Si tant est que 100 % des capacités fonctionnent, que les besoins de l'État absorbent les 90 % réservés et que nous ayons vendu à des tiers les 10 % restants, il faudra d'abord vérifier si les clients titulaires du solde l'utilisent en totalité. Ce sera probablement le cas, puisqu'en matière de communications stratégiques, tous les États sont soumis aux mêmes contraintes.
Resteront alors les solutions de repli ou de soutien, prévues par exemple pour les cas de dégradation technique progressive des satellites. Si un ou plusieurs transpondeurs tombent en panne, les besoins risquent d'excéder rapidement les 10 % concédés de façon non préemptable. C'est pourquoi l'appel d'offres impose aux candidats de ménager des capacités supplémentaires, qui pourront bien entendu être utilisées pour d'autres raisons.
Trois solutions sont à considérer.
D'abord, dans le cadre de l'exploitation de Syracuse, nous pouvons assurer le volume de communications actuel tout en dégageant une capacité disponible sur les satellites existants, grâce à la reconfiguration de l'architecture des capacités employées. Dans ce domaine, l'industriel exploitant lui-même apporte plus que les services de l'entité exploitante. Si une telle capacité supplémentaire est dégagée, les termes de l'appel d'offres prévoient que l'exploitant ne pourra la proposer à des tiers que sous réserve d'un droit de préemption de l'État. En d'autres termes, au cas où l'on dégagerait 5 % supplémentaires, nous ne pourrions les revendre qu'à la condition expresse que l'État français puisse les récupérer s'il en formule la demande. Cette contrainte les rend pratiquement invendables à des tiers, ce qui signifie que cette réserve de capacité jouera le rôle d'un tampon.
En second lieu, puisque l'opération porte non seulement sur les Syracuse A et B, mais aussi sur la part française de Sicral 2, qui est de même nature, nous examinerions immédiatement les disponibilités sur ce dernier satellite. Le cas échéant, les États français et italien devraient signer un accord afin de se prêter main-forte en mettant à la disposition l'un de l'autre une capacité de Sicral 2 inutilisée.
Enfin, même s'il est restreint, il existe un marché de capacité en SHF, sur lequel, en fonction des circonstances, on peut envisager de réserver une capacité supplémentaire, par exemple pour un an. Si l'on pressent que les besoins de l'État français risquent d'exploser, il faudra louer une capacité supplémentaire ou acquérir un droit de préemption sur celle-ci, quitte à les revendre. Cette possibilité, qui va au-delà du contrat initial, entraînera potentiellement un coût supplémentaire pour l'État.
Au global, même s'il est impossible d'affirmer que l'État n'aura jamais besoin des 10 % « concédés », notre offre inclut au moins trois niveaux de confort. Cependant, sans la concession des 10 %, et les revenus tiers qu'elle engendre, il serait difficile pour l'industriel d'atteindre la valeur minimum garantissant que, dans les conditions fixées par l'État, l'opération reste intéressante. À ce stade du dialogue compétitif, rien ne prouve qu'aucun des candidats respectera l'équation contraignante qui a été définie, ce qu'on ne pourra mesurer que lors de la remise de la dernière et meilleure offre. En effet, c'est seulement à ce stade que le non-respect des conditions devient éliminatoire, alors que les premières offres sont libres, les candidats pouvant affiner leurs propositions au cours du dialogue compétitif. Le processus est complexe, mais, compte tenu des conditions d'exploitation, il était difficile de faire l'économie de ce cheminement. Que la DGA ait pris le temps d'élaborer ce schéma, qui n'a pas d'équivalent dans d'autres opérations, semble un gage de sérieux.
La cession des 10 % doit permettre aux industriels de satisfaire les contraintes de rentabilité de l'État. Mais, compte tenu de la nécessité de garantir la vente pendant huit ans à des États tiers, sur le choix desquels l'État français a un droit de regard, il est difficile de calculer avec certitude les revenus qui seront dégagés et d'anticiper le niveau des prix sur une telle période. Nous connaissons celui des capacités que nous vendons aujourd'hui à l'OTAN, ce qui donne une référence pour calculer celui de la capacité offerte par un transpondeur dans la bande de fréquence SHF. Il n'en demeure pas moins qu'il est difficile de le déterminer sur une période longue, car l'état du marché et les disponibilités peuvent changer. Une capacité concédée supérieure à 10 %, paradoxalement aurait accru le risque en posant aux industriels des problèmes d'évaluation encore plus complexes.