Je vous souhaite la bienvenue devant notre mission au sein de laquelle majorité et opposition travaillent ensemble. Ainsi, notre collègue Françoise Olivier-Coupeau, membre du groupe socialiste et de la Commission de la défense, partage avec moi, membre du groupe UMP et rapporteur spécial de la Commission des finances pour la préparation et l'emploi des forces, la responsabilité de préparer le rapport sur le thème qui nous occupe aujourd'hui. Je remplace en outre Georges Tron qui assumait, jusqu'à sa nomination au Gouvernement, la coprésidence de la MEC, avec notre collègue David Habib.
Comme à l'accoutumée, nous sommes assistés dans nos travaux par des représentants de la Cour des comptes : M. Alain Hespel, président de la deuxième chambre, Mme Françoise Saliou, conseiller-maître, président de section, M. Antony Marchand, conseiller référendaire, et M. Laurent Jannin, rapporteur, que je remercie pour leur présence et pour leur aide.
Les recettes exceptionnelles de la défense, thème de la présente évaluation, proviennent de la vente de biens immobiliers, de l'aliénation de fréquences hertziennes et de cessions, en particulier celle des satellites Syracuse 3A, Syracuse 3B et Sicral. Thales avait réalisé les Syracuse et s'est déclaré intéressé par leur acquisition. C'est pourquoi nous avons souhaité que vous nous éclairiez sur la consistance de ces satellites, sur leur durée de vie et sur l'exploitation qui peut en être faite.
Vous avez évoqué trois aspects des recettes exceptionnelles : nous n'avons aucune compétence en matière immobilière et nous concentrerons notre propos sur le projet qui concerne les satellites Syracuse. Toutefois, même si nous ne sommes ni opérateur ni candidat à l'acquisition de fréquences hertziennes, nous fabriquons des matériels pour lesquels les forces armées les utilisent et je souhaite dire un mot à ce propos.
En fait, nous craignons que se produise un effet de ciseau entre d'une part le besoin en ressources exceptionnelles, qui fait que l'on cherche à valoriser les fréquences réservées et non utilisées, d'autre part l'incroyable augmentation du volume des informations qui doivent transiter par les fréquences restantes. En effet, les fréquences devenant une denrée très rare, la densité de l'utilisation de celles qui sont réservées aux forces armées va devenir de plus en plus considérable.
Cela tient en premier lieu au fait que l'équipement du soldat du futur, en particulier avec le programme Félin (Fantassin à Équipements et Liaisons INtégrés), fera de chaque homme, qui sera à la fois émetteur et récepteur, un véritable noeud de communications. On imagine le besoin en bande passante lié à ces nouveaux usages.
Cela tient ensuite au développement de l'usage sur les théâtres d'opération des systèmes non pilotés de type drones UAS (Unmanned Aerial Systems) - UAV (Unmanned Air Vehicles), sur lesquels on ne peut embarquer des systèmes de traitement des informations, qui seraient trop pesants, et qui nécessitent donc de transmettre au sol, en temps réel, un volume considérable de données, en particulier des images.
Enfin, le concept de guerre en réseau repose bien évidemment sur l'échange d'informations entre les forces, donc sur l'utilisation de bandes passantes.
En tant que fournisseurs de ces équipements, nous sommes frappés de constater que c'est précisément au moment où explose le volume d'informations à transmettre, donc le besoin en fréquences, que se concrétise la rétrocession au monde civil des fréquences qui avaient jusque là été réservées aux applications militaires. Cette dernière répond sans doute à un souci de bonne gestion mais il ne faut pas aller trop loin, d'autant qu'utiliser de façon plus dense les fréquences restantes supposera d'être plus précis, ce qui sera onéreux.
Merci pour cet éclairage très intéressant, qui complète les informations que nous avons déjà recueillies.
J'en reviens au projet de cession des Syracuse, auquel la direction générale de l'Armement, la DGA, a donné, dans le cadre de l'appel à candidatures, le nom de « Nectar ». Nous avons répondu très récemment à cet appel et nous sommes aujourd'hui pratiquement entrés dans une phase de compétition avec la seule autre entreprise qui a répondu : Astrium, filiale spécialisée du groupe EADS. C'est pour nous un enjeu très important.
Pour le ministère de la Défense, il s'agit ici de recourir à ce que l'on appelle un partenariat innovant, qui consiste à associer le fournisseur de l'équipement au financement, qu'il assume lui-même ou qu'il partage avec d'autres, tandis qu'il se fait payer en échange au travers de la livraison d'un service aux forces armées. Ces partenariats sont une tendance majeure partout en Europe, ainsi que dans d'autres pays exportateurs, à l'exception des États-Unis, où les budgets militaires sont tels que l'on n'a pas besoin de recourir à de tels dispositifs.
Dans un cadre budgétaire contraint, le recours à de tels partenariats répond à un triple objectif. Il s'agit d'abord, comme cela a été fort bien souligné dans des rapports au Parlement britannique, de recentrer les armées sur leur coeur de métier : le combat et les interventions de terrain et non la gestion de réseaux de télécommunication. Si l'on a besoin de réseaux pour parvenir à un résultat, leur gestion est-elle une tâche qui doit incomber aux forces armées ? Le débat est ouvert à ce propos.
Il s'agit ensuite d'améliorer le service rendu : nous sommes mieux à même que les forces armées elles-mêmes d'être opérateur de confiance des réseaux de télécommunication pour les opérations stratégiques. En effet, si les forces armées font cela parmi de très nombreuses autres choses, pour notre part, nous concevons, nous installons et nous mettons en oeuvre les matériels et nous pensons donc que, vivant au contact permanent des forces, nous sommes bien placés pour comprendre les besoins opérationnels et pour définir les besoins capacitaires tels qu'ils évoluent sur les théâtres extérieurs.
Enfin, les technologies évoluant à une vitesse considérable, en particulier dans le domaine des télécommunications, en maîtriser l'usage et la gestion suppose une formation continue : il faut être plongé en permanence dans cette ambiance pour s'adapter facilement et pour exploiter véritablement les possibilités offertes par ces technologies. Les forces armées peuvent difficilement satisfaire cette contrainte.
Cela nous renvoie d'ailleurs au débat sur le MCO, le maintien en condition opérationnelle.
Je me souviens que l'un des grands responsables de l'activité télécommunications de Thales, s'était rendu compte, en Bosnie, que, par respect des contraintes de rotation des personnes, les opérateurs radio du champ de bataille changeaient tous les six mois alors que trois mois étaient nécessaires pour tirer pleinement parti de l'outil…
L'idée que les industriels ne se contentent plus de fournir les matériels, ni même de dispenser par la suite des formations, mais assument la gestion à proximité de la ligne de bataille – on n'imagine pas qu'ils interviennent sur la ligne de bataille elle-même car ils ne sauraient exposer la vie des techniciens – paraît de nature à améliorer l'efficience de l'organisation, mais aussi l'efficacité économique car si l'on utilise pleinement les matériels, il en faut moins pour parvenir au même résultat.
C'est en effet un gage d'efficience, mais cette idée a quand même du mal à entrer dans les choix politiques français, à la différence de ce qui se passe au Royaume-Uni, des représentants de Thales étant présents sur le terrain auprès des troupes opérationnelles britanniques. En France, le débat tourne rapidement court et l'on nous assène que cela relève du domaine régalien.
Le blocage politique ne vient, en tout cas, pas du Parlement puisque nous avions fait l'an dernier une préconisation en ce sens dans un rapport sur le financement et le coût des OPEX.
Il y a quelques années, nous avions remporté un contrat pour le ravitaillement des appareils de la Royal Air Force et la question était de savoir jusqu'à quel degré de crise le ravitailleur pouvait être piloté par un civil. Nous avions alors un débat non pas sur les principes mais sur des considérations techniques. Les choses seraient sans doute beaucoup plus compliquées si de telles discussions s'ouvraient en France…
Pour en revenir au partenariat stratégique Nectar, nous sommes d'autant plus intéressés que nous avons construit les satellites et que nous travaillons à leur gestion et à leur opération en liaison très étroite avec la direction interarmées des Réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information, la DIRISI, à tel point que la frontière paraît parfois un peu floue, des personnels de Thales étant détachés auprès de la DIRISI.
Nous venons de procéder à l'audition de son directeur adjoint. Vous confirmez que vous partagez déjà, de façon concrète, une part d'expertise avec la DIRISI.
En effet, c'est même une des conditions sine qua non de l'exercice du métier.
S'agissant d'un domaine de souveraineté, il faut être, au-delà d'un opérateur économique ou industriel, un véritable opérateur de confiance, même s'il ne s'agit pas d'une catégorie juridique reconnue.
Les militaires le comprennent très bien, mais les politiques ont un peu de mal à admettre cette idée pour certains secteurs d'activité.
S'agissant de l'Espace, l'ensemble de nos activités sont organisées au sein de plusieurs sociétés conjointes, dont l'association forme l'Alliance spatiale entre le groupe italien Finmeccanica et nous-mêmes. Cette alliance est née, en 2005, du rapprochement des activités d'Alcatel et de Finmeccanica, l'un venant des télécommunications et l'autre du militaire. À un moment de l'histoire complexe d'Alcatel et de Thales, il est apparu souhaitable de transférer la part qu'Alcatel détenait dans l'Alliance spatiale à Thales, qui fait le même métier que Finmeccanica.
Le projet Nectar s'inscrit naturellement dans la coopération franco-italienne dans le domaine de l'espace militaire. Le programme en cours, Sicral 2, qui s'est de fait substitué au troisième satellite Syracuse, est une plate-forme italienne qui comporte une charge utile française et une charge utile italienne. La part française étant identique à la charge utile embarquée sur Syracuse et étant opérée à partir du même segment sol, il est logique d'inclure cette part dans le projet Nectar, de même d'ailleurs ultérieurement qu'Athena-Fidus, le projet italo-français suivant de satellite de télécommunications militaires et civiles pour lequel l'accord entre les gouvernements est en place et le contrat de fourniture déjà signé. Le prochain sommet franco-italien des 8 et 9 avril pourrait être l'occasion de la mise en oeuvre du contrat Sicral 2.
S'agissant de la durée du projet Nectar, la DGA sera sans doute prudente au lancement de la consultation car il s'agit de satellites conçus pour durer au-delà de l'engagement contractuel. Le dispositif élaboré devra ainsi prendre en compte la totalité de la durée de vie, au prix d'une éventuelle prolongation des contrats initiaux.
Par rapport aux projets similaires, par exemple au programme Skynet 5 géré par Astrium en Grande-Bretagne, Nectar présente la particularité que les objets en cause sont déjà construits et sont même en l'air. Ce que l'on appelle habituellement le build, dans les partenariats innovants, est donc déjà traité. La législation empêchant d'en céder la propriété, la solution imaginée consiste à céder l'usufruit des satellites, mais là on ne peut se référer à aucun précédent. Il faut donc être particulièrement vigilant sur le libellé et sur la conduite de l'appel d'offres, dans le cadre du code des marchés de l'État, ainsi que dans la définition des risques effectivement transférés à l'industriel.
Cela nous amène à la question du calendrier : la date du 31 décembre 2010 est-elle crédible ? En tant qu'industriels, nous ferons tout pour tenir ce délai, qui nous paraît réaliste dans la mesure où le départ a été donné avec le lancement de l'appel à candidatures, mais à la condition que les étapes s'enchaînent rapidement. Nous disposerons sans doute d'un calendrier précis lorsque la consultation elle-même sera lancée. Ce ne sera pas facile car, je viens de le dire, il faudra élaborer une solution ad hoc et l'on découvrira donc un certain nombre de choses au fur et à mesure. Qui plus est, la DGA a décidé de mettre ce programme en oeuvre dans le cadre de ce que l'on appelle le dialogue compétitif. Si ce dernier paraît parfaitement adapté car il permet aux deux candidats d'enrichir à tour de rôle le débat, il faudra qu'il soit mené rondement bien que le sujet soit particulièrement complexe. Ceci étant, si nous étions convaincus que le délai est impossible à tenir, nous vous le dirions.
Dans l'intérêt du budget de l'État comme des industriels, il est souhaitable que les choses soient bouclées au plus vite.
Peut-on envisager que le versement qui sera demandé à celui qui se verra attribuer l'offre soit effectué avant même que les aspects techniques du projet soient arrêtés ?
Non car un tel projet repose sur un transfert de risques : si les deux partenaires, l'État et l'industriel, ne sont pas au clair sur le risque transféré, on court à la catastrophe. Nous ferons vraiment tout pour tenir le délai, mais il faut absolument que ce soit dans une clarté complète.
Vous nous avez par ailleurs demandé dans le questionnaire écrit si nous étions intéressés par l'usufruit des deux satellites Syracuse seulement ou par les trois, Sicral 2 compris. Il faut absolument que le périmètre de l'opération englobe les trois satellites, même si Sicral 2 n'est pas encore lancé. Il est évident qu'en cas de difficultés sur les satellites Syracuse, la solution viendra d'abord de Sicral 2 puisqu'il s'agit en fait de la même solution technique.
Pour autant, la complexité de l'opération de cession des deux satellites qui sont pleinement la propriété de l'État français est déjà telle que l'on voit bien les difficultés juridiques que poserait la cession de l'usufruit d'une charge utile embarquée sur une plate-forme appartenant à l'État italien. On ira donc probablement vers une formule proche de l'autorisation d'occupation temporaire (AOT) d'un bien public.
Une fois ce problème juridique résolu, nous ne voyons pas d'inconvénient au programme Sicral 2. En décembre dernier, dans un échange de courriers entre le délégué général pour l'Armement et son homologue italien, le gouvernement français s'est montré ouvert à l'idée d'une démarche commune mais n'a pas souhaité pour autant retarder son propre programme, d'autant qu'il semble très difficile de combiner une cession d'usufruit sur bien public dans deux pays différents. Si les choses devaient finalement se concrétiser, il est vraisemblable qu'il y aurait trois contrats : un contrat français pour la cession d'usufruit sur les satellites français, un contrat italien pour la cession d'usufruit sur les satellites italiens et éventuellement un contrat de prestation de services qui pourrait être franco-italien, portant sur l'exploitation en commun du segment sol. Mais nous pensons difficile de traiter l'ensemble sous la forme d'un appel d'offres binational unique.
Elle est essentielle dans la mesure où les partenariats innovants reposent en particulier sur l'idée que les objets en question ont en général une capacité résiduelle, qui est souvent mal employée par l'État propriétaire.
Au Royaume-Uni, les heures creuses des centres de formation des pilotes sont utilisées pour former d'autres pilotes que ceux de la Royal Air Force, ce qui apporte un revenu complémentaire. En France, la loi de finances prévoit la possibilité de faire usage de 10 % de capacités résiduelles. Peut-être sera-t-il possible d'aller au-delà mais, quoi qu'il en soit, la réponse ne peut être qu'évolutive, en particulier en période de crise. Ne rêvons donc pas : dans le cadre de l'opération Nectar nous ne réaliserons pas des gains considérables au travers de la vente de services à des tiers.
Dans l'expérience britannique des avions ravitailleurs, on peut voir la limite de tels dispositifs, avec l'idée de transformer, en temps de paix et en l'absence d'une crise ouverte, les avions ravitailleurs en charters : à l'évidence, on ne saurait installer aisément des sièges à la place des réservoirs…
Dans la mesure où nous sommes dans un domaine qui relève de la sécurité nationale, il faut prendre en compte la contrainte du droit de préemption absolu et permanent au bénéfice de la puissance publique, par exemple pour assurer les communications avec les forces françaises engagées sur les théâtres extérieurs. C'est sur cette base que nous répondrons à la consultation et nous avertirons de cette contrainte nos clients extérieurs, par exemple le gouvernement polonais lorsqu'il utilise un satellite tiers pour des applications gouvernementales mais pas forcément militaires.
Mais, au motif de cette contrainte, vous vendrez moins cher au gouvernement polonais. Or, vous n'êtes pas des philanthropes et l'on peut donc penser que vous serez ainsi conduits à faire payer plus cher le gouvernement français.
Je ne dirais pas les choses ainsi. Dans une telle opération, on essaie d'établir le plus juste prix pour le client principal, qui désinvestit et qui achète un service au lieu de financer un actif immobilisé. Si l'on tient compte dans cette équation des revenus tiers que l'on peut dégager, c'est que nous disposons déjà de références. Nous savons ainsi par exemple ce qu'Eutelsat nous facturerait si nous lui demandions de nous réserver en permanence une capacité sur ses satellites. On peut donc considérer, même s'il s'agit de clients très particuliers et si l'offre est assez limitée, qu'il existe en quelque sorte un prix de marché dans ce domaine.
Cela m'amène d'ailleurs à la question de la confidentialité. Il s'agit bien sûr d'un sujet central, mais, à moins que les trois satellites (Syracuse 3 et Sicral 2) ne soient détruits par des astéroïdes, la probabilité est que nous soyons incapables d'assurer les communications véritablement stratégiques, (qui ne représentent qu'un petit pourcentage du volume total à traiter) sur l'un de ces trois satellites.
Nous sommes convaincus que, à terme, les gouvernements européens ne pourront faire l'économie d'un partage de ces ressources : les satellites seront de plus en plus complexes et leur usage de plus en plus coûteux, d'autant que le volume d'informations à faire transiter sera de plus en plus considérable. Mais, en la matière, la décision appartient aux politiques et non aux industriels.
Pour l'heure, il est évident que l'État français doit avoir la pleine disposition des moyens en question, en particulier en temps de crise. Cela signifie qu'aucune autre décision, en particulier d'un État étranger, ne doit interférer avec la sienne. C'est aussi ce qui empêche d'envisager de recourir à des capacités disponibles au Royaume-Uni : un État tiers ne saurait non plus interférer avec l'exercice de la souveraineté nationale britannique.
On voit là la limite du recours à de telles formules, c'est néanmoins une donnée essentielle du projet Nectar.
Lors de l'audition précédente, le directeur-adjoint de la DIRISI nous a dit que lorsque Syracuse ne permettait pas de répondre aux besoins, des capacités étaient achetées grâce à Astel.
Dans ce cas, on déporte vers un système tiers les informations les moins sensibles, mais pour celles qui relèvent d'impératifs de sécurité absolue, il y a toujours assez de place sur Syracuse (et Sicral, demain).
Le ministère annonce une recette de l'ordre de 600 millions d'euros pour la cession d'usufruit, cela vous paraît-il réaliste ?
Pour le périmètre défini dans l'appel à candidatures, c'est une somme de 400 millions d'euros qui a été évoquée pour la valeur de l'usufruit sur les deux satellites Syracuse et l'accès à la charge utile de Sicral 2, et qui constituera une sorte de mise à prix s'imposant à tous les candidats. Peut-être la somme de 600 millions tient-elle compte d'un élargissement ultérieur du périmètre à certains éléments des segments sol - stations d'ancrage et de contrôle, etc. – qui sont des éléments essentiels pour gérer le système. Nous espérons que l'appel d'offres laissera aux candidats la porte ouverte à des propositions sur ce périmètre plus large, mais nous ignorons pour l'instant si tel sera le cas. Quoi qu'il en soit, la valeur a été arrêtée sur la base de calculs précis, elle s'impose à nous et nous la traitons aujourd'hui comme une donnée d'entrée dans le projet. Le calcul du coût du service rendu tient compte de l'amortissement de ce montant, sous la forme de loyers.
Je pense par ailleurs que, s'il était intéressant que nous disposions d'une estimation pour pouvoir faire nos propositions dans le cadre de l'appel à candidatures, la puissance publique devra être très prudente dans la façon dont ce montant sera cité dans l'appel d'offres : il semblerait préférable que les industriels candidats fassent eux-mêmes ce travail et prennent leurs risques en calculant la valeur du bien.
Pour en revenir à la confidentialité, la question est presque choquante : en est-on encore à se demander aujourd'hui si Thales peut être un interlocuteur de confiance ? Ou, mieux, un « opérateur de confiance » ?
Depuis quatre ans, dans le cadre du contrat ISAF (International Security Assistance Force), des opérateurs de Thales sont sur le terrain, en Afghanistan, et gèrent toutes les communications stratégiques de l'OTAN. Les choses se sont bien passées…
Je ne crois pas.
Nous gérons aussi, dans le cadre du contrat Lydian, la transmission d'informations de drones pour le gouvernement britannique et si nous faisions n'importe quoi, cela se saurait...
Dans le domaine de la défense, la relation client-fournisseur est en train de se transformer fondamentalement et la crise ne peut qu'accélérer ce mouvement : demain, nos métiers ne ressembleront plus du tout à ce qu'ils étaient auparavant.
S'il n'y a pas, face à une contrainte budgétaire sans précédent et à des exigences de plus en plus onéreuses, une véritable coopération européenne, on court à la catastrophe, en premier lieu pour l'industrie européenne. Dans ces conditions, si l'on ne parvient pas, dans le cadre franco-français, à instaurer un rapport de confiance entre le client – la DGA ou d'autres administrations – qui en a besoin, au nom de la sécurité, et EADS ou Thales, autant fermer boutique !
Le débat sur la sécurisation des réseaux et sur le cloud computing n'a été qu'effleuré à l'occasion du grand emprunt. Mais, si la plupart des observateurs crient au génie quand un jeune Français annonce fièrement être parvenu à pirater Twitter, c'est en fait extrêmement grave car cela signifie que la France a un retard considérable dans les infrastructures de sécurité dites « critiques », celles non seulement de l'État mais aussi des pôles de compétitivité.
J'évoque ce sujet pour montrer que le débat sur la sécurité ne concerne pas uniquement les industriels mais qu'il doit aussi impliquer la puissance publique et qu'un véritable contrat de confiance paraît aujourd'hui indispensable.
Concernant les comparaisons internationales, il n'existe pas de précédent au cas de figure qui se présente aujourd'hui. Tout au plus peut-on dire que l'expérience assez longue des pouvoirs publics britanniques montre qu'un tel mécanisme a des effets positifs et permet de véritables économies. En France, Nectar semble s'inscrire dans une tendance plus générale, en particulier avec un projet portant sur tous les réseaux d'infrastructures de communication de la défense. Nous, industriels, sommes convaincus qu'il faut aller dans ce sens et l'expérience que nous avons déjà au Royaume-Uni dans le champ de la formation, de la simulation et de l'entraînement, vient de s'élargir à la formation des pilotes d'hélicoptères de secours. Je crois donc vraiment que ces processus sont en train d'entrer dans les moeurs et que ce sera aussi bientôt le cas en France.