La séance est ouverte à 16 heures.
Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente.
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes procède à l'examen du rapport d'information de Mme Pascale Crozon sur la proposition de loi (n° 2422) de M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues visant à renforcer l'exigence de parité des candidatures aux élections législatives.
La proposition de loi de notre collègue Bruno Le Roux qui vise à renforcer l'exigence de parité des candidatures aux élections législatives est le constat d'un échec. La réforme, introduite par la loi du 8 juillet 1999, qui a inscrit à l'article 3 de notre Constitution le principe « d'égal accès » des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives avait fait l'objet d'un vaste débat. Était-il acceptable de devoir légiférer pour affirmer l'égale capacité des hommes et des femmes à assumer des responsabilités politiques ? Un certain nombre de féministes, comme Elisabeth Badinter, avait pris position contre le principe de parité qui conduirait à douter de la compétence même des femmes. Pour beaucoup, l'inscription du principe de parité dans la Constitution était déjà en soi une humiliation, un échec, mais un échec nécessaire.
Une décennie après la loi du 6 juin 2000 qui organise concrètement la mise en oeuvre du principe de parité, le constat n'est pas réjouissant. La représentation des femmes à l'Assemblée nationale a certes progressé pour atteindre 18,9 %, mais nous demeurons au 16ème rang sur les 27 chambres basses européennes, loin de la moyenne qui est de 24 % de femmes et très loin de l'Allemagne ou de l'Espagne qui font proportionnellement deux fois mieux sans avoir modifié leur Constitution.
Plus préoccupant encore, on connaît aujourd'hui le prix que les partis politiques sont disposés à accepter pour ne pas avoir à se conformer à ce principe. Une pénalité de 5,3 millions d'euros pèse quasi-exclusivement sur les cinq grands partis : UMP (pour les trois-quarts de ce total), PS, MoDem, PCF et PRG. La loi de 2000 en instituant les retenues financières pour les manquements au principe de parité des candidatures a divisé l'échiquier politique en deux : les partis qui ont peu de perspective de faire élire des députés et qui sont donc extrêmement vertueux en la matière, comme c'est le cas du Front national, des Verts, de la LCR ou du MPF, et ceux qui disposent d'un groupe parlementaire et qui sont encore très loin de la parité des candidatures. Ce constat est extrêmement choquant, d'une part parce qu'il accrédite l'idée que moins on présente de femmes et plus on a de chance de gagner une élection, et d'autre part parce que la deuxième fraction du financement public des partis compense, voire récompense, l'absence de parité.
C'est pourquoi je vous invite à soutenir la suppression de l'ensemble de la dotation pour tout parti ne respectant pas l'objectif d'un différentiel maximum de 2 % entre ses candidats de chaque sexe. C'est d'abord un principe d'égalité entre les partis qui doivent encourir les mêmes conséquences, indépendamment de leur taille, de leur implantation, de leur nombre de voix ou d'élus. C'est ensuite un dispositif clair et lisible qui affirme que le financement public des partis n'est pas une obligation mais la contrepartie du respect d'un certain nombre de principes dont celui de parité. C'est enfin une mesure simple à étendre à l'ensemble des élections.
À ce titre, je recommande que la réforme territoriale soit l'occasion d'adopter un amendement similaire pour garantir la parité des candidatures dans les collectivités territoriales.
Le principe de parité est toujours loin d'être une évidence comme le prouve la loi du 30 juillet 2003 sur le mode d'élection des sénateurs qui a limité aux départements élisant quatre sénateurs l'application du scrutin proportionnel. Nous nous rendrons pleinement compte de ses conséquences l'année prochaine, avec le renouvellement des élus de 2001.
Je pense que nous sommes tous largement d'accord pour constater les difficultés de la mise en oeuvre du principe de parité et nous devrions donc obtenir un consensus sur les recommandations de la Délégation.
Certains soutenaient qu'il fallait imaginer un mode de scrutin qui permettrait de résoudre, en lui-même, les difficultés posées par la parité. Mais il semble bien que notre système électoral actuel perdurera, même si, un jour, une dose de proportionnelle est introduite. Il convient donc plutôt de trouver des solutions pour parvenir à cet objectif de parité, sans attendre un hypothétique changement de mode de scrutin.
Les déclarations du Premier ministre qui appelle à faire peser « des sanctions insupportables » sur les partis qui ne remplissent pas leur rôle constitutionnel de mise en oeuvre de la parité, laissent penser que l'ensemble des groupes partage un même objectif, même si nous divergeons, parfois fortement, sur les solutions. L'illustration la plus frappante de ces divergences apparaît dans le débat autour du mode d'élection des futurs conseillers territoriaux. Pourtant, on ne peut séparer les deux débats et de faire de la parité à l'Assemblée nationale un enjeu d'affichage, au moment même où l'on s'apprête à vider les collectivités territoriales de leurs élues femmes. Nous devons être bien conscients que les collectivités territoriales sont le vivier qui permettent aux femmes d'être les parlementaires de demain.
Je suis, pour autant, circonspecte sur l'idée avancée par Mme Chantal Brunel de transférer vers le premier tour des élections territoriales une partie du calcul de la première fraction du financement public des partis politiques. Ce nouveau mécanisme conduirait à lisser les sanctions d'une élection à l'autre, en permettant aux partis de présenter plus de candidates aux élections territoriales pour amortir les conséquences d'un nombre moindre de candidates aux législatives.
Les députés présents ici ont affronté le scrutin uninominal qui n'est pas favorable aux candidatures de femmes. Ce n'est pas parce que nous avons surmonté cet obstacle que nous ne devons pas oeuvrer pour la généralisation de la parité. Et il est regrettable que nous n'ayons pas tiré toutes les conséquences en terme d'égalité de candidatures entre hommes et femmes, de la révision de la Constitution de 1999 qui a modifié la rédaction des articles 3 et 4 de la Constitution.
La Délégation a ensuite adopté le présent rapport d'information et les recommandations suivantes :
C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter les recommandations suivantes :
- le système actuel de modulation financière de l'aide publique au financement des partis s'est révélé inefficace pour favoriser l'accès des femmes à l'Assemblée nationale et plus largement aux responsabilités politiques ;
- ce système ouvre la possibilité aux partis de compenser les conséquences financières d'un nombre insuffisant de candidates sur le montant de la première fraction, par la perspective d'un plus grand nombre d'élus qui permet de majorer la deuxième;
- la menace d'une suppression du financement public aux partis qui ne respecte pas la parité de candidatures est seule de nature à être suffisamment dissuasive pour garantir la parité des candidatures aux élections législatives;
- ces sanctions pourraient être complétées pour porter également sur la deuxième fraction de l'aide publique, afin que les partis soient réellement incités à investir des femmes susceptibles d'être élues ;
- que l'instauration d'un remplaçant de sexe opposé pour les candidatures aux élections cantonales a relégué les femmes aux places de suppléantes, puisque 80 % des titulaires, en 2007, ont été des hommes ;
- que le mode de scrutin qui sera retenu pour l'élection des conseillers territoriaux aura des conséquences majeures en termes de parité et qu'il ne doit, en aucun cas aboutir à un recul de celle-ci, à contre-courant des règles démocratiques et de l'évolution de notre société.