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Commission des affaires étrangères

Séance du 11 mai 2010 à 11h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • culturel
  • influence
  • langue
  • rayonnement

La séance

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Examen du rapport d'information de Mme Geneviève Colot sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture La séance est ouverte à onze heures quarante. M. le Président Axel Poniatowski. Mes chers collègues, nous dressons ce matin, sur le rapport de notre collègue Geneviève Colot, le bilan de la mission d'information, présidée par François Rochebloine, sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture. Cette mission, constituée il y a maintenant un peu plus d'un an, comptait treize membres ; elle s'est réunie à une quarantaine de reprises.

Le 12 janvier dernier, nous avions autorisé la publication d'un rapport d'étape de cette mission d'information. Nous avions alors tous apprécié de pouvoir échanger sur la situation des lycées français à l'étranger et sur celle de notre réseau culturel, à partir de vos premiers constats et de vos premières recommandations.

Monsieur le Président Rochebloine, vous nous direz comment vous avez mené à leur terme les travaux de la mission et quelle est votre impression générale sur chacun des deux sujets, au fond bien distincts, du rayonnement de la France à travers son réseau d'enseignement et à travers son réseau culturel.

Madame la Rapporteure, vous nous présenterez ensuite les préconisations finales de la mission. Dans quelle mesure la suite et la fin de vos travaux ont-elles confirmé ou infirmé les premiers constats exposés dans votre rapport d'étape ? Les derniers déplacements que vous avez effectués, dans le Golfe, puis dans un « grand pays émergent », l'Inde, et enfin dans un pays marqué par une présence française historique, le Liban, ont certainement enrichi votre vision de nos réseaux culturel et d'enseignement. Les défis qu'ils ont à relever sont-ils très différents d'un continent à l'autre, d'un type de pays à l'autre ? L'action de tous ces vecteurs de l'image et de l'influence de la France est-elle suffisamment coordonnée ? Est-elle sous-tendue par une stratégie cohérente ? Enfin, quelle est votre appréciation de la question des moyens budgétaires que la France consacre à son rayonnement par l'enseignement et la culture ?

PermalienPhoto de François Rochebloine

Monsieur le Président, mes chers collègues, une année après les avoir entamés, la mission d'information sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture a achevé ses travaux par l'adoption, ce matin même, des conclusions que lui a présentées son rapporteur, notre collègue Geneviève Colot. C'est elle qui les détaillera devant vous dans quelques instants. Pour ma part, je voudrais auparavant replacer nos travaux en perspective, vous indiquer dans quel esprit je les ai animés et vous faire part de quelques points qui me tiennent plus particulièrement à coeur. Puis nous solliciterons, de votre part à tous, mes chers collègues, l'autorisation de publier le résultat de nos travaux sous le timbre de la commission des affaires étrangères.

Rappelez-vous : il y a un peu plus d'un an, le ministre des Affaires étrangères et européennes souhaitait un nouvel élan pour l'action culturelle extérieure, en même temps que s'effectuait la réforme de l'administration centrale de son ministère avec, notamment, la création d'une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. Il annonçait notamment dans ce cadre : une mission de préfiguration d'une nouvelle agence culturelle qui devait conclure ses travaux pour juillet 2009 ; la rénovation du réseau culturel, structuré autour du regroupement des services de coopération et d'action culturelle des ambassades d'une part, et des divers centres et instituts culturels d'autre part, pour former dans chaque pays un unique établissement à autonomie financière dénommé « Institut français » ; le lancement d'une « plate-forme numérique » appelée « LatitudeFrance.org », destinée à servir de vitrine à l'ensemble du réseau culturel français à l'étranger ; un « plan de développement pour les lycées français à l'étranger », l'expression étant d'ailleurs littéralement reprise de la lettre de mission adressée au ministre en juillet 2007 par le Président de la République et le Premier ministre ; enfin, des crédits supplémentaires pour cette politique de rayonnement et d'influence.

Je me réjouis personnellement et je ne suis pas le seul, Monsieur le Président, que vous ayez décidé, avec le bureau de notre commission, de maintenir cette mission d'information au printemps dernier, alors que tout semblait déjà décidé, calé, acté. En vérité, nous nous en sommes rendus compte au fil des auditions et de nos déplacements à l'étranger que beaucoup restait à faire. Je crois pouvoir affirmer que le ministre a besoin de notre soutien, besoin de nos prises de position, pour parvenir aux résultats qu'il présentait comme acquis voilà plus d'un an.

Reprenons point par point. Tout d'abord, l'agence culturelle n'a été mise en place et ses contours déterminés ni avant l'été dernier, ni à l'occasion du débat budgétaire, ni au 1er janvier 2010. Elle fait encore l'objet de débats dans le cadre du projet de loi que nous examinerons demain et dont le rapporteur est notre collègue Hervé Gaymard. La mission souhaite aider le Gouvernement à adopter une démarche autrement plus volontariste et ambitieuse sur le sujet. Autre point, la restructuration du réseau culturel, indépendamment de ses liens avec l'agence, est entravée par un désaccord interministériel sur l'existence même des établissements à autonomie financière. Quant à la plate-forme numérique « LatitudeFrance », elle ne nous a pas semblé avoir, à ce stade, acquis une grande visibilité. Qu'en est-il du plan de développement du réseau des lycées français ? Nous l'attendons toujours alors qu'il est plus que jamais nécessaire, compte tenu de la décision de la prise en charge des frais de scolarité pour les enfants de nos compatriotes expatriés – j'y reviendrai. Enfin, s'agissant des moyens d'intervention du réseau culturel, des crédits supplémentaires ont en effet été obtenus à hauteur de 20 millions d'euros en 2009 et de 20 millions d'euros en 2010, mais de fait cette manne n'aura permis que d'enrayer la réduction drastique observée ces dernières années. Du reste, c'est uniquement à l'occasion du débat budgétaire de cet automne que l'on pourra solder les comptes et constater si, la régulation budgétaire étant passée par là, le ministère a bien obtenu 40 millions d'euros supplémentaires pour l'action culturelle. Nous verrons également si cette « rallonge » perdurera l'an prochain.

Par conséquent, cette mission d'information tombait à point nommé pour éclairer notre commission et notre Assemblée sur la réalité des choses et pour tracer des perspectives à moyen terme, en dessinant le souhaitable, là où le ministre doit se contenter du possible compte tenu des contingences budgétaires et administratives.

Monsieur le Président, mes chers collègues, pardonnez-moi si j'ai l'air d'adopter un ton qui évoque des « chefs-d'oeuvre en péril », mais une mission ne doit pas avoir pour but de se faire plaisir, elle doit faire oeuvre utile. Partout où nous sommes allés, nous avons rencontré des personnels dévoués, parfois même passionnés ; dans presque tous nos déplacements, nous avons constaté une réelle « demande de France », qui ne rencontre pas toujours l'offre adéquate. Alors à nous de faire les recommandations qui conviennent. À nous de dire si la France a les moyens de ses ambitions en matière d'influence dans la mondialisation actuelle, et si elle parvient à mettre sa diplomatie au service de sa culture ou sa culture au service de sa diplomatie.

Pour se forger son opinion, la mission a veillé à garder sur son double objet d'étude un regard pluraliste. C'est ainsi que les treize membres de la mission représentaient un large éventail de sensibilités politiques et que les déplacements organisés ont associé l'opposition et la majorité. Une quarantaine d'auditions se sont tenues ici même, et nos déplacements dans deux pays d'Europe (Allemagne et Grande-Bretagne), ainsi qu'en Amérique du Sud (Chili et Argentine) ont été complétés, depuis le rapport d'étape, par des déplacements aux Émirats arabes unis, en Inde et enfin au Liban. Cette diversité géographique nous a permis de dresser une intéressante typologie :

– l'Europe, l'étranger tout proche, aurait pu sur le plan culturel être considérée comme une zone non prioritaire, précisément à cause de sa trop grande proximité, et une zone à densifier en matière scolaire pour faire face à la demande. Si cette analyse est juste pour la matière scolaire, dans le champ culturel, Berlin est un poste pilote de la RGPP qui a su très vite expérimenter le regroupement juridique des SCAC et des instituts culturels en un seul établissement. Quant à Londres, c'est, entre autres, un laboratoire des partenariats public-privé ;

– l'Amérique latine est bien, comme se plaisent à le dire leurs responsables, le « navire amiral » des alliances françaises. Mais nous avons trouvé aussi, au Chili, des structures fort modestes et aux prises avec un réel manque de moyens. Quant au réseau scolaire, il est, toujours au Chili, très intéressant à étudier en raison de la variété des statuts qui s'y rencontrent. En outre le pôle régional de l'AEFE est là-bas au complet, ce qui faisait partie de notre champ d'investigation et qui se retrouve dans nos préconisations ;

– les Émirats arabes unis sont à maints égards une « niche », un État où l'autofinancement apparaît garanti presque sans limite. Un endroit du monde où la « marque France » fait recette, à travers des partenariats avec la Sorbonne ou le Louvre. Or nous avons pu nous rendre compte sur place que, s'il n'y a pas un minimum de mise de fonds de notre part, notre engagement dans le partenariat n'est pas crédible ;

– en Inde, qui est l'exemple de grand pays émergent que nous avions choisi, nous n'avons pas été surpris de constater le très faible poids relatif de la France, de sa langue et de sa culture, ainsi que le petit nombre de ses relais pour la faire vivre. Et pourtant, nous avons pris conscience du fait que l'anglais lui-même n'était parlé que par 5 % de la population ! – ce qui représente tout de même 60 millions de personnes. Et c'est dans cet immense sous-continent, en s'appuyant sur une poignée d'alliances françaises disséminées dans quelques grands centres urbains, que l'ambassade a pu monter le festival « Bonjour India » et susciter son miroir chez nous, le festival « Namaste France » ;

– au Liban, nous avons observé, comme nous nous y attendions, la place éminente occupée par l'enseignement francophone, mais nous avons bien senti le caractère réversible de cette domination sans partage et la vive compétition qui se déroulait dans le champ de l'enseignement supérieur. À côté des « piliers » que représentent les lycées historiques, c'est aussi dans de petites structures comme l'École supérieure des affaires que la perpétuation de notre influence se joue.

En tant que président de cette mission d'information, je me dois de souligner que la connaissance, même modeste, d'un sujet, ne s'acquiert pas sans un minimum d'assiduité. Or je regrette beaucoup que nos auditions se soient plus souvent tenues à un, deux, trois, ou quatre députés qu'à treize. Je sais bien que c'est un peu la quadrature du cercle, étant tous contraints de ne convoquer des réunions que les mardis ou mercredis après-midi, et tous les autres organes de l'Assemblée faisant de même... Monsieur le Président, je crois me souvenir que de bonnes résolutions avaient été prises pour que le jeudi matin soit consacré à des activités de contrôle. Avant de laisser la parole à Mme Colot afin qu'elle présente les principales conclusions de notre mission, je me permets donc d'en formuler une supplémentaire : que les rapports de missions d'information ne comportent pas seulement leur composition, mais aussi l'assiduité de leurs membres. C'est, me semble-t-il, un devoir d'honnêteté de notre part. Vous ne m'en voudrez pas, je l'espère, mes chers collègues.

Après cette suggestion de méthode, une dernière remarque, pour conclure, sur le fond. Dans l'ensemble de nos propositions, j'ignore combien seront suivies d'effet. Mais il y en a au moins une à propos de laquelle nous avons vraiment, par notre vote, les moyens d'agir. Et je le ferai, pour ma part, une fois de plus, lors du prochain débat budgétaire. Il s'agit de la prise en charge des frais de scolarité dans les lycées du réseau de l'AEFE pour les élèves français. Nous touchions au but lors du débat sur le PLF 2010, et « grâce » aux sénateurs, puis sur l'injonction de je ne sais qui, tout est à refaire. L'amendement que j'avais déposé en commission des affaires étrangères avait été adopté à l'unanimité, puis par l'Assemblée nationale à l'unanimité moins une voix. C'est un an de perdu, et voilà qu'une mission d'évaluation va être lancée, Geneviève Colot vous le dira... Notre collègue n'est bien sûr pas en cause mais j'ai envie de dire : de qui se moque-t-on ? Cette évaluation, notre mission l'a faite. En tant que rapporteure budgétaire pour avis, Mme Colot a également examiné ce sujet de près. Au cours de nos auditions et déplacements, je dirais que 98 % des personnes que nous avons rencontrées étaient opposées à cette mesure. Une promesse généreuse d'un candidat à l'élection présidentielle, mais dont l'exécution a été mal calibrée, déstabilise ce joyau de notre politique d'influence qu'est le réseau des lycées français ; elle menace de le faire se replier sur les seuls expatriés français ; elle crée des frustrations non seulement entre Français et ressortissants étrangers mais aussi au sein de la communauté française expatriée puisque les fonctionnaires n'y ont pas droit ; elle fragilise encore plus la situation budgétaire du Quai d'Orsay... la liste est longue ! N'est-il pas surprenant de devoir remuer ciel et terre afin d'obtenir une rallonge de 20 millions d'euros pour l'action culturelle extérieure, tandis que l'on « distribue » 20 autres millions d'euros, en pur effet d'aubaine, pour faire payer par les contribuables ce que payaient des entreprises ? Je le répète : il est urgent d'encadrer la mesure de gratuité. Cela est d'autant plus nécessaire que de fortes augmentations des écolages ont été motivées par cette mesure au point que l'AEFE doive prendre une décision conservatoire de « cristallisation » de la prise en charge.

J'adresse enfin des remerciements très chaleureux à la Rapporteure, aux membres et au secrétariat de la mission d'information.

PermalienPhoto de Geneviève Colot

Monsieur le Président, mes chers collègues, je veux tout d'abord remercier publiquement, devant vous, le Président de la mission pour avoir conduit toutes les réunions que nous avons tenues et la quasi-totalité des déplacements que nous avons effectués, avec l'enthousiasme et la verve que vous lui connaissez tous et une chaleur humaine qui a toujours mis nos interlocuteurs en confiance. Cela nous a permis de nous affranchir de toute langue de bois, et le travail du Rapporteur que je suis n'en a été que plus intéressant et constructif.

S'agissant de la disponibilité des membres de la mission, le président a eu raison de dire qu'elle avait été variable mais il faut bien reconnaître que de par nos fonctions, nous sommes amenés à nous déplacer plus que d'autres ; je le mesure moi-même. Je ne voudrais donc pas que des critiques trop sévères atteignent nos collègues qui ont dû se faire excuser pour de nombreuses réunions mais je suis d'autant plus reconnaissante à ceux qui ont fait l'effort de participer assidûment à nos travaux.

Je voudrais également remercier à mon tour le président Axel Poniatowski qui nous a fait confiance et nous a donné les moyens de travailler largement, pendant une année, sur ces sujets-clefs de notre diplomatie d'influence, qui intéressent beaucoup également nos compatriotes installés à l'étranger. Enfin, je m'associe bien sûr aux remerciements envers les personnes que nous avons entendues mais surtout envers les ambassades, les lycées français, les centres et instituts culturels, les Alliances françaises et tous les autres organismes français et étrangers auxquels nous avons fait appel pour recueillir la « matière première » de notre rapport.

Il me revient donc de présenter les conclusions de la mission d'information, que nous avons adoptées tout à l'heure et que nous soumettons à présent à l'ensemble de la commission. Vous vous en souvenez, et le président l'a rappelé à l'instant : j'avais présenté devant vous notre rapport d'étape le 12 janvier dernier, alors que nous avions établi de premiers constats et formulé de premières préconisations. Nous avions aussi dressé la liste des questions à traiter ou laissées en suspens, auxquelles la suite de nos travaux devait permettre d'apporter une réponse. Je vous propose de procéder en deux temps : d'une part, en rappelant nos « conclusions provisoires » de janvier dernier afin de voir quelles confirmations, quelles inflexions ou quels compléments il convient d'apporter aujourd'hui ; d'autre part, en tentant de répondre aux questions demeurées ouvertes.

Premièrement, quelles étaient nos premières préconisations et en quoi avons-nous pu affiner notre position à leur égard ?Penchons-nous tout d'abord sur le réseau d'enseignement à l'étranger. Nous recommandions de plafonner la prise en charge des écolages des élèves français, en fonction du revenu des familles, selon un barème établi par pays de résidence. Les déplacements supplémentaires de la mission ne l'ont pas conduite à changer d'avis. Comme l'a évoqué le Président de la mission, je vous indique que j'ai reçu, conjointement avec une collègue sénatrice, une lettre de mission de la Présidence de la République, pour établir un état des lieux de la prise en charge de la scolarité des enfants français fréquentant le réseau de l'AEFE. Je suis certes familière de ce sujet mais je veux mener sans a priori l'évaluation qui m'a été demandée. Je ne doute pas cependant que les conclusions de cette étude seront conformes à ce que nous allons voter aujourd'hui.

Nous préconisions également de conforter le réseau « historique » des lycées français à l'étranger par la mise à niveau de leurs moyens, notamment immobiliers, mais également en personnel, afin de conserver à ce réseau son lien étroit avec l'Éducation nationale, tout en préservant son attractivité à l'égard des élèves tant français qu'étrangers. Nous ne pouvons que confirmer ce point. Dès lors, l'augmentation de la subvention à l'AEFE, même en ces périodes de gel annoncé des dépenses publiques, est nécessaire, à une quadruple fin : financer les conséquences de la prise en charge des écolages pour nos compatriotes expatriés ; mettre aux normes de sécurité et de confort le patrimoine immobilier remis en dotation à l'Agence ; conserver un minimum de personnel d'encadrement et d'enseignement expatrié ; enfin, maintenir le fonds de roulement de l'Agence à 30 jours au moins.

Nous suggérions de mettre en place la « quatrième catégorie » d'établissements sous forme de sections bilingues dans des établissements existants des pays d'accueil. Nous suggérions aussi de donner leur chance aux solutions alternatives à la construction d'établissements, par exemple selon la formule d'un trust ou d'une charter school dans les pays anglo-saxons, sous réserve de la compatibilité de tels modèles avec l'homologation de ces établissements par l'AEFE. Ces recommandations gardent toute leur pertinence.

Sur ce thème du rayonnement de la France par l'enseignement, la suite de nos travaux a permis à la mission de dresser de nouveaux constats en réponse aux questions qui avaient été laissées en suspens. À propos du statut différencié des personnels travaillant dans les établissements du réseau d'enseignement français à l'étranger – expatriés, résidents et recrutés locaux –, nous estimons que le risque existe qu'un malaise s'installe. Nous l'avons senti là où nous sommes passés. Alors que nous pensions que le problème était de nature plutôt administrative, nous avons progressivement pris conscience de son caractère plus profond. Un besoin de dialogue accru s'impose donc, par exemple sous la forme d'un groupe de travail, y compris avec des représentants de l'Éducation nationale, afin d'apporter un remède avant que la situation n'empire.

À propos du pilotage local des lycées et des rôles respectifs de l'ambassade et des pôles régionaux de l'AEFE, nous préconisons la généralisation de véritables antennes régionales au plus près de l'ambassadeur du pays où elles sont implantées. Et nous plaidons pour que les instructions à son fonctionnement harmonieux et à son rayonnement adressées à chaque ambassadeur de France soulignent son devoir de veiller à la bonne marche du réseau. L'implication personnelle de l'ambassadeur est un facteur-clef.

S'agissant du recours au « mécénat d'entreprise » pour accompagner le développement du réseau des lycées français à l'étranger, je dois à la vérité de dire que nous ne pouvons pas raisonnablement compter sur cette ressource comme un financement alternatif, fiable et puissant de l'enseignement français à l'étranger.

Enfin, pour ce qui est des débouchés de l'enseignement secondaire français à l'étranger après le baccalauréat et de l'impact de cette situation sur le rayonnement de l'enseignement secondaire et supérieur français, nos auditions et déplacements complémentaires ont plutôt conduit à assombrir le paysage. La prise de conscience d'une réelle faiblesse française dans ce domaine crucial a toutefois gagné du terrain. La mission plaide pour que ce problème soit encore mieux pris en compte, y compris dans le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État que nous examinerons prochainement ; y compris également au titre des projets financés par le « grand emprunt ».

J'en viens à présent auréseau culturel. Quelles étaient nos recommandations dans ce domaine, en janvier dernier ? Nous demandions que soient levés sans délai les obstacles juridiques à la généralisation du modèle de l'unique établissement à autonomie financière par pays. Avec le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État, cette urgence n'est que plus urgente encore aujourd'hui.

De façon préalable à toute réforme supplémentaire, nous souhaitions que soit définie une stratégie pour l'action culturelle précisant à la fois les buts à atteindre, les moyens humains et matériels pour le faire, et les responsabilités de chacun dans le pilotage et la mise en oeuvre. Ce sera, espérons-le, le rôle que jouera le conseil d'orientation de la future agence culturelle, une fois votée la loi relative à l'action extérieure de l'État. C'est par la volonté du Parlement que cette mention particulière a été inscrite dans le projet de loi ; nous devons donc veiller à ce que la définition d'une stratégie ne reste pas un voeu pieux ou un slogan.

Nous recommandions, une fois établie la stratégie, que s'engage, pour une mise en oeuvre à l'échelon local, une fusion des réseaux des centres et instituts culturels – regroupés en un seul EAF – d'une part, et des Alliances françaises d'autre part, sous le label des Alliances. C'est là une proposition-phare de la mission et elle n'est pas passée inaperçue dans le réseau. Depuis lors, nous avons d'ailleurs noté que le ministre et le Président de la Fondation Alliance française n'avaient jamais plaidé aussi ostensiblement pour un rapprochement entre les deux réseaux. La mission ne voit pas ici le solde de tout compte, mais bien plutôt un encouragement à aller plus loin. C'est pourquoi je veux préciser les choses afin que notre proposition ne soit pas mal comprise : il ne s'agit pas de licencier du personnel et de rechercher d'abord et avant tout des économies budgétaires ; il ne s'agit pas de supprimer tout un réseau pour le faire absorber « en bloc » par un autre. Il s'agit de reconnaître la valeur inestimable des Alliances françaises, de leur modèle de fonctionnement associatif local, en partenariat étroit avec les pouvoirs publics français ; il s'agit de généraliser la constitution d'un relais d'influence de la France, de sa langue et de sa culture, qui fonctionnerait sous la marque mondialement reconnue d'« Alliance française », avec un conseil d'administration présidé par une personnalité locale, et avec l'appui de personnels français, y compris en position de détachement ou de mise à disposition. Cet établissement financièrement autonome donnerait des cours de langue et organiserait des manifestations culturelles tout à la fois. À vrai dire, si l'on devait fournir un exemple, c'est un peu celui, très brillant, de l'Alliance française de Buenos Aires dont nous souhaiterions que l'on s'inspire partout où cela est possible.

Nous demandions que soient mieux formés les agents du réseau culturel − en formation initiale et en formation continue. Symétriquement, nous souhaitions valoriser les expériences de terrain réussies et encourager la diffusion de bonnes pratiques. Sur ce point, la mission a conforté sa conviction. Elle a noté avec grand intérêt l'accent mis par le ministre lui-même avec beaucoup de force, et le déploiement de moyens qu'il faut saluer en espérant qu'ils perdurent.

Enfin, justement à propos de moyens, nous plaidions pour que le Gouvernement ne diminue pas les crédits d'intervention du réseau culturel en deçà de l'étiage qu'ils ont atteint en 2009, et pour qu'il les augmente autant que le permettrait la situation du budget de l'État, afin d'accompagner la réforme en cours. Avant tout, nous souhaitions que soit donné aux gestionnaires un minimum de garantie à moyen terme quant aux moyens alloués. La suite et la fin de nos travaux ont corroboré cette analyse.

Pour ce réseau culturel, quels constats et quelles recommandations supplémentaires ? Tout d'abord, le devenir de l'agence culturelle dont la création est contenue dans le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État est une vive préoccupation pour les agents du réseau. Nous préconisons donc la rapide mise en place de l'agence à la lumière des remarquables travaux de M. Dominique de Combles de Nayves et, tout en comprenant les contraintes du ministre à ce sujet, nous recommandons un périmètre plus ambitieux pour cette agence. Nos débats de commission puis nos débats en séance publique sur le projet de loi seront l'occasion d'y revenir.

Sur un thème très voisin, la mission n'a pas voulu éluder la « tarte à la crème » de l'éventuelle recomposition des tutelles ministérielles dans le champ de l'action culturelle extérieure. Celle-ci relève-t-elle davantage du Quai d'Orsay ou de la rue de Valois ? Notre conclusion est que cette polémique est très française… et décidément inutile. Les deux ministères doivent coopérer pour alimenter le réseau et développer la formation des agents qui y travaillent. Nous le dirons dans le rapport.

Le rôle des collectivités territoriales dans le rayonnement de la France à l'étranger par sa culture est un domaine que nous avons abordé à la fin de nos travaux et le rapport écrit de la mission insistera pour que leurs initiatives soient mieux connues et davantage valorisées.

Enfin, concernant l'inclusion dans la réflexion de la mission de l'outil audiovisuel, c'est bien évidemment un sujet majeur dans le monde d'aujourd'hui. Il nécessiterait une mission d'information à part entière, par exemple sous la forme d'un suivi des préconisations que notre commission avait formulées à ce sujet à la fin de la précédente législature. Nous l'avons, pour notre part, effleuré avec tel ou tel de nos interlocuteurs mais il serait aventureux de présenter des recommandations précises alors que le champ de notre mission était déjà fort vaste et n'a pas suffisamment inclus cette question.

Auterme d'un an de travaux, et en considérant la liste des recommandations que la mission formule, je voudrais conclure par un point de méthode tout simple mais à rappeler avec force : notre diplomatie d'influence est en quête de stratégie, et c'est par là qu'il convient de commencer. Pour notre réseau d'enseignement, la stratégie est aisée à dessiner. Nous avons là un formidable outil d'influence, envié par tous. Cet outil doit être conforté, et son succès poursuivi dans le champ de l'enseignement supérieur. La stratégie est moins évidente pour le réseau culturel ; les débats sur la dénomination d'une agence dont le périmètre et les missions sont encore mal stabilisés sont symptomatiques à cet égard. Il faut donc donner à ce réseau une stratégie avant toute chose. Le mariage harmonieux entre les « pays à Institut » et les « pays à Alliances » est pour la mission l'objectif à atteindre. Ce sera peut-être pour la « RGPP 2 ».

Mme Martine Aurillac. Je tiens à saluer l'excellent travail, très dense, de la mission à laquelle j'ai participé. La discussion d'aujourd'hui me paraît devoir porter surtout sur l'enseignement français à l'étranger, puisque les questions culturelles seront abordées lors de la réunion de demain sur l'examen du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État.

Concernant l'enseignement, je partage l'essentiel des conclusions du rapport. Nous disposons d'un outil unique au monde, doté de structures, d'équipements importants, et de personnels de très grande qualité. Toutefois, nous devons le conforter, car il ne peut pas tout faire tout seul. Il faut notamment améliorer le statut des coopérants, qui font un travail remarquable.

S'agissant de notre rayonnement culturel, la discussion sur le rapport d'Hervé Gaymard relatif au projet de loi de réforme de notre action extérieure sera l'occasion d'obtenir des éclaircissements sur des propositions qui ont suscité, pour dire le moins, un certain étonnement de la part des observateurs de cette matière. Quoi qu'il en soit, j'estime que notre action culturelle internationale manque cruellement de vision stratégique, celle-ci devant s'accompagner des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre.

PermalienPhoto de Jean-Louis Bianco

Je tiens également à remercier le Président et le Rapporteur pour la qualité de leur travail, et m'inscris également en accord avec la majorité des conclusions de la mission.

La France, et donc le Gouvernement actuel, doit clarifier ce qu'il entend par l'expression « stratégie d'influence ». Cela ne saurait revenir à mettre la culture au service de la diplomatie, mais cela ne peut pour autant impliquer de mettre notre diplomatie au service de la culture. La France ne peut soumettre la culture à des impératifs stratégiques, mais il ne faudrait pas pour autant céder aux lobbies culturels qui poussent à la diffusion des artistes français à l'étranger. La France doit défendre la diversité culturelle, et lutter contre toute forme d'hégémonie dans ce domaine. Je partage le constat d'une absence de stratégie, et d'un manque de moyens.

Je veux également souligner que je m'oppose à la mesure de gratuité de l'enseignement français à l'étranger. Personne ne soutient cette mesure. Sur ce point, la réaction de l'exécutif n'est pas acceptable. Il n'y a pas besoin d'une nouvelle évaluation ; la mission l'a déjà faite, et elle est de toute façon relativement simple à établir et ne nécessite pas une nouvelle analyse d'un an.

Sur l'audiovisuel, nous avons l'impression d'une grande incohérence, d'une dispersion des moyens et d'une efficacité plus que douteuse des dispositifs existants.

PermalienPhoto de Robert Lecou

Les conclusions de la mission correspondent à ce que tout le monde ressent. La difficulté des membres de la mission à assister à toutes les réunions s'explique aussi par l'inflation législative, qui devient préoccupante.

Cette mission d'information était nécessaire. Trop souvent, les discours entendus évoquent une France qui perdrait pied, un constat qui ne correspond pas toujours à la réalité. Aux Émirats arabes unis, la présence du Louvre et de la Sorbonne montre que l'envie de France existe. Dans le monde, la « marque France » est plébiscitée. Il reste des marges de progression pour l'influence de notre pays. Je rappellerai à cet égard qu'en Inde, seulement 5 % de la population parle anglais.

Je veux aussi souligner la qualité de l'activité des Alliances françaises, dont le travail, remarquable, relève parfois de la vocation. Il est important de noter combien les personnels locaux sont dévoués dans les Alliances. Il faut que nos postes diplomatiques soient impliqués dans le rayonnement de la France à l'étranger.

Il existe une difficulté spécifique, en matière d'audiovisuel. Les chaînes françaises, et francophones, ne sont pas assez facilement accessibles à l'étranger.

La France doit également prendre en considération le travail effectué par les collectivités locales, dans le cadre de la coopération décentralisée, qui sert au rayonnement du pays. Une autre dimension à prendre en compte, et qui n'est pas assez mise en avant aujourd'hui, c'est la dimension européenne. Trop souvent, l'Europe est invisible à l'étranger, alors qu'elle pourrait représenter beaucoup.

Enfin, je veux rappeler que l'absence de déplacement de la mission en Afrique n'est en rien révélatrice d'un manque d'intérêt, au contraire. Nous sommes conscients que, souvent, ce sont les Africains qui défendent la langue française dans le monde.

PermalienPhoto de André Schneider

Je n'ai pas pu m'investir comme je le souhaitais dans la mission car j'ai été désigné corapporteur de la mission d'évaluation et de contrôle constituée à la commission des finances portant précisément sur la place du français et l'enseignement dans notre langue de par le monde.

Dans ces travaux, nous avons mangé la « tarte à la crème » évoquée par la Rapporteure ! Nous avons pu constater combien les différentes compétences, les règles d'affectation et toutes ces complications nuisaient considérablement à la lisibilité de l'ensemble. Les questions de gestion, de propriété, de matériels, sont bien sûr quelque chose qui compte mais en termes stratégiques, nous devons réfléchir à la place du français dans le monde, à l'enseignement du français dans le monde, et au rayonnement du français.

Sur la question de la gratuité de l'enseignement français à l'étranger, nous avons beaucoup étudié le problème, et nous avons constaté qu'en réalité, les gens qui bénéficient de ce système ne demandaient rien… On aurait pu donner à ceux qui demandent au lieu d'accorder un avantage à ceux qui ne le demandaient pas. Mais le vrai problème dans ce domaine, c'est l'inégalité qu'une telle mesure va générer entre les Français et les étrangers, qui n'ont pas droit à la gratuité et seront ceux sur qui le financement de cette mesure va reposer in fine.

Par ailleurs, dans l'enseignement français à l'étranger, il y a effectivement un problème de moyens. Toutefois, il faut veiller à maintenir une évaluation correcte, et systématique, de tous ces personnels. Il faut aussi faire en sorte qu'une rotation suffisante soit observée ; la sédentarisation à l'étranger des personnels du réseau n'est pas de bonne politique.

Enfin, il ne faut pas oublier le rôle important de la francophonie, et de la diplomatie parlementaire.

M. Serge Janquin. Si les thèmes de cette mission d'information semblent bien connus, ils cachent en fait une grande complexité tant les statuts des personnels et la nature des institutions qui participent au rayonnement de la France sont divers. Le rapport de la mission d'information a su dépasser cette complexité pour aboutir à une vision politique dont l'objectif est de mettre un terme au fatalisme et au sentiment de renonciation qui a longtemps prévalu dans ce domaine. Pour ce faire, l'accent est mis sur la nécessité de définir une stratégie et de structurer les moyens pour accroître leur efficacité. Tout cela me semble aller dans la bonne direction. Le président et la rapporteure ont évoqué certains éléments de faiblesse du dispositif actuel destiné à assurer le rayonnement culturel et je voudrais revenir sur deux points. Je m'interroge d'abord sur le projet de création d'une agence chargée de conduire l'action culturelle extérieure : ce terme signifie pour moi un affaiblissement de la volonté de l'Etat, une prise de distance de celui-ci par rapport aux missions dont l'agence sera chargée et il me semble que ce n'est pas ce dont le rayonnement de la France a aujourd'hui besoin. Je m'inquiète ensuite des moyens et des financements dont disposera à l'avenir le rayonnement culturel de la France. Ni le président, ni la rapporteure, qui ont aussi exprimé leurs préoccupations dans ce domaine, n'y peuvent à l'évidence rien mais il me semble que sans renforcement de ces moyens, les autres préconisations risquent de demeurer des voeux pieux.

Sur la forme, je souhaiterais que, dans le document de synthèse du rapport, l'expression « dose d'enseignement couleur locale » soit remplacée par une formule plus neutre comme par exemple « option d'enseignement liée à l'histoire et à la culture locales ».

PermalienPhoto de Didier Mathus

Sans remettre en cause un instant la qualité du travail conduit par le président et la rapporteure, je regrette, tout comme M. François Loncle, que la commission n'ait pas choisi de nommer un tandem pluraliste à la tête de cette mission d'information. Ayant participé aux travaux de la mission, je peux témoigner de la volonté permanente du président et de la rapporteure de redonner du « punch » à la présence de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Toute réflexion doit partir du constat du recul marqué de la langue française partout dans le monde.

Il est vrai que les lycées français fonctionnent bien mais leur attrait est plus lié à l'outil de sélection qu'ils constituent qu'au fait que l'enseignement y est dispensé en français. Je déplore l'absence de volonté politique en faveur de l'attractivité de notre enseignement supérieur. Il me semble que ce sujet aurait dû être davantage traité dans le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'Etat. Alors que la demande de culture française est immense, les institutions ne sont pas à la hauteur de ce potentiel exceptionnel.

J'insisterai enfin sur la question de l'audiovisuel extérieur qui n'était pas un thème central des travaux de la mission d'information bien que l'on ne puisse pas traiter du rayonnement d'une langue et d'une culture sans prendre en compte le fait que les principaux vecteurs de leur diffusion sont la télévision et l'Internet. Si la culture anglo-saxonne est devenue aussi dominante, c'est qu'elle a parfaitement su s'adapter à ces vecteurs. Le retard pris par le français est largement imputable au retard pris dans l'utilisation de ces outils de diffusion.

PermalienPhoto de Henriette Martinez

Dans le cadre de mes fonctions de présidente par délégation de la section française de l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) je constate régulièrement que l'enseignement de la langue française ne régresse pas. J'ai pu mesurer la semaine dernière, à l'occasion d'un déplacement en Arménie, à quel point les établissements scolaires assurant un enseignement en français et l'université française d'Erevan étaient prisés. Il me semble que la France n'a pas à rougir des efforts qu'elle consent en faveur de la francophonie car elle est le seul état francophone à mener des actions en ce sens. Je juge primordial que notre pays mette en place des partenariats de terrain avec d'autres grands pays francophones comme la Belgique ou le Québec, car elle ne doit pas être seule à défendre concrètement la francophonie. La mission a-t-elle eu l'occasion d'avoir connaissance de l'existence de partenariats de ce type ?

Je suis également inquiète des débouchés offerts aux étudiants ayant étudié le français. Je prépare actuellement un rapport pour l'APF sur la francophonie économique. Toujours à l'occasion du même voyage, j'ai appris que des étudiants arméniens parfaitement francophones qui étaient candidats à des emplois dans de grandes entreprises françaises avaient dû passer des entretiens en anglais. Je trouve cela absolument scandaleux ! Il n'y a aucune raison que l'anglais soit la seule langue de l'économie. C'est pourquoi je juge indispensable de renforcer le lien entre francophonie culturelle et francophonie économique.

M. Michel Vauzelle. J'adresse mes compliments à la mission d'information. Je considère que le titre II de la synthèse de son rapport « du rayonnement à l'influence, comment réussir une transition douloureuse » est effectivement douloureux. Il me semble que la France est une grande puissance culturelle qui peut encore prétendre au rayonnement et pas à une vague politique d'influence.

Quand un pays ne dispose plus des moyens économiques de sa politique culturelle – qui doit être porteuse d'esthétique et d'éthique –, il lui reste les moyens audiovisuels. Or dès qu'on franchit nos frontières, on ne peut que s'interroger sur l'absence des chaînes de télévision françaises à l'étranger. Il est préoccupant que cette question pourtant récurrente ne parvienne pas à trouver une solution.

Le recul de la langue française est également douloureux. On le constate chez nos voisins, en Espagne, en Italie ou à Bruxelles, mais aussi sur des continents plus éloignés alors que les peuples manifestent une soif de langue et de culture françaises. Pervertie par l'esprit de la révision générale des politiques publiques (RGPP), notre action n'est pas à la hauteur de ces attentes. Je considère que cette action devrait être préservée de la RGPP afin de permettre à la France de demeurer la grande puissance qu'elle est encore.

Sur le cas de l'Inde, je rappellerai que dans toutes les anciennes colonies ayant dépendu des Britanniques la France peine à redresser l'image que ces derniers avaient présentée d'elle.

Je salue le patriotisme culturel du président et de la rapporteure. Ce sentiment que je partage impose à l'Etat de sanctuariser les moyens de notre rayonnement culturel.

En conclusion, il ne faut pas négliger que la disparition des régions au profit des métropoles, prévue par la réforme des collectivités territoriales à venir, risque de fragiliser encore plus notre dispositif en faveur de l'influence française dans le monde.

PermalienPhoto de Hervé Gaymard

J'adresse également mes félicitations à la mission pour son travail remarquable et utile. Sans anticiper sur le débat de demain matin, je tiens à souligner que le projet de loi que nous examinerons n'est pas un texte définitif mais évolutif. Cette caractéristique justifie la présentation de ce rapport aujourd'hui mais aussi, pour l'avenir, le fait que la Commission continue à suivre méticuleusement ce dossier.

PermalienPhoto de Jean-Michel Boucheron

Je m'étonne que dans la bataille engagée pour notre influence dans le monde le Gouvernement semble ignorer les nouvelles technologies qui sont pourtant appelées à jouer un rôle déterminant. Quelle est l'analyse du Gouvernement sur ce point ? Soutient-il des projets novateurs dans ce domaine ? Je sais par exemple qu'existe un logiciel expérimental de traduction automatique – qui permet une conversation téléphonique entre deux personnes qui ne parlent pas la même langue. Toutes les langues, à l'exception de l'anglais et du chinois, sont aujourd'hui menacées. L'enseignement du français ne passera à l'avenir que par les nouvelles technologies. Je souhaiterais donc savoir quel est l'état de la réflexion du Gouvernement sur cette question. On ne peut malheureusement pas s'en tenir à un combat d'arrière-garde en dépit du talent et de la conviction avec lesquels on le mène.

M. François Rochebloine, Président. Je remercie tous les intervenants, dont plusieurs d'entre eux étaient membres de la mission, qui ont formulé plus de remarques que de questions. Je les partage en grande partie. Je partage également l'avis d'Henriette Martinez sur l'Arménie que je connais bien. Ce qu'elle dénonce est tout à fait regrettable.

Il est important de montrer les effets pervers de la politique de gratuité dans les lycées français. Nous avons eu l'exemple au Chili d'une famille de trois enfants que la gratuité a mis en difficulté : en effet, les deux aînés étant pris en charge, la base de ressources prise en compte pour le calcul de la bourse du troisième avait mécaniquement augmenté, de sorte que la famille devait payer là où auparavant elle ne déboursait rien. De même, il faut savoir que cette politique a conduit à attirer des enfants français vers certains lycées du réseau de l'AEFE alors qu'ils étaient auparavant scolarisés dans d'autres établissements, et à marginaliser des enfants étrangers qui ne peuvent plus assumer les frais.

Jean-Michel Boucheron souligne un véritable problème. Ces logiciels sont remarquables et l'on échappera effectivement aux nouvelles technologies. Mme Geneviève Colot, Rapporteure. En réponse au commentaire de M. Robert Lecou, je précise que la mission a choisi de se déplacer dans des régions où l'on ne se rend pas fréquemment, tels que les Emirats ou l'Argentine, de manière à élargir notre étude à d'autres pays que ceux, plus classiques, et mieux connus de l'Afrique francophone.

Quant aux partenariats que Mme Henriette Martinez appelle de ses voeux avec d'autres pays francophones, nous n'en avons jamais vu ! La France est seule à déployer un tel réseau d'enseignement en français à l'étranger et personne ne lui apporte son aide. Peut-être l'OIF pourrait-elle prendre l'initiative d'une démarche en ce sens. Je suis également très favorable à l'articulation entre francophonie culturelle et francophonie économique et je souhaite que le rapport de Mme Henriette Martinez soit effectivement insistant sur ce point.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je remercie la mission pour la qualité de son travail, même si la question de la télévision n'a pas été abordée. À ce sujet, il faut rappeler qu'il y a des divergences fortes, de fond, au sein de la commission des affaires étrangères, sur la nature de la télévision que l'on entend promouvoir : s'agit-il d'une télévision en français ou en langue étrangère ? Ce point est fondamental. Je fais partie de ceux qui sont partisans d'une télévision en français, et qui considèrent que sinon, CNN ou la BBC, plus que France 24, sont aptes à diffuser des messages en anglais ! Il faudra en tout cas trancher avant d'aller plus loin sur cette question.

PermalienPhoto de Didier Mathus

Il faut savoir de quelle télévision l'on parle !

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je mets aux voix la publication du rapport.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

La séance est levée à douze heures cinquante. ____