Je vous prie d'excuser les deux co-présidents de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC), M. Olivier Carré et M. David Habib, qui n'ont pu se libérer. Par souci de pluralisme, nos travaux associent deux rapporteurs de Commissions différentes – celle des Finances et celle de la Défense –, appartenant l'un à la majorité, l'autre à l'opposition. Les auditions de ce matin, qui ne sont pas ouvertes à la presse, se dérouleront en présence de deux magistrats de la Cour des comptes, Mme Françoise Saliou, conseiller maître, et M. Olivier Brochet, rapporteur.
Le premier entretien portera principalement sur l'externalisation de Syracuse (SYstème de RAdioCommunication Utilisant un SatellitE), sans exclure d'autres champs d'activités touchant au domaine de la défense.
Thales est un groupe international, dont l'activité, très diversifiée, se partage par moitié entre la France et l'international, dans une cinquantaine de pays. Cette activité concerne, pour un peu plus de 50 %, le domaine de la défense et de la sécurité, le reste relevant du civil. Spécialiste des technologies avancées, le groupe offre à ses clients, sur l'ensemble du marché mondial, environ 5 000 références de produits. Il intervient dans le traitement et le transport de l'information, l'aide à la décision, ainsi que dans tout domaine qui requiert un haut niveau de fiabilité et de sûreté. C'est ainsi que, très présent en matière de défense, il est aussi leader européen des systèmes de signalisation ferroviaire. Pour moitié en France et pour moitié à l'étranger, il emploie 68 000 personnes, dont près de 50 % sont ingénieurs ou cadres. L'implantation française couvre les deux tiers des activités de recherche et développement, ce qui permet de conserver sur le territoire la maîtrise des technologies, qui est au coeur de notre souveraineté.
On a donné le nom de Nectar au projet d'externalisation des communications stratégiques. En tant que constructeur des satellites Syracuse, nous avons collaboré dès leur lancement avec les services de l'État. Nous avons poursuivi l'exploitation avec lui et, dès lors qu'il envisage d'en faire évoluer les modalités, il est naturel que soyons directement concernés.
Comme je vous l'avais indiqué le 10 mars 2010, le secteur des activités spatiales est placé sous la responsabilité d'une alliance avec le groupe italien Finmeccanica, laquelle se compose de deux sociétés. La première, dédiée aux infrastructures, dont relèvent les satellites Syracuse, va de la construction des satellites jusqu'à leur lancement, c'est Thales Alenia Space. Elle est détenue aux deux tiers par Thales, qui en définit la stratégie. La deuxième, qui propose les services exploitant les infrastructures spatiales, est Telespazio, possédée aux deux tiers par Finmeccanica. Les deux entreprises, qui collaborent étroitement, sont associées dans le projet Nectar, puisqu'elles appartiennent au consortium qui a répondu à l'appel à candidature et à la consultation lancée par la direction générale de l'armement (DGA). Il va de soi qu'infrastructures et services, qui relèvent de structures séparées, travaillent étroitement ensemble, puisqu'il existe un continuum entre construction et exploitation.
Le processus d'externalisation faisant l'objet d'une compétition commerciale, nous sommes tenus à une certaine discrétion, sachant que notre qualité d'industriels nous impose de tenir compte de l'existence de réponses concurrentes aux réponses à l'appel à candidature et à l'appel d'offres en cours.
Sans révéler d'information confidentielle, pouvez-vous nous confirmer que, depuis notre précédente rencontre, la DGA vous a transmis un cahier des charges et que vous êtes entrés dans une phase de consultation ?
Je vous le confirme. Le 4 février 2010, nous avons reçu l'appel à candidature, auquel nous avons répondu le 1er mars, après avoir monté un consortium. L'appel d'offres proprement dit ne nous a été adressé que le 5 novembre 2010. Le délai peut paraître long, mais, compte tenu de la nature de l'opération et de sa complexité, l'État devait lever tout risque juridique. Il s'agit en effet de la cession non d'une pleine propriété mais d'un usufruit, dont une partie porte sur le satellite Sicral 2, né d'une coopération franco-italienne aux termes de laquelle les droits de la France ne portent que sur une partie de la charge utile. Un tel montage appelait évidemment une certaine prudence.
À la demande de proposition reçue le 5 novembre, nous avons répondu le 3 mars par un document de 2 000 pages qui comprend deux parties. La première est technique. La seconde, légale et financière, prend en compte la complexité des questions posées à l'origine. Ce document comporte le texte complet des contrats proposés par l'administration aux industriels, que nous avons fait suivre d'une version amendée ligne à ligne. L'élaboration d'un document aussi précis, qui ne pouvait être rapide, permettra de gagner de temps lors du traitement de l'appel d'offres.
En mars et en avril, nous avons eu l'occasion de réaliser des présentations techniques, financières et juridiques auprès de la DGA, qui nous ont permis de répondre rapidement, de manière écrite ou orale, à plus de deux cents questions. La suite du dialogue compétitif prévoit que chaque compétiteur remettra, probablement au début de l'automne, sa meilleure et dernière offre. Le processus devrait être clos à la fin de l'année, soit un an plus tard que prévu, car les débats au sein de l'administration ont été semble-t-il plus nombreux et approfondis qu'envisagé au départ.
Dès lors que la période du 1er mars au 5 novembre a été mise à profit pour procéder à des consultations juridiques précises, y compris auprès du Conseil d'État sur des questions de souveraineté, l'opération peut-elle aboutir avant la fin de 2011 ?
Il le faudrait, compte tenu de la durée de fonctionnement des équipements. Si les contrats n'étaient pas mis en oeuvre à la mi-2012, vous seriez amenés à réexaminer le sujet, sous l'angle des recettes budgétaires exceptionnelles de la défense.
Cependant, même si la négociation des contrats et leur attribution à l'un des deux compétiteurs s'effectuent avant le 31 décembre 2011, il faudra laisser s'épuiser le délai de recours réservé au perdant, ce qui prolongera d'autant leur mise en oeuvre effective. C'est pourquoi nous restons prudents sur le calendrier.
Les Syracuse 3 ont une durée de vie contractuelle de douze ans à partir de la recette en orbite, soit, pour le Syracuse 3A, jusqu'au 5 décembre 2017 et, pour le Syracuse 3B, jusqu'au 14 octobre 2018. Les mesures effectuées au long de leur exploitation ont été jusqu'à présent parfaitement satisfaisantes. On ne constate ni usure prématurée ni problèmes annexes qui remettraient en cause leur durée de vie utile. En outre, les sécurités et les provisions incluses lors de leur conception devraient leur permettre de vivre plus longtemps que la durée contractuelle.
Aux termes de l'appel d'offres, la durée envisagée pour la cession d'usufruit est de huit ans. C'est pourquoi la mise en oeuvre, qui aurait gagné à être plus rapide, ne doit pas intervenir après le 1er juillet 2012.
Le ministère de la Défense prévoit d'externaliser l'exploitation de satellites, dont il sera quasiment l'unique utilisateur. Quel intérêt économique cela présente-t-il ?
C'est le coeur de l'affaire. Même si le contrat prévoit une durée de vie des satellites, et donc de l'usufruit, ceux-ci ne disparaîtront pas à la date d'extinction de leur cession. Les services du ministère de la Défense doivent donc anticiper ce qui se passerait s'ils continuaient de fonctionner après cette date.
Comment meurent les satellites ? Combien de temps peuvent-ils vivre au-delà de la durée contractuelle ?
Un satellite ne peut plus servir quand les communications ne passent plus et que la charge utile n'est plus en état de fonctionner, ce qui peut se produire après une collision avec des déchets spatiaux ou des météorites, ou, ce qui est plus fréquent, parce que les transpondeurs, éléments clés de la charge utile, vieillissent. La durée de vie des composants électroniques, qui est variable, dépasse en moyenne de deux ou trois ans la durée contractuelle. Après cette période, il est probable que leur fonctionnement se dégrade fortement, même si les progrès de l'électronique, ainsi que l'expérience, peuvent améliorer les conditions d'exploitation dans l'environnement spatial, lesquelles sont encore difficiles à prévoir.
Le ministère n'a pas prévu de prolonger la cession de l'usufruit au-delà des huit ans, après lesquels nous lui restituerions la pleine propriété des satellites. Dans ce cas, leur exploitation serait externalisée. Le contrat de cession d'usufruit étant honoré, le contrat d'exploitation pourrait être reconduit par exemple par tranches annuelles. L'opération a été montée afin qu'on puisse traiter ce cas de figure dont ni l'État ni les industriels ne maîtrisent la date d'occurrence éventuelle.
Pour revenir à la question de l'intérêt économique de cette opération, il faut noter que les satellites comprennent plusieurs bandes : l'une dite EHF (extrêmement haute fréquence), dont les transpondeurs sont peu utilisés, et une autre dite SHF (supra-haute fréquence), qui compte neuf transpondeurs par satellite. Selon les termes du deuxième contrat (exploitation), le ministère de la Défense souhaite se réserver 90 % des capacités, tandis que 10 % des capacités SHF seront concédées à l'exploitant de façon non préemptable. De ce fait, l'État abandonnera tout droit d'utilisation, même si la capacité est toujours disponible et que le titulaire n'en a pas disposé au profit de tiers ; tiers qui ne peuvent être, puisqu'il s'agit d'un domaine réservé et non d'un marché commercial, que les ministères de la défense de pays amis. Pour citer un exemple, si le titulaire de l'usufruit a attribué la capacité pour huit ans au ministère de la défense polonais, qui en use pour ses communications stratégiques, l'accord ne pourra pas être remis en cause. Cette disposition devrait rendre l'équation économique intéressante pour les industriels, à la condition toutefois que ceux-ci, sur un marché limité, sachent générer des revenus externes supplémentaires.
En m'interrogeant sur l'intérêt de l'externalisation, je songeais à celui du ministère de la Défense et non de Thales !
L'intérêt de l'État, sur lequel les industriels n'ont pas à se prononcer, est inscrit au coeur de l'appel d'offres, qui précise qu'une offre ne pourra être acceptée si elle excède l'enveloppe définie par une équation précise. Le ministère n'aurait sans doute pas retenu cette équation si elle n'était pas satisfaisante pour lui. Sans porter d'appréciation sur la manière dont la rentabilité a été calculée, notons que cette clause éliminatoire est très claire, ce qui n'est pas le cas dans toutes les affaires de ce type. L'appel d'offres ne comporte par ailleurs qu'une seule autre clause éliminatoire, d'ordre politique, qui concerne le respect de la souveraineté.
Si, pour des besoins souverains, le ministère de la Défense demandait à utiliser plus de 90 % de la capacité, quelle serait votre réponse ?
Si tant est que 100 % des capacités fonctionnent, que les besoins de l'État absorbent les 90 % réservés et que nous ayons vendu à des tiers les 10 % restants, il faudra d'abord vérifier si les clients titulaires du solde l'utilisent en totalité. Ce sera probablement le cas, puisqu'en matière de communications stratégiques, tous les États sont soumis aux mêmes contraintes.
Resteront alors les solutions de repli ou de soutien, prévues par exemple pour les cas de dégradation technique progressive des satellites. Si un ou plusieurs transpondeurs tombent en panne, les besoins risquent d'excéder rapidement les 10 % concédés de façon non préemptable. C'est pourquoi l'appel d'offres impose aux candidats de ménager des capacités supplémentaires, qui pourront bien entendu être utilisées pour d'autres raisons.
Trois solutions sont à considérer.
D'abord, dans le cadre de l'exploitation de Syracuse, nous pouvons assurer le volume de communications actuel tout en dégageant une capacité disponible sur les satellites existants, grâce à la reconfiguration de l'architecture des capacités employées. Dans ce domaine, l'industriel exploitant lui-même apporte plus que les services de l'entité exploitante. Si une telle capacité supplémentaire est dégagée, les termes de l'appel d'offres prévoient que l'exploitant ne pourra la proposer à des tiers que sous réserve d'un droit de préemption de l'État. En d'autres termes, au cas où l'on dégagerait 5 % supplémentaires, nous ne pourrions les revendre qu'à la condition expresse que l'État français puisse les récupérer s'il en formule la demande. Cette contrainte les rend pratiquement invendables à des tiers, ce qui signifie que cette réserve de capacité jouera le rôle d'un tampon.
En second lieu, puisque l'opération porte non seulement sur les Syracuse A et B, mais aussi sur la part française de Sicral 2, qui est de même nature, nous examinerions immédiatement les disponibilités sur ce dernier satellite. Le cas échéant, les États français et italien devraient signer un accord afin de se prêter main-forte en mettant à la disposition l'un de l'autre une capacité de Sicral 2 inutilisée.
Enfin, même s'il est restreint, il existe un marché de capacité en SHF, sur lequel, en fonction des circonstances, on peut envisager de réserver une capacité supplémentaire, par exemple pour un an. Si l'on pressent que les besoins de l'État français risquent d'exploser, il faudra louer une capacité supplémentaire ou acquérir un droit de préemption sur celle-ci, quitte à les revendre. Cette possibilité, qui va au-delà du contrat initial, entraînera potentiellement un coût supplémentaire pour l'État.
Au global, même s'il est impossible d'affirmer que l'État n'aura jamais besoin des 10 % « concédés », notre offre inclut au moins trois niveaux de confort. Cependant, sans la concession des 10 %, et les revenus tiers qu'elle engendre, il serait difficile pour l'industriel d'atteindre la valeur minimum garantissant que, dans les conditions fixées par l'État, l'opération reste intéressante. À ce stade du dialogue compétitif, rien ne prouve qu'aucun des candidats respectera l'équation contraignante qui a été définie, ce qu'on ne pourra mesurer que lors de la remise de la dernière et meilleure offre. En effet, c'est seulement à ce stade que le non-respect des conditions devient éliminatoire, alors que les premières offres sont libres, les candidats pouvant affiner leurs propositions au cours du dialogue compétitif. Le processus est complexe, mais, compte tenu des conditions d'exploitation, il était difficile de faire l'économie de ce cheminement. Que la DGA ait pris le temps d'élaborer ce schéma, qui n'a pas d'équivalent dans d'autres opérations, semble un gage de sérieux.
La cession des 10 % doit permettre aux industriels de satisfaire les contraintes de rentabilité de l'État. Mais, compte tenu de la nécessité de garantir la vente pendant huit ans à des États tiers, sur le choix desquels l'État français a un droit de regard, il est difficile de calculer avec certitude les revenus qui seront dégagés et d'anticiper le niveau des prix sur une telle période. Nous connaissons celui des capacités que nous vendons aujourd'hui à l'OTAN, ce qui donne une référence pour calculer celui de la capacité offerte par un transpondeur dans la bande de fréquence SHF. Il n'en demeure pas moins qu'il est difficile de le déterminer sur une période longue, car l'état du marché et les disponibilités peuvent changer. Une capacité concédée supérieure à 10 %, paradoxalement aurait accru le risque en posant aux industriels des problèmes d'évaluation encore plus complexes.
Est-ce parce que ces 10 % représentent un risque commercial, au sens où vous devez trouver des clients, que vous n'avez pas souhaité disposer, comme vos concurrents britanniques, d'un pourcentage plus élevé ?
Sur le plan juridique, envisagez-vous de bénéficier de la clause de transfert d'agents du ministère de la Défense ?
Trois satellites britanniques sont déjà en l'air, un quatrième devant être lancé, en même temps que Sicral 2, à la fin de 2013. Il existera dès lors une double configuration : d'un côté, trois satellites – Syracuse I et II et Sicral 2, ce dernier étant partagé pour moitié entre l'État français et l'État italien – ; de l'autre, quatre satellites britanniques.
Peut-être interrogerez-vous nos concurrents britanniques. Il semble que leur décision de lancer le quatrième satellite réponde au souci de se ménager une solution stratégique en cas de perte d'un satellite. Les capacités de Skynet représentent un troisième niveau de sécurité permettant de garantir un volume disponible. Sécurité qui ne nous semble pas étrangère à leur idée de lancer une opération du même type pour Syracuse. Pour ce qui nous concerne, côté français, la capacité complémentaire comparable est disponible sur Sicral 2, la moitié du satellite franco-italien représentant, pour les Français, l'équivalent du 4ème satellite britannique.
Oui, c'est pourquoi il faut plusieurs satellites pour assurer une couverture du monde entier. Cependant, à l'exception des pôles, il n'est pas de théâtre d'opération où la France pourrait intervenir qui ne soit pas couvert par le système Syracuse.
Pour conclure sur la question du pourcentage de capacité concédée, on peut noter que la capacité des satellites britanniques effectivement vendue à des pays tiers ne représente pas plus d'environ 15 % de la capacité totale de la constellation.
Concernant votre question relative aux personnels d'État, nous mesurons tout l'intérêt sinon la nécessité de poursuivre le mode de fonctionnement actuel, qui associe étroitement le personnel de Thales et celui de l'État, particulièrement de la direction interarmées des Réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information (DIRISI), et nous connaissons bien le décret de septembre 2010.
Nous sommes engagés depuis longtemps dans des contrats de financement innovant, de partenariat ou d'externalisation.
Les premiers concernaient l'externalisation de prestations de maintenance des matériels en Grande-Bretagne ou la formation des pilotes de la Royal Air Force. Au début, les Britanniques cherchaient surtout à financer des besoins, sans engager une réelle approche d'externalisation, laquelle représentait pour eux un moyen plus qu'une fin.
Nous avons poursuivi ces activités avec différents clients, et signé, par exemple, un important contrat d'externalisation pour la gestion des munitions avec l'armée de terre australienne. Autre exemple, nous fournissons à l'ensemble des membres de l'International Security Assistance Force (ISAF), qui intervient en Afghanistan sous l'égide de l'OTAN, des prestations de télécommunications et d'infrastructure informatique au sol. Aux termes d'un contrat de pure externalisation, nous sommes payés au service rendu, en fonction de la qualité dudit service.
Avec les Britanniques, nous avons également mis en place un service de surveillance tactique du champ de bataille à l'aide de drones, qui leur permet de disposer, sans attendre l'arrivée des drones du programme Watchkeeper, prévue pour la fin de l'année, d'une capacité de surveillance par satellite des territoires irakien et afghan. Depuis quatre ans, les drones que nous leur louons ont effectué des dizaines de milliers d'heures de vol opérationnel. L'industriel se charge de mettre l'appareil en l'air, que l'opérationnel britannique utilise pour observer le sol. Une fois la mission achevée, il rend la main à l'industriel, qui ramène le drone au sol et le reconditionne pour une nouvelle mission. Ce partage très précis des attributions ne préempte pas les responsabilités opérationnelles directes de l'utilisateur, mais permet de confier à l'industriel toutes les tâches à caractère technique.
Si les forces françaises en exprimaient le besoin, nous pourrions mettre notre expérience en matière de télécommunications ou de surveillance tactique à leur disposition. Nous les informons par tous les moyens de notre expérience, pour qu'elles comprennent ce qu'un industriel comme Thales peut leur offrir. Ainsi, puisqu'une capacité de drones tactiques sera libérée par l'arrivée de drones opérationnels Watchkeeper en Grande-Bretagne, l'armée de terre française pourra s'appuyer sur notre groupe si elle a besoin d'une capacité intérimaire dans ce domaine. Cependant, notre rôle n'est pas de suggérer de nouvelles externalisations, mais de faire connaître notre offre.
En matière de soutien des matériels, l'externalisation est une pratique assez courante. Tous les grands systèmes d'armes français évoluent progressivement vers un soutien des matériels comprenant une prise de risque croissante et une responsabilité de plus en plus globale de l'industriel. Sur le Rafale, le soutien des équipements Thales, par contrat global, augmente au fil des années. Aux termes de ces contrats globaux, nous assumons le risque lié à la disponibilité effective que nous sommes capables de fournir à l'armée de l'air.
Pour citer un autre sujet d'actualité, nous étudions un projet d'externalisation de la gestion de l'habillement. Nous ne fabriquons pas d'uniformes, mais le dossier pose avant tout un problème de logistique et d'optimisation de la gestion des stocks. La compétitivité suppose la mise en oeuvre de modes de gestion extrêmement modernes auxquels nous recourons nous-mêmes. Nous tenterons ainsi de mettre à la disposition de l'armée notre savoir-faire en termes de gestion industrielle optimisée.
De façon générale, il faut distinguer la véritable démarche d'externalisation et les décisions imputables à des problèmes de financement. On doit en effet cerner les motivations profondes qui justifient les opérations.
Qu'il s'agisse de Syracuse ou d'autres projets, l'essentiel tient au calcul du risque transféré, qui, ne pouvant être déterminé par une formule mathématique ou un modèle d'exploitation, relève toujours d'une appréciation. Quant à la décision d'externaliser, qui ne se confond pas avec la disponibilité des solutions, elle n'appartient pas aux industriels, et doit revenir à l'État.
Les décisions qui seront prises sur le projet Nectar auront des répercussions directes non seulement sur la qualité des services et leurs charges financières pour l'État, mais aussi, à plus long terme, sur le paysage industriel des télécommunications militaires par satellites. L'enjeu est fondamental, même s'il n'est pas intégré dans le calcul de la rentabilité, mais il ne doit pas nous amener à prendre des risques inconsidérés. C'est une question qui concerne, de manière très vaste, toute la politique industrielle nationale.
Nous sommes heureux de constater que cette donnée de l'équation ne vous a pas échappé.
Je vous remercie.