Je présenterai quelques observations sur le projet de loi de règlement pour 2009 avant d'en venir aux réflexions que m'inspire le rapport de la Cour des comptes.
L'exécution de la dépense de l'État concernant le ministère de l'Éducation nationale a été améliorée. La norme de dépense a été respectée. Mon ministère a d'ailleurs été cité en exemple par la Cour des comptes, car il a observé les prévisions de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2011. La prévision des dépenses de personnel a gagné en qualité, ce qui a limité les écarts entre la budgétisation et la réalisation, et eu pour conséquence de diminuer les mouvements de fongibilité asymétrique.
En 2009, l'exécution du titre 2, couvrant les dépenses de personnel, a fait apparaître un solde négatif de 22,8 millions d'euros, soit 0,04 % des crédits disponibles, qui se montaient à 54,823 milliards d'euros. Ce solde, couvert par des mouvements de fin de gestion, est la résultante à la fois de surcoûts et d'économies. Les premiers sont liés à la baisse du nombre de départs à la retraite dans le premier degré, au non-financement du point de fonction publique de 2008, à l'impact des exonérations de cotisations salariales pour les heures supplémentaires, au non-financement d'une partie du GVT ou encore aux fongibilités mises en oeuvre pour le remboursement du droit d'accueil des élèves. Les économies découlent des retenues pour journées de grève ou de la diminution du taux du versement au compte d'affectation spéciale Pensions de décembre 2009.
Hors titre 2, l'exécution a été tendue sur les programmes Enseignement privé du premier et du second degré et Soutien de la politique de l'éducation nationale, qui, en fin d'exercice, ont fait l'objet d'un abondement. Les restes à payer sur le programme Soutien se sont accrus fin 2009, atteignant 40 millions d'euros. Les principales insuffisances de crédits qui l'expliquent concernent les frais de changement de résidence et de congés bonifiés, les travaux de mise en sécurité des bâtiments administratifs pérennes ou encore un certain nombre de projets informatiques.
Enfin, pour la première fois, le projet de loi de règlement présente en annexe un bilan des mesures de RGPP dont la mise en oeuvre est achevée. Pour le ministère de l'Éducation nationale sont citées à ce titre la nouvelle organisation du temps scolaire dans le primaire, la mise en place d'une évaluation en CE1 et en CM2, le droit à l'accueil, l'accompagnement éducatif ou encore la « reconquête » du mois de juin.
Le rapport thématique de la Cour des comptes constitue à mes yeux une contribution importante au débat sur l'école. Je souscris sur de nombreux points au constat qu'il établit : notamment sur la personnalisation de l'enseignement, sur l'autonomie des établissements scolaires et sur la réforme des rythmes scolaires. Il est cependant dommage qu'il ne prenne pas suffisamment en compte les réformes mises en oeuvres depuis deux ans, qui obéissent exactement à la stratégie qu'il préconise.
Le premier défi que doit relever l'Éducation nationale est celui de la personnalisation des enseignements. Aujourd'hui, 65 % d'une classe d'âge passent le baccalauréat, contre 20 % il y a vingt-cinq ans, sans que le mode d'organisation de l'Éducation nationale ait fondamentalement changé. En d'autres termes, malgré les problèmes que posent la diversité et l'hétérogénéité des élèves, celle-ci fonctionne de la même manière que lorsque seule une élite accédait au baccalauréat et aux études supérieures. Nous avons engagé un travail de fond en vue de la personnalisation du système éducatif, et ce souci se traduit dans toutes les mesures intervenues depuis 2007.
Ainsi, la réforme du primaire vise à revenir aux fondamentaux, afin d'éviter que 15 % des enfants n'entrent en sixième sans maîtriser la lecture, mais elle tend aussi à détecter dès la maternelle ceux qui éprouvent des difficultés, en vue de leur proposer une aide personnalisée de deux heures par semaine.
Autre exemple : depuis la dernière rentrée, la réforme de la voie professionnelle vise à porter davantage de jeunes au niveau du baccalauréat. Alors qu'un élève sur deux en voie professionnelle s'arrêtait au niveau CAP ou BEP, nous avons allongé le temps d'étude pour leur permettre de passer un baccalauréat en trois ans, tout en organisant un accompagnement personnalisé de deux heures et demie par semaine pour soutenir ceux qui éprouvent des difficultés ou pour aider ceux qui se préparent à l'examen final.
Troisième exemple de la personnalisation de l'enseignement : la réforme du lycée qui entrera en vigueur à la prochaine rentrée prévoit pour tous les élèves deux heures hebdomadaires d'accompagnement personnalisé, prises sur les heures d'enseignement actuelles. Ceux qui éprouvent des difficultés pourront ainsi bénéficier d'un soutien scolaire, cependant que les autres seront poussés vers l'excellence.
Quatrième exemple : en matière d'orientation, un professeur jouera dans chaque établissement le rôle de tuteur. Les élèves qui ne bénéficient à la maison d'aucune aide leur permettant de comprendre le fonctionnement du système éducatif seront pris en charge de manière personnalisée par un enseignant dont le travail sera rémunéré.
Cinquième exemple : depuis deux ans, nous avons mis en place des stages gratuits de remise à niveau, organisés par des professeurs, qui se dérouleront pendant les vacances.
Nous avons ainsi engagé une stratégie de fond. Je ne peux donc qu'adhérer à l'objectif fixé par la Cour. Si nous voulons que la France améliore sa performance, élève le niveau moyen de qualification, lutte contre le décrochage scolaire et apparaisse en meilleure position dans les comparaisons internationales – en particulier dans les résultats du test du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) –, chaque établissement doit s'adapter à la diversité des élèves.
Le second défi concerne l'autonomie des établissements. Nous devons sortir d'un système qui a été dirigé pendant trop longtemps de manière uniforme depuis le ministère. Si je me réjouis que la Cour des comptes souligne que le volume des moyens importe moins que leur répartition ou que l'autonomie des établissements scolaires, je regrette qu'elle n'ait pas pris en compte certaines avancées récentes. À la rentrée, nous augmenterons la marge de manoeuvre des établissements scolaires en donnant plus d'importance à leur projet pédagogique. Le conseil pédagogique créé par la loi de 2005 élaborera un projet interne spécifique, en fonction duquel seront calculés les moyens alloués à l'établissement. Par ailleurs, les établissements disposeront d'une autonomie totale pour répartir les dotations horaires de dédoublement et d'accompagnement personnalisé. Ils décideront ainsi de l'organisation de plus d'un tiers du temps des élèves, ce qui représente une avancée considérable. En outre, à partir de la rentrée prochaine, cent collèges et lycées des réseaux « Ambition réussite » auront davantage de latitude pour recruter leurs professeurs. Les chefs d'établissement pourront choisir les enseignants sur profil, en fonction du projet d'établissement et en dehors du mouvement de mutation. Dans les établissements confrontés à des problèmes d'échec scolaire, de ghettoïsation et d'insécurité, il faut en effet donner davantage de marges de manoeuvre aux équipes éducatives locales, qui doivent être solides, pérennes et motivées. Tel est le but du dispositif CLAIR, « collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite ».
Sur le troisième défi que représentent les rythmes scolaires, je partage l'avis de la Cour. J'ai lancé à ce sujet l'idée d'une grande conférence nationale, pensant que l'opinion publique est prête à évoluer. Si, il y a cent cinquante ans, l'école s'est adaptée au rythme de la société, elle la rythme désormais. Il n'est pas normal que des élèves de quatorze ou quinze ans suivent plus de huit heures de cours, avec une pause méridienne très courte. Par ailleurs, il faut repenser l'organisation de la semaine et de l'année. La France est le pays où l'on dispense le plus grand nombre d'heures de cours par an pendant le plus petit nombre de jours. Une répartition plus équilibrée est souhaitable. J'ai installé il y a quelques jours le comité de pilotage de la conférence, où siègent des membres de votre assemblée. Pour avancer, il disposera d'un comparatif international et pourra prendre en compte la problématique économique, comme celle des collectivités locales et des services publics. J'ai demandé à M. Forestier, qui l'anime, de formuler pour le début de 2011 des propositions ambitieuses.
Le rapport de la Cour émet des propositions à un moment où certaines lignes ont bougé en ce qui concerne l'école, où la crise nous impose plus que jamais d'assurer la réussite de nos enfants et où la restriction des moyens nous contraint à mettre en place un système plus efficace. Si nous parvenons à maintenir globalement les moyens, nous avons avant tout l'obligation de mieux les répartir afin d'obtenir de meilleurs résultats. Gagner en efficacité avec des moyens contraints, tel est notre objectif.