Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. François Moisant, directeur de la stratégie et de la recherche de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
Monsieur le directeur, les auditions de la MEC sont par nature interactives et les trois rapporteurs de la majorité et de l'opposition chargés de la rédaction du rapport sur les pôles de compétitivité, MM. Alain Clamais, Jean-Pierre Gorges et Pierre Lasbordes, vous poseront les questions qui leur paraîtront utiles après avoir entendu votre exposé d'introduction.
J'ajoute que M. Gérard Moulin, président de section à la Cour des comptes, ici présent, n'interviendra pas puisque la Cour mène ses propres travaux d'investigation sur le sujet qui nous préoccupe et que ces travaux n'ont pas encore été soumis à la contradiction.
Je me permets tout d'abord de vous remettre quelques exemplaires d'un document de présentation de l'ADEME et de ses missions.
L'ADEME est chargée de mettre en oeuvre les politiques publiques dans les domaines de l'environnement, de la maîtrise de l'énergie et du développement des énergies renouvelables. Placée sous la double tutelle du ministère de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT) et du ministère chargé de la recherche, elle a bénéficié durant ces dix dernières années de 50 millions d'euros par an afin de financer, dans une logique essentiellement industrielle, des programmes de recherches appliquées conduits par des entreprises, à hauteur des deux tiers de cette somme, et des laboratoires publics pour le tiers restant. Les ingénieurs de recherche de l'ADEME élaborent ainsi un certain nombre de feuilles de route dans les domaines des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l'énergie, des transports, du bâtiment ou des déchets pour définir les priorités de recherche.
À la suite du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement a par ailleurs doté l'ADEME d'un fonds de financement de démonstrateurs de recherche, dont le budget, pour les quatre prochaines années, s'élève à 400 millions. Celui-ci vise à expérimenter différentes technologies permettant de faire face au changement climatique et de respecter l'objectif dit du « facteur 4 » – division par quatre des émissions de CO d'ici à 2050.
Dès 2008, nous avons également lancé trois appels à manifestation d'intérêt concernant les véhicules à faibles émissions de gaz à effet de serre et onze projets ont d'ores et déjà été décidés ; cinq projets sont par ailleurs en cours d'instruction – dont l'un est déjà décidé – en ce qui concerne le captage et le stockage du CO ; deux projets concernant les biocarburants de deuxième génération ont également été décidés.
Enfin, nous préparons des feuilles de route pour les appels à manifestation d'intérêt à venir dans les domaines des bâtiments à énergie positive, des réseaux intelligents et des énergies de la mer.
Même si nous ne sommes pas au coeur du dispositif, nous soutenons les entreprises ou les laboratoires membres de pôles de compétitivité dès lors que leurs activités s'inscrivent dans les programmes de recherche que nous conduisons.
Nous soutenons des projets labellisés par des pôles sans être directement impliqués dans la gestion des pôles eux-mêmes. Plus précisément, nous travaillons avec eux, essentiellement dans une optique de coordination sur un plan thématique et national, dans trois grands domaines : les énergies renouvelables – pôles Derbi, Cap Énergie, Tenerrdis et S2E2.
Non : nous finançons des projets qu'ils labellisent sans être partie prenante de la gouvernance des pôles.
Nous travaillons également, quoique d'une façon moins structurée, avec des pôles dédiés au transport – certains ont en effet répondu à des appels à manifestation d'intérêt et des projets ont été retenus, notamment avec Urban Truck & Bus, à Lyon – et aux bio-ressources et biocarburants.
Pourquoi n'avez-vous pas souhaité participer à la gouvernance de pôles de compétitivité dont les activités sont proches des vôtres ?
Je le répète : nous finançons des programmes, non des structures. Par ailleurs, la participation à leur gouvernance ne relève ni de notre vocation, ni des objectifs de notre tutelle.
L'ADEME dispose de délégations régionales qui comptent chacune en moyenne une vingtaine de personnes. Dans le cadre des contrats de projets État-régions, nous travaillons avec les conseils régionaux sur des programmes de diffusion concernant les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique ou les déchets. Si nous avons passé des contrats sur le plan régional pour soutenir des projets innovants ou faire valoir notre expertise, nous ne nous sommes pas investis dans le secteur de la recherche où nous travaillons sur un plan national avec les meilleures entreprises ou les meilleurs laboratoires afin d'éviter tout risque de saupoudrage des crédits.
Comment le fonds de soutien aux démonstrateurs de recherche, élément essentiel du Grenelle de l'environnement, s'articule-t-il avec les pôles de compétitivité ?
Ce fonds tend à expérimenter, dans des conditions réelles de fonctionnement, des technologies permettant d'atteindre les objectifs du « facteur 4 » et, en l'état, son financement n'est pas spécifiquement fléché en direction des pôles de compétitivité. Le Gouvernement a tenu à ce qu'il soit géré « top down », de haut en bas, et qu'il soit dédié à un certain nombre de thèmes spécifiques strictement définis : nouvelles technologies de l'énergie, économies d'énergie dans le bâtiment et les transports, énergie renouvelables, captage et stockage du CO2, stockage de l'hydrogène.
La recherche industrielle appliquée et le développement expérimental. Les trois ministères qui l'abondent – le MEEDDAT, le ministère chargé de la recherche et, à travers la direction générale de la Compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS), le ministère de l'Économie – participent à son comité de pilotage.
Absolument : un maillon manquait à la chaîne. Si l'Agence de l'innovation industrielle (AII) avait été créée afin de soutenir, à travers des avances remboursables, de grands projets industriels marchands, il n'était pas possible de procéder de la même manière pour des technologies qui ne seront rentables qu'à l'horizon de 2020. Comment, dans ces conditions, demander par exemple à un industriel d'avoir un business plan ?
Le fonds fonctionne grâce à des subventions d'aide à la recherche qui, dans le cadre du régime communautaire, comptent parmi les aides d'État aux entreprises : le comité de pilotage demande d'abord à l'ADEME d'élaborer une feuille de route, avec des experts extérieurs à l'Agence, puis un appel à manifestation d'intérêt ciblant une technologie particulière est lancé – c'est ainsi, par exemple, qu'une expérimentation de la faisabilité du stockage du CO2 en aquifère a été ciblée dans l'appel à manifestation d'intérêt. Globalement, le coût des projets varie entre quelques millions et plusieurs dizaines de millions d'euros.
Les pôles de compétitivité apportent-ils une valeur ajoutée à votre activité ? Qu'en est-il de leur régionalisation ? Si vous en aviez eu la possibilité lors de leur création, comment les auriez-vous conçus ?
Je souhaite bientôt pouvoir répondre par l'affirmative à votre première question.
Je le répète, nous nous sommes jusqu'à présent refusés à investir dans la recherche sur le plan régional mais, compte tenu du rôle croissant des régions dans ce domaine, nous réfléchissons à l'élaboration d'un nouveau modus vivendi. De ce point de vue, les pôles de compétitivité constituent une opportunité dès lors qu'ils excellent sur le plan national.
C'est ainsi qu'en relation avec les conseils régionaux et dans le cadre des contrats pluriannuels, nous essayons de conforter des entreprises au sein de certains pôles de compétitivité : nous consacrons chaque année 3 millions d'euros à 80 bourses de thèse cofinancées par des entreprises ou des collectivités territoriales, et nous planifions avec certains pôles l'octroi de bourses sur deux ou trois ans. Nous sommes évidemment satisfaits lorsque les pôles font appel à nous – comme ce fut le cas avec Derbi, Cap Énergie ou Tenerrdis. Mais il n'en a pas été de même dans les secteurs des transports ou de l'agro-ressource, où certains d'entre eux ne ressentent pas la nécessité d'une coordination nationale même s'ils sont en concurrence sur certaines thématiques.
Nous avons par ailleurs financé avec les conseils régionaux d'Aquitaine et de Rhône-Alpes, mais également avec les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (les DREAL) ainsi qu'OSÉO des appels à propositions « éco-innovations ».
Enfin, nous avons lancé en partenariat avec la région Nord-Pas-de-Calais – bien qu'elle n'abrite aucun pôle de compétitivité – un appel à propositions de recherche dans le domaine des bâtiments et des réseaux intelligents, l'ADEME pouvant consacrer 1 million d'euros par an à d'éventuels projets.
L'implication de nos délégués régionaux dans les pôles varie quant à elle considérablement d'une région à l'autre. Pour certains, ces derniers sont des interlocuteurs réguliers – c'est par exemple le cas en Languedoc-Roussillon avec le pôle Derbi. Pour d'autres, les contacts sont rares ou inexistants, notamment avec certains pôles dans le secteur des transports.
C'est difficile à dire. Sans doute ces pôles ont-ils leur logique propre et définissent-ils leur stratégie à travers d'autres dispositifs. Quoi qu'il en soit, ils ne travaillent pas tous sur des thèmes qui intéressent directement l'ADEME.
Les 400 millions abondant le fonds de financement de démonstrateurs de recherche ont-ils été spécifiquement fléchés ?
Ils résultent d'une décision prise lors de la dernière table ronde du Grenelle de l'environnement. L'AII avait par ailleurs déjà engagé deux projets à hauteur de 75 millions d'euros dans le domaine des énergies renouvelables : Futurol – sur les carburants de deuxième génération par voie biochimique – et Solar Nano Cristal – dans le domaine photovoltaïque. Ce sont donc 325 millions qui ont été délégués à l'ADEME dans le cadre d'une convention signée en juin 2008, le fonds devant être en outre abondé de 50 millions supplémentaires afin de relancer un appel à manifestation d'intérêt, rouvert au début du mois d'avril, dans le domaine des véhicules à faible émission de gaz à effet de serre.
Quel est le principal défi que la France doit relever en matière de recherche appliquée et de fabrication dans le secteur du développement durable ? Intéresse-t-il au premier chef le fonds de soutien aux démonstrateurs de recherche ?
Les manques sont patents dans le secteur privé, tant en ce qui concerne le financement de la recherche que la recherche elle-même. S'agissant du fonds de soutien aux démonstrateurs de recherche, je ne peux me prononcer dans des domaines qui ne relèvent pas des nouvelles technologies de l'énergie. En l'occurrence, il s'agit principalement de s'assurer que les entreprises françaises compteront parmi celles qui développeront les technologies nécessaires pour atteindre les objectifs du « facteur 4 », lesquels relèvent donc du très long terme. Outre que sans le fonds, un certain nombre d'entreprises ne pourraient s'engager comme elles le font, celui-ci nous permet également de constater combien le respect des exigences du Grenelle impliquera de profondes évolutions sociales et comportementales.
J'ajoute qu'à ce jour le montant des projets soumis à l'ADEME par les entreprises s'élève à plus de 900 millions d'euros, preuve de leur intérêt pour ce dispositif.