Grand-Duché de Luxembourg : avenant à la convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
La séance est ouverte dix-huit heures vingt.
La commission examine, sur le rapport de M. Jacques Remiller, le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 2336).
La commission des affaires étrangères est saisie du troisième avenant à la convention du 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
L'avenant, signé le 3 juin 2009, vient compléter la liste des nombreux accords que la France a signés récemment en matière d'échange de renseignements fiscaux, même si sa forme est différente.
Répondant à l'objectif de transparence fiscale, il interdit notamment au Luxembourg d'opposer le secret bancaire à une demande de renseignements.
Il s'agit là d'une évolution remarquable pour un pays dont l'économie repose très largement sur les activités financières et pour lequel le secret bancaire fait figure d'institution. La qualité des relations franco-luxembourgeoises ainsi que la pression internationale ont probablement encouragé les autorités du Grand-Duché à se conformer aux standards internationaux.
Pays le plus riche de l'Union européenne, le Luxembourg a subi de plein fouet la crise en raison du poids du secteur financier dans son économie. Si le Grand-Duché cherche aujourd'hui à diversifier ses activités économiques, il demeure une place financière de premier ordre dans laquelle la France est fortement présente. En 2008, les activités financières ont contribué au PIB luxembourgeois pour 27,4 %. Sur les 86,4 milliards d'euros de production totale luxembourgeoise, près des deux tiers (54,7 milliards d'euros) provenaient des activités financières en 2008.
Avec plus de 49 000 lignes de cotation en 2008 à la Bourse du Luxembourg, la ville est la 8ème place financière du monde.
Grâce à sa solide réputation internationale en matière de savoir-faire et de fiabilité dans le domaine de l'administration et de la gestion de fonds d'investissement – le premier fonds de cette nature a été créé dès 1959 –, le Luxembourg occupe le second rang mondial après les Etats-Unis en termes d'actifs sous gestion auprès de ces fonds.
En février 2010, le Luxembourg comptait 150 établissements de crédit, dont le bilan fait apparaître pour 2009 des actifs s'élevant à 797,5 milliards d'euros.
Quinze banques d'origine française sont établies au Luxembourg. BNP Paribas est d'ailleurs l'un des 20 principaux employeurs du pays. Les banques et compagnies d'assurance françaises contribuent fortement au dynamisme de la place financière avec des investissements directs étrangers financiers nets qui s'établissaient autour de 11,3 milliards d'euros en 2008.
La centaine d'entreprises françaises installées au Luxembourg emploient environ 10 000 salariés. Un tiers d'entre elles appartient au secteur financier tandis que le secteur des services est également bien représenté. Il s'agit notamment des services informatiques ainsi que de l'hôtellerie et du tourisme.
En outre, la France est le deuxième client et le troisième fournisseur du Grand-Duché avec des exportations luxembourgeoises qui se sont élevées à 1,581 milliards d'euros en 2009 et des importations en provenance de la France d'un montant de 1,566 milliards.
68 000 frontaliers français viennent travailler chaque jour au Luxembourg, représentant la plus forte communauté étrangère. Par ailleurs, environ 22 000 Français sont inscrits comme résidents au Luxembourg. Au regard des déclarations de revenus déposées chaque année, il est possible d'estimer à un peu plus de 2 260 le nombre de foyers fiscaux résidents du Luxembourg qui déclarent des revenus imposables en France ou des avoirs qui y sont détenus.
« Les pratiques en matière de secret bancaire, et les restrictions en matière d'échange de renseignements prévues par la convention actuelle renforçaient l'attractivité de ce territoire dès lors qu'il était impossible pour l'administration d'obtenir des renseignements de nature à mener à bien des opérations de contrôle fiscal et de s'assurer du bien-fondé des bases d'imposition », telle était la situation qui prévalait d'après les informations recueillies par votre Rapporteur dans les relations fiscales entre la France et le Luxembourg.
Au terme de négociations rapides – elles ont débuté en février pour s'achever en juin 2009 –, le Luxembourg a accepté de faire un pas en faveur de la transparence fiscale en signant l'avenant du 3 juin 2009 qui permet désormais l'échange de renseignements en matière fiscale sans que le secret bancaire puisse être opposé à une demande en ce sens.
Sous la pression internationale, le Luxembourg a en effet décidé de mettre en oeuvre les standards internationaux en matière de transparence et d'échange d'informations fiscales. Le Grand-Duché a donc signé les 12 conventions nécessaires pour rejoindre la « liste blanche » de l'OCDE.
Avant d'étudier le texte de l'avenant qui est soumis à la commission des affaires étrangères, on peut s'interroger sur son faible degré de précision en comparaison des accords d'échange de renseignements en matière fiscale que cette dernière a eu l'occasion d'examiner récemment. Le caractère plus détaillé des accords d'échange de renseignements s'explique par le fait que, contrairement aux avenants, ils ne s'inscrivent pas dans un cadre conventionnel préexistant. De ce fait, certains articles ne sont pas nécessaires dans le texte de l'avenant, dès lors que leurs stipulations feraient double emploi avec les articles existants. Les normes de transparence et d'échange de renseignements et le degré de contrainte qui y est associé sont donc équivalents, quel que soit le vecteur utilisé.
L'avenant, signé le 3 juin 2009, se compose de deux articles dont le contenu est quasiment identique à celui des autres avenants à des conventions fiscales étudiés par la Commission lors de sa séance du 30 juin :
– le premier article propose une nouvelle rédaction de l'article 22 de la convention de 1958, qui reprend le texte de l'article 26 du modèle de convention de l'OCDE.
En vertu de l'article 22 actuel, l'échange était limité aux renseignements « nécessaires pour une application régulière » de la convention.
Le dispositif d'échange de renseignements prévu par l'avenant a un champ d'application plus étendu que celui de la convention en termes de personnes ou d'impôts visés. Le texte permet de s'assurer que les demandes de renseignements effectuées en application de ce nouvel article pourront porter sur les « impôts de toute nature » y compris ceux qui sont levés par les structures administratives ou les niveaux de décentralisation de l'Etat pour le compte de ce dernier.
Le nouvel article prévoit une obligation de confidentialité et encadre l'utilisation des informations recueillies dans le cadre de l'échange.
Alors que les dérogations prévues à l'obligation d'échange d'informations semblent très larges, la possibilité pour un Etat de refuser de se soumettre à celle-ci est néanmoins encadrée avec précision. Ainsi, un Etat partie ne peut refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci ne présentent pas d'intérêt pour lui dans le cadre national ou parce qu'ils sont détenus par une banque, un autre établissement financier (etc.) ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d'une personne. Le principal intérêt de ces nouvelles dispositions réside donc dans l'impossibilité désormais d'opposer le secret bancaire à une demande de renseignements ;
– le second article porte sur l'entrée en vigueur de l'avenant.
Comme les accords précédemment examinés par la commission des affaires étrangères, cet avenant participe du dispositif mis en place par la France pour lutter contre la fraude fiscale et constitue un premier pas qui mérite d'être soutenu.
Alors que l'avenant a été ratifié par le Parlement luxembourgeois par une loi du 31 mars 2010, je vous recommande donc d'adopter le présent projet de loi.
Quel est le risque que les stipulations du présent accord en restent au niveau théorique ? Les services fiscaux luxembourgeois ne sont pas réputés pour leur fiabilité en matière de partage d'informations. Est-ce le cas ?
Il était effectivement très difficile d'obtenir des renseignements, les services fiscaux luxembourgeois étant peu diligents et contraints par le secret bancaire.
Mais le principal intérêt de cet accord réside dans les nouvelles stipulations qu'il introduit dans la convention fiscale, rendant impossible d'opposer le secret bancaire à des demandes d'informations fiscales.
L'article de la convention qui prévoit l'impossibilité d'opposer le secret bancaire à des demandes de renseignements fiscaux aura-t-il des conséquences ? Permettra-t-il d'obtenir des informations ? Comment un pays aussi dépendant de ses ressources financières comme le Luxembourg pourra-t-il menacer son fonds de commerce ?
Pour preuve de sa bonne foi, le parlement luxembourgeois a ratifié cet accord en mars 2010. Mais il est certain qu'il est difficile, pour ce pays, de passer à une culture de l'échange d'informations. Désormais, on peut espérer qu'il y aura une réelle volonté de transmettre les renseignements demandés.
J'y crois. Je connais le Luxembourg, et la pression internationale est actuellement si forte que ce pays sera de toutes façons obligé d'agir pour améliorer son image à l'international.
Ne boudons pas notre plaisir ! On assiste à une évolution très favorable en matière de lutte contre l'évasion fiscale. A ce sujet, le G20 a-t-il permis d'obtenir des résultats concrets dans ce domaine ?
Le Luxembourg est un des principaux paradis fiscaux européens. C'est à la demande de la France, et grâce à son activité au sein du G20, que la pression de tous nos partenaires a pu s'exercer et conduire le Luxembourg à signer de tels accords.
Nous parlons effectivement des résultats concrets de la politique étrangère, fiscale, financière de la France. C'est un élément de progrès concret, qui diffère des discussions qui occupent malheureusement le devant de la scène politique en ce moment.
Dans cet accord, comme souvent, le diable se cache dans les détails. Pourquoi le texte réserve-t-il l'obligation d'échange de renseignements à ceux vraisemblablement pertinents pour la mise en oeuvre de la législation fiscale ? Que signifie cette expression en langage « luxembourgeois » ? Par ailleurs, pourquoi est-il dit, au paragraphe trois de l'article unique, que « les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l'obligation de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celle de l'autre Etat contractant ou de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l'autre Etat contractant » ? Quelle évolution du droit luxembourgeois permettrait-elle de refuser les informations demandées par la France ?
La notion de renseignements « vraisemblablement pertinents » figure dans tous les accords d'échange de renseignements fiscaux, c'est une formule d'usage, pour faire référence à tout élément utile à la recherche. Concernant l'autre remarque, il faut lire ce paragraphe 3 en lien avec le paragraphe 5 de l'article, qui indique « En aucun cas les dispositions du paragraphe 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un Etat contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu'agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d'une personne. ».
Existent-il d'autres éléments que le secret bancaire qui nuisent aux échanges d'information entre la France et le Luxembourg dans le domaine fiscal ?
Nous verrons au fur et à mesure de l'application de cet avenant quels obstacles pourraient se dresser devant l'engagement de bonne coopération en matière d'échange de renseignements fiscaux pris par les deux parties à l'accord.
Si l'une des parties, notamment la France, devait constater que des difficultés importantes subsistent, nous pouvons suspendre l'application de l'accord.
La commission adopte sans modification le projet de loi (no 2336).
La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.