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Intervention de Geneviève Colot

Réunion du 11 mai 2010 à 11h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Colot, rapporteure :

Monsieur le Président, mes chers collègues, je veux tout d'abord remercier publiquement, devant vous, le Président de la mission pour avoir conduit toutes les réunions que nous avons tenues et la quasi-totalité des déplacements que nous avons effectués, avec l'enthousiasme et la verve que vous lui connaissez tous et une chaleur humaine qui a toujours mis nos interlocuteurs en confiance. Cela nous a permis de nous affranchir de toute langue de bois, et le travail du Rapporteur que je suis n'en a été que plus intéressant et constructif.

S'agissant de la disponibilité des membres de la mission, le président a eu raison de dire qu'elle avait été variable mais il faut bien reconnaître que de par nos fonctions, nous sommes amenés à nous déplacer plus que d'autres ; je le mesure moi-même. Je ne voudrais donc pas que des critiques trop sévères atteignent nos collègues qui ont dû se faire excuser pour de nombreuses réunions mais je suis d'autant plus reconnaissante à ceux qui ont fait l'effort de participer assidûment à nos travaux.

Je voudrais également remercier à mon tour le président Axel Poniatowski qui nous a fait confiance et nous a donné les moyens de travailler largement, pendant une année, sur ces sujets-clefs de notre diplomatie d'influence, qui intéressent beaucoup également nos compatriotes installés à l'étranger. Enfin, je m'associe bien sûr aux remerciements envers les personnes que nous avons entendues mais surtout envers les ambassades, les lycées français, les centres et instituts culturels, les Alliances françaises et tous les autres organismes français et étrangers auxquels nous avons fait appel pour recueillir la « matière première » de notre rapport.

Il me revient donc de présenter les conclusions de la mission d'information, que nous avons adoptées tout à l'heure et que nous soumettons à présent à l'ensemble de la commission. Vous vous en souvenez, et le président l'a rappelé à l'instant : j'avais présenté devant vous notre rapport d'étape le 12 janvier dernier, alors que nous avions établi de premiers constats et formulé de premières préconisations. Nous avions aussi dressé la liste des questions à traiter ou laissées en suspens, auxquelles la suite de nos travaux devait permettre d'apporter une réponse. Je vous propose de procéder en deux temps : d'une part, en rappelant nos « conclusions provisoires » de janvier dernier afin de voir quelles confirmations, quelles inflexions ou quels compléments il convient d'apporter aujourd'hui ; d'autre part, en tentant de répondre aux questions demeurées ouvertes.

Premièrement, quelles étaient nos premières préconisations et en quoi avons-nous pu affiner notre position à leur égard ?Penchons-nous tout d'abord sur le réseau d'enseignement à l'étranger. Nous recommandions de plafonner la prise en charge des écolages des élèves français, en fonction du revenu des familles, selon un barème établi par pays de résidence. Les déplacements supplémentaires de la mission ne l'ont pas conduite à changer d'avis. Comme l'a évoqué le Président de la mission, je vous indique que j'ai reçu, conjointement avec une collègue sénatrice, une lettre de mission de la Présidence de la République, pour établir un état des lieux de la prise en charge de la scolarité des enfants français fréquentant le réseau de l'AEFE. Je suis certes familière de ce sujet mais je veux mener sans a priori l'évaluation qui m'a été demandée. Je ne doute pas cependant que les conclusions de cette étude seront conformes à ce que nous allons voter aujourd'hui.

Nous préconisions également de conforter le réseau « historique » des lycées français à l'étranger par la mise à niveau de leurs moyens, notamment immobiliers, mais également en personnel, afin de conserver à ce réseau son lien étroit avec l'Éducation nationale, tout en préservant son attractivité à l'égard des élèves tant français qu'étrangers. Nous ne pouvons que confirmer ce point. Dès lors, l'augmentation de la subvention à l'AEFE, même en ces périodes de gel annoncé des dépenses publiques, est nécessaire, à une quadruple fin : financer les conséquences de la prise en charge des écolages pour nos compatriotes expatriés ; mettre aux normes de sécurité et de confort le patrimoine immobilier remis en dotation à l'Agence ; conserver un minimum de personnel d'encadrement et d'enseignement expatrié ; enfin, maintenir le fonds de roulement de l'Agence à 30 jours au moins.

Nous suggérions de mettre en place la « quatrième catégorie » d'établissements sous forme de sections bilingues dans des établissements existants des pays d'accueil. Nous suggérions aussi de donner leur chance aux solutions alternatives à la construction d'établissements, par exemple selon la formule d'un trust ou d'une charter school dans les pays anglo-saxons, sous réserve de la compatibilité de tels modèles avec l'homologation de ces établissements par l'AEFE. Ces recommandations gardent toute leur pertinence.

Sur ce thème du rayonnement de la France par l'enseignement, la suite de nos travaux a permis à la mission de dresser de nouveaux constats en réponse aux questions qui avaient été laissées en suspens. À propos du statut différencié des personnels travaillant dans les établissements du réseau d'enseignement français à l'étranger – expatriés, résidents et recrutés locaux –, nous estimons que le risque existe qu'un malaise s'installe. Nous l'avons senti là où nous sommes passés. Alors que nous pensions que le problème était de nature plutôt administrative, nous avons progressivement pris conscience de son caractère plus profond. Un besoin de dialogue accru s'impose donc, par exemple sous la forme d'un groupe de travail, y compris avec des représentants de l'Éducation nationale, afin d'apporter un remède avant que la situation n'empire.

À propos du pilotage local des lycées et des rôles respectifs de l'ambassade et des pôles régionaux de l'AEFE, nous préconisons la généralisation de véritables antennes régionales au plus près de l'ambassadeur du pays où elles sont implantées. Et nous plaidons pour que les instructions à son fonctionnement harmonieux et à son rayonnement adressées à chaque ambassadeur de France soulignent son devoir de veiller à la bonne marche du réseau. L'implication personnelle de l'ambassadeur est un facteur-clef.

S'agissant du recours au « mécénat d'entreprise » pour accompagner le développement du réseau des lycées français à l'étranger, je dois à la vérité de dire que nous ne pouvons pas raisonnablement compter sur cette ressource comme un financement alternatif, fiable et puissant de l'enseignement français à l'étranger.

Enfin, pour ce qui est des débouchés de l'enseignement secondaire français à l'étranger après le baccalauréat et de l'impact de cette situation sur le rayonnement de l'enseignement secondaire et supérieur français, nos auditions et déplacements complémentaires ont plutôt conduit à assombrir le paysage. La prise de conscience d'une réelle faiblesse française dans ce domaine crucial a toutefois gagné du terrain. La mission plaide pour que ce problème soit encore mieux pris en compte, y compris dans le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État que nous examinerons prochainement ; y compris également au titre des projets financés par le « grand emprunt ».

J'en viens à présent auréseau culturel. Quelles étaient nos recommandations dans ce domaine, en janvier dernier ? Nous demandions que soient levés sans délai les obstacles juridiques à la généralisation du modèle de l'unique établissement à autonomie financière par pays. Avec le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État, cette urgence n'est que plus urgente encore aujourd'hui.

De façon préalable à toute réforme supplémentaire, nous souhaitions que soit définie une stratégie pour l'action culturelle précisant à la fois les buts à atteindre, les moyens humains et matériels pour le faire, et les responsabilités de chacun dans le pilotage et la mise en oeuvre. Ce sera, espérons-le, le rôle que jouera le conseil d'orientation de la future agence culturelle, une fois votée la loi relative à l'action extérieure de l'État. C'est par la volonté du Parlement que cette mention particulière a été inscrite dans le projet de loi ; nous devons donc veiller à ce que la définition d'une stratégie ne reste pas un voeu pieux ou un slogan.

Nous recommandions, une fois établie la stratégie, que s'engage, pour une mise en oeuvre à l'échelon local, une fusion des réseaux des centres et instituts culturels – regroupés en un seul EAF – d'une part, et des Alliances françaises d'autre part, sous le label des Alliances. C'est là une proposition-phare de la mission et elle n'est pas passée inaperçue dans le réseau. Depuis lors, nous avons d'ailleurs noté que le ministre et le Président de la Fondation Alliance française n'avaient jamais plaidé aussi ostensiblement pour un rapprochement entre les deux réseaux. La mission ne voit pas ici le solde de tout compte, mais bien plutôt un encouragement à aller plus loin. C'est pourquoi je veux préciser les choses afin que notre proposition ne soit pas mal comprise : il ne s'agit pas de licencier du personnel et de rechercher d'abord et avant tout des économies budgétaires ; il ne s'agit pas de supprimer tout un réseau pour le faire absorber « en bloc » par un autre. Il s'agit de reconnaître la valeur inestimable des Alliances françaises, de leur modèle de fonctionnement associatif local, en partenariat étroit avec les pouvoirs publics français ; il s'agit de généraliser la constitution d'un relais d'influence de la France, de sa langue et de sa culture, qui fonctionnerait sous la marque mondialement reconnue d'« Alliance française », avec un conseil d'administration présidé par une personnalité locale, et avec l'appui de personnels français, y compris en position de détachement ou de mise à disposition. Cet établissement financièrement autonome donnerait des cours de langue et organiserait des manifestations culturelles tout à la fois. À vrai dire, si l'on devait fournir un exemple, c'est un peu celui, très brillant, de l'Alliance française de Buenos Aires dont nous souhaiterions que l'on s'inspire partout où cela est possible.

Nous demandions que soient mieux formés les agents du réseau culturel − en formation initiale et en formation continue. Symétriquement, nous souhaitions valoriser les expériences de terrain réussies et encourager la diffusion de bonnes pratiques. Sur ce point, la mission a conforté sa conviction. Elle a noté avec grand intérêt l'accent mis par le ministre lui-même avec beaucoup de force, et le déploiement de moyens qu'il faut saluer en espérant qu'ils perdurent.

Enfin, justement à propos de moyens, nous plaidions pour que le Gouvernement ne diminue pas les crédits d'intervention du réseau culturel en deçà de l'étiage qu'ils ont atteint en 2009, et pour qu'il les augmente autant que le permettrait la situation du budget de l'État, afin d'accompagner la réforme en cours. Avant tout, nous souhaitions que soit donné aux gestionnaires un minimum de garantie à moyen terme quant aux moyens alloués. La suite et la fin de nos travaux ont corroboré cette analyse.

Pour ce réseau culturel, quels constats et quelles recommandations supplémentaires ? Tout d'abord, le devenir de l'agence culturelle dont la création est contenue dans le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État est une vive préoccupation pour les agents du réseau. Nous préconisons donc la rapide mise en place de l'agence à la lumière des remarquables travaux de M. Dominique de Combles de Nayves et, tout en comprenant les contraintes du ministre à ce sujet, nous recommandons un périmètre plus ambitieux pour cette agence. Nos débats de commission puis nos débats en séance publique sur le projet de loi seront l'occasion d'y revenir.

Sur un thème très voisin, la mission n'a pas voulu éluder la « tarte à la crème » de l'éventuelle recomposition des tutelles ministérielles dans le champ de l'action culturelle extérieure. Celle-ci relève-t-elle davantage du Quai d'Orsay ou de la rue de Valois ? Notre conclusion est que cette polémique est très française… et décidément inutile. Les deux ministères doivent coopérer pour alimenter le réseau et développer la formation des agents qui y travaillent. Nous le dirons dans le rapport.

Le rôle des collectivités territoriales dans le rayonnement de la France à l'étranger par sa culture est un domaine que nous avons abordé à la fin de nos travaux et le rapport écrit de la mission insistera pour que leurs initiatives soient mieux connues et davantage valorisées.

Enfin, concernant l'inclusion dans la réflexion de la mission de l'outil audiovisuel, c'est bien évidemment un sujet majeur dans le monde d'aujourd'hui. Il nécessiterait une mission d'information à part entière, par exemple sous la forme d'un suivi des préconisations que notre commission avait formulées à ce sujet à la fin de la précédente législature. Nous l'avons, pour notre part, effleuré avec tel ou tel de nos interlocuteurs mais il serait aventureux de présenter des recommandations précises alors que le champ de notre mission était déjà fort vaste et n'a pas suffisamment inclus cette question.

Auterme d'un an de travaux, et en considérant la liste des recommandations que la mission formule, je voudrais conclure par un point de méthode tout simple mais à rappeler avec force : notre diplomatie d'influence est en quête de stratégie, et c'est par là qu'il convient de commencer. Pour notre réseau d'enseignement, la stratégie est aisée à dessiner. Nous avons là un formidable outil d'influence, envié par tous. Cet outil doit être conforté, et son succès poursuivi dans le champ de l'enseignement supérieur. La stratégie est moins évidente pour le réseau culturel ; les débats sur la dénomination d'une agence dont le périmètre et les missions sont encore mal stabilisés sont symptomatiques à cet égard. Il faut donc donner à ce réseau une stratégie avant toute chose. Le mariage harmonieux entre les « pays à Institut » et les « pays à Alliances » est pour la mission l'objectif à atteindre. Ce sera peut-être pour la « RGPP 2 ».

Mme Martine Aurillac. Je tiens à saluer l'excellent travail, très dense, de la mission à laquelle j'ai participé. La discussion d'aujourd'hui me paraît devoir porter surtout sur l'enseignement français à l'étranger, puisque les questions culturelles seront abordées lors de la réunion de demain sur l'examen du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État.

Concernant l'enseignement, je partage l'essentiel des conclusions du rapport. Nous disposons d'un outil unique au monde, doté de structures, d'équipements importants, et de personnels de très grande qualité. Toutefois, nous devons le conforter, car il ne peut pas tout faire tout seul. Il faut notamment améliorer le statut des coopérants, qui font un travail remarquable.

S'agissant de notre rayonnement culturel, la discussion sur le rapport d'Hervé Gaymard relatif au projet de loi de réforme de notre action extérieure sera l'occasion d'obtenir des éclaircissements sur des propositions qui ont suscité, pour dire le moins, un certain étonnement de la part des observateurs de cette matière. Quoi qu'il en soit, j'estime que notre action culturelle internationale manque cruellement de vision stratégique, celle-ci devant s'accompagner des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre.

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