent quasiment pas au financement de la production française. Prétendre que leur part dans ce financement ne dépasse pas 1 % est absurde : en réalité, en proportion de leurs chiffres d'affaires, la plupart des chaînes de la TNT surinvestissent dans leurs programmes, notamment dans la production française. Ainsi, depuis sa création, NRJ 12 a investi 47 millions d'euros et le dernier bilan du CNC montre que nous sommes en 2010 au premier rang des chaînes de la TNT pour le volume d'heures commandées et au deuxième pour l'investissement financier.

Nous sommes favorables à la taxe CNC sur les diffuseurs parce qu'elle est légitime et parce que le principe redistributif est valide en théorie. Pour autant, nous jugeons la pratique actuelle insatisfaisante.

Depuis 2005, nous avons versé un montant cumulé de plus de 10 millions d'euros de taxe au CNC, tandis que ce dernier n'a aidé les productions que nous avons initiées qu'à hauteur de 3 millions. Nous avons donc « reçu » presque un quart de ce que nous avons « donné ». Certes, il serait mathématiquement impossible que tous les contributeurs soient gagnants dans un système redistributif, mais d'habitude les petits reçoivent plus qu'ils ne donnent, puisque le système vise à les soutenir.

Depuis un peu plus de deux ans, nous diffusons chaque jeudi en première partie de soirée Tellement Vrai, magazine-documentaire pour lequel nous faisons travailler 29 producteurs différents, y compris des petites sociétés indépendantes. Nous avons commandé au total 395 heures de documentaires pour ce seul magazine, en y investissant en propre plus de 10 millions d'euros. Mais le CNC n'a soutenu que 115 heures, c'est-à-dire moins d'un tiers du volume. Pourquoi nos partenaires producteurs n'ont-ils pas été aidés pour les deux autres tiers ? En fait, quand un producteur bénéficie de l'aide automatique, il est aidé dans 90 % des cas. S'il ne l'est pas – en général parce que c'est un nouvel entrant – il doit passer par l'aide sélective et il est alors aidé dans 1 % des cas…

En théorie, tout devrait être fait pour privilégier l'aide sélective, puisque, à projet de production comparable, elle est censée donner des chances égales à tous les producteurs, quels que soient leur ancienneté, leur taille et le volume de leur production passée. Le problème est qu'elle est parfois beaucoup trop sélective car excessivement liée à l'appréciation personnelle et subjective de professionnels, dont la vision de la télévision pourrait être qualifiée d'élitiste – j'en ai été témoin en tant que membre de la commission dans le collège représentant minoritaire des diffuseurs. Même si cette commission a fait un travail très important, il faudra optimiser son fonctionnement pour aider d'avantage les nouvelles écritures qui sortent des schémas classiques.

Permettez-moi enfin de proposer quelques pistes en vue d'améliorer le système.

Elles sont multiples pour ce qui concerne le versant réglementaire, relatif au mécanisme de redistribution du produit de la taxe. On pense d'abord à la fiction, dont la production est en baisse dans notre pays notamment parce que le réservoir de fiction lourde de prime time s'est asséché, après avoir été surexploité pendant deux décennies. Ce type de fiction a de plus en plus de mal à rencontrer un public nombreux. En revanche, la demande du public reste forte pour un nouveau type de fiction, de day time, qu'il faut absolument encourager, en les survalorisant grâce aux aides du CNC.

Autre piste, sortir enfin de la vision étroite de la fiction strictement patrimoniale, de la production « noble », qui est la seule que les quotas audiovisuels prennent en compte et qui est inadaptée au nouveau paysage audiovisuel à l'heure des téléviseurs connectés.

Enfin, il conviendrait que le mécanisme de soutien prenne en compte certains critères objectifs du statut de diffuseur commanditaire des productions. Il faudrait, notamment que les productions lancées par des chaînes indépendantes, qui ne profitent de facto ni des synergies de groupe ni de la mutualisation des obligations de production, bénéficient, en compensation, d'un soutien accru du CNC.

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Quelle est la différence entre des fictions de day time et de prime time ?

PermalienGérald Brice Viret, directeur général du pôle télévision de NRJ 12

La France est pratiquement le seul pays en Europe ou la fiction nationale vient après la fiction américaine. Il y a une dizaine d'années, nous avions énormément de fictions de day time ou de fin d'après-midi, comme Marc et Sophie ou Hélène et les garçons. Ce terreau, qui a fait émerger des centaines de talents – auteurs, acteurs, réalisateurs – a aujourd'hui disparu, en dehors de Plus belle la vie sur France 3, et Scènes de ménages sur M6, mais qui sont dans un autre créneau horaire. C'est pourquoi je propose au législateur que les fictions diffusées l'après-midi, quand il est plus simple pour une chaîne de la TNT d'aller chercher l'audience, soient décomptées des heures de grande écoute. Il faut un vrai élan national pour aider et valoriser la fiction de day time, un peu low cost. Nous avons déjà fait une tentative il y a deux ans, avec L'été où tout a basculé ; d'autres chaînes de la TNT, comme TMC, l'ont fait, avec un succès prometteur. À l'heure des télévisions connectées, je suis persuadé qu'il faut se battre pour développer cette fiction, comme on le fait en Angleterre, en Allemagne et en Espagne.

PermalienPhoto de Richard Dell'Agnola

Il ressort de ces deux premières interventions que vous souhaiteriez que les commissions du CNC élaborent une charte afin de clarifier les critères de sélection des projets.

PermalienGérald Brice Viret, directeur général du pôle télévision de NRJ 12

En effet. Pour avoir été membre de la commission pendant deux ans, je sais bien que tous les projets d'Arte sont aidés alors que ce n'est presque jamais le cas de ceux de Direct 8, de W9 ou de NRJ 12. Il faut donc revoir les critères au regard de la nouvelle écriture de la TNT.

PermalienChristian Vion, directeur général adjoint en charge de la production et des moyens des antennes de France Télévisions

Vous souhaitez connaître notre point de vue sur la légitimité et sur l'efficacité du système.

À côté des obligations des chaînes, le dispositif du CNC est le fondement de la politique culturelle en matière de production audiovisuelle. On ne peut donc que le soutenir, d'autant qu'il devient encore plus important avec les nouveaux usages et les nouveaux modes de consommation, qui renforcent la nécessité de disposer d'un volume croissant de productions françaises, dont une partie doit être pérenne afin d'être utilisée sur les nouveaux supports. Or, c'est ce type de productions que finance le CNC.

France Télévisions est l'acteur le plus important de la production audiovisuelle de création, à laquelle nous consacrons 20 % de notre chiffre d'affaires, soit, l'année prochaine, plus de 400 millions d'euros. Le CNC est un partenaire fondamental dans le financement de ces productions puisque plus de la moitié de ses aides vont à des commandes de France Télévisions. Nous avons donc un rôle prépondérant, que nous-mêmes jugeons trop important : la production audiovisuelle nous paraît trop dépendante de la télévision publique et le rôle des autres diffuseurs devrait être renforcé.

Il n'est pas tout à fait exact que le système revienne à reverser aux mêmes acteurs une partie de leur contribution car ce ne sont pas les chaînes mais les producteurs qui bénéficient des subventions. En 2010, au travers des plans de financement, ces derniers ont perçu 90 millions d'euros, alors que nos versements au CNC ont été de 140 millions. Cela signifie qu'en raison de notre chiffre d'affaires important nous contribuons fortement au financement de l'ensemble de la production audiovisuelle, y compris celle qui n'est pas faite chez nous. Nous acceptons cette règle du jeu parce que nous soutenons cette politique culturelle.

Nous n'en estimons pas moins légitime que l'ensemble des acteurs qui bénéficient de la production audiovisuelle la financent, à travers le CNC. Certes, les textes doivent être adaptés à la situation des nouvelles chaînes de la TNT, mais il faut surtout s'intéresser aux acteurs de l'Internet qui, pour l'heure, ne participent pas au financement du CNC ou ne le font qu'à la marge. La question est assez complexe pour les fournisseurs d'accès Internet (FAI) en cas de triple ou de quadruple play. En effet, ils échappent de la sorte à une contribution sur une partie de leur chiffre d'affaires alors que c'est bien d'audiovisuel qu'il s'agit. Autre sujet complexe, celui des hébergeurs Daily Motion et YouTube, qui utilisent les programmes pour faire du chiffre d'affaires mais qui échappent à l'obligation de financer le CNC. Dès lors que l'on parle de légitimité, il est impératif de se pencher sur ces problèmes.

Si l'on veut aussi apprécier l'efficacité de ce système, il convient de comparer notre situation à celle des pays étrangers qui n'en bénéficient pas. À l'évidence, le système du CNC a permis l'émergence d'une industrie française de l'animation très créative et attractive puisque des projets internationaux sont produits chez nous. Mais les résultats ne sont pas les mêmes en matière de fiction, qui est pourtant le fer de lance pour les producteurs comme pour les industries techniques. En dépit des aides, nos volumes de fictions produites et exportées sont faibles, de même, ces dernières années, que les résultats d'audience, inférieurs à ceux de nos voisins. La responsabilité de cette situation n'incombe pas au CNC, mais elle est partagée entre les chaînes et les producteurs. Ces derniers doivent donc construire en partenariat une nouvelle politique de fiction, en particulier de séries, et travailler à des coproductions internationales ambitieuses. Le CNC devra bien évidemment accompagner ce mouvement.

Il convient en outre que les dispositifs du CNC puissent évoluer car il va falloir imaginer de nouveaux contenus, de nouvelles formes de productions et de nouveaux modèles économiques adaptés aux nouvelles chaînes de la TNT et aux nouveaux modes de consommation numérique : pas plus que celle des chaînes de la TNT ne peut être la même que celle des chaînes historiques, l'économie de la production du web ne saurait être identique à celle de la télévision. La création du « web-COSIP », qui aide les contenus spécifiquement à destination d'Internet, marque ainsi une évolution intéressante.

Sur la question très complexe de l'aide sélective ou automatique, je ne partage pas totalement l'opinion de M. Viret. Bien évidemment, nous préférons, par sécurité, que le producteur bénéficie de l'aide automatique. Par ailleurs, si je suis favorable à l'aide sélective pour aider certains projets et pour permettre l'arrivée de nouveaux acteurs dans le monde de la production, je constate que cette aide a jusqu'ici favorisé un certain émiettement de la production alors que l'on a aujourd'hui besoin, en particulier dans le domaine de la fiction, d'un secteur plus industriel, plus concentré, plus solide et plus professionnel. Il faut donc trouver un équilibre entre aides sélectives et automatiques.

Dans la mesure où beaucoup d'argent public est engagé dans le système du CNC, en particulier au travers de notre contribution, nous souhaitons que son utilisation soit transparente et contrôlée. Je crois savoir que le CNC a mis en place un contrôle des demandes dans le cadre du crédit d'impôt audiovisuel. Il nous paraîtrait utile que soient également vérifiés les comptes des producteurs qui bénéficient des aides.

PermalienFabrice Blancho, directeur de la production d'Arte-France

Je rappelle qu'Arte-France fait partie d'Arte GIE, qui est une chaîne binationale franco-allemande. Notre financement est entièrement public.

Il est vrai qu'avec le mécanisme de la « taxe COSIP », au titre de laquelle nous acquittons 12,9 millions d'euros, on donne d'une main ce que l'on reçoit de l'autre.

Cependant, le CNC nous paraît tout à fait légitime dans son rôle de régulation, d'aide et de soutien, son intervention reposant sur des critères objectifs d'éligibilité financière et artistique.

Son aide représente en moyenne 20 % des plans de financement de nos coproductions.

Avec le développement des nouveaux usages et des nouveaux supports, on est bien évidemment amené à se demander si l'utilisation d'une oeuvre par la télévision est essentielle ou accessoire, ce qui est bien difficile à déterminer dans des logiques d'utilisation hybrides. Sans doute sera-t-il nécessaire d'adapter les règles du COSIP pour tenir compte à la fois de la télévision et des nouveaux médias : il est en effet désormais fréquent que les programmes soient récupérés par d'autres utilisateurs, qui n'ont pas participé à leur financement.

Il convient également de tenir compte des genres et des caractéristiques des programmes : on ne peut pas aider un documentaire d'auteur comme on aide une fiction lourde ou sérielle.

Il nous paraît également nécessaire de renforcer le contrôle des coûts, en concertation avec les professionnels.

Selon les chiffres du CNC, 500 producteurs de documentaires ont été aidés en 2009, mais 50 d'entre eux consomment à eux seuls la moitié des fonds du COSIP. Je pense, moi aussi, qu'il faut apprécier la question de l'aide sélective ou automatique au regard de la nécessité de disposer d'acteurs suffisamment forts pour peser dans la production internationale. Mais il est vrai que l'aide sélective favorise un certain renouvellement du vivier de producteurs. Pour sa part, Arte France travaille chaque année avec une centaine de producteurs.

PermalienPhilippe Bony, directeur adjoint des programmes en charge de la production de M6 métropole télévision

Je rejoins assez largement ce qu'a dit Christian Vion sur l'aide automatique et sélective.

On a par ailleurs l'impression que, alors que chacun contribue au financement du système, personne ne reçoit, en soutien à la production, l'équivalent de ce qu'il a versé au titre de la « taxe COSIP ».

PermalienPhoto de Olivier Carré

Selon le « Bilan 2010 » du CNC, le rapport est de moitié environ : 422 millions collectés au titre de la taxe sur les services de télévision (TST) et 230 millions « reçus », c'est-à-dire réinvestis dans des programmes audiovisuels.

PermalienPhilippe Bony, directeur adjoint des programmes en charge de la production de M6 métropole télévision

En effet, cette perte en ligne est préoccupante car l'objectif est d'investir dans les programmes afin qu'ils soient de qualité et performants à la fois lors de la diffusion en France et pour être vendus à l'international. Si, a contrario, le dispositif de la taxe spéciale additionnelle (TSA) sur les tickets de cinéma apparaît extrêmement vertueux, c'est sans doute parce que les salles de cinéma n'investissent pas directement dans les contenus qu'elles diffusent. On peut légitimement se demander s'il ne serait pas plus efficace que les chaînes de télévision, qui, elles, financent les programmes, investissent directement cet argent dans des programmes, en plus de leurs obligations de production.

Qui plus est, ce système repose sur une séparation totale des activités de production et de diffusion. Ce choix politique a été fait en France à un moment où tous les autres pays industrialisés faisaient de même, en raison de la rareté des fréquences et de la crainte de voir apparaître des positions dominantes trop fortes. Mais, partout ailleurs, au fur et à mesure de l'avancement des technologies vers une ère de profusion des moyens de communication vis-à-vis du public, on a renoncé à cette séparation. La plupart des pays ont même adopté des politiques destinées à inciter à la création de groupes audiovisuels intégrés, extrêmement performants aux niveaux national comme international. C'est notamment ainsi que se sont constituées les majors américaines, qui combinent activités de production et de diffusion. La situation est analogue en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni ; seule la France étant demeurée attachée à l'ancien principe de séparation, ce qui empêche la constitution de grands groupes audiovisuels forts et intégrés de façon verticale.

C'est bien ce principe qui conduit à soumettre les diffuseurs à une taxe dont le produit est géré par un organisme qui l'attribue à des producteurs afin de leur constituer un actif. S'interroger sur la pérennité de cette séparation productiondiffusion sera à n'en pas douter un des grands enjeux des années à venir car les diffuseurs ne se contentent plus d'être les détenteurs d'une fréquence analogique mais exercent des métiers de plus en plus complexes et doivent impérativement être présents dans l'ensemble des médias. Ainsi, le groupe M6 est présent sur Internet, sur le satellite, sur le câble, sur les mobiles. Pour lutter contre les opérateurs internationaux – à un moment où les frontières ont tendance à disparaître dans l'exploitation des oeuvres – et contre les géants d'Internet – qui se renforcent encore avec l'arrivée de la télévision connectée – nous avons besoin de maîtriser les programmes et les contenus, d'en être véritablement à l'initiative et de gérer leur exploitation de façon cohérente dans l'ensemble des modèles. À défaut, les groupes de production qui se constituent dans notre pays continueront à être repris par des fonds d'investissement ou par des grands groupes étrangers, ce qui fera peser une lourde menace sur les diffuseurs.

C'est pour toutes ces raisons que nous préconisons que l'on revoie les règles afin de permettre aux diffuseurs de prendre part au mouvement de concentration que l'on observe chez les producteurs et qui nous semble un gage d'efficacité et de performance.

PermalienPhoto de Olivier Carré

Merci pour cette intervention très éclairante.

En fait, vous financez également le cinéma, dont vous achetez les droits par la suite. Cela vous paraît-il légitime ?

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Les spécialistes du cinéma que nous avons reçus ne tarissent pas d'éloges sur l'action du CNC. Considérez-vous pour votre part qu'il faut faire évoluer ce dispositif, afin de soutenir davantage la production audiovisuelle ?

PermalienPhoto de Richard Dell'Agnola

On a souvent dit que le cinéma français était de qualité et qu'il avait été sauvé par l'aide publique, à la différence de ce qui s'est passé en Italie. Si les majors françaises que vous appelez de vos voeux se constituent, cela ne se fera-t-il pas au détriment du cinéma et comment financera-t-on alors ce dernier ?

PermalienPhilippe Bony, directeur adjoint des programmes en charge de la production de M6 métropole télévision

Les chaînes de télévision contribuent beaucoup au financement du cinéma en dehors même du CNC. L'investissement de Canal + et de l'ensemble des chaînes hertziennes est ainsi très important et finance une grande partie de la production. Est-il indispensable que l'investissement de ceux dont le métier est précisément d'investir dans les programmes passe aussi par le CNC, avec la perte en ligne que l'on a mentionnée ?

Je l'ai dit, le système de la TSA est vertueux, parce qu'il permet une contribution des salles qui ne financent pas le cinéma, nous nous réjouissons donc que des discussions soient en cours en vue d'une contribution des opérateurs Internet et de tous ceux qui bénéficient des oeuvres sans investir directement dans la production.

PermalienChristian Vion, directeur général adjoint en charge de la production et des moyens des antennes de France Télévisions

Il est normal de se poser la question de la répartition entre la télévision et le cinéma des sommes que nous versons au CNC. Philippe Bony vient de souligner l'importance du total des contributions de la télévision au cinéma : versement au CNC, obligations de coproduction à travers les filiales – 3,5 % du chiffre d'affaires de France Télévisions –, et bien sûr, achats pour disposer de droits. S'il est normal que nous contribuions au financement du cinéma, force est de constater que ces montants considérables vont au-delà de la place qu'il a aujourd'hui dans nos grilles.

Cela étant, si l'on modifiait le système, il conviendrait de compenser cette perte pour continuer à avoir dans notre pays un volume important de production cinématographique de qualité. Cela pourrait se faire à travers la participation d'un certain nombre d'acteurs qui pour l'instant ne contribuent au financement ni de la production audiovisuelle ni de la production cinématographique.

PermalienFrançoise Marchetti, secrétaire générale de Pôle Télévision, NRJ Group

Nous ne jouons pas tous avec les mêmes armes : alors qu'on peut trouver les films sur tous les sites de vidéo à la demande, pour notre part, nous sommes confrontés à des limites en nombre, en heures et en jours de diffusion. Bien que nous financions les productions par plusieurs biais, nous ne pouvons les exposer comme nous en aurions besoin avec l'explosion de la consommation de la télévision et de l'Internet.

PermalienPhoto de Olivier Carré

Une partie du prix payé pour l'achat d'une vidéo à la demande – VàD ou VOD – alimente-t-elle le CNC ?

PermalienPhilippe Bony, directeur adjoint des programmes en charge de la production de M6 métropole télévision

Les achats de VOD sont soumis à la « taxe COSIP ». La question se pose plutôt pour les opérateurs qui bénéficient de façon indirecte des oeuvres, par exemple lorsqu'une personne souscrit un abonnement à Internet pour bénéficier de la VOD : dans ce cas, l'abonnement n'est pas soumis à la taxe, quand bien même le FAI a utilisé la VOD comme argument promotionnel. Il faut donc bien se demander si la mise à disposition doit impliquer une contribution.

PermalienPhoto de Richard Dell'Agnola

Y a-t-il selon vous une limite à l'action du CNC ? Ne peut-on pas considérer que le système s'auto entretient ? L'évolution des recettes est-elle mécanique ou correspond-elle à celle des besoins ?

PermalienPhoto de Olivier Carré

Ces questions se posent parce que les recettes du CNC ont beaucoup augmenté et parce que celui-ci a mené de nouvelles actions. Il réfléchit en outre à la taxation des usages de l'image sur le web. En tant que législateurs, nous nous demandons s'il peut continuer à se développer sur un marché en croissance, en justifiant lui-même sa légitimité – la question se pose d'autant plus qu'il a fait en faveur du cinéma une oeuvre extrêmement utile –, ou s'il doit être encadré afin de répondre strictement aux besoins qui avaient été initialement définis.

PermalienPhilippe Bony, directeur adjoint des programmes en charge de la production de M6 métropole télévision

On a le sentiment que la taxation évolue en fonction des développements économiques, que cela procure des ressources au CNC, qui s'interroge ensuite sur la façon de dépenser cette manne… On pourrait en effet imaginer un fonctionnement inverse qui consisterait à se demander d'abord ce qu'il est nécessaire de financer, puis à calculer le budget dont on a besoin pour cela, et enfin de définir une taxation adaptée.

Nous sommes tout à fait déterminés à financer les oeuvres cinématographiques et la place du cinéma est pour nous importante tant à l'antenne que dans notre diversification – nous sommes aussi éditeurs et distributeurs en salle et vidéos. Mais à l'évidence la diffusion des films à la télévision est en recul : ils ont réalisé l'an dernier 3 des 100 meilleures audiences, contre 45 il y a sept ans… Cela est lié à la forte augmentation des exploitations du cinéma sur d'autres supports : salles, VOD, chaînes dédiées avec diffusions de rattrapage, etc. De la sorte, compte tenu de la chronologie des médias, lorsqu'un film arrive sur une chaîne nationale trois ans après sa sortie en salles, ce n'est vraiment plus un événement !

La performance du cinéma pour nos chaînes a donc baissé tandis que notre contribution restait au même niveau : il bénéficie à la fois de 40 % de la taxe COSIP que nous acquittons et de 3,2 % de notre chiffre d'affaires au titre de nos obligations. Au total, le cinéma français représente 5,5 % du chiffre annuel du groupe M6, pour moins de 2 % du temps d'antenne…

Si nous ne nous sommes jamais opposés à l'arrivée de nouvelles formes d'exploitation, force est de constater qu'elle entraîne un phénomène de substitution et une dégradation de la valeur de l'oeuvre qui arrive sur une grande chaîne après avoir été déjà largement consommée. La situation est donc sensiblement différente de l'époque nous étions les seuls à diffuser. Or, on n'en a pas tenu compte et le niveau de notre contribution demeure inchangé.

PermalienChristian Vion, directeur général adjoint en charge de la production et des moyens des antennes de France Télévisions

L'augmentation des ressources du CNC ne me choque pas puisque le besoin de productions s'accroît en raison de la multiplication des chaînes et de l'apparition des nouveaux modes de consommation. La question est plutôt celle de l'équité de traitement des différents acteurs dans le financement des contenus audiovisuels. Si on continue à faire peser cette augmentation uniquement sur la télévision, en premier lieu sur les chaînes historiques, cela pose un problème au regard de tous ceux qui vont bénéficier de ces contenus.

Au-delà, il convient de vérifier que l'utilisation des fonds correspond bien aux besoins des différents acteurs. Or, les besoins des chaînes historiques, des chaînes de la TNT et des supports Internet ne sont pas les mêmes. Il faut donc vérifier que tous ces acteurs trouvent dans le CNC un partenaire qui s'adapte à leur économie spécifique.

PermalienFrançoise Marchetti, secrétaire générale de Pôle Télévision, NRJ Group

Certes, la majeure partie du financement repose sur les chaînes historiques, mais c'est parce qu'il est calculé en pourcentage du chiffre d'affaires : proportionnellement, nous en supportons la même part.

Le rapport du CNC montre que les chaînes produisent de plus en plus, qu'elles financent de mieux en mieux, mais qu'elles sont de moins en moins aidées. La collecte de la taxe progresse, mais l'enveloppe de 196 millions d'euros est stable depuis des années en ce qui concerne le soutien aux oeuvres audiovisuelles en général.

Enfin, il est vrai que nous avons besoin de groupes de productions forts et qu'il y a peut-être trop de nouveaux producteurs. Mais n'oublions pas que la TNT a précisément permis l'émergence de nouveaux acteurs de l'audiovisuel, avec une nouvelle écriture, une nouvelle façon de produire, à des coûts souvent restreints. Cela a redonné un souffle à la production, a favorisé la création d'emplois. Peut-être faut-il aujourd'hui passer par une phase de stabilisation ; mais fermer le marché présenterait le risque de créer une situation analogue à celle de la fiction de prime time, dont la production, trop lourde et trop onéreuse, est progressivement abandonnée.

PermalienFabrice Blancho, directeur de la production d'Arte-France

Je pense que les coûts de production vont augmenter car le système demeure centré sur la diffusion du programme télé, qui est aujourd'hui décliné sous des formes diverses et qui doit suivre l'évolution technique, en particulier vers la HD et la 3D. On a donc bien besoin d'un soutien plus important du CNC, qui prenne en compte, comme fait générateur de son aide, non plus la diffusion télé mais l'intégralité d'un programme sous toutes ses formes.

PermalienMarie Grau-Chevallereau, directrice des études règlementaires de M6 métropole télévision

L'intervention du législateur pourrait viser à ramener le CNC dans une logique de demande par rapport aux acteurs du secteur, et non plus dans une logique d'offre liée à l'abondance de ses ressources. En effet, on a parfois l'impression que le CNC se félicite de l'augmentation du nombre des oeuvres sans se préoccuper du public qu'elles rencontrent et sans même se demander quelle est la part des oeuvres d'initiative française dans l'ensemble de la consommation.

Vous nous avez par ailleurs demandé si le CNC devait jouer un rôle de régulation. Le CSA est bien un régulateur vis-à-vis des chaînes dont il contrôle le respect des conventions et des cahiers des charges. Lorsque le CSA s'interroge sur une problématique, il entend tous les diffuseurs, comme tous les acteurs du secteur ; la DGMIC (direction générale des Médias et des industries culturelles) fait de même. Pour sa part, le CNC peut proposer des décrets ou des arrêtés qui ne sont ni soumis au CSA pour avis, ni écrits en coordination avec la DGMIC alors qu'il convient de prendre en considération la situation des chaînes. En tant que chaînes de télévision, nous ne sommes pas consultés par le CNC. Au mieux un diffuseur est entendu alors que nos modèles de financement – abonnement, publicité ou ressource publique – et nos poids diffèrent du fait de nos dates de création. Le CNC devrait nous considérer dans notre globalité, mais aussi selon nos niveaux et moyens de financement. Peut-être le législateur pourrait-il aussi s'interroger sur le type d'encadrement qui doit venir du CNC, si tant est qu'il doive venir de lui.

PermalienPhoto de Olivier Carré

Il me reste à vous remercier pour vos remarques enrichissantes, qui complètent des réflexions qu'avaient suscitées des auditions antérieures.