La mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des Finances, de l'économie générale et du Plan, a procédé à l'audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
Je vous remercie pour votre présence, Madame la ministre, en cette dernière réunion de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) consacrée aux moyens affectés aux universités. Dans un esprit non partisan, notre travail aura pour objet de formuler des recommandations en vue d'instaurer une répartition juste et efficace des crédits pour l'enseignement supérieur.
Je salue MM. les rapporteurs Alain Claeys et Laurent Hénart ainsi que MM. Benoist Apparu et Régis Juanico, tous deux membres de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, qui ont largement contribué à enrichir nos travaux. Je salue également la Cour des comptes, en la personne de Mme Anne Froment-Meurice, présidente de section.
Je remercie d'autant plus M. le Président et MM. les Rapporteurs de me recevoir aujourd'hui que la date de notre rendez-vous a été très difficile à établir.
La réforme de l'allocation des moyens alloués à l'université constitue un élément central de la mise en oeuvre de l'autonomie. Il s'agit à la fois d'un renouvellement complet des relations entre l'État et les universités et d'un préalable : nous voulons en effet restaurer l'équité entre les universités tout en les faisant entrer dans une culture du résultat.
Alors que le système San Remo était devenu obsolète et déresponsabilisant pour les établissements, la nouvelle structure doit tout d'abord garantir l'exercice des missions de service public dévolues aux universités. Une part très importante des crédits doit être par ailleurs déterminée à partir de critères d'activité réelle et non théorique - la question du nombre d'étudiants réellement présents dans les cours étant de ce point de vue fondamentale, de même que celle du nombre de chercheurs « publiants ». Le financement doit en outre assurer la convergence des dotations entre les universités. Ce rééquilibrage devra s'opérer non en déshabillant Pierre pour habiller Paul – d'autant que Pierre est lui-même légèrement vêtu (Sourires) – mais en faisant en sorte que toutes les universités bénéficient de moyens au moins équivalents à ceux qu'elles percevaient précédemment et que les moyens de celles qui seraient considérées comme insuffisamment dotées augmentent substantiellement. Je rappelle à ce propos que le Président de la République s'est engagé à augmenter le budget de l'enseignement supérieur de 50 % en cinq ans.
Le financement doit de surcroît valoriser la performance, alors qu'aujourd'hui 6 % des crédits seulement sont évalués en fonction des résultats dans le cadre des contrats quadriennaux. Cette proportion doit être significativement augmentée – sans doute la MEC pourrait-elle formuler un avis –, peut-être autour de 15 %. Les critères de performance doivent être également renouvelés, je songe en particulier à l'insertion professionnelle, confortée par la loi sur la liberté et la responsabilité des universités (LRU). Le critère de la valeur ajoutée dans l'enseignement est également important car il permet de tenir compte de la fragilité des étudiants accueillis. Enfin, ce financement devra être transparent ; les présidents d'université s'en plaignent tous : les principes de calcul sont opaques, les dotations ne sont pas connues et le mode d'attribution de la part à la performance demeure assez aléatoire.
Je ne peux qu'être d'accord sur les principes exprimés, notamment en ce qui concerne les missions de service public, mais comment de telles inégalités et une telle opacité ont-elles pu être générées ?
Si, en outre, le rôle de l'État « stratège et évaluateur » est décisif, le président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), M. Jean-François Dhainaut, a néanmoins considéré que compte tenu de l'étanchéité voulue par le législateur entre l'évaluation et la décision il n'y a pas eu et il ne pouvait y avoir de concertation spécifique à ce sujet entre la direction générale de l'enseignement supérieur (DGES) et l'AERES. Ce sont en effet deux milieux très différents dont les relations doivent être clarifiées. Faute de solution au problème de l'évaluation, il ne sera pas possible de disposer de critères lisibles dans chaque université et l'on en restera au statu quo.
Les inégalités et l'opacité que vous venez de souligner s'expliquent par un modèle fondé sur des dotations théoriques complètement déconnectées des financements réels. En outre, nous avons tous été incapables de revoir à la baisse les dotations des universités dont les effectifs baissaient.
En 2006, plusieurs semaines ont été nécessaires pour que la MEC de la commission des Finances obtienne la masse salariale de chaque université.
Outre que l'autonomie commence seulement à se mettre en place, il est normal que la DGES se concentre sur les crédits de fonctionnement car son rôle est majeur en la matière, plus qu'il ne l'est en tout cas dans le domaine des effectifs.
Vous avez raison. L'autonomie, précisément, tend à parvenir à un juste équilibre entre le cahier des charges, l'évaluation des objectifs et les moyens financiers.
…ne sont pas ce que vous dites. La DGES a indiqué que toutes les évaluations de l'AERES lui ont été communiquées afin d'établir les contrats des universités de la vague B mais la situation ne se clarifiera vraiment que lorsque l'autonomie sera effective et que la réforme du décret financier des universités sera achevée : les universités se mettront ainsi à l'heure de la LOLF ; la recherche et la formation seront bien distinguées ; enfin, le coût complet de chaque diplôme Licence Master Doctorat (LMD) sera inscrit dans le budget de même que celui de chaque laboratoire. Les évaluations de l'AERES seront dès lors beaucoup plus lisibles au regard des moyens financiers dévolus à telle ou telle mission de l'université.
J'y insiste : de façon générale, il ressort des auditions que l'articulation entre la DGES et l'AERES est loin d'être parfaite.
Il est vrai que la DGES doit changer son mode de fonctionnement puisque, jusqu'ici, la gestion des universités était très administrée. Le changement de logique que nous proposons vise à ce que les critères priment. J'ajoute à ce propos qu'une petite part du financement à la performance peut être conditionnée par l'atteinte des objectifs fixés, notamment lorsque l'université se trouve dans un milieu socio-économique difficile. La DGES, dans ce cadre-là, aura un rôle important à jouer.
Un critère de « tenue des engagements ».
D'une part, la DGES doit promouvoir une nouvelle logique d'accompagnement, de pilotage stratégique, de contrôle de la qualité, de la définition et de la présence des formations dans l'ensemble du territoire – ce qui rejoint la remarque de M. Claeys –, d'autre part, les évaluations de l'AERES doivent bénéficier d'une plus grande publicité.
Les auditions ont montré qu'il importait de distinguer l'enseignement supérieur de la recherche. S'agissant de l'activité, comment élaborer le comptage des étudiants dans le cadre de l'inscription aux épreuves – que ce soit en examen final ou en contrôle continu – ou de l'inscription pédagogique ? Combien de familles de disciplines seront-elles déterminées ? Faut-il distinguer les coûts de formation en licence et en master ? Quid du doctorat ? Que deviendront les structures visées par l'article 33 – je pense en particulier aux IUT ? Si, s'agissant cette fois de la recherche, le critère des publications a été avancé par la plupart des personnes auditionnées, il s'est révélé beaucoup plus difficile d'élaborer des critères de performance : qualité des publications, organisation de débats, de colloques et de congrès ? La valorisation de la recherche et du transfert ont en revanche été beaucoup moins évoqués. Enfin, quelles seront les parts respectives à l'activité et à la performance dans le volume total des moyens dévolus à l'enseignement supérieur et à la recherche ?
La part respective de l'activité et de la performance devrait être respectivement de 90 % et 10 % dans l'enseignement supérieur et de 80 % et 20 % pour la recherche. Le critère des publications est bien entendu essentiel, de même que la valorisation du transfert, lesquels font déjà partie des critères de l'AERES. Nous procéderons par ailleurs à une évaluation de l'AERES dans le cadre du dispositif d'assurance qualité des autorités d'évaluation européennes.
Pas dans l'immédiat mais sans tarder pour autant si l'on veut que les évaluations puissent être reconnues et aient ainsi des conséquences concrètes.
Je note que, outre la valeur ajoutée de l'enseignement, le nombre d'étudiants en retard constitue également un critère intéressant. Il est vrai, par ailleurs, que considérer le nombre d'étudiants comme critère d'activité soulève certains problèmes : alors que l'on évoque 50 % d'échecs à l'université, nous devons certes poser la question du nombre d'élèves présents aux examens – ne serait-ce que parce que certains n'ont pas assisté aux cours – mais faut-il pour autant les inclure dans la performance du taux de réussite, au risque de fausser les analyses ? Faut-il en outre distinguer les inscriptions administratives et pédagogiques – notamment en raison de la situation des élèves des classes préparatoires aux grandes écoles ? Comment, de surcroît, comptabiliser les étudiants qui ont une activité salariée et qui ne suivent pas de contrôle continu ? Quoi qu'il en soit, l'inscription aux examens me semble devoir être retenue parmi les critères d'activité permettant d'évaluer la performance. Enfin, ne serait-il pas possible d'associer deux critères – nombre d'étudiants ayant effectivement passé l'examen et nombre d'inscrits pédagogiques ; nombre d'étudiants inscrits au contrôle continu et en examen final ? Une concertation est en cours à ce sujet avec la Conférence des présidents d'universités (CPU).
Il me semble également logique de ne distinguer que deux coûts différents : celui des étudiants en sciences et en médecine versus celui de tous les autres, le premier étant 2,2 fois supérieur au second comme l'indique une étude réalisée par la direction de l'évaluation de mon ministère.
Assurément.
Part ailleurs, le coût actuel de la formation en licence et en master étant identique, les modalités de calcul et de dotation ne seront pas distinguées. En revanche, les universités considèrent qu'elles ont une mission de service public en premier cycle et demandent à ne pas se voir appliquer un critère de performance à ce stade. Les études de l'AERES montrent néanmoins que les performances des universités sont à peu près équivalentes entre la licence et le master.
Le doctorat, quant à lui, s'inscrit dans le cadre de la mission recherche des universités. La formation doctorale – nombre de doctorants, qualité des thèses – doit donc être évaluée avec les laboratoires. Je rappelle à ce propos qu'il existe une charte des directeurs de thèses impliquant le respect d'un certain nombre de critères ; une évaluation, là encore, peut être envisagée.
Le coût des formations visées par l'article 33 avoisine celui des formations scientifiques et médicales. Nous voulons par ailleurs faire des IUT un bras armé permettant de remédier à l'échec des bacheliers technologiques et professionnels en première année. Ces structures devront donc accueillir des publics plus difficiles.
J'ai demandé à M. Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de réaliser une étude sur les métiers de l'avenir et les formations courtes « professionnalisantes » de manière à élaborer le cahier des charges des IUT et des BTS en tenant compte également des spécificités territoriales. Vous aviez vous-même, M. Claeys, proposé naguère la création d'une place de formation professionnelle courte pour chaque bachelier technologique…
Il existe deux types de formations courtes : tertiaire – dont le nombre de places vacantes est très rare – et industrielle – où le recrutement est en revanche plus difficile. Des BTS et des IUT, dans certaines régions, font par ailleurs double emploi.
Je l'ai dit : le « fléchage » des moyens tel qu'il était pratiqué par la DGES n'aura plus lieu d'être dans le cadre d'une université autonome et disposant d'un budget global, mais cela sera aussi valable pour les IUT et les écoles d'ingénieurs.
Son budget sera intégré, chaque entité disposant de son financement en fonction de ses coûts.
Qu'en est-il des projets d'établissement, notamment, des fusions d'universités ou des rapprochements des grandes écoles ?
M. Claeys a évoqué, parmi les critères de San Remo, la prise en compte des missions de service public dans les territoires qui permettaient, par exemple, de maintenir des formations à faibles effectifs. Ce système peut-il perdurer ? En outre, la réforme ne pénalisera-t-elle pas les universités dispersées sur plusieurs sites ? Enfin, sera-t-il possible de réexaminer les premiers projets non retenus après le choix des dix sites du Plan Campus afin qu'ils puissent bénéficier de crédits immobiliers ?
Un financement ad hoc doit tout d'abord permettre la réorganisation des structures qui fusionnent ou se rapprochent, des marges de manoeuvre étant par ailleurs dégagées dans ce type d'opérations.
La mission de service public concerne quant à elle l'ensemble des territoires mais ne pourrait-on pas, afin de tenir compte du problème que vous soulevez, ajouter une petite quote-part au coût fixe de fonctionnement de l'université à partir d'un certain nombre d'étudiants inscrits ? Ce n'est qu'une piste.
Cette mission de service public est d'autant plus importante que la direction du Budget a comparé la réforme à celle de la T2A à l'hôpital où, je le rappelle, les missions d'intérêt général n'ont pas été préalablement définies.
Le transfert de l'immobilier doit être quant à lui opéré après un audit de la mise aux normes des locaux. Les universités qui accepteront la compétence immobilière ne le feront que si elles y trouvent un intérêt. Le Plan Campus représente un effort exceptionnel de cinq milliards de crédits d'État. L'examen des premiers projets témoigne d'un investissement très fort de la part des collectivités territoriales dans les six pôles qui ont été choisis. Un effet de levier financier peut être légitimement attendu, sans parler des crédits d'autres partenaires qui pourraient venir s'y ajouter. Le Plan Campus libère en outre un milliard de crédits budgétaires qui devait servir à la réalisation des contrats de projets État-Régions (CPER). Sans doute serait-il dès lors souhaitable d'accélérer la réalisation des autres CPER ou de les améliorer. Par rapport aux CPER classiques, enfin, le Plan Campus fait une part assez large à la rénovation et à la vie étudiante.
Je vous remercie.
Je rappelle que le rapport sera présenté mercredi prochain à 9 heures 30 devant la commission des finances.
Enfin, la MEC aurait à mon sens intérêt à généraliser les auditions des membres du Gouvernement. Nous pourrions par exemple interroger M. Borloo sur la gestion des ressources humaines du ministère de l'Écologie, du développement et de l'aménagement durables mais aussi sur la manière dont il compte le réorganiser.
Je lui transmettrai le message.