COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mardi 22 juin 2010
La séance est ouverte à dix-huit heures.
(Coprésidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission et de M. Yves Censi, vice-président de la Commission des finances de l'économie générale et du contrôle budgétaire)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend, en audition ouverte à la presse, commune avec la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, et de M. Jean Picq, président de la 3e chambre de la Cour des comptes, sur le projet de loi de règlement pour 2009 et sur le rapport public thématique de la Cour des comptes « L'Éducation nationale face à l'objectif de la réussite de tous les élèves ».
En l'absence de M. le président de la Commission des finances, je remercie, avec Mme la présidente de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, M. le ministre de l'Éducation nationale et M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, d'avoir répondu à notre invitation.
En tant que Rapporteur spécial pour l'Enseignement scolaire, j'avais proposé que M. le ministre de l'Éducation nationale puisse débattre avec nous du rapport public de la Cour des comptes intitulé « L'Éducation nationale face à l'objectif de la réussite de tous les élèves ». Ce rapport particulièrement stimulant suggère plusieurs améliorations pour mettre fin à la dégradation interve nue depuis 2000.
Après que M. Picq en aura présenté une synthèse, le ministre situera le débat dans le contexte des principales caractéristiques de l'exécution du budget pour 2009 et réagira au constat et aux propositions de la Cour. Je me permettrai ensuite de poser quelques questions, avant d'ouvrir la discussion aux membres des deux Commissions.
Je remercie la Commission des finances d'avoir pris l'initiative de cette audition commune. La semaine dernière, nous avons reçu M. Picq, dont le rapport, de grande qualité, a appelé notre attention sur certains éléments. D'où trois questions, monsieur le ministre.
En premier lieu, comment les réformes conduites par le Gouvernement prennent-elles en considération les observations de la Cour ?
Deuxièmement, sans préjuger de l'issue des débats au sein de la conférence nationale ni des conclusions de notre propre mission, pouvez-vous décrire les enjeux financiers et budgétaires, pour l'État et pour les collectivités locales, de la question des rythmes scolaires ?
Enfin, vous venez de confier à notre collègue Frédéric Reiss une mission portant sur le statut des écoles primaires et le rôle des directeurs. Comment votre ministère a-t-il reçu les recommandations de la Cour en faveur de l'autonomie des établissements ?
Je suis sensible au fait que vous ayez souhaité m'entendre en présence de M. le ministre. Même si l'accueil réservé à notre rapport a été favorable, les changements ne seront possibles que si les pouvoirs publics s'engagent à les mener à bien, chantier qui exigera temps, vigilance et persévérance.
Notre travail d'évaluation n'aurait pas été possible sans la loi organique de 2001, qui nous a permis de nous saisir d'une politique déclinée en objectifs et en indicateurs constituant autant de points de repère, ni sans la loi de 2005, qui a fixé au système éducatif des objectifs clairs et quantifiés – 100 % de jeunes diplômés ou qualifiés en fin de scolarité obligatoire, 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat, 50 % de jeunes diplômés du premier cycle de l'enseignement supérieur –, ni enfin sans la comparaison internationale fournie par l'OCDE, puisqu'il est essentiel d'évaluer sur des bases incontestables le système scolaire français par rapport aux autres. Notre pays toujours prompt à invoquer l'exception française doit comprendre pourquoi, sur tel ou tel point, il connaît une avance ou un retard.
Les constats de la Cour sont connus : non seulement, dans son organisation actuelle, l'école n'atteint pas les objectifs que lui assigne la loi, mais elle n'est pas en mesure de réduire les inégalités de départ entre enfants de catégories sociales différentes. Il arrive même qu'elle les aggrave.
L'échec scolaire – la sortie de l'enseignement scolaire sans qualification ni diplôme – concerne chaque année 130 000 jeunes, soit près d'un sur cinq. La proportion d'élèves éprouvant en lecture des difficultés sérieuses n'a cessé d'augmenter depuis 2000 pour atteindre aujourd'hui 21 %. Au vu des enquêtes de l'OCDE, qui portent sur trois cycles d'études, l'écart de résultats entre les élèves qui suivent une scolarité normale, soit 60 % de la population scolaire, et les élèves en difficulté, soit 40 % de cette population, ne cesse de progresser depuis dix ans. De même, près de 250 000 élèves au sein de chaque classe d'âge, soit quatre élèves sur dix, ont déjà redoublé au moins une fois, ce qui constitue un record au sein de l'OCDE. Pourtant, de l'avis même du ministère, le redoublement, dont le coût est évalué à 2 milliards d'euros, n'est pas efficace. Le ministre a d'ailleurs fait de la diminution du nombre de redoublements un des indicateurs permettant d'apprécier les politiques éducatives.
La France est le pays de l'OCDE où les résultats sont le plus fortement corrélés aux origines sociales, puisque 78,4 %, soit plus des trois quarts des élèves, provenant de catégories sociales favorisées, obtiennent un baccalauréat général, contre moins d'un cinquième parmi ceux d'origine défavorisée.
Enfin, l'objectif d'avoir 50 % d'une classe d'âge diplômés de l'enseignement supérieur nous semble important. Aujourd'hui, ce taux n'est que de 41 %, et seulement de 27 % si l'on considère ceux qui parviennent à bac + 3. À l'heure où la mondialisation des économies exige d'accroître les capacités d'intelligence collective, ce chiffre doit nous faire réfléchir sur l'effort qui reste à conduire. Ces constats connus, qui reprennent les études de la direction de l'Évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), révèlent que notre pays ne s'est pas mis assez en situation de traiter la difficulté scolaire, et que le système scolaire doit être repensé.
En premier lieu, il ne semble pas que la question du niveau global des moyens doive être posée, puisque le budget de l'éducation, à 3,9 % du PIB, est dans la moyenne de l'OCDE. En revanche, il faut songer à allouer autrement et plus efficacement des moyens gérés aujourd'hui selon une logique où prévaut le principe de répartition indifférenciée, comme si l'offre devait être uniforme sur tout le territoire.
En outre, le ministère ne connaît pas suffisamment le coût des politiques éducatives : celui de la lutte contre l'échec scolaire, celui des établissements d'enseignement ou encore celui de l'offre de formation, par exemple. C'est qu'il raisonne non en euros, mais en heures d'enseignement et en postes, ce qui apparaît comme une lacune regrettable. Même s'il est difficile de gérer l'affectation des enseignants sur d'autres bases que celles qu'il utilise actuellement, il doit impérativement travailler à mieux cerner ce coût : faute de le connaître, il ne pourra procéder à des arbitrages politiques ni se donner les moyens d'accroître l'effort en faveur du premier cycle d'enseignement, où naît la difficulté scolaire.
En second lieu, la Cour a souligné que l'organisation du service des enseignants est inadaptée aux besoins des élèves. Comment en serait-il autrement, puisque leurs obligations réglementaires de service remontent à 1950, c'est-à-dire à l'époque où à peine 7 % d'une classe d'âge accédait au baccalauréat, soit dix fois moins qu'aujourd'hui ? La loi sur l'école rappelle que les missions des enseignants doivent intégrer, au-delà de la transmission des savoirs, l'accompagnement personnalisé des élèves, l'aide à l'orientation, le suivi des parcours et le travail en équipe pédagogique tel qu'il se pratique à l'étranger, notamment en Espagne ou en Écosse.
Enfin, parce qu'il est le fruit d'une succession d'appréciations indépendantes les unes des autres, le parcours des élèves manque de cohérence. Ainsi, la rupture entre l'école primaire et le collège compromet leur suivi, alors même que l'appréciation individuelle du socle commun est un élément décisif pour déterminer leurs besoins et leurs capacités.
Nous avons également souligné que, s'ils sont nombreux, les efforts consentis pour développer les dispositifs d'accompagnement n'ont donné lieu à aucune évaluation. En outre, ils sont limités : les programmes personnalisés de réussite éducative, qui devraient contribuer à limiter le nombre des redoublements, touchent actuellement moins de 10 % des collégiens, alors que l'échec scolaire en concernera 20 % en fin de troisième.
La Cour a eu le souci de vérifier que son analyse était partagée. Ayant auditionné pendant près de soixante heures des acteurs du système et mis en oeuvre avec le ministère les procédures contradictoires habituelles, il lui est apparu qu'elle devait formuler des recommandations. Celles qui figurent à la fin du rapport ont été testées au fil des auditions.
Puisque, pour améliorer le système, la question de la difficulté scolaire est centrale, il faut faire de la réussite de tous les élèves un objectif essentiel de la politique de l'éducation nationale. Plusieurs réformes visant à personnaliser l'organisation de l'enseignement ont été engagées, mais elles ont toujours été conçues pour être appliquées à l'ensemble des établissements sans distinction, alors que les besoins des élèves diffèrent fondamentalement d'un lycée à l'autre. Il faut renoncer à la logique qui conduit à diffuser sur tout le territoire des dispositifs sans évaluation préalable des besoins, et concentrer l'effort là où il est nécessaire. Faut-il rappeler que, sur quatre élèves relevant de l'éducation prioritaire, un seul bénéficie aujourd'hui de mesures d'accompagnement éducatif ? Alors que les pays étrangers qui réussissent mieux que nous font du traitement de la difficulté scolaire leur première priorité, la France cède à la tentation d'étendre l'offre de formation – je pense en particulier à la prolifération, coûteuse, des options destinées à attirer les élèves dans les établissements.
J'insisterai particulièrement sur six recommandations de la Cour.
Il est impératif de quantifier précisément les besoins d'accompagnement personnalisé des élèves, dans le cadre de l'enseignement habituel ou de dispositifs d'accompagnement supplémentaires, pour fixer les moyens qui seront affectés aux établissements.
Quand on doit procéder à des arbitrages entre les moyens disponibles, et renoncer à financer des pratiques dont l'efficacité n'est pas démontrée, comme le redoublement, il faut entrer dans une logique différenciée de l'allocation des moyens, tout en veillant à garantir à tous le socle commun de connaissances et de compétences. L'attribution des volumes d'heures de cours et les taux d'encadrement doivent être définis en fonction des besoins des élèves.
La Cour estime également que le système scolaire ne peut progresser qu'au prix d'une plus grande autonomie des enseignants et des responsables d'établissement, qui semblent être les mieux placés pour évaluer les besoins et proposer les arbitrages nécessaires entre les heures de cours, les dispositifs de soutien et les heures consacrées au suivi ou à la méthodologie. Elle préconise par conséquent que la communauté éducative, c'est-à-dire la communauté des responsables d'établissement et des enseignants, soit désormais chargée, sous le contrôle des recteurs et des inspecteurs d'académie, de répartir les moyens d'enseignement affectés à l'établissement. C'est à cette condition qu'il pourra être procédé à une meilleure régulation du système scolaire, même si cette refonte des responsabilités exigera du temps.
La contrepartie de l'autonomie des équipes éducatives et des établissements est la nécessaire évaluation des établissements. Il n'est pas question de les classer, mais on doit apprécier de manière systématique leur performance dans le traitement de la difficulté scolaire et dans la mise en place des dispositifs éducatifs.
Nous avons relevé la faiblesse actuelle des données et des études conduites par le ministère sur l'enseignement privé, alors même que les programmes de la LOLF prévoient le renseignement de ces indicateurs. L'absence de ces informations est regrettable, car des comparaisons nourriraient utilement la réflexion collective.
Enfin, le traitement de la difficulté scolaire dans les zones les plus difficiles exige des moyens exceptionnels. La stabilité des équipes éducatives, ainsi que l'affectation d'enseignants formés et expérimentés, sont les conditions d'une action massive et durable.
Je terminerai par deux remarques.
En rendant public ce rapport, la Cour a souhaité éclairer le débat au moyen de constats partagés et de recommandations appropriées. Sa responsabilité s'arrête là. C'est à présent aux responsables politiques d'apprécier leur pertinence et leur éventuelle mise en oeuvre. Je l'ai souligné lors de mon audition devant la commission des Affaires culturelles et de l'éducation.
Nos recommandations les plus importantes sont l'aboutissement logique des deux mesures phares de la loi de 2005 : le socle commun de connaissances et de compétences, et le programme personnalisé de réussite éducative. La définition du socle commun vise à ce que chacun puisse obtenir une qualification, ce qui relègue au second plan le respect du programme, horizon traditionnel de l'enseignement, qui conduisait souvent à privilégier la sélection sans apporter une attention suffisante aux élèves qui décrochent. L'objet du programme personnalisé de réussite éducative est précisément de prévenir un tel risque. Le redoublement n'a plus de sens dès lors que l'attention des professeurs se concentre en priorité sur les élèves en difficulté dans les classes hétérogènes, où les meilleurs tirent les plus faibles vers le haut. Une telle évolution des conditions d'enseignement ne pourra se faire sans un changement profond du système et des représentations. La diversité des besoins et des réponses à apporter à la demande en fonction des territoires, des établissements et des classes interdit de persister dans une logique d'offre décidée à Paris et appliquée de manière uniforme. L'égalité des chances plaide pour une logique de réponse à la demande, grâce à une gestion décentralisée, au plus près des besoins, par les chefs d'établissement, sous le contrôle des recteurs et des inspecteurs d'académie.
Si bon nombre de pays obtiennent de meilleurs résultats que la France en termes d'acquisition de compétences à quinze ans ou de proportion d'une classe d'âge accédant à un diplôme de l'enseignement supérieur, ce n'est pas parce que les jeunes Français ont moins d'aptitudes, mais parce que l'organisation de notre système éducatif date de cinquante ans. Le faire évoluer est donc une nécessité. Cela exigera du temps, du doigté, de la pédagogie, ainsi que l'adhésion de tous les acteurs, mais les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont convaincus que les esprits y sont prêts.
Nous vous remercions pour cette analyse sans détour de l'échec scolaire, qui débouche sur des recommandations très concrètes en matière d'allocation des moyens.
Je donne la parole au ministre, que je remercie d'avoir accepté notre invitation, malgré un emploi du temps très chargé.
Je présenterai quelques observations sur le projet de loi de règlement pour 2009 avant d'en venir aux réflexions que m'inspire le rapport de la Cour des comptes.
L'exécution de la dépense de l'État concernant le ministère de l'Éducation nationale a été améliorée. La norme de dépense a été respectée. Mon ministère a d'ailleurs été cité en exemple par la Cour des comptes, car il a observé les prévisions de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2011. La prévision des dépenses de personnel a gagné en qualité, ce qui a limité les écarts entre la budgétisation et la réalisation, et eu pour conséquence de diminuer les mouvements de fongibilité asymétrique.
En 2009, l'exécution du titre 2, couvrant les dépenses de personnel, a fait apparaître un solde négatif de 22,8 millions d'euros, soit 0,04 % des crédits disponibles, qui se montaient à 54,823 milliards d'euros. Ce solde, couvert par des mouvements de fin de gestion, est la résultante à la fois de surcoûts et d'économies. Les premiers sont liés à la baisse du nombre de départs à la retraite dans le premier degré, au non-financement du point de fonction publique de 2008, à l'impact des exonérations de cotisations salariales pour les heures supplémentaires, au non-financement d'une partie du GVT ou encore aux fongibilités mises en oeuvre pour le remboursement du droit d'accueil des élèves. Les économies découlent des retenues pour journées de grève ou de la diminution du taux du versement au compte d'affectation spéciale Pensions de décembre 2009.
Hors titre 2, l'exécution a été tendue sur les programmes Enseignement privé du premier et du second degré et Soutien de la politique de l'éducation nationale, qui, en fin d'exercice, ont fait l'objet d'un abondement. Les restes à payer sur le programme Soutien se sont accrus fin 2009, atteignant 40 millions d'euros. Les principales insuffisances de crédits qui l'expliquent concernent les frais de changement de résidence et de congés bonifiés, les travaux de mise en sécurité des bâtiments administratifs pérennes ou encore un certain nombre de projets informatiques.
Enfin, pour la première fois, le projet de loi de règlement présente en annexe un bilan des mesures de RGPP dont la mise en oeuvre est achevée. Pour le ministère de l'Éducation nationale sont citées à ce titre la nouvelle organisation du temps scolaire dans le primaire, la mise en place d'une évaluation en CE1 et en CM2, le droit à l'accueil, l'accompagnement éducatif ou encore la « reconquête » du mois de juin.
Le rapport thématique de la Cour des comptes constitue à mes yeux une contribution importante au débat sur l'école. Je souscris sur de nombreux points au constat qu'il établit : notamment sur la personnalisation de l'enseignement, sur l'autonomie des établissements scolaires et sur la réforme des rythmes scolaires. Il est cependant dommage qu'il ne prenne pas suffisamment en compte les réformes mises en oeuvres depuis deux ans, qui obéissent exactement à la stratégie qu'il préconise.
Le premier défi que doit relever l'Éducation nationale est celui de la personnalisation des enseignements. Aujourd'hui, 65 % d'une classe d'âge passent le baccalauréat, contre 20 % il y a vingt-cinq ans, sans que le mode d'organisation de l'Éducation nationale ait fondamentalement changé. En d'autres termes, malgré les problèmes que posent la diversité et l'hétérogénéité des élèves, celle-ci fonctionne de la même manière que lorsque seule une élite accédait au baccalauréat et aux études supérieures. Nous avons engagé un travail de fond en vue de la personnalisation du système éducatif, et ce souci se traduit dans toutes les mesures intervenues depuis 2007.
Ainsi, la réforme du primaire vise à revenir aux fondamentaux, afin d'éviter que 15 % des enfants n'entrent en sixième sans maîtriser la lecture, mais elle tend aussi à détecter dès la maternelle ceux qui éprouvent des difficultés, en vue de leur proposer une aide personnalisée de deux heures par semaine.
Autre exemple : depuis la dernière rentrée, la réforme de la voie professionnelle vise à porter davantage de jeunes au niveau du baccalauréat. Alors qu'un élève sur deux en voie professionnelle s'arrêtait au niveau CAP ou BEP, nous avons allongé le temps d'étude pour leur permettre de passer un baccalauréat en trois ans, tout en organisant un accompagnement personnalisé de deux heures et demie par semaine pour soutenir ceux qui éprouvent des difficultés ou pour aider ceux qui se préparent à l'examen final.
Troisième exemple de la personnalisation de l'enseignement : la réforme du lycée qui entrera en vigueur à la prochaine rentrée prévoit pour tous les élèves deux heures hebdomadaires d'accompagnement personnalisé, prises sur les heures d'enseignement actuelles. Ceux qui éprouvent des difficultés pourront ainsi bénéficier d'un soutien scolaire, cependant que les autres seront poussés vers l'excellence.
Quatrième exemple : en matière d'orientation, un professeur jouera dans chaque établissement le rôle de tuteur. Les élèves qui ne bénéficient à la maison d'aucune aide leur permettant de comprendre le fonctionnement du système éducatif seront pris en charge de manière personnalisée par un enseignant dont le travail sera rémunéré.
Cinquième exemple : depuis deux ans, nous avons mis en place des stages gratuits de remise à niveau, organisés par des professeurs, qui se dérouleront pendant les vacances.
Nous avons ainsi engagé une stratégie de fond. Je ne peux donc qu'adhérer à l'objectif fixé par la Cour. Si nous voulons que la France améliore sa performance, élève le niveau moyen de qualification, lutte contre le décrochage scolaire et apparaisse en meilleure position dans les comparaisons internationales – en particulier dans les résultats du test du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) –, chaque établissement doit s'adapter à la diversité des élèves.
Le second défi concerne l'autonomie des établissements. Nous devons sortir d'un système qui a été dirigé pendant trop longtemps de manière uniforme depuis le ministère. Si je me réjouis que la Cour des comptes souligne que le volume des moyens importe moins que leur répartition ou que l'autonomie des établissements scolaires, je regrette qu'elle n'ait pas pris en compte certaines avancées récentes. À la rentrée, nous augmenterons la marge de manoeuvre des établissements scolaires en donnant plus d'importance à leur projet pédagogique. Le conseil pédagogique créé par la loi de 2005 élaborera un projet interne spécifique, en fonction duquel seront calculés les moyens alloués à l'établissement. Par ailleurs, les établissements disposeront d'une autonomie totale pour répartir les dotations horaires de dédoublement et d'accompagnement personnalisé. Ils décideront ainsi de l'organisation de plus d'un tiers du temps des élèves, ce qui représente une avancée considérable. En outre, à partir de la rentrée prochaine, cent collèges et lycées des réseaux « Ambition réussite » auront davantage de latitude pour recruter leurs professeurs. Les chefs d'établissement pourront choisir les enseignants sur profil, en fonction du projet d'établissement et en dehors du mouvement de mutation. Dans les établissements confrontés à des problèmes d'échec scolaire, de ghettoïsation et d'insécurité, il faut en effet donner davantage de marges de manoeuvre aux équipes éducatives locales, qui doivent être solides, pérennes et motivées. Tel est le but du dispositif CLAIR, « collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite ».
Sur le troisième défi que représentent les rythmes scolaires, je partage l'avis de la Cour. J'ai lancé à ce sujet l'idée d'une grande conférence nationale, pensant que l'opinion publique est prête à évoluer. Si, il y a cent cinquante ans, l'école s'est adaptée au rythme de la société, elle la rythme désormais. Il n'est pas normal que des élèves de quatorze ou quinze ans suivent plus de huit heures de cours, avec une pause méridienne très courte. Par ailleurs, il faut repenser l'organisation de la semaine et de l'année. La France est le pays où l'on dispense le plus grand nombre d'heures de cours par an pendant le plus petit nombre de jours. Une répartition plus équilibrée est souhaitable. J'ai installé il y a quelques jours le comité de pilotage de la conférence, où siègent des membres de votre assemblée. Pour avancer, il disposera d'un comparatif international et pourra prendre en compte la problématique économique, comme celle des collectivités locales et des services publics. J'ai demandé à M. Forestier, qui l'anime, de formuler pour le début de 2011 des propositions ambitieuses.
Le rapport de la Cour émet des propositions à un moment où certaines lignes ont bougé en ce qui concerne l'école, où la crise nous impose plus que jamais d'assurer la réussite de nos enfants et où la restriction des moyens nous contraint à mettre en place un système plus efficace. Si nous parvenons à maintenir globalement les moyens, nous avons avant tout l'obligation de mieux les répartir afin d'obtenir de meilleurs résultats. Gagner en efficacité avec des moyens contraints, tel est notre objectif.
En tant que Rapporteur spécial pour l'enseignement scolaire, je note que la gestion des crédits du titre 2 reste tendue, comme votre conclusion le laisse entendre. Les mises en réserve de crédits du ministère de l'Éducation nationale ont toutes été dégelées pour permettre le versement des salaires de décembre, ce qui montre que l'on ne peut continuer de fonctionner comme hier.
Trois programmes ont connu un déficit en crédits de personnel : le programme Enseignement privé, qui a dû être abondé de 31,2 millions d'euros, le programme Enseignement primaire, auquel il a manqué 18,7 millions, et le programme Enseignement secondaire public, dont le déficit a été de 8,3 millions. Toutefois, la révision de l'évolution du taux de cotisation des pensions civiles a été favorable, ce qui a soulagé cette gestion du titre 2. Vous avez évoqué les conséquences de cet état de fait. Y a-t-il eu sous-consommation ou sur-consommation des emplois ? Le ministère et le contrôleur budgétaire et comptable ministériel n'ont pas la même analyse.
Débordant du cadre de l'exécution de 2009, je souhaiterais savoir si l'on a mesuré les effets de la mastérisation dans l'enseignement privé, qui sont différents de ceux que l'on constate dans l'enseignement public. La restitution des postes destinés à l'enseignement dans les classes ne pouvait être que plus limité. A-t-on compté le nombre de postes effectivement restitués pour les différents programmes ?
Les chiffres montrent que, dans certaines académies, la tension des effectifs a conduit à nommer sur des postes fixes des titulaires de zone de remplacement (TZR), ce qui a diminué d'autant le nombre de remplaçants. Comment le ministère compte-t-il améliorer la situation ?
Comment l'information relative aux évaluations des compétences de base sur le socle commun a-t-elle été répercutée au niveau des établissements et comment ceux-ci l'ont-ils prise en compte ?
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, nous avons évoqué la scolarisation des élèves handicapés : des progrès ont-ils été réalisés dans ce domaine ? La loi de 2005 a créé une attente parmi les familles. Or elles se heurtent souvent à la mauvaise volonté des établissements, qui adoptent une position contraire à celle des rapports médicaux. Peut-on régler ces conflits, dans lesquels les élus locaux sont souvent pris à témoin ?
Quelles sont les perspectives en matière de contractualisation pluriannuelle avec les établissements et de mutualisation entre établissements publics et privés ? Une réflexion est-elle menée sur la possibilité de coordonner certains enseignements ? Au-delà de la question des statuts, l'instauration d'une seconde langue obligatoire obligera l'enseignement privé à des recrutements qui vont alourdir ses charges, alors que les enseignants pourront difficilement effectuer un service complet. Une mutualisation des enseignants de seconde langue ne peut-elle être envisagée à titre expérimental ?
La Cour des comptes insiste, dans sa note d'exécution budgétaire pour 2009, sur le besoin d'une coordination entre le ministère de l'Agriculture et celui de l'Éducation nationale, qui prennent part à la mission interministérielle Enseignement secondaire. Elle suggère à cette fin la désignation d'un chef de mission, mais nous craignons pour notre part qu'il soit mis fin au caractère interministériel de la mission.
J'évoquerai pour finir la définition du service des enseignants dans le second degré, qui appelle à être modernisée. Cette définition, qui remonte à 1950 pour l'enseignement général et à 1992 pour l'enseignement professionnel, ne prend pas en compte les autres tâches – d'accompagnement, de suivi et d'orientation – qui incombent aux enseignants. Jusqu'à présent, le ministère s'est refusé à modifier les textes, de sorte que ces tâches ne peuvent être prises en compte qu'à travers des indemnités spécifiques ou au titre des heures supplémentaires. N'est-il pas temps de clarifier la situation ? Quels sont les projets du ministère à cet égard ?
Concernant le projet de loi de règlement, vous m'interrogez sur l'écart entre prévision et réalisation. La construction du projet de loi de finances initial ne comportait pas le financement de l'impact du point de la fonction publique, qui a été augmenté à l'issue d'une négociation avec les organisations représentatives des personnels. L'écart tient aussi au coût de l'exonération des cotisations sociales au titre des heures supplémentaires. Y a-t-il eu sous-consommation ou surconsommation en la matière ? En 2009, le plafond d'emplois ministériels, qui s'élevait à 977 876 équivalents temps plein, a été consommé à hauteur de 976 902. Il a par conséquent été respecté : le taux de consommation s'élève à 99,9 %. En revanche, le schéma d'emploi à la rentrée de 2009, qui prévoyait la suppression de 13 500 postes, n'a été réalisé qu'à hauteur de 9 989 équivalents temps plein, soit 3 511 équivalents temps plein de moins que prévu, conséquence d'un nombre de départs en retraite nettement inférieur aux prévisions, notamment dans le premier degré.
Vous m'avez également interrogé sur l'impact de la mastérisation sur l'enseignement privé, laquelle n'entrera en vigueur qu'à la rentrée 2010, et n'a donc pas d'impact sur l'exercice 2009. Pour le programme 140, qui concerne les enseignants du premier degré, 9 182 emplois de stagiaires sont restitués ; ils sont 6 733 pour le programme 141, qui porte sur l'enseignement du second degré ; 411 pour le programme 230 relatif aux personnels d'éducation ; 1 876 pour le programme 139, qui traite des enseignants de l'enseignement privé.
La question du remplacement m'a beaucoup mobilisé, car, au-delà de la mastérisation, le système, trop rigide, fonctionne mal. Les TZR sont affectés à une académie, de sorte que, même lorsque des titulaires remplaçants sont disponibles dans une académie quand on en manque dans l'académie voisine, on ne peut faire appel à eux. Il faut apporter au dispositif plus de souplesse, ce qui sera fait à la rentrée prochaine. Il faut aussi le rendre plus réactif. Dans le second degré, le délai de carence est de quatorze jours, pendant lesquels l'établissement d'enseignement est en charge du remplacement, de sorte que celui-ci ne peut être assuré que si le proviseur a dans son équipe pédagogique un professeur qui accepte de le faire au pied levé. Il ne peut procéder à un recrutement qu'après un délai de deux semaines. Désormais, il interviendra dès le premier jour auprès des services de l'académie, qui comporteront un responsable du remplacement chargé de gérer un vivier composé de titulaires remplaçants, mais aussi de contractuels.
La répercussion de l'information concernant les compétences du socle commun est individuelle. Les enseignants répercutent l'évaluation auprès de chaque famille. Ils peuvent alors leur proposer un recours à l'aide personnalisée si leur enfant a un niveau inférieur à la moyenne académique.
Vous avez évoqué les différends qui peuvent surgir entre l'Éducation nationale et les collectivités locales, à propos de la prise en charge des enfants handicapés. La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) est l'instance de recours qui permet aux élus de défendre un dossier dans leur département ou d'obtenir des informations que les parents n'osent pas toujours demander. Par ailleurs, dans chaque académie, un inspecteur référent spécialisé, inspecteur pédagogique régional ou inspecteur de l'Éducation nationale, promeut l'intégration et apporte des solutions locales aux différends de ce type. L'État consacre des moyens importants à l'accueil des enfants handicapés, dont 185 000 sont aujourd'hui scolarisés, soit 10 000 de plus que l'an dernier. Nous comptons en accueillir 10 000 de plus à la rentrée prochaine grâce à la création de 200 nouvelles unités pédagogiques d'intégration, ce qui en portera le nombre à plus de 2 000 au niveau national.
Je suis assez favorable à une contractualisation pluriannuelle avec les établissements, d'autant que l'Éducation nationale travaille elle-même dans un tel cadre, avec le projet de loi de finances et sa programmation triennale. Cependant, cette programmation n'est pas encore déclinée académie par académie et établissement par établissement. Étant entendu que cela ne doit pas conduire à figer les choses pendant trois ans, je pense toutefois que nous aurions intérêt à aller dans ce sens, pour donner davantage de visibilité aux équipes locales et aux établissements.
Quant à la mutualisation entre le public et le privé, elle est tentante sur le papier, mais il est déjà si difficile de mutualiser entre deux établissements publics ! On peut toutefois envisager de l'expérimenter, comme vous le suggérez, monsieur le président.
Vous m'avez interrogé sur la coordination entre le ministère de l'Éducation nationale et celui de l'Agriculture pour l'enseignement agricole. Lors de l'examen de la dernière loi de finances, j'ai observé que des amendements visaient à opérer des transferts de crédits et d'emplois de programmes relevant de mon ministère vers le programme de l'Enseignement technique agricole. Je me suis alors interrogé sur la pérennité d'un tel fonctionnement, souhaitant que l'on adopte une structure budgétaire différente. Dans le cadre des travaux préparatoires au projet de loi de finances pour 2011, un changement de maquette de la mission Enseignement scolaire a été proposé afin de rattacher le programme Enseignement technique agricole à une mission relevant du ministère de l'Agriculture. J'observe qu'aujourd'hui, un système comparable s'applique avec le ministère des Affaires étrangères pour les lycées français à l'étranger, avec celui de la Défense pour les lycées militaires et avec celui du Développement durable pour les lycées maritimes. Avec le ministre de l'Agriculture, nous sommes prêts à nous concerter suffisamment tôt pour que des moyens suffisants soient dégagés en faveur de l'enseignement agricole, mais il paraît impossible de maintenir un système dans lequel, à chaque loi de finances, on venait à « piocher » dans une mission.
Votre dernière question porte sur l'affectation des jeunes enseignants. Gardons-nous de la vision caricaturale selon laquelle on enverrait uniquement de jeunes professeurs peu expérimentés dans les établissements des réseaux « Ambition réussite », ce qui déstabiliserait les équipes. Au cours de nombreux déplacements, j'ai rencontré dans des établissements de l'éducation prioritaire de jeunes enseignants qui avaient choisi leur poste et faisaient très bien. Cela dit, il faut faire preuve de discernement dans l'affectation des enseignants, par exemple en les recrutant sur profil en fonction de leur motivation et d'un projet d'établissement défini en fonction des spécificités locales. C'est ainsi que nous pourrons motiver de jeunes équipes pédagogiques.
Je vous remercie de vos réponses. J'observe toutefois que, si l'Assemblée nationale ou le Sénat ont coutume de transférer certains emplois d'un ministère à l'autre, cela s'expliquait par les lacunes du fonctionnement de l'interministériel. Nous sommes nombreux à vouloir nous attaquer à ce problème.
Influencé par la façon dont la presse en avait rendu compte, je m'attendais à découvrir dans le rapport de la Cour des comptes une approche purement quantitative, assortie de l'affirmation selon laquelle l'Éducation nationale disposerait déjà de tous les moyens de bien fonctionner. J'ai, au contraire, trouvé dans ce rapport une approche qualitative qui m'a fortement intéressé. Certes, cette réflexion ne se déploie pas exactement sur la même échelle temporelle que l'action du ministère, mais elle appelle à des décisions dans lesquelles les vôtres doivent s'inscrire.
Or, ce qu'il y a de profondément nouveau dans ce rapport – et dont j'avais l'intuition -, c'est l'affirmation selon laquelle toutes les réformes engagées, telles que l'accompagnement personnalisé, ne peuvent réussir que si on pose le problème de l'organisation de l'ensemble du système scolaire. De fait, depuis vingt-cinq ans, nous multiplions les mesures en faveur des élèves en difficulté pour constater au bout du compte que l'échec social et éducatif est patent ! Comme l'indiquait M. Attali, nous sommes confrontés à un paradoxe : alors que notre système éducatif continue de bénéficier d'une image performante en Europe, nous enregistrons toujours le même taux d'échec scolaire, dans les mêmes milieux et pour les mêmes raisons. La Cour a donc toute raison de nous inciter à revoir l'organisation du système, à nous interroger sur la pertinence du raisonnement par classe, par filière et par niveau, sur l'intérêt du redoublement et sur bien d'autres points encore.
Jamais jusqu'ici, un rapport de la Cour des Comptes n'avait aussi nettement souligné que l'origine de l'échec scolaire se situait dès l'école primaire et, plus précisément, à l'articulation entre la maternelle et le primaire. Le retard se résorbe ensuite difficilement, en dépit de toutes les mesures d'accompagnement. Il se maintiendrait plutôt. La Cour recommande donc de diversifier l'allocation des moyens, en favorisant l'école maternelle et primaire. Or nous continuons de raisonner en termes d'effectifs, de nombre de classes, et non en fonction de considérations territoriales, école par école. Il y a là un point capital sur lequel doit porter la réflexion politique. Il ne s'agit pas de détourner vers l'école primaire des moyens en les enlevant aux autres cycles, mais de prendre conscience que la réduction des échecs se joue à ce niveau.
Les observateurs du système scolaire notent qu'il n'y a pas d'évaluation réelle des dispositifs mis en place, non plus que de suivi des élèves, qui permettrait, sur une cohorte, d'apprécier l'efficacité des différentes mesures prises pour accompagner, diversifier, etc. Le passage au collège représente pratiquement un recommencement à zéro : s'il y a bien une évaluation, elle n'a aucune continuité alors qu'elle devrait se faire tout au long du parcours scolaire.
Je prendrai deux exemples.
On considère généralement comme de peu d'intérêt la scolarisation avant l'âge de trois ans, ce dont on tire une règle de gestion. Pourtant, aucun rapport n'a jamais mis en évidence les méfaits, non plus d'ailleurs que les bienfaits, d'une telle scolarisation précoce, au moins pour certains enfants. Ceux-ci restent donc en crèche, où ils occupent des places dont d'autres auraient besoin. Les avantages en termes de gestion auront ainsi fait oublier la nécessité d'évaluer.
J'ai participé, il y a longtemps, à la création du système d'accompagnement des enfants connaissant des difficultés scolaires. Le personnel affecté à cette mission a certes parfois rencontré des échecs, mais on en vient à supprimer progressivement ces dispositifs sans jamais en avoir évalué précisément l'efficacité.
Je serais donc d'avis de disposer d'une évaluation permanente des dispositifs mis en place dans l'Éducation nationale.
Nous n'avons pas pour seule proposition, pour seule obsession d'augmenter les moyens, monsieur le ministre ! Simplement, nous constatons que, comme le montre le rapport de la Cour des comptes, la France se situe dans la moyenne européenne en consacrant 3,9 % de son produit intérieur brut à l'Éducation, et que rien ne justifie donc que l'on réduise ces moyens, quels que soient les impératifs de maîtrise budgétaire. Cela pourrait devenir catastrophique au regard de ce qui doit être notre objectif premier : la recherche de la réussite pour tous, et donc de l'égalité des chances.
J'éprouve un doute sur la cohérence de votre politique, monsieur le ministre, puisque vous ne parvenez pas à appliquer les lois que vous faites voter en faveur de cette égalité des chances. Ainsi la loi d'orientation de 1989 a institué les cycles. Or, aujourd'hui, ceux-ci ne sont pas entrés dans les faits dans les deux tiers des écoles élémentaires non plus que dans les collèges, ce qui a pour conséquence, du fait d'une structuration en classes et en années extrêmement rigide, d'empêcher la personnalisation que vous souhaitez. D'où un taux de redoublement excessif, qui fait de la France la championne dans ce domaine. On sait pourtant que le redoublement est pédagogiquement inutile, sinon nuisible car stigmatisant.
L'institution de ces cycles avait pour objectif une continuité éducative sur l'ensemble de la scolarité obligatoire, évitant la coupure dramatique entre l'école primaire et le collège. Pourquoi, alors même que la loi de 2005 a repris cette idée, sommes-nous dans l'incapacité d'appliquer cette disposition ?
Quant à l'éducation prioritaire, elle est devenue, comme le collège unique, un slogan ; on en parle beaucoup mais elle n'existe pas plus que lui. Il n'est, en effet, qu'une apparence puisque coexistent des filières différentes dans le même établissement. Quant à l'éducation prioritaire, le rapport de la Cour note qu'elle consiste seulement à réduire de deux le nombre d'élèves par classe, ce qui n'est guère significatif.
Dernier exemple de ce manque de cohérence : les classes de niveau sont de pratique courante alors qu'elles sont interdites par les textes et que, comme la Cour le souligne, elles vont à l'encontre de l'égalité des chances.
Avez-vous, monsieur le ministre, procédé à une évaluation véritable des mesures d'assouplissement de la carte scolaire, présentées comme une révolution pédagogique ? La Cour relève que cet assouplissement aboutit à une ghettoïsation des établissements, des élèves et des territoires. Les meilleurs éléments quittent les établissements du réseau « Ambition réussite » alors que ceux-ci étaient plutôt, au départ, des établissements de niveau moyen. Quelles décisions allez-vous prendre pour remédier à cette mesure contreproductive ?
Vous souhaitez expérimenter le recrutement des enseignants par les chefs d'établissement. Si cela permettait une véritable autonomie pédagogique des établissements, nous l'approuverions. Mais je crains qu'il ne s'agisse d'un leurre car le chef d'établissement cherchera à engager les meilleurs, laissant de côté les enseignant les plus jeunes et ceux qui sont en difficulté. Il serait plus judicieux d'instituer le recrutement sur profil et que celui-ci ne relève pas seulement de la compétence du chef d'établissement. Sinon, nous connaîtrions, comme au Royaume Uni, une concurrence entre les enseignants, comme il en existe déjà une entre les établissements – laquelle s'en trouverait d'ailleurs renforcée. Ce serait alors une autre conception de l'éducation, plus vraiment nationale, qui prévaudrait. Nous souhaiterions donc disposer d'une évaluation de cette expérimentation.
La Cour des comptes constate que « la France se situe, par rapport à la moyenne de l'OCDE, à un niveau de dépense annuelle par élève inférieur de 5 % pour l'école maternelle et de 15 % pour l'école primaire, mais en revanche supérieur de 10 % pour le collège, et surtout de 26 % pour le lycée ». Comment peut-on rétablir l'équilibre, notamment en faveur du primaire, ainsi que le recommande le rapport ?
Les évaluations effectuées en CE1 et en CM2 servent à l'accompagnement personnalisé des élèves, en permettant de repérer ceux qui éprouvent des difficultés. Mais ne pourrait-on les utiliser aussi, à l'échelle des établissements ou des académies, pour réaffecter des moyens aux secteurs où les résultats sont les moins bons ?
Enfin, les remplacements d'enseignants se font difficilement, ce dont se plaignent les familles. Il serait donc urgent d'y remédier.
M. Patrick Roy. Je ne trouve pas le ministre intellectuellement honnête lorsqu'il prétend que la Cour des comptes ne lie pas la réussite scolaire au niveau des moyens. Son rapport, en tout cas, ne préconise pas de diminuer ceux-ci ! J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié le propos de notre collègue René Couanau sur ce point. Ce n'est certes pas par une simple augmentation des dépenses que les choses s'amélioreront mécaniquement dans l'Éducation nationale, mais le ministre nous donne l'impression d'avoir des préoccupations exclusivement budgétaires, qui le conduisent à se demander comment déguiser des économies en innovations…
La Cour des comptes préconise d'affecter des moyens massifs là où on constate les plus grandes difficultés. Or il se trouve que ma ville est dans un tel cas. Il ne lui a pourtant pas été attribué de collège « Ambition réussite », d'ailleurs à la stupéfaction du recteur. Comment allez-vous répondre aux attentes dans les territoires tels que celui-ci ?
Pouvez-vous aussi me rassurer sur la réforme des programmes d'histoire au lycée ? Elle porterait sur le vingtième siècle qui a connu de nombreux grands hommes, comme le général de Gaulle. Donnera-t-elle bien une place à tout ce qui le mérite, et à tous ceux qui le méritent ? Je pense, par exemple, au Front populaire et au président François Mitterrand…
Je me réjouis de voir le Parlement se réapproprier la question de l'enseignement obligatoire, même s'il n'a pas vocation à déterminer le contenu des programmes.
La Cour des comptes est dans son rôle lorsqu'elle souligne des dysfonctionnements. Je me félicite de la nouvelle orientation prise par le ministère de l'Éducation nationale en faveur des expérimentations. François Dubet et Antoine Prost, chercheurs qu'on ne peut considérer comme étant de droite, les jugent opportunes. Cent établissements ont ainsi été autorisés, sur la base du volontariat, à consacrer l'après-midi au sport et, si je n'étais pas au départ un fervent partisan de la mesure, je considère que cette autonomie ne peut que favoriser l'implication des élèves et de la communauté éducative. Ne pourrait-on expérimenter, dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences, un travail en réseau des écoles et des collèges ? Ne pourrait-on faire de même pour des attributions de volumes horaires non affectés, pour des recrutements sur profil, ou encore pour des aménagements du nombre d'élèves par classe en fonction de leur origine sociale, dont la Cour a montré combien elle restait déterminante ?
Les comparaisons effectuées dans le cadre de l'OCDE montrent que les résultats français n'étaient pas mauvais, sauf en matière de redoublement et pour les élèves les plus en difficulté. Comment peut-on remédier à ces deux faiblesses ?
Enfin, les enseignants précaires expriment une véritable souffrance. Que peut-on faire pour améliorer leur situation ?
En vous écoutant, monsieur le ministre, j'avais l'impression de ne pas avoir lu le même rapport de la Cour des comptes que vous. Ce rapport montre en effet que la France est l'un des pays où le destin social des élèves est le plus inscrit dans celui de leurs parents, où le déterminisme scolaire est le plus prégnant. En face de cette situation, la Cour estime qu'à budget constant, assurer la réussite de tous les élèves exige de redéployer les moyens de façon différenciée afin que les plus défavorisés, socialement et financièrement, ne soient plus ceux à qui l'école en alloue le moins.
Nous sommes bien sûr d'accord avec les notions de personnalisation et d'autonomie, mais nous regrettons qu'on reste dans une logique d'allocation uniforme des moyens, logique dont la Cour a dénoncé l'inefficacité. Nous devons aujourd'hui donner la priorité aux élèves le plus en difficultés afin de lutter contre l'échec scolaire et pour l'égalité des chances. Or, dans les zones d'éducation prioritaire, on sait que la diminution de seulement deux élèves par classe est insuffisante pour produire des résultats positifs. Quelle allocation différente des moyens allez-vous donc proposer pour vous conformer aux recommandations de la Cour ?
L'accompagnement personnalisé des élèves, dit encore la Cour, bénéficie peu à ceux qui en ont le plus besoin. Cela devrait conduire, comme le soulignait René Couanau, à s'interroger sur l'organisation du ministère et sur les méthodes d'évaluation des politiques menées. Comment allez-vous améliorer l'évaluation en euros plutôt qu'en heures, en dotations horaires ou en postes ? Elle permettrait de savoir enfin combien coûte à la collectivité telle politique, et de juger de son efficacité au regard des moyens financiers mis en oeuvre. Elle permettrait aussi de déterminer quelles sommes sont consacrées aux élèves selon qu'ils se situent ou non dans des zones en difficulté. La priorité, je le répète, doit aller aux premiers afin de rompre franchement avec un système élitiste qui exclut les plus défavorisés. Et cette exclusion est redoublée du fait qu'ils se sentent responsables de leur sort, dans une société où l'on vit dans la croyance à la méritocratie républicaine et à l'égalité par l'école. Comment rendre cette égalité réelle ?
L'intérêt des évaluations du système éducatif semble être sous-estimé, voire totalement méconnu, en France. Plusieurs instances qui y étaient dédiées ont été supprimées – ainsi le Haut conseil de l'évaluation de l'école – et des conclusions de l'inspection générale de l'Éducation nationale ou de la direction de l'Évaluation et de la prospective ont été ignorées, voire rejetées. Va-t-on changer d'attitude ? Toute politique éducative doit s'appuyer sur des outils d'évaluation fiables et incontestables.
Plusieurs rapports, celui de la Cour des comptes mais aussi celui de l'Institut Montaigne, font apparaître le parcours scolaire comme un processus discontinu d'évaluations indépendantes, sans vision d'ensemble. Qu'en est-il de la mise en oeuvre du livret personnel de compétences, qui permettrait de suivre l'élève tout au long de sa scolarité, au sein d'un même établissement – ce qui n'est toujours pas fait – et entre les différents établissements qu'il fréquente successivement ?
Pouvons-nous espérer disposer enfin d'un système d'orientation mieux maîtrisé ? À une époque où les jeunes subissent la menace du chômage, il est anormal que leur orientation continue de s'opérer par l'échec, sans que soient prises en compte les capacités réelles de chacun. Nous appelons de nos voeux une réforme fondée sur une logique de la demande scolaire, et non plus de l'offre, d'autant que celle-ci est en outre source de disparités importantes entre zones géographiques.
La scolarisation des enfants de deux et trois ans contribuerait à la réussite pour tous les élèves. La maternelle gomme en effet bien des inégalités, facilite les apprentissages et prépare ainsi l'enfant à devenir un bon élève. Vous avez vous-même, monsieur le ministre, relevé des disparités incroyables entre certains élèves arrivant en cours préparatoire, certains maîtrisant 750 mots alors que d'autres, issus d'un environnement moins favorisé et n'ayant pas bénéficié d'une scolarisation précoce, n'en avaient que 150 à leur disposition. Ne faut-il donc pas ouvrir davantage d'écoles maternelles plutôt que de chercher à réaliser des économies dans ce secteur ?
Les moyens alloués à l'école primaire sont insuffisants, les classes y sont surchargées. Pouvez-vous nous assurer qu'on n'augmentera pas encore le nombre d'élèves par classe, comme l'idée en a été avancée ? Plusieurs études récentes, dont celle de Thomas Piketty en 2006, ont prouvé qu'alléger l'effectif de seulement un élève par classe améliorait déjà sensiblement les performances de l'ensemble des élèves.
La Cour relève que « la part de l'État dans le financement initial de la dépense intérieure d'éducation est passée de 67 % en 1985 à 60 % en 2008 », mais que cette baisse « a été compensée par l'augmentation de la part des collectivités territoriales ». Or celles-ci connaissent aujourd'hui de sérieuses difficultés financières. Comment pourront-elles faire face à des charges aussi importantes que celles des transports scolaires, de la construction, de l'équipement et du fonctionnement des établissements ?
La Cour des comptes fait figurer parmi ses recommandations l'équipement numérique des écoles. L'immense majorité de celles qui sont situées en milieu rural ne peut y accéder. En outre, pour être effectif, ce passage au numérique exige le recours à de nouveaux supports, des manuels, une formation des enseignants et l'intervention d'intervenants extérieurs. Comment pensez-vous mener à bien ce chantier ?
Je peux confirmer les effets négatifs de l'assouplissement de la carte scolaire sur l'éducation prioritaire. Il faudra reconsidérer cette mesure, qui joue aujourd'hui contre la mixité sociale. Ainsi, l'effectif d'un collège « Ambition réussite » dans le département de la Loire est descendu à 120 élèves, contre 400 à 500 élèves en moyenne dans les autres collèges du département. La stratégie d'évitement est évidente. L'inspection d'académie se trouve même contrainte de supprimer des postes d'enseignants dans les collèges environnants afin de pouvoir refuser des dérogations aux parents d'élèves. On marche sur la tête !
Dans l'éducation prioritaire, on ne rencontre pas que des équipes inexpérimentées. Il existe, au contraire, de belles réussites. Mais la réforme de la formation des maîtres va augmenter le nombre de ceux qui se retrouveront sans aucune expérience devant leurs élèves. La gestion des ressources humaines, traditionnel point faible de l'Éducation nationale, pourrait cependant être améliorée en favorisant le volontariat pour diriger les collèges « Ambition réussite ». Il faut cesser de nommer à la tête de ces établissements des gens qui n'en ont aucunement le désir et qui ne songent donc qu'à en repartir au plus tôt.
Après trois ou quatre ans de suppressions de postes d'enseignants, les problèmes éclatent partout. Dans un premier temps, les principaux de collège ont réussi à jongler avec les dotations d'horaires globales, avec les heures-poste, faisant ainsi « entrer l'édredon dans la valise. » Ce n'est plus possible aujourd'hui. Des classes sont surchargées, des divisions supprimées. Surtout, formule anti-pédagogique et nuisible à la stabilité des équipes éducatives, des enseignants doivent se partager entre deux, parfois trois établissements. Il faut donc s'attendre à des jacqueries dans de nombreux collèges.
Une centaine d'établissements expérimenteront l'an prochain des rythmes scolaires favorisant la pratique du sport l'après-midi. Il sera sans doute malaisé d'étendre la mesure mais je vous suggère une autre piste de progrès pour l'éducation physique et sportive des élèves, en attendant l'augmentation du nombre de professeurs dans cette discipline. L'an dernier, dans un rapport sur le sport et la santé, j'ai proposé que l'on ait, de la sixième à la terminale, un horaire d'éducation physique obligatoire – idéalement de quatre heures hebdomadaires – qui soit surtout effectif, c'est-à-dire qui ne soit pas amputé par les temps de déplacement vers les équipements sportifs.
Écoutant les parlementaires, j'observe que les lignes bougent. Je relève une certaine unité de vue sur l'autonomie des établissements, sur l'idée de personnalisation, sur celle du recrutement sur profil et sur la place à faire au volontariat. Mais, le diable se cachant souvent dans les détails, la consistance précise des mesures soulève un certain nombre de désaccords.
Monsieur Couanau, vous avez raison de dire qu'il faut combattre très tôt l'échec scolaire. C'est pourquoi j'ai décidé de lancer un plan de lutte contre l'illettrisme dès la maternelle et de nommer cent inspecteurs de l'éducation nationale en école maternelle qui travailleront sur ce thème, sur la préparation à la lecture et sur les techniques de mémorisation : la connaissance du vocabulaire à l'entrée en cours préparatoire est effectivement discriminante pour l'apprentissage de la lecture.
La diversification de l'allocation des moyens paraît insuffisante à plusieurs d'entre vous, observant que l'écart entre l'éducation prioritaire et le reste du système scolaire n'est que de deux élèves par classe – 23,9 élèves ici, 21,7 là. Mais il faut se méfier des moyennes pour un système qui compte 55 000 écoles, 8 000 collèges et 4 000 lycées. Il existe 2 000 classes de moins de 15 élèves et 11 000 de moins de 19 élèves. L'effectif moyen par classe n'a pas grande signification. Au lycée Janson de Sailly, les classes comptent de 30 à 35 élèves. Il en va de même dans les grands lycées parisiens, où l'homogénéité des élèves fait que leurs résultats sont néanmoins bons. Mais dans d'autres zones, les élèves sont 24 ou 25 par classe alors qu'il faudrait descendre à 19 ou à 20. D'autre part, les moyens alloués au réseau « Ambition réussite » ne se limitent pas à un moindre effectif des classes : s'y ajoutent des indemnités spécifiques pour les équipes éducatives, des crédits pédagogiques spéciaux et le dispositif « école ouverte », qui permet d'accueillir les jeunes en dehors du temps scolaire. Le coût supplémentaire total de l'éducation prioritaire s'élève ainsi à 20, 2 milliards d'euros.
Les évaluations existent, réalisées par l'inspection générale de l'Éducation nationale et par l'administration du ministère, qui font preuve de beaucoup de créativité en la matière. La direction des Études et de la prospective accomplit également un travail remarquable dans ce domaine. Lorsque nous avons préparé la réforme du lycée, nous avons évalué les expérimentations déjà menées et examiné quelles initiatives nous pouvions étendre : c'est ainsi qu'ont été généralisés l'accompagnement personnalisé ou les groupes de compétences pour l'enseignement des langues.
Le montant de la dépense d'éducation que mentionne la Cour des comptes n'intègre pas les engagements des collectivités territoriales dans les investissements. L'État n'est pas le seul à intervenir, en effet. L'effort total des collectivités publiques atteint 6,3 à 6,5 % du produit intérieur brut, supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE.
Le premier budget de l'État, finançant la moitié des fonctionnaires de France, ne saurait s'exonérer des efforts de maîtrise des dépenses publiques que vous nous demandez à juste titre. Aujourd'hui, nous comptons moins d'élèves dans le système éducatif et davantage d'enseignants qu'il y a quinze ans. Nous ne nous situons donc pas dans une logique de gestion de la pénurie des moyens, mais dans une logique d'optimisation de leur répartition.
L'assouplissement de la carte scolaire, évoquée notamment par M. Yves Durand, n'est pas sa suppression. Nous avons seulement augmenté le nombre de critères de dérogation. L'assouplissement a permis de prendre en compte des situations particulières d'élèves boursiers, d'élèves handicapés ou suivant des parcours scolaires atypiques. Les dérogations ont augmenté de 10 % l'année dernière. Un rapport exhaustif devrait m'être remis sur le sujet avant que je vous propose de nouvelles mesures en la matière. L'évaluation déjà réalisée montre que, dans le réseau « Ambition réussite », une majorité d'établissements a connu une baisse du nombre d'élèves mais que 20 % d'entre eux ont, au contraire, enregistré une augmentation. L'assouplissement ne joue donc pas à sens unique. En outre, j'ai décidé de ne pas diminuer les moyens des collèges qui perdent des élèves, afin de préserver tous les instruments de l'éducation prioritaire. Je reviendrai donc vers vous lorsque je disposerai d'un bilan approfondi. Le dispositif CLAIR, qui sera expérimenté à la rentrée, permet d'aller vers une plus grande autonomie de ces établissements et d'améliorer le recrutement des équipes pédagogiques.
De l'intervention de M. Breton en faveur d'un rééquilibrage entre les enseignements primaire et secondaire, je retiens l'idée d'une collaboration plus étroite entre collège et lycée, comme cela se pratique déjà dans le réseau « Ambition réussite ». Mais nous pouvons aller plus loin. C'est l'une des pistes qu'explore votre collègue M. Frédéric Reiss, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée sur le statut des écoles maternelles et élémentaires, et qui pourrait déboucher sur une fongibilité des moyens entre le premier et le second degré.
La réforme de 2008 prévoit que, lorsque les résultats de leur évaluation ne sont pas satisfaisants, on accorde un traitement spécifique aux élèves de CE1 et de CM2. Les parents en sont informés individuellement. Cette politique devrait se traduire par l'allocation de moyens supplémentaires aux établissements concernés, dans la mesure où, grâce à ces évaluations annuelles, nous pouvons disposer d'indicateurs quantifiés et périodiquement remis à jour.
L'amélioration du système des remplacements devrait, je l'ai dit, se traduire par une plus forte réactivité, par un assouplissement des règles et par le recours à des volants de contractuels supplémentaires.
M. Patrick Roy a rappelé qu'il était l'élu d'un secteur en grande difficulté. L'Éducation nationale y travaille à un projet d'établissement de réinsertion scolaire, auquel il pourrait être associé.
La réforme des programmes d'histoire suscite des inquiétudes. Je conteste l'idée d'un traitement politique des programmes, en particulier de ceux d'histoire. Ce serait faire peu de cas du professionnalisme des inspecteurs généraux de l'Éducation nationale et des experts qui sont chargés de leur détermination. J'observe d'ailleurs avec satisfaction qu'Aragon était à l'honneur cette semaine, dans les épreuves du bac de français, et que cela a fait couler moins d'encre que l'inscription de l'oeuvre du général de Gaulle au programme de la terminale littéraire.
M. Jacques Grosperrin a évoqué les expérimentations, notamment sur le socle commun du primaire et du secondaire. Je pense lui avoir répondu en parlant du rapprochement entre écoles et collèges.
Le problème posé par les enseignants précaires fait l'objet d'un groupe de travail avec les organisations syndicales, afin d'identifier l'ensemble des difficultés et de leur apporter des solutions. Il faut aussi savoir que, depuis vingt ans, la résorption de la précarité dans l'Éducation nationale a été plus rapide que dans de nombreux autres corps de l'État. Mais pour certains types de métiers et de catégories de professeurs, notamment certaines spécialisations pointues en lycée professionnel, la titularisation systématique n'est pas souhaitable. Certains d'ailleurs ne la désirent pas, exerçant souvent des fonctions en dehors de l'Éducation nationale. L'administration doit aussi conserver une certaine souplesse dans ce domaine. Mises à part ces situations très spécifiques, nous engageons un traitement au cas par cas, préférable à une titularisation globale, afin de continuer de résorber la précarité.
Je suis d'accord avec Mme Aurélie Filippetti sur quelques grands principes. Mais votre courant de pensée a défendu longtemps un système égalitaire, aujourd'hui remis en cause par la Cour des comptes comme par nous-mêmes. Je ne peux vous laisser dire – et cela ne figure pas dans le rapport de la Cour – que l'accès à l'accompagnement éducatif serait plus difficile pour les élèves qui éprouvent les plus grandes difficultés. Au contraire. Nous avons commencé cet accompagnement par l'éducation prioritaire, en le mettant d'abord en place exclusivement dans le réseau « Ambition réussite ». Puis nous avons étendu l'aide personnalisée de deux heures à tous les établissements de France. L'accompagnement personnalisé, qui sera en place dans les lycées à la rentrée prochaine, bénéficiera à tous les élèves de toutes les classes de tous les établissements secondaires.
Madame Boulestin, les évaluations internes ont été utilisées pour mettre en place des réformes. Le livret personnel de compétences sera généralisé et rendu obligatoire à la rentrée prochaine. Le socle commun de connaissances et de compétences sera évalué au niveau du brevet, à la même date.
Le système d'orientation doit, en effet, être mieux maîtrisé. C'est pourquoi la réforme du lycée institue une orientation beaucoup plus progressive et réversible, comportant des modes d'accompagnement comme le tutorat ainsi que des passerelles entre filières relevant du lycée général comme du lycée professionnel. Les élèves doivent désormais effectuer leur parcours de manière active, et ne plus subir leur orientation. La loi sur la formation professionnelle adoptée à l'automne dernier prévoit aussi une réorganisation et une meilleure coordination des dispositifs d'orientation. En effet, sont également concernés les ministères chargés de l'emploi et de la jeunesse. Demain, en Conseil des ministres, un nouveau délégué interministériel à l'orientation sera nommé avec pour mission de mieux articuler les différents dispositifs.
Mme Martine Faure a rappelé que la réussite se préparait très tôt. En France, l'école est obligatoire de six à seize ans. La règle générale est cependant l'accueil à l'âge de trois ans. Les lois Fillon et Jospin ont rappelé que, pour l'accueil des enfants de deux ans, on devait donner la priorité aux établissements des réseaux prioritaires et des zones rurales en difficulté. Telle est la pratique actuelle : dans les départements ruraux, la scolarisation des enfants de deux ans est supérieure à la moyenne nationale.
S'agissant du nombre d'élèves par classe, nous devons porter une appréciation prudente : les études effectuées sur le sujet divergent profondément. Ce qui importe surtout, ce n'est pas la moyenne, mais le traitement des écarts pouvant exister et le degré d'homogénéité des groupes d'élèves.
Madame Imbert, dans le cadre du plan de relance, 8 700 écoles, notamment en zone rurale, ont été équipées d'un tableau blanc interactif et d'un chariot pour ordinateurs portables connectés à Internet. Je prépare, en liaison avec les collectivités territoriales à qui appartient cette compétence, un plan numérique pour l'école qui sera en partie financé grâce à des redéploiements budgétaires internes. Il comprendra un volet « équipement » et, ce qui est plus important, un volet « ressource pédagogique » car celle-ci est aujourd'hui insuffisante. Or elle pourrait apporter beaucoup de liberté et d'autonomie aux enseignants. D'autre part, l'équipement ne sert à rien sans formation aux techniques numériques. Nous travaillons donc sur ces deux volets.
M. Régis Juanico a souhaité qu'on encourage le volontariat des personnels d'encadrement, notamment des chefs d'établissements. J'ai lancé la politique du pacte de carrière consistant en une révision totale de la gestion des ressources humaines, aussi bien pour les personnels enseignants que non enseignants. Elle vise à obtenir une meilleure formation, une amélioration des perspectives d'évolution individuelle, des entretiens d'évaluation et donc un accompagnement personnalisé également pour les professeurs.
Le sport à l'école fera, à la rentrée, dans cent collèges et lycées, l'objet d'une expérimentation de temps scolaire différencié pour une éducation physique et sportive l'après-midi, assurée par des professeurs d'éducation physique, à raison de trois heures par semaine dans le cadre de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) et de leurs obligations de service, et avec la participation d'éducateurs relevant de fédérations collaborant pour cela avec l'Éducation nationale.
Enfin, il est vrai, monsieur Durand, que la loi n'est pas parfaitement respectée en ce qui concerne les cycles, mais nous avons choisi une approche d'individualisation et de traitement différencié qui devrait vous satisfaire.
La séance est levée à vingt heures quinze.